Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-09-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 29 septembre 1896 29 septembre 1896
Description : 1896/09/29 (N9699). 1896/09/29 (N9699).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
r!:.imo CENTIMES le Numéro:
PARIS ET DEPARTEMENTS
Le Numéro, CINQ CENTIMES
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A BUBBA^S DU JOURNAL
181, me Montmartre, 131
gjtchez MM. LAGBANGE, CERF 4 o.-
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4Pte 4 k f heures du soir et de îO heurt» du soir à 1 heure du matin
JSS0 96S9. — B/Eardi 29 Septembre 1836
8 VENDÉMIAIRE AN 105
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NOS LEADERS
ommmmommw-
LETTRES LIBRES
N. Gladstone et la Turquie
Le great old iïtan britannique n'a
eerdu, malgré son grand âge, ni la
Verdeur de ses sentiments ni l'énergie
làe ses passions politiques. Les pre-
miers se manifestent aujourd'hui en
faveur des Arméniens et contre celui
qu'il appelle, avec une brutalité peu
soucieuse des formes, « l'assassin de
SConstantinople », avec la même fougue
qu'en 1876, lorsqu'il flétrissait les atro-
cités bulgares. Quant à ses passions
politiques, elles ne sont pas moins fou-
gueuses et c'est un véritable ultimatum
qu'il vient d'adresser, dans son dis-
cours de Liverpool, au ministère con-
servateur présidé par lord Salisbury.
M. Gladstone proclame que l'Angle-
terre ne doit pas se laisser détourner
de sa mission en Orient par l'attitude
des autres puissances; il pense que,
pour amener ces dernières à une en-
tente avec le gouvernement anglais
en vue d'une attitude très énergique à
l'égard du sultan, « le meilleur moyen
n'est pas de manifester des disposi-
tions serviles à leur ég.ird, ni de mar-
çher à leur suite ». En d'autres termes,
il pousse le gouvernement anglais à
agir isolément, sans se préoccuper des
puissances européennes.
Quant aux moyens d'action qu'il
recommande à ses compatriotes, ils
manquent absolument de netteté.
L'Angleterre doit, d'après lui, « me-
nacer le sultan par des moyens de
coercition qui ne sont pas nécessaire-
ment la guerre et même auxquels il y
aura lieu de renoncer, s'ils risquaient
de provoquer la guerre ».
Il est manifeste que des menaces de
ce genre n'auraient pas un effet bien
sérieux sur le sultan. Celui-ci sait que
les puissances européennes ne sont
pas d'accord sur la conduite à tenir à
son. égard; il sait que la Russie est in-
téressée à ne pas laisser démembrer
son empire ; il sait, maintenant, par la
bouche de M. Gladstone, que les An-
glais les plus hostiles à la Turquie,
n'osent meme pas songer à l'éventua-
lité d'une guerre ; dans de pareilles
conditions, toutes les « menaces de
coercition » qui pourront lui venir de
Londres, n'auront qu'une influence
minime sur son esprit.
M. Gladstone affirme que « la pré-
sence à Constantinople des ambassa-
deurs des puissances semble être un
appui pour le sultan, qui est ainsi re-
connu comme un allié ayant droit à
tous les avantages d'une alliance » et
il semble être d'avis que l'Angleterre
devrait rappeler son représentant.
Il me parait douteux que le gouver-
nement britannique adopte cette ma-
nière d'agir. Son isolement, dont il n'a
peut-être plus lieu de se féliciter, en
serait considérablement augmenté,
sans résultat utile pour la pacification
des provinces turques, et c'est en de-
hors de l'Angleterre que, désormais,
la question d'Orient pourrait être ré-
solue.
Le meeting si retentissant de Liver-
pool ne peut, dans ces conditions, ni
servir les intérêts du parti libéral an-
glais qui l'avait organisé, car il témoi-
gne que ce parti n'a pas d'idées nettes
sur la solution de la question d'Orient,
ni faire avancer d'un pas cette solu-
tion. Si les conseils de M. Gladstone
étaient écoutés, le seul résultat serait
l'augmentation du malaise qui pèse
sur l'Europe.
**
Ce malaise ne sera dissipé et la
question d'Orient ne perdra son acuité
que le jour où les trois puissances qui
v sont le plus intéressées, c'est-à-dire
:fa Russie, la France et l'Angleterre
parviendront à se mettre d'accord sur
la façon de la résoudre. C'est donc,
avant tout, des bases de cet accord
que nous devons nous préoccuper et
c'est ce sujet que M. Gladstone aurait
dû traiter à Liverpool, car il n'inté-
resse pas moins l'Angleterre que les
autres puissances.
Tant que la Russie, la France et
l'Angleterre ne seront pas d'accord
sur la solution à donner au problème
oriental, il y aura, en Europe, des
menaces pour la paix. Or, une entente
entre ces trois puissances est-elle pos-
sible?
Leurs positions respectives sont très
nettes : la Russie ne saurait consentir
à aucun démembrement de l'empire
turc; elle s'est faite la protectrice offi-
cielle du sultan, et si elle respecte elle-
même sps états c'est afin que personne
n'y puisse toucher. Mais les seules par-
ties des états turcs qui l'intéressent
véritablement sont la Turquie d'Europe
et la Turquie d'Asie. Par la première,
elle est puissance méditerranéenne;
par la seconde, elle ferme l'Asie occi-
dentale aux puissances européennes.
rl/Egypt n'a pour elle qu'une impor-
tance très secondaire. Dans trois ou
quatre ans. elle communiquera djrec-
tement avec la mer de Chine par son
chemin de fer transsibérien, et le
canal de Suez aura perdu pour elle les
trois quarts de sa valeur. Il lui importe
donc assez peu que l'Angleterre con-
serve l'Egypte. Ce qu'il lui faut, c'est
que personne ne touche ni à Constan-
tinople ni à l'Asie-Mineure.
La situation de l'Angleterre n'est
pas moins nette. Par la possession de
l'Egypte, de Malte, de Chypre, et de
Gibraltar, elle est puissance méditer-
ranéenne, au même titre que la France
et l'Italie.
Rien ne pourra lui faire abandonner
cette situation. Ce n'est un secret pour
personne qu'elle n'évacuerait pas
l'Egypte même devant les menaces de
l'Europe entière. D'autre part, il est
naturel qu'elle veuille accroître encore
l'importance de son rôle dans la Médi-
terranée, soit en prenant elle-même
pied sur la côte occidentale de l'Asie,
soit en mettant obstacle à l'établisse-
ment sur cette côte d'aucune autre
nation européenne. En cela, ses inté-
rêts sont trop contraires à ceux de la
Russie pour qu'il n'y ait pas entre les
deux nations une grande défiance,
tant que la question d'Orient restera
en suspens. Et il ne faut pas oublier
que cette défiance réciproque est con-
sidérablement augmentée par leurs
rivalités d'intérêts dans les mers de
Chine.
La position de la France, entre la
Russie et l'Angleterre est particulière-
ment délicate et difficile. Tandis que
la Russie est, dans une large mesure,
indifférente à la présence de l'Angle-
terre en Egypte, la France en souffre
cruellement dans son amour-propre
et dans ses intérêts. Il lui est pénible
de voir que ses multiples interven-
tions dans les affaires égyptiennes
n'ont été profitables qu'à l'Angleterre
et il est impossible qu'elle ne soit pas
préoccupée des dangers auxquels ses
colonies de l'Extrême-Orient seraient
exposées pendant une guerre euro-
péenne, la Grande-Bretagne étant
maîtresse du canal de Suez. Si son
alliance avec la Russie ne doit pas en-
traîner l'évacuation de l'Egypte, au
moins est-elle en droit d'espérer que
son alliée lui donnera un concours
énergique pour la neutralisation du
canal de Suez sous la garantie de l'Eu-
rope.
#*#
Les intérêts respectifs de la Russie,
de l'Angleterre et de la France dans
les questions multiples que soulève le
problème oriental indiquent assez net-
tement le terrain sur lequel un accord
de ces puissances pourrait être tenté.
La constitution de l'empire ottoman
en une fédération où les principales
parties de cet empire jouiraient d'une
indépendance suffisante, sous la haute
autorité du sultan et avec la garantie
de l'Europe, serait de nature à conci-
lier, dans une large mesure, tous les
intérêts en présence. La Russie y trouve-
rait la certitude que l'intégrité de l'em-
pire turc ne serait désormais violée par
aucune autre puissance ; l'Angleterre et
la France seraient rassurées au sujet des
prétentions traditionnelles de la Rus-
sie sur Constantinople; la France ob-
tiendrait, par la neutralisation du
canal de Suez, conséquence néces- j
saire de la nouvelle organisation, la
certitude que ses communications
directes avec l'Extrême-Orient seraient
toujours libres et elle verrait, en même
temps, diminuer la prépondérance de
l'Angleterre en Egypte.
