Titre : L'Action française : organe du nationalisme intégral / directeur politique : Henri Vaugeois ; rédacteur en chef : Léon Daudet
Auteur : Action française. Auteur du texte
Éditeur : Action française (Paris)
Date d'édition : 1925-05-13
Contributeur : Vaugeois, Henri (1864-1916). Directeur de publication
Contributeur : Daudet, Léon (1867-1942). Directeur de publication
Contributeur : Maurras, Charles (1868-1952). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 mai 1925 13 mai 1925
Description : 1925/05/13 (Numéro 133). 1925/05/13 (Numéro 133).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k762313t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-6354
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/01/2011
Bïx-Emtîemë annee — 13S
MercreS! mal 1925
5
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20 centimes. D épabtrhtois cr CouanriT
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France et Colonies. 48 fr. 36 fr. iB fr.
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ORGANE DU NATIONALISME INTÉGRAL
« Tout ce qui est national est notre. »
Le Duc d'ORLÉANS
hértfler «tes qœu-anto Rois qui en mille ans ftreat la
&2SA.CTIOS * A.DMIBISTJ! ATIO81
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I t&égnpbfapia : ACTIOFBJLH-PàRIg
Téléphone : Adwiinisiration : Louvre 1649, a6-So
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Après 10 heures dn soir : Ségut 11 -68
Begistro do Commerce : Seine S* j8.58a
Fondateur s HENRI TAUGEOIS — Directeurs politiques •• LÉON DAUDET et CHARLES MAURRAS —* Rédacteur en chef s MAURICE PUJO
10 inaL — Victoire électorale des vrais
républicains*
12 mai. ■— Projet Caillaux comportant
Fabandon des paiements allemands
aux Alliés et trois milliards d'impôts
nouveaux pour les Français!.
RECITS D'AUTREFOIS
Le 18 brumaire
Ees antécédents et les causes
LA POLITIQUE
Léon Àllard
Avant âç commenter le beau petit livre
sur. le Dix-huit brumaire^ que Jacques
Bainville publie chezllachette, il convient
d'en faire connaître aux lecteurs de fAc-
tion française quelques maîtresses pages.
En voici le premier chapitre:
Sainte-Beuve remarque dans ses Lun
dis que les tijpis mots qui caractérisent
les principales époques de la Révolution
ont été prononcés par Sieyès, homme
sentencieux. Au mouvement de 1789, il
avait donné sa formule : « Qu'est-ce que
le Tiers-Etat ? Rien. Que doit-il être Y
Tout. » De la Terreur, Sieyès disait sim
plement : « J'ai vécu. » A la fin du Direc
toire, il murmurait : « Je cherche une
épée. »
La Révolution en était là en 1799. Elle
avait besoin d'une épée, d'un militaire et
d'un coup d'Etat. H faut donc se défaire
tout de suite de l'idée que le 18 brumaire
ait été, dans son principe, un attentat
réactionnaire. On ne comprend bien cette
« journée » fameuse, qui continue tant de
«journées» révolutionnaires, qu'à la
condition de savoir qu'elle a été provo
quée dans l'intérêt de la Révolution, pour
raffermir la Révolution et en. poursuivre
le cours, par des hommes qui tenaient
au nouvel ordre de choses comme à leur
propre bien.
Il y avait déjà longtemps que les affai
res allaient mal. Les inquiétudes des diri
geants n'étaient pas nouvelles. Et la prin
cipale de ces inquiétudes, c'était que la
France, lasse du désordre, de la détresse
financière et surtout de la guerre sans
fin, ne retournât à la monarchie.
A cette époque, la réaction était le
parti de la paix. La Révolution voulait
et devait continuer la guerre. Deux ans
plus tôt, les élections ayant donné une
majorité de modérés et de royalistes, il
avait déjà fallu appeler un soldat. Augé-
reau et les grenadiers avaient chassé les
Conseils par le coup d'Etat de fructidor.
Et Augereau avait été désigné et prêté
pour cette opération par le général en
chef de l'armée d'Italie, qui, en vendé
miaire, s'était signalé à l'attention des
républicains en réprimant à Paris une
insurrection royaliste.
Ainsi les hommes de la Révolution
comptaient sur les militaires et les mili
taires étaient du parti de la Révolution,
qui était le parti de la guerre, contre la
« faction des anciennes limites », laquelle
voulait la paix et tendait au rétablisse
ment de la monarchie. Les intérêts des
révolutionnaires se confondaient avec
ceux de l'armée. Leurs intérêts, leurs
sentiments aussi. Hommes politiques et
généraux avaient l'habitude de travailler
ensemble. Il n'est donc pas étonnant que
Sieyès, en 1799, alarmé par l'état désas^
treux des affaires publiques, ait « cher
ché une épée'».- Il n'innovait même pas.
Mais s'il fallait un général, ce n'était
plus seulement pour écraser la contre-
révolution, comme en vendémiaire et en
fructidor. C'était pour rendre de la force
au gouvernement lui-même. Le Directoire
n'en pouvait plus. Fructidor, coup de
barre à gauche, avait rendu le pouvoir
aux jacobins : les choses, n'avaient pas
mieux marché. La violence s'était épuisée
vite. Elle n'avait pas ramené la victoire
pi rempli les caisses de l'Etat. L'anarchie
et la misère avaient encore grandi, le
mécontentement avec elles. Dans le
monde politique lui-même, personne
n'était satisfait, ni les Jacobins ardents,
ni un groupe nouveau, celui qu'on voit
toujours se former aux époques troublées
de notre histoire,, une aorte de «tiers-
parti », comme on disait au temps de la
>Ligue, et qui se composait de révolu
tionnaires authentiques, mais assagis,
sinon dégoûtés.
De ce groupe, Sieyès était l'âme. Déjà
une élection l'avait introduit dans le vieux
Directoire, qui tombait en pourriture, et ;
là, aidé dans les Conseils à la fois par
ees amis et par les jacobins, il avait con
duit l'attaque contre ses collègues. Au
cours de3 journées de prairial (juin 1799)
Sieyès avait réussi à se défaire de trois
des plus discrédités. Treilhard d'abord,
puis La Revellière et Merlin. Le cinquiè
me, l'intrigant Barras, avait été son com
plice. Cette fois, il n'avait pas été besoin
d'un « appel au soldat ». L'action parle
mentaire avait suffi. Mais, dans la cou
lisse, des généraux se tenaient prêts, s'il
l'avait fallu, pour expulser les Directeurs
rty alcitranîs. Fructidor et prairial
n'étaient que les étapes de brumaire, les
écoles du coup d'Etat que méditait Sieyès
et! que favorisaient des républicains
anxieux de se sauver eux-mêmes en sau
vant la République.
La situation ne s'améliorait pas sous
le Directoire « épuré », remanié, désor
mais composé de Gofaier, jacobin banal,
d'un général qui devait tout à la Répu
blique, Moulin, également venu du jaco
binisme, da Barras, de Roger-Ducos et
enfin de Sieyès. Pour peindre l'état des
choses, à tous les égards calamiteux, de
ces derniers mois, on disait à Pai^is, d'un
mot qui faisait fureur : «le margouillis
national ». } .......................
Sieyès jugeait bien que les choses ne
pouvaient continuer sans une catastrophe
à l'extérieur et à l'intérieur. Nos armées
fléchissaient sous la coalition. Le pays
était plus que las. Sieyès voyait venir la
contre-révolution et il la redoutait comme
théoricien et comme régicide. Il était
temps de recourir à un « acte sauveur ».
Il s'agissait de sauver la Révolution elle-
même et, pour ïa sauver, de lui rendre
ce que Sieyès et ses amis se sentaient-
incapables de lui donner,* ce qui était
devenu .un besoin impérieux, l'autorité
et l'ordre, que seul apporterait un homme
fort, accoutumé à commander et à se
faire obéir.
Comment cela pouvait-il être obtenu ?
Par un appel à la raison, à l'intérêt même
des révolutionnaires ? Sieyès ne le pensait
pas et il n'avait pas tort. Il connaissait
l'esprit du Conseil des Cinq-Cents : tous
les jacobins crieraient à la dictature. Il
ne se fiait pas davantage au public qui
ne cessait de se plaindre du gouverner
ment des « avocats » mais que le jacobi
nisme intimidait. Et puis, les seuls élé
ments agissants étaient royalistes et l'on
risquait, en excitimt la foule, de donner '
la haute main aux partisans de la monar
chie. Pas de délibération, placer tout le
monde devant un fait accompli, c'était la
seule ressource. Il n'y avait pas d'autre
voie à suivre. Un homme de grand sens,
Portalis, une victime de fructidor, qui,
de l'exil, suivait les événements de
France, annonçait la venue d'un «libé
rateur », mais il ajoutait : « Je-crois pou
voir dire que la masse est fatiguée de
choisir et de délibérer... Il faut venir ayee
un plan fait, qui serait adopté dans le
premier moment, qui sera celui de la
lassitude, et qui ne le serait plus dans
le second. Dans le premier moment, les
ambitieux se taisent,- la masse seule se
meut et compte ; dans le second, la masse
disparaît, et les ambitieux ou les raison
neurs reprennent le dessus. »
H fallait donc un coup d'Etat organisé
de l'intérieur, ce qui est toute la défini
tion du 18 brumaire, et il ne manquait
pas de généraux pour se charger de cette
besogne. Mais tous n'y étaient pas pro
pres et celui que désignaient en première
ligne ses antécédents et son prestige était,
malheureusement, absent: Bonaparte était
en Egypte. Malgré sa récente victoire
d'Aboukir, malgré les succès de ses lieu
tenants en Syrie, sa situation restait d'ail
leurs difficile, puisqu'il se trouvait bloqué
par la flotte anglaise. Il semblait plus
que douteux qu'il pût revenir à temps.
En tout cas, on ne pouvait l'attendre, et
le rappeler eût été donner l'éveil.
A défaut de Bonapàrte, Sieyès avait
choisi Joubert, jeune héros républicain,
que l'on comparait à Hoche pour ses
vertus. Cependant, Joubert n'était pas
une figure de premier plan. Pour qu'il
pût s'imposer, il lui fallait une grande
victoire. Dans cette idée, Sieyès le chargea
du commandement de l'armée d'Italie.
A Novi, au lieu de la victoire, Joubert
trouva la défaite et la mort. Double
catastrophe puisqu'elle accroissait les
dangers de la France et de la République
et puisqu'elle détruisait les plans de
Sieyès.
Au fond, c'était un mal pour un bièn.
Même si Joubert était revenu vainqueur,
il n'est pas dit que son coup d'Etat ne
se fût pas heurté à des difficultés bien
supérieures à celles que devait rencontrer
Bonaparte. Mais les conséquences du
désastre d'Italie rendaient encore plus
sensibles et plus pressantes les raisons
d'en finir.
Le péril extérieur avait été grand après
Novi.
A l'intérieur, la situation devenait into
lérable. D'août à novembre, les jacobins,
par leurs violences, par leurs menaces
de recourir à la Terreur, par la mise en
vigueur d'un impôt progressif sur le
capital, revêtu du nom d'emprunt forcé,
achevèrent de désorganiser le pays. Ils
achevèrent aussi de se rendre odieux. Le
«libérateur» n'en fut que plus désiré.
L'opinion mûrissait à vue d'œil. Une
réaction semblait inévitable et elle se'
ferait contre la Révolution si le gouver
nement lui-même n'en prenait l'initiative
pour la diriger. Les réactionnaires assagis
avaient des raisons de plus en plus fortes
d'entreprendre sur de nouvelles données
leur opération de salut individuel et
public.
Sieyès n'avait pas été découragé par
la mort de Joubert. Tenace, il cherchait
toujours un généra" digne de confiance
et qui réunît les conditions nécessaires.
En attendant de le découvrir, il méditait
les moyens d'assurer le succès du coup
d'Etat, il serrait de.plus près ses plans,
se procurait de nouveaux concours. Il
était déjà arrivé à la conclusion que le
consentement ou la dissolution du Conseil
des Cinq-Cents, ~ la Chambre, — ne
pourrait être obtenu qu'avec l'appui du
Conseil des Anciens, — le Sénat. Déjà
aussi, il s'était mis d'accord avec Lucien
Bonaparte. Tous les éléments de la con
juration étaient prêts. On peut même
dire que le 18 brumaire était préparé
autant qu'il devait l'être, et pas plus,
d'ailleurs, qu'il ne le serait. Il ne man
quait plus que l'homme, quand, par une
sorte de miracle, il survint.
Jacques BAINVILLE
Le désarmement
et le pacte
Quand-il-ne-s'agit que de rédiger des
papiers, on peut tout ce qu'on veut, même
ce qui est contradictoire. Nous assistons au
mariage de la carpe et du lapin. L'Allema
gne sera priée de désarmer. Autrement dit,
elle est soupçonnée de préparer la guerre.
En même temps, et dans îe délai où elle
devra réduire ses forces militaires, les Alliés
négocieront avec elle un pacte d'amitié et
de paix. Le moins qu'on puisse dire d'une
pareille _situation, c'est qu'elle est originale.
Les cabinets de Paris et de Londres tra
vaillent à éteindre les couleurs de cette
originalité et à en faire une grisaille accep
table. Nous doutons fort d'un désarmement
qui se réaliserait dans des conditions pa
reilles. On va d'ailleurs à un plan Dawes
militaire qui est la logique même après le
plan Dawes financier. Si les Allemands sont
capables, pendant trois mois, d'un peu d'ha
bileté . et de souplesse, l'évacuation de Co
logne aura lieu. L'œuvre du général von
Seeckt sera sauvée et même elle deviendra
légale.
Quant au pacte de sécurité, quelques
.parties en restent obscures. L'Allemagne ne
devra pas garantir seulement ses frontières
occidentales,.mais aussi ses frontières, orien
tales. L'Autriche sera-t-elle comprise dans
cette clause d'intangibilité ? Ce n'est pas
encore certain.
A la réflexion, et si les Alliés insistent,
l'Allemagne pourra, sans s'astreindre à
grand' chose, reconnaître tout le statut
territorial des traités de paix. Son entrée
dans la Société des Nations est désirée. C'est
là que la revision pacifique des, frontières
sera possible. Le Covenant a tout prévu. Il
permet up iouvel examen des traités comme
il peut permettre la réunion de l'Autriche.
On fait grand cas de l'unanimité nécessaire.
Pourtant nous concevons mal l'opposition
d'un ou de deux pays à des mesures de
« réconciliation européenne » qui auraient
pour elles, une grande majorité.
Un autre point obscur du pacte en pré
paration, c'est de savoir si la France tiendra
fermement à y comprendre la Petite Entente.
L'Angleterre ne le veut à aucun prix. Sous
quelque forme que ce soit, elle refuse de
s'engager dans les affaires de l'Europe cen
trale et orientale. Mais, pour que la France
insistât, il faudrait, au moins, que la Petite
Entente insistât elle-même. Or M. Bénès,
qui est l'âme de ce groupement, ne semble
pas aussi désireux qu'on le croirait de
forcer la main des pays occidentaux. M.
Victor Basch triompl -lit hier, non sans rai
son, d'un discours où le ministre tchéco
slovaque a exprimé sa préférence pour des
pactes progressifs ét son peu d'inclination
vers le pacte à sept ou à neuf dont il a
été question. Que l'on commence par le
pacte à cinq, le reste viendra par surcroît :
telle paraît être sa pensée.
A la vérité, la politique de M. Bénès est
dirigée par cette idée que la Tchécoslova
quie est fragile et qu'il vaut mieux ne p§s
exposer le cristal de Bohême à un choc
avec le fer allemand. M. Victor Basch met
en italique le passage où M. Bénès déclarait
« exagérées ou, du moins, prématurées » les
craintes qu'a fait naître le redressement de
l'Allemagne. Le péril 11e lui semble pas
immédiat. S'il devient plus précis, il sera
temps de se retourner. M. Bénès ne tient pas
à prendre d'avance une attitude défensive.
Il pense qu'avec l'Allemagne elle-même il
est toujours préférable de s'arranger. II
raisonne comme s'il était fort beau de pré
voir pour son pays vingt ou cinquante ans
d'indépendance.
Ce n'est pas de ce côté-là que viendra
une -opposition au pacte à cinq. Reste la
Pologne. Peut-être M. Bénès, qui revient de
Varsovie, se charge-t-il de la convaincre.
Dans ces conditions, le pacte avec Hinden-
burg est en très bonne voie.— J. B.
. ——Mil II I ■ I !■ ..I I III ——MX———^
ÉCHOS
Un chef-d'œuvre, tel est le nouveau roman de
Mme Marie Gasquet : Tante la Capucine (Flam
marion, 7 fr. 95). Toutes les pages en sont ani
mées du mysticisme le plua attendrissant, le
plus captivant.
■ ■■
Do M. A. Lcmaire, à Charenton : ' V
Fins viveurs, que fait trébucher
Quelque faux nectar insipide,
. Essayez du « cherry Rocher » :
Vous boirez du velours liquide !
