Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-03-24
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 mars 1909 24 mars 1909
Description : 1909/03/24 (N10735,A30). 1909/03/24 (N10735,A30).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75360647
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/10/2012
30e ANNEE. — NUMERO 10735. PARIS ET DEPARTEMENTS: Le Numéro - -hein MERCREPj 24 MARS 1809.
A. PÉRIVIER - P. OLLENDORFF
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il. Boulevard des Italiens, 11
PARIS (2"-AjW)
.--
TÉLÉPHttNE: 102-74
BURBAU SPÉCIAL a LONDRES
29, Mincing Lane, E C.
«n
Les Manuscrits ne sont pas rendus
1
* Si lu me lis avec attention, tu trouveras ici, suivant le précepte dllorace.
futile mêlé à l'agréable »,
f [Préface de Gil Blas au lecteur)
————————-————— «
ANDRÉ POI*~-~
ADMINISTRAT Ti ujef^C j.r^r:
- M 1 N 1 S T RA Tf1""
li, Boulevard des ~é$~Ïl~
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0 8, PLACE DB LA BOURSB, 8
Ut à radminisimtivm du Jov^aal
Le Fait nouveau
Quel est le fait nouveau de la semaine ?
Pour ces messieurs du Bureau des longi-
tudes, c'est l'arrivée du printemps le vingt
mars. Voilà une vérité astronomique.
date du vingt mars n'a aucune importance.
Nous regardons le ciel seulement pour savoir
s'il est pur ou nuageux. Le froid diminue-t-il ?
Tout est là.
Cette semaine, nous avons senti le change-
ment de saison. La semaine dernière, il nei-
geait ; cette semaine-ci, il pleut. Il y a huit
v jours, on grelottait ; aujourd'hui on est acca-
blé par une température humide, tiède ; on a
les jamtes molles. C'est le printemps. Vive le
printemps !
Il pleut. Il paraît que c'est' normal. Nous ne
méritons pas mieux. Pendant trois mois, nous
avons souffert du froid, nous avons pataugé
dans la neige. Maintenant nous piétinerons
Sans la boue. Il faut que les saisons se pas-
sent, on nous l'assure. Nous avons eu l'in-
fluenza en hiver, nous aurons la grippe au
printemps. C'est un progrès.
Vauvenargues, homme délicat, a écrit :
« Les premiers jours de printemps ont moine
de grâce que la vertu naissante d'un jeune
homme. » Vauvenargues a raison. L'entrée
de la saisonnouveWe est piteuse, vraiment, et
le jeune homme vertueux n'a aucune peine à
l'emporter. Des coups de vent poussent sur
la ville des nuages noirs, les averses tombent
comme d'un arrosoir, une boue liquide couvre
les chaussées, voilà le cortège du chevalier
Printemps. Et pas l'espoir d'une feuille aux
arbres ; les bourgeons se mettent en grève
comme de simples postiers : « Plus souvent,
disent-ils, que nous montrerons le bout de
notre nez par un temps pareil ! Nous atten-
drons un coup de soleil pour nous risquer. »
Heureux bourgeons, ils ne viennent qu'à
coup sûr, lorsque la température s'est adou-
cie. Mais nous ne choisissons pas notre mo-
ment. Nous sommes là, qu'il grêle ou qu'il
neige. Nous sommes pareils à un vieux para-
pluie.
Je voulais adresser mon compliment au
printemps. J'attendrai le mois de mai ou celui
de juin. Et pour l'instant, nous nous occupe-
rons d'autre chose, si vous le voulez bien.
> Le fait nouveau de la semaine, du reste,
• n'est pas l'arrivée du printemps. C'est là une
vieille actualité. Depuis des millions d'an-
nées que la terre tourne sur son axe et vire
autour du soleil, elle n'a jamais manqué à
la même date de faire entrer son hémisphère
boréal dans la saison intermédiaire entre l'hi-
ver et l'été. Il n'y a vraiment pas à s'occuper
d'un fait qui s'est reproduit avec une régularité
mathématique depuis la formation du monde.
Et j'ai hâte d'en arriver à une petite histoire
qui est bien à nous et que les siècles précé-
dents n'ont pas connue/Cette petite histoire
est pour l'instant parisienne et française ;
niais elle se répétera, avec le temps, dans
d'autres pays, soyons-en certains. Chacun en
a parlé suivant ses passions oue ses intérêts. Il
reste pourtant quelque chose à ell dire pour
un spectateur indépendant et qui n'a aucune
peine à garder son sang-froid.
La grève des postiers, voilà. le fait nouveau
de la saison.
Les employés d'un service d'Etat peuvent se
mettre en grève et arrêter la vie économique
et politique du pays. Ils peuvent ainsi faire
subir des pertes immenses à la communauté ;
ils peuvent même amener les conséquences
les plus graves au 'point de vue national, af-
faiblir le pays au milieu d'une crise euro-
péenne. Il est impossible de chiffrer les dom-
mages causés par la grève.
Et le pourquoi de cette grève ? Est-ce une
question de vie ou de mort qui a décidé les
postiers à abandonner leur travail ? Non, la
tête de M. Simyan leur déplaît, et la grossiè-
reté de ses propos.
Nous déclarons qu'il y a disproportion entre
la cause et les effets. Nous déclarons que la
tête et les propos de M. Simyan sont payés
trop chèrement par les millions que perd la
communauté. Nous désirons que M. Simyan
soit renvoyé à son siège de député.
Mais nous trouvons aussi que les postiers,
s'ils se sont offert la tête de M. Simyan, se
paient également la nôtre. Nous voudrions
que ces gens réglassent leurs différends et
leurs querelles sans que nous eussions à en
souffrir. Nous sommes le public, le bon pu-
blic patient qui paie et qui supporte les lon-
gues attentes aux guichets toujours encom-
brés de la poste. Dans aucun pays on n'en-
durerait les ennuis quotidiens que nous vaut
la mauvaise organisation des postes et des
téléphones.
- Et il faut, en outre, qu'on nous supprime
même cet insuffisant service 1 C'est trop !
Aussi, je comprends l'indignation qui s'est
emparée du public -et l'effroi que ressentent
les gens professant des principes autoritaires
de gouvernement. J'approuve les discours les
plus éloquents qu'on a prononcés pour flétrir
la révolte des postiers. Avec tous les bons es-
prits, je leur refuse le droit .de grève.
Seulement. seulement, les plus beaux ais-
'cours du monde et les plus éloquentes indi-
gnations ne changeront rien à ce fait que les
employés de l'Etat se sont mis en grève et s'y
remettront quand ils le jugeront opportun
pour leurs intérêts.
J'ai entendu des gens faire appel au tyran,
au bon et salutaire tyran. Mais je demande
ce que fera le tyran en face d'une collectivité
refusant de travailler. Fusillera-t-il les em-
ployés des postes abandonnant leurs gui-
chets ? Avouons que ce serait une bizarre
façon -de les obliger à reprendre leurs postes.
C'est, je crois, au prince Jérôme Napoléon
qu'on doit cette belle pensée : « On peut faire
beaucoup de choses avec des baïonnettes, sauf
s'asseoir dessus. » En termes moins pittores-
ques, on ne va pas loin avec la manière forte.
Les ouvriers, les employés, les fonctionnai-
tes ont commencé à se rendre compte de l'im-
portance au rôle social qu'ils jouent. Ils com-
prennent qu'isolés, ils ne peuvent rien, mais
que, groupés, ils peuvent à peu près tout. A
peu près tout, s'entend au moins pour la des-
truction, c'est-à-dire pour l'arrêt de la vie éco-
nomique, car il n'est pas du tout prouvé que
les organisations ouvrières ou que les grou-
pements d'employés sauraient, à eux seuls,
faire marcher la grande machine. Mais ils
peuvent l'empêcher de marchër, et cela - suftit
pour qu'ils se jugent indispensables.
Il n'y a pas longtemps qu'ils se rendent
compte de leur pouvoir. La grève des postiers
aura pour eux une importance extrême. Ils
auront pris conscience dû fait nouveau.
Que feront-ils plus tard ? Peut-on demander
la sagesse, la subordination nécessaire à une
collectivité d'hommes ? Je n'ai pas l'esprit chi-
mérique. Toute force tend à se développer, à
moins qu'elle ne soit arrêtée par une force
contraire. Mais où est ici ia force antagoniste ?
Les postiers, comme tous les syndicalistes,
ont déclaré qu'fis se moquaient des députés et
du pouvoir législatif. Ils se sont démontré à
eux-mêmes qu'ils n'avaient pas besoin du
pouvoir politique.
On leur parlera de leurs devoirs. Ils ne com-
prennent pas. Ils veulent une amélioration
matérielle de leur sort, ou une satisfaction
d'honneur. Et ils savent comment l'obtenir,
sinon aujourd'hui, du moins 'demain. Que
faire ? Eviter pour l'instant que de trop vifs
mécontentements naissent parmi les ouvriers
et les employés. Ce sont des palliatifs. M. Bar-
thou, qui est intelligent, saura manœuvrer.
Mais on ne fera que reculer les crises néces-
saires. Un pourvoir est né dont on ne peut en-
core soupçonner la force, .dont on ne sait si
elle s'exercera pour le bien ou pour le mal.
C'est là le fait nouveau. -
Claude Anet.
•
X-i £ t DPoli-tiQixi©
Fin de Grève
Cette fois, la grève est finie. Les grévistes
ont repris le travail. Ils ont même entouré
cette neprise d'un certain cérémonial un peu
bizarre. « Ils étaient, dit le Temps, plusieurs
milliers d'hommes et de femmes, cheminant
lentemenk et se tenant par le bras. Les hommes
portaient, au chapeau, le carte de gréviste, et
les femmes avaient épinglé cette carte à leur
corsage, au milieu d'un petit bouquet de mi-
mosas et d'oeillets. Pas un cri. Ils marchaient
lentement, du pas dont on suit un corbil-
lard. »
Il est assez difficile de considérer cette atti-
tude comme celle de gens qui triomphent. Or,
d'après le même journal, « la Révolution so-
ciale vient de gagner sa première grande ba-
taille ».
Notre confrère s'exagère un peu la gravité
des choses. Le gouvernement n'a certainement
pas remporté une brillante victoire ; mais il
n'a pas davantage été battu. Il est facile de
dine qu'il a accordé aux grévistes la tête de
M. Simvan, puisque, s'ils ne l'ont pas encore,
ils l'auront demain. Mais toute la question
était précisément qu'on ne la leur accordait
pas sous la pression de la grève. Car, per-
sonne ne peut envisager sérieusement le main-
tien, à son poste, de ce néfaste sous-secrétaire.
Le vrai tort du gouvernement, celui dont M.
Clemenceau doit faire son mea culpa, c est
d'avoir mis, à la tête de ce service, ce politi-
cien aux allures cassantes. Tout ce qu'on peut,
en bonne justice, demander au gouvernement,
c'est d'attendre le temps moral pour s'en dé-
barrasser.
Quant à l'absence de sanctions, c'est une
affaire de conscience. Du moment que les dé-
lais accordés aux grévistes n'étaient pas écou-
lés, on ne peut pas dire que le fait de ne pas
prononcer de révocations constitue une capi-
tulation. La générosité n'est peut-être pas tou-
iour3 le meilleur des moyens de gouverne-
ment. Mais elle est, dans tous les cas, infini-
ment supérieure à la'brutalité.
Reste la question des actes de sabotage. Les
parquets sont saisis : nous espérons bien que
le gouvernement les laissera accomplir leur
œuvre. Ici, il n'y a plus place que pour la plus
inflexible sévérité. C'est de sang-froid, avec
préméditation, et en s'entourant de toutes les
précautions, que les criminels ont commis
leurs attentats contre la nation. La faiblesse
du gouvernement dans la répression de ces
actes sauvages constituerait la vraie capitu-
lution. ,
G H* ELAS
«#
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à deux heures, courses au Trem-
blay.
Pronostics de Gil Blas :
Prix Martagon. — Hespéride II, Kennebec.
Prix Escarboucle. - Korrigane, Mélopée.
Prix Kendal. — Hawaï, Darraïdon.
Prix Rouge Rose. — Brumaire, Lazaronne.
Prix Doncaster. - Chamœrops.
Prix Bend Or. - Grenat II, Roscoff.
ON EXCOMMUNIE 1
( -r
Ce n'est plus ïlB la maladresse, c'est de la
démence.
Le Saint-Siège vient d'excommunier l'abbé
Romolo Murri, parce des électeurs italiens ont
fait de lui un député. Il suffit que quelqu'un
soit sympathique à la foule pour qu'aussitôt
le Pape le considère comme le pire ennemi.
En somme, Romolo Murri avait été l'un des
plus ardents modernistes italiens. Il pouvait
s'être écarté du dogme : mais l'excommunier
à l'occasion de son entrée dans l'activité poli-
tique, c'est pure bouffonnerie ! «
Et, que voulez-vous, qu'il arrive ? Si Romolo
Murri a de la réserve et de la discipline, il
développera prodigieusement l'anticléricalisme
italien, voilà tout. Tout le monde saisira le
caractère suranné et ridiculement tyrannique
de son excommunication. Murri est, en effet,
passible de toutes les peines des excommu-
niés, et ce n'est pas peu dire. Par suite, il est
recommandé aux fidèles de l'éviter. Charmante
nature ! Le Pape voudrait encore que les
excommuniés fussent traités comme les pesti-
férés et comme les lépreux de jadis. Autre-
fois, le bon peuple était naïf. Mais, aujour-
d'hui, si candide soit-ii demeuré, il comprend
qu'on ne peut, sous aucun prétexte, traiter
comme un paria un homme coupable d'avoir
voulu penser avec quelque liberté. L'excès de
la peine grossière et barbare met '8n relief la
médiocrité du crime, — et-déconsidère le juge.
Même en Italie, par cette excommunication
retentissante et tellement inopportune ! le Pape
s'écarte du monde moderne. En France, n'a-t-
on pas pris soin de nous rappeler, ces jours-
ci, que M. Alfred Loisy était excommunié et
qu'il nous était interdit d'approcher de lui,
sans quoi nous lencourrions les plus graves
dangers. Cela nous a fait sourire, tout simple-
ment. Je sais bien sûr, d'ailleurs, que si le
Pape, qui a l'air de détester follement les prê-
tres mêlés à la vie politique, menaçait ou ex-
communiait jamais ce moderniste doux qu'est
l'abbé Lemire, la France se lèverait tout entiè-
re, si j'ose dire, pour offrir au bon abbé Lemi-
re une soutane d'honneur.
Il faut de l'excommunication, pas trop n'en
faut.
Ernest-Charles.
IL Y A CENT ANS
Mercredi 24 Mars 1809. :
— Guerre d'Espagne. « Le marquis de Peralee,
homme respectable, qui avait paru jouir jusqu'a-
lors de la confiance du peuple, fut accusé d'avoir
laÜ mettre du saible dans les cartouches. Il fut
aussitôt étranglé, et ses membres déchirés furent
envoyés comme des trophées, dans les quartiers
de la Ville. On arrêta que toutes les cartouches se-
raient refaites, et trois ou quatre mille moines
furent conduits au Retrio et employés à ce tra-
vail ».
■ ■ > «>+«»»■ < ——————-.
LE BOULEVARD
Les collaborateurs utiles.
Il arrive parfois, souveht même, que les
académiciens doivent leur élection à tout autre
chose que leur mérite. Sans parler des compé-
titions et des intrigues mondaines, ne pensez-
vous pas, par exemple, que plus d'une pièce
de théâtre, devant son succès à l'interprète
principal, ledit interprète contribue, à sa ma-
nière, au succès du dramaturge qui arrive à
l'Académie ?
Certains auteurs le reconnaissent volontiers.
Ils sont rares. Jadis, l'un des plus hilarants
comédiens de l'ancien répertoire, Lhéritier,
possédait un exemplaire de la Cagnotte, avec,
sur la feuille de garde, une lettre de Labiche.
Par cette lettre, Labiche répondait à Lhéritier,
qui le félicitait d'être élu membre de l'Aca-
démie :
« Je vous remercie, mon cher Lhéritier, mais
c'est bien vous et vos camarades qui m'avez
avancé le fauteuil. »
Le mot est charmant. Il n'étonne pas sous
la plume de l'excellent homme qu'était Labi*.
che.
En effet, les comédiens ont avancé plus d'un
fauteuil, comme les grenadiers d'autrefois ont
taillé plus d'un duché aux maréchaux de Fran-
ce.
Ce n'est pas tout de vaincre. Il faut faire
leur part à ceux qui ont collaboré à la vic-
toire.
Dédain officiel,
C'est demain le vernissage des Indépen-
dants. M. Fallières, invité par le comité de ce
Salon de jeunes, Salon si' vivant, si passion-
nément intéressant, vraie pépinière d'où sont
sortis presque tous les talents originaux do
la peinture contemporaine, a répondu que ses
nombreuses occupations l'empêchaient de ve-
nir inaugurer les Indépendants.
Vraiment, ce n'est pas gentil de sa part. M.
Fallières est un homme excellent, il inaugu-
rera des salons officiels ou mondains qui ne
valent pas celui qu'il dédaigne. N'a-t-il donc
pas, dans son entourage, quelqu'un d'un peu
averti pour lui expliquer que Signac et Vuil-
lard, et Cross et Marquet valent bien tous les
Flameng et tous les Didier-Pouget auxquels il
distribue la manne de ses bonnes paroles
sans compter les faveurs officielles.
Le vernissage des Indépendants aura donc
lieu sans M. Fallires. Et il y aura foule, tout
de même, demain, dans les baraquements des
Tuileries. Mais l' « aristocratie républicaine »
restera dédaigneusement à l'écart. Tant pis
pour l'aristocratie républicaine !
-.x
Budgets postaux.
Nous indiquions, l'autne jour, le montant
des revenus que l'administration des postes
procurait aux principaux Etats européens.
Tous les pays n'ont pas le même bonheur.
Les Etats-Unis éprouvent, chaque année un
déficit de près de vingt-trois millions de francs
avec les divers services postaux ; le Brésil
perd huit millions ; la République Argentine
près de quatre millions, et le Mexique un mil-
lion trois cent mille francs.
Et nous, qui réalisons d'énormes bénéfices,
nous nous plaignons ; les ouvriers se met-
tent en grève ; les commerçants organisent
des meetings de protestation contre l'incurie
administrative, et les demoiselles du téléphone
— une fois n'est pas coutume — nous refu.
sent la communication.
.N'est-ce pas à décourager de faire fortune ?
-x.-
Le Wagnérisme de Reyer.
L'excellent Reyer, que M. Fauré vient de
remplacer sous, la Coupole, avait été, on le
sait, critique musical, comme Berlioz jadis
comme certain « Monsieur Croche », que Clau-
de Debussy connaît bien. -
Oh a souvent représenté Reyer sous les espè-
ces d'un wagnérien. Ceux qui reliraient ses
Notes de musique, parues en 1875, et notam-
ment le chapitne intitulé Souvenirs d'Allema-
gne, cesseraient de considérer comme wagné-
rien l'auteur de Sigurd. Il est piquant, d'abord
de lire (Reyer, louanger à tour de bras a l'illus-
tre Rossini », et, couramment, le « génie »
de Meyerbeer.
Quand il parle de l'auteur de Tristan, sa co-
lère devient comique.
Racontant une soirée passée chez son ami
Lassen, 'à Weimar, Reyer détaille ses impres-
sions. Lassen lui joue la partition de Tristan
au piano.
L'ouverture finie, les récits succédèrent aux ré-
cits, et d'autres récits leur succédèrent encore. Je
n'apercevais au loin et de tous côtés, que des ho-
rizons de sable ; la chaleur devenait accablante et
pas une oasis pour nous reposer, pas le plus petit
filet d'eau pour étancher notre, soif !.
Voici comment Reyer juge le duo du second
acte : « Les modulations les plus inattendues,
les retards, les anticipations et les résolutions
les plus bizarres, des superpositions d'accords
absolument incohérentes. »
Et l'auteur de la sirupeuse Salammbô ajoute
ces paroles mémorables. :
Au milieu du duo j'éprouvai cette folle rage de
l'enfant qui, désespérant d'apprendre la leçon
qu'on lui a donnée à étudier, trépigne et pleure,
ferme son livre- avec colère et le jette bien loin de
lui. De mes doigts crispés je frappai tout à coup
te clavier comme l'eussent fait les griffes d'un
chat furieux, et, mêlant au hasard les mots alle-
mands et les phrases les plus bizarres, je poussai
des cris plus ou moins inintelligibles, des sons in-
articulés, incohérents, sauvages.
Voilà le compositeur que. certaines person-
nes ont taxé de wagnérisme !
Les inventions bizarres.
Il y a vraiment des gens qui ont du temps
à perdre.
Un inventeur s'est présenté au Bureau des
brevets pour faire .patenter l'invention sui-
vante. Il entend établir, entre la queue du
chien d'arrêt et la gâchette du fusil tenu par
le chasseur, une longue ficelle. Le chien sera
dressé à agiter la queue au moment où* il fait
lever le gibier. Le chasseur n'aura qu'à viser.
