Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1914-04-23
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 avril 1914 23 avril 1914
Description : 1914/04/23 (N18576,A36). 1914/04/23 (N18576,A36).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/10/2012
GlU BLXS — 4 —.
JEUDI 23 AVRIL 1914. -
o. Le Monde
la PARI ■
A PARIS
- La princesse de la Tour d'Auvergne,
née Pleumartin, a donné hier après-midi,
dans son hôtel, du boulevard des Invalides,
nui thé fort élégant.
Parmi les invités :
L'ambassadeur d'Italie, comtesse Alfred de
la Rocnafoucauld, comtesse Gudin, générale Zur-
iinden, marquise de Gabriac, comte Fleury, niar-
quise de Sassenay. comtesse de Ruillé, marquise
4 Bérulle, baronne Marochetti, comtesse de
Pleumartin. baronne 'Brin, Mme d'Espaigne,
comtesse d'Andlau, marquise de Valori, du-
chesse de la Roche Guy on, comtesse Sala, Mme
Férdinant Blumentfiâl, vicomtesse Molitor,
prince Henri de Broglie, comte de Sou-
za Roza, Mine Maurice Mieulle, comtes-
se de Bérulle, comtesse de Villeneuve-Barge-
mont, marquis de LaJborde, comte E. de Ga-
ibriac, Miss Fanny Reed, M. Saint-Hilaire. M.
Raymond Constant, etc.
— Le prince Georges de Saxe, qui vient
de faire un assez long séjouir à Cannes, a
traversé Paris hier, se rendant à Dresde.
— La baronne David Leonino, qui vient de
passer une quinzaine de jours sur la Côte
d'Azur, est de retour à Paris. Elle reprendra
la semaine prochaine ses réceptions hebdoma-
daires du vendredi.
— Les 6 et 23 mai, boston et bridge de 4 à
8 heures chez Mme de Salas.
— Thé dansant fort élégant, avant-hier,
chez Mme Rutherfprd-Stuyvesant qui avait
parmi ses invités :
Prince Antoine d'Orléans Bragance, prince "t
princesses de Poggio-Suasa, Mme de Polia.-
koff. marquise de Tatleyrand-Périgord, maraul.
se et Mlle de Pracomtal. comtesse de la Riboisiè-
l'e. comte et comtesse Albert, Bruneel, Mme Fré-
déric Bell, comtesse B. de Gontaut-Biron, le ba-
ron Ri (ter, ministre de Bavière : Mme et Mlle
Marcelin Singer. Mme et Mlle de Seynes, com-
tesse Lionel de Montesqu'ou, prince F. Ruspoli,
M. Raymond Constant. etc.
— La duchesse 'd'Uzès douairière a quitté
;on château de Bonnettes pour se réinstal-
ter définitivement à Paris.
— Aujourd'hui jeudi, à neuf heures' et
quart, au Cercle Artistique et Littéraire, soi-
rée musicale.
Au programme, des œuvres de Schubert,
Grieg. Duparc, Mozart, Offenbach et Emma-
luel Moor.
Hors Paris
— Le gouvernement de la République
française, en reconnaissance de "hommage
qui a été rendu à la mémoire de Massenet,
vient d'offrir à S. A. S. le Prince de Monaco
un magnifique surtout de table, provenant
des ateliers de la manufacture nationale de
Sèvres.
M. Robine. attache au cabinet du ministre
dt l'instruction publique et des beaux-arts,
est allé à Monaco pour remettre ce présent
an Prince. ",'
- Le roi Albert de Belgique fait actuelle-
ment en France un. voyage dans le plus strict
incognito. Après avoir visité le musée de
Lille, il se propose de visiter ceux du Havre
»t de Rouen.
— Une fête de charité a eu lieu à Rome
sous le patronage de Mmes Barrère, la mar-
quise Visconti-Venosta, les princesses Chigi
et Doria. «
Au. cours de cette fête, Mlle Chaptal a fait
une conférence en français sur la femme et
l'hygiène sociale, devant une nombreuse assis-
tance.
Mariages
- En l'église Saint-Pierre du Gaôs-Caillou,
a été célébré hier le mariage de M. Jules Pi-
chon, capitaine d'infanterie breveté, attaché
à la légation de France à Bucarest, fils de M.
Pichon, sénateur du Finistère et de madame,
née Corard avec Mlle Elisabeth Boissonnet,
fille du lieutenant-colonel Boissonnet, du sa,.
dre de réserve.
- Jeudi dernier, en la cathédrale de Reims,
a-été célébré le mariage de M. Pierre Guer-
l'et, secrëtaire, d'ambassade, fils de M. Vic-
tor Gucrlet, ancien consul général de Fran-
ce, conseiller référendaire à la Cour des
comptes', chevalier de la Légion d'honneur,
et de madame, née Dauphinot, petit-fils de
M. Simon Dauphinot, ancien maire de Reims,
ancien sénateur de la Marne, avec Mlle Ger-
maine Prévost, fille de M. André Prévost et
le madame, née Balourdet.
— Lundi prochain, 27 avril, sera célébré
en l'église Saint-Pierre de Chaillot le mariage
de M. Jacques Papin, officier de haras, fils
de M. Robert Papin, président de la Société
Spoi'tive d'Encouragemen.t, et de madame,
née Baillie, avec Mlle Marcelle Luc, fille
ie M. et Mme Albert Luc.
Nécrologie
- La baronne de Vaughan vient de perdre
son plus jeune fils, décédé à Paris, à l'âge
de ?ix ans et demi. La cérémonie religieuse
aura lieu aujourd'hui jeudi, à 10 heures pré-
ises, en l'église Saint-Philippe du Roule.
— On annonce la mort de M. André De-
laroch-Verne-t, frère de MM. Horace Dela-
rocheNVèrnet, ministre de France à Cettigné,
et Philippe Del'aroche-Vernet, député de la
Loire-Inférieure. -
Ses' obsèques auront lieu ce matin, à dix
heures, en l'église Saint-François-Xavier.
Gabriel de Tanville.
~'*
~-~RÈME DE BEAUTÉ CO
~- tf*'% Rend la peau doucetJH
frai ch et parfuméeXil
CRÈMF- - OàrÛ
Les Lettres
UN PRECURSEUR DE L'ENTENTE
La haine est, le pain des peuples : il leur
faut toujours la pature d'un ennemi hérédi-
taire. Longtemps, chez nous, ce fut l'An-
glais. Qui s'en douterait aujourd'hui?
Sur la fin de l'antépénultième siècle, au
moment de l'intervention française en fa-
veur de l'indépendance américaine, cette
phobie s 'exaspéra, chez les deux peuples,
jusqu'à un degré très voisin de la folie.
Aux yeux d'un Français, l'Angleterre et
les Anglais étaient le comble du burlesque.
En ce temps-là, les marchandes de quatre-
saisons promenaient leurs éventaires de poi-
res, en glapissant : a A trois pour un liard,
les Anglais ! »
Et la marquise, dans son salon doré; dé-
clarait, - après M. de Rivarol :
— Ces Anglais ont deux bras gauches,
Le marquis faisait le renchéri.
>—' Londres, goguenardait-il, c'est la Sol-
fatare du Nord. Prenez de la vapeur de
charbon, la plus noire qu'il se pourra. Dé-
layez-la dans du bon brouillard et avalez à
grande dose, tant que la journée durera. Et
vous aurez l'agréable régime des Londoniens.
Bien entendu, les gens d'outre-M.anche ne
demeuraient pas manchots dans cette guerre
de sarcasmes. Sur leurs théâtres, le Fran-
çais, escroc, écervelé et mangeur de gre-
nouilles, mettait en joie toute la canaille du
parterre.
Il se rencontra, pourtant, dans ces temps
de folie, un homme de bon sens qui pré-
vit, cent ans en çà, l'heureuse et bienfaisante
Entente Cordiale des deux grands- peuples.
Voici la page, vraiment prophétique, qu'écri-
vait Sébastien Mercier, à la veille de la Ré-
volution française, et de toute la boucherie
jacobine et impériale :
« L'esprit philosophique, qui envisage
tou jours la gloire de l'espèce humaine avant
celle d'une nation particulière, prenant un
juste milieu - entre l'orgueil national de ces
deux peuples, a balancé plus d'une fois les
avantages et les inconvénients, mais sans
vouloir déterminer à qui appartient la
prééminence. Il les a invités sagement à pro-
fiter de l'échange de leurs idées; commerce
digne d'eux, et fait pour les élever à la vraie
grandeur, qui ne germe point sur le sol san-
glant des batailles.
Cet esprit de sagesse et de prévoyance
pourrait aller plus loin dans son essor. Il
pourrait annoncer, d'une manière non équi-
voque, la possibilité d'une alliance neuve,
prochaine, constante, et singulièrement avan-
tajgeuse pour ces deux peuples; alliance qui
ne sera regardée comme une chimère que par
le vulgaire des politiques, servilement atta-
chés au vieux protocole des pTùs funestes
idées
Ces politiques à vue courte n'aperçoivent
pas que tout s'éclaire, que tout change au-
tour d'eux, et que le progrès des lumières
nécessite aujourd'hui l'union la plus utile et
la plus convenable.
Quand le philosophe lit l'Histoire, il est
aisément convaincu que les nations ont fait,
jusqu'ici à peu près le contraire de ce qu'el-
les auraient dû faire.
Si l'Anglais et le Français, par un plus
fréquent commerce et par l'épreuve mutuelle
de leur caractère, pouvaient affaiblir cette
ancienne jalousie qui les a aveuglés jusqu'ici
sur leurs vrais intérêts ; s'ils voulaient respi-
rer dans une concorde parfaite et dans l'ou-
bli de toute disparité d'opinion, ils senti-
raient bientôt que leur antipathie tftest ni
fondée ni réelle; qu'elle peut s évanouir
aisément, et qu'ils sont plutôt nés pour mê-
ler et accroître leurs lumières, et, s'il faut se
permettre l'expression, pour jouir de leur su-
périorité naturelle sur les autres nations de
l'Europe.