I. Mangia
Nos collaborateurs militaires exposent
plus loin la carrière du grand soldat vic
torieux. Le sinistre brouillard, sous lequel
disparaît cette gloire, semble ajouter quel
que chose à sa majesté. Cet immobile in
quiétait. Ce silencieux alarmait. Que pen
sait-il ? Que tramait-il ? Pas un ennemi
public qui ne le demandât. Du dehoifs, du
dedans, il était épié. Sur quelle liste noire'
ne figurait-il pas ? Et quel esprit conserva
teur jeté par quelque événement hors des
sentiers de la constitutionnalité tutélaire
ne s'égarait pas quelquefois à murmurer :
Après tout, et par bonheur, il y a Mangin.
n n'y a plus Mangin. Quelques poitrines
sont soulagées et respirent. C'est que Man
gin n'était pas un simple meneur d'hom
mes, conducteur de charges brillantes ou
constructeur d'habiles plans offensifs. Il
y avait, en lui du diplomate, de l'organi
sateur et du politique. Il avait un clair
esprit gouvernemental, et sa prudence, sa
réserve, son calcul des forces et des chan
ces méritaient de compter dans les réser
ves de l'avenir national.
La vigueur, l'élégance, la limpidité de
r jpon stvle, la clarté de ses expositions, la
véritable beauté des chapitres, si divers,
consacrés aux questions militaires ou aux
phases du développement des républiques
de l'Amérique latine attestaient le genie
simplificateur sans lequel on ne fait rien
de grand. Les prochains horizons si for
tement voués aux crises de régime, parais
saient réserver au général Mangin une
occasion certaine d'offrir à la patrie un
emploi nouveau et- décisif de tous ces
beaux dons.
Il était le contraire d'un factieux 1 II
était soldat avant tout ? Il n'aspirait qu'à
compléter un jour notre victoire mutilée ?
Tout cela est certain. Mais les circons
tances sont les grandes maîtresses des
hommes. Une heure aurait sonné peut-être
où le soldat laboureur eût été contraint
de se souvenir qu'il était également ci
toyen. Cette heure ne sonnera point.
L'événement d'hier en a disposé de la
sorte. Quel doublé 'et triple deuil sur le
visage de la Patrie !
II. Le sauveur dégonflé
Une curieuse propagande de presse et
de salon avait compose à M. Joseph Cail-
laux une réputation de grand financier.
Elle était devenue si forte, elle gonflait si
fort de modestes réalités que son héros
lui-même en était embarrassé au point de
s'en. excuser hautement. Mais, disait-il, je
n'ai pas de baguette 'magique. Je ne suis
pas sorcier, lui arrivait-il d'ajouter. On
vient de s'en apercevoir.
Nous n'avons jamais cru aux talents spé
ciaux ^ du garçon léger et bouffi dont l'ar
rogance et le" cynisme font la principale
vertuu. Un de ses anciens-camarades d'école
nous avait fourni le secret de ses succès en
nous disant (un certain jour de. 1917 que
je n'oublierai jamais, poyr ma part) : Jo
seph Caillaux sait mentir. Mais cette re
marquable aptitude au mensonge reste, si
l'on peut dire, corrigée en lui par une dé
raison épique. Joseph Caillaux n'a pas de
bon sens, disait le lapidaire Marcel Sem-
bat. Un arracheur. de dents qui serait un
espèce de demi-fol, tel était le Ton Jo de
la bonne époque.
Il a beaucoup perdu. La déception que
"donne ses projets financiers au bon pu
blic éberlué flétrit son auréole de prestidi
gitateur. De nouveaux impôts,, quelques
additions aux anciens 1 Le premier venu
aurait fait des découvertes dans ce goût.
C'est ce que prévoyait vendredi un ha
bile écrivain, Hermès, dans la Liberté :
C'est demain que M. Caillaux fera con
naître ses projets financiers. Ah! ah! nous
allons voir le sauveur à l'œuvre. Au mur
on connaît le maçon. Car enfin, il ne
suffit pas d'apporter une élévation de t s
taxes sur les traitements et les salaires,
de donner un nouveau tour de vis aux
droits de succession et de rogner encore
quelques décimes sur le coupon des va
leurs mobilières.
Il y avait jadis, en Autriche, un empe
reur qu'on avait contraint d'abdiquer parce
qu'on le trouvait insuffisant. Son neveu
le remplaça jst ce neveu s'appelait Fran
çois-Joseph. Survinrent Solférino, puis Sa-
dowa : les affaires 'autrichiennes allaient
mal. Et, chaque fois, l'empereur dégommé
disait avec une charmante douceur : « Si
c'était pour ça, j'aurais pu en faire au
tant. »
Ce qui a transpiré jusqu'ici des projets
de M. Caillaux autoriserait M. Clémentel
à dire la même chose que le vieux Habs
bourg. Et, devant le desastre du plafond
de la Banque de France, le plafond tris
tement crevé, gui est le Sadowa du Cartel,
M. de Lasteyrie a le droit de dire': « Moi,
du moins, je n'ai pas fait ça.»
Ce qui fait le bonheur de M. de Lastey
rie ne procure pas la félicité de M. Léon
Blum et des socialistes qui sont parties
prenantes au. Cartel. Ces messieurs jugent
M. Caillaux vieux jeu. Et ils n'ont pas tort
à leur point de vue. Mais ils n'ont pas
raison non plus.
III. L'erreur de l 'ancienne
et future équipe dq Cartel
Ils n'ont pas raison par.ee que leur idée
fixe est d'exploiter les victoires munici
pales du Cartel. Or, rien n'est plus stérile
que de telles victoires. Du moins n'en
peut-il rien sortir pour le programme po
litique du Cartel. Rien et rien. Oli ! cer
tes, comme un radical-socialiste de la cou
leur de Viollette peut être bombarde gou
verneur'général de l'A' -érie pour y faire
office d'incapable et de touche à tout
brouillon, rien n'empêche qu'un Renau-
del soit nommé ambassadeur. M. Paul Faure
garde des Sceaux, M. Jean Longuet grand
chancelier de la Légion d'honneur. Le
parti parvenu peut toujours distribuer
les places. Le secret de l'opportunisme gam-
. bettiste n'était, que là. Gambetta avait vu,
par l'exemple de 1848, que le programme
républicain radical était insupportable à
la France, tout essai-violent d'application
ayant pour résultat. fatal de la cabrer et
de l'épouvanter. Il dit à ses amis : sériez
des réformes. Même, il ajoutait'tout bas de
n'en faire aucune et il terminait par le
conseil de s'emparer des administrations, i
des places, des emplois, de toutes les clefs
de l'activité économique, financière et po
litique. A défaut du système républi
cain, on aurait du moins le gouvernement
d'hommes républicains. Si cette tactique
n'a pas toujours été suivie, c'est celle qui
n'a jamais cessé de réussir, en ce sons
qu'elle a maintenu au pouvoir, dans les
-avenues du pouvoir les « cadres », ces ca
dres précieux dont le vil Briand parlait
un jour au noble Barrés. Quand, au con
traire, on essaie d'imposer à la France
quelques-uns des carcans rituels de l'idéa
lisme radical, la malheureuse s'agite, se
débàt, crie, proteste et la situation des
heureux possédants peut en être ébranlée
ou même compromise.
La manœuvre Briand-Caillaux-Painlevé,
(car notre astrologue en est à personnifier
une combine de ce réalisme 1) la maœuvre
des cartel-listes numéro deux tend dono &
faire dès aujourd'hui ce que les cartellistes
numéro un seraient obliges de faire demain
au plus tard : — Vous êtes condamnés à
la même impuissance que nous, dit en
substance le ministère Painlevé au fu
tur ministère Herriot qui est en train de
se refaire. La différence est que nous le
savons. Vous avez déjà oublié qu'il
vous fut impossible de faire ce que nous
tefusons d'essayer quant à nous. Le pré
lèvement sur le capital est une sornette.
La suppression de l'ambassade du Vatican
est une mauvaise affaire, comme cette sup
pression du cortège de Jeanne d'Arc qui,
vous faisant tant de plaisir samedi soir, est
apparue dimanche matin une imagination
de serins. Croyez-nous, prenons les places.
Partagez-les avec nous. Il n'y a pas autre
chose à faire.
A quoi l'Herriotisme évincé répond qu'il,
prétend bien aux places, mais que, pré
cisément, on les lui a prises et qu'il vou
drait bien les ravoir. Il ajoute que l'im
puissance dont parlent ses successeurs est
évidente. Ni les catholiques, ni les possé
dants, ni les'Alsaciens-Lorrains, ni per
sonne ne se laissera dépouiller' ni bri
mer. Mais le Cartel est suspendu aux vo
tes des socialistes. Et les -socialistes veu
lent, mais ils veulent absolument,- qu'ils
soit au moins question dans -les discours
et dans les lois de la malfaisante chimère
qu'ils ont promise au pays. Pas de lois
socialistes, ni de persécutions religieuses,
ni d'oppression alsacienne, pas de suffra
ge socialiste, et le. Cartel se brisera. C'est
à prendre ou à laisser.
