Titre : L'Action française : organe du nationalisme intégral / directeur politique : Henri Vaugeois ; rédacteur en chef : Léon Daudet
Auteur : Action française. Auteur du texte
Éditeur : Action française (Paris)
Date d'édition : 1923-12-16
Contributeur : Vaugeois, Henri (1864-1916). Directeur de publication
Contributeur : Daudet, Léon (1867-1942). Directeur de publication
Contributeur : Maurras, Charles (1868-1952). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 décembre 1923 16 décembre 1923
Description : 1923/12/16 (Numéro 349). 1923/12/16 (Numéro 349).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k761799t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-6354
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/01/2011
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Dimanche 16 Décembre 1923
IScentimei. S sibe et S hih e-et- O isb
20 centimes. Départements et Coloris*
ABONNEMENTS: ta Ai. fou». TnbMm.
France et Colonies. 48 fr. *5 fr. i3 fr.
Etranger 8» » 4i » sa »
Chiqua postal s Compto aî.joo Paris,
ORGANE DU NATIONALISME INTÉGRAL,
« Tout ce qui est national est notre. » <
Le Duc d'ORLÉANS
héritier des quarante Rois qui ea mille ans firent la Franc*»
H8DA.GTIOH * A.DHIHI3TB ATIOK t
U, rat de Rome, PARIS (P)
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Adresse télégrapUqnc : ACTIOFRAH-PARU
Téléphone : Administration : Louvre a6-l», !&•$•
fèdactùm : Central }5-44 PabiicUi : Central ji-n-
Apris >0 heures do «oir : Bégur u44
d« Commtio* ; Soi»» N* 7».5S«
Fondateur
HENRI VAUGËOIS — Directeurs politiques : LÉON DAUDET et CHARLES MAURRAS Rédacteur en chef : MAURICE PIIJO
La presse vénale
Bismarck déclara au Reichstag que tous ses
efforts après Sadowa avaient visé à faire le silence
en France sur l 'armement de la Prusse et à nous
inspirer une fausse sécurité. « Une fois le mo
ment venu, ajoutait-il; je n'ai eu qu'à supprimer
les subventions à certains journaux français ; ils
•m
sont redevenu» du-coup patriotes et, prêchant la
guerre, m'ont aidé à la faire éclater. »
MAURICE BARRES
(Leurs Figures)
i——————— 1 1 1 m
L'aveu de l'anarchie policière
Où et qui ?
Le fait que — la voiture une fois dé
montée — aucune balle de revolver n'a été
retrouvée dans le taxi ni dans les parois
de taxi du chauffeur Bajot, ce fait prouve
que notre malheureux ënfant ne s'est pas
suicidé dans un accès de fièvre chaude,
comme je l'avais d'abord admis, dans
l'ignorance totale où j'étais de son esca
pade au Libertaire . On aurait pu supposer*
à l'extrême rigueur, que la balle était sor
tie par une fenêtre ouverte. Mais, au témoi
gnage de l'agent, aucune odeur de poudre,
tater le prétendu suicide, les fenêtres du
taxi étaient relevées et fermées quand,
on ouvrit la portière. Toujours au témoi
gnage de l'agent, aucunc odeur de poudre,
aucun signe de déflagration. Le bruit
de la détonation, au moment d'un encom
brement (circonstance aggravante), n'a
été entendu par aucun autre témoin
que par le sieur B ajot . Enfin la crosse
de l'arme, aux dernières nouvelles, ne por
terait aucune trace — parmi d'autres traces
— des empreintes digitales de l'enfant, qui,
dans l'hypothèse de suicide, aurait dû ce
pendant serrer Parme fortement et mar
quer une empreinte prédominante.
Je pense (et plusieurs pensent-.comme
moi) que l'intérêt, bien compris, du chauf
feur Bajot lui commanderait maintenant
d'aller spontanément dire au juge toute la
vérité sur la façon dont les choses se sont
passées et de dégager, ainsi sa propre res
ponsabilité dans une affaire criminelle où
il n'a sans doute joué qu'un rôle de trans
port. Il y a telle circonstance , dans la vie
où on ne saqrait refuser un coup de main
à un ou plusieurs copains dans l'embarras.
Le chauffeur Bajot peut avoir été dupe
d'une fable de suicide préalable, articulée
par lesdits copains. Plusieurs hypothèses
peuvent être faites dans ce sens. Mais rien
n'est plus grave; pour un innocent sur l'es
sentiel, compromis quant au secondaire,
que la persistance dans un récit qui, désor
mais, ne tient pas debout.
Le chauffeur Bajot sera bien avancé si
la vérité est connue d'un autre côté, avant
qu'il ait rétabli cette vérité (avec la vrai
semblance), dans le petit compartiment du
drame qui le concerne. C'est un point
auquel, saàs doute," il n'a pas encore réfléchi.
Ceci dit, la question demeure entière dé ;
savoir où Philippe a passé la nuit du ven
dredi au samedi, jour de sa mort. Rien de
ce que disèht les gens du Grenier de Grin-
goire ne doit ni rie peut être accueilli sans
le contrôle le plus strict et le plus sévère.
Le sieur Davray, directeur du cabaret anar
chiste, et qui donna asile à la fille Berton
dans les jours et les nuits précédant l'as
sassinat de Plateau, est un personnage infi
niment suspect et dont les propos suent
aujourd'hui, dans le cabinet de M. Bar-
naud, la machination, comme ils suaient la
machination, il y a dix mois, dans le cabi
net de M. Devise. Le fait est là, patent,
crevant les yeux ; ce cabaret interlope, le
Grenier de Gringoire, est lié aux circons
tances précédant l'assassinat de mon fils,
comme il était lié aux circonstances précé
dant l'assassinat de Platoau. C'est une
annexe du Libertaire et, comme le Liber
taire, un repaire d'assassins et d'indicateurs
de police,
II est invraisemblable, entre parenthèses,
qu'après l'assassinat de Plateau, et la preuve
étant faite des séjours de la Berton chez
Davray, ce repaire d'anarchistes n'ait pas
été fermé d'office par la Préfecture de
police. On me répondra qu'on le gardait
comme souricière. Cette excuse est inadmis
sible. Je le demande, non au préfet de
police, — qui n'est qu'un pauvre homme,
r-- mais à son chef, M. Maunoury, ministre
de l'Intérieur : . attend-on, pour fermer
ce bouge sanglant, un troisième cadavre?
Les cannibales du Libertaire avaient dis
simulé à la Justice le fait que notre enfant
avait passé, 8, rue de Chartres,*^- dans la
trappe déjà utilisée, voici quelques semaines,
.pour une autre victime des anarchistes, —
ichez le sieur Gruffi, la nuit du jeudi au
vendredi 23 novembre. Il y a toutes rai
sons pour qu'ils dissimulent à la Justice
l'endroit où notre petit Philippe a passé
la nuit du vendredi au samedi, et aussi
l'endroit où il a été assassiné, puis chargé
'dans l'automobile tragique,
La partie négative — quant au suicide —
de l'instruction touche à sa fin. Sa partie
positive — quant au crime — commence.
Léon DAUDET
Député de Paris.
UNE MANIFE STATION INTERDITE
On nous communique la note suivante :
Une manifestation du cartel des ser
vices publics a été annoncée pour lundi
prochain, place de l'Opéra.
Le gouvernement a interdit la manifes-
ation.
L'assassinat de Philippe Daudet
Anarchie et Police
La déposition du libraire
Le Flaouter
LE TEMOIN LE FLAOUTER
Mercredi matin, 12 décembre, l'Action
française demandait dans sa manchette :
« Que savait la Sûreté générale ? » Elle
posait la question : « Est-il vrai que la
Sûreté générale avait été avisée par les
anarchistes eux-mêmes de la présence de
Philippe parmi eux et de l'intention qu'il
aurait eue de commettre un attentat '! *
Le même jour, M. Le Flaouter, libraire,
46, boulevard Beaumarchais, se présentait
à la police judiciaire où le brigadier Ri-
boulet recevait sa première déposition.
Qui est M. Le Flaouter "? le nom de ce
libraire né nous est pas inconnu. C'est un
militant révolutionnaire qui est secrétaire
général du Comité pour l'amnistie. Nous
ne pouvons dire s'il est vrai, comme on
l'a assuré au lendemain de l'assassinat de
Plateau, que Gohary travailla chez lui. Ce
que nous savons, c'est que, depuis qu'elle
est détenue à Saint-Lazare, la Berton fai
sait passer sa correspondance à ses amis
par la boutique du boulevard Beaumar
chais. Cette boutique parait être ainsi la
boite aux lettres de l'Anarchie comme le
iogement de Gruffv, 8, rue de Chartres,
semble en être la sinistre hôtellerie.
