Titre : L'Homme libre : journal quotidien du matin / rédacteur en chef, Georges Clemenceau ; directeur, Fr. Albert
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1914-03-12
Contributeur : Clemenceau, Georges (1841-1929). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 mars 1914 12 mars 1914
Description : 1914/03/12 (A2,N312). 1914/03/12 (A2,N312).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-230
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/03/2014
DEUXIEME ANNEE. — Ko 312,
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JEUDI 12 MARS 1014.
L Homme LIOFO
Rédaction et Administration, 13 et 15, rue Taitbout, Paris
Tti. TaUDAINE 57-98, 57-99, APRÈS MINCIT, CENTRAL 43-71
ADBKSSS TÉLÉGRAPHIQUE : LHOMLIBREPARIS
FRANÇOIS ALBERT
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA RÉDACTION
JOURNAL QUOTIDIEN DU MATIN
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Rédacteur en Chef : G. CLEMENCEAU
z a»i ':4 r .-.-..-.. - ..--
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lIIUcIrt, AMMCU, PETITES A.NNOXCES : Acx MREAPX DU joumàz
A. BERNIER
« r JJJfïCTlIÏJl-ADMÏNI^TBATMUB
3L'expérience Poincaré"
Pour la seconde fois, le Sénat a voté la
réforme électorale qui remplace le scru-
tin d'arrondissement par le scrutin de
liste sans représentation proportionnelle.
Chacun sait que le quotient n'a pas la
faveur de la haute assemblée. La raison
en est simple. Le quotient"institue le pou-
voir des minorités tandis que notre Répu-
blique se fonde, selon la tradition de la
Révolution française, sur le gouverne-
ment des majorités. C'est une révolution
à rebours qu'on nous propose, sans pou-
voir la justifier autrement que par une
métaphore de M. Briand sur les « mares
stagnantes », présentement installées au
cœur de la Fédération.
On nous avait parlé, il est vrai,
d'établir une « justice) plus grande
dans la représentation électorale. Ou-
'tre que cette « justice » n'est point
du tout obtenue par le quotient, M.
:JeannenE\Y a spirituellement demande
Comment il se faisait que tant de fameux
justiciers de la R. P. fussent en même
temps de si violents adversairés de la
justice fiscale, et personne ne lui a ré-
ipondu. Il a encore fait observer, dans
son substantiel discours, qu'il s'agissait,
non d'une quantité de puissance publi-
que à répartir, comme butin, entre cha-
que membre des assemblées, mais d'une
consultation -du pays d'où devait sortir
une décision, une action suivie du gou-
vernement. Personne ne s'est levé pour
essayer d'une contestation.
L'amendement Lefèvre, comme le
texte précédent de la Chambre, n'a été
défendu par personne au Sénat, et le
vote sur le principe majoritaire de M.
Peytral a eu lieu à mains levées, tant
on était sûr du résultat. Un scrutin a été
demandé sur l'ensemble. Il a donné
quelques voix de plus au système majo-
ritaire que lors de la chute de M. Briand.
Bien loin de s'être laissé toucher par
les manœuvres, par les criailleries de
la coalition, l'assemblée du Luxembourg
est donc demeurée plus ferme que ja-
mais sur le principe républicain du gou-
yernement majoritaire. Elle a ainsi dé-
joué les espérances de nos pires ennemis.
Nous n'avons point précipité notre exa-
men. comme on nous conviait à le faire.
Nous ne l'avons pas davantage prolongé
au delà du nécessaire. Quelques-uns
nous avaient proposé de ne point rap-
Porter le projet avant les élections. Nous
durions cru ainsi méconnaître les droits
de la Chambre à qui il convient de
donner une chance de se prononcer à
nouveau, s'il lui convient, avant de se
représenter devant les électeurs. M. Jean-
neney a bien justement dit que nous
avions, avant toutes choses, besoin de
clarté. Le vote du Sénat, où la majorité
compacte du parti républicain s'est ma-
nifestée, a, entre autres avantages, le
ttïérite de poser la question clairement.
En face d'une coalition de gens mus de
desseins tout opposés, cela n'est pas né-
gligeable. Puissions-nous avoir ainsi
contribué à dénouer l'imbroglio. On sait
assez comment nombre de candidats,
Pour obtenir un appoint de droite, s'é-
pient prononcés pour une « représenta-
tion proportionnelle »* dont la plupart ne
Connaissaient pas un mot. Il est temps
qUe l'équivoque cesse et que nos cc mal
élus » s'en aillent peupler les mares des
champs élyséens.
J'entends dire que beaucoup de dé-
putés se demandent s'ils ne feraient pas
bien de voter le texte du Sénat. Je crois
que tout le parti républicain serait una-
nime à s'en féliciter. Même si la Cham-
faisait hâte — je crois qu'il ne
lui reste pas le temps de se hâter -
il me paraît difficile que la réforme
puisse être votée, avec la loi complémen-
taire portant fixation des circonscrip-
,llfns électorales, assez tôt pour être ap-
pliquée au scrutin qui va s'ouvrir dans
Quelques semaines. Les candidats ont
d'éjà commencé leur campagne dans les
Arrondissements, toutes les dispositions
BOnt prises. Une révolution de cette
SOrte ne s'improvise pas en auinze jours.
Et puis, c'est probablement trop de-
mander des troupes débandées de M. Ch.
Benoist. Des députés, qui attendaient de
la R. P., il y a quatre ans, un supplé-
ment d'électeurs, comprennent aujour-
d'hui que cette même R. P. leur enlèvera
le meilleur des voix républicaines.Aussi
Pâle manifeste où le vitriol de M. Ch.
Benoist s'est singulièrement édulcoré,
n'est-il suivi d'aucune signature. C'est
plus prudent, mais c'est un aveu de
défaite avant la bataille. Comment, Mes-
sieurs les Sauveurs, on va combattre à
Arques et vous n'y serez pas ! Je vois
bien que vous incitez les autres à se
r¡llire bravement casser la tête, mais vous
ne donnez pas l'exemple, puisque vous
vous bornez à planter le drapeau sans
répondre nominativement à l'appel au-
de l'emblème sacré.
Cela se comprend trop bien depuis
qu'en essayant d'exposer ce que la mys-
térieuse formule R. P. voulait dire, ori
s'est trouvé contraint d'avouer qu'il s' a-
gisait, par cette grande réforme, de
bstituer, aux rnal élus, des non (:lus
tout simplement, c'est-à-dire des députés
ayant moins de voix que leurs concur-
tents, lesquels sont exclus de la Cham-
bre comme entachés du vice d'avoir
obtenu la majorité. En ce sens,
Thomson a bien raison de dire qu'il
restait à l'électeur le droit de voler, non
d'élire. Qu'importe, en effet, son suf-
trage puisque la majorité des voix ne
réussit pas à faire un député ? Quel plus
clair attentat contre le principe même
du suffrage universel.?
Quand on OSé. s0 méttrc il plusieurs
pour faire de pareilles propositions au
corps électoral, ce serait vraiment le
moins qu'on prît i lie de les..cQnt[:e
signer. Mais qui ne, hausserait les épau-
les à la lecture d'un manifeste électoral
où les députés sortants qui se présen-
tent en bloc aux suffrages des bonnes
gens s'excommunient- entre eux né-
cessairement puisqu'ils recommandent
au pays des conceptions absolument
contradictoires du régime et des for-
mules législatives qui doivent l'expri-
mer. L'un no voit de salut que dans
le duc d'Orléans, le-prince Victor a le
cœur de l'autre, mais ils se réconcilient
dans le giron de M. Piou, « républicain
rallié », en vertu d'un ordre du Vatican.
Voilà un premier bloc romain. Des radi-
caux (socialistes ou non — à moins
qu'ils ne soient simultanément l'un et
1 autre), des modérés de nuances diver-
ses, jusqu'au nationalisme inclusive-
ment, composent un second apport de
diversité, ou même de contrariété, dans
cette confusion de propos et de volontés.