Le Cartel sera-t-il maintenu ? Sera-t-il
rompu ? Dans les deux cas, les patriotes
auront un jeu assez beau.
Charles MAURRAS.
Le général Mangin
est mort hier
De tous lès chefs militaires qui ont sur
gi pendant la guerre, le général Mangin
était celui dont le prestige était le plus
grand. Simple général de brigade au dé
but de. la campagne, il était, a l'armistice,
commandant d'armée, et chaque étape de
cette magnifique carrière a été marquée
par un fait d'armes éclatant.
Aux offensives de mai 1915, sa qualité
primordiale, à savoir la ténacité ; se ma
nifesta aux attaques contre Neuville-Saint-
Vast et le Labyrinthe. Malgré la consigne
imposée par le gouvernement de ne pas
faire connaître lès noms des généraux qui
se distinguaient sur le champ de bataille,
le nom de Mangin, dès cette date, com
mença à filtrer dans le public. Son éner
gie, sa bravoure devinrent légendaires.
La reprise de Douaumont, en décembre
1916, le couvrit de gloire, car elle révéla
qu'il était non seulement itn brave soldat,
mais un chef éminent, ne laissant rien à
l'imprévu et n'entamant une attaque qu'a
près s'être assuré toutes les garanties de
succès.
On sait que, le 16 août 1918, l'armée
qu'il commandait fut celle qui réalisa
l'avance la plus considérable. Il serait
inopportun de rappeler aujourd'hui les in
cidents qui motivèrent sa disgrâce. L'his
toire a déjà jugé.
On se rappelle dans quelles conditions
il reprit un commandement, à l'heure où
l'offensive allemande menaçait Paris. Son
coup d'œil, sa décision, son indomptable
énergie, ses talents d'organisateur se ma
nifestèrent sans arrêt depuis cette contre-
attaque du 9 juin qui marqua en fait la
fin de la poussée allemande jusquà l'ar
mistice. Il fut de ceux qui contribuèrent
,le plus à sauver la patrie. La France perd
en lui un de ses meilleurs serviteurs l'ar
mée un chef en qui elle avait lé plus de
confiance.
Le général Mangin est mort. La France
en deuil pleurera ce chef de génie qui sut
tant de fois forcer la victoire, et dont le
nom la rassurait encore pour les heures
graves qui approchent-
Samedi soir, à 10 heures, après avoir
dîné en famille, il sentit un violent ma-
'laise — une « barre à l'estomac »— et
fut frappé d'une syncope. II ne reprit pas
connaissance jusqu'à sa mort survenue
h'ier matin à 11 h. 20. -
Les médecins qui le soignèrent, les doc
teurs Proust, Bize et Lavergne, diagnosti
quèrent une crise d'appendicite aiguë
compliquée d'urémie. Le professeur Gos-
set, appelé en consultation, avait été d'avis
qu'aucune opération chirurgicale ne pou
vait être tentée.
Sur l'origine de ce mal- subit, divers
bruits ont couru. Le général avait déjeuné
samedi dans un restaurant de Montmartre
avec des officiers de l'armée. coloniale.
C'est après ce déjeuner que, seul des con
vives, il aurait éprouvé un premier ma
laise- d'estomac. Il tint cependant à assis
ter, dans l'après-midi, à la fantasia des
spahis au Concours hippique.
Le grand chef s'est éteint à son domi-
'cile, 9, avenue de la Bourdonnais, entouré
de Mme Mangin, sa femme, de ses huit
enfants, de Mme Cavaignac, sa belle-mère,
de ses beaux-frères et belles-sœurs, M. et
Mme Ducastcl, et M: et Mme Suquet. Il
avait reçu l'extrême-onction lundi so'ir'.
Les obsèques auront lieu, pense-t-on,
vendredi, mais aucune décision n'a en
core été prise. ,
(Voir la suite en 2' page)
par Léon DAUDET
Léon Allard, romancier et poète d'un
rare et, discret talent, vient de mourir.
L'Action française quotidienne publiait
récemment de lui un beau livre, doulou
reux et plein : Fils unique. Il donnait
hebdomadairement, à Y Action française du
dimanche , des chroniques agricoles où il
apportait, avec une rare compétence, son
profond amour des choses de la nature.
Alphonse Daudet, son beau-frère, qui fai
mait et l'appréciait, l'appelait volontiers,
en raison de ses goûts de pêcheur et de
chasseur : « Mon frère indien..» mon frère
rouge ». Il disait aussi des Fies muettes,
un des ouvrages de début de Léon Allard:
« Cest une œuvre de premier ordre ; mais
l'auteur est tellement modeste, et en retrait,
que cela ne se saura que beaucoup plus
tard ».
C'était vrai. Je n'ai jamais connu d'écri
vain aussi peu disposé à se faire valoir et
à se mettre en 'avant que mon oncle et
beau-père Léon Allard. Il y a ici-bas deux
catégories de gens : ceux qui aspirent aux
honneurs et qui ont hâte de passer les pre
miers par les portes ; ceux qui s'effacent,
avec un mot d'excuse, devant les autres.
Celui qui vient de nous quitter, à soixante-
dix-huit ans, après une courte maladie,
appartenait à la seconde série. Très lettré,
grand lecteur, ami de l'ombre et du silence,
il traversait l'existence rai observateur in
dulgent et amusé ; de l'agitation et de la
vanité de ses confrères. Sa raillerie natu
relle, mêlée de Paris et de Touraine, —
son grand-père maternel était de Vouvray,
— était estompée de rêverie bretonne, son
père étant de Pontivy. On sait que la
famille bretonne transplantée se citadinise
au fil de la Loire. Pour les Allard, ce fut
le cas.
Je nous vois dans ma pètite jeunesse,
vers les douze ans, partant, de grand matin,
de Champrosay, avec mon père et mon
oncle, portant l'un le gouvernail et les
encoches, l'autre les rames de VArtésienne.
Nous .trouvions l'yole entre les roseaux et
j'obtenais l'honneur de l'écoper. Puis on
suivait le cours de la Seine et, quelquefois,
suprême plaisir, on remontait l'Orge et
l'on s'arrêtait dans une auberge. C'est
ainsi que j'appris, d'Alphonse Daudet et
de Léon Allard, l'excellence du « petit
reginglard blanc » de sept heures du matin
et du hareng esqiiiché sur une grosse
assiette. Dans une anfractuosité de la rive
ensoleillée, l'ancre était jetée, flèche d'or
à la double pointe. Chacun de son côté,
mon père et mon oncle étaient censés tra
vailler au livre en train. Mais la course
des goujons et des chevènes, des perches
et des ablettes les occupait plus que "leur
beau métier.
Léon Allard a publié, —r à travers son
èmploi de chef de bureau au ministère de
l'Agriculture, — et en dehors des volumes
que j'ai cités : l'Impasse des Couronnes ;
Maison de famille ; Catherine Hautier ; les
Flibustiers, roman d'aventures qui eut un
gros succès de librairie, non épuisé ; le
Valet de Jeanne, magnifique et simple évo
cation de la chevauchée libératrice de
Jeanne d'Arc; et un" livre que, pour ma
part, je relis de temps en temps, parce qu'il
descend dans les profondeurs de l'âme,
parce qu'il rend un son unique : les Fic
tions. Le titre indique le sujet, qui est
grand, et supérieurement traité. Chaque
fois que j'en parlas à mon beau-père et
que je lui conseillais de le rééditer, il me
suppliait de me taire, avec des yeux déjà
effrayés d'une telle perspective de dé
marches.
Cet homme si réservé et, si bon, d'une
douceur angélique, était un lion de patrio
tisme. Il s'était battu en 70, notamment à
Buzenval. Père de famille passionné, il
avait embrassé courageusement ses deux
garçons, le 1" août 1914, et,' pendant lés
quatre années de guerre, où ceux-ci se
battirent au premier rang, il avait caché,
surtout aux heures dures, sa terrible an
goisse à tous les siens. Dieu, qu'il priait,
les lui garda. Pour se distraire de son tour
ment paternel, il lisait du Virgile et du
Lucrèce, étant fort latiniste. Toute sa vie,
il s'adonna à « la musique intérieure ». Un
joli recueil de.vers, De l'Aube au Crépus
cule, en témoigne. La poésie en lui était
naturelle... Nascuntur poelœ
Ainsi traversa-t-il notre époque cruelle
de son pas égal de chasseur, la bouche
close pour toute parole blessante, mais les
yeux ouverts. Ses petits-enfants l'adoraient,
comme ses enfants. La mort tragique de
son petit Philippe avait été, pour lui aussi,
un coup terrible. Il me disait : «Dire que
je. reste, moi le vieux ! » Il avait perdu
deux filles chéries, connu les deuils pro
fonds, irrémédiables ; mais il avait gardé
près de lui son appui, son incomparable
compagne, ma belle-mère, née Anna Dau
det, qui lui avait inculqué sa foi ardente
de catholique et de royaliste.