Voilà. Comme c'est simple !
L'inventeur a été extrêmement déçu lorsqu'il
s'est vu refuser» un brevet. Il s'est retiré en
accusant l'esprit détestable de routine qui rè.
gne dans l'administration.
Le sottlsier du « Mercure ».
Que dites-vous de ces perles charmantes ?
Nous les empruntons au Mercure, qui les col-
lectionne avec un panfait amour ;
Le professeur (M. Nicolas) ajoute :
1° Que la crise des « macchabées » est générale
et quelle est due au développement de 1 instruc-
tion. 1 -
Le grand quatrë-mâts PaUl, de Glascow, s'est
perdu corps et biens sur la côte d'Australie. L'équi-
page a été sauvé.
La Pastorale de Noël. ne devait avoir que trois
représentations uniques devant le public.
Le trois-màts-sohooner anglais Meyerick, venant
de Rio-Grande avec un chargement d'eau calci-
fiée.
M. de Selves reproche.à ce dernier de n'appor-
ter qu'un budget provisoire, équilibré en raflant
les recettes d'une façon imprudente et en dimi-
nuant les dépenses d'une façon excessive.
Sage-femme, boulevard de Strasbourg, demande
bonne enceinte.
i ) mg+q» ■
IMPRESSIONS D'UN SPECTATEUR
Sérénité.
L'OPINION PUBLIQUE
Il faudrait, cependant, ,
Vous en aller, Monsieur Simyan.
M. SIMYAN
0 Dieu ! que la nature est belle !
Dans un rayonnement vermeil,
Phœbé dans l'azur étincelle
En veillant sur notre sommeil !
Ah ! dans tes œuvres infinies,
Créateur, tu me parais grand,
Enivré de tes harmonies,
Je m'agenouille en t'admirant.
LA PRESSE
Il faudrait, cependant,
Vous en aller, Monsieur Simyan.
'* - M. SIMYAN
Ce matin, je lisais Racine.
Que ces vers sont doux et charmants,
Lorsque de la Phèdre assassine,
Il peint l'amour et les tourments.
Qu'Ipliigénie, avec ses charmes,
Belle et touchante en sa douleur,
A souvent arraché de larmes
A mes yeux autant qu'à mon cœur.
LES DÉPUTÉS
Il faudrait, cependant,
Vous en aller, Monsieur Simyan..
M. SIMYAN
Quand la mort fermera le livre
Que longuement j'ai feuilleté,
Je mourrai comme j'ai su vivre,
Avec calme et sérénité.
A Mâcon, simple et calme asile,
Près des miens, on me couchera.
Là, je reposerai tranquille
Loin du trouble de l'Agora.
LE PEUPLE
Il faudrait, cependant,
Vous en aller, Monsieur Simyan.
Puck.
Un long cri.
Il paraît que le grand poète Pietro Anto-
nelli a poussé un cri de douleur. Mais la dou-
leur était si profonde qu'il n'a pas fallu moins
de dix-huit mille vers pour l'exprimer du fond
du cœur. Ces dix-huit mille vers forment le
poème Elsa.
Avouons qu'il faut un souffle peu ordinaire
pour l'exhaler en un si long poème. Les Japo-
nais, eux, s'expriment en trente-trois syllabes.
Quelle supériorité chez ces Jaunes !
Les statues contestées.
M. Robinet de Cléry publie dans la Revue
Illustrée, un fort curieux article sur le général
de Cissey, à qui on s'apprête à élever un mo-
nument à Mars-la-Tour.
L'éminent avocat rappelle les dramatiques
péripéties qui se déroulèrent à ce procès sen-
sationnel en 1880. On s'injuria, on faillit en
venir aux mains. Des journalistes accusaient
l'ancien ministre de Tihiers et de Mac-Mahon,
d'avoir livré à une espionne allemande, les se-
rets de la défense nationale et d'avoir trafiqué
de connivence avec elle sur d'infâmes mar-
chés ; d'être concussionnaire, traître, etc.
Rochefort, qui depuis, mais alors. — le
président Carlier, maître Barboux, maître
Cresson, et tous les avocats échangèrent les
paroles les plus vives. M" Robinet de Cléry
prononça une plaidoirie pathétique. Les par-
tisans, dans l'un et l'autre clan, ne parvinrent
point à se convaincre, s'étant bornés à s'inju-
rier copieusement.
Il est vraiment assez difficile d'écrire l'his-
toire.
-x-
Etymologie gastronomique.
Si nous en croyons les plus délicats gour-
mets de notre époque, la moutarde serait le
meilleur condiment qu'on puisse servir sur
une bonne table.
On se rappelle que Louis XI portait tou-
jours son pot de moutarde lorsqu'il allait sou-
per à l'improviste chez un important bourgeois
de Paris. -- -
Le pape Jean XXII, d Avignon, raffolait de
la moutarde. Il avait un neveu, bon à rien,
dont il fit son premier moutardier. De là le
proverbe : "« Il se croit lë premier moutardier
du pape », en parlant d'un sot vaniteux.
Grimod de la Reynièr.e, Brillat-Savarin,
Alexandre Dumas père ont célébré, tour à
tour, la piquante moutarde.
D'où vient le mot ?
En 1382, Philippe le Hardi, duc de Bourgo-
gne, marcha contre les Gantois révoltés, et le
maire de Dijon, Jehan Poissonnel, fabricant
de moutarde enrichi, lui fournit mille hommes
armés et équipés aux frais de la ville.
Le duc, par reconnaissance, accorda à la
ville divers privilèges, parmi lesquels celui
de porter ses armes avec sa devise : Moult me
tarde. La ville fit sculpter armes et devise sur
la porte principale, mais un accident ayant
détruit le mot me, on ne lisait plus que Moult
tarde, ce qui fit rire aux dépens des Dijon-
nais.
Comme ils faisaient commerce de sénevé, on
appela, par dérision, cette graine, moutarde,
lorsqu'elle venait de Dijon. Et le nom lui en
est resté. „
Les modèles du Maître.
Le docteur Cabanès, qui est un chercheur
fort érudit, a fait récemment, à l'Académie de
Médecine, une intéressante communication sur
les Sources d'inspiration médicale, de Molière.
Voici ce qu'il nous apprend sur les modèles
qui inspirèrent, au grand comique, les. méde-
cins de l'Amour médecin. Ils se nomment —
peut-être vous en souvenez-vous — Tomès,
Desfonandrès, Macrolon, Bahis et Fileren.
Les originaux des portraits furent trois mé-
dicastres, nommés Daquin, Des Fougerais et
Guénaut.
Daquin, attaché à la personne du roi, par la fa-
veur de Mme de Montespan, et congédié plus tard
par Mme de Maintenon — grandeur et décadence !
— n'était, à entendre cette langue vipérine de Gui
Patin, qu' « un pauvre cancre. grand charlatan,
véritablement court de science, mais riche en four-
beries chimiques et pharmaceutiques x. Comme il
était très partisan de la saignée, il 's'appelle dans
la pièce, Tomès, celui qui coupe et taille.
Des Fougerais, transmué en Desfonandrès ou
tueur d'hommes, ne méritait pas plus d'indulgen-
cè que Daquin ; l'impitoyable satirique a tôt fait
d'en dessiner le croquis. « Charlatan s'il en fût ja-
mais ; homme de bien à ce qu'il dit, et qui n'a ja-
tfïaig Changé de religion que pour faire fortune et
mieux avancer ses enfants ». Des Fougerais, qui
boitait., était représenté sur la scène par le boiteux
Béjart.
Aussi ignare et non moins cupide e 1)es Fou-
gerais nous apparaît Guénaut, que Boileau a im-
mortalisé.
En somme, ces cuistres piteux eurent de la
chance d'être immortalisés par Molière.
Une idée macabre.
Qui nous eût dit qu'un jour le Vésuve, ce
volcan dont on ne parle qu'avec la plus si.
nistre frayeur, serait transformé en bienfai-
teur de l'humanité ?
Un spéculateur américain propose de con-
vertir le cratère du Vésuve en four crématoire
universel. Une flotte colossale transporterait
les morts de toutes les nations dans la baie
de Naples et une ligne ferrée électrique con-
voierait les corps jusqu'au sommet de la fu-
"Uebre montagne.
La proposition de ce yankee nous ferait ri-
re, si le sujet n'était si triste. Est-il assuré en
effet d'une clientèle assez nombreuse pour
l'utilisation de sa flotte et la mise en action
des énormes capitaux qu'il espère réunir ? Et
que diront les Napolitains, incommodés par
cette macabre industrie ? 1-1 est probable qu'ils
n'hésiteront pas une minute à saboter les na-
vires de la Compagnie internationale des trans-
ports funèbres et qu'ils réclameront bruyam-
ment pour leun Vésuve le droit à ne rien
faire.
X-
M. Simyan, dont de cruels subordonnés ne
peuvent obtenir le débarquement, est un
homme invulnérable, tel le héros fameux de
l'Iliade.
On ne pouvait atteindre Achille qu'au talon
Seulement, le talon de M. Simyan, c'est un
talon de mandai.
Le Diable boiteux.
-—-————————— ifr ———————.
Propos du Jour
On demande un paladin
Les membres de la Société protectrice des ani-
maux s'agitent, — mais qui ne s'agite pas en ce
bel an de grâce 1909, qui n'a pas sa petite agita-
tion ? — à l'instar des joyeux P. T. T., ils donnent
des leçons au pouvoir, en organisant une croisade
en faveur des chevaux parisiens.
Il est certain que l'existence de ces pauvres bê-
tes n'est pas toute rose.
Paris, paradis des jolies femmes,
Enfer des chevaux.
disaient nos pères, et je crois volontiers que ce
dicton est toujours vraiv dans ses deux parties.
Je n'ai pas besoin de vous dire que -ce sont pré-
cisément ces dames de la Société protectrice qui
mènent le plus grand bruit dans l'affaire.
Elles écrivent des lettres à mon spirituel confrère
Montorgueil, de l'Eclair, qui joint à la verve et à
l'érudition d'un chroniqueur émérite les goûts d'un
sportsman raffiné, et qui a organisé la campagne
hippophile.
Elles se lèvent tôt pour aller inspecter les atte-
lages de boueux et se couchent tard pour regarder
ce qu'il y a sous le collier des chevaux de fiacres
maraudeurs.
Et elles ameutent les passants, et elles requièrent
les agents, et elles disent leur fait aux charretiers,
je vous prie de le croire !
Mais voilà, tout n'est pas parfait en ce bas
monde, même dans le Paradis des Dames qu'est
notre, ville de Paris.