Brochant sur le tout, les révolutionnai-
res de M. Jaurès et de M. Guesde, qui ju-
gent que cléricaux, bonapartistes, roya-
listes et républicains sont gens de même
farine, incapables de s'élever aux subli-
mités de la lutte des classes pour le
bonheur du genre humain.
Dans les intentions vraies de tout ce
monde, que peut-il y avoir de commun ?
Quelles recommandations communes
peuvent-ils faire sincèrement aux élec-
teurs ? Y a-t-il rien de plus bouffon que
des politiciens assemblés pour nous re-
commander une certaine mesure comme
« la clef des grandes réformes », lorsque
ces « grandes réformes » sont, pour les
uns, le, rétablissement de la monarchie,
la. révolution sociale pour les autres, la
séparation de l'Eglise et de l'Etat pour
celui-ci, la théocratie pour celui-là, le
refus de l'impôt sur le revenu ou l'éga-
lisation des fortunes selon le goût des
survenants. Bien qu'on ait vu beaucoup
de choses bizarres dans ce pays et que
nous soyons probablement destinés à en
voir d'autres, je ne crois pas que nous
ayons encore eu la chance d'une telle
cacophonie. On a pensé que le manifeste
sans signature serait moins choquant.
On a compté sans l'intelligence des élec-
teurs qui sont, sans aucun doute, fort
capables de rétablir les noms.
Le clou de la discussion, au Sénat, a
été le discours d'un honorable sénateur
royaliste, M. Le Breton, qui nous a
recommandé le pouvoir personnel, non
sans se plaindre avec abondance de la
désorganisation du commandement, de
la persécution religieuse et de la loi sur
les retraites ouvrières. Il a conclu en
nous recommandant « l'expérience Poin-
caré », pour le succès de laquelle il fait
des vœux sincères, dans l'intention de
participer autant que possible « à tout
ce qui sera tenté en faveur des intérêts
religieux, en faveur de Vintérêt social et
national ». Il n'a point défini « Y expé-
rience Poincaré», ce qui aurait été pour-
tant nécessaire, car on ne nous avait
jamais parlé, jusqu'ici, de l'expérience
Loubelp ou de l'expérience Fallières. En
quoi l'expérience Poincaré se distingue-
t-elle des précédentes ? Ah ! c'est vrai,
M. Loubet, M. Fallières, étaient élus par
des républicains, tandis que M. Poin-
caré, Prince des mal élus.
Que M. Le Breton, qui revendique
avec tant de crânerie la restauration du
« pouvoir personnel » fasse donc son
« expérience Poincaré »), puisqu'il y
voit, avec juste raison, une tentative
« en faveur des intérêts religieux », et
qu'il veuille bien m'excuser si je
n'en puis pas être. Je subis « l'ex-
périence Poincaré » je n'y participe
pas. Je reconnais, d'ailleurs, que le nom
de notre Président de la République
devait être ici justement invoqué, car il
a commencé, pour gagner les voix de la
droite, par se faire le champion de la
R. P., en même temps qu'il en prenait
prétexte pour constituer des majorités de
droite contre nous, républicains. Nous
n'avions garde de l'oublier, ca,r ce nous
est une douceur, 'dans l'effondrement
d'une entreprise antirépublicaine, d'as-
socier les noms de M. Piou et de M.
Poincaré.
c, CLEMENCEAU.
Échos
Les morts étranges 1
On découvre mille choses amusantes ou
instructives — souvent les deux — en feuil-
letant les collections de l'Intermédiaire des
Chercheurs et Curieux.
Ainsi, dans le numéro du 20 octobre 1910,
page 569, nous avons lu avec plaisir un ar-
ticle consacré à Bizet, l'auteur de Carmen.
Une phrase surtout nous a plu. :
« Né à Paris le 25 octobre 1838, il mou-
rait à Bougival; le mercredi soir 2 juin 1815,
brusquement, si brusquement même qu'on
se demanda si cette fin était naturelle. »
Généralement, quand un homme meurt
vingt-trois ans avant sa naissance, ce n'est
pas naturel..
Publicité électorale
A la veille dd élections, cette agence an-
glaise pourrait peut-être ouvrir quelques suc-
cursales chez nous.
Le Politic Publiaty Office, nouvellement
créé fabrique à l'usage des candidats des
« produits électoraux D fort ingénieux.
Pour les petites bourses, l'Office met en
vente des étiquettes portant la photographie
du candidat ou un résumé de son programme.
Nous connaissons cela, et bientôt on en col-
lera par milliers sur les murs, dans les auto-
bus et sur les tables de café.
Mais pour les riches, l'Office fabrique des
porte-monnaie, porte.cartes, "fumc-cigarettes,
porte-miné. porte-plume, etc., quome le por-
trait du candidat. Les électeurs anglais sont,,.
p,\\J"lî.t-il. U.X
- SORTIE DE LA R. P., par Sirat
- Chapeau de Basile ou Bonnet Rouge. Bien embarrassant, deux coiffures
à la fois pour une mêmetête. ,
En enlevant la photo du donateur, pela
peut toujours servir.
Produits naturels
Faubourg du Temple, derrière la glace
d'un dépôt de vins, une pancarte se ba-
lance
Vins de Banyuls garantis
Provenance directe de la Gironde
Les passants qui la lisent ne s'étonnent
pas. Au contraire, cette preuve d'authenti-
cité les frappe : ils donneront l'adresse à
leur femme. -
La "Fédération catholique de France",
L'ABBÉ, LE RENTIER ET LE COMMISSAIRE
Le parquet recevait, ces jours-ci, deux
plaintes émanant : 1° de M. l'abbé Esteve-
net, curé de Bolmont (Gers); 2° de M. Lil,
guel, rentier à Châteauroux, contre la Fé-
dération catholique de France, 35, rue de
Saint-Pétersbourg, à laquelle les deux
plaignants réclamaient : le premier, 30,000
francs ; le deuxième, 25,000 francs.
M. Pamard, juge d'instruction, chargea
M. Benezech d'une enquête préliminaire
et celle-ci vient d'aboutir à des perquisi-
tions et aux inculpations d'infraction à la
loi sur les sociétés, escroquerie et abus de
confiance contre :
1° M. le comte Louis de la Tour, 5, rue
d'Aumale, président du conseil d'admi-
nistration de la Fédération: 2° M.'le
comte de Clermonf-Tonnerre, 12, boule-
vard Denain, actuellement en villégiature
en province ; 3° M. Grimaldi, dit marquis
San Damiano, camérier secret du pape ;.
4° M. Brieux. agent d'affaires, 65, avenue
d'Antin, .et 5° 'M. Reynaud, agent de pu-
blicité, 24, rue du Bac, à Asnières.
Ces personnages -avaient fondé la Fédé-
ration catholique de France au capital de
100,000 francs.
Cette société avait pour but de venir en
aide aux membres du clergé, atteints par
les lois de séparation. Elle tirait ses res-
sources d'une combinaison avec les com-
merçants détaillants qui versaient à la
caisse de la Fédération un tant pour cent
sur les achats faits chez eux.
Pour constituer cette société. les orga-
nisateurs s'étaient .adressés à l'abbé Este-
venet et à M. Luguel.
L'abbé versa d'abord 10,000 francs. On
lui donna des parts de fondateur, impri-
mées spécialement pour lui. On lui affirma
que les archevêques de Paris et d'Auch
avaient donné leur autorisation.
Le marquis de San Damiano se rendit
à Rome et revint enchanté de l'accueil que
lui avaient fait les princes de l'Eglise.
On décida d'offrir au pape, à l'occasion
des l'êtes constantinieiines, un triptyque et
l'on écrivit au coramaudeu r Puceinelli, in-
tendant du Vatican, .pour lui demander ce
que pensait le Saint Père de l'offrande de
la Fédération, dont le projet fut photogra-
phié. L'abbé, alors, versa encore, en deux
fois, 20,000 francs.
Ces jours derniers, la Semaine religieuse
de Paris dénonça la Fédération comme
sujette à caution.