Quelques heures avant de mourir, et
comme son fils Jacques s'efforçait de lui
parler de guérison, il le regarda bien en
MercreS! mal 1925
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« Tout ce qui est national est notre. »
Le Duc d'ORLÉANS
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Fondateur s HENRI TAUGEOIS — Directeurs politiques •• LÉON DAUDET et CHARLES MAURRAS —* Rédacteur en chef s MAURICE PUJO
10 inaL — Victoire électorale des vrais
républicains*
12 mai. ■— Projet Caillaux comportant
Fabandon des paiements allemands
aux Alliés et trois milliards d'impôts
nouveaux pour les Français!.
RECITS D'AUTREFOIS
Le 18 brumaire
Ees antécédents et les causes
LA POLITIQUE
Léon Àllard
Avant âç commenter le beau petit livre
sur. le Dix-huit brumaire^ que Jacques
Bainville publie chezllachette, il convient
d'en faire connaître aux lecteurs de fAc-
tion française quelques maîtresses pages.
En voici le premier chapitre:
Sainte-Beuve remarque dans ses Lun
dis que les tijpis mots qui caractérisent
les principales époques de la Révolution
ont été prononcés par Sieyès, homme
sentencieux. Au mouvement de 1789, il
avait donné sa formule : « Qu'est-ce que
le Tiers-Etat ? Rien. Que doit-il être Y
Tout. » De la Terreur, Sieyès disait sim
plement : « J'ai vécu. » A la fin du Direc
toire, il murmurait : « Je cherche une
épée. »
La Révolution en était là en 1799. Elle
avait besoin d'une épée, d'un militaire et
d'un coup d'Etat. H faut donc se défaire
tout de suite de l'idée que le 18 brumaire
ait été, dans son principe, un attentat
réactionnaire. On ne comprend bien cette
« journée » fameuse, qui continue tant de
«journées» révolutionnaires, qu'à la
condition de savoir qu'elle a été provo
quée dans l'intérêt de la Révolution, pour
raffermir la Révolution et en. poursuivre
le cours, par des hommes qui tenaient
au nouvel ordre de choses comme à leur
propre bien.
Il y avait déjà longtemps que les affai
res allaient mal. Les inquiétudes des diri
geants n'étaient pas nouvelles. Et la prin
cipale de ces inquiétudes, c'était que la
France, lasse du désordre, de la détresse
financière et surtout de la guerre sans
fin, ne retournât à la monarchie.
A cette époque, la réaction était le
parti de la paix. La Révolution voulait
et devait continuer la guerre. Deux ans
plus tôt, les élections ayant donné une
majorité de modérés et de royalistes, il
avait déjà fallu appeler un soldat. Augé-
reau et les grenadiers avaient chassé les
Conseils par le coup d'Etat de fructidor.
Et Augereau avait été désigné et prêté
pour cette opération par le général en
chef de l'armée d'Italie, qui, en vendé
miaire, s'était signalé à l'attention des
républicains en réprimant à Paris une
insurrection royaliste.
Ainsi les hommes de la Révolution
comptaient sur les militaires et les mili
taires étaient du parti de la Révolution,
qui était le parti de la guerre, contre la
« faction des anciennes limites », laquelle
voulait la paix et tendait au rétablisse
ment de la monarchie. Les intérêts des
révolutionnaires se confondaient avec
ceux de l'armée. Leurs intérêts, leurs
sentiments aussi. Hommes politiques et
généraux avaient l'habitude de travailler
ensemble. Il n'est donc pas étonnant que
Sieyès, en 1799, alarmé par l'état désas^
treux des affaires publiques, ait « cher
ché une épée'».- Il n'innovait même pas.
Mais s'il fallait un général, ce n'était
plus seulement pour écraser la contre-
révolution, comme en vendémiaire et en
fructidor. C'était pour rendre de la force
au gouvernement lui-même. Le Directoire
n'en pouvait plus. Fructidor, coup de
barre à gauche, avait rendu le pouvoir
aux jacobins : les choses, n'avaient pas
mieux marché. La violence s'était épuisée
vite. Elle n'avait pas ramené la victoire
pi rempli les caisses de l'Etat. L'anarchie
et la misère avaient encore grandi, le
mécontentement avec elles. Dans le
monde politique lui-même, personne
n'était satisfait, ni les Jacobins ardents,
ni un groupe nouveau, celui qu'on voit
toujours se former aux époques troublées
de notre histoire,, une aorte de «tiers-
parti », comme on disait au temps de la
>Ligue, et qui se composait de révolu
tionnaires authentiques, mais assagis,
sinon dégoûtés.
De ce groupe, Sieyès était l'âme. Déjà
une élection l'avait introduit dans le vieux
Directoire, qui tombait en pourriture, et ;
là, aidé dans les Conseils à la fois par
ees amis et par les jacobins, il avait con
duit l'attaque contre ses collègues. Au
cours de3 journées de prairial (juin 1799)
Sieyès avait réussi à se défaire de trois
des plus discrédités. Treilhard d'abord,
puis La Revellière et Merlin. Le cinquiè
me, l'intrigant Barras, avait été son com
plice. Cette fois, il n'avait pas été besoin
d'un « appel au soldat ». L'action parle
mentaire avait suffi. Mais, dans la cou
lisse, des généraux se tenaient prêts, s'il
l'avait fallu, pour expulser les Directeurs
rty alcitranîs. Fructidor et prairial
n'étaient que les étapes de brumaire, les
écoles du coup d'Etat que méditait Sieyès
et! que favorisaient des républicains
anxieux de se sauver eux-mêmes en sau
vant la République.
La situation ne s'améliorait pas sous
le Directoire « épuré », remanié, désor
mais composé de Gofaier, jacobin banal,
d'un général qui devait tout à la Répu
blique, Moulin, également venu du jaco
binisme, da Barras, de Roger-Ducos et
enfin de Sieyès. Pour peindre l'état des
choses, à tous les égards calamiteux, de
ces derniers mois, on disait à Pai^is, d'un
mot qui faisait fureur : «le margouillis
national ». } .......................
Sieyès jugeait bien que les choses ne
pouvaient continuer sans une catastrophe
à l'extérieur et à l'intérieur. Nos armées
fléchissaient sous la coalition. Le pays
était plus que las. Sieyès voyait venir la
contre-révolution et il la redoutait comme
théoricien et comme régicide. Il était
temps de recourir à un « acte sauveur ».
Il s'agissait de sauver la Révolution elle-
même et, pour ïa sauver, de lui rendre
ce que Sieyès et ses amis se sentaient-
incapables de lui donner,* ce qui était
devenu .un besoin impérieux, l'autorité
et l'ordre, que seul apporterait un homme
fort, accoutumé à commander et à se
faire obéir.
Comment cela pouvait-il être obtenu ?
Par un appel à la raison, à l'intérêt même
des révolutionnaires ? Sieyès ne le pensait
pas et il n'avait pas tort. Il connaissait
l'esprit du Conseil des Cinq-Cents : tous
les jacobins crieraient à la dictature. Il
ne se fiait pas davantage au public qui
ne cessait de se plaindre du gouverner
ment des « avocats » mais que le jacobi
nisme intimidait. Et puis, les seuls élé
ments agissants étaient royalistes et l'on
risquait, en excitimt la foule, de donner '
la haute main aux partisans de la monar
chie. Pas de délibération, placer tout le
monde devant un fait accompli, c'était la
seule ressource. Il n'y avait pas d'autre
voie à suivre. Un homme de grand sens,
Portalis, une victime de fructidor, qui,
de l'exil, suivait les événements de
France, annonçait la venue d'un «libé
rateur », mais il ajoutait : « Je-crois pou
voir dire que la masse est fatiguée de
choisir et de délibérer... Il faut venir ayee
un plan fait, qui serait adopté dans le
premier moment, qui sera celui de la
lassitude, et qui ne le serait plus dans
le second. Dans le premier moment, les
ambitieux se taisent,- la masse seule se
meut et compte ; dans le second, la masse
disparaît, et les ambitieux ou les raison
neurs reprennent le dessus. »
H fallait donc un coup d'Etat organisé
de l'intérieur, ce qui est toute la défini
tion du 18 brumaire, et il ne manquait
pas de généraux pour se charger de cette
besogne. Mais tous n'y étaient pas pro
pres et celui que désignaient en première
ligne ses antécédents et son prestige était,
malheureusement, absent: Bonaparte était
en Egypte. Malgré sa récente victoire
d'Aboukir, malgré les succès de ses lieu
tenants en Syrie, sa situation restait d'ail
leurs difficile, puisqu'il se trouvait bloqué
par la flotte anglaise. Il semblait plus
que douteux qu'il pût revenir à temps.
