Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-08-21
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 21 août 1896 21 août 1896
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Date de mise en ligne : 10/07/2012
Âr
-
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20* ANN*- — NUMÉRO 7061 4 FNUCTIBOR — AN 104
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La Lanterne
COMMENCERA LA PUBLICATION
D'UX
:ROM A. 'N X3STÉH>XX
DE
son collaborateur PAUL MARROT
LE TESTAMENT
DE
Mme HALAIN
Ce roman, dont les péripéties sont
intéressantes et vivement menées, se
développe dans des milieux villageois.
- On suivra avec intérêt ce récit de
l'auteur de Cora Jackson, d'Une Absente
! et du Trésor Bleu, que nous n'avons plus
: à présenter à nos lecteurs.
LIBRES PROPOS
HEUREUX LES FONCTIONNAIRES !
M. Méline, qui avait perdu son latin
en Bretagne et en Normandie à la re-
cherche d'une popularité toujours fuyan-
te, vient d'en retrouver quelques bri-
Les en mettant les pieds sur le sol na-
tal, dans les Vosges. C'est le seul coin,
peut-être, de la France, où il lui reste
assez d'amis pour entretenir sa dernière
illusion et là, du moins, à la condition
de bien trier sur le volet son auditoire,
peut-il parler encore devant des gens
- qui ne le sifflent pas !
Donc, le président du Conseil prési-
dait dimanche, à Remiremont, un ban-
quet de comice agricole.
Il y était entouré, comme il convient,
de boutonnières à poireau reconnais-
santes et d'autres boutonnières scanna.-
leusement empressées à étaler, devant
ce protecteur fourbu, les charmes de
leur impatiente virginité.
Il était, là, dans son élément et, le
milieu étant favorable, il y reprit un
peu d'assurance. C'est là que lui revint
son latin.
« 0 fortunatos nimium, .., » s'écria-t-il
tout-à-coup, le verre en main et comme
emporté par un irrésistible élan ! « 0
fortunatos nimium. 0 bien heureux et
presque trop heureux. »
Puis M. Méline resta court, visible-
ment gêné.
Son embarras, d'ailleurs, n'était pas
sans cause légitime !
Oserait-il, même dans la langue de
Virgile, redire aux paysans, si souvent
déçus par ses promesses fallacieuses,
qu'ils sont trop heureux d'être nés sous
son étoile et que ceux qui se plaignent
ne connaissent pas leur bonheur ?
Certes, il le pensait ! Il le leur avait
encore insinué en douceur, à la distri-
bution des prix du comice, le matin
même, avant de se mettre à table, au
moment où les estomacs affamés n'a-
vaient pas la riposte vive et où les mots
envolés se perdaient dans le bruit de la
foule.
Mais, après le repas et dans le cercle,
même limité et choisi, de convives
parmi lesquels il pouvait s'en trouver
qui n'eussent point la digestion facile,
il ne se sentait plus le courage de re-
nouveler une aussi dangereuse expé-
rience.
On ne peut songer, en effet, sans
frémir, à ce qu'il fût advenu du prestige
de ce grand homme, si quelque mauvais
plaisant s'était avisé de lui lancer une
interruption dans le genre de celle-ci
« Tais donc ton histoire, vieux blagueur ».
Cependant, la belle strophe virgilienne
était commencée et il était impossible
de ne pas la finir sans faire montre d'un
fâcheux gâtisme.
La position fut donc, un moment, cri-
tique et l'on put voir le président du Con-
seil, les yeux anxieusement levés vers
le plafond des Halles, où filent paisible-
ment les araignées, implorer le secours
du dieu de ses bons amis, les curés ré-
actionnaires.
Un trait de génie le sauva, Il put com-
pléter heureusement sa période Mais,
au lieu de la félicité des paysans, ce fut
le sort enviable des fonctionnaires qu'il
se mit à chanter pour la plus grande
joie des agriculteurs présents.
Heureux, mille fois heureux, les fonc-
tionnaires, sous la coupe. de Champa-
gne. de cet excellent M. Méline!
Si heureux, que le Père de l'Agricul-
ture ne résiste pas de donner leur
bonheur en exemple aux paysans qui
l'entourent.
D'autres que lui,—des radoteurs sans
doute, — continueraient, en pareille oc-
currence, à se lamenter sur la misère
qui dépeuple les campagnes et enlève à
la petite culture les bras dont elle a si
grand besoin.
Turlutaines, billevesées, vieilles ran-
gaines que ces doléances démodées.
M. Méline n'admet pas que l'agricul-
ture se plaigne du moment où c'est lui
qui préside à ses destinées. -
Et il lui ouvre des horizons nouveaux ;
il lui montre la bonne route à suivre ; il
indique le remède, la panacée qui doit
guérir tous les maux! Il le fait avec
cette proverbiale douceur, avec cet à-
propos captivant, que ne sauraient trop
enguirlander de louanges admiratives
les ordinaires joueurs de flûte qui l'ac-
compagnent en ses triomphales tour-
nées.
Le remède, d'après M. Méline, con-
siste tout simplement à profiter du pre-
mier banquet venu de comice agricole
pour dire aux paysans, de plus en plus
portés à abandonner la culture surchar-
gée d'impôts, qu'il n'estpas de gens plus
heureux au monde que ne le sont les
bienheureux fonctionnaires !
A la bonne heure ! Voilà un coup de
maître après lequel il n'est pas douteux
que les campagnes vont revivre et que
le fonctionnarisme est bien mort!
Mais gardons-nous de déflorer ce lan-
gage et laissons couler le débordant ly-
risme de M. le président du Conseil :
Nulle part, s'écrie M. Méline, les fonction-
naires n'ont la vie plus heureuse que chez
nous. Nous ne leur demandons qu'une chose,
c'est de servir fidèlement le gouvernement qui
les prend à son service, mais nous nous gar-
dons bien de descendre dans leur conscience
et de scruter leurs intentions 1
Cette courte citation, que nous tenions
à faire pour établir notre bonne foi, pro-
clame, n'est-il pas vrai ? l'indépendance
des fonctionnaires dans des termes non
moins précis que ceux dont s'est servi
M. Turrel pour proclamer l'indépen-
dance de la Bretagne.
Il était bon qu'on la connût, qu'on la
propageât et nous nous serions fait un
crime de ne pas la porter à la connais-
sance de tous ceux qu'elle intéresse.
Les métayers, les fermiers, les jour-
naliers ruraux qui la liront ne manque-
ront pas de se dire qu'il vaut mieux être
fonctionnaire, émarger tous les mois au
budget, acquérir des droits à une pen-
sion de retraite et garder toute sa vie
son indépendance, que de mener une
existence pénible, au jour le jour, de
payer des impôts trop lourds et de su-
bir à perpétuité la pression électorale
des gros propriétaires terriens. Ils cher-
cheront de plus en plus, pour leurs en-
fants, sinon pour eux-mêmes, l'indépen-
dance dans le fonctionnarisme et c'est
le sauveur de l'agriculture qui l'aura
voulu !
Quant aux fonctionnaires, ils pense-
seront — mais ils ne le diront pas, de
peur de se faire révoquer — ils pense-
ront ce que M. Méline a craint de s'en-
tendre répliquer par les cultivateurs de
Remiremont s'il leur avait parlé des
souffrances de l'agriculture.
Ils penseront que jamais, depuis l'or-
dre moral, l'indépendance des fonction-
naires n'a été soumise à un régime de
pression pareil à celui qu'ils subissent
aujourd'hui et qu'en osant affirmer le
contraire, même dans un banquet de co-
mice agricole, après boire et au mo-
ment où va commencer la gaudriole, le
président du Conseil a bien mérité de
se faire traiter de vieux blagueur!
: ALCESTE.
SCANDALE ADMINISTRATIF
On se rappelle que le sous-préfet d'Espa-
lion a été accuse publiquement et avec
preuves à l'appui par M. Joseph Fabre,
sénateur de 1 Aveyron, d'avoir prêté son
concours à une entreprise clérico-finan-
cière, organisée par l'abbé Garnier et par
un de ses acolytes. M. Legrain.
Ce fonctionnaire ayant essayé de se dis-
culper dans une lettre, conçue d'ailleurs
en termes vagues et équivoques, M. Joseph
Fabre revient sur cette scandaleuse affaire
et donne des explications d'une précision
inattaquable sur le rôle joué à Aubrac par
le représentant de l'abbé Garnier.
Le 13 juillet, écrit M Fabre, une quinzaine
de prêtres et un certain nombre de laïques se
réunissaient sur le plateau de la Mayeneuve,
aux portes d'Aubrac, sous la présidence de
M Legrain.
M. Legrain invita les assistants à apporter
une pierre et à donner chacun son coup de
pioche
On construisit un petit monticule ; on éleva
au-dessus une croix. Puis, M, le curé de Saint-
Gervais, revêtu de son surplis, un goupillon à
la main, donna la bénédiction.
A deux reprises, M. Legrain, en bon lieute-
nant de l'abbé Garnier, prit la parole et avec
beaucoup de verve.
On applaudit, et on cria * « Vive Jésus-
Christ ! »
— « Et maintenant allons boire le Cham-
pagne », reprit M. Legrain.
Là-dessus, messieurs les ecclésiastiques, al-
lèrent s'attabler au sanatorium provisoire d'où
le docteur Saunai était-absent et où le lieute-
nant de l'abbé Garnier commandait en maître.
En terminant, M. Fabre rappelle que le
lendemain les journaux cléricaux racon-
taient que l'on avait solennellement posé
la première pierre du sanatorium et célé-
bré la prise de possession du terrain.
Or, cette nouvelle était un effronté men-
songe : il n'y avait qu'une promesse de
vente, et aujourd'hui encore ce terrain
reste à vendre.
Et le sénateur de l'Aveyron conclut lo-
giquement par cette double question :
Si l'autorité administrative ignorait tout cela,
que fait-elle ?.
Si elle l'approuvait, qu'est-elle ?
Espérons qu'à la rentrée, la Chambre de-
mandera des comptes au ministre de l'in-
térieur sur la conduite tenue, en cette cir-
constance, par le préfet de l'Aveyron et
par le sous-préfet d'Espalion, et qu'elle l'o-
bligera. à répondre aux deux questions po-
sées par M. Fabre.
A. Bourceret.
ÉCHOS -. :
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à i h. 40 matin.. 12° 15 au-dessus deo
La plus élevée du jour
à 2 h. 3o soir. 25010 au-dessus de o
Temps probable pour aujourd'hui : Nuageux ;
température chaude.
Aujourd'hui jeudi, à 2 heures, courses
à Deauville. -
NOS FAVORIS
Prix de Cricquebœuf : J'Arriverai ou
Saint-Serge.
Prix de la Société des Steeple-Chases
de France : Le Malpropre ou Chamois.
Prix de Bénerville : Célimare ou Mir-
liton.
Grand Steeple-Chase : Tropique ou La
Fleur.
Prix de Hennequeville : Castelvieilh ou
Frocourt.
La Gazette de Voss nous apprend que l'ex-
impératrice Eugénie a institué légataire uni-
verselle la princesse Victoria-Eugénie de Bat-
tenberg.
La princesse Henri de Battenberg n'est au-
tre que la princesse Béatrice, fille cadette de
la reine d'Angleterre. L'impératrice Eugénie
l'avait prise en affection et avait rêvé d'en faire
la femme de son fil.. Ses projets matrimoniaux
ont été détruits par la mort prématurée du
prince Louis Napoléon. Les deux princesses se
sont voué une sympathie réciproque. Lorsque
la princesse Béatrice se maria, l'impératrice
reporta sur les enfants l'affection qu'elle avait
pour la mère. Les liens d'amitié n'ont été que
resserrés par la mort du prince Henri de Bat-
tenberg, d'où ces projets de testament.
Voilà un héritage qui échappe par le fait à
Victor.
Une horrible exécution en Perse :
Cinq individus, coupablesd 'actee de brigan.
dage, ont subi un supplice d'une cruauté
inouïe.
Ils ont été enterrés vivants dans du plâtre.
Une colonne creuse est fixée au-dessus d'un
trou de deux pieds de profondeur, de façon à
former une sorte de puits où l'on introduit la
victime, parfois la tête en bas, d'autres fois la
tête dépassant l'ouverture. On emplit alors
l'ouverture de plâtre sur lequel on verse de
l'eau. Le plâtre gonfle, et lorsqu'il durcit, il
arrête la circulation de l'exécuté, causant les
plus horribles souffrances.
Les cinq prisonniers ont été exécutés de cette
façon ; et, ce qui ajoute au tragique de cette
exécution, c'est qu'il fallut une demi-heure pour
que la mort vint délivrer les malheureux qui
criaient, imploraient grâce, tandis que la foule
murmurait et voulait briser la ligne des soldats
qui, à coups de bâton, la maintenaient à dis-
tance
Après l'exécution, pour cacher les têtes hor-
riblement contractées des victimes, on a sur-
monté les colonnes de chapiteaux où était écrite
la sentence des suppliciés.
Au Muséum !
Les habitués du Jardin des Plantes viennent
de faire connaissance avec deux nouveaux
hôtes, de superbes chimpanzés offerts par le
docteur Macloud, médecin de marine à Konakry
(Guinée française), lesquels viennent d'être
installés dans la cage qu'occupaient naguère les
orangs-outangs offerts par Mme Sarah Ber-
nhardt.
Les deux nouveaux pensionnaires de M. Milne
Edwards ont une physionomie très expressive
et portent sous le menton un collier de poils
blancs qui leur donne le plus réjouissant as-
pect.
Le mâle, âgé de trois ans, porte le nom de
Baboun ; la femelle, de deux ans plus vieille,
s'appelle Balou. Le couple fait très bon mé-
nage.
Ils se nourrissent de viande rôtie, d'oeufs
cuits, de figues, d'amendes, de dattes, de vin et
de lait sucré.
Le public admis à les voir s'est beaucoup
amusé.
Deux histoires américaines :
Le steamer Seminole, venant de New-York,
est entré à Jacksonville (Floride) tout déman-
tibulé. Le vapeur avait donné en plein océan
contre une baleine qui se trouvait en compa-
gnie de quatre autres cétacés. Ceux-ci voyant
que leur camarade avait été blessé, donnèrent
à trois reprises, et avec ensemble, de si vio-
lents chocs au navire, qu'on craignit un mo-
ment qu'il ne sombrât.
Seconde histoire, cette fois de l'Amérique du
Sud :
Un planteur revenant à sa ferme aperçoit de-
vant lui un énorme serpent. D'un coup de fusil
il le tue, l'attache à son cheval et traîne le
monstre, qui avait une longueur de 28 pieds,
jusque chez lui pour le montrer à sa femme.
Dans la cour de son hacienda, il roule le
serpent, puis va chercher son épouse. Mon-
sieur et madame contemplaient le grand boa
quand soudain une bête effrayante se jette sur
la dame, la mord à la figure et disparaît.
C'était. la femelle du boa tué, qui s'était
cachée dans les replis de son mâle et l'avait
vengé — car deux heures après la dame était
morte ni
MOT DE LA FIN
Devenu riche propriétaire, Lan fumé de
Caiino fait creuser un puits dans son jar-
din, et comme les ouvriers lui demandent
où ils doivent transporter l'énorme tas de
terre qui-en résultait :
— Parbleu, répond-il, faites un trou à
côté et mettez-la dedans.
Passè-Partoat.
CONVERSION ET TAXATION
Le journal de M. Méline, la Républi-
que française, et nous l'en remer-
cions, -veut bien nous apprendre ce que
c'est qu'une conversion — en matière finan.
cière.
Le journal modéré insiste pour nous dé-
montrer que, à un certain point de vue, la
conversion équivaudrait à une taxation.
A un certain point de vue, on peut l'ad-
mettre.
Mais par le fait même qu'il restreint
ainsi son argumentation, notre confrère
reconnaît qu il y a d'autres points de vue,
et ce sont précisément ceux auxquels nous
nous sommes placés.
A cet égard, une conversion équivaut si
peu à une taxation, que l'une n'est pas
exclusive de l'autre.
C'est ainsi par exemple que dans le
projet Doumer la rente aurait été taxée
indirectement comme faisant partie du
revenu individuel des contribuables, et,
malgré cela, l'Etat aurait conservé la fa-
culté de la convertir chaque fois qu'il en
aurait eu l'occasion.
Le Trésor aurait donc eu un double bé-
néfice : celui résultant de l'impôt sur le
revenu dans lequel la rente aurait été
comprise indirectement pour sa quote-
part, et celui à provenir aes conversions
éventuelles.
Il en irait tout autrement dans le sys-
tème que préconise M. Méline et qui con-
sisterait, en présence de l'échec de son
sisterait, d'impôt direct sur la rente, à substi-
projet
tuer à cet impôt, d'ailleurs détestable, une
conversion.
Où serait l'avantage, où serait la ré-
forme ? Tous les gouvernements ont con-
verti la rente, c'est de pratique courante l
M. Méline n'a pas dû faire un bien grand
effort de pensée pour découvrir cette Amé-
rique.
De plus, une conversion n'est qu'un
moyen éventuel qui reste soumis aux cir-
constances et qui ne dépend pas, comme
une taxation, de la volonté du gouverne-
ment et des Chambres.
Pour faire une conversion, il faut que
les circonstances s'y prêtent ; il faut que
l'état du marché et les cours de la rente le
permettent. On ne saurait donc la propo-
ser comme un moyen ferme auquel on
pourrait recourir à une date fixée quelques
mois à l'avance. Le fait même d'annoncer
une conversion si longtemps avant de la
faire, la rendrait à peu près impossible,
car cette annonce pèserait comme une
menace sur les cours et les écraserait.
Ce sont ces considérations qui ont
échappé à M. Méline, et c'est sur elles que
nous nous fondons pour dire que le prési-
dent du Conseil a proféré, une absurdité
en présentant la conversion comme cons-
tituant un impôt normal, comme résolvant
la question de la réforme fiscale.
Il ne saurait y avoir aucune confusion
sur ce point.
L'insistance mise par le journal minis-
tériel à créer cette confusion, indique qu'il
y a là une manœuvre projetée par le gou-
vernement pour dissimuler sa reculade et
en esquiver les conséquences parlemen-
taires en se maintenant quand même au
pouvoir.
Raphaël Paré.
LES ITALIENS EN AFRIQUE
Rome, 19 août. — La Tribuna publie une in-
terview avec le major Léontieff. Celui-ci aurait
déclaré que le Négus attend l'envoi à Entoto
d'un général italien pour conclure la paix. Il a
ajouté que la libération des prisonniers est su-
bordonnée à la conclusion de la paix, et le Né-
gus serait aussi disposé à conclure un traité
de commerce avec lTtalie sur la base des li-
mites établies par le traité d'Ucciali.
Suivant l'Italie, on aurait décidé d'envoyer
dans quelques jours auprès de Ménélik un gé-
néral italien porteur du traité de paix.
Rome, 19 août. - Outre les 1,000 hommes de
troupes spéciales qui viennent de s'embarquer
pour l'Afrique, deux bataillons de volontaires
partiront sous peu de Naples pour l'Erythrée.
Ils s'appellent chasseurs d'Afrique. Leur dé-
part sera suivi par celui d'autres troupes spé-
ciales.
Ces départs font supposer généralement que
nous sommes à la veille d'autres expéditions
importantes, car ces troupes spéciales chargées
d'organiser les services d'approvisionnements,
des routes et des autres services accessoires, ne
servent qu'à préparer le terrain aux expéditions
futures.
UN BON DISCOURS
Parmi les discours prononcés à l'ouver-
ture de la session par les présidents des
Conseils généraux, il convient de citer ce-
lui de M. Bernard, sénateur, président du
Conseil général du Doubs, dont le langage
démocratique a produit une vive impres-
sion sur l'assemblée.
L'orateur s'est nettement prononcé en
faveur de l'impôt sur le revenu :
Des réformes, a-t-il dit, il en est une, sur-
tout, qu'il importe de mener à bonne fin, je
veux parler de notre régime fiscal. Les pouvoirs
publics trahiraient la confiance du pays s'ils
en retardaient plus longtemps l'accomplisse-
ment.
Nous avons déjà émis, sur cette importante
question, une opinion ferme, motivée, en adop-
tant un vœu auquel, quoi qu'on en ait dit, le
nouveau projet du gouvernement, qu'un vote
récent de la Chambre des députés a d'ailleurs
condamné, était loin de donner satisfaction. Le
Conseil général ne manquera pas, sans doute,
au cours de cette session, de le renouveler, en
précisant, s'il en est besoin, son esprit et sa
portée. Il importe d'aboutir et, pour aboutir, il
faut que l'esprit de parti qui, jusqu'à ce jour,
il faut bien le dire, a été le principal obstacle,
s'efface devant l'intérêt supérieur du pays.
Pourquoi s'évertuer à chercher des combi-
naisons laborieuses, des systèmes compliqués,
qui donnent peut-être l'illusion d'une réforme,
mais qui, en définitive, ne satisfont personne ?
Pour aboutir à une répartition équitable des
charges publiques, pour apporter à l'agricul-
ture, à la démocratie rurale, à la petite cul-
ture un dégrèvement appréciable, ne VQU8
semble-t-il pas qu'il n'y a qu'une solution,
simple, rationnelle, l'impôt général sur le re-
venu, dont on a peut-être exagéré les difficultés
d'application, étant donné que, dans ma pen-
sée, cet impôt doit porter plutôt sur la richesse
acquise que sur le revenu du travail.
M. Bernard insiste ensuite sur la néces-
sité de faire des économies. Il se demande
avec raison si l'heure n'est pas sonnée de
fermer le Grand-Livre et de rétablir, dans
la loi de finances, le chapitre de l'amor-
tissement trop longtemps oublié. Il estime
enfin qu'il serait prudent de mettre un
frein aux ardeurs coloniales qui imposent
à nos populations de si lourdes charges et
de si douloureux sacrifices.
L'orateur termine en réclamant plus de
justice sociale.
Plus de justice sociale. Nous avons le devoir
de nous mettre à la tête du mouvement qui
agite si profondément le monde du travail, pour
le diriger, pour le contenir dans les limites de
ce qui est juste et réalisable, en le mettant en
garde contre l'exagération de certaines doctri-
nes. On peut avoir dans le cœur l'amour pas-
sionné de la justice, de l'égalité et poursuivre
l'amélioration incessante des conditions du
travail, du sort des classes laborieuses, sans
être un affilié des doctrines collectivistes.
La lutte des classes est le danger d'une dé-
mocratie ; ce n'est pas par une déclaration de
guerre, aussi imprttdente qu'inutile, que nous
pourrons l'éviter, c'est en donnant satisfaction
à ce qu'il y a de légitime dans les revendi-
cations des travailleurs, à ceux des villes
comme à CAUX DES campagnes, qui ont droit
à une égale sollicitude et entre lesquels il
serait imprudent d'entretenir un dangereux
antagonisme.
Ce qui donne au discours de M. Bernard
une saveur et un intérêt tout particulier,
c'est qu'il a été prononcé devant le mi-
nistre de l'instruction publique, M. Ram-
baud, qui est membre du Conseil général
du Doubs.
Le protecteur compromis de l'évêque
Mathieu ne s'attendait certainement pas
à recevoir une pareille douche, dans son
propre département.
,M
Éfyangef Hïliance^
On donne de curieux détails sur le tom-
beau de Pasteur. Les travaux sont en ce
moment activement poussés dans la crypte
creusée sous le grand vestibule d'entrée de
l'Institut. Au centre de la coupole a quatre
figures ailées, nous dit un confrère, sym-
bolisent la Foi, l'Espérance, la Charité et
la Science».
Voilà un étrange mariage in extremis.
La Foi et la Science! - ou plutôt une
partie carrée comme on n'en voit pas sou-
vent sur les tombeaux, la Science et les
Trois Vertus Théologales 1 c'est comme si
l'on décorait quelque plafond de l'Elysée
aux quatre coins avec la Liberté, l'Egalité,
la Fraternité — et le Concordat.
Il faut espérer que ce mélange du pro-
fane et du sacré qui semble si fort à la
mode n'ira pas jusqu'à inspirer le caté-
chisme des évêques bretons. Arriverait-on
à apprendre aux enfants qu'il y a par
exemple maintenant quatre personnes en
Dieu, le père, le fils, le saint esprit et le
président de la République?
Ne trouvez-vous pas que la figure de la
Foi même accolée à celle de la Science
sur le monument d'un savant lui donne un
fâcheux air d'empirisme. On n'aurait ja-
mais l'idée de mettre une statue de la
Science sur la tombe d'un saint unique-
ment réputé pour ses vertus. Et, franche-
ment, cette façon de faire entendre qu'il
n'y a que la foi qui sauve paraît assez
ironique et médiocrement flatteuse quand
il s'agit d'un médecin.
Les procédés de la Foi guérisseuse et
ceux de la Science médicale diffèrent au-
tant qu'un médecin d'un sorcier ou d'une
voyante. La Foi, c'est Lourdes ; la Science,
c'est Pasteur. Et si une aspersion d'eau
bénite ou des formules d'exorcisme sont
des procédés éminemment religieux, il
faut bien avouer que l'injection sous-
cutanée ou la vaccination seraient plutôt
des procédés laïques, en attendant qu'ils
deviennent obligatoires.
On prétendra que Pasteur, à la dif-
férence de la plupart des savants, était
animé de sentiments religieux. C'est par-
fait. