Titre : Le Radical
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-02-14
Contributeur : Maret, Henry (1837-1917). Rédacteur
Contributeur : Simond, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32847124t
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 février 1889 14 février 1889
Description : 1889/02/14 (A9,N45). 1889/02/14 (A9,N45).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
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Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/05/2014
LE RADICAL
putôs, de qui dépendait le sort de la
proposition Floquet u, aient demandé
au maître de M. Henri Rochefort de re-
noncer à porter ses cravates victorieu-
ses, et à la teinture jaune qui va si bien
à son genre de beauté.
Dans ce cas-là, évidemment, M. Geor-
ges-Ernest Boulanger aurait déclaré les
conditions inacceptables, et son féal Na-
quet l'aurait approuvé.
- La Sénat
La séance est ouverte à deux heures.
Le projet, de loi concernant le racçorde-
ment du chemin de fer de Roubaix à la fron-
tière belge est adopté saus discussion.
Le président du conseil dépose le projet
relatif au scrutin d'arrondissement. Le vote
de l'urgence donne lieu à des protestations
bruyantes et à des interruptions qui par-
tent de la Droite.
M. Porriquet et de Lareinty sont montés
à la tribune pour demander le renvoi de la
délibération à demain.
Sur la proposition de M. Casabianca, la
majorité a décidé que le Sénat se réunirait
dans ses bureaux à trois heures et demie,
pour nommer la commission qui devra
examiner le projet du scrutin uninionial.
Ea présence de l'agitation et de l'état
d'esprit du Sénat, la discussion sur la loi
relative aux prud'hommes commerciaux est
renvoyée à aujourd'hui deux heures.
: La séance est levée à deux heures et
demie.
Le classement des places fortes
Le conseil supérieur de la guerre ft ap-
prouvé le travail fait par le service du gé-
nie sur les places fortes.
Ces places ont été divisées en quatre ca-
tégories faisant l'objet d'un étal diflé-
vent.
Le premier de ces états comprend les
ouvrages de défense dont le classement est
demandé, construit ou en voie de construc-
tion. Il intéresse particulièrement les places
de Verdun, Maubeuge, Reims, TQUI, Epin-al,
Belfort, Langres, Dijon, Cherbourg, Brest,
Lyon et Grenoble; les frontières de la Sa-
voie, des Basses-Alpes, Nice, Perpignan,
Port-Vendres, ainsi que de nombreux tra-
vaux en Algérie tant sur les côtes que dans
l'intérieur.
Le deuxième état comprend les ouvrages
à déclasser immédiatement et sans réserva
il porte sur un très grand nombre de bat-
teries affectées à la défense des côtes, ainsi
que sur un certain nombre d'ouvrages clé-
"tachés de quelques places trop éloignées
du système de défense de ces places pour
être d'aucune utilité dans la défense.
Il concerne encore plusieurs ouvrages
auxquels ne se rattachait plus qu'un intérêt
historique, tels que le Mont Saint-Michel,
les châteaux de Dieppe, de Saumnr, de
lourdes, les citadelles d'Amiens, de Vilie-
franche, le fort de Sainte-Marguerite, etc.
Le troisième état renferme les places et
les ouvrages de défense dont on demande
le déclassement, sous la réserve que oe dé-
classement ne deviendra définitif que par
décret, après fixation des voies et moyens
de démantèlement. Il intéresse spéciale-
ment les villes d'Arras, Montreuil, Saint-
Omer, Aire, Valenciennes, Bouchain, Lan-
-drecies, Cambrai, Douai, Vitry-le-François,
Civet, Rocroi, Auxonne, Antibes et Mont-
pellier.. ,
Le quatrième état comprend un certain
nombre d'ouvrages dont le classement doit
être modifié.
- L'ensemble de ces dispositions fait l'objet
; d'un projet de loi qui a été déposé samedi
;.sur le. bureau de la Chambre dont le résul-
tat se traduira par une économie notable
en argent, en matériel et en personnel.
Nos Chroniques
LA RETRAITE D'OBIN
Le Conservatoire de musique, déjà si.for-
tement éprouvé par des décès prématurés
ou des rétraites inattendues, vient de subir
encore une perte, plus lourde peut-être en-
core que les précédentes. Obin, le profes-
seur d'opéra, pour sa retraite à son tour et
est nommé professeur honoraire. -
C'est une longue carrière qui vient de re-
cevoiFainsi son couronnement. Louis-Henri
Obin est né à Asca (Nord), le 4 août 1820 :
il n'a donc que soixante-huit ans.
Entré au Conservatoire le 10 mai 1842; il
suivit avec le plus grand succès de la classe
de Ponchard et débuta à FOpéra le 4 octo-
bre 1844, dans le rôle de Brabantio, de
VOlhelto de Verdi.
Peu de temps après, il -quittait l'Opéra et
n'y rentrait qu'en 1850 pour créer un rôle
important dans le détestable opéra de M.
Auber, qui s'appelait l'Enfant prodigue, et,
à partir de ce moment, il ne quitta plus
notre Académie de musique.
Il y chanta soit des reprises, comme
Moïse et Don Juan, soit des œuvres nou-
velles, comme Y Africaine, de Meyerbeer, et
le Don Carlos, de Verdi (1867).
A ce propos, nous pouvons indiquer avec
quelle admirable conscience artistique le
grand chanteur comprenait son rôle et
quel souci de la vérité il apportait jusque
dans les moindres détails de la mise en
scène.
Quand il eut à incarner le futur empe-
reur de toutes les Espagnes, le sombre et
sinistre souverain qui descendit du trône
pour enfouir sa gloire dans la nuit d'un
couvent, Obin se préoccupa de rechercher
jusqu'aux moindres habitudes de son héros.
U lut et relut les historiens et les biogra-
phes, fouilla les archives, compulsa les do-
cuments, interrogea les portraits et arriva
ainsi à composer un Charles-Quint incom-
parable.
Un des auteurs contemporains affirmait
que Charles-Quint, toutes les fois qu'il avait
à donner une signature, mâchonnait long-
temps les barbes de sa plume avant de se
décider à tracer sur le parchemin les six
lettres de ce grand nom : Carlos.
Obin copia jusqu'à cette manie, jusqu'à ce
tic. Dans l'opéra, Carlos avait une signa-
ture à donner. L'arListe répéta l'habitude
du modèle.
Certes, le public ne se rendit pas compte
de cette minutieuse exactitude : mais, s'il
ne vit pas le détail de chacune des choses
dentelle était faite, il comprit au moins
l'ensemble. L'effet produit fut énorme, Obin
y remporta peut-être le plus éclatant
triomphe de sa carrière.
Peu de temps après, en 1S69, il quittait
l'art militant et entr ât au Conservatoire
comme professeur d'opéra.
li fil cependant encore une courte appari-
tion au théâtre, et ce fut, si mes souvenirs
me servent bien, dans le rôle du chevrier
du Val d'Andorre à l'Opéra-Comique.
Il ne réussit qu'à raviver les regrets de
ceux qui déploraient une retraite aussi
précipitée et aqssi inexplicable.
Jamais la voix n'avait eu plus de sonorité
et plus d'ampleur. Les notes graves emplis-
saient la salle, superbes, étoffées, sans un
trou, sans une faiblesse. Mais cette réappa-
rition fulla dernière ; depuis ce jour, Obin
ne chanta plus que dans sa classe, au Con-
servatoire.
Comme professeur, Obin fut certainement
plus remarquable encore que comme ar-
tiste. -
Il révolutionna l'enseignement de la dé-
clamation lyrique, il le galvanisa, il l'anima
avec une vigueur et un enthousiasme qui
remuait jusqu'aux natures les plus in-
grates.
Sa façon de démontrer n'était pas tou-
jours, assure-t-on, exempte de brutalité.
On lui a reproché de parler parfois à ses
élèves une langue un peu trop énergique.
Je ne sais pas ce qu'il faut accepter de ce
reproche, mais il suffit d'avoir suivi avec
quelque peu d'assiduité les concours an-
nuels du Conservatoire, pour constater
quelle évolution radicale se manifesta dans
la classe d'opéra.
Le récitatif, si impitoyablement sacrifié
jusque-là à la mélodie, prit enfin l'impor-
.tance qui lui était due. Il fut phrasé, con-
duit, chanté enfin, et toute l'émotion lyri-
que ou dramatique, qui était en lui, ap-
parut.
Une autre qualité, non moins rare et non
moins précieuse, qu'Obin possédait au su-
prême degré, c'était l'indépendance. Il ai-
mait ses élèves d'une affection jamais dé-
mentie; il les suivait, les encourageait,
relevait leurs défaillances et les préparait
ainsi, sans épargner ses peines, à subir la
redoutable épreuve de classement.
Et quand par hasard le jury n'avait pas
décerné à l'un .de ses élèves la récompense
que lui, Obin, croyait méritée, il ne cher-
chait pas à dissimuler son mécontentement.
Les foudres de M. Ambroise Thomas ne l'é-
pouvantaient guère, et malgré la présence
du Jupiter tonnant au faubourg Poisson-
nière, le courageux professeur ne cessait de
protester contre tout ce qui paraissait res-
sembler, de près ou de loin, à une injus-
tice.
Cette attitudè a souvent donné lieu à des
scènes d'autant plus réjouissantes qu'elles
étaient plus rares. Les professeurs du Con-
servatoire sont plus prompts, générale-
ment, à accepter les décisions du jury. Il
n'y a guère que M. Arban qui ait conservé
ces traditions subversives.
Et maintenant qu'Obin est parti, qui le
remplacera ?
Un seul homme pourrait le faire, empê-
cher l'enseignement de l'Opéra de tomber
entre les mains des Philistins musicaux, la
pire espèce de Philistins qui soit au
monde.
Cet homme, c'est Faure ! mais Faure ac-
ceptera-t-il ?