Cette solution aurait, en outre, l'a-
vantage de rendre possible, entre les
trois puissances européennes les plus
intéressées au maintiA de la paix
générale, une action permanente qui
réduirait la triple alliance à l'impuis-
sance la plus absolue et qui mettrait
l'Europe à l'abri des ambitions de
l'Allemagne.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LE « CALEÇOH > DE L 'ARC- DE- TRIOMPHE
C'est très bien, assurément, de vouloir,
pour la réception, du tsar, « décorer »
Paris, mais il faudrait tâcher de ne pas,
sous prétexte de décoration, commettre des
fautes de goût. Diverses choses, dans le
programme, ne sont pas sans nous inspirer
de légères inquiétudes. Par exemple le rem-
placement par des fleurs en papier des
feuilles qui manquent aux arbres du Rane-
lagh, nous semble plutôt risqué. Enfin, on
verra. Gare s'il pleut. Mais que dire de la
décoration de l'Arc-de-Triomphe ?
Il nous revient qu'au cours d'une conver-
sation entre deux personnages très officiels,
l'un d'eux aurait dit à l'autre — dont le rôle
dans le pavoisement de Paris doit être con-
sidérable — : De grâce ! ne mettez pas un
caleçon à l'Arc- de-Triomphe ! — Oh com-
bien a raison celui qui ainsi a parlé 1 Le
« caleçon », à vrai dire, d'après les derniers
renseignements, paraît de dimensions mo-
destes. « Du milieu de la voûte descendra
presque jusqu'au sol une immense flamme
aux couleurs françaises. Aux quatre coins du
monument flotteront, réunis en faisceaux,
de très nombreux drapeaux des deux na-
tions alliées. Tout autour seront placés de
grands ifs. » — C'est beaucoup. N'est-ce
point trop? Qu'il eût été préférable à notre
sens de ne pas attenter aux lignes sévères.
de l'Arc de-Triomphe, de laisser le monu-
ment tel quel et de lui conserver ainsi son
caractère sobre de grandeur.
Attention ! M. Bouvard, prenez garde aux
fautes d'orthographe 1
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
LES ON-DIT
CARNET QUO rrDUN:
Les courses : A Vincennes.
- Dllcée du jour : 12 h. 51 m.
CHEZ NOUS
Hier soir et ce matin, départ des
réservistes des classes 1885 et 1889, et des
territoriaux appartenant aux classes 1880
et 1881.
- A l'exposition féline :
Les récompenses viennent d'être décer-
nées aux propriétaires dont les chats ont
obtenu les suffrages du jury.
Les quatre grands prix ont été décernés
aux n06 213 appartenant à M. Lévy, 187 à
M. Kilh, 315 à M. Weil, 168 à Mlle Du-
fresne.
Nous voyons en outre figurer dans la
liste des prix MM. Claremont, Waldeck-
Rousseau, Maillet, etc.
- M. Félix Faure, accompagné du
général Tournier et des commandants de
Lagarenne et Moreau, est parti hier matin
de Rambouillet par le train de huit heures
dix pour chasser à Marly.
- On annonce la mort, à Barbizon,
de la fille ainée du grand peintre Millet,
Mme Feuardent, femme du savant expert
en médailles. Elle a été inhumée dans le
caveau de famille de Millet, à Chailly.
Mme Feuardent était âgée de cinquante-
huit ans.
- On nous prie d'annoncer la mort
de M. Georges Carton, président de la
Société de protection mutuelle des voya-
geurs-de commerce.
Ses obsèques auront lieu demain mardi.
- On annonce la-mort, dans l'Yonne,
de M. Auguste Villetard de Laguérie, con-
seiller à la cour de cassation.
—- L'Association amicale et profes-
sionnelle des journalistes républicains du
Pas-de-Calais, nous fait part du résultat
de l'élection pour le renouvellement de
son bureau.
Ont été élus : président, M. Emile Le-
maitre, rédacteur en chef de l'Indépendant
de Boulogne-sur-Mer ; secrétaire , M.
Georges Bodereau, secrétaire de la rédac-
tion du Petit Calaisien; trésorier, M. J.
Logier, directeur du Petit Béthunois.
,.,.. Les fêtes d'Alais :
La deuxième journée des fêtes a été fort
brillante. Le temps était beau, la foule
énorme.
Le concours musical réunissait 2,000
exécutants et 35 sociétés.
La journée a commencé par l'inaugura-
tion du monument de l'abbé de Sauvages,
érudit du siècle dernier, auteur du diction-
naire languedocien-français.
L'abbé de Broves, président du comité
d'initiative, MM. de Ramel, maire, de Bor-
nier et Arnavielle, poète local, ont pro-
noncé des discours.
Une soirée de gala au théâtre et un feu
d'artifice ont terminé la journée.
- Le gagnant du gros lot des Bons de
l'Exposition de 1900 eat un officier d'artil-
lerie en retraite, M. Labat, conseiller mu-
nicipal de la Seyne, habitant une villa à
Tamaris (Var),
—— Terrible mort du maire de Gre-
noble :
Vers cinq heures de l'après-midi, comme
M. Poulat, maire de Grenoble, se prome-
nait en voiture sur la route de la Monta, le
cheval a fait un écart et la voiture a roulé
dans un ravin.
M. Poulat a été tué sur le coup. Le co-
cher a été grièvement blessé.
- On nous écrit :
On vient de construire à la Villette, à
l'angle des rues Jomard et Joinville, une très
belle école, sur le pan coupé de laquelle ont
été sculptées les armes de la ville de Paris,
avec cette devise ridiculement défigurée :
Fluctuat. Mergitur
Va-t-on laisser subsister cette ridicule
erreur.
Un lecteur assidu, habitant du Quartier.
A L'ETRANGER
.—— L'expédition anglaise, qui a opéré
,contre les Achantis, a rapporté le trône,
'le tabouret et l'ombrelle du roi Prempeh.
En galant sujet, le chef de l'expédition a
offert ces objets à la reine Victoria.
Le trône, qui paraît avoir été construit
en Europe, est une sorte de fauteuil à
clous dorés sur lesquels sont inscrits
des numéros; le tabouret est de style
barbare.
Quant au parasol du monarque détrôné
de l'Ouest africain, il présente sur de lar-
ges ailes déployées les vignettes les plus
curieuses.
- La Nouvelle Presse Libre de Vienne
est peu ou mal renseignée sur ce qui se
passe en France ; elle ignore qu'il y a un
château à Rambouillet où le président de
la République a fixé sa résidence, et elle
prend ce palais national pour un vulgaire
hôtel garni :
Pendant son séjour à Paris, dit le journal
viennois, M. Lozé a communiqué tous les
jours avec les ministres français, et diman-
che dernier il a encore dîné à l'Hôtel Ram-
bouillet, avec le ministre des affaires étran-
gères, qu'il a entretenu de toutes les ques-
tions personnelles et administratives de son
ambassade.
L'hôtel Rambouillet 1 ce que c'est que
l'histgjxe et la géographie mal digérées I
Le Passant.
——— ———
LES PÊCHEURS A LA LIGNE
LE CONCOURS D'HIER
-
200 concurrents
Du pont de la Concorde au pont de Solférino
Sur la berge-En barque
Une nymphe retirée des eaux
110 gramv-ies de poisson
Distribution des récompenses—Le banquet
La fine fleur des pêcheurs à la ligne de
Paris s'est réunie hier sur la berge entre le
pont de la Concorde et le pont Solférino. Le
grand concours que nous avions annoncé
avait, en cîfet, attiré les deux cents plus
malins accrocheurs de goujons de la capi-
tale. Comme aspect général, ces messieurs
sont la plupart d'un certain âge, les visages
sont empreints de gravité et d'expérience,
les gestes sont calmes ; en résumé, tout in-
dique chez eux l'assurance et le sang-froid,
qualités primordiales de tout pêcheur sé-
rieux.
C'est avec ordre et silence qu'ils attendent
sur le bord de la Seine que les places soient
indiquées par les commissaires, porteurs de
leurs insignes : un garaon sur un médaillon
rouge fixé à la boutonnière et un ruban cou-
leur ver de vase ceignant le bras gauche.
Sur les quais et sur les ponts, deux ou trois
mille personnes regardent avec un intérêt
très vif les préparatifs du tournoi paisible
qui va s'engager.
Les membres du jury se tenaient sous
une tente qui a été dressée sur la berge ; et
la fête est annoncée par les sons mélodieux
d'un petit orchestre : un piston, un trom-
bone, une clarinette et un tambour desquels
s'échappent des airs plus doux que le mur-
mure des flots de la Seine, car il s'agit de
charmer les poissons et non point de les
faire fuir par de bruyanls accords.