Enfin, nous croyons bien rie pas nous
tromper en ajoutant que ce Le Flaouter
est le même que dans le milieu révolution?
naire on appelait Flotter, dont il fut ques
tion dans les articles de Maurras à propos
du rôle qu'il joua dans l'affaire des chè
ques Zalewski.
LA DEPOSITION
Voici, en, substance, la déposition qui
fut faite par ce personnage mercredi der
nier devant }e brigadier Riboulet et qu'il
a répétée hier devant M. le juge d'instruc
tion Bàrnaùd. Nous la résumerons fidèle
ment avant de-lâ commenter.
Le samedi 24 novembre, un peu avant
onze heures et demie, M. Le Flaouter; a
reçu dans sa boutique, boulevard Beau
marchais, la visite d'un jeune homme qui
est entré en disant : « Bonjour copain ! %
ce qui l'a" fait rfeconnaître tout de suite
comme un frère en anarchie. Le jeune
homme a demandé à acheter Les Fleurs du
Mal, de Baudelaire. Le libraire lui a soumis
des exemplaires de différentes éditions,
mais le jeune homme désirait un format
de poche qui ne se trouvait pas dans le
magasin.
Spontanément, l'inconnu dit alors au li
braire : « Je suis venu à Paris, mandaté
par mon organisation, pour perpétrer un
attentat sur un membre du gouvernement
ou un homme politique », Il ajouta qu'il
était arrivé de la veille et avait travaillé la
nuit aux Halles pour éviter de prendre une
chambre et de donner son nom.
Comme il avait exhibé un pistolet brow
ning, Le Flaouter essaya de le calmer, lui
faisant observer que l'acte qu'il méditait
serait aussi fâcheux pour lui qu'inutile
pour la société... II chercha ensuite à per
cer l'identité du jeune exalté, mais n'ob
tint de lui aucune explication. Le visiteur
partit alors, n'étant resté que cinq à six
minutes dans la boutique [?]
Avant son départ, le libraire l'avait in
vité à revenir dans l'après-midi, entre
15 et 16 heures : « D'ici-là, j'aurai pu me
procurer l'édition que tu cherches. »
Mais Le Flaouter, inquiet des propos du
jeune homme, alla, à 1 h. 45, en rendre
compte à M. Lannes, contrôleur général des
Services de police, au ministère de l'Inté
rieur...
A la Sûreté générale
Ici, la déposition de M. Le Flaouter
est complétée par les rapports des fonc
tionnaires de la Sûreté qui — nous l'avons
appris hier — ont été adressés au juge
d'instruction, avec une lettre d'envoi de
M. Maunoury, le 5 décembre, date que
l'on trouvera encore un peu tardive.
Deux heures un quart, M. Lannes avait
une conférence avec M. Delange, contrô
leur général du service des Recherches,
dans le cabinet et en présence de M. Mar
lier, directeur général de la Sûreté. Après
avoir appelé au téléphone le Préfet. de po
lice qui ne put être touché, pas plus que
M. Lacambre, directeur des Recherches à
la Préfecture, M. Marlier invita M. Delan
ge à prendre le personnel dont il pouvait
disposer et à se rendre boulevard Beau
marchais pour exercer la surveillance.
Nous savons que M. le contrôleur gé
néral Delange s'y rendit avec dix-huit ins
pecteurs qui étaient en place,,autour de la
boutique» entre trois et quatre heures.
Revenons à la déposition Le Flaouter.
D'après lui, le jeune homme serait revenu
à quatre heures. Il était très agité, alors
que, le matin, il lui avait paru « fermé,
concentré sur lui-même et en bonne santé»
II aurait dit alors : « Ta boutique est sur
veillée ; il y a des mouches tout autour,
je suis filé r depuis la Bastille ; j'ai envie de
tirer dans le tas èt d'en tuer deux ou trois».
Le jeune homme aurait demandé s'il y
avait une sortie par derrière : il n'y en
avait pas.
Le Flaouter aurait alôrs fait tout son
possible pour le détourner de son projet,
lui disant que pour deux agents tués, il
en viendrait dix ; que, de même, un hom
me politique assassiné serait immédiate
ment remplacé. Il lui aurait conseillé de
retourner en province et, supposant qu'il
n'avait pas d'argent, il lui aurait remis
spontanément 80 francs. Le jeune homme
parut persuadé ; il sortit et le libraire sup
pose qu'il avait pris un taxi pour se ren
dre à la gare du Nord.
Cependant le contrôleur général Delan
ge et ses dix-huit agents par qui Philippe, v
au dire de Le Flaouter, se déclarait* iiiVK't
qu'il voulait massacrer, ne l'avaient vu ni
entrer ni sortir. Le rapport de M. Delange
s'exprime ainsi :
« La surveillance a été faite avec le plus grand
soin...
Nous n'avons vu personne dont la tenue, la ma
nière d'être, l'agitation correspondent aux indi
cations que nous avions reçues. »
Le lendemain, dimanche, Le Flaouter
lit dans l'Action française trois lignes an
nonçant le suicide d'un jeune inconnu qui
avait été transporté à Lariboisière. Le sui
cide, pensa-t-il, a eu lieu bouleyard Ma
genta : c'est près de la gare du Nord ; or
le jeune homme m'avait quitté avec l'in
tention d'aller prendre un train pour ren
trer chez lui. Inquiet, à onze heures, le li
braire alla revoir M. Lannes pour s'infor
mer du résultat de sa démarche de la veil
le. Puis, l'idée du « suicidé » le tracas
sant, il se rendait après midi à l'hôpital
Lariboisière pour demander à voir le
corps.
Là, il reconnut parfaitement son visi
teur, mais, craignant des histoires, il dé
clara à l'hôpital : « Ce n'est pas le jeune
homme que je' cherche ».
VOYONS UN PEU...
Constatons d'abord que, malgré le dé
menti du Libertaire, nous saisissons la
main de l'Anarchie dans celle de la police.'
Aucun de nos lecteurs n'en sera surpris.
Remarquons ensuite que cette déposi
tion ne repond pas à toutes les_ questions
que nous avons posées mercredi et trans
formées vendredi en affirmations. Nous
avons dit que la Sûreté générale avait été
prévenue dès le jeudi par un coup de té
léphone d'un anarchiste, que, dès le jeudi
soir, le bruit avait couru d'un attentat
contre . M. Poincaré et que le vendredi
un service d'ordre inusité avait été établi
à la Chambre. Nous le maintenons, soit
que Le Flaouter n'ait pas dit toute la vé
rité, soit qu'un autre m&rcliiad anarchis
te soit l'auteur du coup de téléphone.
Observons ensuite que cette déposi
tion se produit le jour où l'on a vu que
nous savions quelque chose, dix jours après
l'ouverture de l'instruction qui recherchait
vainement l'emploi du temps de Philippe,
le samedi. Elle arrive opportunément
après toutes les objections faites à la
version du Libertaire pour essayer de
boucher les trous signalés. Elle les bouche
d'ailleurs d'une façon bien maladroite
et en crée de nouveaux, ainsi que nous
allons le voir.
v Suivons le récit du libraire. Philippe ar
rive chez lui le matin. Il lui dit : « Je viens
à Paris, mandaté par mon organisation,
pour perpétrer un attentat... » _ Si un pa
reil style pouvait être de Philippe, nous
saisirions l'enfant en train de bourrer le
crâne aux anarchistes dont il voulait faire
ses dupes. Il est avéré en effet qu'il n'était
« mandaté » par aucune organisation, ni
du Havre ni d'ailleurs.
Philippe parti, après avoir promis^ de
revenir l'après-midi, le libraire déjeûne,
puis le maître-jacques qu'est tout anar
chiste se transforme en policier et il va
faire son rapport à M. Lannes, contrôleur-
général des Services de police.
Le rôle de la Sûreté
A ce point de l'histoire, c'est devant le
rapport des fonctionnaires de la Sûreté
que. nous rious émerveillons. M. Lannes,
contrôleur des Services de police, M. De
lange, contrôleur des Recherches, se réu
nissent avec le directeur général de la Sû
reté, M. Marlier, pour s'occuper de 'quoi ?
De propos violents et de menaces profé
rés par un gamin dans la boutique d'un
libraire. Tout le monde se dira que des
propos de ce genre sont tenus plusieurs
fois par jour dans les bars de Paris, sans
provoquer un conseil des plus hautes auto
rités de la Sûreté. Qu'est-ce qui rend donc
l'affaire si grave ?
Tout le monde conclura que c'est ia
personnalité du gamin. On çait qu'il s'ap
pelle Philippe Baudet..
Aussi n'envoie-t-on pas ^n ou deux ins
pecteurs pour surveiller ce jeune fou, com
me on le fait journellement. On lui fait
l'honneur d'une souricière sérieuse : un
commissaire et 18 inspecteurs sont en
voyés se poster aux abords de la boutique
du boulevard Beaumarchais.
Mais pourquoi envoie-t-on des agents de
... Sûreté Générale ? C'est la Préfecture de
police que cette sorte d'incident regarde.
A la S. G. on ne l'ignore pas. Aussi dit-on
qu'on a téléphoné à la Préfecture, mais,
par un hasard malencontreux, ni M. Nau-
din, ni M. Lacambre ne sont là. Evidem
ment le secrétaire de cabinet, le directeur
de la police municipale et leurs sous-or
dres, faisaient-ils également la semaine an
glaise. La Préfecture était vide sans doute.
C'est ce qui permet à la Sûreté Générale de
garder l'affaire. Parions qu'elle avait ses
raisons pour aimer mieux ça !
Philippe est-il venu ?
Voilà donc le commissaire de la S. G. et
son bataillon d'inspecteurs aux aguets, à
l'entrée du boulevard Beaumarchais, près
de la boutique du libraire entre 3 heures et
4. heures. Le jeune homme vient, comme il
la
l'avait annoncé. Il entre dans la boutique.
H est d'autant plus facile à remarquer qu'il
est dans un état d'excitation extrême. Il
déclare : « Je suis filé I > Q a vu les poli
ciers ; il veut tirer dans «le tas ». Le li
braire lui fait un sermon^ pacifique, et,
avec une générosité qui passe encore celle
de Davray, il tire de sa poche 80 francs
pour les remettre à ce jeune écervelé in
connu.
Quatre-vingt francs, c'est un chiffre bi
zarre. Pourquoi pas, tout simplement, un
billet de cent francs ? Pourquoi ? Parce
que cela ne cadrerait plus avec le fait
, qu'on a trouvé dans les poches du « jeune
suicidé » la somme de 83 francs. Parce
que ces quatre-vingts francs qu'il a
prétendu lui avoir remis, doivent bou
cher exactement le trou inexplicable qui,
depuis le début de l'instruction, béait
dans la version du Libertaire !
Le jeune homme sort. Il a vu, lui, les
policiers, puisqu'il avait envie de tirer
« dans le tas ». Mais le commissaire et ses
dix-huit inspecteurs rie le voient pas !
Leur rapport est formel : « La surveil
lance a été faite avec le plus grand soin...
Nous n'avons vu personne dont la tenue,
la manière d'être, l'agitation, correspon
dent aux indications que nous avions re
çues. »
Une Préfecture de police où l'on ne
trouve personne ! Une Sûreté générale
qui, malgré pareille mobilisation, n'arrive
pas à apercevoir un individu repéré qui
lui passe sous le nez ! Les Parisiens pour
raient en conclure qu'ils sont bien mal
gardés, s'il n'était plus simple de penser
que les dix-neuf témoignages des policiers
sont plus sûrs que celui du libraire et
que Philippe n'est pas venu dans la bou
tique. du boulevard Beaumarchais dans
l'après-midi du samedi.
La divination du libraire
Autant que leur générosité, la perspi
cacité des anarchistes est merveilleuse.
Le Flaouter n'a pas moins de flair que
Vidal. Mais si celui-ci, 1 le dimanche ma
tin, a acheté le Petit Parisien, le libraire
s'est précipité sur l'Action française. J1
l'a lue avec une attention extrême jus
qu'aux « Petites Nouvelles de la Nuit »,
en troisième page et il y a trouvé ce fait
divers noyé parmi les autres, tel que
nous l'avait passé notre rédacteur char
gé de cette rubrique :
« Un inconnu, âgé d'une vingtaine d'années,
tente de se suicider dans un taxi en se tirant une
balle de revolver d'ans la tête. A Lariboisière ».
Cela suffit à M. Le Flaouter pour qu'il
coure de nouveau chez M. Lannes et lui
demande ce qu'il est advenu du jeune
homme de la veille. Cela suffit pour qu'il
aille sans retard à Lariboisière afin dè
reconnaître le cadavre. Cette divination,
avouons-le, surpasse encore celle de Vi
dal, car si le Petit Parisien indiquait que
le suicide avait eu lieu boulevard Ma
genta, l'Action française n'en disait rien
et se contentait de signaler l'envoi du
blessé à Lariboisière. La suite des raison
nements de Le Flaouer a donc été la sui
vante : Pour qu'on l'ait porté à Lariboi
sière, cela a du se passer boulevard Ma
genta, et le boulevard Magenta est la
route de la gare du Nord et c'est par la
gare du Nord que l'on va au Havre —
sans doute par le chemin des écoliers !
Donc, le « suicidé » est mon « inconnu » !
Admirons pareille faculté de déduction !
Donc, M. Le Flaouter va à Lariboisière.
On sait que le corps avait été reconnu
par le docteur Bernard; entre midi et
deux heures." Or, la reconnaissance faite,
on ne montre plus le corps à personne.
M. Le Flaouter était-il arrivé avant le
docteur Bernard ou bien, pour arriver
jusqu'au cadavre, a-t-il exhibé une carte
de la Sûreté ? Est-ce pour le compte de
la police ou pour celui du Libertaire qu'il
venait s'informer? Mettons que c'était pour
le compte de l'un et de l'autre !
Mensonges et mensonges
Bref, introduit devant le cadavre, M. Le
Flaouter le reconnaît formellement, —
mais il déclare qu'il ne le reconnaît pas !
Pourquoi ce mensonge ? Quelles histoires
craignait-il, lui qui avait averti la police
et qui s'attribue, dans toute cette affaire,
un rôle d'apaisement et de générosité ?
Pourquoi a-t-il abandonné ses 80 francs
retrouvés dans la poche du mort ? En vé
rité, que tout cela est bizarre !
Et les gens du Libertaire ? Pourquoi ont-
ils inventé, pour expliquer leur identifica
tion de « l'inconnu », des coïncidences et
des « rapprochements » laborieux : une
visite infructueuse de l'un d'entre eux à
l'hôpital, le lundi ; puis, le mardi, l'article
de Maurras qui les met sur la voie ; enfin,
le mercredi, une enquête de leurs amis des
Services hospitaliers; — alors qu'il était
si simple de dire que le corps avait été re
connu directement et de ses propres yeux
par leur camarade Le Flaouter ? On au
rait trouvé un peu moins odieux, du mo
ment qu'ils avaient une certitude, l'envoi
de la lettre à Mme Léon Daudet et le lan
cement du numéro du Libertaire, ce qu'ils
prétendent avoir fait avant d'être sûrs de
rien !
Maurice PUJO
LA POLITIQUE
Hommage à Marius Plateau
Une délégation de la section d'Action
française du 15" arrondissement se ren
dra. "aujourd'hui, à quinze heures, sur la
tombe de Marius Plateau pour y déposer
des fleurs.
Les personnes qui voudraient se join
dre à cette délégation sont priées de se
trouver aujourd'hui, à 15 heures, à la Per
manence de la section, 97, rue Blomet
tNord-Sud Vaugirard).
I. Âu jubilé de Paul Bourget
Hier, un groupe d'amis intimes a offert
à Bourget la médaille jubilaire qui commé
more les 50 années de son noble culte,
de ses heureux services rendus aux Let
tres françaises et humaines. J'ai le chagrin
de n'avoir pu y asister, Mais l'Action fran
çaise était représentée par plusieurs de
ses vétérans que nous accompagnions tous
d'esprit et de cœur. L'Action française est
certainement l'un des cerclés moraux et
politiques où l'esprit de Bourget a le plus
souvent habité et séjourné durant ce der
nier quart de siècle.Nous n'en étions qu'aux
prélogomènes de notre Action, et, déjà,
c'est vers lui que nous nous tournions.
En 1898, j'ai dédié à Paul Bourget, en
souvenir des justes conclusions d_ Outre
mer, la brochure initiale Trois Idées po
litiques, Chateaubriand, Michelet, Sainte-
Beuve, qui intéressa et groupa nos pre
miers amis, avant même la publicatiori de
notre revue grise, qui est de 1899. Le pre
mier écrivain qui ait répondu à l'Enquête
sur la Monarchie en 1900 fut encore Bour
get. Quelques-uns des éléments les plus
importants de notre méthode et de nos
doctrines sont en germe dans un personna
ge philosophique de la Physiologie de
l'amour moderne que Paul Bourget a sur
nommé M. Accard ; je dis surnommé et
non pas nommé, car le seul nom qui con
viendrait serait celui de Bourget en per
sonne. Cet Accard écrivait un grand ou
vrage intitulé «Du droit divin dans ses
rapports avec le droit historique » et il y
établissait (thèse « d'où dépend l'avenir
du pays), « l'identité de la conception
« mystique de la royauté et de sa con-
« ception moderne et scientifique ».