VOYTOU.
Les élections municipales de Bourges
On écrit de Bourges :
Des élections complémentaires ont eu
lieu dimanche pour remplacer neuf con-
seillers municipaux démissionnaires. Au
dernier renouvellement, la liste dite de
concentration républicaine avec une légère
majorité sur la liste réactionnaire. Les nou-
veaux conseillers municipaux ayant voulu
faire un emprunt de liquidation pour com-
bler le déficit, et naturellement établir un
nouvel impôt pour servir l'intérêt et l'a-
mortissement de cet emprunt,. neuf des
conseillers ont donné leur démission.
Ce sont ces neuf conseillers qu'il s'agissait
de remplacer. Jusqu'à ces derniers jours
on pouvait croire qu'il n'y aurait, en fait
de candidats, que la liste des socialistes-ré-
volutionnaires. L'avant-veille du scrutin,
les neuf conseillers protestataires ont dé-
cidé de se représenter. Les réactionnaires
n'avaient pas de liste. Sur 9,000 électeurs
inscrits, 1,500 seulement ont voté. Les voix
se sont ainsi réparties : 1,000 pour la liste
socialiste-révolutionnaire, et 400 environ
pour les conseillers protestataire?.
Il y a naturellellement ballottage, le
sixième à peine des électeurs ayant pris
part au vote.
L'EXPOSITION DE 1889
Le Champ de Mars nous donne les curieux
détails suivants sur l'exposition rétrospec-
tive du travail, uno des nouveautés les
plus attrayantes de l'Exposition de 1889 :
On y verra l'intérieur d'un alchimiste du qua-
torzième siècle; celui de l'atelier d'un émail-
leur chinois, d'un serrurier du seizième siècle,
le laboratoire de Lavoisier reconstitué de toutes
pièces, seront des points attractifs et d'un inté-
rêt passionnant.
La section des moyens do transport révélera
au public, par des dessus d'abord et par. des
objets authentiques ensuite, tous les véhicules
dont l'homme s'est servi depuis le jour où il a
songé à ne pas utiliser seulement ses jambes.
L'ancienne diligence, l'ancienne malle-poste,
la vinaigrette, le coucou, la chaise à porteurs,
le carrosse de gala, les locomotives depuis leur
origine, y seront montrés par des objets re-
trouvés ou prêtés.
A côté de son caractère- technique, cette ex-
position rétrospective, la seule que les règle-
ments d'exposition aient autorisée et prévue,
aura son cachet artistique ; c'est ainsi qu'on y
verra les collections immenses et luxueuses
d'instruments de précision, d'horlogerie, de
coutellerie, de chirurgie, etc., à côté d'instru-
ments anciens de musique et d'armes de luxe.
Les anciennes presses à imprimer remontant
aux origines de l'imprimerie, des manuscrits
curieux,. des collections d'images et d'affiches
de toutes les époques, ein- même temps qu'une
série de costumes dé toutes les professions et
de tous les temps, feront faire aux visi-
teurs un voyage rétrospectif à travers le
mende ancien des travailleurs et des artistes.
PLATS DU JOUR
Le ministre des affaires étrangères a reçu
d'excellentes nouvelles de la mission Pavie,
qùi est rentrée à Luang Prabang sons inci-
dent.
M. Pavie, consul de France à Luang-Pra-
bang, avait passé du Siam au Tonkin en
traversant le Laos. Après un court séjour à
Hanoi, il était reparti pour Luang-Prabang,
par la voie de la rivière Noire. Dans ce der*-
nier voyage, M. Pavie a pacifié la région
qu'il a traversée.
Hier, dans la séance de l'Académie- des
sciences, M. Bertrand, secrétaire perpétuel,
a prononcé une éloquente oraison funèbre
de M. Broch, membre correspondant de la
section de mécanique, mort récemment. Il
a donné ensuite lecture d'une lettre de la
Société Gay-Lussac, de Limoges, annonçant
l'ouverture d'une souscription publique à
l'effet d'ériger une statue à l'illustre savant
dont elle porte le nom.
L'exécution de la statue sera confiée à M.
Aimé Millet et son inauguration aura lieu
au mois d'août 1890. L'Académie a accepté, à
l'unanimité, Je haut patronage de cette pa-
triotique manifestation, dont le succès est
déjà assuré.
L'exposition de la Société des femmes
peintres et sculpteurs, ouvrira vendredi,
15 février.
Comme les années précédentes, cette
exposition est installée au premier étage du
pavillon nord-est au palais de l'industrie.
A en juger d'après un premier coup d'ceil,
l'œuvre dirigée avec tant d'intelligence et
de dévouement par Mme Bertaux, est en
progrès sensible.
L'exposition compte cette année près de
sept cents ouvrages, dont une trentaine
d'oeuvres de sculpture. Comme consé-
quence, il a fallu agrandir le cadre de ce
Salon en miniature. Les salles sont, cette
année, au nombre de cinq. Dans l'installa-
tion, comme au grand Salon, des tentures,
des tapis, des massifs de plantes vertes At
de fleurs, etc.
Les salles seront chauffées.
Au dîner de la Société d'alliance tatine
l'Alouette, qui avait lieu lundi au Rocher de:
Cancale, sous la présidence de M, Frédéric
Passy, il y a eu ceci d'assez piquant que le
président, ainsi que deux de ses collègues
de la Chambre, MM. de Douville-Maillefeu
et Montaut, ont dû quitter le repas à la
moitié pour retourner au Palais-Bourbon
émettre leur vote sur le rétablissement du
scrutin uninominal. Ils sont d'ailleurs re-
venus, vers neuf heures et demie, rue Mon-
torgueil au moment des discours et des
toasts.
Citons, en oatre, parmi les convives, M.
le général Posada, ministre plénipotentiaire
de Colombie; M. Nallarino, secrétaire de sa
légation ; M. Trarieux, sénateur de la Gi-
ronde, etc., etc.. etc.
De très chaudes paroles ont été pronon-
cées et applaudies, en vue de doubler l'es-
sor de l'Alouette pendant l'année 1889, qui,
selon l'éloquente expression de M. Passy,
doit voir proclamer le droit des peuples,
comme l'année 1789 a vu proclamer les
droits de l'homme et du citoyen.
A Sfax, l'amiral Miot, dont la bravoure
est légendaire, avait pris, de ses mains, un
drapeau troué de balles et tombant en lo-
ques.
Quand il revint de Madagascar, sa vieille
bonne lui dit :
— Je vais vous faire une surprise bien
agréable. Tenez, ajouta-t-elle en lui mon-
trant le drapeau, je l'ai reprisé ; il a l'air
tout neuf
PREMIERES REPRÉSENTATIONS
VAUDEVILLE. - Marquisel comédie en trois
actes, par M. Victorien Sardou
Lydie Garousse, fille d'un astucieux Nor-
mand, très moderne et peu scrupuleux, a
conquis à Paris, en peu de temps, le grade
d'horizontale de première marque : un im-
bécile quelconque, en l'abandonnant pour
se marier, lui a laissé, comme cadeau de
noces, un superbe château, à Marville, et
deux cent mille livres de rentes.
Lydie entend à merveille la vie; elle est
heureuse et son papa aussi, qu'elle élève
dans du coton, à distance, cependant.
Mais le bonheur complet n'existe pas :
Lydie, la pauvre petite chatte! se plaint de
n'être pas considérée.
La maire ne la salue pas toujours bien
respectueusement, le curé ne lui rend pas
visite, la comtesse de Maillepré, voisine de
son château, la regarde avec dédain.
Lydie comble de cadeaux et d'argent la
commune et l'église; l'officier municipal
s'amende peu à peu, le curé se montre plus
affable, mais la comtesse est toujours aussi
pimbêche.
Les gens ete Lydie oni commis un aent ae
pêche au détriment de Mme de Maillepré;
et celle-ci intente un procès, et l'exploit,
peu poli, est adressé à la « fille» Garousse.
Le terme est usuel et légal, mais Lydie ne
l'entend pas ainsi, et la qualification de
« fille » lui. paraît une cruelle insulte.
Elle se vengera ( Comment ? En achetant
un mari titré! La comtesse bisquera!
Le hasard la sert à propos. Un courtier
d'assurances, Campanule, sorte d'agent à
tout faire, à qui Lydie confie ses doléances
et ses projets, se charge de lui trouver le
porte-litre demandé : il ne cherchera pas
loin, car ce Campanille n'est autre que le
marquis Campanilla; un noble napolitain,
qui, ayant dilapidé une fortune de quatre
millions avec les femmes, a été obligé, pour
vivre, de choisir un modeste emploi.
Lydie achète Campanilla et pose ses con-
ditions, qui sont acceptées. L'Alphonse lé-
gitime partira le lendemain de la noce pour
Nice, où il croquera tranquillement, béate-
ment, la pension viagère servie par la mar-
quise.
Le mariage est accompli : le diner de
noces a lieu, la fête au château est éblouis-
sante.
Pendant que les invites se promenent
dans le parc, attendant le feu d'artifice,
Augusta, petit trottin d'un magasin de
chaussures, apporte une paire de souliers
de bal à la marquise. Elle a couru, Au-
gusta, pour arriver en retard ; elle est fati-
guée ; la marquise toujours bonne fille,
l'envoie à l'office pour qu'elle se réconforte;
au dessert, elle lui permettra de regarder
le feu d'artifice.
- Campanilla rencontre Augusta, qui est sa
maîtresse : « Que vois-je ? C'est toi? — Oui,
c'est moi ! » Fichue rencontre, pense le
marquis, et, pour éviter le scandale, il fait
grimper dare-dare la petite dans une cham-
bre, avec des vivres, sur un plat d'argent,
— attention au plat, — pour qu'elle prenne
patience. Après le feu d'artifice, elle quit-
tera le château.