Cette alliance, si plausible aux yeux du
philosophe, et secrètement désirée par quel-
ques politiques à vue profonde et élevée, ver-
serait des deux côtés l'instruction, l'abon-
dance et l'exemple salutaire des plus heu-
reuses innovations. »
Mais qui prit au sérieux, alors, les vœux
judicieux du bonhomme Mercier? On le
croyait compétentement fol.
Pour le plus grand bien des soi-disant
sages, lentement l'avenir réalise les rêves des
fous.
J.-J. B.
————— —————
Le 104e,anniversaire d Hégésippe Moreau.
- Le Comité d'Hégésippe Moreau donnera
ce soir, à huit. heures et demie, en la salle
des Concerts du Conservatoire, la fête du,
104e anniversaire du poète.
Des artistes de l'Opéra, de la Comédie-
Française, de l'Opéra-Comique, de l'Odéon
et des principaux théâtres de Paris, ainsi
qufc de nombreux chansonniers et composi-
teurs, prêteront gracieusement leur con-
cours à cette fête donnée sous la présidence
du poète-chansonnier Edmond Teulet'.
Conférences. - A quatre heures et quart,
à la Sorbonne, amphithéâtre Richelieu, M.
Marcel Dubois fera une conférence sur la
géographie coloniale.
Au Collège de France, salle 4, à cinq heu-
res, M. Babelon parlera sur la numisma-
tique du Péloponèse. — Salle 5, à quatre)
heures et demie, M. Marion parlera de
l'histoire financière de te France sous
Louis XIV. — A dix haures et demie, M.
Georges Lafenestre fera une conférence sur
les traditions et la nature, l'imagination et
la pensée dans les arts de la Renaissance
italienne.
Les Uns.
Les Arts 1
EXPOSITION ALCIDE LE BEAU
Allez, je vous prie, à la .galerie Louis-le-
Grand (32, rue Louisde-Grand). Il y a là,
présentée tout simplement, et sans que les
trompettes de la publicité aient retenti, une
exposition dé premier ordre, un des ensem-
bles les plus harmonieux que j'aie vus de-
puis fort longtemps.
Ce sont les trente-deux toiles qu'Alcide
Le Beau a composées sur les thèmes essen-
tiels des drames de Wagner : Or du Rhin,
Valküre, Siegfried, Crépuscule et Parsifal.
L'entreprise était dangereuse. Combien
d'autres, gênés par le formidable inspirateur,
eussent été des commentateurs littéraires; ou
bien, tel jadis M. Marcius Simmons, se. se-
raient perdus dans le dédale de la symbo-
lique wagnérienne. Un autre péril était en-
core de nous montrer des maquettes d'opéra.
Le Beau a compris que le meilleur hom-
mage à rendre à Wagner était de le célébrer
en peintre. Ses toiles sont imprégnées, satu-
rées de l'esprit de la Tétralogie. Mais au-
cune littérature n'y prédomine. Elles sont
d'abord et surtout des transpositions plasti-
ques. On y respire un souffle de nature qui
fait de ces compositions, wagnèriennes au
premier chef, des paysages tendres ou pa-
thétiques, dus à la sensibilité d'un vrai co-
loristë.
Analogiquement, Alcide Le Beau use du
leit-motiv. Considérez, par exemple, sa sérié
du Rhin. Le fleuve majestueux, dans un dé-
cor de rochers. Il est tour à tour joyeux,
perfide; endormi, irrité, en sang, en or, en
feu. Vous n'y verrez point les corps des
ondines s'ébattant dans les flots. Mais, à re-
garder la toile si expressive, il semble que
vous perceviez le bruissement câl'in du divin
trio.
De même, voyez les toiles qui évoquent i-l
Chanson du printemps, l'Incantation du feu,
la Chevauchée. Pas de personnages plastron-
nant sur la scène, - de grosse dame casquée,
de chevaux de bois emballés. Tout l'artifice
du cabotinage est rejeté de ces œuvres d'un
artiste pur. De ces trois tableaux, le premier
est une lumière où frissonne l'aube de la .-
vie ; tout y est jeunesse, innocence, foi
joyeuse; 1 Incantation est un tourbillon de-
nuées sauvages. Et ces évocations sont cent
fois s vraies que toutes les précisions, ac-
cessoires, mannequins, etc. -..-
Le Beau transpose et suggere; pace qu'il,
a senti et aimé profondément l'oeuvre du gé-
nial musicien. Ses séries sont des « harmo-
nies ». Il est malaise de les juger f¥gmen-
tairement, de les isoler. Il serait à souhaiter
qu'un Mécène (mais, hélas ! la race s'en
perd, remplacée par celle des spéculateurs)
acquît toute la série. Elle vaut par la conti
nuité, par l'unité de l'ensemble. Elle est di-
gne de l'artiste penseur, indépendant et fier,
que je connais et admire depuis douze ans,
et qui, en sa solitude féconde, l'a menée à
bien. Le Beau a fait preuve d'une compré-
hension profonde du panthéisme et du ly-
risme de Richard Wagner. Il 'lui a erjgé un
admirable monument, et, du coup, a conquis,
lui aussi, sa place au Walhala.
La vérité m'oblige à dire qu'auprès de
cet ensemble superbe, l'art de M. Sinet,\qui
expose à la galerie Louis-le-Grand d'agréa-
bles sites et natures-mortes, paraît un peu
menu. Mais il faut louer sa fort honorable
probité.
Louis Vauxcelles.
A r».<
Vernissage. — Aujourd'hui aura lieu, au
Pavillon de Marsan, le vernissage de l'Ex-
position dies Arts décoratifs de Grande-Bre-
tagne et d'Irlande. Leurs Majestés le roi et
la reine d'Angleterre visiteront' l'exposition
dans la matinée.
Les portraits au Salon. — Signalons,
avant 1 ouverture diu Salon des Artistes
Français dont le vernissage est fixé à jeudi
prochain, de nombreux portraits : de M.
Santos-Dumont., par M. Flameng ; de Nos
Eclaireuses (Mlle Hélène Dutrieu, Mme
Lucie Delarue - Mardrus, Mme H. Roche-
fort, M0 Grum'berg et Dr Roussel), par Mme
Beaury-Saurel ; de M. Baffier, par M. Jo-
ron ; de M. Maurice Donnay, par M. Bas-
chct ; du violoniste Boucherit, par M. Wal-
hain ; du président des Etats-Unis, par M.
Dubé ; du graveur Dievambez, par son fils,;
M. André Devambez ; enfin celui de M.,
Bonnat, entouré de ses élèves, par M. Zo,
et celui de Mme Jean-Paul Laurens, par
M. Pierre Lsurens. ;
«( Elles )). T L'excellent artiste qu'est
M. Gaspard-Maillot réunira ibientôt, en un
album préfacé par notre confrère M. Paul
Sentenac, la série de gravures qu'il expose
actuellement.. ,
Cet album, intitulé : Élles, constituera lei
premier volume d une série d'ouvrages de
même ordre qui résumeront en leur ensem-
ble les gestes et les mouvements de la fem-
me dans la vie.
Il sera imprimé sur le papier inventé par
Aristide et Gaspard-Mail]ol, de la: fabriquo
du comte de Kessler, au hameau de Mont-
val (près Marly) et fabriqué par Gaspard-
Maillol lui-même.
INFORMATIONS
Aujourd hui :
Salon de la Société Nationale des Beaux-
Arts, Grand Palais (avenue d'Antin).
Salon des Indépendants, avenue La-Bour-
donnais.
Exposition des Arts décoratifs de Grande-
Bretagne et d'Irlande (pavillon de Marsan,
rue de Rivoli).
Galerie Montaigne. — Exposition Hans
Ekégardh.
Galerie Georges Petit. — La Société Nou-
velle.
Galerie Devambez (43, boulevard Maies-
herbes). « L'Acanthe ». :
Galerie Max Rodrigues (172, rue du Fau-
bourg-Saint-Honoré). — Exposition William
Muller et Georges de Traz. .-
Galeries M. Stora et Cie (32 bis. boule-
vard Haussmann). — Moyen âge et Re-
naissance. - Faïences italiennes et his*
pano-mauresques.
Galerie Demotte (29, rue de Berri). -
Moyen âge et Orient.
Galerie Reitlinger (12, rue de la Boétie). -
Société « Estampes et Dessins ».
Galerie Blot (11. rue Richepance). — Ex-
position permanente de tableaux moder-
nes.
Galerie Levesque (109, faubourg Saint-
Honoré). — Exposition Roger de La Fres-
naye.
Worch (11, rue Bleue). — Antiquités de la
Chine, Bronzes, Poteries, Peintures ancien-
nes, Tapis, Laqués de Coromandel.'
Galerie Grandhomtne (40, rue des Saints-
Pères)., — Exposition de Dessins. Louise
Hervieu, B. Naudin, Forain, etc., etc.
Galerie Paul Rosenberg (21, rue La Boé-
tie). — Exposition Louis Chariot.
Galerie Louis-le-Grand (32, rue Louis-le-
Grand); — Exposition Alcide le Beau et
Sinet.
Galerie Milton (20, ruè Milton). — Ta-
bleaux modernes, dessins, gravures, objets
d'art.
Exposition Pierre Ladureau. — Nous ver-
rons prochainement à la galerie Loren-
ceau, rue La-Boëtie, une exposition de M.
Pierre Ladureau, le jeune artiste que noua
avons pu remarquer aux Indépendants.
L'ensemble, composé en majeure partie de
marines, réunira des œuvres d'une délica-
tesse de sentiment qu'il convient de louer
sans détours.
Les Autres.
——-—— —————
La Curiosité
Les cabinets secrets de l'Histoire
Le docteur Cabanes fait école et les com-
missaires-prise ur s ne respectent -rien. Hier
après-midi, on a jugé. à l'Hôtel Drouot la
Chaise percée de Napoléon III, lamentable
souvenir de Sedan, authentifié par une de--
mi-douzaine de pièces notariées ainsi que
par une inscription gravée": Mobilier dé la
Couronne - *
Ce meuble tout intime a été adjugé 152
francs, à un acheteur anonyme qu'on nous
a dit être le général Thômassin: - -
- -- , Seymour. de. Ricci.
> Aujourd'hui :
GALERIE GEORGES PETIT. — Collection Paul
Delaroff (première vente). Tableaux an-
ciens, du quinzième au dix-huitième siècles.