Comme ils en ont été prévenus, nos lec
teurs trouveront, dans la Revue hebdoma
daire, une esquisse aussi exacte que j'ai
pu la faire des idées politiques et
sociales de Paul Bourget. Mais ils seront
sages de lire avec attention tout ce beau
numéro. Une page de maître de Maurice
Barrés en fait le premier et solide orne
ment. Mais pas un des vingt-cinq écrivains
qui ont pris part au juste banquet de l'ad
miration et de la' gratitude n'a manqué
d'apporter un trait vif, une idée heureuse,
un sentiment délicat et fin de cette figure
si considérable d'écrivain, de critique,
de poète et de philosophe.
Je suis très particulièrement reconnais
sant au poète Tristan Derème de l'étendue,
de la vivacité du bel enthousiasme des
louanges données à Bourget poète,_ et je
lui en veux, néanmoins, de n'avoir pas
ajouté à cinquantes citations admirables
celle de l'un des poèmes les plus péné
trants de l'auteur des Aveux et d'Edel. Ce
qu'il n'a pas dit, je le dirai. Notre journal
complétera la Revue de Le Grix, Voici :
Ai-je assez usé ma vie,
Ma vie et mes pas,
Sur la grand'route suivie
Par ceux que je n'aime pas I
Ai-je assez battu l'estrade,
Chasseur dégoûté,
Sans avoir un camarade .
Qui m'aimât, à mon côté !
O beau jour, quand tu f achèves
Par tes feux mourants,
Ce que tu m'as pris de rêves,
Jour tombant, tu me le rends !
Ta lumière à l'agonie
Auréole alors
D'une douceur infinie
Le front de mes rêves morts.
Je vois des jeunes gens découper ces
quatre strophes et les glisser dans leur
portefeuille. Qu'ils fassent de même pour
les deux strophes du Cantique spirituel
de Jean Racine citées par le père de
Grandmaison et qui sont les vers préférés
de Paul Bourget :
Le pain que je vous propose
Sert aux anges d'aliment,
Dieu lui-même le compose
De la fleur de son froment...
Mais je flâne. Il faut flâner à travers
ce Bourget si varié, si vivant, ainsi telle;
ment vrai. Il faut se promener avec lui
dans ce numéro. Henry Bordeaux nous le
montre dans son Plantier de Costebelle,
Pierre de Nolhac en Auvergne, Georges
Grappe en Angleterre et en Amérique, Mar
cel Boulenger dans les allées de Chantilly,
Eugène Marsan dans sa rue, dans sa mai
son, dans ce cabinet où nous avons tous
passé ; il le peint comme l'auteur des Pas
santes sait peindre, en tête-à-tête « avec
quelque blanc-bec » des Lettres qui nous
ressemble comme un frère et que Bourget
get endoctririe et édifie. Enfin notre vieil
ami de l'Avenir de Blois, Henry dp Car-
donne, condisciple de notre maître, à
Louis-le-Grand et au jardin du Luxem
bourg, dans un crayon rapide, trop rapi
de, de ce qui ferait un beau volume de
souvenirs, « la jeunesse de Paul Bourget »,
fait asistër - au mystère de la voca
tion, sentie, avouée : « Vois-tu, tout homme
« digne de ce nom a une destinée et doit
« la remplir tout entière, quoi qu'il lui
« en coûte»,
Idées balzaciennes, idées stendahliennes,
idées napoléoniennes, si l'on veut, et que
le goût des expériences et des enseigne
ments de la vie a lentement épurées, gra
duellement élevées, méthodiquement trans
formées sans les dénaturer en rien, jus
qu'à ce qu'elle eussent atteint la formule
supérieure de la soumission à l'Objet, de
l'Objet que soutiennent les grandes lois du
vrai et du bien.
II. Sur le Rhin
Nous apprenons une nouvelle assez bi
zarre. A la date du 12 décembre, notre
confrère Paul Hocquel a été arrêté, em
prisonné, mis au secret à Wiesbade par
les autorités françaises. Il avait réquisi
tionné des marks de la Reichbank au
nom de la République rhénane, il avait
revendiqué la responsabilité des ordres
donnés pour cette réquisition : on l'a in
culpé de vol ! Barrés n'est plus là pour
protester contre cette maladresse nou
velle. Quel patriote comprendra que s'il
peut être convenable de traiter avec les
Allemands qui sont nos ennemis, il l'est
plus encore de ne pas décourager l'effort
de nos amis! Or, Paul Hocquel agissait, mi
litait aux côtés du docteur Dorsen. Le
chef du parti rhénan le tenait pour un
des siens. S'y prendrait-on autrement si
l'on voulait rebuter à jamais les sépara
tistes rhénans ?
Leur mouvement a échoué? C'est possi
ble, sans être absolument sûr. Mais, si nous
ne patronons pas ouvertement un groupe
déterminé de Rhénans, notre intérêt his
torique veut que les groupes de Rhénans
soient très nombreux et très divers: nous
devons être strictement avec tous et ne
tenir pour ennemis que ceux qui com
mettent acte d'hostilité contre nous. Est-il
spirituel de tirer justement sur ceux qui
nous font des avances ?
D'autant que l'avenir du Rhin est loin
d'être réglé dans le sens unitaire ni même
dans un sens purement décentralisateur.
Fédération, confédération, sont les mots
qui courent. Le Journal de Genève, qui
est pour l'unité allemande, s'en inquiète
et expose les inquiétudes de Berlin. Les
tendances autonomistes s'accroissent
même sur la rive droite du Rhin. M. de
Guillerville écrit au plus grand journal
de la République :
« Dans Vancien grand-duché de Bade,
on cherche à utiliser les ressources fores
tières et hydrauliques du pays pour amélio
rer la désastreuse situation économique ;
le nouveau gouvernement, présidé par M.
Baumgartner, du centre catholique, s'est
prononcé en faveur d'une revision de la
Constitution de Weimar, Le pays de Bade
veut, comme ses voisins le Wurtemberg et
la liesse, une plus grande autonomie lui
permettant d'avoir sa politique économi
que orientée vers les pays rhénans et la
France, surtout au cas où un Etat rhénan
serait constitué. A Carlsruhe, on ne deman
derait pas mieux que de s'entendre poli
tiquement et économiquement avec l'ouest.
Des tentatives réitérées de causer avec des
hauts fonctionnaires français d'Alsace et
de la Rhénanie ont révélé le désir des Ba-
dois d'entretenir des rapports de bon voi
sinage avec nous, et, dans leur intérêt, de
répudier lapolitique intransigeante de la
Prusse. Il ne faut cependant pas perdre de
vue que ces bonnes intentions, soutenues
par la majorité démocrate-catholique, se
heurtent à l'opposition des nationalistes
qui disposent de la Schupo et des commu
nistes qui excitent les masses ouvrières
contre la France.
« La banqueroute du Reich inquiète
énormément ces deux Etats voisins, Ba
de et Messe ; ils réclament la libre dispo
sition de leurs ressources, postes et che
mins de fer, et paraissent persuadés que
malgér le bluff protstataire de Berlni, la
création d'un Etat rhénan s'imposera.
Ces « pays », comme dit l'acte de Weimar,
effrayés par les excès du régime réaction
naire de l'Allemagne du Nord, tournent
leurs regards vers le Rhin, ils ne vou
draient pas en être tenus à l'écart ; aus
si accepteraient-ils une fédération, une
union douanière et monétaire avec l'Etat
rhénan en perpective. Pour parer au plus
pressé, on va procéder à l'émission d'une
monnaie badoise, valeur or, garantie par
les forêts de l'Etat.
Voilà de bons signes dans notre ciel.
Utilisons-les ! Mais il dépend toujours de
l'homme de gâcher les biens qui lui sont
offerts. Je pose seulement la question de
savoir si, au point où en sont les affaires
de France, nous sommes sages de com
mettre ces prodigalités.
Charles MAURRAS
ECHOS
LES FAITS DU JOUR
— M .Poincaré a reçu, hier matin, M. von
Haesch.
— A Saint-Denis, sauvage assassinat d'un
ouvrier d'usine.
— Le gouvernement. mexicain a interdit
le port de la Fera-Crus,
Perugia, bottier, 11 faubourg Saint-Honoré, sol
de avant inventaire à partir du 17 décembre et
pour quelques jours seulement.
Vente strictement au comptant.
* " *
Pourquoi conserver des bijoux démodés quand,
pour une dépense infime, vous pouvez les faire \
transformer et obtenir des parures d'un goût
exquis, chez Pinson, joaillier, fabricant, fournis
seur de l'A. F., 15, rue Lévis (de 9 h. à 12 h.).
* *
Au Lys Royal, 13, rue de la Pépinière,
gourmets et connaisseurs trouveront, luxueuse
ment présentés dans des boîtes et coffrets de hau
goût, des chocolats exquis.