L'abbé demanda des explications et des
comptes. On lui dit qu'on avait versé de
l'argent à l'archevêque d'Auch- pour obte-
nir son autorisation et que c'était le comte
de Montebello qui avait fait l'affaire. Mais
celui-ci était mort. L'abbé alors perdit pa-
tience.
M. Benezcelî a perquisitionné chez les -
organisateurs où il ci saisi les papiers. Il
est impossible do savoir'ce'que sont deve-
nus les 55.000 francs.
DANS LES VOSGES
J'ai conté ici l'histoire de cette mère
de famille qui a élevé neuf enfants avec
son aiguille de dentellière et nourri, en
outre, son nrnri infirme, incapable de ga-
gner un centime. J'ai expliqué que l'as-
sistance publique du département l'avait
aidée pendant un certain temps, puis que,
sur, le rapport d'un inspecteur, les secours
avaient été réduits à mesure que la famille
s'accroissait. L'an dernier, deux pensions
sur trois furent supprimées. ne 27 francs
par mois, le secours tomba à 9 francs.
..Une heureuse (intervention fit rétablir
l'un des secours. Puis la loi sur l'assis-
tance aux familles nombreuses fut votée.
La dentellière ne l'apprit -pas tout de
suite. Car, penchée sur son métier presque
autant la nuit que le jour, elle ne lit pas
les journaux et ne bavarde pas avec les
voisins. Il se passa un mois avant qu'elle
apprit la nouvelle qui, bien vite, la fit
courir à la mairie. On était en novembre.
Là, elle apprit que la prerftière distribu-
tion .serait faite en janvier, mais qu'elle
n'y aurait IPa. droit, ayant fait sa décla-
ration un mois trop tard. Les bureaux
n'avaient que deux mois pour notifier
l'existence d'une famille qu'ils secouraient
depuis des années ! •»'
De plus, on annonça à la pauvre femme
que le (petit secours (1 fr. 50 par semaine
et des bons de pain) dont bénéficiait son
mari, invalide depuis l'accident qui l'avait
privé de la main droite, était supprimé.
Désespérée d'une apparente bonne for-
tune qiti avait pour elle de si désastreux
résultats, la pauvre créature fit ipart do
sa détresse à quelques amis qu'elle a de
par le monde. Le résultat fut n-cureux en
ce qui concerne le trimestre de janvier
qu'on lui. paya régulièrement. Mais le petit
secours accordé au mari resta en suspens.
Peut-être le paierait-on en mars ? On ne
savait.
Cependant les jp-ersoirnes compétentes dé-
clarent qu'il n'y a aucune raison pour le
confondre avec le secours dû aux enfants.
On ne voit pas, en effet, par quel raison-
nement on pourrait conclure que, le père
ne pouvant nourrir des enifants en bas âge,
ceux-ci devraient nourrir le père.
J'ajoute que la mère, outre le fardeau
terrible qu'elle porte avec une constance
et un courage inébranlables depuis dix ou
douze ans, mettra bientôt dans cet injuste
monde un dixième -.petit enfant.
Me sera-t-il (permis, monsieur -le préfet
des Vosges, de recommander ce'tfait à vos
méditations ?,
M.-C. Jacquemaire.
M. GIOLITTI
et la crise italienne
M. Giolitti quitte le pouvoir sans être
vraiment. diminué. Son principal titre de
gloire est d'avoir été l'inventeur de rilnpé-
rialisme italien. Son risorgimento colonial
avec di San Giuliaiio, qu'il oppose, avec
une certaine fierté, au risorgimento natio-
nal de Cavour et Ganbsaldi, semble lui con-
server les sympathies du pays, et s'il ob-
tint péniblement le quitus parlementaire
'pour sa politique libyenlle, ce n'est, dit.on,
qu'un moyen, dont, du reste, il est edutu-
mier, pour sa retirer au moment choisi
par lui.
DéjH et depuis les dernières élections lé-
gislatives, on omptait. sa retraite, ou, du
lUqJ.tJ.t: U. Jo. l^^t.l>riv^v 'pf twt ..l:1..ll5.
sa manière semblait confirmer ses inten-
tions, il les subordonnait, toutefois, disent
ses amis, au désir d'abandonner le pou-
voir non point sur un vote de la Chambre,
mais bien en conserva. son autorité dans
le Parlement, et en conférant à son ab-
sence la valeur transitoire d'un court in-
terrègne.
Depuis douze ans qu'il occupe l'arène
politique, il réussit à réunir les débris de
vieux partis et de vieux groupements, ne
poursuivant aucun but politique bien dé-
fini et n'ayant à leurs yeux qu'une seule
valeur, celle de la confiance qu'ils avaient
en lui, et c'est ainsi qu'il gouverna avec
des sotialîstes, des radicaux, des libéraux-
et même des cléricaux.
Voilà pourquoi on ne démêle dans tou-
tes les combinaisons ministérielles envisa-
gées aucune tendance précise. Tout ce que
l'on sait, tout ce qu'on affirmé partout,
c'est qu'aucun gouvernement ne saurait
vivre sans l'appui de Giolitti. C'est même
ce qui fait la gravité de la crise actuelle.
Giolitti s'est donc retiré momentané-
ment. Un député ne disait-il pas, en l'a-
percevant dans les couloirs de la Cham-
bre : (c Les empereurs romains aimaient
souvent se faire tuer par leurs propres es-
claves. » L'allusion était directe, car il ne
fait aucun doute qu'à la dernière motion
des radicàux plusieurs députés ne marchè-
rent que parce qu'on leur avait affirmé
que Giolitti le voulait ainsi.
Mais, s'il se retire, oui assumera Ja res-
ponsabilité du règlement de comptes ? Une
Eminence grise n'aura certainement au-
cune autorité personnelle ; un indépendant
qui n'aurait pas le soutien de M. Giolitti
ne vivra qu'au jour le jour.
L'honorable M. Barziiaï disait, en effet :
CI Il ne faut pas, aujourd'hui, parler d'un
ministère de trois mois, parce qu'il ne
pourra guère se présenter devant les
Chambres qu'après les vacances de Pâ-
ques et que les trois mois expirent en plei-
nes vacances d'été ; il y a donc lieu de
lui accorder six mois de* vie.»
— Et quant aux radicaux, lui dit-on, fe-
ront-il partie de la nouvelle combinaison ?
L'honorable député sourit et répondit :
« Ils n'ont pas de temps à perdre. »— A. C.
L'assassinat de M. Cailiou
Le revolver de M. Pierre
Brest, 11 mars. — On a dit «que la balle
trouvée dans le corps de M. Cadiou, lors
de la seconde autopsie, était une balle
blindée de nickel, pour browning de
6 m/m 35 et que l'ingénieur Pierre n'avait
eu en sa possession qu'un revolver de
6 m/m. ,
On peut affirmer aujourd'hui que la
balle qui a tué M. Cadiou est une halle
ordinaire de 6 m/m avec chemise de cui-
vre ; la trace rouge de cuivre se remarque
encore sur le projectile très aplati retrou-
vé à l'autopsie.
Le revolver que M. Pierre a acheté chez
l'armurier Marie, de Landerneau, tirait
une balle semblable.
L'ingénieur a dit qu'il avait vendu son
arme à un voyageur de commerce,en mars
1913, alors que l'armurier Marie continue
d'affirmer que M. Pierre la lui acheta au
mois de mai suivant.
Ce voyageur parait être M. Meslay, re-
présentant d'une maison de Prez-en-Pail
(Mayenne).
Les indications fournies par M. Pierre
relativement à la vente de son arme sont
exactes Ruant à la profession de l'acheteur
et au prix de vente, mais M. Mesîay, qui
voyage actuellement dans l'Orne et non
en Amérique du sud, comme on l'a dit,
place son achat en janvier 1912.
A la petite guerre
contme
à la grande guerre
Pomme est un gentil qajnin de dix ans.
Il suit les cours du lycée Montaigne. Pour
le stimuler au travail, ses parents lui, ont
fait présent d'une tirelire où ils déposent,
leur offrande chaque fois qu'il a obtenu
de bonnes places.