Une amie de la marquise, se promenant
dans l'office, — pour lécher les assiettes,
probablement —a vu Campanilla s'emparer
du plat d'argent, comme une simple pie
voleuse.
Plus de doute, Campanilla est un escroc !
Le bruit en court les salons, et le larcin est
bientôt connu de tous les invités.
Lydie prend une rapide détermination;
elle exige que son mari quitte immédiate-
ment le château.
Mais Campanilla ne l'entend pas ainsi :
il ne doit partir que le lendemain, après le
déjeuner — le contrat en fait foi, à l'arti-
cle 5. — Il est maître du logis, et de la
femme, et il fera valoir ses droits, tous ses
droits.
Lydie insiste : Campanilla tient bon, et
se retire dans sa chambre, espérant que
dans la nuit, la marquise changera d'avis.
Rentré seul dans son appartement, Cam-
panilla trouve installée Augusta qui n'a pu
fuir à temps : il la cache dans une pièce
voisine. Au même instant, Lydie, accom-
pagnée par tous les invités, se présente
devant lui : elle cherche, à n'en pas douter,
un scandale pour obtenir le divorce; il lui
faut une gifle. — EUe verse sur son mari
toute une hottée d'injures : Campanilla
reste calme, digne. - Cependant, à une
dernière insulte, il se lève, et. embrasse
sa femme qui, oubliant son rôle, lui donne
un soufflet.
La cause est perdue.
-
Mais les amis veillent; ils ont trouvé une
boite renfermant des bottines, ce qui leur
indique que le trottin est dans la chambre,
et ils s'empressent de porter la nouvelle à
Lydie.
En même temps, ils lui communiquent
une lettre de Campanilla dans laquelle ce-
lui-ci déclare abandonner sa pension via-
gère si sa femme consent à ne plus lui op-
poser de résistance.
La marquise, certaine qu'Augusta est ca-
chée dans la chambre, se montre résignée
à subir les volontés de son époux. Campa-
nilla est horriblement gêné par la présence
d'Augusta, et il s'excuse de refuser ce qu'il
avait ardemment convoité.
On devine le reste : Lydie fait constater
ce flagrant délit de concubinage, chasse
Campanilla, et, saute, marquise ! elle sera,
à l'avenir, comme devant. Lydie Garousse.
J'ai tenu à donner une analyse à peu près
complète de la nouvelle comédie de M. Sar-
dou, qui n'exigeait cependant pas un tel
développement, pour mettre en évidence
les moyens enfantins ou ridicules, employés
par l'auteur des Paltes de mouche, pour bâ-
tir un vaudeville stupéfiant de banalité, qui
ne dépasse pas, pour la conception du sujet,
la moyenne de ceux que les apprentis du
métier" nous donnent quelquefois à Déjazet
ou à Cluny. Que pensez-vous do ce plat
d'argent, sur lequel il nous faut rester pen-
dant deux actes? Comment un auteur aussi
fin, aussi habile que M. Sardou, a-t-il pu
songer un seul instant que le Dubiic ac-
cueillerait bénévolement cette ficelle qui
n'a pas l'ombre de sens commun? Ce mar-
quis, tout aventurier qu'il soit, ne va pas
voler.sa propre argenterie; cela n'est pas
admissible un seul instant, et si nous,
spectateurs, nous sommes témoins qu'il
n'est pas un voleur, les personnages de la
comédie acceptent entre eux cette balo'ur-
dise! Cestinsense.
Mais il y a de l'esprit dans ces trois
actes, direz-vous? Certes, il y en a, et beau-
coup, trop même, et le sel est souvent très
gros. Quelques scènes sont amusantes,
d'autres presque odieuses : telle, par exem-
ple, celle où la marquise admet le dernier
marché de Campanilla qui abandonne sa
rente viagère pour obtenir les faveurs de
de sa femme.
Nous savons que c'est par feinte que la
marquise vient dans la chambre à coucher:
elle n'ignore pas que le trottin s'y trouve
également; mais l'effet est quand même
choquant; et l'auteur s'est plu à peser sur
cette scène, et à la recommencer; et la
marquise vous dit de ces phrases 1 Oh, de
ces phrases!. tout ce qu'il y a de plus.
Théâtre Libre.
Les personnages sont généralement ré-
pugnants — Voici d'abord la fille Lydie,
aussi fille que possible dans l'attitude et le
langage; puis le noble napolitain, trafi-
quant de son titre,avec un cynisme absolu ;
puis le père de la fille, vivant à ses cro-
chets, se vantant d'avoir une si charmante
enfant; puis une tourbe d'amis et d'arilies,
tout cela constituant un monde interlope
dans lequel nous vivons pendant trois heu-
res. Et la pièce ? Je la cherche ! Le pourquoi
de cette comédie ? Je l'ignore.
M. Sardou a voulu s'amuser en tournant
en vaudeville une situation, peu neuve et
peu intéressante, dont il aurait pu faire un
drame, s'il avait voulu.
Il a cherché une comédie,et, en l'écrivant,
il s'est égaré. La pièce est devenue une
bouffonnerie qui n'est pas gaie, mais qui,
en revanche, est des plus vulgaires.
Résumons : le premier acte, bien qu'un
peu long, est amusant ; le second est mau-
vais. le dernier est détestable.
* marquise! a toutefois le mérite d'être fort
bien jouée par Mlle Réjane, qui a rendu à la
perfection le personnage de Lydie Garousse.
Les moindres nuances sont observées avec
beaucoup de justesse et de tact par cette
spirituelle comédienne. Je lui conseillerai
cependant de modérer quelques gestes,
quelques éclats de voix, surtout à partir
du second acte; — au premier, elle est par-
faite. C'est un paquet de nerfs que Mlle Ré-
jane, et peu à peu en la voyant s'agiter, en
entendant sa petite voix perçante, le spec-
tateur devient lui-même tout aussi ner-
veux.
M. Saint-Germain sauve, en le jouant avec
beaucoup de mesure, le personnage odieux
de Campanilla.
M. Dieudonné n'a plus la mémoire bien
sûre; son jeu s'en ressent. M. Michel a
donné une excellente physionomie au per-
sonnage du père de Lydie. Compliments à
M. Courtès.
Mlle Cécile Caron joue avec esprit le rôle
d'Augusta. Elle y est très accorte et très
naturelle.
La direction du Vaudeville a mont £
luxueusement Marquise!
Le décor du premier acte, qui est égale-
ment celui du second, est une merveille de
bon goût.
A, EIGUF.T.
Chronique judiciaire
Mlle de Sombreuil
Longtemps avant l'appel de la cause, on
s'entassait, hier, dans la salle de la hui-
tième chambre.
Trois heures sonnent. M0 Demange, l'a-
vocat de la prévenue, est à la barre; les
juges sont sur leurs sièges, mais Mlle de
Sombreuil n'apparaît pas.
Le tribunal attend dix, quinze minutes;
enfin, fatigué, il suspend la séance jusqu'à
ce que la prévenue arrive.
L'auditoire devient houleux, on crie, on
tape des pieds.
Un garde survient et dit : « Madame s'hac
bille. »
Les clameurs redoublent.
Soudainement la porte du box des déte-
nus s'ouvre avec fracas, et une personne,
enveloppée d'un grand manteau rouge f
coiffée d'un chapeau à bords relevés, fait
irruption dans la salle en piaillant sur le
mode le plus aigu :
- C'est trop fort, il y avait dix gardes
après moi. Est-ce qu'un seul ne suffisait
pos ? J'en ai assez de toute cette police !
C'est Mlle de Sombreuil.
Mais les juges reviennent.
— Nous invitons la prévenue au calme et
à la modération, dit le président Gillet ; elle
doit respecter la magistrature.
— La magistrature, oui, mais pas la po«
lice, crie Mlle de Sombreuil.
— Assez, assez, fait sévèrement le présioc
dent. -
Et il commence l'interrogatoire :
— Vous avez trente et un ans, vous été?
revenue en France depuis le mois de dé-
cembre en contravention à un arrêté qui
vous expulse du pays ?
— Je suis en France, parce que j'ai le
droit d'y être, interrompt violemment Mlle
de Sombreuil, j'y ai apporté mon honneur,
il y a douze ans, tous mes intérêts sont
ici.
— Si vos intérêts l'exigent, reprend le
président, vous pourrez obtenir de l'admi-
nistration.
— Allons donc! Ils sont trop lâches, inter-
rompt de nouveau Mlle de Sombreuil avec
plus de violence encore; et elle crie, crie
sans trêve.
— La parole est au ministère public, fait
le président, de guerre lasse.
M. le substitut Cabat se lève, mais dès
les premiers mots de celui-ci, Mlle de Som-
breuil recommence à piailler.
Alors, on l'expulse. Et le procès se conti-
nue sans sa présence.
Me Demange sollicite pour elle l'indul-
gence.
— Ce n'est pas, dit-il, une révoltée, c'est
une malheureuse. Habituée dans son en-
fance à l'opulence, ne connaissant aucun
métier, elle est, depuis sa première chute,
fatalement condamnée à l'existence des
demi-mondaines, et. cette existence elle ne
peut la trouver qu'ici. Voilà pourquoi elle
revient toujours.
Le tribunal la condamne à un mois d$
prison.
L'espion Blondeau
Hier devait comparaître devant la neu-
vième chambre correctionnelle, pour in-
fraction à la loi sur l'espionnage, Ernest
Blondeau, ex-attaché au ministère au mi-
nistère des travaux publics ; mais l'affaire
a été remise àjeudi.
Blondeau est un ancien sous-officier du
génie, et en cette qualité il avait été em-
ployé comme attaché aux écritures au fort
de Lérouville (Meuse), à l'époque même de
sa construction.