Le respect s'en va, la foule devient un peu
gouailleuse, les agents montrent de la mollesse et
les charretiers. ah ! dame ! les charretiers ripos-
tent en leur langage aux aménités des dames so-
ciétaires ; et les rieurs ne sont pas toujours du
côté du sexe faible. -
Une des zélatrices les plus méritantes, Mme la
baronne de B., le constatait dernièrement et se
plaignait, par lettre ouverte, à mon excellent con.
frère, de la lâcheté des hommes modernes qui hé-
sitent à faire le coup de poing en pareille circons-
tance avec les boueux, charretiers, cochers et
autres.
Peste ! comme elle y va. Je crois bien que les
hommes hésitent ; je vais plus loin, je suis sûr
qu'ils ne mardhent pas.
Et je me permettrai d'en donner la raison à
Mme de B.
Sans parler du désagrément très sérieux qu'il y
a à se colleter avec des personnages de la classe
ci-dessus mentionnée et de se faire pocher un œil
ou casser une dent par l'un d'entre .eux, il n'y n
pour ainsi dire plus de Parisien disposé à se com-
promettre dans la rue pour une femme qu'il n'a
pas l'honneur de connaître.
Pourquoi ? Parce que les femmes que nous ne
connaissons pas sont éminemment désagréables
et mal élevées à notre égard.
Voyez leur expression de physionomie dans la
rue. Beaucoup ont des.traits qui seraient agréa-
bles, pas mal sont jolies, quelques-unes sont très
belles, mais tout cela est gâté par un air unifor-
me de mauvaise humeur, de mépris presque hai-
neux, de vanité méchante.
Si vous ne voulez pas être rabroué de la verte
façon, ne les regardez pas, ne leur parlez pas, mê-
me avec le plus grand respect, pour leur rendre
un de ces mille petits services que nos pères s'em-
pressaient d'offrir à nos aïeules, tout aussi belles,
mais autrement gracieuses.
Surtout ne vous laissez jamais entraîner dans
une querelle pour l'une d'elles. Non seulement elle
ne vous en saurait aucun gré, mais encore elle
disparaîtrait sans vous laisser ni son adresse, ni
son témoignage, attestant le motif honorable de
votre intervention. Encore très heureux si elle ne
dépose contre vous.
Louis d'Hurcourt.
wrnmimmmstxmmmm
Maurice Barrés
et les Camelots du Boy
On parlait, dans une dîner devant M. Mau-
rice Barrés des Camelots du Roy et l'on sol-
licitait l'auteur de Colette Bawdoche de donner
son avis sur ces jeunes gens, qu'une ardeur
inconsidérée désigne depuis quelque temps
à l'attention souriante du philosophe, du psy-
chologue social, de la police et des tribunaux
M. Maurice Barrés n'hésita pas à exprimer
quelque doute sur une aussi puérile campa-
gne, nuisible même aux idées qu'elle défend,
pour peu que le ridicule ait encore en France
quelque propriété destructive. Mais le jeune
académicien, cédant à sa tournure d'esprit
particulière, et qu'il hérita quelque peu de
Renan, s'intéressa moins aux faits en eux-
mêmes qu'àjeurs causes, et tout aussitôt vou-
lut les expliquer :
— J'ai moi-même, dit-il, un fils au lycée.
Condorcet ; ses pjus graves préoccupations
littéraires, en dehoTs de celles qui lui sont !
imposées par ses études, ne vont pas au-delà
de certains romans dans le goût du joup et
dont Sherlock Holmes, Roulletabille, Raffles,
Arsène Lupin sont les prototypes ; les mots
« préoccupations littéraires » sont d'ailleurs
purement ironiques, car ce qu'il peut y avoir
de littérature, de talent d'écrivain dans ces
œuvres, n'intéresse notre écolier que secon-
dairement. Ce qui importe surtout c'est J'aven-
'ture, et non plus l'aventure de cape et d'épée,
autrefois populaire, et dont le romantisme ou-
trancier n'allait pas sans une certaine no-
blesse, mais l'aventure moderne, exclusive-
ment policière. »
Or si cela est vrai pour le fils de M. Mau- 1
rice Barrés, que penser des autres ? Tous
sont passionnas, conquis par ces luttes épi-
ques entre un détective illustre et un célèbre
filou, et n'aspirent qu'à jouer dans la réalité
un rôle important en de pareils duels. Ils
pourraient sans doute offrir leurs services à
la police, comme le fait un jeune rhétoricien
tians un récent roman de M. Maurice Leblanc;
mais à la Sûreté on n'accueillerait sans dau4e4
qu'avec une certaine réserve cette offre spon-
tanée de jeunes capacités. Quand on ne peut
pas être avec la police, il reste toujours la
ressource d'être contre elle ; c'est à la portée
du premier venu.
Ce qui d'ailleurs caractérisa ces romans an-
glais, américains ou français, dont nos jeunes
gens font aujourd'hui leur pâture, c'est Ja par-
faite cordialité de relations existant entre le
gendarme et le voleur. Pour peu qu'ils « tra-
vaillent bien », chacun dans sa sphère, ils ne
craignent pas de manifester l'un pour l'autre
une réciproque admiration, qui va parfois
jusqu'à la tendresse. Le policier ne prétend
pas rendre service à la société ; non, une af-
faire bien compliquée l'intéresse en elle-
même, le filou, de son côté, est capable de gé-
nérosité, de désintéressement, il a générale-
ment le respect de la vie humaine ; pour le
reste, il est d'tme souriante et glorieuse in-
conscience, d'une très sympathique amoralité.
Avant le duel et après, les adversaires se
donnent une bonne poignée de mains et s'ex-
priment leur mutuelle estime.
Il n'est donc pas du tout déshonorant d'être
contre la police ; cependant nos jeunes éco-
liers n'ayant pas l'envergure d'un Arsène Lu-
pin, ne sauraient se résigner à commettre de
beaux et grands forfaits, ils se contenteront
de troubler l'ordre dans la rue, au spectacle,
de maquiller symboliquement des monuments
publics ou des statues.
Sans r1puf.Pi il faut nn»r cfila svnii. ,,n hut •
ce but, bien entenau, n'est qu un prétexte, une
excuse, mais le véritable motif est le besoin
, d'aventures.
Nous sommes en République, la police est
au service de la République ; pour être anti-
policier on n'a qu'à se faire royaliste ; l'im-
portant, d'ailleurs est qu'il y ait une barricade
et qu'on se trouve d'un côté de cette barricade.
On voit d'ici la joie de ces enfants, lassés
par les sports, et qui se croient blasés sur
toutes choses, lorsqu'ils organisent une petite
émeute, lorsqu'on les conduit au poste char-
gés de fers comme de grands criminels, 'ors-
qu'ils comparaissent devant un tribunal qu'ils
voudraient voir s'élargir, s'amplifier en Haute-
Cour.
Ils se sont mis hors Ta loi, ils ont ébranlé
l'édifice social. Quelle passionnante partie de
cache-cache quand on a un sergent de ville
sur ses traces, quand on se voit surveillé,
épié !!!
Et après ces petites émotions, après
ces courses folles, après ces fatigantes
randonnées, le corps un peu meurtri
par la foule et même par les agents, le larynx
fatigué par d'excessives vociférations, comme
on dort bien la nuit dans sa chambre d'ado-
lescent I
M..Maurice Barrès fut lui aussi élève dans
un lycée ; il se souvient des nuits blanches
et fiévreuses dans le dortoir d'un collège de
Lorraine, quand les jeunes gens avaient au
matin le front pâlg et les yeux bistrés d'avoir
trop pensé, d'avoir préparé trop ardemment
pendant l'insomnie leur esprit d'hommes, li-
bres.
C'étaient de futurs disciples de Renan. Ce
sont aujourd'hui des disciples de Conan
Doyle.
Louis Schnelder.
EN FEUILLETANT" 61t BLAS
Jeudi 24 Mars 1881.
— Le conseil des ministres s'est réuni 'hier à
l'Elysée sous la présidence de M. Grévy. Toute
éventualité de crise est écartée ; les ministres se
yont mis d'accord sur les déclarations que le pré-
sident du conseil fera à la commission parlemen-
taire du scrutin de liste. Eu égard à l'état de divi-
sion de la majorité de la Chambre sur cette ques-
tion, le cabinet a décidé qu'il ne se prononcerait
pas entre les deux modes de scrutin.
— M. Saint-Saëns renonce à écrire la partition de
l'Inès de Castro, de M. Armand Silvestre. En re-
vanche, le jeune compositeur est en train de ter-
miner la musique d'un Henri VIII, du même au-
tour.
L'AGITATION DANS LES P. T. T.
Fin de la Grève
Reprise générale des Services
La grève est terminée. Hier matin, dans un
grand meeting définitif tenu au Tivoli-Vaux-
îlall, .la reprise du travail a été votée à une
énorme majorité. Et, à deux heures de l'après-
midi, les agents des divers services réinté-
graient leurs postes.
Nous donnerons ci-après le détail de ces
événements, qui ne se sont pas accomplis sans
quelque apparat et quelque pittoresque. Mais
certaines réfi-exions et certains commentaires
nous paraissent dès maintenant nécessaires.
•%
Constatons, tout dabord, qu'il était urgent
que le conflit cessât. Il a causé bien des préju-
dices et bien des dommages. L'opinion publi-
que s'énervait, et devenait sévère à la fois
pour le gouvernement, qui se montrait impuis-
sant, et pounles grévistes, qui s'entêtaient dans
une rebéllion insuffisamment justifiée.
La discussion publique et les débats parle-
mentaires ont démontré, en effet, que la plu-
part des griefs administratifs invoqués par
les grévistes avaient fait déjà l'objet d'un exa-
men officiel, se trouvaient à l'étude et allaient
recevoir bientôt une solution. Il ne restait, en
réalité, que l'hostilité des employés contre leur
chef, M. Simyan. Et, quels que pussent être
'les motifs de cette antipathie, ils ne pouvaient
constituer des raisons admissibles pour léser,
par la perturbation de tous les services, les
intérêts privés, les intérêts publics et les inlé
rêts nationaux.
On était à bout da patience. Les grévistes
sont rentrés dans le devoir tout juste à temps
pour bénéficier de l'indulgence du public, qui
ne leur gardera pas rancune et oubliera vite
toutes les tribulations qu'il a subies de leur
fait.
On approuvera de même la mansuétude dont
le gouvernement se dispose à faire montre.
En somme, il tient légitimement compte des
deux faits importants.
D'abord, les grévistes ont, de leur propre *
initiative, entamé les négociations ; ils ont fait
le premier pas en avant sur le terrain de la
conciliation. Les ministpes ont sagement et
habilement agi en recevant leurs délégués, et,
en causant, en discutant avec eux. Ces conv
tacts sont nécessaires, dans la situation sociale
actuelle, où nul n'a le droit de prendre une
attitude hautaine et intransigeante. C'est d'ail-
leurs de ces entretiens qu'est sortie la solution
heureuse et pacifique du conflit, sans que le
gouvernement, en somme, et quoi qu'on en
dise, ait consenti à des abdications.
