Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-06-26
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 juin 1886 26 juin 1886
Description : 1886/06/26 (N3353,A10). 1886/06/26 (N3353,A10).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75390697
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/10/2012
Ir
MINISTRATIQN::.RÉDAGHON & AMONCES
A PARIS
IS — Rue Bieher — 19
Les articles non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARIS
TROIS IFOIS^ 5 FR.
SIX MOIS. 9 FR.
UN AN 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE
QUOTIDIEN .4.
UN NUMÉRO * 5 CENTIMES
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
TROIS MOIS. 6-FR.
SIX MOIS. 12 FR.
UN AN. 24 FR.
DIXIÈME ANNÉE. — NUMÉRP 3,353 *'
u ,juin jr
Samedi 26 Juin 1886
8 Messidor an 94
.A. UJOURD'HUI
EST MIS EN VENTE LE NUMÉRO 104 DU
SUPPLEMENT HEBDOMADAIRE
DE
La Lanterne
NUMÉRO DU 27 JUIN 1886
SOMMAIRE:
Chronique SÉRAPHIN.
Une inconséqaenee HONORÉ DE BALZAC.
Beau premier. RICHARD O'MONROY.
Tribunaux comiques JULES MOINAUX.
La Carte à payer. FRÉDÉRIC FEBVRE.
L'Esprit des autres. D. Cizos.
Le Castelou. AUGUSTIN LION.
La santé publique DR MARC.
Problèmes et Jeux d'esprit. Hix.
Feuilleton : Le Maître Coq ABEL ROCHERY.
Le Supplément hebdomadaire de
La Lanterne se vend 5 centimes chez
tous les libraires et marchands de journaux.
Le Projet de loi sur l'Armée
Nous parlions hier des transformations
politiques qui avaient eu lieu dans ces
dernières années et des réformes qui res-
taient à accomplir. Au premier rang, nous
mettrons celle qui aura pour conséquence
de supprimer le privilège dans l'armée, et
d'augmenter la sécurité de la nation tout
en diminuant ses charges.
Cette réforme, depuis si longtemps ré-
clamée, depuis si longtemps attendue, est
9n bonne voie, comme le prouve la ma-
nière dont le projet du général Boulanger
a été accueilli par les bureaux de la Cham-
bre.
En réalité, le service de trois ans a dé-
finitivement cause gagnée. Personne n'ose
plus parler du régime de cinq ans, encore
moins de sept ans. C'est là un fait acquis
pour la droite aussi bien que pour toutes
les nuances de la gauche.
Reste la difficulté : faire avec le service
de trois ans une armée plus solide que ne
l'est notre armée actuelle. L'expérience a
prouvé que ce problème n'était pas inso-
luble. Hél&s! c'est avec des soldats de
trois ans que les Allemands nous ont vain-
cus en 1870.
M. le général Boulanger, de l'avis de
presque tous les commissaires, a très heu-
reusement résolu la question. Ce projet
non seulement allège les charges de la
population civile, mais il augmente les
forces militaires. Ce n'est pas un simple
1 projet d'homme qui veut flatter certains
sentiments, certains courants d'opinion :
c'est le projet d'un général qui assume
sur lui la responsabilité de la défense et
de la sécurité nationale.
Voilà l'impression très nette qui s'est
dégagée des discussions des bureaux.
Ce projet considérable contient quatre
titres :
Le titre Ier traite des obligations militai-
res des citoyens et du recrutement .de l'ar-
mée ; le titre II, du rengagement des sous-
officiers ; le titre III, de l'organisation de
l'armée et de la constitution des cadres ;
le titre IV, de l'avancement.
On sait que les Facultés de Nancy et de
Paris ont protesté contre le service obli-
gatoire et égal pour tous. Chaque corps
pourrait faire une protestation analogue.
Si ce service entrave leur carrière scienti-
fique ou littéraire, croit-on qu'un horloger
ne perd pas quelque chose de son habileté
de main pendant le temps qu'il est as-
treint à manier des fusils ou des canons ?
Il est évident que si le service militaire
peut faire acquérir certaines qualités, il
en fait perdre d'autres. Si on pouvait sup-
primer l'armée, ce serait le mieux. Mal-
heureusement, nous n'en sommes pas là.
Nous sommes donc bien obligés d'en sup-
porter les inconvénients. Mais n'est-ce pas
la suite d'un déplorable esprit de privilège
qu'ils soient atténués dans certaines caté-
gories de citoyens, tandis qu'ils restent
dans leur intégralité pour les autres ; et
de même que l'eau va toujours à la ri*
vière, ce privilège allait à ceux qui étaient
déjà privilégiés par la fortune ou au moins
par l'éducation !
M. le général Boulanger ne nie pas les
obstacles que présente au développement
intellectuel le service militaire ; il les
tourne d'une manière fort habile, en lais-
sant aux jeunes gens pendant upe large
période de 17 à 25 ans, la faculté de choi-
sir le moment qui leur sera le plus avan-
tageux pour remplir leurs obligations mi-
litaires. De plus, il leur suffira d'acquérir
l'instruction militaire préparatoire pour
obtenir une réduction d'un an sur le temps
à passer sous les drapeaux. D'après l'expé-
rience des dernières années, à propos des
engagements conditionnels d'un an, le mi-
nistre de la guerre estime que le nombre
des sursis à accorder aux étudiants de
toute catégorie, ne dépassera pas 7 010.
Le projet de loi actuel modifie aussi les
dispositions relatives aux dispenses. La
proportion totale des dispenses à accor-
der aux aînés d'orphelins, fils aînés de
veuves, etc., et aux soutiens indispensa-
bles de famille, sera de 15 OiO. Toutes les
demandes de dispense seront déférées à
l'examen d'une commission communale
composée de cinq pères de famille, ayant
des fils sous les drapeaux. C'est sur l'avis
émis par ces commissions que le conseil
de revision statuera.
Le ministre de la guerre propose la
création d'une taxe de 0.06 par jour, dont
0.05 pour le gouvernement et un aux com-
munes, sur tous les jeunes gens en sursis,
les dispensés, les ajournés et les exemp-
tés. Le centime abandonné aux communes
imposerait à celle-ci la charge de fournir
des subsides aux familles des réservistes
nécessiteux appelés à l'activité.
Dans chaque canton, il y aurait des
exercices mensuels du dimanche pour les
hommes dispensés et en sursis. Les armes
seraient gardées par la gendarmerie ou
remises à la caserne.
Le projet de loi simplifie les formalités
pour les changements de domicile et sup-
prime les poursuites devant les tribunaut
à l'égard des hommes qui ne les remplis-
sent pas.
Le projet de loi s'occupe beaucoup des
avantages à donner aux sous-officiers. Il
est évident qu'il est indispensable de
créer des cadres solides ; mais il ne faut
pas se dissimuler que ces avantages enlè-
veront aux carrières civiles des hommes
fort utiles. C'est une question qui ne laisse
pas que d'être inquiétante pour notre in-
dustrie et notre commerce.
De profondes modifications sont appor-
tées dans le recrutement des officiers.
Tout aspirant officier devra commencer
par servir un an au moins dans un corps
de troupe. Saint-Cyr constituait un privi-
lège au profit des fils de la bourgeoisie
qui avaient pu se procurer l'enseignement
secondaire. Dans le nouveau système, il
sera remplacé par une école normale mi-
litaire, dont l'examen d'entrée comprendra
une partie pratique dont la cote sera as-
sez élevée pour permettre de compenser
par la valeur militaire les différences
d'instruction générale.
Tels sont quelques-uns des principaux
points du projet de loi.
On comprend qu'un projet ne comptant
pas moins de 232 articles, soulève une
foule de questions de détail. Nous espé-
rons que la commission ne s'y perdra pas,
afin qu'à force de vouloir en faire une œu-
vre parfaite, elle ne risque que d/en faire
une œuvre incohérente. Nous espérons
qu'elle aura la volonté d'aboutir rapide-
ment et que, tenant compte des grandes
lignes du projet, elle les suivra, sans s'é-
garer dans des discussions secondaires.
Le pays attend cette loi. Le devoir de
la chambre des députés est de la faire le
plus tôt possible. La commission ne doit
pas perdre de vue cet objectif. Elle ne
doit pas se laisser égarer par des consi-
dérations seeondaires. Elle doit se mettre
en quelque sorte des œillères pour aller
tout droit au but et ne das se livrer à des
disgressions plus ou moins importantes et
plus ou moins fantaisistes.
Quand on reproche aux Chambres de rie
pas aboutir assez vite, ce n'est pas tou-
jours la faute du régime parlementaire
lui-même: c'est souvent plutôt la faute de
ceux qui manient l'outil que de l'outil. La
commission ne se compose pas moins de
trente-trois membres ; espérons qu'ils se-
ront aussi assidus que nombreux, ce qui
est l'exception.
——————— » ———————
LE COMTE DE PARIS
, !
SON DEPART. - SON MANIFESTE
A Eu
La réception publique a commencé vorst
onze heures. Quinze cents à deux mille per-*
sonnes ont défilé devant le comte de Paris-,
dans le grand salon de réception du château;
à côté de lui étaient la comtesse de Paris,
son fils et lé duc de Chartres. Leduc -d'A-u--
male se tient à quelques pas.
Le comte de Paris serre la main à tout le
monde. Beaucoup d'habitants de la ville et
des environs sont venus assister au défilé ;
mais la foule s'écoule avec la plus grande in-
différence et sans proférer le moindre cri.
Cent vingt députés et cinquante sénateurs
de la droite environ ont été reçus par le comte
de Paris dans la salle de Guise.
Le mauvais temps a disparu ; et c'est, par
un soleil magnifique — rien de celui de M.
Hervé — que les princes bouclent leurs
malles.
A huit heures quarante, M. Levaillant, di-
recteur de la sûreté, et M. Bévérini-Vico, se-
crétaire général de la Seine-Inférieure, sont
arrivés.
Ils ont fait demander une entrevue au comte
de Paris. C'est M. d'Haussonville qui les a
reçus,
Ces messieurs déclarent qu'ils 'sont venus
notifier au comte de Paris le décret d'expul-
sion qui le frappe. M. d'Haussonville répond
que le comte de Paris en a eu connaissance,
qu'il s'incline et partira à trois heures.
M. Levaillant ajoute que le gouvernement
croit devoir prévenir officieusement les amis
du comte de Paris que, dans le cas où la
moindre cri séditieux serait proféré, les fau-
teurs de désordre seraient immédiatement ari
rêtés.
Ils ont ensuite quitté le château.
Les troupes
Un bataillon du 248 de ligne, en garnison à
Dieppe, sous la conduite d'un commandant et
de quatre capitaines, Cent hommes sont à Eu
et cent au Tréport.
De Rouen, on a fait venir cinquante gen"
darmes, sous les ordres d'un chef de bataili
Ion.
Le départ
A deux heures, le comte, la comtesse, le
duc d'Orléans et le duc de Chartres, sont mon*
tés en voiture.
Leur suite a pris place dans huit voitures.
A la sortie du château, trois cents personnes
à peine attendaient les expulsés. Pas un cri,
sur la route des Tréport, personne. ;
La manifestation organisée au Tréport n'a
pas mieux réussie qu à Eu. Sur cinq mille
personnes présentes, plus des trois quarts
sont là en curieux.
Lorsque le comte est monté en bateau, quel-
ques cris timides de : Vive le roi! ont été
poussés. On y a répondu par les cris répétés
de : Vive la République ! Quelques royalistes
ont ajouté : Vive le comte de Paris. ':
A deux heures et demie, au moment où 16
bateau a démaré, quelque femmes agitent leur
mouchoir. M. Hervé pleure et déchire, avec
rage, son mouchoir avec les dents, ce ,qui a
soulevé des rires.
Les curés des environs ont accompagné le
comte de Paris, entre autres l'aumônier du
collège. On remarque un bénédictin gras et
gros. -
Un matelot ayant crié : Vive la République!
a été insulté par un jeune hobereau ; mais il
a vivement battu en retraite, lorsque le maria
l'a menacé de lui tirer les oreilles.
On n'a aucune arrestation à signaler.
Après le départ
La foule s'est écoulée dès que le bateau a
été sorti du port.
FEUILLETON DU 26 JUIN 1886
42
CHAIR FRAICHE
GRAND ROMAN INÉDIT
PAR
M. MAURICE DRACK.
PREMIÈRE PARTIE
L'ABBAYE DE LA FLEMME
il
Téremtété
(SUITH)
Quand il entendit le mot : « cherche. »,
Il regarda Martine avec étonnement, en
tournant sur lui-même d'un air inquiet.
— Cherche Christian,, répéta Martine
avec autorité.
Alors il aboya en grondant et comme
pour prouver sa bonne volonté il se mit à
tourner en cercle dans le carrefour en trot-
tant le nez à terre.
Il avait commencé d'abord en faisant
un circuit très rapproché de sa maîtresse,
puis il alla élargissant ses voies, jusqu'à
frôler les talus du croisement des routes.
Tout à COYlh son grognement se modi-
fia, il poussa un jappement de satisfac-
tion, puis il s'élança dans le chemin qui
lui faisait face, en donnant vigoureuse-
ment de la voix.
C'était la route de Rouvray-Saint-
Denis.
Martine et Georgœy s'empressèrent der-
rière lui.
— Téremtété ! s'écria Georgœy, le diable
de finaud a trouvé la piste. nous n'avons
plus qu'à le suivre, Trinka.
Trinka, c'était l'appellation familière
dont se servait Georgœy pour parler à
Martine.
Quant à Téremtété! qu'il prononçait
avec un accent tonitruant, en faisant vi-
goureusement rouler l'r, sonner l'm et cré-
piter la finale, c'était un juron national qui
signifie autant de choses dans la bouche
d'un Hongrois que goddam dans celle d'un
anglais.
— Nous allons bien voir, dit Martine,
s'il est sûr de lui.
Et l'ayant rappelé, elle le caressa, le
flatta et lui répéta, en lui rendant la li-
berté de ses mouvements :
— Christian est par ici, Phanor. Cher-
che ton ami Christian.
A quoi Phanor répondit par un aboi
tout à fait convaincu en se remettant à
trotter dans la même: direction et en se
retournant tous les vingt pas, avec un air
qui voulait dire; SuJ.YeJdiQ.iJ ef vous ^aatsz,
contents. -
Seulement, comme cette marche durait
depuis plusieurs heures, en pays décou-
vert, sous un soleil ardent, ainsi que nous
l'avons dit au début de ce chapitre, Pha-
nor tirait la langue, en regardant les fos-
sés à sec d'un œil mélancolique.
Tout à coup la route qui, presque insen-
siblement, s'était enfoncée en tranchée,
de plus en plus profonde entre les champs
qu'on traversait, tourna de gauche à droi-
te, et, au bout d'une descente rapide, ils
aperçurent des saules rabourgris, espacés
dans la plaine inférieure sur une ligne si-
nueuse, et qui indiquaient clairement un
cours d'eau.
Installée, au delà du ponceau qui fran-
chissait la rivière, dans l'axe de la route,
se trouvait une maison, isolée, peinte en
rouge, quelque cabaret borgne, sans dou-
te, à en juger par la branche de houx que,
de loin, l'on voyait se dressant, avec ses
rameaux jaunis, comme une enseigne, au-
dessus de la porte.
Phanor jappa joyeusement devant la
lampée prochaine.
— De l'eau pour se rafraîchir et une
maison, pour se renseigner, dit Martine.
— Pour se renseigner! hum ! hum ! fit
Georgœy, en se redressant et abritant ses
veux d'une main pour mieux voir, m'est
avis que nous n'avons rien à demander et
que Phanor est le meilleur des limiers.
- Comment cela ?
Km ^3^ ,ptlv.um.,-
madgyar, à côté de cette maison, il y a
un mur?
—■ Oui.
— Percé d'une porte charretière ?
— En effet, je vois la porte entre deux
peupliers.
— Eh bien. le mur est fort bas et on le do-
mine assez, d'où nous sommes, pour que
le regard passe par dessus le faîte.
r— Ah ! s écria Martine, avec un cri de
joie, qu'elle ne put contenir, c'est elle.
remisée. la guimbarde!.
— Bleue et blanche. Elle est un peu
plus élevée que le mur.
— Et l'on aperçoit la partie haute, la fe
nêtre aux volets noirs.
- Nos gens sont là.
— Là!. Et Christian?
— Lui aussi, sans doute.
Martine réfléchit une seconde :
— Oui, dit-elle, ils ne peuvent avoir eu
le temps de s'en séparer. A Sceaux, nous
étions en retard d'un jour, et nous avons
regagné les heures une à une. Ce matin
à AngervilIe, ils ne nous précédaient plus
que de quatre heures. et, s'ils se sont ar-
rêtés à cette maison rouge, c'est sans
doute que cette station isolée est un lieu
de rendez-vous donné. Nous arrivons a
l'heure opportune.
— Peut-être, répondit Georgœy, pas d'il..
lusion, ma fille. J'espère que le cner pri-
sonnier est encore avec eux, mais rien ne
le déJJ:w t i:anv t.
je CôB* qg J!i;qt} ëai$
MINISTRATIQN::.RÉDAGHON & AMONCES
A PARIS
IS — Rue Bieher — 19
Les articles non insérés ne seront pas rendus
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PARIS
TROIS IFOIS^ 5 FR.
SIX MOIS. 9 FR.
UN AN 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE
QUOTIDIEN .4.
UN NUMÉRO * 5 CENTIMES
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
TROIS MOIS. 6-FR.
SIX MOIS. 12 FR.
UN AN. 24 FR.
DIXIÈME ANNÉE. — NUMÉRP 3,353 *'
u ,juin jr
Samedi 26 Juin 1886
8 Messidor an 94
.A. UJOURD'HUI
EST MIS EN VENTE LE NUMÉRO 104 DU
SUPPLEMENT HEBDOMADAIRE
DE
La Lanterne
NUMÉRO DU 27 JUIN 1886
SOMMAIRE:
Chronique SÉRAPHIN.
Une inconséqaenee HONORÉ DE BALZAC.
Beau premier. RICHARD O'MONROY.
Tribunaux comiques JULES MOINAUX.
La Carte à payer. FRÉDÉRIC FEBVRE.
L'Esprit des autres. D. Cizos.
Le Castelou. AUGUSTIN LION.
La santé publique DR MARC.
Problèmes et Jeux d'esprit. Hix.
Feuilleton : Le Maître Coq ABEL ROCHERY.
Le Supplément hebdomadaire de
La Lanterne se vend 5 centimes chez
tous les libraires et marchands de journaux.
Le Projet de loi sur l'Armée
Nous parlions hier des transformations
politiques qui avaient eu lieu dans ces
dernières années et des réformes qui res-
taient à accomplir. Au premier rang, nous
mettrons celle qui aura pour conséquence
de supprimer le privilège dans l'armée, et
d'augmenter la sécurité de la nation tout
en diminuant ses charges.
Cette réforme, depuis si longtemps ré-
clamée, depuis si longtemps attendue, est
9n bonne voie, comme le prouve la ma-
nière dont le projet du général Boulanger
a été accueilli par les bureaux de la Cham-
bre.
En réalité, le service de trois ans a dé-
finitivement cause gagnée. Personne n'ose
plus parler du régime de cinq ans, encore
moins de sept ans. C'est là un fait acquis
pour la droite aussi bien que pour toutes
les nuances de la gauche.
Reste la difficulté : faire avec le service
de trois ans une armée plus solide que ne
l'est notre armée actuelle. L'expérience a
prouvé que ce problème n'était pas inso-
luble. Hél&s! c'est avec des soldats de
trois ans que les Allemands nous ont vain-
cus en 1870.
M. le général Boulanger, de l'avis de
presque tous les commissaires, a très heu-
reusement résolu la question. Ce projet
non seulement allège les charges de la
population civile, mais il augmente les
forces militaires. Ce n'est pas un simple
1 projet d'homme qui veut flatter certains
sentiments, certains courants d'opinion :
c'est le projet d'un général qui assume
sur lui la responsabilité de la défense et
de la sécurité nationale.
Voilà l'impression très nette qui s'est
dégagée des discussions des bureaux.
Ce projet considérable contient quatre
titres :
Le titre Ier traite des obligations militai-
res des citoyens et du recrutement .de l'ar-
mée ; le titre II, du rengagement des sous-
officiers ; le titre III, de l'organisation de
l'armée et de la constitution des cadres ;
le titre IV, de l'avancement.
On sait que les Facultés de Nancy et de
Paris ont protesté contre le service obli-
gatoire et égal pour tous. Chaque corps
pourrait faire une protestation analogue.
Si ce service entrave leur carrière scienti-
fique ou littéraire, croit-on qu'un horloger
ne perd pas quelque chose de son habileté
de main pendant le temps qu'il est as-
treint à manier des fusils ou des canons ?
Il est évident que si le service militaire
peut faire acquérir certaines qualités, il
en fait perdre d'autres. Si on pouvait sup-
primer l'armée, ce serait le mieux. Mal-
heureusement, nous n'en sommes pas là.
Nous sommes donc bien obligés d'en sup-
porter les inconvénients. Mais n'est-ce pas
la suite d'un déplorable esprit de privilège
qu'ils soient atténués dans certaines caté-
gories de citoyens, tandis qu'ils restent
dans leur intégralité pour les autres ; et
de même que l'eau va toujours à la ri*
vière, ce privilège allait à ceux qui étaient
déjà privilégiés par la fortune ou au moins
par l'éducation !
M. le général Boulanger ne nie pas les
obstacles que présente au développement
intellectuel le service militaire ; il les
tourne d'une manière fort habile, en lais-
sant aux jeunes gens pendant upe large
période de 17 à 25 ans, la faculté de choi-
sir le moment qui leur sera le plus avan-
tageux pour remplir leurs obligations mi-
litaires. De plus, il leur suffira d'acquérir
l'instruction militaire préparatoire pour
obtenir une réduction d'un an sur le temps
à passer sous les drapeaux. D'après l'expé-
rience des dernières années, à propos des
engagements conditionnels d'un an, le mi-
nistre de la guerre estime que le nombre
des sursis à accorder aux étudiants de
toute catégorie, ne dépassera pas 7 010.
Le projet de loi actuel modifie aussi les
dispositions relatives aux dispenses. La
proportion totale des dispenses à accor-
der aux aînés d'orphelins, fils aînés de
veuves, etc., et aux soutiens indispensa-
bles de famille, sera de 15 OiO. Toutes les
demandes de dispense seront déférées à
l'examen d'une commission communale
composée de cinq pères de famille, ayant
des fils sous les drapeaux. C'est sur l'avis
émis par ces commissions que le conseil
de revision statuera.
Le ministre de la guerre propose la
création d'une taxe de 0.06 par jour, dont
0.05 pour le gouvernement et un aux com-
munes, sur tous les jeunes gens en sursis,
les dispensés, les ajournés et les exemp-
tés. Le centime abandonné aux communes
imposerait à celle-ci la charge de fournir
des subsides aux familles des réservistes
nécessiteux appelés à l'activité.
Dans chaque canton, il y aurait des
exercices mensuels du dimanche pour les
hommes dispensés et en sursis. Les armes
seraient gardées par la gendarmerie ou
remises à la caserne.
Le projet de loi simplifie les formalités
pour les changements de domicile et sup-
prime les poursuites devant les tribunaut
à l'égard des hommes qui ne les remplis-
sent pas.
Le projet de loi s'occupe beaucoup des
avantages à donner aux sous-officiers. Il
est évident qu'il est indispensable de
créer des cadres solides ; mais il ne faut
pas se dissimuler que ces avantages enlè-
veront aux carrières civiles des hommes
fort utiles. C'est une question qui ne laisse
pas que d'être inquiétante pour notre in-
dustrie et notre commerce.
De profondes modifications sont appor-
tées dans le recrutement des officiers.
Tout aspirant officier devra commencer
par servir un an au moins dans un corps
de troupe. Saint-Cyr constituait un privi-
lège au profit des fils de la bourgeoisie
qui avaient pu se procurer l'enseignement
secondaire. Dans le nouveau système, il
sera remplacé par une école normale mi-
litaire, dont l'examen d'entrée comprendra
une partie pratique dont la cote sera as-
sez élevée pour permettre de compenser
par la valeur militaire les différences
d'instruction générale.
Tels sont quelques-uns des principaux
points du projet de loi.
On comprend qu'un projet ne comptant
pas moins de 232 articles, soulève une
foule de questions de détail. Nous espé-
rons que la commission ne s'y perdra pas,
afin qu'à force de vouloir en faire une œu-
vre parfaite, elle ne risque que d/en faire
une œuvre incohérente. Nous espérons
qu'elle aura la volonté d'aboutir rapide-
ment et que, tenant compte des grandes
lignes du projet, elle les suivra, sans s'é-
garer dans des discussions secondaires.
Le pays attend cette loi. Le devoir de
la chambre des députés est de la faire le
plus tôt possible. La commission ne doit
pas perdre de vue cet objectif. Elle ne
doit pas se laisser égarer par des consi-
dérations seeondaires. Elle doit se mettre
en quelque sorte des œillères pour aller
tout droit au but et ne das se livrer à des
disgressions plus ou moins importantes et
plus ou moins fantaisistes.
Quand on reproche aux Chambres de rie
pas aboutir assez vite, ce n'est pas tou-
jours la faute du régime parlementaire
lui-même: c'est souvent plutôt la faute de
ceux qui manient l'outil que de l'outil. La
commission ne se compose pas moins de
trente-trois membres ; espérons qu'ils se-
ront aussi assidus que nombreux, ce qui
est l'exception.
——————— » ———————
LE COMTE DE PARIS
, !
SON DEPART. - SON MANIFESTE
A Eu
La réception publique a commencé vorst
onze heures. Quinze cents à deux mille per-*
sonnes ont défilé devant le comte de Paris-,
dans le grand salon de réception du château;
à côté de lui étaient la comtesse de Paris,
son fils et lé duc de Chartres. Leduc -d'A-u--
male se tient à quelques pas.
Le comte de Paris serre la main à tout le
monde. Beaucoup d'habitants de la ville et
des environs sont venus assister au défilé ;
mais la foule s'écoule avec la plus grande in-
différence et sans proférer le moindre cri.
Cent vingt députés et cinquante sénateurs
de la droite environ ont été reçus par le comte
de Paris dans la salle de Guise.
Le mauvais temps a disparu ; et c'est, par
un soleil magnifique — rien de celui de M.
Hervé — que les princes bouclent leurs
malles.
A huit heures quarante, M. Levaillant, di-
recteur de la sûreté, et M. Bévérini-Vico, se-
crétaire général de la Seine-Inférieure, sont
arrivés.
Ils ont fait demander une entrevue au comte
de Paris. C'est M. d'Haussonville qui les a
reçus,
Ces messieurs déclarent qu'ils 'sont venus
notifier au comte de Paris le décret d'expul-
sion qui le frappe. M. d'Haussonville répond
que le comte de Paris en a eu connaissance,
qu'il s'incline et partira à trois heures.
M. Levaillant ajoute que le gouvernement
croit devoir prévenir officieusement les amis
du comte de Paris que, dans le cas où la
moindre cri séditieux serait proféré, les fau-
teurs de désordre seraient immédiatement ari
rêtés.
Ils ont ensuite quitté le château.
Les troupes
Un bataillon du 248 de ligne, en garnison à
Dieppe, sous la conduite d'un commandant et
de quatre capitaines, Cent hommes sont à Eu
et cent au Tréport.
De Rouen, on a fait venir cinquante gen"
darmes, sous les ordres d'un chef de bataili
Ion.
Le départ
A deux heures, le comte, la comtesse, le
duc d'Orléans et le duc de Chartres, sont mon*
tés en voiture.
Leur suite a pris place dans huit voitures.
A la sortie du château, trois cents personnes
à peine attendaient les expulsés. Pas un cri,
sur la route des Tréport, personne. ;
La manifestation organisée au Tréport n'a
pas mieux réussie qu à Eu. Sur cinq mille
personnes présentes, plus des trois quarts
sont là en curieux.
Lorsque le comte est monté en bateau, quel-
ques cris timides de : Vive le roi! ont été
poussés. On y a répondu par les cris répétés
de : Vive la République ! Quelques royalistes
ont ajouté : Vive le comte de Paris. ':
A deux heures et demie, au moment où 16
bateau a démaré, quelque femmes agitent leur
mouchoir. M. Hervé pleure et déchire, avec
rage, son mouchoir avec les dents, ce ,qui a
soulevé des rires.
Les curés des environs ont accompagné le
comte de Paris, entre autres l'aumônier du
collège. On remarque un bénédictin gras et
gros. -
Un matelot ayant crié : Vive la République!
a été insulté par un jeune hobereau ; mais il
a vivement battu en retraite, lorsque le maria
l'a menacé de lui tirer les oreilles.
On n'a aucune arrestation à signaler.
Après le départ
La foule s'est écoulée dès que le bateau a
été sorti du port.
FEUILLETON DU 26 JUIN 1886
42
CHAIR FRAICHE
GRAND ROMAN INÉDIT
PAR
M. MAURICE DRACK.
PREMIÈRE PARTIE
L'ABBAYE DE LA FLEMME
il
Téremtété
(SUITH)
Quand il entendit le mot : « cherche. »,
Il regarda Martine avec étonnement, en
tournant sur lui-même d'un air inquiet.
— Cherche Christian,, répéta Martine
avec autorité.
Alors il aboya en grondant et comme
pour prouver sa bonne volonté il se mit à
tourner en cercle dans le carrefour en trot-
tant le nez à terre.
Il avait commencé d'abord en faisant
un circuit très rapproché de sa maîtresse,
puis il alla élargissant ses voies, jusqu'à
frôler les talus du croisement des routes.
Tout à COYlh son grognement se modi-
fia, il poussa un jappement de satisfac-
tion, puis il s'élança dans le chemin qui
lui faisait face, en donnant vigoureuse-
ment de la voix.
C'était la route de Rouvray-Saint-
Denis.
Martine et Georgœy s'empressèrent der-
rière lui.
— Téremtété ! s'écria Georgœy, le diable
de finaud a trouvé la piste. nous n'avons
plus qu'à le suivre, Trinka.
Trinka, c'était l'appellation familière
dont se servait Georgœy pour parler à
Martine.
Quant à Téremtété! qu'il prononçait
avec un accent tonitruant, en faisant vi-
goureusement rouler l'r, sonner l'm et cré-
piter la finale, c'était un juron national qui
signifie autant de choses dans la bouche
d'un Hongrois que goddam dans celle d'un
anglais.
— Nous allons bien voir, dit Martine,
s'il est sûr de lui.
Et l'ayant rappelé, elle le caressa, le
flatta et lui répéta, en lui rendant la li-
berté de ses mouvements :
— Christian est par ici, Phanor. Cher-
che ton ami Christian.
A quoi Phanor répondit par un aboi
tout à fait convaincu en se remettant à
trotter dans la même: direction et en se
retournant tous les vingt pas, avec un air
qui voulait dire; SuJ.YeJdiQ.iJ ef vous ^aatsz,
contents. -
Seulement, comme cette marche durait
depuis plusieurs heures, en pays décou-
vert, sous un soleil ardent, ainsi que nous
l'avons dit au début de ce chapitre, Pha-
nor tirait la langue, en regardant les fos-
sés à sec d'un œil mélancolique.
Tout à coup la route qui, presque insen-
siblement, s'était enfoncée en tranchée,
de plus en plus profonde entre les champs
qu'on traversait, tourna de gauche à droi-
te, et, au bout d'une descente rapide, ils
aperçurent des saules rabourgris, espacés
dans la plaine inférieure sur une ligne si-
nueuse, et qui indiquaient clairement un
cours d'eau.
Installée, au delà du ponceau qui fran-
chissait la rivière, dans l'axe de la route,
se trouvait une maison, isolée, peinte en
rouge, quelque cabaret borgne, sans dou-
te, à en juger par la branche de houx que,
de loin, l'on voyait se dressant, avec ses
rameaux jaunis, comme une enseigne, au-
dessus de la porte.
Phanor jappa joyeusement devant la
lampée prochaine.
— De l'eau pour se rafraîchir et une
maison, pour se renseigner, dit Martine.
— Pour se renseigner! hum ! hum ! fit
Georgœy, en se redressant et abritant ses
veux d'une main pour mieux voir, m'est
avis que nous n'avons rien à demander et
que Phanor est le meilleur des limiers.
- Comment cela ?
Km ^3^ ,ptlv.um.,-
madgyar, à côté de cette maison, il y a
un mur?
—■ Oui.
— Percé d'une porte charretière ?
— En effet, je vois la porte entre deux
peupliers.
— Eh bien. le mur est fort bas et on le do-
mine assez, d'où nous sommes, pour que
le regard passe par dessus le faîte.
r— Ah ! s écria Martine, avec un cri de
joie, qu'elle ne put contenir, c'est elle.
remisée. la guimbarde!.
— Bleue et blanche. Elle est un peu
plus élevée que le mur.
— Et l'on aperçoit la partie haute, la fe
nêtre aux volets noirs.
- Nos gens sont là.
— Là!. Et Christian?
— Lui aussi, sans doute.
Martine réfléchit une seconde :
— Oui, dit-elle, ils ne peuvent avoir eu
le temps de s'en séparer. A Sceaux, nous
étions en retard d'un jour, et nous avons
regagné les heures une à une. Ce matin
à AngervilIe, ils ne nous précédaient plus
que de quatre heures. et, s'ils se sont ar-
rêtés à cette maison rouge, c'est sans
doute que cette station isolée est un lieu
de rendez-vous donné. Nous arrivons a
l'heure opportune.
— Peut-être, répondit Georgœy, pas d'il..
lusion, ma fille. J'espère que le cner pri-
sonnier est encore avec eux, mais rien ne
le déJJ:w t i:anv t.
je CôB* qg J!i;qt} ëai$
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