Il profita de l'accès qu'il avait dans le bu-
reau du génie pour décalquer avec le plus
grand soin toutes les épures qui compo-
saient le plan du fort, et une fois libéré du
service, il emporta le décalque et le con-
serva soigneusement.
Au commencement du mois dernier,
Blondeau, alors employé au ministère des
travaux publics, écrivit sous double enve.
loppe au ministre de la guerre de Prusse,
en lui proposant de lui vendre 2,000 fr.,
dont 1,000 fr. payables d'avance et 1,000 fr.
après livraison, le plan du fort de Lérou.
ville.
A î appui de sa proposition et pour par.,
mettre à l'administration allemande d'en
comprendre tout le sérieux, Blondeau joi..
gnait à sa lettre une des planches qui for-*
maient l'ensemble du travail.
La lettre était signée A. B. 1. 2. L'inculpé
priait le ministre de la guerre de Berlin de
lui répondre à ces initiales, bureau restant
104, boulevard Saint-Germain, à Paris.
Par surcroît de précaution, il avait mis
sa lettre sous double enveloppe : l'enve-
loppe intérieure était adressée « au minis-
tre de la guerre de l'empire allemand, avec
prière de faire parvenir », et l'enveloppe
extérieure, dans laquelle la première était
insérée, portait l'adresse de M. le conseiller
de police Kaufmann, à Berlin. !
Par une coïncidence extraordinaire, au
moment même où l'espion lui écrivait, te
conseiller Kaufmann mourait à Berlin. La T
poste allemande renvoya en France, avec 1&
FEUILLETON DU RADICAL
HG
LA RECLUSE
PB
MONTFLEURY
• Crrand Roman inédit
t PAR
; PAUL SAUNIERE
, XXIV
Par monts et par vaux
(Suilt)
Madeleine, il est vrai, s'était engagée
.I 1 à la seconder de tout son pouvoir, mais
la pauvre enfant ne pouvait pas se dé-
cider à quitter la maison paternelle.
| Abandonner le comte, c'était à ses yeux
punir trop cruellement de son obstina-
tion le malheureux père, qui avait en-
touré jusque-là sa jeunesse de tant d'à
■ mour et dé sollicitude.
Cependant l'heure s'avançait, de plus
en pl us menaçante. Fallait-il donctrahir
; la foi jurée, renoncer à Gontran, subir
cet abominable hymen?
Elle n'en eut pas le courage. Tout va-
lait mieux qu'un aussi effroyable sup-
plice.
A deux heures, dès que le comte fut
sorti, Jeanne courut chez Mme Delau-
nay et, pour se donner une contenance,
pria Madeleine de lui montrer ses plus
beaux échantillons de dentelles.
Alors, tandis que sa main fiévreuse
froissait le léger tissu, elle avoua à Ma-
deleine qu'elle n'aurait jamais le cou-
rage d'aller jusqu'au bout et qu'elle pré-
férait la fuite, la mort même, au mariage
dont elle était menacée.
— Eh bien! lui dit Madeleine, si vous
y êtes fermement résolue, trouvez-vous
à quatre heures à notre logis de la rue
Coq-Héron. Je vous attendrai et vous
soumettrai le plan que j'ai conçu.
— Comptez sur moi, promit Jeanne !
d'une voix vibrante.
Elle regagna l'hôtel de l'île Saint-
Louis, escortée par sa femme de cham-
bre. Chemin faisant, elle se demandait
comment elle parviendrait à sortir ina-
perçue. Ce fut alors qu'en jetant les
yeux sur sa camériste, elle s'aperçut
qu'elles étaient à peu près de même
taille.
A l'instant, elle imagina de mettre
cette circonstance à profit.
Il était près de trois heures, quand
elle rentra. Il ne lui restait donc pas
beaucoup de temps pour préparer sa
fuite.
Sous prétexte qu'elle avait oublié le
ruban dont elle voulait orner ses che-
f veux, elle donna à sa femme de cham-
bre l'ordre d'aller le lui acheter aussi-
tôt.
Dès que la camériste se fut éloignée,
Jeanne monta dans la chambre de la
soubrette, y choisit un costume complet
— le plus frais qu'elle put trouver — et
procéda immédiatement à sa toilette.
Un quart d'heure après la transforma-
tion était opérée. Elle n'avait plus qu'une
crainte, c'est que le comte rentrât avant
qu'elle eût quitté l'hôtel.
- Par bonheur, tout devait la favoriser
ce jour-là. Sous le gracieux accoutre-
ment qu'elle avait endossé et qu'elle
portait à merveille, elle descendit l'esca-
lier , légère comme l'oiseau en appa-
rence, bien qu'elle tremblât de frayeur,
et passa en courant devant la loge du
suisse, en détournant légèrement la
tête.
Persuadé que c'était encore la femme
de chambre qui sortait, celui-ci tira le
cordon en maugréant, et Jeanne s'élança
dans la rue.
Le cœur lui battait bien fort. C'était
la première fois qu'elle se voyait seule
au milieu de cette foule affairée. Il lui
semblait que tout le monde la regardait
et la reconnaissait.
Aussi marchait-elle avec une rapidité
folle. En moins de vingt minutes, elle
avait gagné la rue Coq-Héron, s'arrêtait
devant le numéro 5 et disparaissait sous
la porte d'entrée.
De son côté, Madeleine avait mis à
exécution le projet qu'elle avait formé.
Après avoir habilement dérobé les
clés de la maison de Saint-Cloud, qui
étaient accrochées derrière la porte de
l'arrière-boutique, elle était sortie en di-
sant qu'elle allait jeter un coup d'oeil
sur l'appartement de son frère qui ne
pouvait tarder à revenir.
L'excuse était si plausible et s'était
présentée si souvent, que Mme Delau-
nay ne se permit aucune observation.
Madeleine, au lieu de se rendre direc-
tement chez elle, courut à la poste, y
loua une carriole et un cheval, et pria
qu'on les amenât vers cinq heures de-
la porte de sa maison.
En effet, à cinq heures, la nuit com-
mençait à tomber dans les rues étroites
du quartier Saint-Honoré. Les deux j
jeunes filles avaient donc plus de chan-
ces de passer inaperçues.
Elle venait à peine de rentrer, lorsque
Jeanne arriva, dix minutes plus tôt
qu'elle n'avait promis.
Madeleine lui exposa son plan, auquel
Mlle d'Orly donna la plus complète ap-
probation. - - -
Exactement à l'heure indiquée, la
carriole s'arrêtait devant la maison.
C'était une simple petite charrette, sus-
pendue sur deux roues et couverte
d'une grosse toile bise.
Les deux jeunes filles montèrent les-
tement et se réfugièrent sous la toile,
tout au fond de la voiture.
— Où allons-nous? demanda l'homme
qui les conduisait.
— A Saint-Cloud, répondit Made-
leine.
Le cocher enveloppa son cheval d'un
vigoureux coup de fouet et la voiture se
mit en branle.
Mais on ne songe pas à tout, Dans leur
précipitation, ni Jeanne, ni Madeleine,
ne s'étaient aperçues qu'au moment de
monter [en carriole, un homme s'était
approché d'elle et les avait examinées
avec attention.
De même, cet homme après avoir en-
tendu la demande du cocher et la ré-
ponse de Madeleine, s'était éloigné pré-
cipitamment.
C'était le baron de Rosenval, qui,
depuis son retour à Paris, guettait avec
la patience et la férocité du tigre l'occa-
sion de se venger sur Madeleine des dé-
faites que Gontran lui avait infligées.
Sans cesse aux aguets dans le voisi-
nage du magasin, il n'avait pas un jour,
pas une heure, perdu de vue la jeune
fille, la suivant avec une opiniâtre téna-
cité partout où la conduisaient ses occu-
pations, mais observant une distance
suffisante pour qu'elle ne pût pas se
douter de la surveillance dont elle était
l'objet.
Ce jour-là encore, il s'était attaché à
ses pas avec le même acharnement, sans
trouver d'ailleurs l'instant favorable
pour s'emparer de la proie qu'il convoi-
tait.
Il avait vu Madeleine entrer à la poste
et revenir rue Coq-Héron, au lieu de re-
gagner son magasin.
Qu'est-ce que cela voulait dire? Se
préparait-elle donc à quitter Paris ?
Plus que jamais il observa. Lorsqu'il
vit arriver la voiture, il ne douta plus.
Certainement, c'était Madeleine qui l'a-
vait commandée. Où allait-elle donc ?
11 traversa la chaussée et s'abrita der-j
rière & carriole* ^us&u'à ce &u'il yît
1
raître les deux jeunes filles. Alors il se
rapprocha sur la pointe du pied, les fixa f
longuement, pour s'assurer qu'il ne se j
trompait pas, et ne s'éloigna qu'au mo- :
ment où la voiture se mettait en mou- :
vemeht. f
— Ah ! elles vont à Saint-Cloud, dit-il
avec un mauvais sourire. 1
Sur-le-champ, il se rendit à son hôtel
et fit seller son cheval. >
Il n'y avait pas, à cette époque, trente-
six routes pour aller de Paris à Saint-
Cloud. Il n'y en avait qu'une. Le baron
était donc bien certain de rattraper faci-
lement la carriole et de savoir au justa
où elle s'arrêterait. -
Il enfourcha sa monture dès qu'elle
fut prête et la lança au grand trot sur la
route.
Un instant il craignait d'avoir été dé*
pisté, car, la voiture ayant roulé à uns
allure assez vive, il ne la rejoignit qu'an
moment où elle arrivait à Boulogne. A
la lueur des lumières qui éclairaient les
modestes magasins du petit village, il
reconnut enfin la bâche grise, que ses re-
gards inquiets poursuivaient depuis si
longtemps.
Désormais bien tranquille, il se tint à
distance, et atteignit derrière elle la
montée de Montretout. A mi-côte, la ca-
riole tourna brusquement sur la droite
et s'engagea au pas dans un chemin
caillouteux. t
Sans doute les jeunes voyageuses ne:
comptaient pas aller beaucoup ploa-j
loin*
MiNÉStt ,
putôs, de qui dépendait le sort de la
proposition Floquet u, aient demandé
au maître de M. Henri Rochefort de re-
noncer à porter ses cravates victorieu-
ses, et à la teinture jaune qui va si bien
à son genre de beauté.
Dans ce cas-là, évidemment, M. Geor-
ges-Ernest Boulanger aurait déclaré les
conditions inacceptables, et son féal Na-
quet l'aurait approuvé.
- La Sénat
La séance est ouverte à deux heures.
Le projet, de loi concernant le racçorde-
ment du chemin de fer de Roubaix à la fron-
tière belge est adopté saus discussion.
Le président du conseil dépose le projet
relatif au scrutin d'arrondissement. Le vote
de l'urgence donne lieu à des protestations
bruyantes et à des interruptions qui par-
tent de la Droite.
M. Porriquet et de Lareinty sont montés
à la tribune pour demander le renvoi de la
délibération à demain.
Sur la proposition de M. Casabianca, la
majorité a décidé que le Sénat se réunirait
dans ses bureaux à trois heures et demie,
pour nommer la commission qui devra
examiner le projet du scrutin uninionial.
Ea présence de l'agitation et de l'état
d'esprit du Sénat, la discussion sur la loi
relative aux prud'hommes commerciaux est
renvoyée à aujourd'hui deux heures.
: La séance est levée à deux heures et
demie.
Le classement des places fortes
Le conseil supérieur de la guerre ft ap-
prouvé le travail fait par le service du gé-
nie sur les places fortes.
Ces places ont été divisées en quatre ca-
tégories faisant l'objet d'un étal diflé-
vent.
Le premier de ces états comprend les
ouvrages de défense dont le classement est
demandé, construit ou en voie de construc-
tion. Il intéresse particulièrement les places
de Verdun, Maubeuge, Reims, TQUI, Epin-al,
Belfort, Langres, Dijon, Cherbourg, Brest,
Lyon et Grenoble; les frontières de la Sa-
voie, des Basses-Alpes, Nice, Perpignan,
Port-Vendres, ainsi que de nombreux tra-
vaux en Algérie tant sur les côtes que dans
l'intérieur.
Le deuxième état comprend les ouvrages
à déclasser immédiatement et sans réserva
il porte sur un très grand nombre de bat-
teries affectées à la défense des côtes, ainsi
que sur un certain nombre d'ouvrages clé-
"tachés de quelques places trop éloignées
du système de défense de ces places pour
être d'aucune utilité dans la défense.
Il concerne encore plusieurs ouvrages
auxquels ne se rattachait plus qu'un intérêt
historique, tels que le Mont Saint-Michel,
les châteaux de Dieppe, de Saumnr, de
lourdes, les citadelles d'Amiens, de Vilie-
franche, le fort de Sainte-Marguerite, etc.
Le troisième état renferme les places et
les ouvrages de défense dont on demande
le déclassement, sous la réserve que oe dé-
classement ne deviendra définitif que par
décret, après fixation des voies et moyens
de démantèlement. Il intéresse spéciale-
ment les villes d'Arras, Montreuil, Saint-
Omer, Aire, Valenciennes, Bouchain, Lan-
-drecies, Cambrai, Douai, Vitry-le-François,
Civet, Rocroi, Auxonne, Antibes et Mont-
pellier.. ,
Le quatrième état comprend un certain
nombre d'ouvrages dont le classement doit
être modifié.
- L'ensemble de ces dispositions fait l'objet
; d'un projet de loi qui a été déposé samedi
;.sur le. bureau de la Chambre dont le résul-
tat se traduira par une économie notable
en argent, en matériel et en personnel.
Nos Chroniques
LA RETRAITE D'OBIN
Le Conservatoire de musique, déjà si.for-
tement éprouvé par des décès prématurés
ou des rétraites inattendues, vient de subir
encore une perte, plus lourde peut-être en-
core que les précédentes. Obin, le profes-
seur d'opéra, pour sa retraite à son tour et
est nommé professeur honoraire. -
C'est une longue carrière qui vient de re-
cevoiFainsi son couronnement. Louis-Henri
Obin est né à Asca (Nord), le 4 août 1820 :
il n'a donc que soixante-huit ans.
Entré au Conservatoire le 10 mai 1842; il
suivit avec le plus grand succès de la classe
de Ponchard et débuta à FOpéra le 4 octo-
bre 1844, dans le rôle de Brabantio, de
VOlhelto de Verdi.
Peu de temps après, il -quittait l'Opéra et
n'y rentrait qu'en 1850 pour créer un rôle
important dans le détestable opéra de M.
Auber, qui s'appelait l'Enfant prodigue, et,
à partir de ce moment, il ne quitta plus
notre Académie de musique.
Il y chanta soit des reprises, comme
Moïse et Don Juan, soit des œuvres nou-
velles, comme Y Africaine, de Meyerbeer, et
le Don Carlos, de Verdi (1867).
A ce propos, nous pouvons indiquer avec
quelle admirable conscience artistique le
grand chanteur comprenait son rôle et
quel souci de la vérité il apportait jusque
dans les moindres détails de la mise en
scène.
Quand il eut à incarner le futur empe-
reur de toutes les Espagnes, le sombre et
sinistre souverain qui descendit du trône
pour enfouir sa gloire dans la nuit d'un
couvent, Obin se préoccupa de rechercher
jusqu'aux moindres habitudes de son héros.
U lut et relut les historiens et les biogra-
phes, fouilla les archives, compulsa les do-
cuments, interrogea les portraits et arriva
ainsi à composer un Charles-Quint incom-
parable.
Un des auteurs contemporains affirmait
que Charles-Quint, toutes les fois qu'il avait
à donner une signature, mâchonnait long-
temps les barbes de sa plume avant de se
décider à tracer sur le parchemin les six
lettres de ce grand nom : Carlos.
Obin copia jusqu'à cette manie, jusqu'à ce
tic. Dans l'opéra, Carlos avait une signa-
ture à donner. L'arListe répéta l'habitude
du modèle.
Certes, le public ne se rendit pas compte
de cette minutieuse exactitude : mais, s'il
ne vit pas le détail de chacune des choses
dentelle était faite, il comprit au moins
l'ensemble. L'effet produit fut énorme, Obin
y remporta peut-être le plus éclatant
triomphe de sa carrière.
Peu de temps après, en 1S69, il quittait
l'art militant et entr ât au Conservatoire
comme professeur d'opéra.
li fil cependant encore une courte appari-
tion au théâtre, et ce fut, si mes souvenirs
me servent bien, dans le rôle du chevrier
du Val d'Andorre à l'Opéra-Comique.
Il ne réussit qu'à raviver les regrets de
ceux qui déploraient une retraite aussi
précipitée et aqssi inexplicable.
Jamais la voix n'avait eu plus de sonorité
et plus d'ampleur. Les notes graves emplis-
saient la salle, superbes, étoffées, sans un
trou, sans une faiblesse. Mais cette réappa-
rition fulla dernière ; depuis ce jour, Obin
ne chanta plus que dans sa classe, au Con-
servatoire.
Comme professeur, Obin fut certainement
plus remarquable encore que comme ar-
tiste. -
Il révolutionna l'enseignement de la dé-
clamation lyrique, il le galvanisa, il l'anima
avec une vigueur et un enthousiasme qui
remuait jusqu'aux natures les plus in-
grates.
Sa façon de démontrer n'était pas tou-
jours, assure-t-on, exempte de brutalité.
On lui a reproché de parler parfois à ses
élèves une langue un peu trop énergique.
Je ne sais pas ce qu'il faut accepter de ce
reproche, mais il suffit d'avoir suivi avec
quelque peu d'assiduité les concours an-
nuels du Conservatoire, pour constater
quelle évolution radicale se manifesta dans
la classe d'opéra.
Le récitatif, si impitoyablement sacrifié
jusque-là à la mélodie, prit enfin l'impor-
.tance qui lui était due. Il fut phrasé, con-
duit, chanté enfin, et toute l'émotion lyri-
que ou dramatique, qui était en lui, ap-
parut.
Une autre qualité, non moins rare et non
moins précieuse, qu'Obin possédait au su-
prême degré, c'était l'indépendance. Il ai-
mait ses élèves d'une affection jamais dé-
mentie; il les suivait, les encourageait,
relevait leurs défaillances et les préparait
ainsi, sans épargner ses peines, à subir la
redoutable épreuve de classement.
Et quand par hasard le jury n'avait pas
décerné à l'un .de ses élèves la récompense
que lui, Obin, croyait méritée, il ne cher-
chait pas à dissimuler son mécontentement.
Les foudres de M. Ambroise Thomas ne l'é-
pouvantaient guère, et malgré la présence
du Jupiter tonnant au faubourg Poisson-
nière, le courageux professeur ne cessait de
protester contre tout ce qui paraissait res-
sembler, de près ou de loin, à une injus-
tice.
Cette attitudè a souvent donné lieu à des
scènes d'autant plus réjouissantes qu'elles
étaient plus rares. Les professeurs du Con-
servatoire sont plus prompts, générale-
ment, à accepter les décisions du jury. Il
n'y a guère que M. Arban qui ait conservé
ces traditions subversives.
Et maintenant qu'Obin est parti, qui le
remplacera ?
Un seul homme pourrait le faire, empê-
cher l'enseignement de l'Opéra de tomber
entre les mains des Philistins musicaux, la
pire espèce de Philistins qui soit au
monde.
Cet homme, c'est Faure ! mais Faure ac-
ceptera-t-il ?
VOYTOU.