Le concours mettait en présence deux ca-
tégories d'amateurs : les pêcheurs de berge
et les pêcheurs au large. Tandis que les pre-
miers gagnent rapidement leurs places, les
seconds montent dans la chaîne de barques
dont le service de navigation avait permis
l'installation.
À deux heures de l'après-midi, un roule-
ment étouffé de tambour annonce aux pê-
cneurs qu'ils peuvent jeter leur fil à l'eau et
attendre en murmurant l'alexandrin classi-
que :
J'amorce en badinant un poisson trop avide;
qu'une ablette ou un gardon voraces leur
procure la joie de remporter un prix en le-
vant le premier poisson.
Ce moment est attendu anxieusement par
les spectateurs, et le petit orchestre soupire
toujours des phrases très douces. On s'im-
patiente sur les ponts, le badaud de pêche
affirme à ses voisins que jamais, il n'a vu
prendre un poisson dans la Seine. Quelle
erreur î
Un hurrah formidable salue la première
prise. Un des deux pêcheurs de la troisième
barque lève avec solennité sa gaule. La
plume est hors de l'eau, le scion courbé an-
nonce que la capture est d'un certain poids.
Est-ce un goujon, un gardon, un barbillon?
Mystère 1
L'amateur en question vient de sortir de
l'eau une petite statuetie en plâtre, la Nym-
phe pudique. Cette petite plaisanterie obtient
un gros succès de rire à son auteur, qui
s'était déjà fait remarquer par son chapeau
bizarre et une cage contenant un hareng
saure qu'il avait apportée sur sa tête.
Enfin, après vingt minutes d'attente, un
goujon est pris ; ce petit poisson a été salué
par des applaudissements dont il se serait
bien passé. Et la pêche continue avec sol-
lennité.
Des connaisseurs m'ont dit que la place
n'avait pas été très bien choisie ; mais, vu
le nombre de concurrents, les organisateurs
ont dû se contenter de cette partie de la
Seine, l'absence de pontons leur ayant per-
mis, en effet, de placer la chaîne de barques
qui leur était nécessaire.
Je m'approche alors de certains pêcheurs
pour obtenir quelques renseignements, mais
le pêcheur est rebelle à toute interview, il
reste silencieux, le moindre mot qui s'échap-
perait de son être attentif pourrait sans
doute épouvanter la proie qu'il convoite.
J'en ai vu un qui amorçait mystérieusement
avec de petites boules jaunes, et, comme
j'ai eu la curiosité de lui demander ce que
c'était, il a jeté sur moi un regard empreint
d'une telle méfiance que j'ai cru devoir ne
pas insister davantage.
C'est alors que je me suis approché de la
tente où M. Ehret, président de la Société
des pécheurs à la ligne, fournissait quel-
ques renseignements à mes confrères.
« — Notre société est surprenante, nous
dit-il, c'est la seule en effet qui réunisse des
membres dont les professions sont aussi
différentes les unes des autres. Nous comp-
tons parmi nous : des cordonniers, des
libraires, des fonctionnaires, des maçons,
des chapeliers, des concierges, des gardiens
de la paix, etc., etc. Nous sommes mainte-
nant neuf cents décidés à marcher. Henri IV
a dit qu'il voulait que les paysans missent
la poule au pot tous les dimanches, moi je
dis : dans deux ans les petits employés de
notre société prendront tous les dimanches
une friture de deux ou trois livres dans la
Seine et je n'exagère pas.»
Quel spectacle, hein !
Les voyageurs des bateaux-mouches sa-
luaient avec leurs mouchoirs et leurs cha-
peaux.
La foule devenait de plus en plus com-
pacte. les tas de pierres et de cailloux ser-
vaient de tribunes, d'où s'échappaient des
cris d'enthousiasme chaque fois que l'écaillé
argentée frétillait au bout des lignes. Les
pêcheurs sérieux eussent désiré plus de si-
lence ; l'un d'entre eux, un grognon qui n'a-
vuit rien pris, s'est retiré en affirmant que
ce bruit était uniquement la cause de son
insuccès.
A quatre heures, un roulement de tam-
bour, énergique cette fois, et un coup de
fanfare sévère donnaient le signal du« cessez
la pêche » !
Voici le résultat de ce premiers concours
à Paris. Classement par ordre de l'impor-
tance de la pèche :
En bateau : MM. Deslas, 8 poissons; Cré-
tin, 7; Carpentier, 6; Aguiton, 6; Delorme,
6; Michaut, 5; Freton, 4; Devienne, 3; Hé-
Ion, 3; Castet, 6; Cloit, 2; Hugues, 1.
Berge : Toinet, 9 poissons, 110 grammes,
grand prix, consistant en une médaille d'ar-
gent sur laquelle est frappée l'image d'un
pêcheur dans l'exercice de ses fonctions;
Valentin, premier poisson sorti de l'eau,
médaille d'argent; Martin, 10; Martin, 9;
Aguenard, 6: Hauvoilier, 6; Guny, 5; Fa-
lère, 5; Olaguerre, 4; Michel, 3; Blond, 3.
Les prix consistaient en médailles d'argent
ou de bronze, en cannes à péche et en us-
tensiles divers. Ceux qui n'ont rien pris ont
reçu un petit livre dans lequel ils trouve-
ront les procédés les plus sûrs pour
réussir une autre fois.
Les membres de la société des pêeheurs à
la ligne ont terminé cette journée mémora-
ble en so réunissant le soir, en un banquet
confraternel, chezCaielain au Palais-Royal.
Inutile d1 dire que la conversation a prin-
cipalement roulé sur l s poissons et les pê-
ches fantastiques, histoire dans lesquelles
figurent des brochets gros comme des petits
enfants ou des carpes gigantesques.
PAUL GÉGNON.
La Vi FD. PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Tandis que Paris est tout entier à la
préparation des fêtes pour le tsar — à
ce propos, me permettra-t-on d'ouvrir
une parenthèse pour exprimer le plaisir
que m'a causé l'article de M. Meunier
et la joie que j'ai eue à me voir devancer
pour dire, avec une raison courageuse et
mieux que je ne l'eusse fait, ce que je
voulais indiquer ce soir — tandis qu'on
essaie le gaz et qu'on accroche les lam-
pions, en province, on a eu une journée
de fêtes aussi. La journée pourrait s'ap-
peler le dimanche des inaugurations,
car on n'a pas inauguré moins de cinq
monuments commémoratifs. La seule
ville d'Alais y a été de trois monuments,
dont deux considérables. Ailleurs, pla-
ques et bustes.
Je suis loin de me plaindre de ce
gcût qui @ s'est répandu dans toute la
France d'élever des monuments pour
consacrer le souvenir des hommes cé-
lèbres C'est de la bonne décentralisa-
tion. De cette façon, réalisant pour une
part et sous une forme vivante aux
yeux le désir d'Auguste Comte, on
crée le calendrier des saints laïcs, c'est-
à-dire des hommes qui ont été utiles à
leur pays en dehors de toute idée sur-
naturelle. Il arrive parfois que l'on se
trompe et qu'on canonise des grands
hommes qui ne sont pas, en réalité, de
très grands hommes. Mais qu'importe?
Et quelle est la chose, parmi celles que
font les hommes, qui ne comporte pas
fatalement, même excellente, une part
d'abus et d'erreurs? Parmi les saints
qu'on a canonisés hier par l'octroi d'une
statue ou d'une plaque commémora-
tive, il en est de très connus et d'autres
qui le sont moins. ,,- -, - - u. - - --
Le premier aes naDiianis ou aes na-
tifs d'Alais qui a eu son bronze est M.
Pasteur. De celui-ci, je n'ai rien à dire.
Sa gloire est trop universelle et trop
récente pour qu'il soit nécessaire
d'en parler. Puis, c'est l'abbé de
Sauvages. Celui-ci, par contre, est tout
à fait inconnu des Parisiens. Sa ré-
putation, qui reste locale, est assez
nouvelle dans son pays même et
doit beaucoup au mouvement félibréen
de ces dernières années. C'est grâce à
lui qu'on s'est souvenu de ce bon abbé
qui fut un poète en langue d'oc, poète
aimable et savoureux, paraît-il. Il a su,
d'ailleurs, se contenter d'une plaque. Un
troisième Alaisien a eu, lui, un monu-
ment, une fantaisie, qui est, dit-on, une
assez belle chose. C'est Florian. De celui-
ci, je dirai volontiers qu'il fut non pas
un inconnu,mais un mal connu. Il a gardé
une renommée d'écrivain affecté et pré-
cieux et on ne parle guère de ses fables
que pour les mettre très au-dessous dé
La Fontaine, qu'il n'égale pas, bien en-
tendu, et de qui il n'approche même
que de loin. Mais, ceci dit et accordé
tout de suite, je crois qu'il y a quelque
sévérité un peu injuste dans le juge-
ment qu'on porte sur Florian. Affecté
et précieux, il le fut, certes, ce « mar-
quis de Flordouvrat », comme l'appe-
lait Voltaire, dont il était devenu, par
alliance, le petit neveu. Il avait été,
avant ia révolution, un auteur à la
mode et, par conséquent, il avait été
l'expression de la sentimentalité un
peu mignarde qui régnait dans les
écrits de ce temps. Mais il ne faut pas
toujours s'arrêter trop à la forme que
l'époque impose aux écrivains : et der-
rière cette affèterie des romans et des
idylles de Florian, on trouve, si on sait
prendre son parti de la mode qui les
imposa, de l'imagination, de la grâce
et une vraie sensibilité. Quant à ses
lames, eues sont enarmantes et a une
philosophie plus douce et peut-être
plus recommandable, au moins pour
l'enfance, que la philosophie peu opti-
miste et la morale souvent égoïste de
La Fontaine, dont le génie, à tout pren-
dre, a de singulières amertumes mas-
quées par une forme légère et exquise.
Je pense que c'est surtout cela qu'au-
ront dit les orateurs qui ont pris la pa-
role à la cérémonie d'inauguration.
Parmi eux se trouve le député M. Mau-
rice Faure. Il a parlé au nom des Ciga-
liers et des Félibres qui ont, pour une
forte part, remis Florian en honneur,
lui dressant un buste dans la jolie petite
ville de Sceaux, où ils vont, chaque
annnée, faire un joyeux pèlerinage.
Je sais que mon ami M. Faure aura pro-
fité de l'occasion — comme je l'ai fait,
dans ce même pays du Gard lorsque je
présidait les Cigaliers — pour protester
contre les idées séparatistes qu'on prête
trop volontiers aux lettrés amoureux
des langues méridionales. On peut être
et on est bon patriote en parlant pro-
vençal ou languedocien et les idées fé-
déralistes, qui ne sont déjà pas les idées
« séparatistes » sont très rares dans le
Midi. L'autonomie littéraire, avec une
part légitime de décentralisation, les
vœux du pays d'oc et de Provence ne
vont pas au-delà. Il faut en être bien
convaincu et je puis, là-dessus, être
formel.
En même temps qu'Alais fêtait le
souvenir de Pasteur, dont elle s'enor-
gueillit, la petite ville qui a donné le
jour à Renan, au fond de la Bretagne,
se réjouissait de voir poser une plaque
coçimémorative sur la porte de la
maison où il est né et où s'écoula cette
enfance qu'il nous a racontée lui-même
avec une émotion si exquise et si in-
tense. De ce premier souvenir donné à
Renan, en attendant mieux et plus pour
ce maître incomparable, je ne dirai pas
plus que du souvenir glorifiant Pas-
teur. Cependant, il me paraît bon de
noter que cet hommage, en pays bre-
ton, indique sinon un revirement dans
la pensée populaire, du moins un grand
progrès accompli dans la voie du libé-
ralisme. Songez que, il n'y a pas qua-
rante ans, on a sonné les cloches en
glas pour l'excommunié Renan 1 Nous
sommes loin de là et je constate avec
joie cet apaisement des esprits devant
la gloire de l'écrivain que je tiens pour
un des plus grands, si ce n'est 1" nlus
grand du siècle. -- -- -.-- -- ¿----
Enfin, dans un petit village de l'Ouest,
un monument modeste a été inauguré
en l'honneur d'un savant, d'un physi;
cien du nom d'Archereau, que j'igno-
rais, je l'avoue en toute humilité. Pour-
tant, ce savant, qui mourut pauvre et
qui a été oublié, fut, parait-il, un savant
tout à fait distingué, par moments
presque génial, qui pressentit ou pré-
para les plus belles découvertes de
notre temps. Il y a ainsi, surtout dans
l'ordre de la science et de la philoso-
phie, des hommes d'un immense talent,
qui ont rendu de grands services et
qu'on oublie. Nous ne pouvons que
louer la province quand, fût-ce parfois
avec un peu d'exagération, elle répare
ces oublis et ces injustices et nous ré-
vèle les richesses intellectuelles de
notre pays aimé.
HENRY FOUQUIER.
Nous publierons demain la Chronique
de M. Paul Ginisty
LE VOYAGE DU TSAR
LES ALLOCUTIONS
Aucun discours ne sera prononcé aux di-
verses réceptions, visites ou cérémonies. Ni
à l'arrivée à Cherbourg et à Paris, ni à
l'Hôtel de Ville, les souverains russes ne
seront harangués.
C'est seulement au diner que le président
de la République donnera le mardi soir,
6 octobre, à l'Elysée, en l'honneur des sou-
verains russes, que quelques paroles seront
prononcées : le président de la République
portera un toast à nos hôtes, et le tsar ré-
pondra.
A CHERBOURG
On croit que le tsar visitera lo cuirassé
Hoche, sur lequel est arboré le pavillon du
vice-amiral Regnault de Prémesnil.
Le pavillon impérial (jaune avec l'aigle à
deux têtes) serait en ce cas hissé à la tête
du grand màt du navire et si le président
accompagnait Nicolas II dans cette visite, le
pavillon personnel de M. Félix Faure devrait
être arboré en même temps et à la même
hauteur.
Bien entendu, pendant toute la durée des
fêtes franco-russes, les différents bâtiments
présents à Cherbourg hisseront le pavillon
de guerre russe (blanc avec croix de Saint-
André bleue).
A VERSAILLES
Les détails de la visite à Versailles vien-
nent d'être complètement arrêtés.
C'est le jeudi, vers una heure de l'après-
midi, que le cortège impérial quittera l'am-
bassade de Russie pour se rendre à Ver-
sailles par la route précédemment indiquée.
A son arrivée, toute la garnison de Ver-
sailles sera massée sur la place d'Armes.
Au premier plan, les élèves de l'Ecole d'ar-.
tillerie et les régiments du 1er et 5e génie ;
au second plan, les 11e et 220 d'artillerie, et
derrière le 27e dragons.
Le tsar sera reçu par le président de la
République qui le conduira avec la tsarine
aux appartements de Louis XIV et de la
reine, que l'on est en train d'installer en
appartement privé pour l'empereur et l'im-
pératrice.
Les souverains seront ensuite invités à
jouir de l'une des grandes fenêtres de la ga-
lerie des Glaces au superbe coup d'œil du
parc. C'est à ce moment que les grandes
eaux commenceront à jouer.
Il est à peu près certain que le tsar visi-
tera, avant la promenade dans le parc, la
salle des séances. du congrès. Il en ressor-
tira par le grand escalier de marbre pour
pénétrer dans la chapelle.
La visite de la chapelle terminée, il visitera
le parc où ne seront admis que les membres
du Parlement, le haut personnel de l'am-
bassade, la municipalité de Versailles. C'est
probablement à cet endroit que le maire de
Versailles remettra l'album offert par la po-
pulation au tsar et qui renferme les princi-
pales vues du château, dont les artistes ver-
saillais sont les auteurs. C'est aussi à ce
moment que sera remise à l'empereur la
plaquette d'or que grave en ce moment
M. Roty.
La visite au parc et à Trianon terminée,
aura lieu le diner offert par le président de
la République, puis le concert avec recons-
titution de danses anciennes, etc.
LA QUESTION DES ROBES
La fameuse « question des traînes » est
résolue. On l'apprendra avec soulagement.
L'usage à la cour de Russie, nous dit le
Gaulois, veut que, dans les cérémonies de
gala, l'impératrice seule ait une traîne de
dix mètres, les princesses impériales une de
neuf mètres. Les femmes de la cour portent
des trames dont les dimensions varient
avec l'importance de leurs dignités ou de
leurs charges.
Il a été décidé à l'Elysée que l'on adopte-
rait un cérémonial plus modeste. Il sera
simplement recommandé aux femmes figu-
rant dans les réceptions officielles de ne
pas faire usage de robes rondes à la mode
actuelle, mais d'adopter la robe demi-traîne.
traîne de deux à trois mètres.
LE TRAIN PRÉSIDENTIEL C
Le train présidentiel, dont l'aménagement
vient d'être terminé dans les chantiers de la
Compagnie des wagons-lits, a été expédié
hier, à trois heures et demie, à la gare ciel
Batignolles.