Me" Lair-Dubreuil et Doublot, commissaires-
priseurs ; M. G. Sortais, expert.
A L'HÔTEL DROUOT. — Saille 1. — Porce-
laines de la Chine et du Japon, faïences,
tenture époque Louis XVI, provenant du
château de Gaibach. Me Henri Baudoin,
commissaire-priseur ; MM. Mannheim, ex-
perts.
Une nouvelle candidate
à l'Odéon
Mme Anna Thibaud pose sa candidature à la
direction de l'Odéon. Voici la spirituelle lettre
que la charmante divette adressa hiierau mi-
nistrè de l'instruction publique et des beaux.
art-s.
A Monsieur le Ministre de l'ins-
truction publique et des beaux-
arts. ;
Monsieur le Ministre,
Depuis la retraite de M. Antoine une foule
de postulants se ruent à l'assaut de l'Odéon,
au risque de renverser cette institution déjà
chancelante. Aucun candidat, semble-t-il,
n'apporte un programme bien nouveau, sus-
ceptible de faire vivre le second théâtre
français. On n'a pas assez sous les yeux
ce fait capital : L'Odéon est mort d'ennui.
Or, que propose-t-on ? Continuer les an-
ciens errements. Moi, je propose La Gaîté-
Voilà ce qu'il faut à l'Odéon !
Ne devrait-on pas, rue de Vaugirard, fai-
re revivre le vieux vaudeville de la prose
entremêléé de couplets ? Je n'hésiterais pas,
moi directrice, à payer de ma personne.
Pour les acteurs, ie ferai ce que M. An-
toine n'a pa osé faire, timidement il en-
gageait par el par là un chanteur de café-
concert ; ma troupe serait uniquement com-
posée de ces artistes, plus gais, plus fantai-
sistes que les élèves du Conservatoire, sou-
vent gourmés par une tradition désuète et
si parfois je me laissais entraîner, pour
quelque centenairè glorieux, à mettre sur
l'affiche une œuvre de nos grands classi-
ques, rien ne m'empêcherait d'engager à la
représentation un véritable tragédien. Je
me suis assuré le concours gratuit d'un lec-
teur. M. de Montgond, critique dramatique
du Charivari, dont la. consigne serait d'é-
carter impitoyablement les manuscrits tris-
tes. Je voudrais que l'on pût enfin dire :
J'ai bien ri à l'Odéon.
Je crois que ce programme a tout au
moins le mérite de la nouveauté, et c'est
pourquoi je le soumets avec confiance à
votre haute appréciation.
- Agréez, Monsieur le Ministre, l'expression
de ma haute considération.
ANNA THIBAUD.
Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée de soixante centimes en
timbres-poste.
Le Théâtre
'F !!:IIn -.-
Représentation ,-
Mathias-Morhardt à Genève
(De notre envoyé spécial)
La « Mort du Roi M, pièce en 3 actes
Genève, 21 avril. — Les représenta-
tions du Cycle Morhardt se sont conti-
nuées par là reprise de la Mort du Roi,
la plus belle des trois pièces inédites
créées à Genève l'an. dernier et qui ava.it:
remporté un éclatant suiccès. L'inter-
iprétation< magnifique du principal rôle,
celui du Roi, par M. Le Gall, du théâ-
tre Sarah-Bernhardt, en avait, alors, as-
suré le triomphe. Il s'agissait de savoir
si, avec une nouvelle distribution, la
pièce n'en subirait pas quelque dimi-
nution. L'œuvre de M. Mathias
Morhardt a victorieusement soutenu
cette éprouve. L'éclat n'en a pas paru
moindre ; l'impression de majestueuse
beauté Qu'elle avait produite s'est re-
trouvée hier soir tout entière.
Nous pouvons incontestablement re-
connaître maintenant dans la Mort du
Roii un ouvrage admirable, d'une su-
perbe alïure artistique, de grand style
et d'une profonde émotion dramatique.
Après la double expérience de Genève,
sa représentation à Paris noms paraît
devoir s'imposer et. pour peu .- que la
future direction de rodéon veuille pren-
dre quelque souci des intérêts de l'art,
ir serait hautement désirable que son
attention, se portât sur l'œuvre si re-
marquable de notre confrère du Temps.
C'est de l'histoire et de la personna-
lité tragiques de Louis II de. Bavière que
M. Morhardt s'est inspiré dans .M Mort,
du Roi. Cet Hamlet couronné esl-H fou,
n'èst-il pas fou ? Est-ce un dément ou
serait-ce un surhomme, c'est ce qu'on
ne sait pas. En tout cas, sa folie parait
plus sage, son extravagance est plus
noble que le sens pratique et la politi-
que raisonnable de ses ministres. Ce
souverain exceptionnel est animé de la
conception étran se que la seule chose
pour laquelle il vaille de régner et
d'exercer le pouvoir suprême est le dé-
veloppement de la beauté dans le mon-
de. II a la chance extraordinaire d'avoir
dans son royaume un homme de gé-
nie : toutes, les ressources du trésor
royal, celles du pays, doivent être mises
à sa disposition pour serviir à l'exalta-
tion de l'art. Car, au bout de quelques
siècles, que reste-t-il de toute l'activité
d'une époque dans la mémoire des hom-
mes, sinon l'œuvre d'art seu'l? ?
Le buste •
Survit à la cité.
Cet homme de génie n'est pas un mu-
sicien, ce n'est pas un Wagner ; Mor-
hardt l'a transposé et en a fait un sculp-
teur, dans Iéquel des- traits nombreux
et de superbes théories esthétiques font
reconnaître le grand Rodin, et ce n'est
pas là l'aspect le moins curieux de la
pièce.
--C,'-e-st dans le conflit avec les minis-
tres, les conseillers, les médecins, qui
tous sont aissurés que le Roi ■ et fou et
que la raison ,d",Etat. commande de le
faire enfermer poifr le mettre hors de
pouvoir nuire au bien public, que ré-
side le drame. Il est poignet et se dé-
veloppe avec une noblesse de lignes,
une hauteur de pensée qui agissent vi-
vement sur le spectateur. Il se dénoue
tragiquement par la mort du Roi idéa-
liste, entraînant aVfC ,lui, dans l'abîme
du lac du parc royal, le médecin qui
prétend se saisir de lui. C'est très beau.
M. Paul Baumé, dans J'admirable rôle
Roi ; M. Marnay, dans celui du sta-
tuaire Fenerstrom ; MM. Charny, Gau-
thier, Fleurant et Mme Gélia Clairnet
dans les autres personnagesprincipa.ux,
sous l'intelligente direction de M. Mi-
chel Chabance, ont donné, du drame de
M. Morhardt, une excellente interoréta-
tion.
Louis Dumur.
Avant-premières
Au théâtre du VieuxColombier, M. Copeau
apporte ses derniers soins à « l'Eau-
de-Vie » de M. Ghéon
M. Henri Ghéon, qui va nous offrir l'Eau-
de-Vie, au Vieux-Colombier, nous a déjà
donné le Pain, il y a deux ans, au théâtre)
des Arts. Le curieux mélange d'idéalisme,
et de réalisme qui caractérise les œuvres
de cet écrivain se manifeste ainsi dès le ti-
tre, dont le cens matériel exprime facile-
ment une pensée d'ordre général. Il faut re-
connaître d'ailleurs qu'en deux pièces, il
aura épuisé les aliments essentiels de nos
populations civilisées.
On sait que sans négliger le côté social
de son sujet, M. Ghéon s'attache surtout à
en dégager le drame intime et, en quelque
sorte, sympathique, qu'il traite en poète,
stylisant, pour ainsi dire, les détails d'ob-
servation directe qui meublent son action,
entourant ses protagonistes '¡d'un chœur personnages de second plan, dont les figu-
res- en -demi-teintes composent comme uni ,
fond de tapisserie.
Ainsi, il parvient à communiquer aua
spectateurs des impressions harmonieuses
et profonides d'où se dégage l'idée.
UEau-de-Vie, écrite en vers lihras, asso-
nancés, comme le Pain, est cependant, pa-
raît-il, moins exclusivement lyrique que
cettel première pièce.
L'intrigue, assez compliquée et souvent
très pathétique, s'y précise fréquemment en
des situations qui sont, comme on dit, très
« théâtre ».
Elle se déroula en Normandie, au pays
des puissantes agatpes, des pommes et de
l'eau-de-vie de cidre. Cette tragédiei rustique
évoque, bien entendu, les ravages de l'ai-
cool dans une famille prospéra et chez des
gens bien, constitués. Elle oppose, m'a-t-on
iit, la force instinctive et aveugle à la fai-
blesse consciente et réfléchie. et dresse cu-
cieusement l'un contre l'autre un père et
son jeune fils. L'auteur y a dépeint, non
sans audace, les saines mœurs paysannes.
Les trois rôles principaux: le père bru-
tal, le fils maladif et un autre fils sournois
et madré, seront interprétés. : le premier,
par M. Dullin ; le second, par Mlle Suzanne
Binz, et le troisième, par M. Copeau. MM.-
Cariffa, Baurrin, Nemo, Bauquet, Mmea
BarbiéTi et Sorey dessineront, des types pit-
toresques. -
La mise en scène a été conçue suûviant
les originales méthodes de simplification de
la maison. Les trois actes se dérouleront
d'ailleurs dans le même décor, qu'eixécuta
M. Roy : des draperies au premier plan efl
une porte s'ouvrânt sur une toile de fond
où l'on devinera, très largement interprété1,
un verger rempli de pommiers.
l" René Chavance.
-' - —————
Echos
L'Amore dei tre re
L'Opéra de Montemezzi que la compagnie.,
américaine de l'Opéra, de Boston va nous
faire: connaître et dont la répétition gé-
nérale a lieu ce soir au théâtre des Champs-
Elysées est un drame sombrement passionné
qui se déroule au temps lointain des inva-
sions-
L'action se passe en Italie dans un châ"
teau qu'habite un vieux baron aveugle venu
à la suite des barbares conquérants et main-
tenant seigneur du territoire d'Altura. C'est
autour de la belle Fiora, une très pure jeu-
ne fille cédée jadis par les habitants du pays
aux envahisseurs, afin d'obtenir la paix, que
se mène le conflit. Elle est aimée par un
de ses jeunes compatriotes, Avita, mais ap.
partient au fils du vainqueur, Manfreda, le-
quel, heureusement pour elle, l'entoure
d'une adoration presque mystique et passe
du reste son temps à la guerre.