En tout cas, on ne pouvait l'attendre, et
le rappeler eût été donner l'éveil.
A défaut de Bonapàrte, Sieyès avait
choisi Joubert, jeune héros républicain,
que l'on comparait à Hoche pour ses
vertus. Cependant, Joubert n'était pas
une figure de premier plan. Pour qu'il
pût s'imposer, il lui fallait une grande
victoire. Dans cette idée, Sieyès le chargea
du commandement de l'armée d'Italie.
A Novi, au lieu de la victoire, Joubert
trouva la défaite et la mort. Double
catastrophe puisqu'elle accroissait les
dangers de la France et de la République
et puisqu'elle détruisait les plans de
Sieyès.
Au fond, c'était un mal pour un bièn.
Même si Joubert était revenu vainqueur,
il n'est pas dit que son coup d'Etat ne
se fût pas heurté à des difficultés bien
supérieures à celles que devait rencontrer
Bonaparte. Mais les conséquences du
désastre d'Italie rendaient encore plus
sensibles et plus pressantes les raisons
d'en finir.
Le péril extérieur avait été grand après
Novi.
A l'intérieur, la situation devenait into
lérable. D'août à novembre, les jacobins,
par leurs violences, par leurs menaces
de recourir à la Terreur, par la mise en
vigueur d'un impôt progressif sur le
capital, revêtu du nom d'emprunt forcé,
achevèrent de désorganiser le pays. Ils
achevèrent aussi de se rendre odieux. Le
«libérateur» n'en fut que plus désiré.
L'opinion mûrissait à vue d'œil. Une
réaction semblait inévitable et elle se'
ferait contre la Révolution si le gouver
nement lui-même n'en prenait l'initiative
pour la diriger. Les réactionnaires assagis
avaient des raisons de plus en plus fortes
d'entreprendre sur de nouvelles données
leur opération de salut individuel et
public.
Sieyès n'avait pas été découragé par
la mort de Joubert. Tenace, il cherchait
toujours un généra" digne de confiance
et qui réunît les conditions nécessaires.
En attendant de le découvrir, il méditait
les moyens d'assurer le succès du coup
d'Etat, il serrait de.plus près ses plans,
se procurait de nouveaux concours. Il
était déjà arrivé à la conclusion que le
consentement ou la dissolution du Conseil
des Cinq-Cents, ~ la Chambre, — ne
pourrait être obtenu qu'avec l'appui du
Conseil des Anciens, — le Sénat. Déjà
aussi, il s'était mis d'accord avec Lucien
Bonaparte. Tous les éléments de la con
juration étaient prêts. On peut même
dire que le 18 brumaire était préparé
autant qu'il devait l'être, et pas plus,
d'ailleurs, qu'il ne le serait. Il ne man
quait plus que l'homme, quand, par une
sorte de miracle, il survint.
Jacques BAINVILLE
Le désarmement
et le pacte
Quand-il-ne-s'agit que de rédiger des
papiers, on peut tout ce qu'on veut, même
ce qui est contradictoire. Nous assistons au
mariage de la carpe et du lapin. L'Allema
gne sera priée de désarmer. Autrement dit,
elle est soupçonnée de préparer la guerre.
En même temps, et dans îe délai où elle
devra réduire ses forces militaires, les Alliés
négocieront avec elle un pacte d'amitié et
de paix. Le moins qu'on puisse dire d'une
pareille _situation, c'est qu'elle est originale.
Les cabinets de Paris et de Londres tra
vaillent à éteindre les couleurs de cette
originalité et à en faire une grisaille accep
table. Nous doutons fort d'un désarmement
qui se réaliserait dans des conditions pa
reilles. On va d'ailleurs à un plan Dawes
militaire qui est la logique même après le
plan Dawes financier. Si les Allemands sont
capables, pendant trois mois, d'un peu d'ha
bileté . et de souplesse, l'évacuation de Co
logne aura lieu. L'œuvre du général von
Seeckt sera sauvée et même elle deviendra
légale.
Quant au pacte de sécurité, quelques
.parties en restent obscures. L'Allemagne ne
devra pas garantir seulement ses frontières
occidentales,.mais aussi ses frontières, orien
tales. L'Autriche sera-t-elle comprise dans
cette clause d'intangibilité ? Ce n'est pas
encore certain.
A la réflexion, et si les Alliés insistent,
l'Allemagne pourra, sans s'astreindre à
grand' chose, reconnaître tout le statut
territorial des traités de paix. Son entrée
dans la Société des Nations est désirée. C'est
là que la revision pacifique des, frontières
sera possible. Le Covenant a tout prévu. Il
permet up iouvel examen des traités comme
il peut permettre la réunion de l'Autriche.
On fait grand cas de l'unanimité nécessaire.
Pourtant nous concevons mal l'opposition
d'un ou de deux pays à des mesures de
« réconciliation européenne » qui auraient
pour elles, une grande majorité.
Un autre point obscur du pacte en pré
paration, c'est de savoir si la France tiendra
fermement à y comprendre la Petite Entente.
L'Angleterre ne le veut à aucun prix. Sous
quelque forme que ce soit, elle refuse de
s'engager dans les affaires de l'Europe cen
trale et orientale. Mais, pour que la France
insistât, il faudrait, au moins, que la Petite
Entente insistât elle-même. Or M. Bénès,
qui est l'âme de ce groupement, ne semble
pas aussi désireux qu'on le croirait de
forcer la main des pays occidentaux. M.
Victor Basch triompl -lit hier, non sans rai
son, d'un discours où le ministre tchéco
slovaque a exprimé sa préférence pour des
pactes progressifs ét son peu d'inclination
vers le pacte à sept ou à neuf dont il a
été question. Que l'on commence par le
pacte à cinq, le reste viendra par surcroît :
telle paraît être sa pensée.
A la vérité, la politique de M. Bénès est
dirigée par cette idée que la Tchécoslova
quie est fragile et qu'il vaut mieux ne p§s
exposer le cristal de Bohême à un choc
avec le fer allemand. M. Victor Basch met
en italique le passage où M. Bénès déclarait
« exagérées ou, du moins, prématurées » les
craintes qu'a fait naître le redressement de
l'Allemagne. Le péril 11e lui semble pas
immédiat. S'il devient plus précis, il sera
temps de se retourner. M. Bénès ne tient pas
à prendre d'avance une attitude défensive.
Il pense qu'avec l'Allemagne elle-même il
est toujours préférable de s'arranger. II
raisonne comme s'il était fort beau de pré
voir pour son pays vingt ou cinquante ans
d'indépendance.
Ce n'est pas de ce côté-là que viendra
une -opposition au pacte à cinq. Reste la
Pologne. Peut-être M. Bénès, qui revient de
Varsovie, se charge-t-il de la convaincre.
Dans ces conditions, le pacte avec Hinden-
burg est en très bonne voie.— J. B.
. ——Mil II I ■ I !■ ..I I III ——MX———^
ÉCHOS
Un chef-d'œuvre, tel est le nouveau roman de
Mme Marie Gasquet : Tante la Capucine (Flam
marion, 7 fr. 95). Toutes les pages en sont ani
mées du mysticisme le plua attendrissant, le
plus captivant.
■ ■■
Do M. A. Lcmaire, à Charenton : ' V
Fins viveurs, que fait trébucher
Quelque faux nectar insipide,
. Essayez du « cherry Rocher » :
Vous boirez du velours liquide !
I. Mangia
Nos collaborateurs militaires exposent
plus loin la carrière du grand soldat vic
torieux. Le sinistre brouillard, sous lequel
disparaît cette gloire, semble ajouter quel
que chose à sa majesté. Cet immobile in
quiétait. Ce silencieux alarmait. Que pen
sait-il ? Que tramait-il ? Pas un ennemi
public qui ne le demandât. Du dehoifs, du
dedans, il était épié. Sur quelle liste noire'
ne figurait-il pas ? Et quel esprit conserva
teur jeté par quelque événement hors des
sentiers de la constitutionnalité tutélaire
ne s'égarait pas quelquefois à murmurer :
Après tout, et par bonheur, il y a Mangin.
n n'y a plus Mangin. Quelques poitrines
sont soulagées et respirent. C'est que Man
gin n'était pas un simple meneur d'hom
mes, conducteur de charges brillantes ou
constructeur d'habiles plans offensifs. Il
y avait, en lui du diplomate, de l'organi
sateur et du politique. Il avait un clair
esprit gouvernemental, et sa prudence, sa
réserve, son calcul des forces et des chan
ces méritaient de compter dans les réser
ves de l'avenir national.