Ce train se compose de huit voitures et de
deux fourgons, et se déploie sur une lape
gueur de 81 mètres, indépendamment uea
PARIS ET DEPARTEMENTS
Le Numéro, CINQ CENTIMES
ANNONCES
A BUBBA^S DU JOURNAL
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gjtchez MM. LAGBANGE, CERF 4 o.-
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4Pte 4 k f heures du soir et de îO heurt» du soir à 1 heure du matin
JSS0 96S9. — B/Eardi 29 Septembre 1836
8 VENDÉMIAIRE AN 105
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Adresser efttrp* st mandats h ïAdministréeur
NOS LEADERS
ommmmommw-
LETTRES LIBRES
N. Gladstone et la Turquie
Le great old iïtan britannique n'a
eerdu, malgré son grand âge, ni la
Verdeur de ses sentiments ni l'énergie
làe ses passions politiques. Les pre-
miers se manifestent aujourd'hui en
faveur des Arméniens et contre celui
qu'il appelle, avec une brutalité peu
soucieuse des formes, « l'assassin de
SConstantinople », avec la même fougue
qu'en 1876, lorsqu'il flétrissait les atro-
cités bulgares. Quant à ses passions
politiques, elles ne sont pas moins fou-
gueuses et c'est un véritable ultimatum
qu'il vient d'adresser, dans son dis-
cours de Liverpool, au ministère con-
servateur présidé par lord Salisbury.
M. Gladstone proclame que l'Angle-
terre ne doit pas se laisser détourner
de sa mission en Orient par l'attitude
des autres puissances; il pense que,
pour amener ces dernières à une en-
tente avec le gouvernement anglais
en vue d'une attitude très énergique à
l'égard du sultan, « le meilleur moyen
n'est pas de manifester des disposi-
tions serviles à leur ég.ird, ni de mar-
çher à leur suite ». En d'autres termes,
il pousse le gouvernement anglais à
agir isolément, sans se préoccuper des
puissances européennes.
Quant aux moyens d'action qu'il
recommande à ses compatriotes, ils
manquent absolument de netteté.
L'Angleterre doit, d'après lui, « me-
nacer le sultan par des moyens de
coercition qui ne sont pas nécessaire-
ment la guerre et même auxquels il y
aura lieu de renoncer, s'ils risquaient
de provoquer la guerre ».
Il est manifeste que des menaces de
ce genre n'auraient pas un effet bien
sérieux sur le sultan. Celui-ci sait que
les puissances européennes ne sont
pas d'accord sur la conduite à tenir à
son. égard; il sait que la Russie est in-
téressée à ne pas laisser démembrer
son empire ; il sait, maintenant, par la
bouche de M. Gladstone, que les An-
glais les plus hostiles à la Turquie,
n'osent meme pas songer à l'éventua-
lité d'une guerre ; dans de pareilles
conditions, toutes les « menaces de
coercition » qui pourront lui venir de
Londres, n'auront qu'une influence
minime sur son esprit.
M. Gladstone affirme que « la pré-
sence à Constantinople des ambassa-
deurs des puissances semble être un
appui pour le sultan, qui est ainsi re-
connu comme un allié ayant droit à
tous les avantages d'une alliance » et
il semble être d'avis que l'Angleterre
devrait rappeler son représentant.
Il me parait douteux que le gouver-
nement britannique adopte cette ma-
nière d'agir. Son isolement, dont il n'a
peut-être plus lieu de se féliciter, en
serait considérablement augmenté,
sans résultat utile pour la pacification
des provinces turques, et c'est en de-
hors de l'Angleterre que, désormais,
la question d'Orient pourrait être ré-
solue.
Le meeting si retentissant de Liver-
pool ne peut, dans ces conditions, ni
servir les intérêts du parti libéral an-
glais qui l'avait organisé, car il témoi-
gne que ce parti n'a pas d'idées nettes
sur la solution de la question d'Orient,
ni faire avancer d'un pas cette solu-
tion. Si les conseils de M. Gladstone
étaient écoutés, le seul résultat serait
l'augmentation du malaise qui pèse
sur l'Europe.
**
Ce malaise ne sera dissipé et la
question d'Orient ne perdra son acuité
que le jour où les trois puissances qui
v sont le plus intéressées, c'est-à-dire
:fa Russie, la France et l'Angleterre
parviendront à se mettre d'accord sur
la façon de la résoudre. C'est donc,
avant tout, des bases de cet accord
que nous devons nous préoccuper et
c'est ce sujet que M. Gladstone aurait
dû traiter à Liverpool, car il n'inté-
resse pas moins l'Angleterre que les
autres puissances.
Tant que la Russie, la France et
l'Angleterre ne seront pas d'accord
sur la solution à donner au problème
oriental, il y aura, en Europe, des
menaces pour la paix. Or, une entente
entre ces trois puissances est-elle pos-
sible?
Leurs positions respectives sont très
nettes : la Russie ne saurait consentir
à aucun démembrement de l'empire
turc; elle s'est faite la protectrice offi-
cielle du sultan, et si elle respecte elle-
même sps états c'est afin que personne
n'y puisse toucher. Mais les seules par-
ties des états turcs qui l'intéressent
véritablement sont la Turquie d'Europe
et la Turquie d'Asie. Par la première,
elle est puissance méditerranéenne;
par la seconde, elle ferme l'Asie occi-
dentale aux puissances européennes.
rl/Egypt n'a pour elle qu'une impor-
tance très secondaire. Dans trois ou
quatre ans. elle communiquera djrec-
tement avec la mer de Chine par son
chemin de fer transsibérien, et le
canal de Suez aura perdu pour elle les
trois quarts de sa valeur. Il lui importe
donc assez peu que l'Angleterre con-
serve l'Egypte. Ce qu'il lui faut, c'est
que personne ne touche ni à Constan-
tinople ni à l'Asie-Mineure.
La situation de l'Angleterre n'est
pas moins nette. Par la possession de
l'Egypte, de Malte, de Chypre, et de
Gibraltar, elle est puissance méditer-
ranéenne, au même titre que la France
et l'Italie.
Rien ne pourra lui faire abandonner
cette situation. Ce n'est un secret pour
personne qu'elle n'évacuerait pas
l'Egypte même devant les menaces de
l'Europe entière. D'autre part, il est
naturel qu'elle veuille accroître encore
l'importance de son rôle dans la Médi-
terranée, soit en prenant elle-même
pied sur la côte occidentale de l'Asie,
soit en mettant obstacle à l'établisse-
ment sur cette côte d'aucune autre
nation européenne. En cela, ses inté-
rêts sont trop contraires à ceux de la
Russie pour qu'il n'y ait pas entre les
deux nations une grande défiance,
tant que la question d'Orient restera
en suspens. Et il ne faut pas oublier
que cette défiance réciproque est con-
sidérablement augmentée par leurs
rivalités d'intérêts dans les mers de
Chine.
La position de la France, entre la
Russie et l'Angleterre est particulière-
ment délicate et difficile. Tandis que
la Russie est, dans une large mesure,
indifférente à la présence de l'Angle-
terre en Egypte, la France en souffre
cruellement dans son amour-propre
et dans ses intérêts. Il lui est pénible
de voir que ses multiples interven-
tions dans les affaires égyptiennes
n'ont été profitables qu'à l'Angleterre
et il est impossible qu'elle ne soit pas
préoccupée des dangers auxquels ses
colonies de l'Extrême-Orient seraient
exposées pendant une guerre euro-
péenne, la Grande-Bretagne étant
maîtresse du canal de Suez. Si son
alliance avec la Russie ne doit pas en-
traîner l'évacuation de l'Egypte, au
moins est-elle en droit d'espérer que
son alliée lui donnera un concours
énergique pour la neutralisation du
canal de Suez sous la garantie de l'Eu-
rope.
#*#
Les intérêts respectifs de la Russie,
de l'Angleterre et de la France dans
les questions multiples que soulève le
problème oriental indiquent assez net-
tement le terrain sur lequel un accord
de ces puissances pourrait être tenté.
La constitution de l'empire ottoman
en une fédération où les principales
parties de cet empire jouiraient d'une
indépendance suffisante, sous la haute
autorité du sultan et avec la garantie
de l'Europe, serait de nature à conci-
lier, dans une large mesure, tous les
intérêts en présence. La Russie y trouve-
rait la certitude que l'intégrité de l'em-
pire turc ne serait désormais violée par
aucune autre puissance ; l'Angleterre et
la France seraient rassurées au sujet des
prétentions traditionnelles de la Rus-
sie sur Constantinople; la France ob-
tiendrait, par la neutralisation du
canal de Suez, conséquence néces- j
saire de la nouvelle organisation, la
certitude que ses communications
directes avec l'Extrême-Orient seraient
toujours libres et elle verrait, en même
temps, diminuer la prépondérance de
l'Angleterre en Egypte.