Mais le vieux Seigneur, beaucoup moins
conciliant que son fils et dont les sentiments
pour Fiora dépassent une affection patei*»
nelle, s'aperçoit, bien qu'aveugle, des assr-
duités d'Avila, force la jeune femme à
avouer sa faute et l'étrangle. Après quoi,
sa,, colère n'étant qu'insuffisamment assou.
vie, il verse sur les lèvres de la morte un
violent poison, dans l'espoir que son amant
viendra une dernière fois embrasser Fiora.
On devine que c'est Maulredo qui vient
donner à sa femme bien aimée cette sURré.
me étreinte. Il s'écroule aux pieds de son
père survenu pour saisir le coupable et qui
s'écrie, saisi d'horreur.
« Ah ! Manfredo, Manfredo, toi aussi,.
maintenant, te voila pour toujours dans le
nuil éternelle avec moi ! -.
Le premier décor représente une vaste sal-
le dans le château du vieil Archebalda,
le second, une terrasse sur les hauts rem<
parts de ce môme château et te troisième,
la crypte sombre de la chapelle.
On sait que M. Vanni Marcoux dessinera
la rude figure du baron, M. F"ancesco Ciga.
da incarner, ason fils longanime et M.
Edouard Ferrari-Fontana, l'ardent Avita,
Mme Louise Edvino sera la tendre et mal.
heureuse Fiora. - R. C,
Départ
M. Rousselière a quitté la France avant.
hier ; il s'est embarqué à Bordeauy pour
la République Argentine. Son absence du-
rera cinq mois. Le célèbre ténor chantera
Parsifal en italien, Siegfried, etc. Il sera en..
touré par les artistes de la Scala de Milao*
On dit què.
.La revue que le théâtre Femina repré-
sentcra le 15 septembre sera signée Charlerf
Müller, Curnonsky et Battaille-Henri.
.La R. P., la spirituelle comédie de M,
Lenglé, représentée ces jours derniers a
Nice, avec un grand succès, sera jouée'
prochainement au théâtre Impérial par
MM. Pierre Juvenet, Poggi et Mlle Maud
Gipsy.
M. Enthoven vient de baptiser la salle
qu'il fait construire rue Louis-le-Orand : les
« Menus-Plaisirs ». Il y jouera l'opérette,
la revue et, entouré de ses camarades, il
chantera.
.Mlle Delmarès partira le mois prochain
(Voir la suite à la 5' page)
PRODUIT IATUREldelVlns
rdeoildt.et ditinids dans la riglon deCOQNAC t
Feuilleton de GIL BLAS du 23 avril
il
liew bel flmouf
DEUXIEME PARTIE
(Suite)
-La troupe comporte deux hommes et
deux femmes adultes et, toute une mar-
maille. Des:c.hairs de cuivre ou de
bronze, des cheveux en copeaux d eoe-
ne. des yeux de raisin noir ; un bambin
de cinq ans a ses pieds et ses jambes
nus comme chaussés et guêtres de pous-
sière : du mimosa jaillit de sa menotte
mordorée, comme une fusée inextingui-
ble.
■ Fougueusement, - les musiciens atta-
quent un air napo-litain : les mains bru-
ies étrillent les mandolines, caressent
les harpes, agitent les tambourins ;
?ela chante, crie, danse, gesticule dans
les sècouements de boucles, des éclairs
Je mâchoires et de prunelles. des épa-
nouissements de fossettes.La gaîté com-
munioative des Italiens gagne Marter
lui-même, qui, aujourd'hui, va mieux.
Quand ils se retirent, attendus par un
cafetier de Nice, leur auditoire n'est pas
rassasia. Marter après avoir cherché à
les retenir, glisse, dans les doigts du
chef, im roval cachet.
L'autre en. est si content, qu'il ne
saurait se borner à un remerciement
banal.
— 0 Signore, proteste-t-il, je prierai
la madone pour que le jeune Signorino
et la gentille Signorina lis vous lassent
vite grand'père et que vous ayez beau-
coup de petits enfants autour de vous,
pc.ur vous soigner.
Il a pris Jean et Ne 11 y pour un jeune
ménage et Marte r pour un bon papa im-
potent.
Cette erreur frappe le malade comme
d'un-coup de feu, e.t met Nelly et Jean
mal à leur aüse.Abasourdi de l'effet pro-
duit par sa gauche amabilité, le chef
musicien s'esquive avec sa troupe.
La parole qu'il a lâchée avant de par-
tir, bouleverse tes hôtes de la-villa. A
sa Iuêtir, ils se sont vus près d'un gouf-
fre ; la décrépitude de Marier Je rend
indigne de sa femme ; le mari qui cor-
respond à Nelly, saine et splendide,
c'est Jean, vigoureux et beau. Le vaga-
bond, au nom du Code naturel a pro-
noncé le divorce de Nelly avec Martelr,
uni Neilv avec Jean. L'univers entier,
s'il était consulté, consacrerait ces dé-
cisions. Il séparerait la vieillesse de la
jeunesse, la souffrance de la joie, ap-
pariant la joie et la jeunesse.
Le malade s'effraye de cette harmonie
immanente qui veut l'inceste ; ce qui le
rassure un peu, c'est de croire ferme-
ment que Nelly et Jean- sont, encore
purs de tout aveu, de toute pen-
sée coupable, qu'il est encore temps
de les arrêter. Il va se hâter d'agir : il
ne laissera plus sa femme et son fils
vivre en commun ; il se traitera avec
énergie, afin de reconquérir sa santé et
sa, séduction. *
Mais Nelly et Jean qui réfléchissent
de leur côté, ne se sentent pas absolu-
ment irréprochables. Dans leurs scènes
d'émotions récentes, lorsqu'ils s'em-
brassaient en pleurant, n'éprouvaient-
ils pas une sorte de plaisir trouble ?
N 'ont-ils pas exploité la crise de Mar-
ter pour se blottir l'un contre l'autre ?
L'inauiétude ne fut-elle point l'entre-
metteuse sournoise du désir ? ïls étaient
sï doux leurs visages mouillés de lar-
mes !. Qu'ils enveloppaient tendre-
ment les bras de Nelly ! Que ceux de
Jean serraient fort
De plus, la maladie de son mari a ré-
vélé à Nelly un Jean inconnu. Elle ne
le soupçonnait pas à ce point sensible,
affeclÙeux;, passionné, capable de tant
se dévouer à un père qui lui a fait du
mal. Elle lui accorde l'ardeur et la
grandeur des héros. Quand il est ar-
rivé à Beaulieu en pleine alerte, elle a
été tout de suite réconfortée. Elle a eu
moins peur de son mari, car il lui fai-
sait peur cet. homme atteint d'un mal
aux accidents affreux. Soutenue par son
beau-flls, elle a affronté, presque avec
bravoure, la figure ravagée, les halète-
ments, les cris.
.L'émoi ressenti sur le cœur de Jean,
son admiration pour lui, sa confiance
en lui, son effroi de Marter malade,
elle les interprète comme les prélimi-
naires de l'amour. Il n'y a point jus-
qu'à sa dernière poussée d'optimisme
qu'elle ne condamne. Pourquoi cette
sérénité en face du sombre avenir ?
Comment s'accommodait-elle de n'im-
porte quelle éventualité ? Est-ce que,
par hasard, elle n'aurait point regardé
la mort de son mari comme une libéra-
tion, comme la condition d'un bon-
heur plus. complet ?
Nelly juge inadmissible que Jean et
elle demeurent dorénavant sous le mê-
me toit. Et le jeune homme, aussi scru-
puleux, décide de regagner Paris. Sans
que Marter ait" eu à intervenir, sans
que nul d'entre eux ait commenté La
scène des jardins, il quitte Beaulieu,
deux jours après. Ils se sont compris
tacitement.
Le départ a lieu de nuit, une belle
nuit sans lune où les étoiles sont com-
me des fleurs de mimosa éparpillées
dans une mer paisible.
IV
Lolotte, dans son salon de poupée,
était, assise sur les genoux dé Jean.
Elle dévisageait, avec un orgueil crain-
tif, le beau garçon qu'elle avait long-
temps pourchassé en vain et dont elle
pr-essentait la capture peu durable.
Jean, dès son arrivée à Paris, avait
trouvé- honnête de rompre sa liaison
cérébrale avec Nelly, d'exorciser de sa
vie le charmant fantôme. Les amours
d'imagination où il se complaisait sans
remords tant que Marter n'était pas
malade, il les détestait, aujourd'hui
que le malheureux lui semblait avoir,
sur sa femmp, moins de prise. Pour se
guérir plus vite de sa mauvaise pas-
sion, il souhaita une maîtresse. Il en
eut bientôt - une. Lolotte languissait
pour lui, le provoquait. Un soir, après
une représentation au petit théâtre
montmartrois où elle débutait dans uni
numéro de danses américaines, il l'a-
vait accompagnée jusqu'à sa maison,. A'
la porte, elle avait insisté pour qu'il la
conduisît jusqu'à son palier. Du palier,
elle l'avait entraîné dans l'appartement,,
d'où il n'était ressorti que le lendemain.,
Cette fois et dans la suite,. 11 ne la pre
nait pas positivement, il se laissait
prendre par elle. Il ne lui demandait
pas autre chose que la paix des sens. Il
assimilait son aventure avec la danseu-
se, à un remède pas trop désagréable,,
presque sucré.. ",
il essayait de le lui dissimuler à grand
renfort de serments déclamatoires et de
véhémentes caresses. Il voulait épar<
gner sa susceptibilité et son amour, —
indéniable. Mais dans les transports les
mieux feints, Lolotte percevait de la,
charité, de la politesse, pas .de chaleur
sincère; les baisers de Jean l'humi-
liaient comme une aumône. Et qu'il
était loin d'elle, assis près d'elle, cou-
ché près-d'elle ! C'était à une ombre
insinuée dans leur intimité, qu'il adres-
sait ses « ma chérie », ses « mon peti*
gosse », les plus, fervents..