Les élections municipales de Bourges
On écrit de Bourges :
Des élections complémentaires ont eu
lieu dimanche pour remplacer neuf con-
seillers municipaux démissionnaires. Au
dernier renouvellement, la liste dite de
concentration républicaine avec une légère
majorité sur la liste réactionnaire. Les nou-
veaux conseillers municipaux ayant voulu
faire un emprunt de liquidation pour com-
bler le déficit, et naturellement établir un
nouvel impôt pour servir l'intérêt et l'a-
mortissement de cet emprunt,. neuf des
conseillers ont donné leur démission.
Ce sont ces neuf conseillers qu'il s'agissait
de remplacer. Jusqu'à ces derniers jours
on pouvait croire qu'il n'y aurait, en fait
de candidats, que la liste des socialistes-ré-
volutionnaires. L'avant-veille du scrutin,
les neuf conseillers protestataires ont dé-
cidé de se représenter. Les réactionnaires
n'avaient pas de liste. Sur 9,000 électeurs
inscrits, 1,500 seulement ont voté. Les voix
se sont ainsi réparties : 1,000 pour la liste
socialiste-révolutionnaire, et 400 environ
pour les conseillers protestataire?.
Il y a naturellellement ballottage, le
sixième à peine des électeurs ayant pris
part au vote.
L'EXPOSITION DE 1889
Le Champ de Mars nous donne les curieux
détails suivants sur l'exposition rétrospec-
tive du travail, uno des nouveautés les
plus attrayantes de l'Exposition de 1889 :
On y verra l'intérieur d'un alchimiste du qua-
torzième siècle; celui de l'atelier d'un émail-
leur chinois, d'un serrurier du seizième siècle,
le laboratoire de Lavoisier reconstitué de toutes
pièces, seront des points attractifs et d'un inté-
rêt passionnant.
La section des moyens do transport révélera
au public, par des dessus d'abord et par. des
objets authentiques ensuite, tous les véhicules
dont l'homme s'est servi depuis le jour où il a
songé à ne pas utiliser seulement ses jambes.
L'ancienne diligence, l'ancienne malle-poste,
la vinaigrette, le coucou, la chaise à porteurs,
le carrosse de gala, les locomotives depuis leur
origine, y seront montrés par des objets re-
trouvés ou prêtés.
A côté de son caractère- technique, cette ex-
position rétrospective, la seule que les règle-
ments d'exposition aient autorisée et prévue,
aura son cachet artistique ; c'est ainsi qu'on y
verra les collections immenses et luxueuses
d'instruments de précision, d'horlogerie, de
coutellerie, de chirurgie, etc., à côté d'instru-
ments anciens de musique et d'armes de luxe.
Les anciennes presses à imprimer remontant
aux origines de l'imprimerie, des manuscrits
curieux,. des collections d'images et d'affiches
de toutes les époques, ein- même temps qu'une
série de costumes dé toutes les professions et
de tous les temps, feront faire aux visi-
teurs un voyage rétrospectif à travers le
mende ancien des travailleurs et des artistes.
PLATS DU JOUR
Le ministre des affaires étrangères a reçu
d'excellentes nouvelles de la mission Pavie,
qùi est rentrée à Luang Prabang sons inci-
dent.
M. Pavie, consul de France à Luang-Pra-
bang, avait passé du Siam au Tonkin en
traversant le Laos. Après un court séjour à
Hanoi, il était reparti pour Luang-Prabang,
par la voie de la rivière Noire. Dans ce der*-
nier voyage, M. Pavie a pacifié la région
qu'il a traversée.
Hier, dans la séance de l'Académie- des
sciences, M. Bertrand, secrétaire perpétuel,
a prononcé une éloquente oraison funèbre
de M. Broch, membre correspondant de la
section de mécanique, mort récemment. Il
a donné ensuite lecture d'une lettre de la
Société Gay-Lussac, de Limoges, annonçant
l'ouverture d'une souscription publique à
l'effet d'ériger une statue à l'illustre savant
dont elle porte le nom.
L'exécution de la statue sera confiée à M.
Aimé Millet et son inauguration aura lieu
au mois d'août 1890. L'Académie a accepté, à
l'unanimité, Je haut patronage de cette pa-
triotique manifestation, dont le succès est
déjà assuré.
L'exposition de la Société des femmes
peintres et sculpteurs, ouvrira vendredi,
15 février.
Comme les années précédentes, cette
exposition est installée au premier étage du
pavillon nord-est au palais de l'industrie.
A en juger d'après un premier coup d'ceil,
l'œuvre dirigée avec tant d'intelligence et
de dévouement par Mme Bertaux, est en
progrès sensible.
L'exposition compte cette année près de
sept cents ouvrages, dont une trentaine
d'oeuvres de sculpture. Comme consé-
quence, il a fallu agrandir le cadre de ce
Salon en miniature. Les salles sont, cette
année, au nombre de cinq. Dans l'installa-
tion, comme au grand Salon, des tentures,
des tapis, des massifs de plantes vertes At
de fleurs, etc.
Les salles seront chauffées.
Au dîner de la Société d'alliance tatine
l'Alouette, qui avait lieu lundi au Rocher de:
Cancale, sous la présidence de M, Frédéric
Passy, il y a eu ceci d'assez piquant que le
président, ainsi que deux de ses collègues
de la Chambre, MM. de Douville-Maillefeu
et Montaut, ont dû quitter le repas à la
moitié pour retourner au Palais-Bourbon
émettre leur vote sur le rétablissement du
scrutin uninominal. Ils sont d'ailleurs re-
venus, vers neuf heures et demie, rue Mon-
torgueil au moment des discours et des
toasts.
Citons, en oatre, parmi les convives, M.
le général Posada, ministre plénipotentiaire
de Colombie; M. Nallarino, secrétaire de sa
légation ; M. Trarieux, sénateur de la Gi-
ronde, etc., etc.. etc.
De très chaudes paroles ont été pronon-
cées et applaudies, en vue de doubler l'es-
sor de l'Alouette pendant l'année 1889, qui,
selon l'éloquente expression de M. Passy,
doit voir proclamer le droit des peuples,
comme l'année 1789 a vu proclamer les
droits de l'homme et du citoyen.
A Sfax, l'amiral Miot, dont la bravoure
est légendaire, avait pris, de ses mains, un
drapeau troué de balles et tombant en lo-
ques.
Quand il revint de Madagascar, sa vieille
bonne lui dit :
— Je vais vous faire une surprise bien
agréable. Tenez, ajouta-t-elle en lui mon-
trant le drapeau, je l'ai reprisé ; il a l'air
tout neuf
PREMIERES REPRÉSENTATIONS
VAUDEVILLE. - Marquisel comédie en trois
actes, par M. Victorien Sardou
Lydie Garousse, fille d'un astucieux Nor-
mand, très moderne et peu scrupuleux, a
conquis à Paris, en peu de temps, le grade
d'horizontale de première marque : un im-
bécile quelconque, en l'abandonnant pour
se marier, lui a laissé, comme cadeau de
noces, un superbe château, à Marville, et
deux cent mille livres de rentes.
Lydie entend à merveille la vie; elle est
heureuse et son papa aussi, qu'elle élève
dans du coton, à distance, cependant.
Mais le bonheur complet n'existe pas :
Lydie, la pauvre petite chatte! se plaint de
n'être pas considérée.
La maire ne la salue pas toujours bien
respectueusement, le curé ne lui rend pas
visite, la comtesse de Maillepré, voisine de
son château, la regarde avec dédain.
Lydie comble de cadeaux et d'argent la
commune et l'église; l'officier municipal
s'amende peu à peu, le curé se montre plus
affable, mais la comtesse est toujours aussi
pimbêche.
Les gens ete Lydie oni commis un aent ae
pêche au détriment de Mme de Maillepré;
et celle-ci intente un procès, et l'exploit,
peu poli, est adressé à la « fille» Garousse.
Le terme est usuel et légal, mais Lydie ne
l'entend pas ainsi, et la qualification de
« fille » lui. paraît une cruelle insulte.
Elle se vengera ( Comment ? En achetant
un mari titré! La comtesse bisquera!
Le hasard la sert à propos. Un courtier
d'assurances, Campanule, sorte d'agent à
tout faire, à qui Lydie confie ses doléances
et ses projets, se charge de lui trouver le
porte-litre demandé : il ne cherchera pas
loin, car ce Campanille n'est autre que le
marquis Campanilla; un noble napolitain,
qui, ayant dilapidé une fortune de quatre
millions avec les femmes, a été obligé, pour
vivre, de choisir un modeste emploi.
Lydie achète Campanilla et pose ses con-
ditions, qui sont acceptées. L'Alphonse lé-
gitime partira le lendemain de la noce pour
Nice, où il croquera tranquillement, béate-
ment, la pension viagère servie par la mar-
quise.
Le mariage est accompli : le diner de
noces a lieu, la fête au château est éblouis-
sante.
Pendant que les invites se promenent
dans le parc, attendant le feu d'artifice,
Augusta, petit trottin d'un magasin de
chaussures, apporte une paire de souliers
de bal à la marquise. Elle a couru, Au-
gusta, pour arriver en retard ; elle est fati-
guée ; la marquise toujours bonne fille,
l'envoie à l'office pour qu'elle se réconforte;
au dessert, elle lui permettra de regarder
le feu d'artifice.
- Campanilla rencontre Augusta, qui est sa
maîtresse : « Que vois-je ? C'est toi? — Oui,
c'est moi ! » Fichue rencontre, pense le
marquis, et, pour éviter le scandale, il fait
grimper dare-dare la petite dans une cham-
bre, avec des vivres, sur un plat d'argent,
— attention au plat, — pour qu'elle prenne
patience. Après le feu d'artifice, elle quit-
tera le château.
Une amie de la marquise, se promenant
dans l'office, — pour lécher les assiettes,
probablement —a vu Campanilla s'emparer
du plat d'argent, comme une simple pie
voleuse.