D'autre part, pour appuyer ses dispositions
à la clémence, le gouvernement a dû tioter crus
A. PÉRIVIER - P. OLLENDORFF
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Les Manuscrits ne sont pas rendus
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futile mêlé à l'agréable »,
f [Préface de Gil Blas au lecteur)
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Annnices.- chez MM. LAGRANGE, < El?F et 0"
0 8, PLACE DB LA BOURSB, 8
Ut à radminisimtivm du Jov^aal
Le Fait nouveau
Quel est le fait nouveau de la semaine ?
Pour ces messieurs du Bureau des longi-
tudes, c'est l'arrivée du printemps le vingt
mars. Voilà une vérité astronomique.
Nous regardons le ciel seulement pour savoir
s'il est pur ou nuageux. Le froid diminue-t-il ?
Tout est là.
Cette semaine, nous avons senti le change-
ment de saison. La semaine dernière, il nei-
geait ; cette semaine-ci, il pleut. Il y a huit
v jours, on grelottait ; aujourd'hui on est acca-
blé par une température humide, tiède ; on a
les jamtes molles. C'est le printemps. Vive le
printemps !
Il pleut. Il paraît que c'est' normal. Nous ne
méritons pas mieux. Pendant trois mois, nous
avons souffert du froid, nous avons pataugé
dans la neige. Maintenant nous piétinerons
Sans la boue. Il faut que les saisons se pas-
sent, on nous l'assure. Nous avons eu l'in-
fluenza en hiver, nous aurons la grippe au
printemps. C'est un progrès.
Vauvenargues, homme délicat, a écrit :
« Les premiers jours de printemps ont moine
de grâce que la vertu naissante d'un jeune
homme. » Vauvenargues a raison. L'entrée
de la saisonnouveWe est piteuse, vraiment, et
le jeune homme vertueux n'a aucune peine à
l'emporter. Des coups de vent poussent sur
la ville des nuages noirs, les averses tombent
comme d'un arrosoir, une boue liquide couvre
les chaussées, voilà le cortège du chevalier
Printemps. Et pas l'espoir d'une feuille aux
arbres ; les bourgeons se mettent en grève
comme de simples postiers : « Plus souvent,
disent-ils, que nous montrerons le bout de
notre nez par un temps pareil ! Nous atten-
drons un coup de soleil pour nous risquer. »
Heureux bourgeons, ils ne viennent qu'à
coup sûr, lorsque la température s'est adou-
cie. Mais nous ne choisissons pas notre mo-
ment. Nous sommes là, qu'il grêle ou qu'il
neige. Nous sommes pareils à un vieux para-
pluie.
Je voulais adresser mon compliment au
printemps. J'attendrai le mois de mai ou celui
de juin. Et pour l'instant, nous nous occupe-
rons d'autre chose, si vous le voulez bien.
> Le fait nouveau de la semaine, du reste,
• n'est pas l'arrivée du printemps. C'est là une
vieille actualité. Depuis des millions d'an-
nées que la terre tourne sur son axe et vire
autour du soleil, elle n'a jamais manqué à
la même date de faire entrer son hémisphère
boréal dans la saison intermédiaire entre l'hi-
ver et l'été. Il n'y a vraiment pas à s'occuper
d'un fait qui s'est reproduit avec une régularité
mathématique depuis la formation du monde.
Et j'ai hâte d'en arriver à une petite histoire
qui est bien à nous et que les siècles précé-
dents n'ont pas connue/Cette petite histoire
est pour l'instant parisienne et française ;
niais elle se répétera, avec le temps, dans
d'autres pays, soyons-en certains. Chacun en
a parlé suivant ses passions oue ses intérêts. Il
reste pourtant quelque chose à ell dire pour
un spectateur indépendant et qui n'a aucune
peine à garder son sang-froid.
La grève des postiers, voilà. le fait nouveau
de la saison.
Les employés d'un service d'Etat peuvent se
mettre en grève et arrêter la vie économique
et politique du pays. Ils peuvent ainsi faire
subir des pertes immenses à la communauté ;
ils peuvent même amener les conséquences
les plus graves au 'point de vue national, af-
faiblir le pays au milieu d'une crise euro-
péenne. Il est impossible de chiffrer les dom-
mages causés par la grève.
Et le pourquoi de cette grève ? Est-ce une
question de vie ou de mort qui a décidé les
postiers à abandonner leur travail ? Non, la
tête de M. Simyan leur déplaît, et la grossiè-
reté de ses propos.
Nous déclarons qu'il y a disproportion entre
la cause et les effets. Nous déclarons que la
tête et les propos de M. Simyan sont payés
trop chèrement par les millions que perd la
communauté. Nous désirons que M. Simyan
soit renvoyé à son siège de député.
Mais nous trouvons aussi que les postiers,
s'ils se sont offert la tête de M. Simyan, se
paient également la nôtre. Nous voudrions
que ces gens réglassent leurs différends et
leurs querelles sans que nous eussions à en
souffrir. Nous sommes le public, le bon pu-
blic patient qui paie et qui supporte les lon-
gues attentes aux guichets toujours encom-
brés de la poste. Dans aucun pays on n'en-
durerait les ennuis quotidiens que nous vaut
la mauvaise organisation des postes et des
téléphones.
- Et il faut, en outre, qu'on nous supprime
même cet insuffisant service 1 C'est trop !
Aussi, je comprends l'indignation qui s'est
emparée du public -et l'effroi que ressentent
les gens professant des principes autoritaires
de gouvernement. J'approuve les discours les
plus éloquents qu'on a prononcés pour flétrir
la révolte des postiers. Avec tous les bons es-
prits, je leur refuse le droit .de grève.
Seulement. seulement, les plus beaux ais-
'cours du monde et les plus éloquentes indi-
gnations ne changeront rien à ce fait que les
employés de l'Etat se sont mis en grève et s'y
remettront quand ils le jugeront opportun
pour leurs intérêts.
J'ai entendu des gens faire appel au tyran,
au bon et salutaire tyran. Mais je demande
ce que fera le tyran en face d'une collectivité
refusant de travailler. Fusillera-t-il les em-
ployés des postes abandonnant leurs gui-
chets ? Avouons que ce serait une bizarre
façon -de les obliger à reprendre leurs postes.
C'est, je crois, au prince Jérôme Napoléon
qu'on doit cette belle pensée : « On peut faire
beaucoup de choses avec des baïonnettes, sauf
s'asseoir dessus. » En termes moins pittores-
ques, on ne va pas loin avec la manière forte.
Les ouvriers, les employés, les fonctionnai-
tes ont commencé à se rendre compte de l'im-
portance au rôle social qu'ils jouent. Ils com-
prennent qu'isolés, ils ne peuvent rien, mais
que, groupés, ils peuvent à peu près tout. A
peu près tout, s'entend au moins pour la des-
truction, c'est-à-dire pour l'arrêt de la vie éco-
nomique, car il n'est pas du tout prouvé que
les organisations ouvrières ou que les grou-
pements d'employés sauraient, à eux seuls,
faire marcher la grande machine. Mais ils
peuvent l'empêcher de marchër, et cela - suftit
pour qu'ils se jugent indispensables.
Il n'y a pas longtemps qu'ils se rendent
compte de leur pouvoir. La grève des postiers
aura pour eux une importance extrême. Ils
auront pris conscience dû fait nouveau.
Que feront-ils plus tard ? Peut-on demander
la sagesse, la subordination nécessaire à une
collectivité d'hommes ? Je n'ai pas l'esprit chi-
mérique. Toute force tend à se développer, à
moins qu'elle ne soit arrêtée par une force
contraire. Mais où est ici ia force antagoniste ?
Les postiers, comme tous les syndicalistes,
ont déclaré qu'fis se moquaient des députés et
du pouvoir législatif. Ils se sont démontré à
eux-mêmes qu'ils n'avaient pas besoin du
pouvoir politique.
On leur parlera de leurs devoirs. Ils ne com-
prennent pas. Ils veulent une amélioration
matérielle de leur sort, ou une satisfaction
d'honneur. Et ils savent comment l'obtenir,
sinon aujourd'hui, du moins 'demain. Que
faire ? Eviter pour l'instant que de trop vifs
mécontentements naissent parmi les ouvriers
et les employés. Ce sont des palliatifs. M. Bar-
thou, qui est intelligent, saura manœuvrer.
Mais on ne fera que reculer les crises néces-
saires. Un pourvoir est né dont on ne peut en-
core soupçonner la force, .dont on ne sait si
elle s'exercera pour le bien ou pour le mal.
C'est là le fait nouveau. -
Claude Anet.
•
X-i £ t DPoli-tiQixi©
Fin de Grève
Cette fois, la grève est finie. Les grévistes
ont repris le travail. Ils ont même entouré
cette neprise d'un certain cérémonial un peu
bizarre. « Ils étaient, dit le Temps, plusieurs
milliers d'hommes et de femmes, cheminant
lentemenk et se tenant par le bras. Les hommes
portaient, au chapeau, le carte de gréviste, et
les femmes avaient épinglé cette carte à leur
corsage, au milieu d'un petit bouquet de mi-
mosas et d'oeillets. Pas un cri. Ils marchaient
lentement, du pas dont on suit un corbil-
lard. »
Il est assez difficile de considérer cette atti-
tude comme celle de gens qui triomphent. Or,
d'après le même journal, « la Révolution so-
ciale vient de gagner sa première grande ba-
taille ».
Notre confrère s'exagère un peu la gravité
des choses. Le gouvernement n'a certainement
pas remporté une brillante victoire ; mais il
n'a pas davantage été battu. Il est facile de
dine qu'il a accordé aux grévistes la tête de
M. Simvan, puisque, s'ils ne l'ont pas encore,
ils l'auront demain. Mais toute la question
était précisément qu'on ne la leur accordait
pas sous la pression de la grève. Car, per-
sonne ne peut envisager sérieusement le main-
tien, à son poste, de ce néfaste sous-secrétaire.
Le vrai tort du gouvernement, celui dont M.
Clemenceau doit faire son mea culpa, c est
d'avoir mis, à la tête de ce service, ce politi-
cien aux allures cassantes. Tout ce qu'on peut,
en bonne justice, demander au gouvernement,
c'est d'attendre le temps moral pour s'en dé-
barrasser.