Maurice Duplay.
(A suivre.)
JEUDI 23 AVRIL 1914. -
o. Le Monde
la PARI ■
A PARIS
- La princesse de la Tour d'Auvergne,
née Pleumartin, a donné hier après-midi,
dans son hôtel, du boulevard des Invalides,
nui thé fort élégant.
Parmi les invités :
L'ambassadeur d'Italie, comtesse Alfred de
la Rocnafoucauld, comtesse Gudin, générale Zur-
iinden, marquise de Gabriac, comte Fleury, niar-
quise de Sassenay. comtesse de Ruillé, marquise
4 Bérulle, baronne Marochetti, comtesse de
Pleumartin. baronne 'Brin, Mme d'Espaigne,
comtesse d'Andlau, marquise de Valori, du-
chesse de la Roche Guy on, comtesse Sala, Mme
Férdinant Blumentfiâl, vicomtesse Molitor,
prince Henri de Broglie, comte de Sou-
za Roza, Mine Maurice Mieulle, comtes-
se de Bérulle, comtesse de Villeneuve-Barge-
mont, marquis de LaJborde, comte E. de Ga-
ibriac, Miss Fanny Reed, M. Saint-Hilaire. M.
Raymond Constant, etc.
— Le prince Georges de Saxe, qui vient
de faire un assez long séjouir à Cannes, a
traversé Paris hier, se rendant à Dresde.
— La baronne David Leonino, qui vient de
passer une quinzaine de jours sur la Côte
d'Azur, est de retour à Paris. Elle reprendra
la semaine prochaine ses réceptions hebdoma-
daires du vendredi.
— Les 6 et 23 mai, boston et bridge de 4 à
8 heures chez Mme de Salas.
— Thé dansant fort élégant, avant-hier,
chez Mme Rutherfprd-Stuyvesant qui avait
parmi ses invités :
Prince Antoine d'Orléans Bragance, prince "t
princesses de Poggio-Suasa, Mme de Polia.-
koff. marquise de Tatleyrand-Périgord, maraul.
se et Mlle de Pracomtal. comtesse de la Riboisiè-
l'e. comte et comtesse Albert, Bruneel, Mme Fré-
déric Bell, comtesse B. de Gontaut-Biron, le ba-
ron Ri (ter, ministre de Bavière : Mme et Mlle
Marcelin Singer. Mme et Mlle de Seynes, com-
tesse Lionel de Montesqu'ou, prince F. Ruspoli,
M. Raymond Constant. etc.
— La duchesse 'd'Uzès douairière a quitté
;on château de Bonnettes pour se réinstal-
ter définitivement à Paris.
— Aujourd'hui jeudi, à neuf heures' et
quart, au Cercle Artistique et Littéraire, soi-
rée musicale.
Au programme, des œuvres de Schubert,
Grieg. Duparc, Mozart, Offenbach et Emma-
luel Moor.
Hors Paris
— Le gouvernement de la République
française, en reconnaissance de "hommage
qui a été rendu à la mémoire de Massenet,
vient d'offrir à S. A. S. le Prince de Monaco
un magnifique surtout de table, provenant
des ateliers de la manufacture nationale de
Sèvres.
M. Robine. attache au cabinet du ministre
dt l'instruction publique et des beaux-arts,
est allé à Monaco pour remettre ce présent
an Prince. ",'
- Le roi Albert de Belgique fait actuelle-
ment en France un. voyage dans le plus strict
incognito. Après avoir visité le musée de
Lille, il se propose de visiter ceux du Havre
»t de Rouen.
— Une fête de charité a eu lieu à Rome
sous le patronage de Mmes Barrère, la mar-
quise Visconti-Venosta, les princesses Chigi
et Doria. «
Au. cours de cette fête, Mlle Chaptal a fait
une conférence en français sur la femme et
l'hygiène sociale, devant une nombreuse assis-
tance.
Mariages
- En l'église Saint-Pierre du Gaôs-Caillou,
a été célébré hier le mariage de M. Jules Pi-
chon, capitaine d'infanterie breveté, attaché
à la légation de France à Bucarest, fils de M.
Pichon, sénateur du Finistère et de madame,
née Corard avec Mlle Elisabeth Boissonnet,
fille du lieutenant-colonel Boissonnet, du sa,.
dre de réserve.
- Jeudi dernier, en la cathédrale de Reims,
a-été célébré le mariage de M. Pierre Guer-
l'et, secrëtaire, d'ambassade, fils de M. Vic-
tor Gucrlet, ancien consul général de Fran-
ce, conseiller référendaire à la Cour des
comptes', chevalier de la Légion d'honneur,
et de madame, née Dauphinot, petit-fils de
M. Simon Dauphinot, ancien maire de Reims,
ancien sénateur de la Marne, avec Mlle Ger-
maine Prévost, fille de M. André Prévost et
le madame, née Balourdet.
— Lundi prochain, 27 avril, sera célébré
en l'église Saint-Pierre de Chaillot le mariage
de M. Jacques Papin, officier de haras, fils
de M. Robert Papin, président de la Société
Spoi'tive d'Encouragemen.t, et de madame,
née Baillie, avec Mlle Marcelle Luc, fille
ie M. et Mme Albert Luc.
Nécrologie
- La baronne de Vaughan vient de perdre
son plus jeune fils, décédé à Paris, à l'âge
de ?ix ans et demi. La cérémonie religieuse
aura lieu aujourd'hui jeudi, à 10 heures pré-
ises, en l'église Saint-Philippe du Roule.
— On annonce la mort de M. André De-
laroch-Verne-t, frère de MM. Horace Dela-
rocheNVèrnet, ministre de France à Cettigné,
et Philippe Del'aroche-Vernet, député de la
Loire-Inférieure. -
Ses' obsèques auront lieu ce matin, à dix
heures, en l'église Saint-François-Xavier.
Gabriel de Tanville.
~'*
~-~RÈME DE BEAUTÉ CO
~- tf*'% Rend la peau doucetJH
frai ch et parfuméeXil
CRÈMF- - OàrÛ
Les Lettres
UN PRECURSEUR DE L'ENTENTE
La haine est, le pain des peuples : il leur
faut toujours la pature d'un ennemi hérédi-
taire. Longtemps, chez nous, ce fut l'An-
glais. Qui s'en douterait aujourd'hui?
Sur la fin de l'antépénultième siècle, au
moment de l'intervention française en fa-
veur de l'indépendance américaine, cette
phobie s 'exaspéra, chez les deux peuples,
jusqu'à un degré très voisin de la folie.
Aux yeux d'un Français, l'Angleterre et
les Anglais étaient le comble du burlesque.
En ce temps-là, les marchandes de quatre-
saisons promenaient leurs éventaires de poi-
res, en glapissant : a A trois pour un liard,
les Anglais ! »
Et la marquise, dans son salon doré; dé-
clarait, - après M. de Rivarol :
— Ces Anglais ont deux bras gauches,
Le marquis faisait le renchéri.
>—' Londres, goguenardait-il, c'est la Sol-
fatare du Nord. Prenez de la vapeur de
charbon, la plus noire qu'il se pourra. Dé-
layez-la dans du bon brouillard et avalez à
grande dose, tant que la journée durera. Et
vous aurez l'agréable régime des Londoniens.
Bien entendu, les gens d'outre-M.anche ne
demeuraient pas manchots dans cette guerre
de sarcasmes. Sur leurs théâtres, le Fran-
çais, escroc, écervelé et mangeur de gre-
nouilles, mettait en joie toute la canaille du
parterre.
Il se rencontra, pourtant, dans ces temps
de folie, un homme de bon sens qui pré-
vit, cent ans en çà, l'heureuse et bienfaisante
Entente Cordiale des deux grands- peuples.
Voici la page, vraiment prophétique, qu'écri-
vait Sébastien Mercier, à la veille de la Ré-
volution française, et de toute la boucherie
jacobine et impériale :
« L'esprit philosophique, qui envisage
tou jours la gloire de l'espèce humaine avant
celle d'une nation particulière, prenant un
juste milieu - entre l'orgueil national de ces
deux peuples, a balancé plus d'une fois les
avantages et les inconvénients, mais sans
vouloir déterminer à qui appartient la
prééminence. Il les a invités sagement à pro-
fiter de l'échange de leurs idées; commerce
digne d'eux, et fait pour les élever à la vraie
grandeur, qui ne germe point sur le sol san-
glant des batailles.
Cet esprit de sagesse et de prévoyance
pourrait aller plus loin dans son essor. Il
pourrait annoncer, d'une manière non équi-
voque, la possibilité d'une alliance neuve,
prochaine, constante, et singulièrement avan-
tajgeuse pour ces deux peuples; alliance qui
ne sera regardée comme une chimère que par
le vulgaire des politiques, servilement atta-
chés au vieux protocole des pTùs funestes
idées
Ces politiques à vue courte n'aperçoivent
pas que tout s'éclaire, que tout change au-
tour d'eux, et que le progrès des lumières
nécessite aujourd'hui l'union la plus utile et
la plus convenable.
Quand le philosophe lit l'Histoire, il est
aisément convaincu que les nations ont fait,
jusqu'ici à peu près le contraire de ce qu'el-
les auraient dû faire.
Si l'Anglais et le Français, par un plus
fréquent commerce et par l'épreuve mutuelle
de leur caractère, pouvaient affaiblir cette
ancienne jalousie qui les a aveuglés jusqu'ici
sur leurs vrais intérêts ; s'ils voulaient respi-
rer dans une concorde parfaite et dans l'ou-
bli de toute disparité d'opinion, ils senti-
raient bientôt que leur antipathie tftest ni
fondée ni réelle; qu'elle peut s évanouir
aisément, et qu'ils sont plutôt nés pour mê-
ler et accroître leurs lumières, et, s'il faut se
permettre l'expression, pour jouir de leur su-
périorité naturelle sur les autres nations de
l'Europe.
Cette alliance, si plausible aux yeux du
philosophe, et secrètement désirée par quel-
ques politiques à vue profonde et élevée, ver-
serait des deux côtés l'instruction, l'abon-
dance et l'exemple salutaire des plus heu-
reuses innovations. »
Mais qui prit au sérieux, alors, les vœux
judicieux du bonhomme Mercier? On le
croyait compétentement fol.