La vigueur, l'élégance, la limpidité de
r jpon stvle, la clarté de ses expositions, la
véritable beauté des chapitres, si divers,
consacrés aux questions militaires ou aux
phases du développement des républiques
de l'Amérique latine attestaient le genie
simplificateur sans lequel on ne fait rien
de grand. Les prochains horizons si for
tement voués aux crises de régime, parais
saient réserver au général Mangin une
occasion certaine d'offrir à la patrie un
emploi nouveau et- décisif de tous ces
beaux dons.
Il était le contraire d'un factieux 1 II
était soldat avant tout ? Il n'aspirait qu'à
compléter un jour notre victoire mutilée ?
Tout cela est certain. Mais les circons
tances sont les grandes maîtresses des
hommes. Une heure aurait sonné peut-être
où le soldat laboureur eût été contraint
de se souvenir qu'il était également ci
toyen. Cette heure ne sonnera point.
L'événement d'hier en a disposé de la
sorte. Quel doublé 'et triple deuil sur le
visage de la Patrie !
II. Le sauveur dégonflé
Une curieuse propagande de presse et
de salon avait compose à M. Joseph Cail-
laux une réputation de grand financier.
Elle était devenue si forte, elle gonflait si
fort de modestes réalités que son héros
lui-même en était embarrassé au point de
s'en. excuser hautement. Mais, disait-il, je
n'ai pas de baguette 'magique. Je ne suis
pas sorcier, lui arrivait-il d'ajouter. On
vient de s'en apercevoir.
Nous n'avons jamais cru aux talents spé
ciaux ^ du garçon léger et bouffi dont l'ar
rogance et le" cynisme font la principale
vertuu. Un de ses anciens-camarades d'école
nous avait fourni le secret de ses succès en
nous disant (un certain jour de. 1917 que
je n'oublierai jamais, poyr ma part) : Jo
seph Caillaux sait mentir. Mais cette re
marquable aptitude au mensonge reste, si
l'on peut dire, corrigée en lui par une dé
raison épique. Joseph Caillaux n'a pas de
bon sens, disait le lapidaire Marcel Sem-
bat. Un arracheur. de dents qui serait un
espèce de demi-fol, tel était le Ton Jo de
la bonne époque.
Il a beaucoup perdu. La déception que
"donne ses projets financiers au bon pu
blic éberlué flétrit son auréole de prestidi
gitateur. De nouveaux impôts,, quelques
additions aux anciens 1 Le premier venu
aurait fait des découvertes dans ce goût.
C'est ce que prévoyait vendredi un ha
bile écrivain, Hermès, dans la Liberté :
C'est demain que M. Caillaux fera con
naître ses projets financiers. Ah! ah! nous
allons voir le sauveur à l'œuvre. Au mur
on connaît le maçon. Car enfin, il ne
suffit pas d'apporter une élévation de t s
taxes sur les traitements et les salaires,
de donner un nouveau tour de vis aux
droits de succession et de rogner encore
quelques décimes sur le coupon des va
leurs mobilières.
Il y avait jadis, en Autriche, un empe
reur qu'on avait contraint d'abdiquer parce
qu'on le trouvait insuffisant. Son neveu
le remplaça jst ce neveu s'appelait Fran
çois-Joseph. Survinrent Solférino, puis Sa-
dowa : les affaires 'autrichiennes allaient
mal. Et, chaque fois, l'empereur dégommé
disait avec une charmante douceur : « Si
c'était pour ça, j'aurais pu en faire au
tant. »
Ce qui a transpiré jusqu'ici des projets
de M. Caillaux autoriserait M. Clémentel
à dire la même chose que le vieux Habs
bourg. Et, devant le desastre du plafond
de la Banque de France, le plafond tris
tement crevé, gui est le Sadowa du Cartel,
M. de Lasteyrie a le droit de dire': « Moi,
du moins, je n'ai pas fait ça.»
Ce qui fait le bonheur de M. de Lastey
rie ne procure pas la félicité de M. Léon
Blum et des socialistes qui sont parties
prenantes au. Cartel. Ces messieurs jugent
M. Caillaux vieux jeu. Et ils n'ont pas tort
à leur point de vue. Mais ils n'ont pas
raison non plus.
III. L'erreur de l 'ancienne
et future équipe dq Cartel
Ils n'ont pas raison par.ee que leur idée
fixe est d'exploiter les victoires munici
pales du Cartel. Or, rien n'est plus stérile
que de telles victoires. Du moins n'en
peut-il rien sortir pour le programme po
litique du Cartel. Rien et rien. Oli ! cer
tes, comme un radical-socialiste de la cou
leur de Viollette peut être bombarde gou
verneur'général de l'A' -érie pour y faire
office d'incapable et de touche à tout
brouillon, rien n'empêche qu'un Renau-
del soit nommé ambassadeur. M. Paul Faure
garde des Sceaux, M. Jean Longuet grand
chancelier de la Légion d'honneur. Le
parti parvenu peut toujours distribuer
les places. Le secret de l'opportunisme gam-
. bettiste n'était, que là. Gambetta avait vu,
par l'exemple de 1848, que le programme
républicain radical était insupportable à
la France, tout essai-violent d'application
ayant pour résultat. fatal de la cabrer et
de l'épouvanter. Il dit à ses amis : sériez
des réformes. Même, il ajoutait'tout bas de
n'en faire aucune et il terminait par le
conseil de s'emparer des administrations, i
des places, des emplois, de toutes les clefs
de l'activité économique, financière et po
litique. A défaut du système républi
cain, on aurait du moins le gouvernement
d'hommes républicains. Si cette tactique
n'a pas toujours été suivie, c'est celle qui
n'a jamais cessé de réussir, en ce sons
qu'elle a maintenu au pouvoir, dans les
-avenues du pouvoir les « cadres », ces ca
dres précieux dont le vil Briand parlait
un jour au noble Barrés. Quand, au con
traire, on essaie d'imposer à la France
quelques-uns des carcans rituels de l'idéa
lisme radical, la malheureuse s'agite, se
débàt, crie, proteste et la situation des
heureux possédants peut en être ébranlée
ou même compromise.
La manœuvre Briand-Caillaux-Painlevé,
(car notre astrologue en est à personnifier
une combine de ce réalisme 1) la maœuvre
des cartel-listes numéro deux tend dono &
faire dès aujourd'hui ce que les cartellistes
numéro un seraient obliges de faire demain
au plus tard : — Vous êtes condamnés à
la même impuissance que nous, dit en
substance le ministère Painlevé au fu
tur ministère Herriot qui est en train de
se refaire. La différence est que nous le
savons. Vous avez déjà oublié qu'il
vous fut impossible de faire ce que nous
tefusons d'essayer quant à nous. Le pré
lèvement sur le capital est une sornette.
La suppression de l'ambassade du Vatican
est une mauvaise affaire, comme cette sup
pression du cortège de Jeanne d'Arc qui,
vous faisant tant de plaisir samedi soir, est
apparue dimanche matin une imagination
de serins. Croyez-nous, prenons les places.
Partagez-les avec nous. Il n'y a pas autre
chose à faire.
A quoi l'Herriotisme évincé répond qu'il,
prétend bien aux places, mais que, pré
cisément, on les lui a prises et qu'il vou
drait bien les ravoir. Il ajoute que l'im
puissance dont parlent ses successeurs est
évidente. Ni les catholiques, ni les possé
dants, ni les'Alsaciens-Lorrains, ni per
sonne ne se laissera dépouiller' ni bri
mer. Mais le Cartel est suspendu aux vo
tes des socialistes. Et les -socialistes veu
lent, mais ils veulent absolument,- qu'ils
soit au moins question dans -les discours
et dans les lois de la malfaisante chimère
qu'ils ont promise au pays. Pas de lois
socialistes, ni de persécutions religieuses,
ni d'oppression alsacienne, pas de suffra
ge socialiste, et le. Cartel se brisera. C'est
à prendre ou à laisser.
Le Cartel sera-t-il maintenu ? Sera-t-il
rompu ? Dans les deux cas, les patriotes
auront un jeu assez beau.
Charles MAURRAS.
Le général Mangin
est mort hier
De tous lès chefs militaires qui ont sur
gi pendant la guerre, le général Mangin
était celui dont le prestige était le plus
grand. Simple général de brigade au dé
but de. la campagne, il était, a l'armistice,
commandant d'armée, et chaque étape de
cette magnifique carrière a été marquée
par un fait d'armes éclatant.