« ses baptêmes chocolat »
* *
La source brillante.
Ne prends pas, divin Apollon,,
Pour toi ma plus belle chansor
Ma lyre trop ardente
A plus beau sujet à t'offrir,
Qui jamais ne pourra tarir,
Mazda , source brillante.
t
Iddibue AnniSft «-• N* 3# ^ =3 EDITION DU MATIN [
9'A"/nrrn
Dimanche 16 Décembre 1923
IScentimei. S sibe et S hih e-et- O isb
20 centimes. Départements et Coloris*
ABONNEMENTS: ta Ai. fou». TnbMm.
France et Colonies. 48 fr. *5 fr. i3 fr.
Etranger 8» » 4i » sa »
Chiqua postal s Compto aî.joo Paris,
ORGANE DU NATIONALISME INTÉGRAL,
« Tout ce qui est national est notre. » <
Le Duc d'ORLÉANS
héritier des quarante Rois qui ea mille ans firent la Franc*»
H8DA.GTIOH * A.DHIHI3TB ATIOK t
U, rat de Rome, PARIS (P)
. ■ !.
Adresse télégrapUqnc : ACTIOFRAH-PARU
Téléphone : Administration : Louvre a6-l», !&•$•
fèdactùm : Central }5-44 PabiicUi : Central ji-n-
Apris >0 heures do «oir : Bégur u44
d« Commtio* ; Soi»» N* 7».5S«
Fondateur
HENRI VAUGËOIS — Directeurs politiques : LÉON DAUDET et CHARLES MAURRAS Rédacteur en chef : MAURICE PIIJO
La presse vénale
Bismarck déclara au Reichstag que tous ses
efforts après Sadowa avaient visé à faire le silence
en France sur l 'armement de la Prusse et à nous
inspirer une fausse sécurité. « Une fois le mo
ment venu, ajoutait-il; je n'ai eu qu'à supprimer
les subventions à certains journaux français ; ils
•m
sont redevenu» du-coup patriotes et, prêchant la
guerre, m'ont aidé à la faire éclater. »
MAURICE BARRES
(Leurs Figures)
i——————— 1 1 1 m
L'aveu de l'anarchie policière
Où et qui ?
Le fait que — la voiture une fois dé
montée — aucune balle de revolver n'a été
retrouvée dans le taxi ni dans les parois
de taxi du chauffeur Bajot, ce fait prouve
que notre malheureux ënfant ne s'est pas
suicidé dans un accès de fièvre chaude,
comme je l'avais d'abord admis, dans
l'ignorance totale où j'étais de son esca
pade au Libertaire . On aurait pu supposer*
à l'extrême rigueur, que la balle était sor
tie par une fenêtre ouverte. Mais, au témoi
gnage de l'agent, aucune odeur de poudre,
tater le prétendu suicide, les fenêtres du
taxi étaient relevées et fermées quand,
on ouvrit la portière. Toujours au témoi
gnage de l'agent, aucunc odeur de poudre,
aucun signe de déflagration. Le bruit
de la détonation, au moment d'un encom
brement (circonstance aggravante), n'a
été entendu par aucun autre témoin
que par le sieur B ajot . Enfin la crosse
de l'arme, aux dernières nouvelles, ne por
terait aucune trace — parmi d'autres traces
— des empreintes digitales de l'enfant, qui,
dans l'hypothèse de suicide, aurait dû ce
pendant serrer Parme fortement et mar
quer une empreinte prédominante.
Je pense (et plusieurs pensent-.comme
moi) que l'intérêt, bien compris, du chauf
feur Bajot lui commanderait maintenant
d'aller spontanément dire au juge toute la
vérité sur la façon dont les choses se sont
passées et de dégager, ainsi sa propre res
ponsabilité dans une affaire criminelle où
il n'a sans doute joué qu'un rôle de trans
port. Il y a telle circonstance , dans la vie
où on ne saqrait refuser un coup de main
à un ou plusieurs copains dans l'embarras.
Le chauffeur Bajot peut avoir été dupe
d'une fable de suicide préalable, articulée
par lesdits copains. Plusieurs hypothèses
peuvent être faites dans ce sens. Mais rien
n'est plus grave; pour un innocent sur l'es
sentiel, compromis quant au secondaire,
que la persistance dans un récit qui, désor
mais, ne tient pas debout.
Le chauffeur Bajot sera bien avancé si
la vérité est connue d'un autre côté, avant
qu'il ait rétabli cette vérité (avec la vrai
semblance), dans le petit compartiment du
drame qui le concerne. C'est un point
auquel, saàs doute," il n'a pas encore réfléchi.
Ceci dit, la question demeure entière dé ;
savoir où Philippe a passé la nuit du ven
dredi au samedi, jour de sa mort. Rien de
ce que disèht les gens du Grenier de Grin-
goire ne doit ni rie peut être accueilli sans
le contrôle le plus strict et le plus sévère.
Le sieur Davray, directeur du cabaret anar
chiste, et qui donna asile à la fille Berton
dans les jours et les nuits précédant l'as
sassinat de Plateau, est un personnage infi
niment suspect et dont les propos suent
aujourd'hui, dans le cabinet de M. Bar-
naud, la machination, comme ils suaient la
machination, il y a dix mois, dans le cabi
net de M. Devise. Le fait est là, patent,
crevant les yeux ; ce cabaret interlope, le
Grenier de Gringoire, est lié aux circons
tances précédant l'assassinat de mon fils,
comme il était lié aux circonstances précé
dant l'assassinat de Platoau. C'est une
annexe du Libertaire et, comme le Liber
taire, un repaire d'assassins et d'indicateurs
de police,
II est invraisemblable, entre parenthèses,
qu'après l'assassinat de Plateau, et la preuve
étant faite des séjours de la Berton chez
Davray, ce repaire d'anarchistes n'ait pas
été fermé d'office par la Préfecture de
police. On me répondra qu'on le gardait
comme souricière. Cette excuse est inadmis
sible. Je le demande, non au préfet de
police, — qui n'est qu'un pauvre homme,
r-- mais à son chef, M. Maunoury, ministre
de l'Intérieur : . attend-on, pour fermer
ce bouge sanglant, un troisième cadavre?
Les cannibales du Libertaire avaient dis
simulé à la Justice le fait que notre enfant
avait passé, 8, rue de Chartres,*^- dans la
trappe déjà utilisée, voici quelques semaines,
.pour une autre victime des anarchistes, —
ichez le sieur Gruffi, la nuit du jeudi au
vendredi 23 novembre. Il y a toutes rai
sons pour qu'ils dissimulent à la Justice
l'endroit où notre petit Philippe a passé
la nuit du vendredi au samedi, et aussi
l'endroit où il a été assassiné, puis chargé
'dans l'automobile tragique,
La partie négative — quant au suicide —
de l'instruction touche à sa fin. Sa partie
positive — quant au crime — commence.
Léon DAUDET
Député de Paris.
UNE MANIFE STATION INTERDITE
On nous communique la note suivante :
Une manifestation du cartel des ser
vices publics a été annoncée pour lundi
prochain, place de l'Opéra.
Le gouvernement a interdit la manifes-
ation.
L'assassinat de Philippe Daudet
Anarchie et Police
La déposition du libraire
Le Flaouter
LE TEMOIN LE FLAOUTER
Mercredi matin, 12 décembre, l'Action
française demandait dans sa manchette :
« Que savait la Sûreté générale ? » Elle
posait la question : « Est-il vrai que la
Sûreté générale avait été avisée par les
anarchistes eux-mêmes de la présence de
Philippe parmi eux et de l'intention qu'il
aurait eue de commettre un attentat '! *
Le même jour, M. Le Flaouter, libraire,
46, boulevard Beaumarchais, se présentait
à la police judiciaire où le brigadier Ri-
boulet recevait sa première déposition.
Qui est M. Le Flaouter "? le nom de ce
libraire né nous est pas inconnu. C'est un
militant révolutionnaire qui est secrétaire
général du Comité pour l'amnistie. Nous
ne pouvons dire s'il est vrai, comme on
l'a assuré au lendemain de l'assassinat de
Plateau, que Gohary travailla chez lui. Ce
que nous savons, c'est que, depuis qu'elle
est détenue à Saint-Lazare, la Berton fai
sait passer sa correspondance à ses amis
par la boutique du boulevard Beaumar
chais. Cette boutique parait être ainsi la
boite aux lettres de l'Anarchie comme le
iogement de Gruffv, 8, rue de Chartres,
semble en être la sinistre hôtellerie.
Enfin, nous croyons bien rie pas nous
tromper en ajoutant que ce Le Flaouter
est le même que dans le milieu révolution?
naire on appelait Flotter, dont il fut ques
tion dans les articles de Maurras à propos
du rôle qu'il joua dans l'affaire des chè
ques Zalewski.
