Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1895-03-03
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 03 mars 1895 03 mars 1895
Description : 1895/03/03 (N9123). 1895/03/03 (N9123).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7541870f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/12/2012
SP 9123 - Dimanche 3 Mars 189b
Iz vei^plse pan 10s — N" 9123
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION
IDI, HUE MCCrriKXTME, 131
Adresser Âg secrétaire DE u R!)¡CTOIl
De 4 & fi heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
- MAHUSOBITS H ON IVSBÇSS NE fEEWJ? rAs urxdir,
-
-AULDmffST ïSn^ON
131, atBtONTr"l:' .,
— f
Adrasset lettres et m deWr
A L'ADMINISTRATEÙR-G^ FUlI ^y
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et Cl
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PAitia
UH MOIS » -i PH-
TBOiS MOIS 5 —
SIX KOIS 9 FB.
DH AH 18 —
Fondateur : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
VS MOIS. 3 FB.
TFOI8 MOIS 6 —
SIX MOIS n vs» *
r TV , "- - - 20-
Expansirajoloniale
On nous a toujours dit que les con-
quêtes coloniales avaient pour but
principal de faire rayonner largement
sur le globe le génie de la France.
— S'il faut en croire les faits apportés
ces jours-ci à la tribune (et ces faits-là
ne forment qu'une bien minime partie
de ce que savent tous ceux qui ont eu
à s'occuper de ces questions,) voilà un
rayonnement qui n'est pas tout à fait
flatteur pour l'honneur de notre
pays.
Noûs avons été élevés dans la vieille
religion laïque du drapeau tricolore,
semant sur le monde les idées de li-
berté qui sont la gloire de notre pays.
Quand on nous parle du génie de la
France, nous pensons à l'éclatante
phalange de poètes et de penseurs, qui
n'ont pas seulement donné à l'idée une
splendeur incomparable, mais qui en-
core ont travaillé à l'affranchissement
de l'esprit humain dans le monde en-
tier. Nous nous rappelons comment
des victoires militaires sans égales ont
largement répandu, sur les peuples les
plus divers, l'œavre de la pensée fran-
çaise; et comment des armées de hé-
ros ont achevé le travail de nos grands
écrivains. Ce que l'histoire attache au
souvenir de nos luttes passées, pour
les pays passagèrement conquis, c'é-
tait la féodalité détruite, l'inquisition
supprimée, les vieux abus abolis. C'est
ainsi qu'un étranger a pu faire de la
France le plus magnifique éloge qu'on
ait jamais fait d'aucun peuple, en di-
sant que tout homme de liberté avait
deux patries : la sienne d'abord et la
France ensuite.
x
Voilà ce que nous étions accoutumés
à comprendre, quand on nous parlait
du rayonnement du génie français. Il
faut dire que le spectacle auquel tous
les orateurs nous font assister depuis
quelque temps n'a qu'un rapport bien
éloigné avec cette conception devenue,
paraît-il, surannée. Il n'est question
que de concessions suspectes, d'étran-
ges fonds secrets, de compagnies fi-
nancières dépouillant les contribua-
bles, de formidables bourdes adminis-
tratives. Les révélations succèdent
aux révélations; et les auditeurs qui,
jusqu'ici, ne se sont que médiocrement
occupés des colonies (on dit que le mir
nistre est du nombre), ouvrent de
grands yeux ébahis. Quand M. Chau-
temps, que le spectacle du lac de Ge-
nève, durant son enfance savoisienne,
avait naturellement porté vers les
questions de marine, se sera mis tout
à fait au courant de ses occupations
nouvelles, il est probable qu'il en dé-
couvrira bien d'autres.
Les histoires que l'on nous raconte
et celles qu'on pourrait nous raconter,
semblent plutôtdu domaine de l'opéra-
bouffe que de celui de la politique. Le
Sénégal possède deux chemins de fer :
l'un est réservé à l'Etat ; il a coûté des
prix de métropolitain .Mais si le prix que
nous l'avons payé est extraordinaire,
sa construction ne l'est pas moins. La
pauvre petite locomotive qu'on attelle
aux wagons à bagages où les voya-
geurs s'entassent, ne peut pas gravir
les pentes fantastiques que les rails
suivent, car on n'a pas cru devoir
modifier l'état naturel du sol. Aussi,
aux montées, on fait comme pour nos
vieilles pataches : tout le monde des-
cend et les voyageurs poussentle train
par derrière. Ce sont eux qui font
avancer la locomotive.
J'ai cité ce fait à la tribune : je l'a-
vais tiré de l'ouvrage d'un officier de
marine, qui a commandé la canon-
nière du Niger. M. Turrel nous a ra-
conté aujourd'hui l'histoire de l'autre
chemin de fer, livré à une compagnie
financière qui en a fait bien d'autres.
Il y avait un prix fait d'avance pour
ia construction de la voie : aussi la
compagnie n'a-t-elle construit qu'une
apparence de chemin de fer. Elle a dû
gagner une jolie somme sur le forfait :
mais il faut refaire la voie tous les
ans ; et c'est l'Etat qui paye. Il n'est
pas d'année, en effet, où les pluies tor-
rentielles des tropiques n'emportent
Je sable qui recouvre le ballast, où
les remblais élevés en terre friable ne
l'écroulent, et où les terribles fourmis
blanches, les termites, ne dévorent
}es traverses en bois. Mais. direz-vous,
on n'avait donc pas fait examiner
le chemin de fer par les fonction-
naires compétents avant de le rece-
voir? — Pardon; et ils avaient tous
conclu au refus. Un bureaucrate ami
de la compagnie a reçu leurs rapports,
les a lus attentivement, et en a fait un
au sous-secrétaire d'Etat pour lui affir-
mer qu'ils déclaraient tou's la voie
excellente. M. Turrel nous a lu les
pièces, qui sont accablantes. Cette
douce infamie coûte aux contri-
buables, je crois, quarante millions à
l'heure actuelle. Il paraît que ce fonc-
tionnaire est mort, et il ne semble pas
qu'on soit disposé à se demander si la
compagnie n'est pas pour quelque
chose dans son odieux mensonge.
Nous avons appris en même temps
qu'une partie de l'argent destiné
aux missions coloniales était dis-
tribué à des gens qui n'avaient pas à
se préoccuper du mal de mer : car
c'est dans l'enceinte des fortifications
que s'accomplit leur mission. Je ne
blâme pas absolument cette façon
d'agir. Par exemple, le ministère pour-
rait avec profit envoyer des explora-
teurs dans les salles des dépêches de
nos différents journaux, pour tâcher
d'avoir des nouvelles de l'expédition
Monteil, puisqu'il affirme n'en avoir
aucune. Ce genre de mission intra
muros aurait un autre avantage. Tout
le monde sait que certains fonction-
naires font toute leur carrière, allant
de colonie en colonie, sur le papier,
et en fait ne quittant pas Paris.
Ils passent ainsi des neiges de Saint-
Pierre et Miquelon, qu'ils contemplent
du boulevard Montmartre, sous les
palmiers de Nossi-Bé, dont ils cher-
chent l'ombre place de la Concorde.
Cela était, à un moment, tellement
dans les habitudes, qu'on fit à l'un de
mes amis, colonial fanatique, qui lui,
va remplir avec passion les fonctions
qu'on lui confie, une réponse vraiment
curieuse. Comme il se plaignait à un
membre important des bureaux, d'être
distancé, pour l'avancement, par
nombre de gens ayant moins de titres,
« Que voulez-vous? lui dit celui-ci,
vous êtes toujours absent ». Tradui-
sez : Vous êtes toujours à votre poste.
Eh bien ! on pourrait confier à ces
privilégiés qui voyagent de colonie en
colonie sans sortir du département de
la Seine, des missions pour aller vi-
siter le musée colonial : ils s'y feraient
quelque idée des pays qu'ils sont censés
administrer.
Les détails fournis sur certaines
concessions sont plus étranges encore.