L'autre jour, la maman de Pomme l'a
surpris comme il se préparait à glisser
une pièce blanche dans sa tirelire. Pomme
n'a pas su dissimuler quelque embarras,
et la maman en a conclu que la pièce
avait une origine illicite.
— D'où vient, cet argent, mon petit
Pomme ? a-t-elle demandé.
Silence. -
- C'est quelqu'un qui t'en a fait cadeau?
- Non.
- L'aurais-tu trou,vé dans la rue ?. Tu
sais qu'on ne doit pas garder pour soi
l'argent qu'on trouve.
- Je ne l'ai pas trouvé, je l'ai gagné.
- Tu. mens.
- Non, je ne mens pas !. C'est moi qui
l'ai gagné.
- Comment cela *
— A la guerre,
- Tu dis ?.
- A la guerre. Nous étions les 'Améri-
cains, et les autres étaient les Mexicains.
C'est nous qui avons gagné la bataille.
Alors, comme nous nous battions pour de
l'argent, les prisonniers nous ont donné
chacun deux sous pour, cire remis en
liberté.
La maman de Pomme a, fait de la morale
à son petit garçon. Elle lut a dit, d'abord.
que la guerre était une chose vilaine, et
qu'il ne fallait pas chercher son amuse-
ment dans des jeux de violence. Elle a
ajouté que si, parfois, elle devenait iné-
vitable, elle trouvait alors sa justification
dans la nécessité de défendre la patrie,
';nais qu'en aucun cas on ne devait faire
la guerre par intérêt.
Pomme écoutait l'homélie avec celle pa-
tience résignée, faite de déférence railleuse
et de componction sceptique, où excellent
si remarquablement les gosses d'aujowr-
d'hui. Quand ce fut terminé, il prit la
parole-à son tour.
— Alors, dit-il, pourquoi papa racontail-
il hier, à table, que les Mexicains se font
la guerre à propos de puits de pétrole ?.
C'est pas désintéressé, ça, je suppose ?
La maman jugea qu'il convenait d'aller
chercher le papa pour mettre les choses
au point. Mais avant de sortir :
- Bis-moi, Pomme, comment se fait-il
que tu aies vingt sous, puisque vous n'avez
dû recevoir chacun que deux sons ?
Pbvime répondit fièrement :
- Parce que j'étais le général, pardi
C'est bien le moins qw^ccux qui commun-
dent ensaieni pl^c les autres !
Y* "Ghales MuMer..
1
Adrien Bernheim
ET LES
Trente Ans de Théâtre
:
,
Les obsèques d'Adrien Bernheim ont été
célébrées hier, au milieu d'une affluence
considérable d'amis personnels et d'artis-
ces de tous les théâtres de Paris qui étaient
venus honorer, sans phrases, sans éloges
officiels, une vie de travail et de bonté, sa-
luer le souvenir d'un brave homme dont
l'initiative généreuse aura suffi pour créer
une grande a;uvl"e d'intérêt public.
Lorsquen décembre 1901 Adrien Bern-
heim réunissait quelques amis pour réali-
ser une tbonne action, il ne s'agissait que
de la constitution d'une caisse de secours
supplémentaire destinée à venir en aide
« immédiatement » à tous les gens do
théâtre, auteurs, artistes, critiques, déco-
rateurs machinistes, etc. qui, après de lon-
gues années de labeur et de lutte, pour-
raient se trouver dans le besoin.
L'idée bientôt s'élargissait. La caisse de
secours devenait une importante société
sous ce titre : Œuvre française des Trente
Ans de Théâtre.
Deux résultats auront été obtenus.
De nombreuses misères, connues ou ca..
chées, auront pu être secourues. Dc
malheureux, des imprévoyants auron1.
trouvé, le moment venu, l'appui qui leui
était indispensable.
Et, en même temps, aura été posée la
première pierre du théâtre populaire, ou-
vert à la comédie classique et à la musi-
que. On a vu les meilleurs artistes de nos
grandes scènes parisiennes desservir tous
les théâtres des faubourgs, les uns après
les autres, et interpréter les chefs-d'œuvre
de notre littérature, au modeste tarif des
places ordinaires, devant les travailleurs
de la banlieue, formant, d'ailleurs, le pu-
blie le plus attentif, le plus ouvert, le plus
chaud qui se puisse rencontrer.
« Nous avons pu, écrivait Adrien
Bernheim, donnep de la joie à ceux-ci, du
pain à ceux-là. Ce sera l'honneur de notre
société d'avoir offeirt au petit Paris, au
Paris qui travaille, au Paris de la'ban-
lieue, des spectacles qu'on a aimablement.
nomm,és des galas populaires. »
Cette entreprise que ce bon serviteur de
l'art et. des artistes a pu mener à bien.
grâce au concours de quelques amis et
grâce aussi à l'intelligente activité d'une
compagne dévouée, constitue une œU\oTÓ'
de solidarité sociale. Qu'on l'empêche de
disparaître : Adrien. Bernheim n'eût pas
souhaité d'autre récompense.
Gaston THOMSON.
Au Stendhal-Club
Bien que j'en eusse été l'un des fonda-
teurs, avec Paul Bourget, Maurice Bar-
rés, Francis Chevassu, je n'y avais
jamais mis les pieds. Au bout de peu
de temps, une équipe beaucoup plus
active que cette première, et dont les
titres se présentaient plus pratiques et
moins exclusivement souriants que les
nôtres, avait pris en mains les destinées
de « l'œuvre (itr
par son autorité de dénicheur de firulard
et du Journal. Derrière lui, Auguste
Cordier qui avait hérité de Romain Co-
lomb les papiers de Stendhal, Adolplm
Paupe, archiviste infatigable, Léon Be-
dugou, d'autres encore, et, derrière tous,
l'homme nécessaire, celui que nous re-
poussions au début, dans notre naïveté,
parce qu'il a était trop riche », M. Ché-
ramy.
Nous transmîmes donc nos pouvoirs.
Il me restait un regret pourtant: visiter
nos locaux devenait une nécessité pour
mon repos. Une difficulté se présentait
bien, et qui était de savoir au juste où
pouvait loger une fiction. Car, on le sait,
ce Stendhal-Club n'existe qu'en des
cœurs; et donc combien nous avions roi-
son de ne pas vouloir de Chéramy On
ne vote pas, on ne paie pas de cotisation,
on ne dîne même pas ensemble. Que
fait-on ? On nourrit le même çj
c hacun pour soi, en soi, on s'ententt
si bien, sans se voir trois fois par an,
que, ù chaque occasion de propagande
ou de célébration, on se retrouve aux
prés de fête ou de bataille.
Il est un lieu pourtant que le Sten-
dhal-Club peut invoquer pour son siège,
un lieu où l'on se rencontre 011 pensée et
quelquefois réellement, auquel en tout
cas on ne peut pas ne pas penser, lors-
qu'on songe à Stendhal, à son œuvre, à
ses éditions. à ses commentateurs, à tout
ce qui touche enfin l'être génial et pas-
sionné dont soixante-dix années de
cercueil n'ont pu avoir raison encore -
au contraire! Et c'est tout simplement
la haute demeure de la rue des Abbesses,
au haut de laquelle M. Adolphe Paupe
a réuni les archives du club.
Entendez les siennes, celles réunies
par lui et qui contiennent des trésors
inappréciables puisqu'ils échapperont
toujours à 1 impôt, qu'il soit sur le
capital ou sur le revenu. J'avais appelé
autrefois Casimir Stryienski le paléo-
graphe particulier de Stendhal. De
même a-t-on nommé M. Paupe l'archi-
viste particulier. Et si vous voulez com-
prendre en quoi consiste cette fonction,
méditez ceci.
En 1869, Albert Collignon publiait
L'Art et la vie de Stendhal, un volume
auqueL Sainte-Beuve fit les honneurs de
son a ntion. Un second volume devait
uivi ni resta manuscrit. Quelle fragî-
lité ^RNfAdolplie Paupe s'en émut. Ei",
s'étai procuré ce manscrit, il se copia-
Trois cent soixante-quatre pages in-oc-
tavo carré furent ainsi transcrites par
lui, et qui ng-urcnf aux archives aujour-
d'hui..,. Cet autre trait ciicoje ç avujut
Mie Nttméro : CINQ CENTXMSS
JEUDI 12 MARS 1014.
L Homme LIOFO
Rédaction et Administration, 13 et 15, rue Taitbout, Paris
Tti. TaUDAINE 57-98, 57-99, APRÈS MINCIT, CENTRAL 43-71
ADBKSSS TÉLÉGRAPHIQUE : LHOMLIBREPARIS
FRANÇOIS ALBERT
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA RÉDACTION
JOURNAL QUOTIDIEN DU MATIN
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Rédacteur en Chef : G. CLEMENCEAU
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DÉPARTEMENTS 6 fr. 12 fr. 24 fr.
ETBANOER (UNION POSTALE) 9 fr. 18 fr. 35 fr.
lIIUcIrt, AMMCU, PETITES A.NNOXCES : Acx MREAPX DU joumàz
A. BERNIER
« r JJJfïCTlIÏJl-ADMÏNI^TBATMUB
3L'expérience Poincaré"
Pour la seconde fois, le Sénat a voté la
réforme électorale qui remplace le scru-
tin d'arrondissement par le scrutin de
liste sans représentation proportionnelle.
Chacun sait que le quotient n'a pas la
faveur de la haute assemblée. La raison
en est simple. Le quotient"institue le pou-
voir des minorités tandis que notre Répu-
blique se fonde, selon la tradition de la
Révolution française, sur le gouverne-
ment des majorités. C'est une révolution
à rebours qu'on nous propose, sans pou-
voir la justifier autrement que par une
métaphore de M. Briand sur les « mares
stagnantes », présentement installées au
cœur de la Fédération.
On nous avait parlé, il est vrai,
d'établir une « justice) plus grande
dans la représentation électorale. Ou-
'tre que cette « justice » n'est point
du tout obtenue par le quotient, M.
:JeannenE\Y a spirituellement demande
Comment il se faisait que tant de fameux
justiciers de la R. P. fussent en même
temps de si violents adversairés de la
justice fiscale, et personne ne lui a ré-
ipondu. Il a encore fait observer, dans
son substantiel discours, qu'il s'agissait,
non d'une quantité de puissance publi-
que à répartir, comme butin, entre cha-
que membre des assemblées, mais d'une
consultation -du pays d'où devait sortir
une décision, une action suivie du gou-
vernement. Personne ne s'est levé pour
essayer d'une contestation.
L'amendement Lefèvre, comme le
texte précédent de la Chambre, n'a été
défendu par personne au Sénat, et le
vote sur le principe majoritaire de M.
Peytral a eu lieu à mains levées, tant
on était sûr du résultat. Un scrutin a été
demandé sur l'ensemble. Il a donné
quelques voix de plus au système majo-
ritaire que lors de la chute de M. Briand.
Bien loin de s'être laissé toucher par
les manœuvres, par les criailleries de
la coalition, l'assemblée du Luxembourg
est donc demeurée plus ferme que ja-
mais sur le principe républicain du gou-
yernement majoritaire. Elle a ainsi dé-
joué les espérances de nos pires ennemis.
Nous n'avons point précipité notre exa-
men. comme on nous conviait à le faire.
Nous ne l'avons pas davantage prolongé
au delà du nécessaire. Quelques-uns
nous avaient proposé de ne point rap-
Porter le projet avant les élections. Nous
durions cru ainsi méconnaître les droits
de la Chambre à qui il convient de
donner une chance de se prononcer à
nouveau, s'il lui convient, avant de se
représenter devant les électeurs. M. Jean-
neney a bien justement dit que nous
avions, avant toutes choses, besoin de
clarté. Le vote du Sénat, où la majorité
compacte du parti républicain s'est ma-
nifestée, a, entre autres avantages, le
ttïérite de poser la question clairement.
En face d'une coalition de gens mus de
desseins tout opposés, cela n'est pas né-
gligeable. Puissions-nous avoir ainsi
contribué à dénouer l'imbroglio. On sait
assez comment nombre de candidats,
Pour obtenir un appoint de droite, s'é-
pient prononcés pour une « représenta-
tion proportionnelle »* dont la plupart ne
Connaissaient pas un mot. Il est temps
qUe l'équivoque cesse et que nos cc mal
élus » s'en aillent peupler les mares des
champs élyséens.
J'entends dire que beaucoup de dé-
putés se demandent s'ils ne feraient pas
bien de voter le texte du Sénat. Je crois
que tout le parti républicain serait una-
nime à s'en féliciter. Même si la Cham-
faisait hâte — je crois qu'il ne
lui reste pas le temps de se hâter -
il me paraît difficile que la réforme
puisse être votée, avec la loi complémen-
taire portant fixation des circonscrip-
,llfns électorales, assez tôt pour être ap-
pliquée au scrutin qui va s'ouvrir dans
Quelques semaines. Les candidats ont
d'éjà commencé leur campagne dans les
Arrondissements, toutes les dispositions
BOnt prises. Une révolution de cette
SOrte ne s'improvise pas en auinze jours.
Et puis, c'est probablement trop de-
mander des troupes débandées de M. Ch.
Benoist. Des députés, qui attendaient de
la R. P., il y a quatre ans, un supplé-
ment d'électeurs, comprennent aujour-
d'hui que cette même R. P. leur enlèvera
le meilleur des voix républicaines.Aussi
Pâle manifeste où le vitriol de M. Ch.
Benoist s'est singulièrement édulcoré,
n'est-il suivi d'aucune signature. C'est
plus prudent, mais c'est un aveu de
défaite avant la bataille. Comment, Mes-
sieurs les Sauveurs, on va combattre à
Arques et vous n'y serez pas ! Je vois
bien que vous incitez les autres à se
r¡llire bravement casser la tête, mais vous
ne donnez pas l'exemple, puisque vous
vous bornez à planter le drapeau sans
répondre nominativement à l'appel au-
de l'emblème sacré.
Cela se comprend trop bien depuis
qu'en essayant d'exposer ce que la mys-
térieuse formule R. P. voulait dire, ori
s'est trouvé contraint d'avouer qu'il s' a-
gisait, par cette grande réforme, de
bstituer, aux rnal élus, des non (:lus
tout simplement, c'est-à-dire des députés
ayant moins de voix que leurs concur-
tents, lesquels sont exclus de la Cham-
bre comme entachés du vice d'avoir
obtenu la majorité. En ce sens,
Thomson a bien raison de dire qu'il
restait à l'électeur le droit de voler, non
d'élire. Qu'importe, en effet, son suf-
trage puisque la majorité des voix ne
réussit pas à faire un député ? Quel plus
clair attentat contre le principe même
du suffrage universel.?
Quand on OSé. s0 méttrc il plusieurs
pour faire de pareilles propositions au
corps électoral, ce serait vraiment le
moins qu'on prît i lie de les..cQnt[:e
signer. Mais qui ne, hausserait les épau-
les à la lecture d'un manifeste électoral
où les députés sortants qui se présen-
tent en bloc aux suffrages des bonnes
gens s'excommunient- entre eux né-
cessairement puisqu'ils recommandent
au pays des conceptions absolument
contradictoires du régime et des for-
mules législatives qui doivent l'expri-
mer. L'un no voit de salut que dans
le duc d'Orléans, le-prince Victor a le
cœur de l'autre, mais ils se réconcilient
dans le giron de M. Piou, « républicain
rallié », en vertu d'un ordre du Vatican.
Voilà un premier bloc romain. Des radi-
caux (socialistes ou non — à moins
qu'ils ne soient simultanément l'un et
1 autre), des modérés de nuances diver-
ses, jusqu'au nationalisme inclusive-
ment, composent un second apport de
diversité, ou même de contrariété, dans
cette confusion de propos et de volontés.
Brochant sur le tout, les révolutionnai-
res de M. Jaurès et de M. Guesde, qui ju-
gent que cléricaux, bonapartistes, roya-
listes et républicains sont gens de même
farine, incapables de s'élever aux subli-
mités de la lutte des classes pour le
bonheur du genre humain.
Dans les intentions vraies de tout ce
monde, que peut-il y avoir de commun ?
Quelles recommandations communes
peuvent-ils faire sincèrement aux élec-
teurs ? Y a-t-il rien de plus bouffon que
des politiciens assemblés pour nous re-
commander une certaine mesure comme
« la clef des grandes réformes », lorsque
ces « grandes réformes » sont, pour les
uns, le, rétablissement de la monarchie,
la. révolution sociale pour les autres, la
séparation de l'Eglise et de l'Etat pour
celui-ci, la théocratie pour celui-là, le
refus de l'impôt sur le revenu ou l'éga-
lisation des fortunes selon le goût des
survenants. Bien qu'on ait vu beaucoup
de choses bizarres dans ce pays et que
nous soyons probablement destinés à en
voir d'autres, je ne crois pas que nous
ayons encore eu la chance d'une telle
cacophonie. On a pensé que le manifeste
sans signature serait moins choquant.
On a compté sans l'intelligence des élec-
teurs qui sont, sans aucun doute, fort
capables de rétablir les noms.
Le clou de la discussion, au Sénat, a
été le discours d'un honorable sénateur
royaliste, M. Le Breton, qui nous a
recommandé le pouvoir personnel, non
sans se plaindre avec abondance de la
désorganisation du commandement, de
la persécution religieuse et de la loi sur
les retraites ouvrières. Il a conclu en
nous recommandant « l'expérience Poin-
caré », pour le succès de laquelle il fait
des vœux sincères, dans l'intention de
participer autant que possible « à tout
ce qui sera tenté en faveur des intérêts
religieux, en faveur de Vintérêt social et
national ». Il n'a point défini « Y expé-
rience Poincaré», ce qui aurait été pour-
tant nécessaire, car on ne nous avait
jamais parlé, jusqu'ici, de l'expérience
Loubelp ou de l'expérience Fallières. En
quoi l'expérience Poincaré se distingue-
t-elle des précédentes ? Ah ! c'est vrai,
M. Loubet, M. Fallières, étaient élus par
des républicains, tandis que M. Poin-
caré, Prince des mal élus.
Que M. Le Breton, qui revendique
avec tant de crânerie la restauration du
« pouvoir personnel » fasse donc son
« expérience Poincaré »), puisqu'il y
voit, avec juste raison, une tentative
« en faveur des intérêts religieux », et
qu'il veuille bien m'excuser si je
n'en puis pas être. Je subis « l'ex-
périence Poincaré » je n'y participe
pas. Je reconnais, d'ailleurs, que le nom
de notre Président de la République
devait être ici justement invoqué, car il
a commencé, pour gagner les voix de la
droite, par se faire le champion de la
R. P., en même temps qu'il en prenait
prétexte pour constituer des majorités de
droite contre nous, républicains. Nous
n'avions garde de l'oublier, ca,r ce nous
est une douceur, 'dans l'effondrement
d'une entreprise antirépublicaine, d'as-
socier les noms de M. Piou et de M.
Poincaré.
c, CLEMENCEAU.
Échos
Les morts étranges 1
On découvre mille choses amusantes ou
instructives — souvent les deux — en feuil-
letant les collections de l'Intermédiaire des
Chercheurs et Curieux.
Ainsi, dans le numéro du 20 octobre 1910,
page 569, nous avons lu avec plaisir un ar-
ticle consacré à Bizet, l'auteur de Carmen.
Une phrase surtout nous a plu. :
« Né à Paris le 25 octobre 1838, il mou-
rait à Bougival; le mercredi soir 2 juin 1815,
brusquement, si brusquement même qu'on
se demanda si cette fin était naturelle. »
Généralement, quand un homme meurt
vingt-trois ans avant sa naissance, ce n'est
pas naturel..
Publicité électorale
A la veille dd élections, cette agence an-
glaise pourrait peut-être ouvrir quelques suc-
cursales chez nous.
Le Politic Publiaty Office, nouvellement
créé fabrique à l'usage des candidats des
« produits électoraux D fort ingénieux.
Pour les petites bourses, l'Office met en
vente des étiquettes portant la photographie
du candidat ou un résumé de son programme.
Nous connaissons cela, et bientôt on en col-
lera par milliers sur les murs, dans les auto-
bus et sur les tables de café.
Mais pour les riches, l'Office fabrique des
porte-monnaie, porte.cartes, "fumc-cigarettes,
porte-miné. porte-plume, etc., quome le por-
trait du candidat. Les électeurs anglais sont,,.
p,\\J"lî.t-il. U.X
- SORTIE DE LA R. P., par Sirat
- Chapeau de Basile ou Bonnet Rouge. Bien embarrassant, deux coiffures
à la fois pour une mêmetête. ,
En enlevant la photo du donateur, pela
peut toujours servir.
Produits naturels
Faubourg du Temple, derrière la glace
d'un dépôt de vins, une pancarte se ba-
lance
Vins de Banyuls garantis
Provenance directe de la Gironde
Les passants qui la lisent ne s'étonnent
pas. Au contraire, cette preuve d'authenti-
cité les frappe : ils donneront l'adresse à
leur femme. -
La "Fédération catholique de France",
L'ABBÉ, LE RENTIER ET LE COMMISSAIRE
Le parquet recevait, ces jours-ci, deux
plaintes émanant : 1° de M. l'abbé Esteve-
net, curé de Bolmont (Gers); 2° de M. Lil,
guel, rentier à Châteauroux, contre la Fé-
dération catholique de France, 35, rue de
Saint-Pétersbourg, à laquelle les deux
plaignants réclamaient : le premier, 30,000
francs ; le deuxième, 25,000 francs.
M. Pamard, juge d'instruction, chargea
M. Benezech d'une enquête préliminaire
et celle-ci vient d'aboutir à des perquisi-
tions et aux inculpations d'infraction à la
loi sur les sociétés, escroquerie et abus de
confiance contre :
1° M. le comte Louis de la Tour, 5, rue
d'Aumale, président du conseil d'admi-
nistration de la Fédération: 2° M.'le
comte de Clermonf-Tonnerre, 12, boule-
vard Denain, actuellement en villégiature
en province ; 3° M. Grimaldi, dit marquis
San Damiano, camérier secret du pape ;.
4° M. Brieux. agent d'affaires, 65, avenue
d'Antin, .et 5° 'M. Reynaud, agent de pu-
blicité, 24, rue du Bac, à Asnières.
Ces personnages -avaient fondé la Fédé-
ration catholique de France au capital de
100,000 francs.
Cette société avait pour but de venir en
aide aux membres du clergé, atteints par
les lois de séparation. Elle tirait ses res-
sources d'une combinaison avec les com-
merçants détaillants qui versaient à la
caisse de la Fédération un tant pour cent
sur les achats faits chez eux.
Pour constituer cette société. les orga-
nisateurs s'étaient .adressés à l'abbé Este-
venet et à M. Luguel.
L'abbé versa d'abord 10,000 francs. On
lui donna des parts de fondateur, impri-
mées spécialement pour lui. On lui affirma
que les archevêques de Paris et d'Auch
avaient donné leur autorisation.
Le marquis de San Damiano se rendit
à Rome et revint enchanté de l'accueil que
lui avaient fait les princes de l'Eglise.
On décida d'offrir au pape, à l'occasion
des l'êtes constantinieiines, un triptyque et
l'on écrivit au coramaudeu r Puceinelli, in-
tendant du Vatican, .pour lui demander ce
que pensait le Saint Père de l'offrande de
la Fédération, dont le projet fut photogra-
phié. L'abbé, alors, versa encore, en deux
fois, 20,000 francs.
Ces jours derniers, la Semaine religieuse
de Paris dénonça la Fédération comme
sujette à caution.
L'abbé demanda des explications et des
comptes. On lui dit qu'on avait versé de
l'argent à l'archevêque d'Auch- pour obte-
nir son autorisation et que c'était le comte
de Montebello qui avait fait l'affaire. Mais
celui-ci était mort. L'abbé alors perdit pa-
tience.
M. Benezcelî a perquisitionné chez les -
organisateurs où il ci saisi les papiers. Il
est impossible do savoir'ce'que sont deve-
nus les 55.000 francs.
DANS LES VOSGES
J'ai conté ici l'histoire de cette mère
de famille qui a élevé neuf enfants avec
son aiguille de dentellière et nourri, en
outre, son nrnri infirme, incapable de ga-
gner un centime. J'ai expliqué que l'as-
sistance publique du département l'avait
aidée pendant un certain temps, puis que,
sur, le rapport d'un inspecteur, les secours
avaient été réduits à mesure que la famille
s'accroissait. L'an dernier, deux pensions
sur trois furent supprimées. ne 27 francs
par mois, le secours tomba à 9 francs.
..Une heureuse (intervention fit rétablir
l'un des secours. Puis la loi sur l'assis-
tance aux familles nombreuses fut votée.
La dentellière ne l'apprit -pas tout de
suite. Car, penchée sur son métier presque
autant la nuit que le jour, elle ne lit pas
les journaux et ne bavarde pas avec les
voisins. Il se passa un mois avant qu'elle
apprit la nouvelle qui, bien vite, la fit
courir à la mairie. On était en novembre.
Là, elle apprit que la prerftière distribu-
tion .serait faite en janvier, mais qu'elle
n'y aurait IPa. droit, ayant fait sa décla-
ration un mois trop tard. Les bureaux
n'avaient que deux mois pour notifier
l'existence d'une famille qu'ils secouraient
depuis des années ! •»'
De plus, on annonça à la pauvre femme
que le (petit secours (1 fr. 50 par semaine
et des bons de pain) dont bénéficiait son
mari, invalide depuis l'accident qui l'avait
privé de la main droite, était supprimé.
Désespérée d'une apparente bonne for-
tune qiti avait pour elle de si désastreux
résultats, la pauvre créature fit ipart do
sa détresse à quelques amis qu'elle a de
par le monde. Le résultat fut n-cureux en
ce qui concerne le trimestre de janvier
qu'on lui. paya régulièrement. Mais le petit
secours accordé au mari resta en suspens.
Peut-être le paierait-on en mars ? On ne
savait.
Cependant les jp-ersoirnes compétentes dé-
clarent qu'il n'y a aucune raison pour le
confondre avec le secours dû aux enfants.
On ne voit pas, en effet, par quel raison-
nement on pourrait conclure que, le père
ne pouvant nourrir des enifants en bas âge,
ceux-ci devraient nourrir le père.
J'ajoute que la mère, outre le fardeau
terrible qu'elle porte avec une constance
et un courage inébranlables depuis dix ou
douze ans, mettra bientôt dans cet injuste
monde un dixième -.petit enfant.
Me sera-t-il (permis, monsieur -le préfet
des Vosges, de recommander ce'tfait à vos
méditations ?,
M.-C. Jacquemaire.
M. GIOLITTI
et la crise italienne
M. Giolitti quitte le pouvoir sans être
vraiment. diminué. Son principal titre de
gloire est d'avoir été l'inventeur de rilnpé-
rialisme italien. Son risorgimento colonial
avec di San Giuliaiio, qu'il oppose, avec
une certaine fierté, au risorgimento natio-
nal de Cavour et Ganbsaldi, semble lui con-
server les sympathies du pays, et s'il ob-
tint péniblement le quitus parlementaire
'pour sa politique libyenlle, ce n'est, dit.on,
qu'un moyen, dont, du reste, il est edutu-
mier, pour sa retirer au moment choisi
par lui.
DéjH et depuis les dernières élections lé-
gislatives, on omptait. sa retraite, ou, du
lUqJ.tJ.t: U. Jo. l^^t.l>riv^v 'pf twt ..l:1..ll5.
sa manière semblait confirmer ses inten-
tions, il les subordonnait, toutefois, disent
ses amis, au désir d'abandonner le pou-
voir non point sur un vote de la Chambre,
mais bien en conserva. son autorité dans
le Parlement, et en conférant à son ab-
sence la valeur transitoire d'un court in-
terrègne.
Depuis douze ans qu'il occupe l'arène
politique, il réussit à réunir les débris de
vieux partis et de vieux groupements, ne
poursuivant aucun but politique bien dé-
fini et n'ayant à leurs yeux qu'une seule
valeur, celle de la confiance qu'ils avaient
en lui, et c'est ainsi qu'il gouverna avec
des sotialîstes, des radicaux, des libéraux-
et même des cléricaux.
Voilà pourquoi on ne démêle dans tou-
tes les combinaisons ministérielles envisa-
gées aucune tendance précise. Tout ce que
l'on sait, tout ce qu'on affirmé partout,
c'est qu'aucun gouvernement ne saurait
vivre sans l'appui de Giolitti. C'est même
ce qui fait la gravité de la crise actuelle.
Giolitti s'est donc retiré momentané-
ment. Un député ne disait-il pas, en l'a-
percevant dans les couloirs de la Cham-
bre : (c Les empereurs romains aimaient
souvent se faire tuer par leurs propres es-
claves. » L'allusion était directe, car il ne
fait aucun doute qu'à la dernière motion
des radicàux plusieurs députés ne marchè-
rent que parce qu'on leur avait affirmé
que Giolitti le voulait ainsi.
Mais, s'il se retire, oui assumera Ja res-
ponsabilité du règlement de comptes ? Une
Eminence grise n'aura certainement au-
cune autorité personnelle ; un indépendant
qui n'aurait pas le soutien de M. Giolitti
ne vivra qu'au jour le jour.
L'honorable M. Barziiaï disait, en effet :
CI Il ne faut pas, aujourd'hui, parler d'un
ministère de trois mois, parce qu'il ne
pourra guère se présenter devant les
Chambres qu'après les vacances de Pâ-
ques et que les trois mois expirent en plei-
nes vacances d'été ; il y a donc lieu de
lui accorder six mois de* vie.»
— Et quant aux radicaux, lui dit-on, fe-
ront-il partie de la nouvelle combinaison ?
L'honorable député sourit et répondit :
« Ils n'ont pas de temps à perdre. »— A. C.
L'assassinat de M. Cailiou
Le revolver de M. Pierre
Brest, 11 mars. — On a dit «que la balle
trouvée dans le corps de M. Cadiou, lors
de la seconde autopsie, était une balle
blindée de nickel, pour browning de
6 m/m 35 et que l'ingénieur Pierre n'avait
eu en sa possession qu'un revolver de
6 m/m. ,
On peut affirmer aujourd'hui que la
balle qui a tué M. Cadiou est une halle
ordinaire de 6 m/m avec chemise de cui-
vre ; la trace rouge de cuivre se remarque
encore sur le projectile très aplati retrou-
vé à l'autopsie.
Le revolver que M. Pierre a acheté chez
l'armurier Marie, de Landerneau, tirait
une balle semblable.
L'ingénieur a dit qu'il avait vendu son
arme à un voyageur de commerce,en mars
1913, alors que l'armurier Marie continue
d'affirmer que M. Pierre la lui acheta au
mois de mai suivant.
Ce voyageur parait être M. Meslay, re-
présentant d'une maison de Prez-en-Pail
(Mayenne).
Les indications fournies par M. Pierre
relativement à la vente de son arme sont
exactes Ruant à la profession de l'acheteur
et au prix de vente, mais M. Mesîay, qui
voyage actuellement dans l'Orne et non
en Amérique du sud, comme on l'a dit,
place son achat en janvier 1912.
A la petite guerre
contme
à la grande guerre
Pomme est un gentil qajnin de dix ans.
Il suit les cours du lycée Montaigne. Pour
le stimuler au travail, ses parents lui, ont
fait présent d'une tirelire où ils déposent,
leur offrande chaque fois qu'il a obtenu
de bonnes places.
L'autre jour, la maman de Pomme l'a
surpris comme il se préparait à glisser
une pièce blanche dans sa tirelire. Pomme
n'a pas su dissimuler quelque embarras,
et la maman en a conclu que la pièce
avait une origine illicite.
— D'où vient, cet argent, mon petit
Pomme ? a-t-elle demandé.
Silence. -
- C'est quelqu'un qui t'en a fait cadeau?
- Non.
- L'aurais-tu trou,vé dans la rue ?. Tu
sais qu'on ne doit pas garder pour soi
l'argent qu'on trouve.
- Je ne l'ai pas trouvé, je l'ai gagné.
- Tu. mens.
- Non, je ne mens pas !. C'est moi qui
l'ai gagné.
- Comment cela *
— A la guerre,
- Tu dis ?.
- A la guerre. Nous étions les 'Améri-
cains, et les autres étaient les Mexicains.
C'est nous qui avons gagné la bataille.
Alors, comme nous nous battions pour de
l'argent, les prisonniers nous ont donné
chacun deux sous pour, cire remis en
liberté.
La maman de Pomme a, fait de la morale
à son petit garçon. Elle lut a dit, d'abord.
que la guerre était une chose vilaine, et
qu'il ne fallait pas chercher son amuse-
ment dans des jeux de violence. Elle a
ajouté que si, parfois, elle devenait iné-
vitable, elle trouvait alors sa justification
dans la nécessité de défendre la patrie,
';nais qu'en aucun cas on ne devait faire
la guerre par intérêt.
Pomme écoutait l'homélie avec celle pa-
tience résignée, faite de déférence railleuse
et de componction sceptique, où excellent
si remarquablement les gosses d'aujowr-
d'hui. Quand ce fut terminé, il prit la
parole-à son tour.
— Alors, dit-il, pourquoi papa racontail-
il hier, à table, que les Mexicains se font
la guerre à propos de puits de pétrole ?.
C'est pas désintéressé, ça, je suppose ?
La maman jugea qu'il convenait d'aller
chercher le papa pour mettre les choses
au point. Mais avant de sortir :
- Bis-moi, Pomme, comment se fait-il
que tu aies vingt sous, puisque vous n'avez
dû recevoir chacun que deux sons ?
Pbvime répondit fièrement :
- Parce que j'étais le général, pardi
C'est bien le moins qw^ccux qui commun-
dent ensaieni pl^c les autres !
Y* "Ghales MuMer..
1
Adrien Bernheim
ET LES
Trente Ans de Théâtre
:
,
Les obsèques d'Adrien Bernheim ont été
célébrées hier, au milieu d'une affluence
considérable d'amis personnels et d'artis-
ces de tous les théâtres de Paris qui étaient
venus honorer, sans phrases, sans éloges
officiels, une vie de travail et de bonté, sa-
luer le souvenir d'un brave homme dont
l'initiative généreuse aura suffi pour créer
une grande a;uvl"e d'intérêt public.
Lorsquen décembre 1901 Adrien Bern-
heim réunissait quelques amis pour réali-
ser une tbonne action, il ne s'agissait que
de la constitution d'une caisse de secours
supplémentaire destinée à venir en aide
« immédiatement » à tous les gens do
théâtre, auteurs, artistes, critiques, déco-
rateurs machinistes, etc. qui, après de lon-
gues années de labeur et de lutte, pour-
raient se trouver dans le besoin.
L'idée bientôt s'élargissait. La caisse de
secours devenait une importante société
sous ce titre : Œuvre française des Trente
Ans de Théâtre.
Deux résultats auront été obtenus.
De nombreuses misères, connues ou ca..
chées, auront pu être secourues. Dc
malheureux, des imprévoyants auron1.
trouvé, le moment venu, l'appui qui leui
était indispensable.
Et, en même temps, aura été posée la
première pierre du théâtre populaire, ou-
vert à la comédie classique et à la musi-
que. On a vu les meilleurs artistes de nos
grandes scènes parisiennes desservir tous
les théâtres des faubourgs, les uns après
les autres, et interpréter les chefs-d'œuvre
de notre littérature, au modeste tarif des
places ordinaires, devant les travailleurs
de la banlieue, formant, d'ailleurs, le pu-
blie le plus attentif, le plus ouvert, le plus
chaud qui se puisse rencontrer.
« Nous avons pu, écrivait Adrien
Bernheim, donnep de la joie à ceux-ci, du
pain à ceux-là. Ce sera l'honneur de notre
société d'avoir offeirt au petit Paris, au
Paris qui travaille, au Paris de la'ban-
lieue, des spectacles qu'on a aimablement.
nomm,és des galas populaires. »
Cette entreprise que ce bon serviteur de
l'art et. des artistes a pu mener à bien.
grâce au concours de quelques amis et
grâce aussi à l'intelligente activité d'une
compagne dévouée, constitue une œU\oTÓ'
de solidarité sociale. Qu'on l'empêche de
disparaître : Adrien. Bernheim n'eût pas
souhaité d'autre récompense.
Gaston THOMSON.
Au Stendhal-Club
Bien que j'en eusse été l'un des fonda-
teurs, avec Paul Bourget, Maurice Bar-
rés, Francis Chevassu, je n'y avais
jamais mis les pieds. Au bout de peu
de temps, une équipe beaucoup plus
active que cette première, et dont les
titres se présentaient plus pratiques et
moins exclusivement souriants que les
nôtres, avait pris en mains les destinées
de « l'œuvre (itr
par son autorité de dénicheur de firulard
et du Journal. Derrière lui, Auguste
Cordier qui avait hérité de Romain Co-
lomb les papiers de Stendhal, Adolplm
Paupe, archiviste infatigable, Léon Be-
dugou, d'autres encore, et, derrière tous,
l'homme nécessaire, celui que nous re-
poussions au début, dans notre naïveté,
parce qu'il a était trop riche », M. Ché-
ramy.
Nous transmîmes donc nos pouvoirs.
Il me restait un regret pourtant: visiter
nos locaux devenait une nécessité pour
mon repos. Une difficulté se présentait
bien, et qui était de savoir au juste où
pouvait loger une fiction. Car, on le sait,
ce Stendhal-Club n'existe qu'en des
cœurs; et donc combien nous avions roi-
son de ne pas vouloir de Chéramy On
ne vote pas, on ne paie pas de cotisation,
on ne dîne même pas ensemble. Que
fait-on ? On nourrit le même çj
c hacun pour soi, en soi, on s'ententt
si bien, sans se voir trois fois par an,
que, ù chaque occasion de propagande
ou de célébration, on se retrouve aux
prés de fête ou de bataille.
Il est un lieu pourtant que le Sten-
dhal-Club peut invoquer pour son siège,
un lieu où l'on se rencontre 011 pensée et
quelquefois réellement, auquel en tout
cas on ne peut pas ne pas penser, lors-
qu'on songe à Stendhal, à son œuvre, à
ses éditions. à ses commentateurs, à tout
ce qui touche enfin l'être génial et pas-
sionné dont soixante-dix années de
cercueil n'ont pu avoir raison encore -
au contraire! Et c'est tout simplement
la haute demeure de la rue des Abbesses,
au haut de laquelle M. Adolphe Paupe
a réuni les archives du club.
Entendez les siennes, celles réunies
par lui et qui contiennent des trésors
inappréciables puisqu'ils échapperont
toujours à 1 impôt, qu'il soit sur le
capital ou sur le revenu. J'avais appelé
autrefois Casimir Stryienski le paléo-
graphe particulier de Stendhal. De
même a-t-on nommé M. Paupe l'archi-
viste particulier. Et si vous voulez com-
prendre en quoi consiste cette fonction,
méditez ceci.
En 1869, Albert Collignon publiait
L'Art et la vie de Stendhal, un volume
auqueL Sainte-Beuve fit les honneurs de
son a ntion. Un second volume devait
uivi ni resta manuscrit. Quelle fragî-
lité ^RNfAdolplie Paupe s'en émut. Ei",
s'étai procuré ce manscrit, il se copia-
Trois cent soixante-quatre pages in-oc-
tavo carré furent ainsi transcrites par
lui, et qui ng-urcnf aux archives aujour-
d'hui..,. Cet autre trait ciicoje ç avujut
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