Aux offensives de mai 1915, sa qualité
primordiale, à savoir la ténacité ; se ma
nifesta aux attaques contre Neuville-Saint-
Vast et le Labyrinthe. Malgré la consigne
imposée par le gouvernement de ne pas
faire connaître lès noms des généraux qui
se distinguaient sur le champ de bataille,
le nom de Mangin, dès cette date, com
mença à filtrer dans le public. Son éner
gie, sa bravoure devinrent légendaires.
La reprise de Douaumont, en décembre
1916, le couvrit de gloire, car elle révéla
qu'il était non seulement itn brave soldat,
mais un chef éminent, ne laissant rien à
l'imprévu et n'entamant une attaque qu'a
près s'être assuré toutes les garanties de
succès.
On sait que, le 16 août 1918, l'armée
qu'il commandait fut celle qui réalisa
l'avance la plus considérable. Il serait
inopportun de rappeler aujourd'hui les in
cidents qui motivèrent sa disgrâce. L'his
toire a déjà jugé.
On se rappelle dans quelles conditions
il reprit un commandement, à l'heure où
l'offensive allemande menaçait Paris. Son
coup d'œil, sa décision, son indomptable
énergie, ses talents d'organisateur se ma
nifestèrent sans arrêt depuis cette contre-
attaque du 9 juin qui marqua en fait la
fin de la poussée allemande jusquà l'ar
mistice. Il fut de ceux qui contribuèrent
,le plus à sauver la patrie. La France perd
en lui un de ses meilleurs serviteurs l'ar
mée un chef en qui elle avait lé plus de
confiance.
Le général Mangin est mort. La France
en deuil pleurera ce chef de génie qui sut
tant de fois forcer la victoire, et dont le
nom la rassurait encore pour les heures
graves qui approchent-
Samedi soir, à 10 heures, après avoir
dîné en famille, il sentit un violent ma-
'laise — une « barre à l'estomac »— et
fut frappé d'une syncope. II ne reprit pas
connaissance jusqu'à sa mort survenue
h'ier matin à 11 h. 20. -
Les médecins qui le soignèrent, les doc
teurs Proust, Bize et Lavergne, diagnosti
quèrent une crise d'appendicite aiguë
compliquée d'urémie. Le professeur Gos-
set, appelé en consultation, avait été d'avis
qu'aucune opération chirurgicale ne pou
vait être tentée.
Sur l'origine de ce mal- subit, divers
bruits ont couru. Le général avait déjeuné
samedi dans un restaurant de Montmartre
avec des officiers de l'armée. coloniale.
C'est après ce déjeuner que, seul des con
vives, il aurait éprouvé un premier ma
laise- d'estomac. Il tint cependant à assis
ter, dans l'après-midi, à la fantasia des
spahis au Concours hippique.
Le grand chef s'est éteint à son domi-
'cile, 9, avenue de la Bourdonnais, entouré
de Mme Mangin, sa femme, de ses huit
enfants, de Mme Cavaignac, sa belle-mère,
de ses beaux-frères et belles-sœurs, M. et
Mme Ducastcl, et M: et Mme Suquet. Il
avait reçu l'extrême-onction lundi so'ir'.
Les obsèques auront lieu, pense-t-on,
vendredi, mais aucune décision n'a en
core été prise. ,
(Voir la suite en 2' page)
par Léon DAUDET
Léon Allard, romancier et poète d'un
rare et, discret talent, vient de mourir.
L'Action française quotidienne publiait
récemment de lui un beau livre, doulou
reux et plein : Fils unique. Il donnait
hebdomadairement, à Y Action française du
dimanche , des chroniques agricoles où il
apportait, avec une rare compétence, son
profond amour des choses de la nature.
Alphonse Daudet, son beau-frère, qui fai
mait et l'appréciait, l'appelait volontiers,
en raison de ses goûts de pêcheur et de
chasseur : « Mon frère indien..» mon frère
rouge ». Il disait aussi des Fies muettes,
un des ouvrages de début de Léon Allard:
« Cest une œuvre de premier ordre ; mais
l'auteur est tellement modeste, et en retrait,
que cela ne se saura que beaucoup plus
tard ».
C'était vrai. Je n'ai jamais connu d'écri
vain aussi peu disposé à se faire valoir et
à se mettre en 'avant que mon oncle et
beau-père Léon Allard. Il y a ici-bas deux
catégories de gens : ceux qui aspirent aux
honneurs et qui ont hâte de passer les pre
miers par les portes ; ceux qui s'effacent,
avec un mot d'excuse, devant les autres.
Celui qui vient de nous quitter, à soixante-
dix-huit ans, après une courte maladie,
appartenait à la seconde série. Très lettré,
grand lecteur, ami de l'ombre et du silence,
il traversait l'existence rai observateur in
dulgent et amusé ; de l'agitation et de la
vanité de ses confrères. Sa raillerie natu
relle, mêlée de Paris et de Touraine, —
son grand-père maternel était de Vouvray,
— était estompée de rêverie bretonne, son
père étant de Pontivy. On sait que la
famille bretonne transplantée se citadinise
au fil de la Loire. Pour les Allard, ce fut
le cas.
Je nous vois dans ma pètite jeunesse,
vers les douze ans, partant, de grand matin,
de Champrosay, avec mon père et mon
oncle, portant l'un le gouvernail et les
encoches, l'autre les rames de VArtésienne.
Nous .trouvions l'yole entre les roseaux et
j'obtenais l'honneur de l'écoper. Puis on
suivait le cours de la Seine et, quelquefois,
suprême plaisir, on remontait l'Orge et
l'on s'arrêtait dans une auberge. C'est
ainsi que j'appris, d'Alphonse Daudet et
de Léon Allard, l'excellence du « petit
reginglard blanc » de sept heures du matin
et du hareng esqiiiché sur une grosse
assiette. Dans une anfractuosité de la rive
ensoleillée, l'ancre était jetée, flèche d'or
à la double pointe. Chacun de son côté,
mon père et mon oncle étaient censés tra
vailler au livre en train. Mais la course
des goujons et des chevènes, des perches
et des ablettes les occupait plus que "leur
beau métier.
Léon Allard a publié, —r à travers son
èmploi de chef de bureau au ministère de
l'Agriculture, — et en dehors des volumes
que j'ai cités : l'Impasse des Couronnes ;
Maison de famille ; Catherine Hautier ; les
Flibustiers, roman d'aventures qui eut un
gros succès de librairie, non épuisé ; le
Valet de Jeanne, magnifique et simple évo
cation de la chevauchée libératrice de
Jeanne d'Arc; et un" livre que, pour ma
part, je relis de temps en temps, parce qu'il
descend dans les profondeurs de l'âme,
parce qu'il rend un son unique : les Fic
tions. Le titre indique le sujet, qui est
grand, et supérieurement traité. Chaque
fois que j'en parlas à mon beau-père et
que je lui conseillais de le rééditer, il me
suppliait de me taire, avec des yeux déjà
effrayés d'une telle perspective de dé
marches.
Cet homme si réservé et, si bon, d'une
douceur angélique, était un lion de patrio
tisme. Il s'était battu en 70, notamment à
Buzenval. Père de famille passionné, il
avait embrassé courageusement ses deux
garçons, le 1" août 1914, et,' pendant lés
quatre années de guerre, où ceux-ci se
battirent au premier rang, il avait caché,
surtout aux heures dures, sa terrible an
goisse à tous les siens. Dieu, qu'il priait,
les lui garda. Pour se distraire de son tour
ment paternel, il lisait du Virgile et du
Lucrèce, étant fort latiniste. Toute sa vie,
il s'adonna à « la musique intérieure ». Un
joli recueil de.vers, De l'Aube au Crépus
cule, en témoigne. La poésie en lui était
naturelle... Nascuntur poelœ
Ainsi traversa-t-il notre époque cruelle
de son pas égal de chasseur, la bouche
close pour toute parole blessante, mais les
yeux ouverts. Ses petits-enfants l'adoraient,
comme ses enfants. La mort tragique de
son petit Philippe avait été, pour lui aussi,
un coup terrible. Il me disait : «Dire que
je. reste, moi le vieux ! » Il avait perdu
deux filles chéries, connu les deuils pro
fonds, irrémédiables ; mais il avait gardé
près de lui son appui, son incomparable
compagne, ma belle-mère, née Anna Dau
det, qui lui avait inculqué sa foi ardente
de catholique et de royaliste.
Quelques heures avant de mourir, et
comme son fils Jacques s'efforçait de lui
parler de guérison, il le regarda bien en
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