LA DEPOSITION
Voici, en, substance, la déposition qui
fut faite par ce personnage mercredi der
nier devant }e brigadier Riboulet et qu'il
a répétée hier devant M. le juge d'instruc
tion Bàrnaùd. Nous la résumerons fidèle
ment avant de-lâ commenter.
Le samedi 24 novembre, un peu avant
onze heures et demie, M. Le Flaouter; a
reçu dans sa boutique, boulevard Beau
marchais, la visite d'un jeune homme qui
est entré en disant : « Bonjour copain ! %
ce qui l'a" fait rfeconnaître tout de suite
comme un frère en anarchie. Le jeune
homme a demandé à acheter Les Fleurs du
Mal, de Baudelaire. Le libraire lui a soumis
des exemplaires de différentes éditions,
mais le jeune homme désirait un format
de poche qui ne se trouvait pas dans le
magasin.
Spontanément, l'inconnu dit alors au li
braire : « Je suis venu à Paris, mandaté
par mon organisation, pour perpétrer un
attentat sur un membre du gouvernement
ou un homme politique », Il ajouta qu'il
était arrivé de la veille et avait travaillé la
nuit aux Halles pour éviter de prendre une
chambre et de donner son nom.
Comme il avait exhibé un pistolet brow
ning, Le Flaouter essaya de le calmer, lui
faisant observer que l'acte qu'il méditait
serait aussi fâcheux pour lui qu'inutile
pour la société... II chercha ensuite à per
cer l'identité du jeune exalté, mais n'ob
tint de lui aucune explication. Le visiteur
partit alors, n'étant resté que cinq à six
minutes dans la boutique [?]
Avant son départ, le libraire l'avait in
vité à revenir dans l'après-midi, entre
15 et 16 heures : « D'ici-là, j'aurai pu me
procurer l'édition que tu cherches. »
Mais Le Flaouter, inquiet des propos du
jeune homme, alla, à 1 h. 45, en rendre
compte à M. Lannes, contrôleur général des
Services de police, au ministère de l'Inté
rieur...
A la Sûreté générale
Ici, la déposition de M. Le Flaouter
est complétée par les rapports des fonc
tionnaires de la Sûreté qui — nous l'avons
appris hier — ont été adressés au juge
d'instruction, avec une lettre d'envoi de
M. Maunoury, le 5 décembre, date que
l'on trouvera encore un peu tardive.
Deux heures un quart, M. Lannes avait
une conférence avec M. Delange, contrô
leur général du service des Recherches,
dans le cabinet et en présence de M. Mar
lier, directeur général de la Sûreté. Après
avoir appelé au téléphone le Préfet. de po
lice qui ne put être touché, pas plus que
M. Lacambre, directeur des Recherches à
la Préfecture, M. Marlier invita M. Delan
ge à prendre le personnel dont il pouvait
disposer et à se rendre boulevard Beau
marchais pour exercer la surveillance.
Nous savons que M. le contrôleur gé
néral Delange s'y rendit avec dix-huit ins
pecteurs qui étaient en place,,autour de la
boutique» entre trois et quatre heures.
Revenons à la déposition Le Flaouter.
D'après lui, le jeune homme serait revenu
à quatre heures. Il était très agité, alors
que, le matin, il lui avait paru « fermé,
concentré sur lui-même et en bonne santé»
II aurait dit alors : « Ta boutique est sur
veillée ; il y a des mouches tout autour,
je suis filé r depuis la Bastille ; j'ai envie de
tirer dans le tas èt d'en tuer deux ou trois».
Le jeune homme aurait demandé s'il y
avait une sortie par derrière : il n'y en
avait pas.
Le Flaouter aurait alôrs fait tout son
possible pour le détourner de son projet,
lui disant que pour deux agents tués, il
en viendrait dix ; que, de même, un hom
me politique assassiné serait immédiate
ment remplacé. Il lui aurait conseillé de
retourner en province et, supposant qu'il
n'avait pas d'argent, il lui aurait remis
spontanément 80 francs. Le jeune homme
parut persuadé ; il sortit et le libraire sup
pose qu'il avait pris un taxi pour se ren
dre à la gare du Nord.
Cependant le contrôleur général Delan
ge et ses dix-huit agents par qui Philippe, v
au dire de Le Flaouter, se déclarait* iiiVK't
qu'il voulait massacrer, ne l'avaient vu ni
entrer ni sortir. Le rapport de M. Delange
s'exprime ainsi :
« La surveillance a été faite avec le plus grand
soin...
Nous n'avons vu personne dont la tenue, la ma
nière d'être, l'agitation correspondent aux indi
cations que nous avions reçues. »
Le lendemain, dimanche, Le Flaouter
lit dans l'Action française trois lignes an
nonçant le suicide d'un jeune inconnu qui
avait été transporté à Lariboisière. Le sui
cide, pensa-t-il, a eu lieu bouleyard Ma
genta : c'est près de la gare du Nord ; or
le jeune homme m'avait quitté avec l'in
tention d'aller prendre un train pour ren
trer chez lui. Inquiet, à onze heures, le li
braire alla revoir M. Lannes pour s'infor
mer du résultat de sa démarche de la veil
le. Puis, l'idée du « suicidé » le tracas
sant, il se rendait après midi à l'hôpital
Lariboisière pour demander à voir le
corps.
Là, il reconnut parfaitement son visi
teur, mais, craignant des histoires, il dé
clara à l'hôpital : « Ce n'est pas le jeune
homme que je' cherche ».
VOYONS UN PEU...
Constatons d'abord que, malgré le dé
menti du Libertaire, nous saisissons la
main de l'Anarchie dans celle de la police.'
Aucun de nos lecteurs n'en sera surpris.
Remarquons ensuite que cette déposi
tion ne repond pas à toutes les_ questions
que nous avons posées mercredi et trans
formées vendredi en affirmations. Nous
avons dit que la Sûreté générale avait été
prévenue dès le jeudi par un coup de té
léphone d'un anarchiste, que, dès le jeudi
soir, le bruit avait couru d'un attentat
contre . M. Poincaré et que le vendredi
un service d'ordre inusité avait été établi
à la Chambre. Nous le maintenons, soit
que Le Flaouter n'ait pas dit toute la vé
rité, soit qu'un autre m&rcliiad anarchis
te soit l'auteur du coup de téléphone.
Observons ensuite que cette déposi
tion se produit le jour où l'on a vu que
nous savions quelque chose, dix jours après
l'ouverture de l'instruction qui recherchait
vainement l'emploi du temps de Philippe,
le samedi. Elle arrive opportunément
après toutes les objections faites à la
version du Libertaire pour essayer de
boucher les trous signalés. Elle les bouche
d'ailleurs d'une façon bien maladroite
et en crée de nouveaux, ainsi que nous
allons le voir.
v Suivons le récit du libraire. Philippe ar
rive chez lui le matin. Il lui dit : « Je viens
à Paris, mandaté par mon organisation,
pour perpétrer un attentat... » _ Si un pa
reil style pouvait être de Philippe, nous
saisirions l'enfant en train de bourrer le
crâne aux anarchistes dont il voulait faire
ses dupes. Il est avéré en effet qu'il n'était
« mandaté » par aucune organisation, ni
du Havre ni d'ailleurs.
Philippe parti, après avoir promis^ de
revenir l'après-midi, le libraire déjeûne,
puis le maître-jacques qu'est tout anar
chiste se transforme en policier et il va
faire son rapport à M. Lannes, contrôleur-
général des Services de police.
Le rôle de la Sûreté
A ce point de l'histoire, c'est devant le
rapport des fonctionnaires de la Sûreté
que. nous rious émerveillons. M. Lannes,
contrôleur des Services de police, M. De
lange, contrôleur des Recherches, se réu
nissent avec le directeur général de la Sû
reté, M. Marlier, pour s'occuper de 'quoi ?
De propos violents et de menaces profé
rés par un gamin dans la boutique d'un
libraire. Tout le monde se dira que des
propos de ce genre sont tenus plusieurs
fois par jour dans les bars de Paris, sans
provoquer un conseil des plus hautes auto
rités de la Sûreté. Qu'est-ce qui rend donc
l'affaire si grave ?
Tout le monde conclura que c'est ia
personnalité du gamin. On çait qu'il s'ap
pelle Philippe Baudet..
Aussi n'envoie-t-on pas ^n ou deux ins
pecteurs pour surveiller ce jeune fou, com
me on le fait journellement. On lui fait
l'honneur d'une souricière sérieuse : un
commissaire et 18 inspecteurs sont en
voyés se poster aux abords de la boutique
du boulevard Beaumarchais.
Mais pourquoi envoie-t-on des agents de
... Sûreté Générale ? C'est la Préfecture de
police que cette sorte d'incident regarde.