Plus de doute, Campanilla est un escroc !
Le bruit en court les salons, et le larcin est
bientôt connu de tous les invités.
Lydie prend une rapide détermination;
elle exige que son mari quitte immédiate-
ment le château.
Mais Campanilla ne l'entend pas ainsi :
il ne doit partir que le lendemain, après le
déjeuner — le contrat en fait foi, à l'arti-
cle 5. — Il est maître du logis, et de la
femme, et il fera valoir ses droits, tous ses
droits.
Lydie insiste : Campanilla tient bon, et
se retire dans sa chambre, espérant que
dans la nuit, la marquise changera d'avis.
Rentré seul dans son appartement, Cam-
panilla trouve installée Augusta qui n'a pu
fuir à temps : il la cache dans une pièce
voisine. Au même instant, Lydie, accom-
pagnée par tous les invités, se présente
devant lui : elle cherche, à n'en pas douter,
un scandale pour obtenir le divorce; il lui
faut une gifle. — EUe verse sur son mari
toute une hottée d'injures : Campanilla
reste calme, digne. - Cependant, à une
dernière insulte, il se lève, et. embrasse
sa femme qui, oubliant son rôle, lui donne
un soufflet.
La cause est perdue.
-
Mais les amis veillent; ils ont trouvé une
boite renfermant des bottines, ce qui leur
indique que le trottin est dans la chambre,
et ils s'empressent de porter la nouvelle à
Lydie.
En même temps, ils lui communiquent
une lettre de Campanilla dans laquelle ce-
lui-ci déclare abandonner sa pension via-
gère si sa femme consent à ne plus lui op-
poser de résistance.
La marquise, certaine qu'Augusta est ca-
chée dans la chambre, se montre résignée
à subir les volontés de son époux. Campa-
nilla est horriblement gêné par la présence
d'Augusta, et il s'excuse de refuser ce qu'il
avait ardemment convoité.
On devine le reste : Lydie fait constater
ce flagrant délit de concubinage, chasse
Campanilla, et, saute, marquise ! elle sera,
à l'avenir, comme devant. Lydie Garousse.
J'ai tenu à donner une analyse à peu près
complète de la nouvelle comédie de M. Sar-
dou, qui n'exigeait cependant pas un tel
développement, pour mettre en évidence
les moyens enfantins ou ridicules, employés
par l'auteur des Paltes de mouche, pour bâ-
tir un vaudeville stupéfiant de banalité, qui
ne dépasse pas, pour la conception du sujet,
la moyenne de ceux que les apprentis du
métier" nous donnent quelquefois à Déjazet
ou à Cluny. Que pensez-vous do ce plat
d'argent, sur lequel il nous faut rester pen-
dant deux actes? Comment un auteur aussi
fin, aussi habile que M. Sardou, a-t-il pu
songer un seul instant que le Dubiic ac-
cueillerait bénévolement cette ficelle qui
n'a pas l'ombre de sens commun? Ce mar-
quis, tout aventurier qu'il soit, ne va pas
voler.sa propre argenterie; cela n'est pas
admissible un seul instant, et si nous,
spectateurs, nous sommes témoins qu'il
n'est pas un voleur, les personnages de la
comédie acceptent entre eux cette balo'ur-
dise! Cestinsense.
Mais il y a de l'esprit dans ces trois
actes, direz-vous? Certes, il y en a, et beau-
coup, trop même, et le sel est souvent très
gros. Quelques scènes sont amusantes,
d'autres presque odieuses : telle, par exem-
ple, celle où la marquise admet le dernier
marché de Campanilla qui abandonne sa
rente viagère pour obtenir les faveurs de
de sa femme.
Nous savons que c'est par feinte que la
marquise vient dans la chambre à coucher:
elle n'ignore pas que le trottin s'y trouve
également; mais l'effet est quand même
choquant; et l'auteur s'est plu à peser sur
cette scène, et à la recommencer; et la
marquise vous dit de ces phrases 1 Oh, de
ces phrases!. tout ce qu'il y a de plus.
Théâtre Libre.
Les personnages sont généralement ré-
pugnants — Voici d'abord la fille Lydie,
aussi fille que possible dans l'attitude et le
langage; puis le noble napolitain, trafi-
quant de son titre,avec un cynisme absolu ;
puis le père de la fille, vivant à ses cro-
chets, se vantant d'avoir une si charmante
enfant; puis une tourbe d'amis et d'arilies,
tout cela constituant un monde interlope
dans lequel nous vivons pendant trois heu-
res. Et la pièce ? Je la cherche ! Le pourquoi
de cette comédie ? Je l'ignore.
M. Sardou a voulu s'amuser en tournant
en vaudeville une situation, peu neuve et
peu intéressante, dont il aurait pu faire un
drame, s'il avait voulu.
Il a cherché une comédie,et, en l'écrivant,
il s'est égaré. La pièce est devenue une
bouffonnerie qui n'est pas gaie, mais qui,
en revanche, est des plus vulgaires.
Résumons : le premier acte, bien qu'un
peu long, est amusant ; le second est mau-
vais. le dernier est détestable.
* marquise! a toutefois le mérite d'être fort
bien jouée par Mlle Réjane, qui a rendu à la
perfection le personnage de Lydie Garousse.
Les moindres nuances sont observées avec
beaucoup de justesse et de tact par cette
spirituelle comédienne. Je lui conseillerai
cependant de modérer quelques gestes,
quelques éclats de voix, surtout à partir
du second acte; — au premier, elle est par-
faite. C'est un paquet de nerfs que Mlle Ré-
jane, et peu à peu en la voyant s'agiter, en
entendant sa petite voix perçante, le spec-
tateur devient lui-même tout aussi ner-
veux.
M. Saint-Germain sauve, en le jouant avec
beaucoup de mesure, le personnage odieux
de Campanilla.
M. Dieudonné n'a plus la mémoire bien
sûre; son jeu s'en ressent. M. Michel a
donné une excellente physionomie au per-
sonnage du père de Lydie. Compliments à
M. Courtès.
Mlle Cécile Caron joue avec esprit le rôle
d'Augusta. Elle y est très accorte et très
naturelle.
La direction du Vaudeville a mont £
luxueusement Marquise!
Le décor du premier acte, qui est égale-
ment celui du second, est une merveille de
bon goût.
A, EIGUF.T.
Chronique judiciaire
Mlle de Sombreuil
Longtemps avant l'appel de la cause, on
s'entassait, hier, dans la salle de la hui-
tième chambre.
Trois heures sonnent. M0 Demange, l'a-
vocat de la prévenue, est à la barre; les
juges sont sur leurs sièges, mais Mlle de
Sombreuil n'apparaît pas.
Le tribunal attend dix, quinze minutes;
enfin, fatigué, il suspend la séance jusqu'à
ce que la prévenue arrive.
L'auditoire devient houleux, on crie, on
tape des pieds.
Un garde survient et dit : « Madame s'hac
bille. »
Les clameurs redoublent.
Soudainement la porte du box des déte-
nus s'ouvre avec fracas, et une personne,
enveloppée d'un grand manteau rouge f
coiffée d'un chapeau à bords relevés, fait
irruption dans la salle en piaillant sur le
mode le plus aigu :
- C'est trop fort, il y avait dix gardes
après moi. Est-ce qu'un seul ne suffisait
pos ? J'en ai assez de toute cette police !
C'est Mlle de Sombreuil.
Mais les juges reviennent.
— Nous invitons la prévenue au calme et
à la modération, dit le président Gillet ; elle
doit respecter la magistrature.
— La magistrature, oui, mais pas la po«
lice, crie Mlle de Sombreuil.
— Assez, assez, fait sévèrement le présioc
dent. -
Et il commence l'interrogatoire :
— Vous avez trente et un ans, vous été?
revenue en France depuis le mois de dé-
cembre en contravention à un arrêté qui
vous expulse du pays ?
— Je suis en France, parce que j'ai le
droit d'y être, interrompt violemment Mlle
de Sombreuil, j'y ai apporté mon honneur,
il y a douze ans, tous mes intérêts sont
ici.
— Si vos intérêts l'exigent, reprend le
président, vous pourrez obtenir de l'admi-
nistration.
— Allons donc! Ils sont trop lâches, inter-
rompt de nouveau Mlle de Sombreuil avec
plus de violence encore; et elle crie, crie
sans trêve.
— La parole est au ministère public, fait
le président, de guerre lasse.
M. le substitut Cabat se lève, mais dès
les premiers mots de celui-ci, Mlle de Som-
breuil recommence à piailler.
Alors, on l'expulse. Et le procès se conti-
nue sans sa présence.
Me Demange sollicite pour elle l'indul-
gence.
— Ce n'est pas, dit-il, une révoltée, c'est
une malheureuse. Habituée dans son en-
fance à l'opulence, ne connaissant aucun
métier, elle est, depuis sa première chute,
fatalement condamnée à l'existence des
demi-mondaines, et. cette existence elle ne
peut la trouver qu'ici. Voilà pourquoi elle
revient toujours.
Le tribunal la condamne à un mois d$
prison.
L'espion Blondeau
Hier devait comparaître devant la neu-
vième chambre correctionnelle, pour in-
fraction à la loi sur l'espionnage, Ernest
Blondeau, ex-attaché au ministère au mi-
nistère des travaux publics ; mais l'affaire
a été remise àjeudi.
Blondeau est un ancien sous-officier du
génie, et en cette qualité il avait été em-
ployé comme attaché aux écritures au fort
de Lérouville (Meuse), à l'époque même de
sa construction.
Il profita de l'accès qu'il avait dans le bu-
reau du génie pour décalquer avec le plus
grand soin toutes les épures qui compo-
saient le plan du fort, et une fois libéré du
service, il emporta le décalque et le con-
serva soigneusement.