Il y a un certain négociant à qui le
ministère a concédé, presque rien, dix
millions d'hectares, à peu près toute
la côte d'Ivoire. Sur toute cette partie
de l'Afrique, soi-disant française, il
est plus que roi ou empereur, il est
propriétaire! il est chez lui. Il peut in-
terdire à tous, non seulement d'y
commercer, mais d'y pénétrer, puis-
qu'on n'y peut loger que chez lui. Et
savez-vous ce que celaliii a coûté? Pas
un centime. Concession gratuite. Un
autre a obtenu de l'Etat, au Congo, de
choisir lui-même les terrains qu'on
lui concéderait au même prix. Il a in-
génieusement choisi - ceux - sur lesquels
le chemin de fer passera forcément le
jour où on le construira.Il est vrai que
l'Etat lui rachètera à prix d'or la pro-
priété qu'il en a reçue pour rien.
Patience! Nous ne sommes qu'au
début. Pour ma part, j'en ai entendu
terriblement raconter ; et je ne suis
pas, tant s'en faut, des mieux informés.
Et que sera-ce si l'on se décide enfin à
faire la lumière sur les affaires d'Indo-
Chine, cette lumière qu'on semble bien
médiocrement pressé d'obtenir, puis-
que l'on refuse à M. de Lanessan la
faculté, qu'il a réclamée, de s'expliquer
devant la commission du budget !
Illustres ancêtres dont nous avons
reçu l'héritage de gloire ; artistes,
savants, écrivains, hommes d'Etat,
hommes de guerre, qui avez porté si
haut le nom de notre pays ; est-ce de
cette façon que vous compreniez le
rayonnement du génie français?
CAMILLE PELLETAN.
COULISSES DES CHAMBRES
LE CAS DE M. DE LANESSAN
Le président du conseil s'est rendu
hier à la commission du budget pour
s'expliquer sur diverses questions qui
lui étaierft posées. La commission a pro-
fité de sa présence pour lui demander si
le gouvernement voyait un inconvénient
à ce qu'elle entendît M. de Lanessan au
sujet du budget et en général de la situa-
tion de l'Indo-ChiM.
M. Ribot a répondu par la déclaration
suivante :
« M. de Lanessan n'étant plus gouver-
neur général de l'Indo-Chine, le gouver-
nement n'a ni à autoriser son audition
par la commission du budget, ni à l'em-
pêcher; mais, au cas où la commission
voudrait l'interroger sur certains points
de son administration, il serait bien en-
tendu que ses déclarations auraient un
caractère purement personnel. »
En présence de cette déclaration, la
commission ne s'est pas opposée à la
demande de M. de Lanessan; mais elle a
décidé que l'audition de l'ancien gouver-
neur général n'aurait pas lieu immédia-
tement. Elle est ajournée jusqu'au mo-
ment où l'on examinera le projet de loi
destiné à régler provisoirement la situa-
tion financière de l'Indo-Chine.
—o—
LA COMMISSION DES CONVENTIONS
Le docteur Lannelongue a donné hier
sa démission de membre de la commis-
sion ues conventions.
L'honorable député du Gers se trouve
être le beau-fière d'un des administra-
teurs de la Compagnie du Midi. Il dit
dans sa lettre.
« Sans que ma liberté en soit atteinte,
elle pourrait être suspectée et je crois de
mon devoir de me retirer. »
-0-
LES ADRESSES TÉLÉGRAPHIQUES
Pour mettre fin aux difficultés qui ont
été signalées si souvent, M. Guillemet,
député de la Vendée, vient de déposer
un amendement au budget portant qu ;
toute adresse télégraphique sera comp-
tée pour trois mots, quel que soit le
nombre des mots qu'elle comprendra.
Nous publierons demain dimanche,
un articie de M. Edouard Lockroy.
A LA CHAMBRE
La discussion du budget des colonies a
continué hier à la Chambre des députés.
Dans la séance du matin, M. de Mont-
fort, en un long discours très étudié, a
demandé au gouvernement des explica-
tions sur la révocation de M. de Lanes-
san, gouverneur général de l'Indo-Chine.
Il a fait l'historique de cet incident
récent, rappelé dans quelles conditions
M. de Lanessan qui venait de reprendre
possession de son poste avec plus d'au-
torité, semblait-il, que jamais, fut brus-
quement remplacé « comme un serviteur
infidèle ». Il a posé des questions pré-
cises :
- Quelles sont les cau=es qui ont amené
la révocation de M. de Lanessan? Encore
une fois, je compte que le gouvernement
s'expliquera sur ce point.
Un débat s'impose, non pour amener
l'écrasement de celui ci ou le triomphe de
celui là, mais pour déterminer enfin. le sys-
tème qu'on entend pratiquer en Indo-Chine.
Il faut que la France sache ce que lui coûte
une colonie contre laquelle on a pu 'élever
à l'origine, mais qui est aujourd'hui dans
une situation telle qu'on peut espérer
qu'elle sera une source de grandeur et de
profits pour la métropole.
Il faut que nous jugions le passé avec
loyauté, avec sincérité, de manière à pren-
dre nos résolutions pour l'avenir.
Ceci dit, M. de Montfort a examiné la
politique suivie en Indo-Chine par M. de
Lanessan et ne lui a pas ménagé les cri-
tiques. Il n'a pas nié que des résultats
importants n'eussent été obtenus au
point de vue militaire, que le Delta ne
pût aujourd'hui être considéré comme
pacifié; mais, a-t-il ajouté, « c'est là une
pacification précaire ». Et il a demandé
l'accroissement des forces indigènes et
des modifications dans l'armement.
Passant à un autre ordre d'idées, il a
traité la question des monopoles et des
marchés de gré àgré; il s'est plaint qu'on
eût cédé à un particulier le monopole
exclusif de l'achat de l'opium sur le
fleuve Rouge et à la frontière ; il s'est
plaint des droits de douanes trop mul-
tipliés et trop élevés; il s'est plaint
surtout des marchés de gré. à gré:
du rachat des docks d'Haïphong, des
transports de Lanson à Cao-Bang, de la
citadelle d'Hanoï, du chemin de fer de
Langson.
Le reste de la séance du matin a été
rempli par un très intéressant discours
de M. Charles Houx. Parlant plus spécia-
lement du Dahomey, il s'est élevé avec
vigueur contre les entraves apportées
par les procédés administratifs en vi-
gueur au développement du commerce
français. Une fois de plus il a constaté
que l'activité des colons français est
garrottée, paralysée par les formalités
bureaucratiques et que notre adminis-
tration coloniale aboutit à faire régner
l'inertie et la mort là où l'initiative privée
pourrait, si elle était libre, créer le mou-
vement et la vie. Et il a cité l'exemple de
l'île Saint-Barthélemy, dont notre colla-
borateur Charles Bos exposait ici-même,
l'autre jour, la navrante situation.
M. Charles Roux a terminé en expri-
mant le vœu que la France renonce, à
l'avenir, à une politique coloniale « qui
n'a été, jusqu'à présent, qu'une politique
de fonctionnaires ».
La séance de l'après-midi s'est ouverte
parun discours de M. Turrel. M. Turrel,
avec peut-être une apparence de raison,
a prétendu faire retomber les mécomptes
subis dans l'administration de nos colo-
nies, sur ceux-là qui, pendant des années
ont fait à la potitique coloniale une oppo-
sition de tous les instants et qui ont ainsi
condamné les gouvernements — comme
M. Brisson le rappelait lui-même, l'autre
jour à propos de Madagascar — aux
demi-mesures et aux petits paquets. —
Puis M. Turrel a longuement traité la
question déjà ancienne du chemin flofer
*
de Dakar à Saint-Louis. M. Georges Berry
est venu ensuite, débutant par cette dé-
claration : « Il résulte de la discussion
que les colonies semblent avoir été créées
pour les fonctionnaires et les sociétés
financières. » Et il a réédité les critiques
tant de fois déjà dirigées contre notre
absurde système de colonisation.
Le ministre des colonies, M. Chau-
temps, est monté à la tribune. Il a paru
quelque peu pâle et considérablement
ému. Il a commencé par traiter la ques-
tion du Soudan, démentant à nouveau'
la nouvelle, récemment répandue, d'une
défaite essuyée par la colonne Monteil.
Il a affirmé que dans les escarmouches
qui ont été livrées, cette colonne n'a
perdu qu'un très restreint nombre
d'hommes. Il s'est empressé d'ajouter,
du reste, que l'effectif de cette colonne
allait être diminué et que le lieutenant-
colonel Monteil serait remplacé par un
officier de grade inférieur, le comman-
dant Coudulier qui se trouverait placé
sous l'autorité du gouverneur Binger.
Ces déclarations n'ont pas été du goût
de tout le monde et M. Le Hérissé s'est
très fort fâehé, tapant sur son pupitre,
et accusant le ministre de « lâcher » le
colonel Monteil. M. Chautemps a pro-
testé.
En ce qui concerne la question du
chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, il
a annoncé la nomination d'une commis-
sion de trois membres chargée de tirer
au clair, si faire se peut, cette question
passablement embrouillée.
Il est passé ensuite à la question indo-
chinoise et affirmant, tout d'abord, que
ce n'est pas au gouvernement actuel de
s'expliquer sur les causes qui ont pu
amener la révocation de M. de Lanessan.
Il a déclaré que le nouveau gouverneur
général a reçu l'ordre de continuer,
auprès de la cour d'Annam, la politique
suivie par son prédécesseur. La situation,
a-t-il dit, est d'ailleurs satisfaisante. Le
Delta est entièrement pacifié et la pros-
périté de nos possessions dans l'Extrême-
Orient est en progression constante.
Quant aux contrats auxquels M. de
Montfort avait fait allusion le matin,
M. Chautemps a affirmé la volonté du
gouvernement « d'exiger désormais de
l'administration de l'Indo-Chine un ab-
solu respect des règles auxquelles sont
soumises toutes les administrations pu-
bliques. »
Il a dit encore :
— Le temps est passé des contrats à
engager sans adjudication préalable et des
emprunts à contracter sans l'autorisation
du Parlement.
Et, comme ces paroles provoquaient
une certaine émotion, il a ajouté :
Rien ne s'est fait, d'ailleurs, sous l'admi-
ni-tration de M. de Lauessan qu'en tout
bien tout honneur.
Ce discours s'est terminé par quelques
paroles adressées à M. Georges Berry et
contenant une promesse de favoriser la
colonisation et de garantir à tous les
Français la liberté commerciale.
Après, a parlé M. Isaac et son très
long discours, débité d'une voix trop
peu distincte, a lassé les plus robustes
patiences. Quand il a eu terminé, M.
Delcassé a demandé la parole. Il avait
été mis en cause; il avait incontestable-
ment le droit strict d'être entendu. Loya-
lement, il a prévenu la Chambre que son
discours durerait une heure et demie. Il
était six heures précises.
A demain! — A la demande de
M. Doumer, la Chambre, par 293 voix
contre 225, a décidé de se réunir à neuf
heures du matin.
LUCIBN VICTOR-MEUNIER
DERNIÈRE HEURE
Altercation aux Folies-Dramatiques
Hier soir, aux Folies-Dramatiques, pen-
dant un entr'acte de la Perle du Cantal, que
l'on répétait généralement, une altercation
a eu lieu dans les couloirs entre le compo-
siteur Louis Varney et M. Maxime Dreyfus.
Celui-ci, après un échange de paroles très
violentes, envoya deux coups de canne à
son adversaire, qui voulut riposter de la
même façon. Mais, au lieu de frapper M.
Maxime Dreyfus, M. Louis Varney atteignit
un spectateur qui cherchait à séparer les
combattants.
On nous assure que cette altercation
n'aura aucune suite.
La Tristesse de M. de Cassagaac
M. Paul de Cassagnac est triste, « sou-
verainement triste ». Pourquoi? Parce
que la proposition de loi, déposée récem-
ment sur le bureau de la Chambre par
l'honorable général Iung, et ayant pour
objet l'application du service de deux
ans, a déjà, dit-il, « trouvé moyen de
réunir 176 adhésions à la Chambre ».
Que M. de Cassagnac soit bien plus
triste encore; le chiffre de 176 adhésions
est dès à présent notablement dépassé.
Heureusement!
Cela prouve qu'ils sont nombreux, au
Parlement, ceux qui se rendent compte
des nécessités actuelles et veulent qu'au
prix de tous les sacrifices la France soit
mise en état de défendre contre tous son
indépendance et son honneur.
Nous avons maintes fois, dans ce jour-
nal, exposé les raisons graves, impé-
rieuses qui nous font partisans du ser-
vice de deux ans. Nous n'avons pas à y
revenir aujourd'hui.
Mais il nous sera permis de relever ce
qu'il peut y avoir de blessant dans les
paroles de M. de Cassagnac pour les si-
gnataires de la proposition.
M. de Cassagnac les accuse de n'obéir
qu'à des instincts électoraux et de man-
quer de patriotisme.
Ils sont donc bien peu patriotes en
Allemagne où le service de deux ans
existe?
Nous ne voulons pas discuter. Mais en
vérité, nous qui ne mettons en doute
le patriotisme de personne, n'avons-nous
pas droit, de la part de nos adversaires
politiques, au même respect?
E. V.-M.
L'abondance des matières nous force
de remettre à demain la suite de notre
feuilleton :
LA-LUTTE. POUR L'AMOUR
LE BANOUT DE GONCOURT
Le banquet offert à M. de Goncourt a
eu lieu au Grand-Hôtel, dans la salle des
Fêtes.
A huit heures et demie, trois cents
convives environ étaient présents.
Parmi celles-ci nous remarquons nombre
de personnalités du monde des lettres et
des arts.
M. de Goncourt avait à sa droite M.
Poincaré, à sa gauche M. Alphonse
Daudet.
Parmi les personnes présentes : MM.
Jean Ajalbert, Arsène Alexandre, Paul
Alexis, Antoine, Georges Ancey, Jeun
Aicard, Maurice Barrés, Georges Char-
pentier, Armand Charpentier, Ché-
ret, Jules Claretie, Paul Clemenceau,
Edouard Conte, Champsaur, Darzens,
Ernest et Léon Daudet, Lucien Des-
caves, Anatole France, Louis Ganderax,
Philippe Gille, Léon Hennique, Arsène
Houssaye, Clovis Hugues, Georges Hugo,
Stéphane Mallarmé, Catulle Mendès,
Octave Mirbeau, Millerand, Robert de
Montesquiou, Marcel Prévost, Georges
Hodenbiich, Rodin, Aurélien Scholl,
Henri et Valentin Simond.
M. Puvis de Chavannes, victime,
comme nous le disons dans nos échos,
d'un accident de voiture, s'était fait
excuser.
M. Poincaré, ministre de l'instruction
publique, a pris la parole le premier,
ensuite : MM. de Hérédia, Clémenceau
qui a parlé excellemment, Henry Céard,
Emile Zola, Henri de Régnier, Daudet.
M. de Goncourt a ens-uite remerciée
dans une allocution très applaudie, les
amis qui l'entouraient
A onze heures, cette fête, dont tous les
invités se promettaient de conserver le
souvenir, était terminée.
LES EMPLOYES DES OMNIBUS
La presse s'est fort occupée, ces jours
derniers, des employés des Omnibus.
A en croire les renseignements de nos
confrères, une grève était inévitable.
Pour ma part, je n'avais accordé aucune
créance à ces informations. Connaissant
le personnel de la compagnie des Om-
nibus, comme je le connais, j'avais tout
de suite vu une exagération évidente dans
les plaintes et dans les revendications
dontnos confrères s'étaientfaitsleséchos.
La réunion, que les délégués de dépôt ont
tenue hier, m'a donné complètement
raison. ,
Le conseil d'administration du syndi-
cat m'avait demandé d'assister a cette
réunion, en ma qualité de conseil judi-
ciaire de la corporation. De même, il
avait convoqué spècialement MM. Mesu-
reur et Pierre Lefèvre, présidents d'hon-
neur de l'association. MM. Mesureur et
Lefèvre n'ont pu — leur temps étant
retenu — accepter l'invitation. Ils ont
bien voulu me charger de dire au per-
sonnel des Omnibus ce qu'ils pensent de
la situation qui leur est faite.
J'ai trouvé, à mon grand plaisir, une
assemblée des plus calmes, un peu éton-
née du bruit qui avait été fait autour des
revendications de la corporation, et bien
résolue à régler pacifiquement les ques-
tions sur lesquelles la compagnie et ses
employés ne sont pas d'accord..
Dès l'ouverture de la réunion, il était
en effet décidé que le mot de grève ne
serait même pas prononcé. A ce propos,
on m'a communiqué le texte de l'ordre
du jour qui devait être soumis aux
assistants. Il préconisait l'adoption de
l'arbitrage comme moyen de trancher
les difficultés présentes et à venir..
La discussion a été très courte. Les
employés des Omnibus ont parfaitement
compris qu'en aucune façon ils ne peu-
vent recourir à une solution violente,
que la revision des traités de 1891 ne
doit pas être mise en cause, que les ré-
clamations qu'ils formulent ne font pas
un corps suffisant pour impressionner
vivement l'opinion publique et que,
somme toute, il faui laisser à des arbitres
le soin d'aplanir le différend.
Au fond, ce qui vaudrait le mieux, ce
serait la nomination d'une commission
arbitrale mixte, d'un comité de concilia-
tion permanent, chargé de régler souve-
rainement toutes les difficultés qui s'élè-
veraient entre les deux parties, soit, une
sorte de tampon entre la compagnie et
son personnel.
Je crois que c'est bien ce que les em-
ployés des Omnibus désirent et je ne vois
point les raisons pour lesquelles la com-
pagnie leur opposerait une fin de non-
recevoir.
Pour en revenir au conflit de l'heure
présente, il me semble que les revendi-
cations des employés des Omnibus se
réduisent à deux, mais ces deux reven-
dications sont essentielles. Les voici ;
1° Que la compagnie fasse un roule-
ment parmi les surnuméraires de telle
façon que les droits d'ancienneté soient
respectés, qu'on ne voie pas dans un
dépôt un surnuméraire ayant dix ans de
service et gagnant moins qu'un surnu-
méraire embauché depuis un an ou deux
dans un autre dépôt.
2° Que la compagnie défende contre
ses chefs de dépôt les palefreniers, cê-
tiers, laveurs, relayeurs, etc. De par les
conventions de 1891, les employés de
dépôt débutent à 3 fr. 25. Au bout de
trois mois, ils ont 4 fr. 25; mais trop
souvent, ce laps de temps écoulé, on les
met à la porte. La compagnie ne pour-
rait-elle pas accorder à cette partie de
son personnel un salaire unique qui
couperait court à l'arbitraire des chefs
de dépôt?
Je suis convaincu que si la compagnie
consentait à concéder ces deux points à
ses employés en acceptant une commis-
sion arbitrale mixte permanente, elle
vivrait en paix avec son personnel jus-
qu'à l'expiration de sa concession.
CHARLES BOS.
0
LA MORT D'HARRY ALIS
C'est avec une profonde douleur que
nous avons appris la mort tragique de
notre confrère et ami Harry Alis (H.
Percher), doul ur que partageront tous
ceux qui l'avaient connu et par consé-
quent aimé, Alis étant un 'de ce.. rares
privilégiés qui unissent à l'aspect le plus
sympathique un caractère naturellement
affable, une grande bienveillance et une
réelle bonté. Son extérieur énergique
cachait un cœur profondément aimant,
une nature délicate et timide qu'il ne
laissait voir entièrement qu'à ses in-
times.
D'une infatigable activité, d'une intel-
ligence hors ligne, Alis s'était toujours,
dans des sphères différentes, consacré
aux questions qui intéressaient son pays
et vers lesquelles le poussait son
ardent patrioLisme. Un coup d'épée l'a
enlevé, en pleine force, en pleine jeu-
nesse, alors qu'après de cruelles épreuves
la vie semblait de nouveau lui sourire.
C'est une grande perte, non seulement
pour ses amis, mais pour son pays au-
quel il eût c rtainement été appelé à
rendre de grands services. A sa jeune
femme, à son fils orphelin, à sa famille
en deuil, nous exprimons notre profonde
et douloureuse sympathie.
A.-E. SERMENT.
————————— —————————-.
UN DUEL JftAGIQUE
La rencontre Harry Alis-Le Chatelier
A propos du Congo
Une rectification—A la Grande Jatte
Coup mortel
C'est à la suite d'une lettre personnelle
adressée par M. Harry Ali. à M. Le Chate-
lier, ancien capitaine au 159 de ligne, admi,
nistrateur de ia Société u'éludes du Congo
français, lettre ju-ée oilensante par ce der-
nier qu'un écaiiuge de témoins a eu lieu.
M. Le Chatelier ayant chargé MM. le lieu-
tenant-colonel Baudot et le commandant de
Castelli, de demand r une réparation à M.
Harry Alis, ce d ruier a désigné pour le
représenter MM. Paul Bluysen, secrétaire
générai du Journal des Dénals, et André Hal-
lays, ctirouiqueur à ce même journal.
Après avoir vainement essayé de trouver
un terrain de conciliation, les quatre té-
moins onL jugé uue rencontre inévitable et
ont fixé ceile-ci à 1 ier matin, à onze heures,
à 1 île de ia Graude-Jatte.
Le duel a eu lieu à file de la Grande-
Jatte, à l'endroit dénommé « le Moulin-
Houge H.
LA RENCONTRE
Les adversaire- arrivèrent presque aimul.
tanément avec leurs témoins.
M. Harry-Alis, trè calme, mais froid,
comme il était toujuurs, se mit à causer
avec ses ueux témoius, MM. Paul Bluysen
et André Hallays.
Le capitaine Le Chatelier, avait aussi la
même attitude, très maître de lui-même,
presque iDditrerent.
Le choix des places fut désigné au moyen
d'une pièce de cent sous jetée eu l'air.
M. Harry Alis eut le de-avantage do se
trouver ,-,ur la partie la plus relevée du
plancuer de la salle.
Quoique de haute taille, il était un peu
dominé par celle de sou adversaire, très
grand, minc,. M. Alis tournait le dos à la
porte d'éditée.
Les deux adversaires furent mis en pré-
sence. M. Le Chatelier ayant une chemise
empesée et M. Harry Alis une chemise de
soie, il fut décidé que les deux combattants
enlèveraient leur chemise.
Le Chatelier re ta vêtu simplement d'un
gilet de flanelle.
Dès que les épée., furent engagées, le
capitaine Le Chatelier fondit impétueuse-
ment sur son adversaire. L'engagement fut
très vif, d'ailleurs, de part et d'autr.
Quelques instants après l'engagement,
M. Harry-Alis, louché à l'aisselle droite,
eut le corps traversé de part ,en part. 11
s'alfaissa aussitôt en prouonçant ces
mots : *
— Je suis mort.
M. Paul Bluysen reçut son ami dans ses
bras. On apporta une chaise sur laquelle le
blessé fut assis.
Les médecins s'approchèrent aussitôt,
mais le, secours étaient inutiles, et M.
Harry-Alis rendait le dernier soupir au mo-
ment où on apportait un petit verre de
rhum.
Cette scène tragique s'était déroulée
presque instantanément.
Le corps fut immédiatement déposé soi
un matelas placé sur un billard du restau-
rant attenant au lieu du combat, dans la
tenue qu'il avait pendant le combat, c'est-
à-dire aveo son pantalon et un simple gtlel
de flanelle.
LES CONSTATATIONS
Le commissaire de police de Levallois ast
venu faire les constatations. Ce sont lot
Iz vei^plse pan 10s — N" 9123
CINQ centimes le numéro
RÉDACTION
IDI, HUE MCCrriKXTME, 131
Adresser Âg secrétaire DE u R!)¡CTOIl
De 4 & fi heures du soir
Et de 9 heures du soir à minuit
- MAHUSOBITS H ON IVSBÇSS NE fEEWJ? rAs urxdir,
-
-AULDmffST ïSn^ON
131, atBtONTr"l:' .,
— f
Adrasset lettres et m deWr
A L'ADMINISTRATEÙR-G^ FUlI ^y
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et Cl
6, place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
PAitia
UH MOIS » -i PH-
TBOiS MOIS 5 —
SIX KOIS 9 FB.
DH AH 18 —
Fondateur : AUGUSTE VACQUERIE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
VS MOIS. 3 FB.
TFOI8 MOIS 6 —
SIX MOIS n vs» *
r TV , "- - - 20-
Expansirajoloniale
On nous a toujours dit que les con-
quêtes coloniales avaient pour but
principal de faire rayonner largement
sur le globe le génie de la France.
— S'il faut en croire les faits apportés
ces jours-ci à la tribune (et ces faits-là
ne forment qu'une bien minime partie
de ce que savent tous ceux qui ont eu
à s'occuper de ces questions,) voilà un
rayonnement qui n'est pas tout à fait
flatteur pour l'honneur de notre
pays.
Noûs avons été élevés dans la vieille
religion laïque du drapeau tricolore,
semant sur le monde les idées de li-
berté qui sont la gloire de notre pays.
Quand on nous parle du génie de la
France, nous pensons à l'éclatante
phalange de poètes et de penseurs, qui
n'ont pas seulement donné à l'idée une
splendeur incomparable, mais qui en-
core ont travaillé à l'affranchissement
de l'esprit humain dans le monde en-
tier. Nous nous rappelons comment
des victoires militaires sans égales ont
largement répandu, sur les peuples les
plus divers, l'œavre de la pensée fran-
çaise; et comment des armées de hé-
ros ont achevé le travail de nos grands
écrivains. Ce que l'histoire attache au
souvenir de nos luttes passées, pour
les pays passagèrement conquis, c'é-
tait la féodalité détruite, l'inquisition
supprimée, les vieux abus abolis. C'est
ainsi qu'un étranger a pu faire de la
France le plus magnifique éloge qu'on
ait jamais fait d'aucun peuple, en di-
sant que tout homme de liberté avait
deux patries : la sienne d'abord et la
France ensuite.
x
Voilà ce que nous étions accoutumés
à comprendre, quand on nous parlait
du rayonnement du génie français. Il
faut dire que le spectacle auquel tous
les orateurs nous font assister depuis
quelque temps n'a qu'un rapport bien
éloigné avec cette conception devenue,
paraît-il, surannée. Il n'est question
que de concessions suspectes, d'étran-
ges fonds secrets, de compagnies fi-
nancières dépouillant les contribua-
bles, de formidables bourdes adminis-
tratives. Les révélations succèdent
aux révélations; et les auditeurs qui,
jusqu'ici, ne se sont que médiocrement
occupés des colonies (on dit que le mir
nistre est du nombre), ouvrent de
grands yeux ébahis. Quand M. Chau-
temps, que le spectacle du lac de Ge-
nève, durant son enfance savoisienne,
avait naturellement porté vers les
questions de marine, se sera mis tout
à fait au courant de ses occupations
nouvelles, il est probable qu'il en dé-
couvrira bien d'autres.
Les histoires que l'on nous raconte
et celles qu'on pourrait nous raconter,
semblent plutôtdu domaine de l'opéra-
bouffe que de celui de la politique. Le
Sénégal possède deux chemins de fer :
l'un est réservé à l'Etat ; il a coûté des
prix de métropolitain .Mais si le prix que
nous l'avons payé est extraordinaire,
sa construction ne l'est pas moins. La
pauvre petite locomotive qu'on attelle
aux wagons à bagages où les voya-
geurs s'entassent, ne peut pas gravir
les pentes fantastiques que les rails
suivent, car on n'a pas cru devoir
modifier l'état naturel du sol. Aussi,
aux montées, on fait comme pour nos
vieilles pataches : tout le monde des-
cend et les voyageurs poussentle train
par derrière. Ce sont eux qui font
avancer la locomotive.
J'ai cité ce fait à la tribune : je l'a-
vais tiré de l'ouvrage d'un officier de
marine, qui a commandé la canon-
nière du Niger. M. Turrel nous a ra-
conté aujourd'hui l'histoire de l'autre
chemin de fer, livré à une compagnie
financière qui en a fait bien d'autres.
Il y avait un prix fait d'avance pour
ia construction de la voie : aussi la
compagnie n'a-t-elle construit qu'une
apparence de chemin de fer. Elle a dû
gagner une jolie somme sur le forfait :
mais il faut refaire la voie tous les
ans ; et c'est l'Etat qui paye. Il n'est
pas d'année, en effet, où les pluies tor-
rentielles des tropiques n'emportent
Je sable qui recouvre le ballast, où
les remblais élevés en terre friable ne
l'écroulent, et où les terribles fourmis
blanches, les termites, ne dévorent
}es traverses en bois. Mais. direz-vous,
on n'avait donc pas fait examiner
le chemin de fer par les fonction-
naires compétents avant de le rece-
voir? — Pardon; et ils avaient tous
conclu au refus. Un bureaucrate ami
de la compagnie a reçu leurs rapports,
les a lus attentivement, et en a fait un
au sous-secrétaire d'Etat pour lui affir-
mer qu'ils déclaraient tou's la voie
excellente. M. Turrel nous a lu les
pièces, qui sont accablantes. Cette
douce infamie coûte aux contri-
buables, je crois, quarante millions à
l'heure actuelle. Il paraît que ce fonc-
tionnaire est mort, et il ne semble pas
qu'on soit disposé à se demander si la
compagnie n'est pas pour quelque
chose dans son odieux mensonge.
Nous avons appris en même temps
qu'une partie de l'argent destiné
aux missions coloniales était dis-
tribué à des gens qui n'avaient pas à
se préoccuper du mal de mer : car
c'est dans l'enceinte des fortifications
que s'accomplit leur mission. Je ne
blâme pas absolument cette façon
d'agir. Par exemple, le ministère pour-
rait avec profit envoyer des explora-
teurs dans les salles des dépêches de
nos différents journaux, pour tâcher
d'avoir des nouvelles de l'expédition
Monteil, puisqu'il affirme n'en avoir
aucune. Ce genre de mission intra
muros aurait un autre avantage. Tout
le monde sait que certains fonction-
naires font toute leur carrière, allant
de colonie en colonie, sur le papier,
et en fait ne quittant pas Paris.
Ils passent ainsi des neiges de Saint-
Pierre et Miquelon, qu'ils contemplent
du boulevard Montmartre, sous les
palmiers de Nossi-Bé, dont ils cher-
chent l'ombre place de la Concorde.
Cela était, à un moment, tellement
dans les habitudes, qu'on fit à l'un de
mes amis, colonial fanatique, qui lui,
va remplir avec passion les fonctions
qu'on lui confie, une réponse vraiment
curieuse. Comme il se plaignait à un
membre important des bureaux, d'être
distancé, pour l'avancement, par
nombre de gens ayant moins de titres,
« Que voulez-vous? lui dit celui-ci,
vous êtes toujours absent ». Tradui-
sez : Vous êtes toujours à votre poste.
Eh bien ! on pourrait confier à ces
privilégiés qui voyagent de colonie en
colonie sans sortir du département de
la Seine, des missions pour aller vi-
siter le musée colonial : ils s'y feraient
quelque idée des pays qu'ils sont censés
administrer.
Les détails fournis sur certaines
concessions sont plus étranges encore.
Il y a un certain négociant à qui le
ministère a concédé, presque rien, dix
millions d'hectares, à peu près toute
la côte d'Ivoire. Sur toute cette partie
de l'Afrique, soi-disant française, il
est plus que roi ou empereur, il est
propriétaire! il est chez lui. Il peut in-
terdire à tous, non seulement d'y
commercer, mais d'y pénétrer, puis-
qu'on n'y peut loger que chez lui. Et
savez-vous ce que celaliii a coûté? Pas
un centime. Concession gratuite. Un
autre a obtenu de l'Etat, au Congo, de
choisir lui-même les terrains qu'on
lui concéderait au même prix. Il a in-
génieusement choisi - ceux - sur lesquels
le chemin de fer passera forcément le
jour où on le construira.Il est vrai que
l'Etat lui rachètera à prix d'or la pro-
priété qu'il en a reçue pour rien.
Patience! Nous ne sommes qu'au
début. Pour ma part, j'en ai entendu
terriblement raconter ; et je ne suis
pas, tant s'en faut, des mieux informés.
Et que sera-ce si l'on se décide enfin à
faire la lumière sur les affaires d'Indo-
Chine, cette lumière qu'on semble bien
médiocrement pressé d'obtenir, puis-
que l'on refuse à M. de Lanessan la
faculté, qu'il a réclamée, de s'expliquer
devant la commission du budget !
Illustres ancêtres dont nous avons
reçu l'héritage de gloire ; artistes,
savants, écrivains, hommes d'Etat,
hommes de guerre, qui avez porté si
haut le nom de notre pays ; est-ce de
cette façon que vous compreniez le
rayonnement du génie français?
CAMILLE PELLETAN.
COULISSES DES CHAMBRES
LE CAS DE M. DE LANESSAN
Le président du conseil s'est rendu
hier à la commission du budget pour
s'expliquer sur diverses questions qui
lui étaierft posées. La commission a pro-
fité de sa présence pour lui demander si
le gouvernement voyait un inconvénient
à ce qu'elle entendît M. de Lanessan au
sujet du budget et en général de la situa-
tion de l'Indo-ChiM.
M. Ribot a répondu par la déclaration
suivante :
« M. de Lanessan n'étant plus gouver-
neur général de l'Indo-Chine, le gouver-
nement n'a ni à autoriser son audition
par la commission du budget, ni à l'em-
pêcher; mais, au cas où la commission
voudrait l'interroger sur certains points
de son administration, il serait bien en-
tendu que ses déclarations auraient un
caractère purement personnel. »
En présence de cette déclaration, la
commission ne s'est pas opposée à la
demande de M. de Lanessan; mais elle a
décidé que l'audition de l'ancien gouver-
neur général n'aurait pas lieu immédia-
tement. Elle est ajournée jusqu'au mo-
ment où l'on examinera le projet de loi
destiné à régler provisoirement la situa-
tion financière de l'Indo-Chine.
—o—
LA COMMISSION DES CONVENTIONS
Le docteur Lannelongue a donné hier
sa démission de membre de la commis-
sion ues conventions.
L'honorable député du Gers se trouve
être le beau-fière d'un des administra-
teurs de la Compagnie du Midi. Il dit
dans sa lettre.
« Sans que ma liberté en soit atteinte,
elle pourrait être suspectée et je crois de
mon devoir de me retirer. »
-0-
LES ADRESSES TÉLÉGRAPHIQUES
Pour mettre fin aux difficultés qui ont
été signalées si souvent, M. Guillemet,
député de la Vendée, vient de déposer
un amendement au budget portant qu ;
toute adresse télégraphique sera comp-
tée pour trois mots, quel que soit le
nombre des mots qu'elle comprendra.
Nous publierons demain dimanche,
un articie de M. Edouard Lockroy.
A LA CHAMBRE
La discussion du budget des colonies a
continué hier à la Chambre des députés.
Dans la séance du matin, M. de Mont-
fort, en un long discours très étudié, a
demandé au gouvernement des explica-
tions sur la révocation de M. de Lanes-
san, gouverneur général de l'Indo-Chine.
Il a fait l'historique de cet incident
récent, rappelé dans quelles conditions
M. de Lanessan qui venait de reprendre
possession de son poste avec plus d'au-
torité, semblait-il, que jamais, fut brus-
quement remplacé « comme un serviteur
infidèle ». Il a posé des questions pré-
cises :
- Quelles sont les cau=es qui ont amené
la révocation de M. de Lanessan? Encore
une fois, je compte que le gouvernement
s'expliquera sur ce point.
Un débat s'impose, non pour amener
l'écrasement de celui ci ou le triomphe de
celui là, mais pour déterminer enfin. le sys-
tème qu'on entend pratiquer en Indo-Chine.
Il faut que la France sache ce que lui coûte
une colonie contre laquelle on a pu 'élever
à l'origine, mais qui est aujourd'hui dans
une situation telle qu'on peut espérer
qu'elle sera une source de grandeur et de
profits pour la métropole.
Il faut que nous jugions le passé avec
loyauté, avec sincérité, de manière à pren-
dre nos résolutions pour l'avenir.
Ceci dit, M. de Montfort a examiné la
politique suivie en Indo-Chine par M. de
Lanessan et ne lui a pas ménagé les cri-
tiques. Il n'a pas nié que des résultats
importants n'eussent été obtenus au
point de vue militaire, que le Delta ne
pût aujourd'hui être considéré comme
pacifié; mais, a-t-il ajouté, « c'est là une
pacification précaire ». Et il a demandé
l'accroissement des forces indigènes et
des modifications dans l'armement.
Passant à un autre ordre d'idées, il a
traité la question des monopoles et des
marchés de gré àgré; il s'est plaint qu'on
eût cédé à un particulier le monopole
exclusif de l'achat de l'opium sur le
fleuve Rouge et à la frontière ; il s'est
plaint des droits de douanes trop mul-
tipliés et trop élevés; il s'est plaint
surtout des marchés de gré. à gré:
du rachat des docks d'Haïphong, des
transports de Lanson à Cao-Bang, de la
citadelle d'Hanoï, du chemin de fer de
Langson.
Le reste de la séance du matin a été
rempli par un très intéressant discours
de M. Charles Houx. Parlant plus spécia-
lement du Dahomey, il s'est élevé avec
vigueur contre les entraves apportées
par les procédés administratifs en vi-
gueur au développement du commerce
français. Une fois de plus il a constaté
que l'activité des colons français est
garrottée, paralysée par les formalités
bureaucratiques et que notre adminis-
tration coloniale aboutit à faire régner
l'inertie et la mort là où l'initiative privée
pourrait, si elle était libre, créer le mou-
vement et la vie. Et il a cité l'exemple de
l'île Saint-Barthélemy, dont notre colla-
borateur Charles Bos exposait ici-même,
l'autre jour, la navrante situation.
M. Charles Roux a terminé en expri-
mant le vœu que la France renonce, à
l'avenir, à une politique coloniale « qui
n'a été, jusqu'à présent, qu'une politique
de fonctionnaires ».
La séance de l'après-midi s'est ouverte
parun discours de M. Turrel. M. Turrel,
avec peut-être une apparence de raison,
a prétendu faire retomber les mécomptes
subis dans l'administration de nos colo-
nies, sur ceux-là qui, pendant des années
ont fait à la potitique coloniale une oppo-
sition de tous les instants et qui ont ainsi
condamné les gouvernements — comme
M. Brisson le rappelait lui-même, l'autre
jour à propos de Madagascar — aux
demi-mesures et aux petits paquets. —
Puis M. Turrel a longuement traité la
question déjà ancienne du chemin flofer
*
de Dakar à Saint-Louis. M. Georges Berry
est venu ensuite, débutant par cette dé-
claration : « Il résulte de la discussion
que les colonies semblent avoir été créées
pour les fonctionnaires et les sociétés
financières. » Et il a réédité les critiques
tant de fois déjà dirigées contre notre
absurde système de colonisation.
Le ministre des colonies, M. Chau-
temps, est monté à la tribune. Il a paru
quelque peu pâle et considérablement
ému. Il a commencé par traiter la ques-
tion du Soudan, démentant à nouveau'
la nouvelle, récemment répandue, d'une
défaite essuyée par la colonne Monteil.
Il a affirmé que dans les escarmouches
qui ont été livrées, cette colonne n'a
perdu qu'un très restreint nombre
d'hommes. Il s'est empressé d'ajouter,
du reste, que l'effectif de cette colonne
allait être diminué et que le lieutenant-
colonel Monteil serait remplacé par un
officier de grade inférieur, le comman-
dant Coudulier qui se trouverait placé
sous l'autorité du gouverneur Binger.
Ces déclarations n'ont pas été du goût
de tout le monde et M. Le Hérissé s'est
très fort fâehé, tapant sur son pupitre,
et accusant le ministre de « lâcher » le
colonel Monteil. M. Chautemps a pro-
testé.
En ce qui concerne la question du
chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, il
a annoncé la nomination d'une commis-
sion de trois membres chargée de tirer
au clair, si faire se peut, cette question
passablement embrouillée.
Il est passé ensuite à la question indo-
chinoise et affirmant, tout d'abord, que
ce n'est pas au gouvernement actuel de
s'expliquer sur les causes qui ont pu
amener la révocation de M. de Lanessan.
Il a déclaré que le nouveau gouverneur
général a reçu l'ordre de continuer,
auprès de la cour d'Annam, la politique
suivie par son prédécesseur. La situation,
a-t-il dit, est d'ailleurs satisfaisante. Le
Delta est entièrement pacifié et la pros-
périté de nos possessions dans l'Extrême-
Orient est en progression constante.
Quant aux contrats auxquels M. de
Montfort avait fait allusion le matin,
M. Chautemps a affirmé la volonté du
gouvernement « d'exiger désormais de
l'administration de l'Indo-Chine un ab-
solu respect des règles auxquelles sont
soumises toutes les administrations pu-
bliques. »
Il a dit encore :
— Le temps est passé des contrats à
engager sans adjudication préalable et des
emprunts à contracter sans l'autorisation
du Parlement.
Et, comme ces paroles provoquaient
une certaine émotion, il a ajouté :
Rien ne s'est fait, d'ailleurs, sous l'admi-
ni-tration de M. de Lauessan qu'en tout
bien tout honneur.
Ce discours s'est terminé par quelques
paroles adressées à M. Georges Berry et
contenant une promesse de favoriser la
colonisation et de garantir à tous les
Français la liberté commerciale.
Après, a parlé M. Isaac et son très
long discours, débité d'une voix trop
peu distincte, a lassé les plus robustes
patiences. Quand il a eu terminé, M.
Delcassé a demandé la parole. Il avait
été mis en cause; il avait incontestable-
ment le droit strict d'être entendu. Loya-
lement, il a prévenu la Chambre que son
discours durerait une heure et demie. Il
était six heures précises.
A demain! — A la demande de
M. Doumer, la Chambre, par 293 voix
contre 225, a décidé de se réunir à neuf
heures du matin.
LUCIBN VICTOR-MEUNIER
DERNIÈRE HEURE
Altercation aux Folies-Dramatiques
Hier soir, aux Folies-Dramatiques, pen-
dant un entr'acte de la Perle du Cantal, que
l'on répétait généralement, une altercation
a eu lieu dans les couloirs entre le compo-
siteur Louis Varney et M. Maxime Dreyfus.
Celui-ci, après un échange de paroles très
violentes, envoya deux coups de canne à
son adversaire, qui voulut riposter de la
même façon. Mais, au lieu de frapper M.
Maxime Dreyfus, M. Louis Varney atteignit
un spectateur qui cherchait à séparer les
combattants.
On nous assure que cette altercation
n'aura aucune suite.
La Tristesse de M. de Cassagaac
M. Paul de Cassagnac est triste, « sou-
verainement triste ». Pourquoi? Parce
que la proposition de loi, déposée récem-
ment sur le bureau de la Chambre par
l'honorable général Iung, et ayant pour
objet l'application du service de deux
ans, a déjà, dit-il, « trouvé moyen de
réunir 176 adhésions à la Chambre ».
Que M. de Cassagnac soit bien plus
triste encore; le chiffre de 176 adhésions
est dès à présent notablement dépassé.
Heureusement!
Cela prouve qu'ils sont nombreux, au
Parlement, ceux qui se rendent compte
des nécessités actuelles et veulent qu'au
prix de tous les sacrifices la France soit
mise en état de défendre contre tous son
indépendance et son honneur.
Nous avons maintes fois, dans ce jour-
nal, exposé les raisons graves, impé-
rieuses qui nous font partisans du ser-
vice de deux ans. Nous n'avons pas à y
revenir aujourd'hui.
Mais il nous sera permis de relever ce
qu'il peut y avoir de blessant dans les
paroles de M. de Cassagnac pour les si-
gnataires de la proposition.
M. de Cassagnac les accuse de n'obéir
qu'à des instincts électoraux et de man-
quer de patriotisme.
Ils sont donc bien peu patriotes en
Allemagne où le service de deux ans
existe?
Nous ne voulons pas discuter. Mais en
vérité, nous qui ne mettons en doute
le patriotisme de personne, n'avons-nous
pas droit, de la part de nos adversaires
politiques, au même respect?
E. V.-M.
L'abondance des matières nous force
de remettre à demain la suite de notre
feuilleton :
LA-LUTTE. POUR L'AMOUR
LE BANOUT DE GONCOURT
Le banquet offert à M. de Goncourt a
eu lieu au Grand-Hôtel, dans la salle des
Fêtes.
A huit heures et demie, trois cents
convives environ étaient présents.
Parmi celles-ci nous remarquons nombre
de personnalités du monde des lettres et
des arts.
M. de Goncourt avait à sa droite M.
Poincaré, à sa gauche M. Alphonse
Daudet.
Parmi les personnes présentes : MM.
Jean Ajalbert, Arsène Alexandre, Paul
Alexis, Antoine, Georges Ancey, Jeun
Aicard, Maurice Barrés, Georges Char-
pentier, Armand Charpentier, Ché-
ret, Jules Claretie, Paul Clemenceau,
Edouard Conte, Champsaur, Darzens,
Ernest et Léon Daudet, Lucien Des-
caves, Anatole France, Louis Ganderax,
Philippe Gille, Léon Hennique, Arsène
Houssaye, Clovis Hugues, Georges Hugo,
Stéphane Mallarmé, Catulle Mendès,
Octave Mirbeau, Millerand, Robert de
Montesquiou, Marcel Prévost, Georges
Hodenbiich, Rodin, Aurélien Scholl,
Henri et Valentin Simond.
M. Puvis de Chavannes, victime,
comme nous le disons dans nos échos,
d'un accident de voiture, s'était fait
excuser.
M. Poincaré, ministre de l'instruction
publique, a pris la parole le premier,
ensuite : MM. de Hérédia, Clémenceau
qui a parlé excellemment, Henry Céard,
Emile Zola, Henri de Régnier, Daudet.
M. de Goncourt a ens-uite remerciée
dans une allocution très applaudie, les
amis qui l'entouraient
A onze heures, cette fête, dont tous les
invités se promettaient de conserver le
souvenir, était terminée.
LES EMPLOYES DES OMNIBUS
La presse s'est fort occupée, ces jours
derniers, des employés des Omnibus.
A en croire les renseignements de nos
confrères, une grève était inévitable.
Pour ma part, je n'avais accordé aucune
créance à ces informations. Connaissant
le personnel de la compagnie des Om-
nibus, comme je le connais, j'avais tout
de suite vu une exagération évidente dans
les plaintes et dans les revendications
dontnos confrères s'étaientfaitsleséchos.
La réunion, que les délégués de dépôt ont
tenue hier, m'a donné complètement
raison. ,
Le conseil d'administration du syndi-
cat m'avait demandé d'assister a cette
réunion, en ma qualité de conseil judi-
ciaire de la corporation. De même, il
avait convoqué spècialement MM. Mesu-
reur et Pierre Lefèvre, présidents d'hon-
neur de l'association. MM. Mesureur et
Lefèvre n'ont pu — leur temps étant
retenu — accepter l'invitation. Ils ont
bien voulu me charger de dire au per-
sonnel des Omnibus ce qu'ils pensent de
la situation qui leur est faite.
J'ai trouvé, à mon grand plaisir, une
assemblée des plus calmes, un peu éton-
née du bruit qui avait été fait autour des
revendications de la corporation, et bien
résolue à régler pacifiquement les ques-
tions sur lesquelles la compagnie et ses
employés ne sont pas d'accord..
Dès l'ouverture de la réunion, il était
en effet décidé que le mot de grève ne
serait même pas prononcé. A ce propos,
on m'a communiqué le texte de l'ordre
du jour qui devait être soumis aux
assistants. Il préconisait l'adoption de
l'arbitrage comme moyen de trancher
les difficultés présentes et à venir..
La discussion a été très courte. Les
employés des Omnibus ont parfaitement
compris qu'en aucune façon ils ne peu-
vent recourir à une solution violente,
que la revision des traités de 1891 ne
doit pas être mise en cause, que les ré-
clamations qu'ils formulent ne font pas
un corps suffisant pour impressionner
vivement l'opinion publique et que,
somme toute, il faui laisser à des arbitres
le soin d'aplanir le différend.
Au fond, ce qui vaudrait le mieux, ce
serait la nomination d'une commission
arbitrale mixte, d'un comité de concilia-
tion permanent, chargé de régler souve-
rainement toutes les difficultés qui s'élè-
veraient entre les deux parties, soit, une
sorte de tampon entre la compagnie et
son personnel.
Je crois que c'est bien ce que les em-
ployés des Omnibus désirent et je ne vois
point les raisons pour lesquelles la com-
pagnie leur opposerait une fin de non-
recevoir.
Pour en revenir au conflit de l'heure
présente, il me semble que les revendi-
cations des employés des Omnibus se
réduisent à deux, mais ces deux reven-
dications sont essentielles. Les voici ;
1° Que la compagnie fasse un roule-
ment parmi les surnuméraires de telle
façon que les droits d'ancienneté soient
respectés, qu'on ne voie pas dans un
dépôt un surnuméraire ayant dix ans de
service et gagnant moins qu'un surnu-
méraire embauché depuis un an ou deux
dans un autre dépôt.
2° Que la compagnie défende contre
ses chefs de dépôt les palefreniers, cê-
tiers, laveurs, relayeurs, etc. De par les
conventions de 1891, les employés de
dépôt débutent à 3 fr. 25. Au bout de
trois mois, ils ont 4 fr. 25; mais trop
souvent, ce laps de temps écoulé, on les
met à la porte. La compagnie ne pour-
rait-elle pas accorder à cette partie de
son personnel un salaire unique qui
couperait court à l'arbitraire des chefs
de dépôt?
Je suis convaincu que si la compagnie
consentait à concéder ces deux points à
ses employés en acceptant une commis-
sion arbitrale mixte permanente, elle
vivrait en paix avec son personnel jus-
qu'à l'expiration de sa concession.
CHARLES BOS.
0
LA MORT D'HARRY ALIS
C'est avec une profonde douleur que
nous avons appris la mort tragique de
notre confrère et ami Harry Alis (H.
Percher), doul ur que partageront tous
ceux qui l'avaient connu et par consé-
quent aimé, Alis étant un 'de ce.. rares
privilégiés qui unissent à l'aspect le plus
sympathique un caractère naturellement
affable, une grande bienveillance et une
réelle bonté. Son extérieur énergique
cachait un cœur profondément aimant,
une nature délicate et timide qu'il ne
laissait voir entièrement qu'à ses in-
times.
D'une infatigable activité, d'une intel-
ligence hors ligne, Alis s'était toujours,
dans des sphères différentes, consacré
aux questions qui intéressaient son pays
et vers lesquelles le poussait son
ardent patrioLisme. Un coup d'épée l'a
enlevé, en pleine force, en pleine jeu-
nesse, alors qu'après de cruelles épreuves
la vie semblait de nouveau lui sourire.
C'est une grande perte, non seulement
pour ses amis, mais pour son pays au-
quel il eût c rtainement été appelé à
rendre de grands services. A sa jeune
femme, à son fils orphelin, à sa famille
en deuil, nous exprimons notre profonde
et douloureuse sympathie.
A.-E. SERMENT.
————————— —————————-.
UN DUEL JftAGIQUE
La rencontre Harry Alis-Le Chatelier
A propos du Congo
Une rectification—A la Grande Jatte
Coup mortel
C'est à la suite d'une lettre personnelle
adressée par M. Harry Ali. à M. Le Chate-
lier, ancien capitaine au 159 de ligne, admi,
nistrateur de ia Société u'éludes du Congo
français, lettre ju-ée oilensante par ce der-
nier qu'un écaiiuge de témoins a eu lieu.
M. Le Chatelier ayant chargé MM. le lieu-
tenant-colonel Baudot et le commandant de
Castelli, de demand r une réparation à M.
Harry Alis, ce d ruier a désigné pour le
représenter MM. Paul Bluysen, secrétaire
générai du Journal des Dénals, et André Hal-
lays, ctirouiqueur à ce même journal.
Après avoir vainement essayé de trouver
un terrain de conciliation, les quatre té-
moins onL jugé uue rencontre inévitable et
ont fixé ceile-ci à 1 ier matin, à onze heures,
à 1 île de ia Graude-Jatte.
Le duel a eu lieu à file de la Grande-
Jatte, à l'endroit dénommé « le Moulin-
Houge H.
LA RENCONTRE
Les adversaire- arrivèrent presque aimul.
tanément avec leurs témoins.
M. Harry-Alis, trè calme, mais froid,
comme il était toujuurs, se mit à causer
avec ses ueux témoius, MM. Paul Bluysen
et André Hallays.
Le capitaine Le Chatelier, avait aussi la
même attitude, très maître de lui-même,
presque iDditrerent.
Le choix des places fut désigné au moyen
d'une pièce de cent sous jetée eu l'air.
M. Harry Alis eut le de-avantage do se
trouver ,-,ur la partie la plus relevée du
plancuer de la salle.
Quoique de haute taille, il était un peu
dominé par celle de sou adversaire, très
grand, minc,. M. Alis tournait le dos à la
porte d'éditée.
Les deux adversaires furent mis en pré-
sence. M. Le Chatelier ayant une chemise
empesée et M. Harry Alis une chemise de
soie, il fut décidé que les deux combattants
enlèveraient leur chemise.
Le Chatelier re ta vêtu simplement d'un
gilet de flanelle.
Dès que les épée., furent engagées, le
capitaine Le Chatelier fondit impétueuse-
ment sur son adversaire. L'engagement fut
très vif, d'ailleurs, de part et d'autr.
Quelques instants après l'engagement,
M. Harry-Alis, louché à l'aisselle droite,
eut le corps traversé de part ,en part. 11
s'alfaissa aussitôt en prouonçant ces
mots : *
— Je suis mort.
M. Paul Bluysen reçut son ami dans ses
bras. On apporta une chaise sur laquelle le
blessé fut assis.
Les médecins s'approchèrent aussitôt,
mais le, secours étaient inutiles, et M.
Harry-Alis rendait le dernier soupir au mo-
ment où on apportait un petit verre de
rhum.
Cette scène tragique s'était déroulée
presque instantanément.
Le corps fut immédiatement déposé soi
un matelas placé sur un billard du restau-
rant attenant au lieu du combat, dans la
tenue qu'il avait pendant le combat, c'est-
à-dire aveo son pantalon et un simple gtlel
de flanelle.
LES CONSTATATIONS
Le commissaire de police de Levallois ast
venu faire les constatations. Ce sont lot
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