Quant à l'absence de sanctions, c'est une
affaire de conscience. Du moment que les dé-
lais accordés aux grévistes n'étaient pas écou-
lés, on ne peut pas dire que le fait de ne pas
prononcer de révocations constitue une capi-
tulation. La générosité n'est peut-être pas tou-
iour3 le meilleur des moyens de gouverne-
ment. Mais elle est, dans tous les cas, infini-
ment supérieure à la'brutalité.
Reste la question des actes de sabotage. Les
parquets sont saisis : nous espérons bien que
le gouvernement les laissera accomplir leur
œuvre. Ici, il n'y a plus place que pour la plus
inflexible sévérité. C'est de sang-froid, avec
préméditation, et en s'entourant de toutes les
précautions, que les criminels ont commis
leurs attentats contre la nation. La faiblesse
du gouvernement dans la répression de ces
actes sauvages constituerait la vraie capitu-
lution. ,
G H* ELAS
«#
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à deux heures, courses au Trem-
blay.
Pronostics de Gil Blas :
Prix Martagon. — Hespéride II, Kennebec.
Prix Escarboucle. - Korrigane, Mélopée.
Prix Kendal. — Hawaï, Darraïdon.
Prix Rouge Rose. — Brumaire, Lazaronne.
Prix Doncaster. - Chamœrops.
Prix Bend Or. - Grenat II, Roscoff.
ON EXCOMMUNIE 1
( -r
Ce n'est plus ïlB la maladresse, c'est de la
démence.
Le Saint-Siège vient d'excommunier l'abbé
Romolo Murri, parce des électeurs italiens ont
fait de lui un député. Il suffit que quelqu'un
soit sympathique à la foule pour qu'aussitôt
le Pape le considère comme le pire ennemi.
En somme, Romolo Murri avait été l'un des
plus ardents modernistes italiens. Il pouvait
s'être écarté du dogme : mais l'excommunier
à l'occasion de son entrée dans l'activité poli-
tique, c'est pure bouffonnerie ! «
Et, que voulez-vous, qu'il arrive ? Si Romolo
Murri a de la réserve et de la discipline, il
développera prodigieusement l'anticléricalisme
italien, voilà tout. Tout le monde saisira le
caractère suranné et ridiculement tyrannique
de son excommunication. Murri est, en effet,
passible de toutes les peines des excommu-
niés, et ce n'est pas peu dire. Par suite, il est
recommandé aux fidèles de l'éviter. Charmante
nature ! Le Pape voudrait encore que les
excommuniés fussent traités comme les pesti-
férés et comme les lépreux de jadis. Autre-
fois, le bon peuple était naïf. Mais, aujour-
d'hui, si candide soit-ii demeuré, il comprend
qu'on ne peut, sous aucun prétexte, traiter
comme un paria un homme coupable d'avoir
voulu penser avec quelque liberté. L'excès de
la peine grossière et barbare met '8n relief la
médiocrité du crime, — et-déconsidère le juge.
Même en Italie, par cette excommunication
retentissante et tellement inopportune ! le Pape
s'écarte du monde moderne. En France, n'a-t-
on pas pris soin de nous rappeler, ces jours-
ci, que M. Alfred Loisy était excommunié et
qu'il nous était interdit d'approcher de lui,
sans quoi nous lencourrions les plus graves
dangers. Cela nous a fait sourire, tout simple-
ment. Je sais bien sûr, d'ailleurs, que si le
Pape, qui a l'air de détester follement les prê-
tres mêlés à la vie politique, menaçait ou ex-
communiait jamais ce moderniste doux qu'est
l'abbé Lemire, la France se lèverait tout entiè-
re, si j'ose dire, pour offrir au bon abbé Lemi-
re une soutane d'honneur.
Il faut de l'excommunication, pas trop n'en
faut.
Ernest-Charles.
IL Y A CENT ANS
Mercredi 24 Mars 1809. :
— Guerre d'Espagne. « Le marquis de Peralee,
homme respectable, qui avait paru jouir jusqu'a-
lors de la confiance du peuple, fut accusé d'avoir
laÜ mettre du saible dans les cartouches. Il fut
aussitôt étranglé, et ses membres déchirés furent
envoyés comme des trophées, dans les quartiers
de la Ville. On arrêta que toutes les cartouches se-
raient refaites, et trois ou quatre mille moines
furent conduits au Retrio et employés à ce tra-
vail ».
■ ■ > «>+«»»■ < ——————-.
LE BOULEVARD
Les collaborateurs utiles.
Il arrive parfois, souveht même, que les
académiciens doivent leur élection à tout autre
chose que leur mérite. Sans parler des compé-
titions et des intrigues mondaines, ne pensez-
vous pas, par exemple, que plus d'une pièce
de théâtre, devant son succès à l'interprète
principal, ledit interprète contribue, à sa ma-
nière, au succès du dramaturge qui arrive à
l'Académie ?
Certains auteurs le reconnaissent volontiers.
Ils sont rares. Jadis, l'un des plus hilarants
comédiens de l'ancien répertoire, Lhéritier,
possédait un exemplaire de la Cagnotte, avec,
sur la feuille de garde, une lettre de Labiche.
Par cette lettre, Labiche répondait à Lhéritier,
qui le félicitait d'être élu membre de l'Aca-
démie :
« Je vous remercie, mon cher Lhéritier, mais
c'est bien vous et vos camarades qui m'avez
avancé le fauteuil. »
Le mot est charmant. Il n'étonne pas sous
la plume de l'excellent homme qu'était Labi*.
che.
En effet, les comédiens ont avancé plus d'un
fauteuil, comme les grenadiers d'autrefois ont
taillé plus d'un duché aux maréchaux de Fran-
ce.
Ce n'est pas tout de vaincre. Il faut faire
leur part à ceux qui ont collaboré à la vic-
toire.
Dédain officiel,
C'est demain le vernissage des Indépen-
dants. M. Fallières, invité par le comité de ce
Salon de jeunes, Salon si' vivant, si passion-
nément intéressant, vraie pépinière d'où sont
sortis presque tous les talents originaux do
la peinture contemporaine, a répondu que ses
nombreuses occupations l'empêchaient de ve-
nir inaugurer les Indépendants.
Vraiment, ce n'est pas gentil de sa part. M.
Fallières est un homme excellent, il inaugu-
rera des salons officiels ou mondains qui ne
valent pas celui qu'il dédaigne. N'a-t-il donc
pas, dans son entourage, quelqu'un d'un peu
averti pour lui expliquer que Signac et Vuil-
lard, et Cross et Marquet valent bien tous les
Flameng et tous les Didier-Pouget auxquels il
distribue la manne de ses bonnes paroles
sans compter les faveurs officielles.
Le vernissage des Indépendants aura donc
lieu sans M. Fallires. Et il y aura foule, tout
de même, demain, dans les baraquements des
Tuileries. Mais l' « aristocratie républicaine »
restera dédaigneusement à l'écart. Tant pis
pour l'aristocratie républicaine !
-.x
Budgets postaux.
Nous indiquions, l'autne jour, le montant
des revenus que l'administration des postes
procurait aux principaux Etats européens.
Tous les pays n'ont pas le même bonheur.
Les Etats-Unis éprouvent, chaque année un
déficit de près de vingt-trois millions de francs
avec les divers services postaux ; le Brésil
perd huit millions ; la République Argentine
près de quatre millions, et le Mexique un mil-
lion trois cent mille francs.
Et nous, qui réalisons d'énormes bénéfices,
nous nous plaignons ; les ouvriers se met-
tent en grève ; les commerçants organisent
des meetings de protestation contre l'incurie
administrative, et les demoiselles du téléphone
— une fois n'est pas coutume — nous refu.
sent la communication.
.N'est-ce pas à décourager de faire fortune ?
-x.-
Le Wagnérisme de Reyer.
L'excellent Reyer, que M. Fauré vient de
remplacer sous, la Coupole, avait été, on le
sait, critique musical, comme Berlioz jadis
comme certain « Monsieur Croche », que Clau-
de Debussy connaît bien. -
Oh a souvent représenté Reyer sous les espè-
ces d'un wagnérien. Ceux qui reliraient ses
Notes de musique, parues en 1875, et notam-
ment le chapitne intitulé Souvenirs d'Allema-
gne, cesseraient de considérer comme wagné-
rien l'auteur de Sigurd. Il est piquant, d'abord
de lire (Reyer, louanger à tour de bras a l'illus-
tre Rossini », et, couramment, le « génie »
de Meyerbeer.
Quand il parle de l'auteur de Tristan, sa co-
lère devient comique.
Racontant une soirée passée chez son ami
Lassen, 'à Weimar, Reyer détaille ses impres-
sions. Lassen lui joue la partition de Tristan
au piano.
L'ouverture finie, les récits succédèrent aux ré-
cits, et d'autres récits leur succédèrent encore. Je
n'apercevais au loin et de tous côtés, que des ho-
rizons de sable ; la chaleur devenait accablante et
pas une oasis pour nous reposer, pas le plus petit
filet d'eau pour étancher notre, soif !.
Voici comment Reyer juge le duo du second
acte : « Les modulations les plus inattendues,
les retards, les anticipations et les résolutions
les plus bizarres, des superpositions d'accords
absolument incohérentes. »
Et l'auteur de la sirupeuse Salammbô ajoute
ces paroles mémorables. :
Au milieu du duo j'éprouvai cette folle rage de
l'enfant qui, désespérant d'apprendre la leçon
qu'on lui a donnée à étudier, trépigne et pleure,
ferme son livre- avec colère et le jette bien loin de
lui. De mes doigts crispés je frappai tout à coup
te clavier comme l'eussent fait les griffes d'un
chat furieux, et, mêlant au hasard les mots alle-
mands et les phrases les plus bizarres, je poussai
des cris plus ou moins inintelligibles, des sons in-
articulés, incohérents, sauvages.
Voilà le compositeur que. certaines person-
nes ont taxé de wagnérisme !
Les inventions bizarres.
Il y a vraiment des gens qui ont du temps
à perdre.
Un inventeur s'est présenté au Bureau des
brevets pour faire .patenter l'invention sui-
vante. Il entend établir, entre la queue du
chien d'arrêt et la gâchette du fusil tenu par
le chasseur, une longue ficelle. Le chien sera
dressé à agiter la queue au moment où* il fait
lever le gibier. Le chasseur n'aura qu'à viser.
Voilà. Comme c'est simple !
L'inventeur a été extrêmement déçu lorsqu'il
s'est vu refuser» un brevet. Il s'est retiré en
accusant l'esprit détestable de routine qui rè.
gne dans l'administration.
Le sottlsier du « Mercure ».
Que dites-vous de ces perles charmantes ?
Nous les empruntons au Mercure, qui les col-
lectionne avec un panfait amour ;
Le professeur (M. Nicolas) ajoute :
1° Que la crise des « macchabées » est générale
et quelle est due au développement de 1 instruc-
tion. 1 -
Le grand quatrë-mâts PaUl, de Glascow, s'est
perdu corps et biens sur la côte d'Australie. L'équi-
page a été sauvé.
La Pastorale de Noël. ne devait avoir que trois
représentations uniques devant le public.
Le trois-màts-sohooner anglais Meyerick, venant
de Rio-Grande avec un chargement d'eau calci-
fiée.
M. de Selves reproche.à ce dernier de n'appor-
ter qu'un budget provisoire, équilibré en raflant
les recettes d'une façon imprudente et en dimi-
nuant les dépenses d'une façon excessive.
Sage-femme, boulevard de Strasbourg, demande
bonne enceinte.
i ) mg+q» ■
IMPRESSIONS D'UN SPECTATEUR
Sérénité.
L'OPINION PUBLIQUE
Il faudrait, cependant, ,
Vous en aller, Monsieur Simyan.
M. SIMYAN
0 Dieu ! que la nature est belle !
Dans un rayonnement vermeil,
Phœbé dans l'azur étincelle
En veillant sur notre sommeil !
Ah ! dans tes œuvres infinies,
Créateur, tu me parais grand,
Enivré de tes harmonies,
Je m'agenouille en t'admirant.
LA PRESSE
Il faudrait, cependant,
Vous en aller, Monsieur Simyan.
'* - M. SIMYAN
Ce matin, je lisais Racine.
Que ces vers sont doux et charmants,
Lorsque de la Phèdre assassine,
Il peint l'amour et les tourments.
Qu'Ipliigénie, avec ses charmes,
Belle et touchante en sa douleur,
A souvent arraché de larmes
A mes yeux autant qu'à mon cœur.
LES DÉPUTÉS
Il faudrait, cependant,
Vous en aller, Monsieur Simyan..
M. SIMYAN
Quand la mort fermera le livre
Que longuement j'ai feuilleté,
Je mourrai comme j'ai su vivre,
Avec calme et sérénité.
A Mâcon, simple et calme asile,
Près des miens, on me couchera.
Là, je reposerai tranquille
Loin du trouble de l'Agora.
LE PEUPLE
Il faudrait, cependant,
Vous en aller, Monsieur Simyan.
Puck.
Un long cri.
Il paraît que le grand poète Pietro Anto-
nelli a poussé un cri de douleur. Mais la dou-
leur était si profonde qu'il n'a pas fallu moins
de dix-huit mille vers pour l'exprimer du fond
du cœur. Ces dix-huit mille vers forment le
poème Elsa.
Avouons qu'il faut un souffle peu ordinaire
pour l'exhaler en un si long poème. Les Japo-
nais, eux, s'expriment en trente-trois syllabes.
Quelle supériorité chez ces Jaunes !
Les statues contestées.
M. Robinet de Cléry publie dans la Revue
Illustrée, un fort curieux article sur le général
de Cissey, à qui on s'apprête à élever un mo-
nument à Mars-la-Tour.
L'éminent avocat rappelle les dramatiques
péripéties qui se déroulèrent à ce procès sen-
sationnel en 1880. On s'injuria, on faillit en
venir aux mains. Des journalistes accusaient
l'ancien ministre de Tihiers et de Mac-Mahon,
d'avoir livré à une espionne allemande, les se-
rets de la défense nationale et d'avoir trafiqué
de connivence avec elle sur d'infâmes mar-
chés ; d'être concussionnaire, traître, etc.
Rochefort, qui depuis, mais alors. — le
président Carlier, maître Barboux, maître
Cresson, et tous les avocats échangèrent les
paroles les plus vives. M" Robinet de Cléry
prononça une plaidoirie pathétique. Les par-
tisans, dans l'un et l'autre clan, ne parvinrent
point à se convaincre, s'étant bornés à s'inju-
rier copieusement.
Il est vraiment assez difficile d'écrire l'his-
toire.
-x-
Etymologie gastronomique.
Si nous en croyons les plus délicats gour-
mets de notre époque, la moutarde serait le
meilleur condiment qu'on puisse servir sur
une bonne table.
On se rappelle que Louis XI portait tou-
jours son pot de moutarde lorsqu'il allait sou-
per à l'improviste chez un important bourgeois
de Paris. -- -
Le pape Jean XXII, d Avignon, raffolait de
la moutarde. Il avait un neveu, bon à rien,
dont il fit son premier moutardier. De là le
proverbe : "« Il se croit lë premier moutardier
du pape », en parlant d'un sot vaniteux.
Grimod de la Reynièr.e, Brillat-Savarin,
Alexandre Dumas père ont célébré, tour à
tour, la piquante moutarde.
D'où vient le mot ?
En 1382, Philippe le Hardi, duc de Bourgo-
gne, marcha contre les Gantois révoltés, et le
maire de Dijon, Jehan Poissonnel, fabricant
de moutarde enrichi, lui fournit mille hommes
armés et équipés aux frais de la ville.
Le duc, par reconnaissance, accorda à la
ville divers privilèges, parmi lesquels celui
de porter ses armes avec sa devise : Moult me
tarde. La ville fit sculpter armes et devise sur
la porte principale, mais un accident ayant
détruit le mot me, on ne lisait plus que Moult
tarde, ce qui fit rire aux dépens des Dijon-
nais.
Comme ils faisaient commerce de sénevé, on
appela, par dérision, cette graine, moutarde,
lorsqu'elle venait de Dijon. Et le nom lui en
est resté. „
Les modèles du Maître.
Le docteur Cabanès, qui est un chercheur
fort érudit, a fait récemment, à l'Académie de
Médecine, une intéressante communication sur
les Sources d'inspiration médicale, de Molière.
Voici ce qu'il nous apprend sur les modèles
qui inspirèrent, au grand comique, les. méde-
cins de l'Amour médecin. Ils se nomment —
peut-être vous en souvenez-vous — Tomès,
Desfonandrès, Macrolon, Bahis et Fileren.
Les originaux des portraits furent trois mé-
dicastres, nommés Daquin, Des Fougerais et
Guénaut.
Daquin, attaché à la personne du roi, par la fa-
veur de Mme de Montespan, et congédié plus tard
par Mme de Maintenon — grandeur et décadence !
— n'était, à entendre cette langue vipérine de Gui
Patin, qu' « un pauvre cancre. grand charlatan,
véritablement court de science, mais riche en four-
beries chimiques et pharmaceutiques x. Comme il
était très partisan de la saignée, il 's'appelle dans
la pièce, Tomès, celui qui coupe et taille.
Des Fougerais, transmué en Desfonandrès ou
tueur d'hommes, ne méritait pas plus d'indulgen-
cè que Daquin ; l'impitoyable satirique a tôt fait
d'en dessiner le croquis. « Charlatan s'il en fût ja-
mais ; homme de bien à ce qu'il dit, et qui n'a ja-
tfïaig Changé de religion que pour faire fortune et
mieux avancer ses enfants ». Des Fougerais, qui
boitait., était représenté sur la scène par le boiteux
Béjart.
Aussi ignare et non moins cupide e 1)es Fou-
gerais nous apparaît Guénaut, que Boileau a im-
mortalisé.
En somme, ces cuistres piteux eurent de la
chance d'être immortalisés par Molière.
Une idée macabre.
Qui nous eût dit qu'un jour le Vésuve, ce
volcan dont on ne parle qu'avec la plus si.
nistre frayeur, serait transformé en bienfai-
teur de l'humanité ?
Un spéculateur américain propose de con-
vertir le cratère du Vésuve en four crématoire
universel. Une flotte colossale transporterait
les morts de toutes les nations dans la baie
de Naples et une ligne ferrée électrique con-
voierait les corps jusqu'au sommet de la fu-
"Uebre montagne.
La proposition de ce yankee nous ferait ri-
re, si le sujet n'était si triste. Est-il assuré en
effet d'une clientèle assez nombreuse pour
l'utilisation de sa flotte et la mise en action
des énormes capitaux qu'il espère réunir ? Et
que diront les Napolitains, incommodés par
cette macabre industrie ? 1-1 est probable qu'ils
n'hésiteront pas une minute à saboter les na-
vires de la Compagnie internationale des trans-
ports funèbres et qu'ils réclameront bruyam-
ment pour leun Vésuve le droit à ne rien
faire.
X-
M. Simyan, dont de cruels subordonnés ne
peuvent obtenir le débarquement, est un
homme invulnérable, tel le héros fameux de
l'Iliade.
On ne pouvait atteindre Achille qu'au talon
Seulement, le talon de M. Simyan, c'est un
talon de mandai.
Le Diable boiteux.
-—-————————— ifr ———————.
Propos du Jour
On demande un paladin
Les membres de la Société protectrice des ani-
maux s'agitent, — mais qui ne s'agite pas en ce
bel an de grâce 1909, qui n'a pas sa petite agita-
tion ? — à l'instar des joyeux P. T. T., ils donnent
des leçons au pouvoir, en organisant une croisade
en faveur des chevaux parisiens.
Il est certain que l'existence de ces pauvres bê-
tes n'est pas toute rose.
Paris, paradis des jolies femmes,
Enfer des chevaux.
disaient nos pères, et je crois volontiers que ce
dicton est toujours vraiv dans ses deux parties.
Je n'ai pas besoin de vous dire que -ce sont pré-
cisément ces dames de la Société protectrice qui
mènent le plus grand bruit dans l'affaire.
Elles écrivent des lettres à mon spirituel confrère
Montorgueil, de l'Eclair, qui joint à la verve et à
l'érudition d'un chroniqueur émérite les goûts d'un
sportsman raffiné, et qui a organisé la campagne
hippophile.
Elles se lèvent tôt pour aller inspecter les atte-
lages de boueux et se couchent tard pour regarder
ce qu'il y a sous le collier des chevaux de fiacres
maraudeurs.
Et elles ameutent les passants, et elles requièrent
les agents, et elles disent leur fait aux charretiers,
je vous prie de le croire !
Mais voilà, tout n'est pas parfait en ce bas
monde, même dans le Paradis des Dames qu'est
notre, ville de Paris.
Le respect s'en va, la foule devient un peu
gouailleuse, les agents montrent de la mollesse et
les charretiers. ah ! dame ! les charretiers ripos-
tent en leur langage aux aménités des dames so-
ciétaires ; et les rieurs ne sont pas toujours du
côté du sexe faible. -
Une des zélatrices les plus méritantes, Mme la
baronne de B., le constatait dernièrement et se
plaignait, par lettre ouverte, à mon excellent con.
frère, de la lâcheté des hommes modernes qui hé-
sitent à faire le coup de poing en pareille circons-
tance avec les boueux, charretiers, cochers et
autres.
Peste ! comme elle y va. Je crois bien que les
hommes hésitent ; je vais plus loin, je suis sûr
qu'ils ne mardhent pas.
Et je me permettrai d'en donner la raison à
Mme de B.
Sans parler du désagrément très sérieux qu'il y
a à se colleter avec des personnages de la classe
ci-dessus mentionnée et de se faire pocher un œil
ou casser une dent par l'un d'entre .eux, il n'y n
pour ainsi dire plus de Parisien disposé à se com-
promettre dans la rue pour une femme qu'il n'a
pas l'honneur de connaître.
Pourquoi ? Parce que les femmes que nous ne
connaissons pas sont éminemment désagréables
et mal élevées à notre égard.
Voyez leur expression de physionomie dans la
rue. Beaucoup ont des.traits qui seraient agréa-
bles, pas mal sont jolies, quelques-unes sont très
belles, mais tout cela est gâté par un air unifor-
me de mauvaise humeur, de mépris presque hai-
neux, de vanité méchante.
Si vous ne voulez pas être rabroué de la verte
façon, ne les regardez pas, ne leur parlez pas, mê-
me avec le plus grand respect, pour leur rendre
un de ces mille petits services que nos pères s'em-
pressaient d'offrir à nos aïeules, tout aussi belles,
mais autrement gracieuses.
Surtout ne vous laissez jamais entraîner dans
une querelle pour l'une d'elles. Non seulement elle
ne vous en saurait aucun gré, mais encore elle
disparaîtrait sans vous laisser ni son adresse, ni
son témoignage, attestant le motif honorable de
votre intervention. Encore très heureux si elle ne
dépose contre vous.
Louis d'Hurcourt.
wrnmimmmstxmmmm
Maurice Barrés
et les Camelots du Boy
On parlait, dans une dîner devant M. Mau-
rice Barrés des Camelots du Roy et l'on sol-
licitait l'auteur de Colette Bawdoche de donner
son avis sur ces jeunes gens, qu'une ardeur
inconsidérée désigne depuis quelque temps
à l'attention souriante du philosophe, du psy-
chologue social, de la police et des tribunaux
M. Maurice Barrés n'hésita pas à exprimer
quelque doute sur une aussi puérile campa-
gne, nuisible même aux idées qu'elle défend,
pour peu que le ridicule ait encore en France
quelque propriété destructive. Mais le jeune
académicien, cédant à sa tournure d'esprit
particulière, et qu'il hérita quelque peu de
Renan, s'intéressa moins aux faits en eux-
mêmes qu'àjeurs causes, et tout aussitôt vou-
lut les expliquer :
— J'ai moi-même, dit-il, un fils au lycée.
Condorcet ; ses pjus graves préoccupations
littéraires, en dehoTs de celles qui lui sont !
imposées par ses études, ne vont pas au-delà
de certains romans dans le goût du joup et
dont Sherlock Holmes, Roulletabille, Raffles,
Arsène Lupin sont les prototypes ; les mots
« préoccupations littéraires » sont d'ailleurs
purement ironiques, car ce qu'il peut y avoir
de littérature, de talent d'écrivain dans ces
œuvres, n'intéresse notre écolier que secon-
dairement. Ce qui importe surtout c'est J'aven-
'ture, et non plus l'aventure de cape et d'épée,
autrefois populaire, et dont le romantisme ou-
trancier n'allait pas sans une certaine no-
blesse, mais l'aventure moderne, exclusive-
ment policière. »
Or si cela est vrai pour le fils de M. Mau- 1
rice Barrés, que penser des autres ? Tous
sont passionnas, conquis par ces luttes épi-
ques entre un détective illustre et un célèbre
filou, et n'aspirent qu'à jouer dans la réalité
un rôle important en de pareils duels. Ils
pourraient sans doute offrir leurs services à
la police, comme le fait un jeune rhétoricien
tians un récent roman de M. Maurice Leblanc;
mais à la Sûreté on n'accueillerait sans dau4e4
qu'avec une certaine réserve cette offre spon-
tanée de jeunes capacités. Quand on ne peut
pas être avec la police, il reste toujours la
ressource d'être contre elle ; c'est à la portée
du premier venu.
Ce qui d'ailleurs caractérisa ces romans an-
glais, américains ou français, dont nos jeunes
gens font aujourd'hui leur pâture, c'est Ja par-
faite cordialité de relations existant entre le
gendarme et le voleur. Pour peu qu'ils « tra-
vaillent bien », chacun dans sa sphère, ils ne
craignent pas de manifester l'un pour l'autre
une réciproque admiration, qui va parfois
jusqu'à la tendresse. Le policier ne prétend
pas rendre service à la société ; non, une af-
faire bien compliquée l'intéresse en elle-
même, le filou, de son côté, est capable de gé-
nérosité, de désintéressement, il a générale-
ment le respect de la vie humaine ; pour le
reste, il est d'tme souriante et glorieuse in-
conscience, d'une très sympathique amoralité.
Avant le duel et après, les adversaires se
donnent une bonne poignée de mains et s'ex-
priment leur mutuelle estime.
Il n'est donc pas du tout déshonorant d'être
contre la police ; cependant nos jeunes éco-
liers n'ayant pas l'envergure d'un Arsène Lu-
pin, ne sauraient se résigner à commettre de
beaux et grands forfaits, ils se contenteront
de troubler l'ordre dans la rue, au spectacle,
de maquiller symboliquement des monuments
publics ou des statues.
Sans r1puf.Pi il faut nn»r cfila svnii. ,,n hut •
ce but, bien entenau, n'est qu un prétexte, une
excuse, mais le véritable motif est le besoin
, d'aventures.
Nous sommes en République, la police est
au service de la République ; pour être anti-
policier on n'a qu'à se faire royaliste ; l'im-
portant, d'ailleurs est qu'il y ait une barricade
et qu'on se trouve d'un côté de cette barricade.
On voit d'ici la joie de ces enfants, lassés
par les sports, et qui se croient blasés sur
toutes choses, lorsqu'ils organisent une petite
émeute, lorsqu'on les conduit au poste char-
gés de fers comme de grands criminels, 'ors-
qu'ils comparaissent devant un tribunal qu'ils
voudraient voir s'élargir, s'amplifier en Haute-
Cour.
Ils se sont mis hors Ta loi, ils ont ébranlé
l'édifice social. Quelle passionnante partie de
cache-cache quand on a un sergent de ville
sur ses traces, quand on se voit surveillé,
épié !!!
Et après ces petites émotions, après
ces courses folles, après ces fatigantes
randonnées, le corps un peu meurtri
par la foule et même par les agents, le larynx
fatigué par d'excessives vociférations, comme
on dort bien la nuit dans sa chambre d'ado-
lescent I
M..Maurice Barrès fut lui aussi élève dans
un lycée ; il se souvient des nuits blanches
et fiévreuses dans le dortoir d'un collège de
Lorraine, quand les jeunes gens avaient au
matin le front pâlg et les yeux bistrés d'avoir
trop pensé, d'avoir préparé trop ardemment
pendant l'insomnie leur esprit d'hommes, li-
bres.
C'étaient de futurs disciples de Renan. Ce
sont aujourd'hui des disciples de Conan
Doyle.
Louis Schnelder.
EN FEUILLETANT" 61t BLAS
Jeudi 24 Mars 1881.
— Le conseil des ministres s'est réuni 'hier à
l'Elysée sous la présidence de M. Grévy. Toute
éventualité de crise est écartée ; les ministres se
yont mis d'accord sur les déclarations que le pré-
sident du conseil fera à la commission parlemen-
taire du scrutin de liste. Eu égard à l'état de divi-
sion de la majorité de la Chambre sur cette ques-
tion, le cabinet a décidé qu'il ne se prononcerait
pas entre les deux modes de scrutin.
— M. Saint-Saëns renonce à écrire la partition de
l'Inès de Castro, de M. Armand Silvestre. En re-
vanche, le jeune compositeur est en train de ter-
miner la musique d'un Henri VIII, du même au-
tour.
L'AGITATION DANS LES P. T. T.
Fin de la Grève
Reprise générale des Services
La grève est terminée. Hier matin, dans un
grand meeting définitif tenu au Tivoli-Vaux-
îlall, .la reprise du travail a été votée à une
énorme majorité. Et, à deux heures de l'après-
midi, les agents des divers services réinté-
graient leurs postes.
Nous donnerons ci-après le détail de ces
événements, qui ne se sont pas accomplis sans
quelque apparat et quelque pittoresque. Mais
certaines réfi-exions et certains commentaires
nous paraissent dès maintenant nécessaires.
•%
Constatons, tout dabord, qu'il était urgent
que le conflit cessât. Il a causé bien des préju-
dices et bien des dommages. L'opinion publi-
que s'énervait, et devenait sévère à la fois
pour le gouvernement, qui se montrait impuis-
sant, et pounles grévistes, qui s'entêtaient dans
une rebéllion insuffisamment justifiée.
La discussion publique et les débats parle-
mentaires ont démontré, en effet, que la plu-
part des griefs administratifs invoqués par
les grévistes avaient fait déjà l'objet d'un exa-
men officiel, se trouvaient à l'étude et allaient
recevoir bientôt une solution. Il ne restait, en
réalité, que l'hostilité des employés contre leur
chef, M. Simyan. Et, quels que pussent être
'les motifs de cette antipathie, ils ne pouvaient
constituer des raisons admissibles pour léser,
par la perturbation de tous les services, les
intérêts privés, les intérêts publics et les inlé
rêts nationaux.
On était à bout da patience. Les grévistes
sont rentrés dans le devoir tout juste à temps
pour bénéficier de l'indulgence du public, qui
ne leur gardera pas rancune et oubliera vite
toutes les tribulations qu'il a subies de leur
fait.
On approuvera de même la mansuétude dont
le gouvernement se dispose à faire montre.
En somme, il tient légitimement compte des
deux faits importants.
D'abord, les grévistes ont, de leur propre *
initiative, entamé les négociations ; ils ont fait
le premier pas en avant sur le terrain de la
conciliation. Les ministpes ont sagement et
habilement agi en recevant leurs délégués, et,
en causant, en discutant avec eux. Ces conv
tacts sont nécessaires, dans la situation sociale
actuelle, où nul n'a le droit de prendre une
attitude hautaine et intransigeante. C'est d'ail-
leurs de ces entretiens qu'est sortie la solution
heureuse et pacifique du conflit, sans que le
gouvernement, en somme, et quoi qu'on en
dise, ait consenti à des abdications.
D'autre part, pour appuyer ses dispositions
à la clémence, le gouvernement a dû tioter crus
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