Cette solution aurait, en outre, l'a-
vantage de rendre possible, entre les
trois puissances européennes les plus
intéressées au maintiA de la paix
générale, une action permanente qui
réduirait la triple alliance à l'impuis-
sance la plus absolue et qui mettrait
l'Europe à l'abri des ambitions de
l'Allemagne.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LE « CALEÇOH > DE L 'ARC- DE- TRIOMPHE
C'est très bien, assurément, de vouloir,
pour la réception, du tsar, « décorer »
Paris, mais il faudrait tâcher de ne pas,
sous prétexte de décoration, commettre des
fautes de goût. Diverses choses, dans le
programme, ne sont pas sans nous inspirer
de légères inquiétudes. Par exemple le rem-
placement par des fleurs en papier des
feuilles qui manquent aux arbres du Rane-
lagh, nous semble plutôt risqué. Enfin, on
verra. Gare s'il pleut. Mais que dire de la
décoration de l'Arc-de-Triomphe ?
Il nous revient qu'au cours d'une conver-
sation entre deux personnages très officiels,
l'un d'eux aurait dit à l'autre — dont le rôle
dans le pavoisement de Paris doit être con-
sidérable — : De grâce ! ne mettez pas un
caleçon à l'Arc- de-Triomphe ! — Oh com-
bien a raison celui qui ainsi a parlé 1 Le
« caleçon », à vrai dire, d'après les derniers
renseignements, paraît de dimensions mo-
destes. « Du milieu de la voûte descendra
presque jusqu'au sol une immense flamme
aux couleurs françaises. Aux quatre coins du
monument flotteront, réunis en faisceaux,
de très nombreux drapeaux des deux na-
tions alliées. Tout autour seront placés de
grands ifs. » — C'est beaucoup. N'est-ce
point trop? Qu'il eût été préférable à notre
sens de ne pas attenter aux lignes sévères.
de l'Arc de-Triomphe, de laisser le monu-
ment tel quel et de lui conserver ainsi son
caractère sobre de grandeur.
Attention ! M. Bouvard, prenez garde aux
fautes d'orthographe 1
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
LES ON-DIT
CARNET QUO rrDUN:
Les courses : A Vincennes.
- Dllcée du jour : 12 h. 51 m.
CHEZ NOUS
Hier soir et ce matin, départ des
réservistes des classes 1885 et 1889, et des
territoriaux appartenant aux classes 1880
et 1881.
- A l'exposition féline :
Les récompenses viennent d'être décer-
nées aux propriétaires dont les chats ont
obtenu les suffrages du jury.
Les quatre grands prix ont été décernés
aux n06 213 appartenant à M. Lévy, 187 à
M. Kilh, 315 à M. Weil, 168 à Mlle Du-
fresne.
Nous voyons en outre figurer dans la
liste des prix MM. Claremont, Waldeck-
Rousseau, Maillet, etc.
- M. Félix Faure, accompagné du
général Tournier et des commandants de
Lagarenne et Moreau, est parti hier matin
de Rambouillet par le train de huit heures
dix pour chasser à Marly.
- On annonce la mort, à Barbizon,
de la fille ainée du grand peintre Millet,
Mme Feuardent, femme du savant expert
en médailles. Elle a été inhumée dans le
caveau de famille de Millet, à Chailly.
Mme Feuardent était âgée de cinquante-
huit ans.
- On nous prie d'annoncer la mort
de M. Georges Carton, président de la
Société de protection mutuelle des voya-
geurs-de commerce.
Ses obsèques auront lieu demain mardi.
- On annonce la-mort, dans l'Yonne,
de M. Auguste Villetard de Laguérie, con-
seiller à la cour de cassation.
—- L'Association amicale et profes-
sionnelle des journalistes républicains du
Pas-de-Calais, nous fait part du résultat
de l'élection pour le renouvellement de
son bureau.
Ont été élus : président, M. Emile Le-
maitre, rédacteur en chef de l'Indépendant
de Boulogne-sur-Mer ; secrétaire , M.
Georges Bodereau, secrétaire de la rédac-
tion du Petit Calaisien; trésorier, M. J.
Logier, directeur du Petit Béthunois.
,.,.. Les fêtes d'Alais :
La deuxième journée des fêtes a été fort
brillante. Le temps était beau, la foule
énorme.
Le concours musical réunissait 2,000
exécutants et 35 sociétés.
La journée a commencé par l'inaugura-
tion du monument de l'abbé de Sauvages,
érudit du siècle dernier, auteur du diction-
naire languedocien-français.
L'abbé de Broves, président du comité
d'initiative, MM. de Ramel, maire, de Bor-
nier et Arnavielle, poète local, ont pro-
noncé des discours.
Une soirée de gala au théâtre et un feu
d'artifice ont terminé la journée.
- Le gagnant du gros lot des Bons de
l'Exposition de 1900 eat un officier d'artil-
lerie en retraite, M. Labat, conseiller mu-
nicipal de la Seyne, habitant une villa à
Tamaris (Var),
—— Terrible mort du maire de Gre-
noble :
Vers cinq heures de l'après-midi, comme
M. Poulat, maire de Grenoble, se prome-
nait en voiture sur la route de la Monta, le
cheval a fait un écart et la voiture a roulé
dans un ravin.
M. Poulat a été tué sur le coup. Le co-
cher a été grièvement blessé.
- On nous écrit :
On vient de construire à la Villette, à
l'angle des rues Jomard et Joinville, une très
belle école, sur le pan coupé de laquelle ont
été sculptées les armes de la ville de Paris,
avec cette devise ridiculement défigurée :
Fluctuat. Mergitur
Va-t-on laisser subsister cette ridicule
erreur.
Un lecteur assidu, habitant du Quartier.
A L'ETRANGER
.—— L'expédition anglaise, qui a opéré
,contre les Achantis, a rapporté le trône,
'le tabouret et l'ombrelle du roi Prempeh.
En galant sujet, le chef de l'expédition a
offert ces objets à la reine Victoria.
Le trône, qui paraît avoir été construit
en Europe, est une sorte de fauteuil à
clous dorés sur lesquels sont inscrits
des numéros; le tabouret est de style
barbare.
Quant au parasol du monarque détrôné
de l'Ouest africain, il présente sur de lar-
ges ailes déployées les vignettes les plus
curieuses.
- La Nouvelle Presse Libre de Vienne
est peu ou mal renseignée sur ce qui se
passe en France ; elle ignore qu'il y a un
château à Rambouillet où le président de
la République a fixé sa résidence, et elle
prend ce palais national pour un vulgaire
hôtel garni :
Pendant son séjour à Paris, dit le journal
viennois, M. Lozé a communiqué tous les
jours avec les ministres français, et diman-
che dernier il a encore dîné à l'Hôtel Ram-
bouillet, avec le ministre des affaires étran-
gères, qu'il a entretenu de toutes les ques-
tions personnelles et administratives de son
ambassade.
L'hôtel Rambouillet 1 ce que c'est que
l'histgjxe et la géographie mal digérées I
Le Passant.
——— ———
LES PÊCHEURS A LA LIGNE
LE CONCOURS D'HIER
-
200 concurrents
Du pont de la Concorde au pont de Solférino
Sur la berge-En barque
Une nymphe retirée des eaux
110 gramv-ies de poisson
Distribution des récompenses—Le banquet
La fine fleur des pêcheurs à la ligne de
Paris s'est réunie hier sur la berge entre le
pont de la Concorde et le pont Solférino. Le
grand concours que nous avions annoncé
avait, en cîfet, attiré les deux cents plus
malins accrocheurs de goujons de la capi-
tale. Comme aspect général, ces messieurs
sont la plupart d'un certain âge, les visages
sont empreints de gravité et d'expérience,
les gestes sont calmes ; en résumé, tout in-
dique chez eux l'assurance et le sang-froid,
qualités primordiales de tout pêcheur sé-
rieux.
C'est avec ordre et silence qu'ils attendent
sur le bord de la Seine que les places soient
indiquées par les commissaires, porteurs de
leurs insignes : un garaon sur un médaillon
rouge fixé à la boutonnière et un ruban cou-
leur ver de vase ceignant le bras gauche.
Sur les quais et sur les ponts, deux ou trois
mille personnes regardent avec un intérêt
très vif les préparatifs du tournoi paisible
qui va s'engager.
Les membres du jury se tenaient sous
une tente qui a été dressée sur la berge ; et
la fête est annoncée par les sons mélodieux
d'un petit orchestre : un piston, un trom-
bone, une clarinette et un tambour desquels
s'échappent des airs plus doux que le mur-
mure des flots de la Seine, car il s'agit de
charmer les poissons et non point de les
faire fuir par de bruyanls accords.