Au commencement du mois dernier,
Blondeau, alors employé au ministère des
travaux publics, écrivit sous double enve.
loppe au ministre de la guerre de Prusse,
en lui proposant de lui vendre 2,000 fr.,
dont 1,000 fr. payables d'avance et 1,000 fr.
après livraison, le plan du fort de Lérou.
ville.
A î appui de sa proposition et pour par.,
mettre à l'administration allemande d'en
comprendre tout le sérieux, Blondeau joi..
gnait à sa lettre une des planches qui for-*
maient l'ensemble du travail.
La lettre était signée A. B. 1. 2. L'inculpé
priait le ministre de la guerre de Berlin de
lui répondre à ces initiales, bureau restant
104, boulevard Saint-Germain, à Paris.
Par surcroît de précaution, il avait mis
sa lettre sous double enveloppe : l'enve-
loppe intérieure était adressée « au minis-
tre de la guerre de l'empire allemand, avec
prière de faire parvenir », et l'enveloppe
extérieure, dans laquelle la première était
insérée, portait l'adresse de M. le conseiller
de police Kaufmann, à Berlin. !
Par une coïncidence extraordinaire, au
moment même où l'espion lui écrivait, te
conseiller Kaufmann mourait à Berlin. La T
poste allemande renvoya en France, avec 1&
FEUILLETON DU RADICAL
HG
LA RECLUSE
PB
MONTFLEURY
• Crrand Roman inédit
t PAR
; PAUL SAUNIERE
, XXIV
Par monts et par vaux
(Suilt)
Madeleine, il est vrai, s'était engagée
.I 1 à la seconder de tout son pouvoir, mais
la pauvre enfant ne pouvait pas se dé-
cider à quitter la maison paternelle.
| Abandonner le comte, c'était à ses yeux
punir trop cruellement de son obstina-
tion le malheureux père, qui avait en-
touré jusque-là sa jeunesse de tant d'à
■ mour et dé sollicitude.
Cependant l'heure s'avançait, de plus
en pl us menaçante. Fallait-il donctrahir
; la foi jurée, renoncer à Gontran, subir
cet abominable hymen?
Elle n'en eut pas le courage. Tout va-
lait mieux qu'un aussi effroyable sup-
plice.
A deux heures, dès que le comte fut
sorti, Jeanne courut chez Mme Delau-
nay et, pour se donner une contenance,
pria Madeleine de lui montrer ses plus
beaux échantillons de dentelles.
Alors, tandis que sa main fiévreuse
froissait le léger tissu, elle avoua à Ma-
deleine qu'elle n'aurait jamais le cou-
rage d'aller jusqu'au bout et qu'elle pré-
férait la fuite, la mort même, au mariage
dont elle était menacée.
— Eh bien! lui dit Madeleine, si vous
y êtes fermement résolue, trouvez-vous
à quatre heures à notre logis de la rue
Coq-Héron. Je vous attendrai et vous
soumettrai le plan que j'ai conçu.
— Comptez sur moi, promit Jeanne !
d'une voix vibrante.
Elle regagna l'hôtel de l'île Saint-
Louis, escortée par sa femme de cham-
bre. Chemin faisant, elle se demandait
comment elle parviendrait à sortir ina-
perçue. Ce fut alors qu'en jetant les
yeux sur sa camériste, elle s'aperçut
qu'elles étaient à peu près de même
taille.
A l'instant, elle imagina de mettre
cette circonstance à profit.
Il était près de trois heures, quand
elle rentra. Il ne lui restait donc pas
beaucoup de temps pour préparer sa
fuite.
Sous prétexte qu'elle avait oublié le
ruban dont elle voulait orner ses che-
f veux, elle donna à sa femme de cham-
bre l'ordre d'aller le lui acheter aussi-
tôt.
Dès que la camériste se fut éloignée,
Jeanne monta dans la chambre de la
soubrette, y choisit un costume complet
— le plus frais qu'elle put trouver — et
procéda immédiatement à sa toilette.
Un quart d'heure après la transforma-
tion était opérée. Elle n'avait plus qu'une
crainte, c'est que le comte rentrât avant
qu'elle eût quitté l'hôtel.
- Par bonheur, tout devait la favoriser
ce jour-là. Sous le gracieux accoutre-
ment qu'elle avait endossé et qu'elle
portait à merveille, elle descendit l'esca-
lier , légère comme l'oiseau en appa-
rence, bien qu'elle tremblât de frayeur,
et passa en courant devant la loge du
suisse, en détournant légèrement la
tête.
Persuadé que c'était encore la femme
de chambre qui sortait, celui-ci tira le
cordon en maugréant, et Jeanne s'élança
dans la rue.
Le cœur lui battait bien fort. C'était
la première fois qu'elle se voyait seule
au milieu de cette foule affairée. Il lui
semblait que tout le monde la regardait
et la reconnaissait.
Aussi marchait-elle avec une rapidité
folle. En moins de vingt minutes, elle
avait gagné la rue Coq-Héron, s'arrêtait
devant le numéro 5 et disparaissait sous
la porte d'entrée.
De son côté, Madeleine avait mis à
exécution le projet qu'elle avait formé.
Après avoir habilement dérobé les
clés de la maison de Saint-Cloud, qui
étaient accrochées derrière la porte de
l'arrière-boutique, elle était sortie en di-
sant qu'elle allait jeter un coup d'oeil
sur l'appartement de son frère qui ne
pouvait tarder à revenir.
L'excuse était si plausible et s'était
présentée si souvent, que Mme Delau-
nay ne se permit aucune observation.
Madeleine, au lieu de se rendre direc-
tement chez elle, courut à la poste, y
loua une carriole et un cheval, et pria
qu'on les amenât vers cinq heures de-
la porte de sa maison.
En effet, à cinq heures, la nuit com-
mençait à tomber dans les rues étroites
du quartier Saint-Honoré. Les deux j
jeunes filles avaient donc plus de chan-
ces de passer inaperçues.
Elle venait à peine de rentrer, lorsque
Jeanne arriva, dix minutes plus tôt
qu'elle n'avait promis.
Madeleine lui exposa son plan, auquel
Mlle d'Orly donna la plus complète ap-
probation. - - -
Exactement à l'heure indiquée, la
carriole s'arrêtait devant la maison.
C'était une simple petite charrette, sus-
pendue sur deux roues et couverte
d'une grosse toile bise.
Les deux jeunes filles montèrent les-
tement et se réfugièrent sous la toile,
tout au fond de la voiture.
— Où allons-nous? demanda l'homme
qui les conduisait.
— A Saint-Cloud, répondit Made-
leine.
Le cocher enveloppa son cheval d'un
vigoureux coup de fouet et la voiture se
mit en branle.
Mais on ne songe pas à tout, Dans leur
précipitation, ni Jeanne, ni Madeleine,
ne s'étaient aperçues qu'au moment de
monter [en carriole, un homme s'était
approché d'elle et les avait examinées
avec attention.
De même, cet homme après avoir en-
tendu la demande du cocher et la ré-
ponse de Madeleine, s'était éloigné pré-
cipitamment.
C'était le baron de Rosenval, qui,
depuis son retour à Paris, guettait avec
la patience et la férocité du tigre l'occa-
sion de se venger sur Madeleine des dé-
faites que Gontran lui avait infligées.
Sans cesse aux aguets dans le voisi-
nage du magasin, il n'avait pas un jour,
pas une heure, perdu de vue la jeune
fille, la suivant avec une opiniâtre téna-
cité partout où la conduisaient ses occu-
pations, mais observant une distance
suffisante pour qu'elle ne pût pas se
douter de la surveillance dont elle était
l'objet.
Ce jour-là encore, il s'était attaché à
ses pas avec le même acharnement, sans
trouver d'ailleurs l'instant favorable
pour s'emparer de la proie qu'il convoi-
tait.
Il avait vu Madeleine entrer à la poste
et revenir rue Coq-Héron, au lieu de re-
gagner son magasin.
Qu'est-ce que cela voulait dire? Se
préparait-elle donc à quitter Paris ?
Plus que jamais il observa. Lorsqu'il
vit arriver la voiture, il ne douta plus.
Certainement, c'était Madeleine qui l'a-
vait commandée. Où allait-elle donc ?
11 traversa la chaussée et s'abrita der-j
rière & carriole* ^us&u'à ce &u'il yît
1
raître les deux jeunes filles. Alors il se
rapprocha sur la pointe du pied, les fixa f
longuement, pour s'assurer qu'il ne se j
trompait pas, et ne s'éloigna qu'au mo- :
ment où la voiture se mettait en mou- :
vemeht. f
— Ah ! elles vont à Saint-Cloud, dit-il
avec un mauvais sourire. 1
Sur-le-champ, il se rendit à son hôtel
et fit seller son cheval. >
Il n'y avait pas, à cette époque, trente-
six routes pour aller de Paris à Saint-
Cloud. Il n'y en avait qu'une. Le baron
était donc bien certain de rattraper faci-
lement la carriole et de savoir au justa
où elle s'arrêterait. -
Il enfourcha sa monture dès qu'elle
fut prête et la lança au grand trot sur la
route.
Un instant il craignait d'avoir été dé*
pisté, car, la voiture ayant roulé à uns
allure assez vive, il ne la rejoignit qu'an
moment où elle arrivait à Boulogne. A
la lueur des lumières qui éclairaient les
modestes magasins du petit village, il
reconnut enfin la bâche grise, que ses re-
gards inquiets poursuivaient depuis si
longtemps.
Désormais bien tranquille, il se tint à
distance, et atteignit derrière elle la
montée de Montretout. A mi-côte, la ca-
riole tourna brusquement sur la droite
et s'engagea au pas dans un chemin
caillouteux. t
Sans doute les jeunes voyageuses ne:
comptaient pas aller beaucoup ploa-j
loin*
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