A la S. G. on ne l'ignore pas. Aussi dit-on
qu'on a téléphoné à la Préfecture, mais,
par un hasard malencontreux, ni M. Nau-
din, ni M. Lacambre ne sont là. Evidem
ment le secrétaire de cabinet, le directeur
de la police municipale et leurs sous-or
dres, faisaient-ils également la semaine an
glaise. La Préfecture était vide sans doute.
C'est ce qui permet à la Sûreté Générale de
garder l'affaire. Parions qu'elle avait ses
raisons pour aimer mieux ça !
Philippe est-il venu ?
Voilà donc le commissaire de la S. G. et
son bataillon d'inspecteurs aux aguets, à
l'entrée du boulevard Beaumarchais, près
de la boutique du libraire entre 3 heures et
4. heures. Le jeune homme vient, comme il
la
l'avait annoncé. Il entre dans la boutique.
H est d'autant plus facile à remarquer qu'il
est dans un état d'excitation extrême. Il
déclare : « Je suis filé I > Q a vu les poli
ciers ; il veut tirer dans «le tas ». Le li
braire lui fait un sermon^ pacifique, et,
avec une générosité qui passe encore celle
de Davray, il tire de sa poche 80 francs
pour les remettre à ce jeune écervelé in
connu.
Quatre-vingt francs, c'est un chiffre bi
zarre. Pourquoi pas, tout simplement, un
billet de cent francs ? Pourquoi ? Parce
que cela ne cadrerait plus avec le fait
, qu'on a trouvé dans les poches du « jeune
suicidé » la somme de 83 francs. Parce
que ces quatre-vingts francs qu'il a
prétendu lui avoir remis, doivent bou
cher exactement le trou inexplicable qui,
depuis le début de l'instruction, béait
dans la version du Libertaire !
Le jeune homme sort. Il a vu, lui, les
policiers, puisqu'il avait envie de tirer
« dans le tas ». Mais le commissaire et ses
dix-huit inspecteurs rie le voient pas !
Leur rapport est formel : « La surveil
lance a été faite avec le plus grand soin...
Nous n'avons vu personne dont la tenue,
la manière d'être, l'agitation, correspon
dent aux indications que nous avions re
çues. »
Une Préfecture de police où l'on ne
trouve personne ! Une Sûreté générale
qui, malgré pareille mobilisation, n'arrive
pas à apercevoir un individu repéré qui
lui passe sous le nez ! Les Parisiens pour
raient en conclure qu'ils sont bien mal
gardés, s'il n'était plus simple de penser
que les dix-neuf témoignages des policiers
sont plus sûrs que celui du libraire et
que Philippe n'est pas venu dans la bou
tique. du boulevard Beaumarchais dans
l'après-midi du samedi.
La divination du libraire
Autant que leur générosité, la perspi
cacité des anarchistes est merveilleuse.
Le Flaouter n'a pas moins de flair que
Vidal. Mais si celui-ci, 1 le dimanche ma
tin, a acheté le Petit Parisien, le libraire
s'est précipité sur l'Action française. J1
l'a lue avec une attention extrême jus
qu'aux « Petites Nouvelles de la Nuit »,
en troisième page et il y a trouvé ce fait
divers noyé parmi les autres, tel que
nous l'avait passé notre rédacteur char
gé de cette rubrique :
« Un inconnu, âgé d'une vingtaine d'années,
tente de se suicider dans un taxi en se tirant une
balle de revolver d'ans la tête. A Lariboisière ».
Cela suffit à M. Le Flaouter pour qu'il
coure de nouveau chez M. Lannes et lui
demande ce qu'il est advenu du jeune
homme de la veille. Cela suffit pour qu'il
aille sans retard à Lariboisière afin dè
reconnaître le cadavre. Cette divination,
avouons-le, surpasse encore celle de Vi
dal, car si le Petit Parisien indiquait que
le suicide avait eu lieu boulevard Ma
genta, l'Action française n'en disait rien
et se contentait de signaler l'envoi du
blessé à Lariboisière. La suite des raison
nements de Le Flaouer a donc été la sui
vante : Pour qu'on l'ait porté à Lariboi
sière, cela a du se passer boulevard Ma
genta, et le boulevard Magenta est la
route de la gare du Nord et c'est par la
gare du Nord que l'on va au Havre —
sans doute par le chemin des écoliers !
Donc, le « suicidé » est mon « inconnu » !
Admirons pareille faculté de déduction !
Donc, M. Le Flaouter va à Lariboisière.
On sait que le corps avait été reconnu
par le docteur Bernard; entre midi et
deux heures." Or, la reconnaissance faite,
on ne montre plus le corps à personne.
M. Le Flaouter était-il arrivé avant le
docteur Bernard ou bien, pour arriver
jusqu'au cadavre, a-t-il exhibé une carte
de la Sûreté ? Est-ce pour le compte de
la police ou pour celui du Libertaire qu'il
venait s'informer? Mettons que c'était pour
le compte de l'un et de l'autre !
Mensonges et mensonges
Bref, introduit devant le cadavre, M. Le
Flaouter le reconnaît formellement, —
mais il déclare qu'il ne le reconnaît pas !
Pourquoi ce mensonge ? Quelles histoires
craignait-il, lui qui avait averti la police
et qui s'attribue, dans toute cette affaire,
un rôle d'apaisement et de générosité ?
Pourquoi a-t-il abandonné ses 80 francs
retrouvés dans la poche du mort ? En vé
rité, que tout cela est bizarre !
Et les gens du Libertaire ? Pourquoi ont-
ils inventé, pour expliquer leur identifica
tion de « l'inconnu », des coïncidences et
des « rapprochements » laborieux : une
visite infructueuse de l'un d'entre eux à
l'hôpital, le lundi ; puis, le mardi, l'article
de Maurras qui les met sur la voie ; enfin,
le mercredi, une enquête de leurs amis des
Services hospitaliers; — alors qu'il était
si simple de dire que le corps avait été re
connu directement et de ses propres yeux
par leur camarade Le Flaouter ? On au
rait trouvé un peu moins odieux, du mo
ment qu'ils avaient une certitude, l'envoi
de la lettre à Mme Léon Daudet et le lan
cement du numéro du Libertaire, ce qu'ils
prétendent avoir fait avant d'être sûrs de
rien !
Maurice PUJO
LA POLITIQUE
Hommage à Marius Plateau
Une délégation de la section d'Action
française du 15" arrondissement se ren
dra. "aujourd'hui, à quinze heures, sur la
tombe de Marius Plateau pour y déposer
des fleurs.
Les personnes qui voudraient se join
dre à cette délégation sont priées de se
trouver aujourd'hui, à 15 heures, à la Per
manence de la section, 97, rue Blomet
tNord-Sud Vaugirard).
I. Âu jubilé de Paul Bourget
Hier, un groupe d'amis intimes a offert
à Bourget la médaille jubilaire qui commé
more les 50 années de son noble culte,
de ses heureux services rendus aux Let
tres françaises et humaines. J'ai le chagrin
de n'avoir pu y asister, Mais l'Action fran
çaise était représentée par plusieurs de
ses vétérans que nous accompagnions tous
d'esprit et de cœur. L'Action française est
certainement l'un des cerclés moraux et
politiques où l'esprit de Bourget a le plus
souvent habité et séjourné durant ce der
nier quart de siècle.Nous n'en étions qu'aux
prélogomènes de notre Action, et, déjà,
c'est vers lui que nous nous tournions.
En 1898, j'ai dédié à Paul Bourget, en
souvenir des justes conclusions d_ Outre
mer, la brochure initiale Trois Idées po
litiques, Chateaubriand, Michelet, Sainte-
Beuve, qui intéressa et groupa nos pre
miers amis, avant même la publicatiori de
notre revue grise, qui est de 1899. Le pre
mier écrivain qui ait répondu à l'Enquête
sur la Monarchie en 1900 fut encore Bour
get. Quelques-uns des éléments les plus
importants de notre méthode et de nos
doctrines sont en germe dans un personna
ge philosophique de la Physiologie de
l'amour moderne que Paul Bourget a sur
nommé M. Accard ; je dis surnommé et
non pas nommé, car le seul nom qui con
viendrait serait celui de Bourget en per
sonne. Cet Accard écrivait un grand ou
vrage intitulé «Du droit divin dans ses
rapports avec le droit historique » et il y
établissait (thèse « d'où dépend l'avenir
du pays), « l'identité de la conception
« mystique de la royauté et de sa con-
« ception moderne et scientifique ».
Comme ils en ont été prévenus, nos lec
teurs trouveront, dans la Revue hebdoma
daire, une esquisse aussi exacte que j'ai
pu la faire des idées politiques et
sociales de Paul Bourget. Mais ils seront
sages de lire avec attention tout ce beau
numéro. Une page de maître de Maurice
Barrés en fait le premier et solide orne
ment. Mais pas un des vingt-cinq écrivains
qui ont pris part au juste banquet de l'ad
miration et de la' gratitude n'a manqué
d'apporter un trait vif, une idée heureuse,
un sentiment délicat et fin de cette figure
si considérable d'écrivain, de critique,
de poète et de philosophe.
Je suis très particulièrement reconnais
sant au poète Tristan Derème de l'étendue,
de la vivacité du bel enthousiasme des
louanges données à Bourget poète,_ et je
lui en veux, néanmoins, de n'avoir pas
ajouté à cinquantes citations admirables
celle de l'un des poèmes les plus péné
trants de l'auteur des Aveux et d'Edel. Ce
qu'il n'a pas dit, je le dirai. Notre journal
complétera la Revue de Le Grix, Voici :
Ai-je assez usé ma vie,
Ma vie et mes pas,
Sur la grand'route suivie
Par ceux que je n'aime pas I
Ai-je assez battu l'estrade,
Chasseur dégoûté,
Sans avoir un camarade .
Qui m'aimât, à mon côté !
O beau jour, quand tu f achèves
Par tes feux mourants,
Ce que tu m'as pris de rêves,
Jour tombant, tu me le rends !
Ta lumière à l'agonie
Auréole alors
D'une douceur infinie
Le front de mes rêves morts.
Je vois des jeunes gens découper ces
quatre strophes et les glisser dans leur
portefeuille. Qu'ils fassent de même pour
les deux strophes du Cantique spirituel
de Jean Racine citées par le père de
Grandmaison et qui sont les vers préférés
de Paul Bourget :
Le pain que je vous propose
Sert aux anges d'aliment,
Dieu lui-même le compose
De la fleur de son froment...
Mais je flâne. Il faut flâner à travers
ce Bourget si varié, si vivant, ainsi telle;
ment vrai. Il faut se promener avec lui
dans ce numéro. Henry Bordeaux nous le
montre dans son Plantier de Costebelle,
Pierre de Nolhac en Auvergne, Georges
Grappe en Angleterre et en Amérique, Mar
cel Boulenger dans les allées de Chantilly,
Eugène Marsan dans sa rue, dans sa mai
son, dans ce cabinet où nous avons tous
passé ; il le peint comme l'auteur des Pas
santes sait peindre, en tête-à-tête « avec
quelque blanc-bec » des Lettres qui nous
ressemble comme un frère et que Bourget
get endoctririe et édifie. Enfin notre vieil
ami de l'Avenir de Blois, Henry dp Car-
donne, condisciple de notre maître, à
Louis-le-Grand et au jardin du Luxem
bourg, dans un crayon rapide, trop rapi
de, de ce qui ferait un beau volume de
souvenirs, « la jeunesse de Paul Bourget »,
fait asistër - au mystère de la voca
tion, sentie, avouée : « Vois-tu, tout homme
« digne de ce nom a une destinée et doit
« la remplir tout entière, quoi qu'il lui
« en coûte»,
Idées balzaciennes, idées stendahliennes,
idées napoléoniennes, si l'on veut, et que
le goût des expériences et des enseigne
ments de la vie a lentement épurées, gra
duellement élevées, méthodiquement trans
formées sans les dénaturer en rien, jus
qu'à ce qu'elle eussent atteint la formule
supérieure de la soumission à l'Objet, de
l'Objet que soutiennent les grandes lois du
vrai et du bien.
II. Sur le Rhin
Nous apprenons une nouvelle assez bi
zarre. A la date du 12 décembre, notre
confrère Paul Hocquel a été arrêté, em
prisonné, mis au secret à Wiesbade par
les autorités françaises. Il avait réquisi
tionné des marks de la Reichbank au
nom de la République rhénane, il avait
revendiqué la responsabilité des ordres
donnés pour cette réquisition : on l'a in
culpé de vol ! Barrés n'est plus là pour
protester contre cette maladresse nou
velle. Quel patriote comprendra que s'il
peut être convenable de traiter avec les
Allemands qui sont nos ennemis, il l'est
plus encore de ne pas décourager l'effort
de nos amis! Or, Paul Hocquel agissait, mi
litait aux côtés du docteur Dorsen. Le
chef du parti rhénan le tenait pour un
des siens. S'y prendrait-on autrement si
l'on voulait rebuter à jamais les sépara
tistes rhénans ?
Leur mouvement a échoué? C'est possi
ble, sans être absolument sûr. Mais, si nous
ne patronons pas ouvertement un groupe
déterminé de Rhénans, notre intérêt his
torique veut que les groupes de Rhénans
soient très nombreux et très divers: nous
devons être strictement avec tous et ne
tenir pour ennemis que ceux qui com
mettent acte d'hostilité contre nous. Est-il
spirituel de tirer justement sur ceux qui
nous font des avances ?
D'autant que l'avenir du Rhin est loin
d'être réglé dans le sens unitaire ni même
dans un sens purement décentralisateur.
Fédération, confédération, sont les mots
qui courent. Le Journal de Genève, qui
est pour l'unité allemande, s'en inquiète
et expose les inquiétudes de Berlin. Les
tendances autonomistes s'accroissent
même sur la rive droite du Rhin. M. de
Guillerville écrit au plus grand journal
de la République :
« Dans Vancien grand-duché de Bade,
on cherche à utiliser les ressources fores
tières et hydrauliques du pays pour amélio
rer la désastreuse situation économique ;
le nouveau gouvernement, présidé par M.
Baumgartner, du centre catholique, s'est
prononcé en faveur d'une revision de la
Constitution de Weimar, Le pays de Bade
veut, comme ses voisins le Wurtemberg et
la liesse, une plus grande autonomie lui
permettant d'avoir sa politique économi
que orientée vers les pays rhénans et la
France, surtout au cas où un Etat rhénan
serait constitué. A Carlsruhe, on ne deman
derait pas mieux que de s'entendre poli
tiquement et économiquement avec l'ouest.
Des tentatives réitérées de causer avec des
hauts fonctionnaires français d'Alsace et
de la Rhénanie ont révélé le désir des Ba-
dois d'entretenir des rapports de bon voi
sinage avec nous, et, dans leur intérêt, de
répudier lapolitique intransigeante de la
Prusse. Il ne faut cependant pas perdre de
vue que ces bonnes intentions, soutenues
par la majorité démocrate-catholique, se
heurtent à l'opposition des nationalistes
qui disposent de la Schupo et des commu
nistes qui excitent les masses ouvrières
contre la France.
« La banqueroute du Reich inquiète
énormément ces deux Etats voisins, Ba
de et Messe ; ils réclament la libre dispo
sition de leurs ressources, postes et che
mins de fer, et paraissent persuadés que
malgér le bluff protstataire de Berlni, la
création d'un Etat rhénan s'imposera.
Ces « pays », comme dit l'acte de Weimar,
effrayés par les excès du régime réaction
naire de l'Allemagne du Nord, tournent
leurs regards vers le Rhin, ils ne vou
draient pas en être tenus à l'écart ; aus
si accepteraient-ils une fédération, une
union douanière et monétaire avec l'Etat
rhénan en perpective. Pour parer au plus
pressé, on va procéder à l'émission d'une
monnaie badoise, valeur or, garantie par
les forêts de l'Etat.
Voilà de bons signes dans notre ciel.
Utilisons-les ! Mais il dépend toujours de
l'homme de gâcher les biens qui lui sont
offerts. Je pose seulement la question de
savoir si, au point où en sont les affaires
de France, nous sommes sages de com
mettre ces prodigalités.
Charles MAURRAS
ECHOS
LES FAITS DU JOUR
— M .Poincaré a reçu, hier matin, M. von
Haesch.
— A Saint-Denis, sauvage assassinat d'un
ouvrier d'usine.
— Le gouvernement. mexicain a interdit
le port de la Fera-Crus,
Perugia, bottier, 11 faubourg Saint-Honoré, sol
de avant inventaire à partir du 17 décembre et
pour quelques jours seulement.
Vente strictement au comptant.
* " *
Pourquoi conserver des bijoux démodés quand,
pour une dépense infime, vous pouvez les faire \
transformer et obtenir des parures d'un goût
exquis, chez Pinson, joaillier, fabricant, fournis
seur de l'A. F., 15, rue Lévis (de 9 h. à 12 h.).
* *
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gourmets et connaisseurs trouveront, luxueuse
ment présentés dans des boîtes et coffrets de hau
goût, des chocolats exquis.
« ses baptêmes chocolat »
* *
La source brillante.
Ne prends pas, divin Apollon,,
Pour toi ma plus belle chansor
Ma lyre trop ardente
A plus beau sujet à t'offrir,
Qui jamais ne pourra tarir,
Mazda , source brillante.
t
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