Le concours mettait en présence deux ca-
tégories d'amateurs : les pêcheurs de berge
et les pêcheurs au large. Tandis que les pre-
miers gagnent rapidement leurs places, les
seconds montent dans la chaîne de barques
dont le service de navigation avait permis
l'installation.
À deux heures de l'après-midi, un roule-
ment étouffé de tambour annonce aux pê-
cneurs qu'ils peuvent jeter leur fil à l'eau et
attendre en murmurant l'alexandrin classi-
que :
J'amorce en badinant un poisson trop avide;
qu'une ablette ou un gardon voraces leur
procure la joie de remporter un prix en le-
vant le premier poisson.
Ce moment est attendu anxieusement par
les spectateurs, et le petit orchestre soupire
toujours des phrases très douces. On s'im-
patiente sur les ponts, le badaud de pêche
affirme à ses voisins que jamais, il n'a vu
prendre un poisson dans la Seine. Quelle
erreur î
Un hurrah formidable salue la première
prise. Un des deux pêcheurs de la troisième
barque lève avec solennité sa gaule. La
plume est hors de l'eau, le scion courbé an-
nonce que la capture est d'un certain poids.
Est-ce un goujon, un gardon, un barbillon?
Mystère 1
L'amateur en question vient de sortir de
l'eau une petite statuetie en plâtre, la Nym-
phe pudique. Cette petite plaisanterie obtient
un gros succès de rire à son auteur, qui
s'était déjà fait remarquer par son chapeau
bizarre et une cage contenant un hareng
saure qu'il avait apportée sur sa tête.
Enfin, après vingt minutes d'attente, un
goujon est pris ; ce petit poisson a été salué
par des applaudissements dont il se serait
bien passé. Et la pêche continue avec sol-
lennité.
Des connaisseurs m'ont dit que la place
n'avait pas été très bien choisie ; mais, vu
le nombre de concurrents, les organisateurs
ont dû se contenter de cette partie de la
Seine, l'absence de pontons leur ayant per-
mis, en effet, de placer la chaîne de barques
qui leur était nécessaire.
Je m'approche alors de certains pêcheurs
pour obtenir quelques renseignements, mais
le pêcheur est rebelle à toute interview, il
reste silencieux, le moindre mot qui s'échap-
perait de son être attentif pourrait sans
doute épouvanter la proie qu'il convoite.
J'en ai vu un qui amorçait mystérieusement
avec de petites boules jaunes, et, comme
j'ai eu la curiosité de lui demander ce que
c'était, il a jeté sur moi un regard empreint
d'une telle méfiance que j'ai cru devoir ne
pas insister davantage.
C'est alors que je me suis approché de la
tente où M. Ehret, président de la Société
des pécheurs à la ligne, fournissait quel-
ques renseignements à mes confrères.
« — Notre société est surprenante, nous
dit-il, c'est la seule en effet qui réunisse des
membres dont les professions sont aussi
différentes les unes des autres. Nous comp-
tons parmi nous : des cordonniers, des
libraires, des fonctionnaires, des maçons,
des chapeliers, des concierges, des gardiens
de la paix, etc., etc. Nous sommes mainte-
nant neuf cents décidés à marcher. Henri IV
a dit qu'il voulait que les paysans missent
la poule au pot tous les dimanches, moi je
dis : dans deux ans les petits employés de
notre société prendront tous les dimanches
une friture de deux ou trois livres dans la
Seine et je n'exagère pas.»
Quel spectacle, hein !
Les voyageurs des bateaux-mouches sa-
luaient avec leurs mouchoirs et leurs cha-
peaux.
La foule devenait de plus en plus com-
pacte. les tas de pierres et de cailloux ser-
vaient de tribunes, d'où s'échappaient des
cris d'enthousiasme chaque fois que l'écaillé
argentée frétillait au bout des lignes. Les
pêcheurs sérieux eussent désiré plus de si-
lence ; l'un d'entre eux, un grognon qui n'a-
vuit rien pris, s'est retiré en affirmant que
ce bruit était uniquement la cause de son
insuccès.
A quatre heures, un roulement de tam-
bour, énergique cette fois, et un coup de
fanfare sévère donnaient le signal du« cessez
la pêche » !
Voici le résultat de ce premiers concours
à Paris. Classement par ordre de l'impor-
tance de la pèche :
En bateau : MM. Deslas, 8 poissons; Cré-
tin, 7; Carpentier, 6; Aguiton, 6; Delorme,
6; Michaut, 5; Freton, 4; Devienne, 3; Hé-
Ion, 3; Castet, 6; Cloit, 2; Hugues, 1.
Berge : Toinet, 9 poissons, 110 grammes,
grand prix, consistant en une médaille d'ar-
gent sur laquelle est frappée l'image d'un
pêcheur dans l'exercice de ses fonctions;
Valentin, premier poisson sorti de l'eau,
médaille d'argent; Martin, 10; Martin, 9;
Aguenard, 6: Hauvoilier, 6; Guny, 5; Fa-
lère, 5; Olaguerre, 4; Michel, 3; Blond, 3.
Les prix consistaient en médailles d'argent
ou de bronze, en cannes à péche et en us-
tensiles divers. Ceux qui n'ont rien pris ont
reçu un petit livre dans lequel ils trouve-
ront les procédés les plus sûrs pour
réussir une autre fois.
Les membres de la société des pêeheurs à
la ligne ont terminé cette journée mémora-
ble en so réunissant le soir, en un banquet
confraternel, chezCaielain au Palais-Royal.
Inutile d1 dire que la conversation a prin-
cipalement roulé sur l s poissons et les pê-
ches fantastiques, histoire dans lesquelles
figurent des brochets gros comme des petits
enfants ou des carpes gigantesques.
PAUL GÉGNON.
La Vi FD. PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Tandis que Paris est tout entier à la
préparation des fêtes pour le tsar — à
ce propos, me permettra-t-on d'ouvrir
une parenthèse pour exprimer le plaisir
que m'a causé l'article de M. Meunier
et la joie que j'ai eue à me voir devancer
pour dire, avec une raison courageuse et
mieux que je ne l'eusse fait, ce que je
voulais indiquer ce soir — tandis qu'on
essaie le gaz et qu'on accroche les lam-
pions, en province, on a eu une journée
de fêtes aussi. La journée pourrait s'ap-
peler le dimanche des inaugurations,
car on n'a pas inauguré moins de cinq
monuments commémoratifs. La seule
ville d'Alais y a été de trois monuments,
dont deux considérables. Ailleurs, pla-
ques et bustes.
Je suis loin de me plaindre de ce
gcût qui @ s'est répandu dans toute la
France d'élever des monuments pour
consacrer le souvenir des hommes cé-
lèbres C'est de la bonne décentralisa-
tion. De cette façon, réalisant pour une
part et sous une forme vivante aux
yeux le désir d'Auguste Comte, on
crée le calendrier des saints laïcs, c'est-
à-dire des hommes qui ont été utiles à
leur pays en dehors de toute idée sur-
naturelle. Il arrive parfois que l'on se
trompe et qu'on canonise des grands
hommes qui ne sont pas, en réalité, de
très grands hommes. Mais qu'importe?
Et quelle est la chose, parmi celles que
font les hommes, qui ne comporte pas
fatalement, même excellente, une part
d'abus et d'erreurs? Parmi les saints
qu'on a canonisés hier par l'octroi d'une
statue ou d'une plaque commémora-
tive, il en est de très connus et d'autres
qui le sont moins. ,,- -, - - u. - - --
Le premier aes naDiianis ou aes na-
tifs d'Alais qui a eu son bronze est M.
Pasteur. De celui-ci, je n'ai rien à dire.
Sa gloire est trop universelle et trop
récente pour qu'il soit nécessaire
d'en parler. Puis, c'est l'abbé de
Sauvages. Celui-ci, par contre, est tout
à fait inconnu des Parisiens. Sa ré-
putation, qui reste locale, est assez
nouvelle dans son pays même et
doit beaucoup au mouvement félibréen
de ces dernières années. C'est grâce à
lui qu'on s'est souvenu de ce bon abbé
qui fut un poète en langue d'oc, poète
aimable et savoureux, paraît-il. Il a su,
d'ailleurs, se contenter d'une plaque. Un
troisième Alaisien a eu, lui, un monu-
ment, une fantaisie, qui est, dit-on, une
assez belle chose. C'est Florian. De celui-
ci, je dirai volontiers qu'il fut non pas
un inconnu,mais un mal connu. Il a gardé
une renommée d'écrivain affecté et pré-
cieux et on ne parle guère de ses fables
que pour les mettre très au-dessous dé
La Fontaine, qu'il n'égale pas, bien en-
tendu, et de qui il n'approche même
que de loin. Mais, ceci dit et accordé
tout de suite, je crois qu'il y a quelque
sévérité un peu injuste dans le juge-
ment qu'on porte sur Florian. Affecté
et précieux, il le fut, certes, ce « mar-
quis de Flordouvrat », comme l'appe-
lait Voltaire, dont il était devenu, par
alliance, le petit neveu. Il avait été,
avant ia révolution, un auteur à la
mode et, par conséquent, il avait été
l'expression de la sentimentalité un
peu mignarde qui régnait dans les
écrits de ce temps. Mais il ne faut pas
toujours s'arrêter trop à la forme que
l'époque impose aux écrivains : et der-
rière cette affèterie des romans et des
idylles de Florian, on trouve, si on sait
prendre son parti de la mode qui les
imposa, de l'imagination, de la grâce
et une vraie sensibilité. Quant à ses
lames, eues sont enarmantes et a une
philosophie plus douce et peut-être
plus recommandable, au moins pour
l'enfance, que la philosophie peu opti-
miste et la morale souvent égoïste de
La Fontaine, dont le génie, à tout pren-
dre, a de singulières amertumes mas-
quées par une forme légère et exquise.
Je pense que c'est surtout cela qu'au-
ront dit les orateurs qui ont pris la pa-
role à la cérémonie d'inauguration.
Parmi eux se trouve le député M. Mau-
rice Faure. Il a parlé au nom des Ciga-
liers et des Félibres qui ont, pour une
forte part, remis Florian en honneur,
lui dressant un buste dans la jolie petite
ville de Sceaux, où ils vont, chaque
annnée, faire un joyeux pèlerinage.
Je sais que mon ami M. Faure aura pro-
fité de l'occasion — comme je l'ai fait,
dans ce même pays du Gard lorsque je
présidait les Cigaliers — pour protester
contre les idées séparatistes qu'on prête
trop volontiers aux lettrés amoureux
des langues méridionales. On peut être
et on est bon patriote en parlant pro-
vençal ou languedocien et les idées fé-
déralistes, qui ne sont déjà pas les idées
« séparatistes » sont très rares dans le
Midi. L'autonomie littéraire, avec une
part légitime de décentralisation, les
vœux du pays d'oc et de Provence ne
vont pas au-delà. Il faut en être bien
convaincu et je puis, là-dessus, être
formel.
En même temps qu'Alais fêtait le
souvenir de Pasteur, dont elle s'enor-
gueillit, la petite ville qui a donné le
jour à Renan, au fond de la Bretagne,
se réjouissait de voir poser une plaque
coçimémorative sur la porte de la
maison où il est né et où s'écoula cette
enfance qu'il nous a racontée lui-même
avec une émotion si exquise et si in-
tense. De ce premier souvenir donné à
Renan, en attendant mieux et plus pour
ce maître incomparable, je ne dirai pas
plus que du souvenir glorifiant Pas-
teur. Cependant, il me paraît bon de
noter que cet hommage, en pays bre-
ton, indique sinon un revirement dans
la pensée populaire, du moins un grand
progrès accompli dans la voie du libé-
ralisme. Songez que, il n'y a pas qua-
rante ans, on a sonné les cloches en
glas pour l'excommunié Renan 1 Nous
sommes loin de là et je constate avec
joie cet apaisement des esprits devant
la gloire de l'écrivain que je tiens pour
un des plus grands, si ce n'est 1" nlus
grand du siècle. -- -- -.-- -- ¿----
Enfin, dans un petit village de l'Ouest,
un monument modeste a été inauguré
en l'honneur d'un savant, d'un physi;
cien du nom d'Archereau, que j'igno-
rais, je l'avoue en toute humilité. Pour-
tant, ce savant, qui mourut pauvre et
qui a été oublié, fut, parait-il, un savant
tout à fait distingué, par moments
presque génial, qui pressentit ou pré-
para les plus belles découvertes de
notre temps. Il y a ainsi, surtout dans
l'ordre de la science et de la philoso-
phie, des hommes d'un immense talent,
qui ont rendu de grands services et
qu'on oublie. Nous ne pouvons que
louer la province quand, fût-ce parfois
avec un peu d'exagération, elle répare
ces oublis et ces injustices et nous ré-
vèle les richesses intellectuelles de
notre pays aimé.
HENRY FOUQUIER.
Nous publierons demain la Chronique
de M. Paul Ginisty
LE VOYAGE DU TSAR
LES ALLOCUTIONS
Aucun discours ne sera prononcé aux di-
verses réceptions, visites ou cérémonies. Ni
à l'arrivée à Cherbourg et à Paris, ni à
l'Hôtel de Ville, les souverains russes ne
seront harangués.
C'est seulement au diner que le président
de la République donnera le mardi soir,
6 octobre, à l'Elysée, en l'honneur des sou-
verains russes, que quelques paroles seront
prononcées : le président de la République
portera un toast à nos hôtes, et le tsar ré-
pondra.
A CHERBOURG
On croit que le tsar visitera lo cuirassé
Hoche, sur lequel est arboré le pavillon du
vice-amiral Regnault de Prémesnil.
Le pavillon impérial (jaune avec l'aigle à
deux têtes) serait en ce cas hissé à la tête
du grand màt du navire et si le président
accompagnait Nicolas II dans cette visite, le
pavillon personnel de M. Félix Faure devrait
être arboré en même temps et à la même
hauteur.
Bien entendu, pendant toute la durée des
fêtes franco-russes, les différents bâtiments
présents à Cherbourg hisseront le pavillon
de guerre russe (blanc avec croix de Saint-
André bleue).
A VERSAILLES
Les détails de la visite à Versailles vien-
nent d'être complètement arrêtés.
C'est le jeudi, vers una heure de l'après-
midi, que le cortège impérial quittera l'am-
bassade de Russie pour se rendre à Ver-
sailles par la route précédemment indiquée.
A son arrivée, toute la garnison de Ver-
sailles sera massée sur la place d'Armes.
Au premier plan, les élèves de l'Ecole d'ar-.
tillerie et les régiments du 1er et 5e génie ;
au second plan, les 11e et 220 d'artillerie, et
derrière le 27e dragons.
Le tsar sera reçu par le président de la
République qui le conduira avec la tsarine
aux appartements de Louis XIV et de la
reine, que l'on est en train d'installer en
appartement privé pour l'empereur et l'im-
pératrice.
Les souverains seront ensuite invités à
jouir de l'une des grandes fenêtres de la ga-
lerie des Glaces au superbe coup d'œil du
parc. C'est à ce moment que les grandes
eaux commenceront à jouer.
Il est à peu près certain que le tsar visi-
tera, avant la promenade dans le parc, la
salle des séances. du congrès. Il en ressor-
tira par le grand escalier de marbre pour
pénétrer dans la chapelle.
La visite de la chapelle terminée, il visitera
le parc où ne seront admis que les membres
du Parlement, le haut personnel de l'am-
bassade, la municipalité de Versailles. C'est
probablement à cet endroit que le maire de
Versailles remettra l'album offert par la po-
pulation au tsar et qui renferme les princi-
pales vues du château, dont les artistes ver-
saillais sont les auteurs. C'est aussi à ce
moment que sera remise à l'empereur la
plaquette d'or que grave en ce moment
M. Roty.
La visite au parc et à Trianon terminée,
aura lieu le diner offert par le président de
la République, puis le concert avec recons-
titution de danses anciennes, etc.
LA QUESTION DES ROBES
La fameuse « question des traînes » est
résolue. On l'apprendra avec soulagement.
L'usage à la cour de Russie, nous dit le
Gaulois, veut que, dans les cérémonies de
gala, l'impératrice seule ait une traîne de
dix mètres, les princesses impériales une de
neuf mètres. Les femmes de la cour portent
des trames dont les dimensions varient
avec l'importance de leurs dignités ou de
leurs charges.
Il a été décidé à l'Elysée que l'on adopte-
rait un cérémonial plus modeste. Il sera
simplement recommandé aux femmes figu-
rant dans les réceptions officielles de ne
pas faire usage de robes rondes à la mode
actuelle, mais d'adopter la robe demi-traîne.
traîne de deux à trois mètres.
LE TRAIN PRÉSIDENTIEL C
Le train présidentiel, dont l'aménagement
vient d'être terminé dans les chantiers de la
Compagnie des wagons-lits, a été expédié
hier, à trois heures et demie, à la gare ciel
Batignolles.
Ce train se compose de huit voitures et de
deux fourgons, et se déploie sur une lape
gueur de 81 mètres, indépendamment uea
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