Pour le plus grand bien des soi-disant
sages, lentement l'avenir réalise les rêves des
fous.
J.-J. B.
————— —————
Le 104e,anniversaire d Hégésippe Moreau.
- Le Comité d'Hégésippe Moreau donnera
ce soir, à huit. heures et demie, en la salle
des Concerts du Conservatoire, la fête du,
104e anniversaire du poète.
Des artistes de l'Opéra, de la Comédie-
Française, de l'Opéra-Comique, de l'Odéon
et des principaux théâtres de Paris, ainsi
qufc de nombreux chansonniers et composi-
teurs, prêteront gracieusement leur con-
cours à cette fête donnée sous la présidence
du poète-chansonnier Edmond Teulet'.
Conférences. - A quatre heures et quart,
à la Sorbonne, amphithéâtre Richelieu, M.
Marcel Dubois fera une conférence sur la
géographie coloniale.
Au Collège de France, salle 4, à cinq heu-
res, M. Babelon parlera sur la numisma-
tique du Péloponèse. — Salle 5, à quatre)
heures et demie, M. Marion parlera de
l'histoire financière de te France sous
Louis XIV. — A dix haures et demie, M.
Georges Lafenestre fera une conférence sur
les traditions et la nature, l'imagination et
la pensée dans les arts de la Renaissance
italienne.
Les Uns.
Les Arts 1
EXPOSITION ALCIDE LE BEAU
Allez, je vous prie, à la .galerie Louis-le-
Grand (32, rue Louisde-Grand). Il y a là,
présentée tout simplement, et sans que les
trompettes de la publicité aient retenti, une
exposition dé premier ordre, un des ensem-
bles les plus harmonieux que j'aie vus de-
puis fort longtemps.
Ce sont les trente-deux toiles qu'Alcide
Le Beau a composées sur les thèmes essen-
tiels des drames de Wagner : Or du Rhin,
Valküre, Siegfried, Crépuscule et Parsifal.
L'entreprise était dangereuse. Combien
d'autres, gênés par le formidable inspirateur,
eussent été des commentateurs littéraires; ou
bien, tel jadis M. Marcius Simmons, se. se-
raient perdus dans le dédale de la symbo-
lique wagnérienne. Un autre péril était en-
core de nous montrer des maquettes d'opéra.
Le Beau a compris que le meilleur hom-
mage à rendre à Wagner était de le célébrer
en peintre. Ses toiles sont imprégnées, satu-
rées de l'esprit de la Tétralogie. Mais au-
cune littérature n'y prédomine. Elles sont
d'abord et surtout des transpositions plasti-
ques. On y respire un souffle de nature qui
fait de ces compositions, wagnèriennes au
premier chef, des paysages tendres ou pa-
thétiques, dus à la sensibilité d'un vrai co-
loristë.
Analogiquement, Alcide Le Beau use du
leit-motiv. Considérez, par exemple, sa sérié
du Rhin. Le fleuve majestueux, dans un dé-
cor de rochers. Il est tour à tour joyeux,
perfide; endormi, irrité, en sang, en or, en
feu. Vous n'y verrez point les corps des
ondines s'ébattant dans les flots. Mais, à re-
garder la toile si expressive, il semble que
vous perceviez le bruissement câl'in du divin
trio.
De même, voyez les toiles qui évoquent i-l
Chanson du printemps, l'Incantation du feu,
la Chevauchée. Pas de personnages plastron-
nant sur la scène, - de grosse dame casquée,
de chevaux de bois emballés. Tout l'artifice
du cabotinage est rejeté de ces œuvres d'un
artiste pur. De ces trois tableaux, le premier
est une lumière où frissonne l'aube de la .-
vie ; tout y est jeunesse, innocence, foi
joyeuse; 1 Incantation est un tourbillon de-
nuées sauvages. Et ces évocations sont cent
fois s vraies que toutes les précisions, ac-
cessoires, mannequins, etc. -..-
Le Beau transpose et suggere; pace qu'il,
a senti et aimé profondément l'oeuvre du gé-
nial musicien. Ses séries sont des « harmo-
nies ». Il est malaise de les juger f¥gmen-
tairement, de les isoler. Il serait à souhaiter
qu'un Mécène (mais, hélas ! la race s'en
perd, remplacée par celle des spéculateurs)
acquît toute la série. Elle vaut par la conti
nuité, par l'unité de l'ensemble. Elle est di-
gne de l'artiste penseur, indépendant et fier,
que je connais et admire depuis douze ans,
et qui, en sa solitude féconde, l'a menée à
bien. Le Beau a fait preuve d'une compré-
hension profonde du panthéisme et du ly-
risme de Richard Wagner. Il 'lui a erjgé un
admirable monument, et, du coup, a conquis,
lui aussi, sa place au Walhala.
La vérité m'oblige à dire qu'auprès de
cet ensemble superbe, l'art de M. Sinet,\qui
expose à la galerie Louis-le-Grand d'agréa-
bles sites et natures-mortes, paraît un peu
menu. Mais il faut louer sa fort honorable
probité.
Louis Vauxcelles.
A r».<
Vernissage. — Aujourd'hui aura lieu, au
Pavillon de Marsan, le vernissage de l'Ex-
position dies Arts décoratifs de Grande-Bre-
tagne et d'Irlande. Leurs Majestés le roi et
la reine d'Angleterre visiteront' l'exposition
dans la matinée.
Les portraits au Salon. — Signalons,
avant 1 ouverture diu Salon des Artistes
Français dont le vernissage est fixé à jeudi
prochain, de nombreux portraits : de M.
Santos-Dumont., par M. Flameng ; de Nos
Eclaireuses (Mlle Hélène Dutrieu, Mme
Lucie Delarue - Mardrus, Mme H. Roche-
fort, M0 Grum'berg et Dr Roussel), par Mme
Beaury-Saurel ; de M. Baffier, par M. Jo-
ron ; de M. Maurice Donnay, par M. Bas-
chct ; du violoniste Boucherit, par M. Wal-
hain ; du président des Etats-Unis, par M.
Dubé ; du graveur Dievambez, par son fils,;
M. André Devambez ; enfin celui de M.,
Bonnat, entouré de ses élèves, par M. Zo,
et celui de Mme Jean-Paul Laurens, par
M. Pierre Lsurens. ;
«( Elles )). T L'excellent artiste qu'est
M. Gaspard-Maillot réunira ibientôt, en un
album préfacé par notre confrère M. Paul
Sentenac, la série de gravures qu'il expose
actuellement.. ,
Cet album, intitulé : Élles, constituera lei
premier volume d une série d'ouvrages de
même ordre qui résumeront en leur ensem-
ble les gestes et les mouvements de la fem-
me dans la vie.
Il sera imprimé sur le papier inventé par
Aristide et Gaspard-Mail]ol, de la: fabriquo
du comte de Kessler, au hameau de Mont-
val (près Marly) et fabriqué par Gaspard-
Maillol lui-même.
INFORMATIONS
Aujourd hui :
Salon de la Société Nationale des Beaux-
Arts, Grand Palais (avenue d'Antin).
Salon des Indépendants, avenue La-Bour-
donnais.
Exposition des Arts décoratifs de Grande-
Bretagne et d'Irlande (pavillon de Marsan,
rue de Rivoli).
Galerie Montaigne. — Exposition Hans
Ekégardh.
Galerie Georges Petit. — La Société Nou-
velle.
Galerie Devambez (43, boulevard Maies-
herbes). « L'Acanthe ». :
Galerie Max Rodrigues (172, rue du Fau-
bourg-Saint-Honoré). — Exposition William
Muller et Georges de Traz. .-
Galeries M. Stora et Cie (32 bis. boule-
vard Haussmann). — Moyen âge et Re-
naissance. - Faïences italiennes et his*
pano-mauresques.
Galerie Demotte (29, rue de Berri). -
Moyen âge et Orient.
Galerie Reitlinger (12, rue de la Boétie). -
Société « Estampes et Dessins ».
Galerie Blot (11. rue Richepance). — Ex-
position permanente de tableaux moder-
nes.
Galerie Levesque (109, faubourg Saint-
Honoré). — Exposition Roger de La Fres-
naye.
Worch (11, rue Bleue). — Antiquités de la
Chine, Bronzes, Poteries, Peintures ancien-
nes, Tapis, Laqués de Coromandel.'
Galerie Grandhomtne (40, rue des Saints-
Pères)., — Exposition de Dessins. Louise
Hervieu, B. Naudin, Forain, etc., etc.
Galerie Paul Rosenberg (21, rue La Boé-
tie). — Exposition Louis Chariot.
Galerie Louis-le-Grand (32, rue Louis-le-
Grand); — Exposition Alcide le Beau et
Sinet.
Galerie Milton (20, ruè Milton). — Ta-
bleaux modernes, dessins, gravures, objets
d'art.
Exposition Pierre Ladureau. — Nous ver-
rons prochainement à la galerie Loren-
ceau, rue La-Boëtie, une exposition de M.
Pierre Ladureau, le jeune artiste que noua
avons pu remarquer aux Indépendants.
L'ensemble, composé en majeure partie de
marines, réunira des œuvres d'une délica-
tesse de sentiment qu'il convient de louer
sans détours.
Les Autres.
——-—— —————
La Curiosité
Les cabinets secrets de l'Histoire
Le docteur Cabanes fait école et les com-
missaires-prise ur s ne respectent -rien. Hier
après-midi, on a jugé. à l'Hôtel Drouot la
Chaise percée de Napoléon III, lamentable
souvenir de Sedan, authentifié par une de--
mi-douzaine de pièces notariées ainsi que
par une inscription gravée": Mobilier dé la
Couronne - *
Ce meuble tout intime a été adjugé 152
francs, à un acheteur anonyme qu'on nous
a dit être le général Thômassin: - -
- -- , Seymour. de. Ricci.
> Aujourd'hui :
GALERIE GEORGES PETIT. — Collection Paul
Delaroff (première vente). Tableaux an-
ciens, du quinzième au dix-huitième siècles.
Me" Lair-Dubreuil et Doublot, commissaires-
priseurs ; M. G. Sortais, expert.
A L'HÔTEL DROUOT. — Saille 1. — Porce-
laines de la Chine et du Japon, faïences,
tenture époque Louis XVI, provenant du
château de Gaibach. Me Henri Baudoin,
commissaire-priseur ; MM. Mannheim, ex-
perts.
Une nouvelle candidate
à l'Odéon
Mme Anna Thibaud pose sa candidature à la
direction de l'Odéon. Voici la spirituelle lettre
que la charmante divette adressa hiierau mi-
nistrè de l'instruction publique et des beaux.
art-s.
A Monsieur le Ministre de l'ins-
truction publique et des beaux-
arts. ;
Monsieur le Ministre,
Depuis la retraite de M. Antoine une foule
de postulants se ruent à l'assaut de l'Odéon,
au risque de renverser cette institution déjà
chancelante. Aucun candidat, semble-t-il,
n'apporte un programme bien nouveau, sus-
ceptible de faire vivre le second théâtre
français. On n'a pas assez sous les yeux
ce fait capital : L'Odéon est mort d'ennui.
Or, que propose-t-on ? Continuer les an-
ciens errements. Moi, je propose La Gaîté-
Voilà ce qu'il faut à l'Odéon !
Ne devrait-on pas, rue de Vaugirard, fai-
re revivre le vieux vaudeville de la prose
entremêléé de couplets ? Je n'hésiterais pas,
moi directrice, à payer de ma personne.
Pour les acteurs, ie ferai ce que M. An-
toine n'a pa osé faire, timidement il en-
gageait par el par là un chanteur de café-
concert ; ma troupe serait uniquement com-
posée de ces artistes, plus gais, plus fantai-
sistes que les élèves du Conservatoire, sou-
vent gourmés par une tradition désuète et
si parfois je me laissais entraîner, pour
quelque centenairè glorieux, à mettre sur
l'affiche une œuvre de nos grands classi-
ques, rien ne m'empêcherait d'engager à la
représentation un véritable tragédien. Je
me suis assuré le concours gratuit d'un lec-
teur. M. de Montgond, critique dramatique
du Charivari, dont la. consigne serait d'é-
carter impitoyablement les manuscrits tris-
tes. Je voudrais que l'on pût enfin dire :
J'ai bien ri à l'Odéon.
Je crois que ce programme a tout au
moins le mérite de la nouveauté, et c'est
pourquoi je le soumets avec confiance à
votre haute appréciation.
- Agréez, Monsieur le Ministre, l'expression
de ma haute considération.
ANNA THIBAUD.
Toute demande de changement d'adresse
doit être accompagnée de soixante centimes en
timbres-poste.
Le Théâtre
'F !!:IIn -.-
Représentation ,-
Mathias-Morhardt à Genève
(De notre envoyé spécial)
La « Mort du Roi M, pièce en 3 actes
Genève, 21 avril. — Les représenta-
tions du Cycle Morhardt se sont conti-
nuées par là reprise de la Mort du Roi,
la plus belle des trois pièces inédites
créées à Genève l'an. dernier et qui ava.it:
remporté un éclatant suiccès. L'inter-
iprétation< magnifique du principal rôle,
celui du Roi, par M. Le Gall, du théâ-
tre Sarah-Bernhardt, en avait, alors, as-
suré le triomphe. Il s'agissait de savoir
si, avec une nouvelle distribution, la
pièce n'en subirait pas quelque dimi-
nution. L'œuvre de M. Mathias
Morhardt a victorieusement soutenu
cette éprouve. L'éclat n'en a pas paru
moindre ; l'impression de majestueuse
beauté Qu'elle avait produite s'est re-
trouvée hier soir tout entière.
Nous pouvons incontestablement re-
connaître maintenant dans la Mort du
Roii un ouvrage admirable, d'une su-
perbe alïure artistique, de grand style
et d'une profonde émotion dramatique.
Après la double expérience de Genève,
sa représentation à Paris noms paraît
devoir s'imposer et. pour peu .- que la
future direction de rodéon veuille pren-
dre quelque souci des intérêts de l'art,
ir serait hautement désirable que son
attention, se portât sur l'œuvre si re-
marquable de notre confrère du Temps.
C'est de l'histoire et de la personna-
lité tragiques de Louis II de. Bavière que
M. Morhardt s'est inspiré dans .M Mort,
du Roi. Cet Hamlet couronné esl-H fou,
n'èst-il pas fou ? Est-ce un dément ou
serait-ce un surhomme, c'est ce qu'on
ne sait pas. En tout cas, sa folie parait
plus sage, son extravagance est plus
noble que le sens pratique et la politi-
que raisonnable de ses ministres. Ce
souverain exceptionnel est animé de la
conception étran se que la seule chose
pour laquelle il vaille de régner et
d'exercer le pouvoir suprême est le dé-
veloppement de la beauté dans le mon-
de. II a la chance extraordinaire d'avoir
dans son royaume un homme de gé-
nie : toutes, les ressources du trésor
royal, celles du pays, doivent être mises
à sa disposition pour serviir à l'exalta-
tion de l'art. Car, au bout de quelques
siècles, que reste-t-il de toute l'activité
d'une époque dans la mémoire des hom-
mes, sinon l'œuvre d'art seu'l? ?
Le buste •
Survit à la cité.
Cet homme de génie n'est pas un mu-
sicien, ce n'est pas un Wagner ; Mor-
hardt l'a transposé et en a fait un sculp-
teur, dans Iéquel des- traits nombreux
et de superbes théories esthétiques font
reconnaître le grand Rodin, et ce n'est
pas là l'aspect le moins curieux de la
pièce.
--C,'-e-st dans le conflit avec les minis-
tres, les conseillers, les médecins, qui
tous sont aissurés que le Roi ■ et fou et
que la raison ,d",Etat. commande de le
faire enfermer poifr le mettre hors de
pouvoir nuire au bien public, que ré-
side le drame. Il est poignet et se dé-
veloppe avec une noblesse de lignes,
une hauteur de pensée qui agissent vi-
vement sur le spectateur. Il se dénoue
tragiquement par la mort du Roi idéa-
liste, entraînant aVfC ,lui, dans l'abîme
du lac du parc royal, le médecin qui
prétend se saisir de lui. C'est très beau.
M. Paul Baumé, dans J'admirable rôle
Roi ; M. Marnay, dans celui du sta-
tuaire Fenerstrom ; MM. Charny, Gau-
thier, Fleurant et Mme Gélia Clairnet
dans les autres personnagesprincipa.ux,
sous l'intelligente direction de M. Mi-
chel Chabance, ont donné, du drame de
M. Morhardt, une excellente interoréta-
tion.
Louis Dumur.
Avant-premières
Au théâtre du VieuxColombier, M. Copeau
apporte ses derniers soins à « l'Eau-
de-Vie » de M. Ghéon
M. Henri Ghéon, qui va nous offrir l'Eau-
de-Vie, au Vieux-Colombier, nous a déjà
donné le Pain, il y a deux ans, au théâtre)
des Arts. Le curieux mélange d'idéalisme,
et de réalisme qui caractérise les œuvres
de cet écrivain se manifeste ainsi dès le ti-
tre, dont le cens matériel exprime facile-
ment une pensée d'ordre général. Il faut re-
connaître d'ailleurs qu'en deux pièces, il
aura épuisé les aliments essentiels de nos
populations civilisées.
On sait que sans négliger le côté social
de son sujet, M. Ghéon s'attache surtout à
en dégager le drame intime et, en quelque
sorte, sympathique, qu'il traite en poète,
stylisant, pour ainsi dire, les détails d'ob-
servation directe qui meublent son action,
entourant ses protagonistes '¡d'un chœur
res- en -demi-teintes composent comme uni ,
fond de tapisserie.
Ainsi, il parvient à communiquer aua
spectateurs des impressions harmonieuses
et profonides d'où se dégage l'idée.
UEau-de-Vie, écrite en vers lihras, asso-
nancés, comme le Pain, est cependant, pa-
raît-il, moins exclusivement lyrique que
cettel première pièce.
L'intrigue, assez compliquée et souvent
très pathétique, s'y précise fréquemment en
des situations qui sont, comme on dit, très
« théâtre ».
Elle se déroula en Normandie, au pays
des puissantes agatpes, des pommes et de
l'eau-de-vie de cidre. Cette tragédiei rustique
évoque, bien entendu, les ravages de l'ai-
cool dans une famille prospéra et chez des
gens bien, constitués. Elle oppose, m'a-t-on
iit, la force instinctive et aveugle à la fai-
blesse consciente et réfléchie. et dresse cu-
cieusement l'un contre l'autre un père et
son jeune fils. L'auteur y a dépeint, non
sans audace, les saines mœurs paysannes.
Les trois rôles principaux: le père bru-
tal, le fils maladif et un autre fils sournois
et madré, seront interprétés. : le premier,
par M. Dullin ; le second, par Mlle Suzanne
Binz, et le troisième, par M. Copeau. MM.-
Cariffa, Baurrin, Nemo, Bauquet, Mmea
BarbiéTi et Sorey dessineront, des types pit-
toresques. -
La mise en scène a été conçue suûviant
les originales méthodes de simplification de
la maison. Les trois actes se dérouleront
d'ailleurs dans le même décor, qu'eixécuta
M. Roy : des draperies au premier plan efl
une porte s'ouvrânt sur une toile de fond
où l'on devinera, très largement interprété1,
un verger rempli de pommiers.
l" René Chavance.
-' - —————
Echos
L'Amore dei tre re
L'Opéra de Montemezzi que la compagnie.,
américaine de l'Opéra, de Boston va nous
faire: connaître et dont la répétition gé-
nérale a lieu ce soir au théâtre des Champs-
Elysées est un drame sombrement passionné
qui se déroule au temps lointain des inva-
sions-
L'action se passe en Italie dans un châ"
teau qu'habite un vieux baron aveugle venu
à la suite des barbares conquérants et main-
tenant seigneur du territoire d'Altura. C'est
autour de la belle Fiora, une très pure jeu-
ne fille cédée jadis par les habitants du pays
aux envahisseurs, afin d'obtenir la paix, que
se mène le conflit. Elle est aimée par un
de ses jeunes compatriotes, Avita, mais ap.
partient au fils du vainqueur, Manfreda, le-
quel, heureusement pour elle, l'entoure
d'une adoration presque mystique et passe
du reste son temps à la guerre.
Mais le vieux Seigneur, beaucoup moins
conciliant que son fils et dont les sentiments
pour Fiora dépassent une affection patei*»
nelle, s'aperçoit, bien qu'aveugle, des assr-
duités d'Avila, force la jeune femme à
avouer sa faute et l'étrangle. Après quoi,
sa,, colère n'étant qu'insuffisamment assou.
vie, il verse sur les lèvres de la morte un
violent poison, dans l'espoir que son amant
viendra une dernière fois embrasser Fiora.
On devine que c'est Maulredo qui vient
donner à sa femme bien aimée cette sURré.
me étreinte. Il s'écroule aux pieds de son
père survenu pour saisir le coupable et qui
s'écrie, saisi d'horreur.
« Ah ! Manfredo, Manfredo, toi aussi,.
maintenant, te voila pour toujours dans le
nuil éternelle avec moi ! -.
Le premier décor représente une vaste sal-
le dans le château du vieil Archebalda,
le second, une terrasse sur les hauts rem<
parts de ce môme château et te troisième,
la crypte sombre de la chapelle.
On sait que M. Vanni Marcoux dessinera
la rude figure du baron, M. F"ancesco Ciga.
da incarner, ason fils longanime et M.
Edouard Ferrari-Fontana, l'ardent Avita,
Mme Louise Edvino sera la tendre et mal.
heureuse Fiora. - R. C,
Départ
M. Rousselière a quitté la France avant.
hier ; il s'est embarqué à Bordeauy pour
la République Argentine. Son absence du-
rera cinq mois. Le célèbre ténor chantera
Parsifal en italien, Siegfried, etc. Il sera en..
touré par les artistes de la Scala de Milao*
On dit què.
.La revue que le théâtre Femina repré-
sentcra le 15 septembre sera signée Charlerf
Müller, Curnonsky et Battaille-Henri.
.La R. P., la spirituelle comédie de M,
Lenglé, représentée ces jours derniers a
Nice, avec un grand succès, sera jouée'
prochainement au théâtre Impérial par
MM. Pierre Juvenet, Poggi et Mlle Maud
Gipsy.
M. Enthoven vient de baptiser la salle
qu'il fait construire rue Louis-le-Orand : les
« Menus-Plaisirs ». Il y jouera l'opérette,
la revue et, entouré de ses camarades, il
chantera.
.Mlle Delmarès partira le mois prochain
(Voir la suite à la 5' page)
PRODUIT IATUREldelVlns
rdeoildt.et ditinids dans la riglon deCOQNAC t
Feuilleton de GIL BLAS du 23 avril
il
liew bel flmouf
DEUXIEME PARTIE
(Suite)
-La troupe comporte deux hommes et
deux femmes adultes et, toute une mar-
maille. Des:c.hairs de cuivre ou de
bronze, des cheveux en copeaux d eoe-
ne. des yeux de raisin noir ; un bambin
de cinq ans a ses pieds et ses jambes
nus comme chaussés et guêtres de pous-
sière : du mimosa jaillit de sa menotte
mordorée, comme une fusée inextingui-
ble.
■ Fougueusement, - les musiciens atta-
quent un air napo-litain : les mains bru-
ies étrillent les mandolines, caressent
les harpes, agitent les tambourins ;
?ela chante, crie, danse, gesticule dans
les sècouements de boucles, des éclairs
Je mâchoires et de prunelles. des épa-
nouissements de fossettes.La gaîté com-
munioative des Italiens gagne Marter
lui-même, qui, aujourd'hui, va mieux.
Quand ils se retirent, attendus par un
cafetier de Nice, leur auditoire n'est pas
rassasia. Marter après avoir cherché à
les retenir, glisse, dans les doigts du
chef, im roval cachet.
L'autre en. est si content, qu'il ne
saurait se borner à un remerciement
banal.
— 0 Signore, proteste-t-il, je prierai
la madone pour que le jeune Signorino
et la gentille Signorina lis vous lassent
vite grand'père et que vous ayez beau-
coup de petits enfants autour de vous,
pc.ur vous soigner.
Il a pris Jean et Ne 11 y pour un jeune
ménage et Marte r pour un bon papa im-
potent.
Cette erreur frappe le malade comme
d'un-coup de feu, e.t met Nelly et Jean
mal à leur aüse.Abasourdi de l'effet pro-
duit par sa gauche amabilité, le chef
musicien s'esquive avec sa troupe.
La parole qu'il a lâchée avant de par-
tir, bouleverse tes hôtes de la-villa. A
sa Iuêtir, ils se sont vus près d'un gouf-
fre ; la décrépitude de Marier Je rend
indigne de sa femme ; le mari qui cor-
respond à Nelly, saine et splendide,
c'est Jean, vigoureux et beau. Le vaga-
bond, au nom du Code naturel a pro-
noncé le divorce de Nelly avec Martelr,
uni Neilv avec Jean. L'univers entier,
s'il était consulté, consacrerait ces dé-
cisions. Il séparerait la vieillesse de la
jeunesse, la souffrance de la joie, ap-
pariant la joie et la jeunesse.
Le malade s'effraye de cette harmonie
immanente qui veut l'inceste ; ce qui le
rassure un peu, c'est de croire ferme-
ment que Nelly et Jean- sont, encore
purs de tout aveu, de toute pen-
sée coupable, qu'il est encore temps
de les arrêter. Il va se hâter d'agir : il
ne laissera plus sa femme et son fils
vivre en commun ; il se traitera avec
énergie, afin de reconquérir sa santé et
sa, séduction. *
Mais Nelly et Jean qui réfléchissent
de leur côté, ne se sentent pas absolu-
ment irréprochables. Dans leurs scènes
d'émotions récentes, lorsqu'ils s'em-
brassaient en pleurant, n'éprouvaient-
ils pas une sorte de plaisir trouble ?
N 'ont-ils pas exploité la crise de Mar-
ter pour se blottir l'un contre l'autre ?
L'inauiétude ne fut-elle point l'entre-
metteuse sournoise du désir ? ïls étaient
sï doux leurs visages mouillés de lar-
mes !. Qu'ils enveloppaient tendre-
ment les bras de Nelly ! Que ceux de
Jean serraient fort
De plus, la maladie de son mari a ré-
vélé à Nelly un Jean inconnu. Elle ne
le soupçonnait pas à ce point sensible,
affeclÙeux;, passionné, capable de tant
se dévouer à un père qui lui a fait du
mal. Elle lui accorde l'ardeur et la
grandeur des héros. Quand il est ar-
rivé à Beaulieu en pleine alerte, elle a
été tout de suite réconfortée. Elle a eu
moins peur de son mari, car il lui fai-
sait peur cet. homme atteint d'un mal
aux accidents affreux. Soutenue par son
beau-flls, elle a affronté, presque avec
bravoure, la figure ravagée, les halète-
ments, les cris.
.L'émoi ressenti sur le cœur de Jean,
son admiration pour lui, sa confiance
en lui, son effroi de Marter malade,
elle les interprète comme les prélimi-
naires de l'amour. Il n'y a point jus-
qu'à sa dernière poussée d'optimisme
qu'elle ne condamne. Pourquoi cette
sérénité en face du sombre avenir ?
Comment s'accommodait-elle de n'im-
porte quelle éventualité ? Est-ce que,
par hasard, elle n'aurait point regardé
la mort de son mari comme une libéra-
tion, comme la condition d'un bon-
heur plus. complet ?
Nelly juge inadmissible que Jean et
elle demeurent dorénavant sous le mê-
me toit. Et le jeune homme, aussi scru-
puleux, décide de regagner Paris. Sans
que Marter ait" eu à intervenir, sans
que nul d'entre eux ait commenté La
scène des jardins, il quitte Beaulieu,
deux jours après. Ils se sont compris
tacitement.
Le départ a lieu de nuit, une belle
nuit sans lune où les étoiles sont com-
me des fleurs de mimosa éparpillées
dans une mer paisible.
IV
Lolotte, dans son salon de poupée,
était, assise sur les genoux dé Jean.
Elle dévisageait, avec un orgueil crain-
tif, le beau garçon qu'elle avait long-
temps pourchassé en vain et dont elle
pr-essentait la capture peu durable.
Jean, dès son arrivée à Paris, avait
trouvé- honnête de rompre sa liaison
cérébrale avec Nelly, d'exorciser de sa
vie le charmant fantôme. Les amours
d'imagination où il se complaisait sans
remords tant que Marter n'était pas
malade, il les détestait, aujourd'hui
que le malheureux lui semblait avoir,
sur sa femmp, moins de prise. Pour se
guérir plus vite de sa mauvaise pas-
sion, il souhaita une maîtresse. Il en
eut bientôt - une. Lolotte languissait
pour lui, le provoquait. Un soir, après
une représentation au petit théâtre
montmartrois où elle débutait dans uni
numéro de danses américaines, il l'a-
vait accompagnée jusqu'à sa maison,. A'
la porte, elle avait insisté pour qu'il la
conduisît jusqu'à son palier. Du palier,
elle l'avait entraîné dans l'appartement,,
d'où il n'était ressorti que le lendemain.,
Cette fois et dans la suite,. 11 ne la pre
nait pas positivement, il se laissait
prendre par elle. Il ne lui demandait
pas autre chose que la paix des sens. Il
assimilait son aventure avec la danseu-
se, à un remède pas trop désagréable,,
presque sucré.. ",
il essayait de le lui dissimuler à grand
renfort de serments déclamatoires et de
véhémentes caresses. Il voulait épar<
gner sa susceptibilité et son amour, —
indéniable. Mais dans les transports les
mieux feints, Lolotte percevait de la,
charité, de la politesse, pas .de chaleur
sincère; les baisers de Jean l'humi-
liaient comme une aumône. Et qu'il
était loin d'elle, assis près d'elle, cou-
ché près-d'elle ! C'était à une ombre
insinuée dans leur intimité, qu'il adres-
sait ses « ma chérie », ses « mon peti*
gosse », les plus, fervents..
Maurice Duplay.
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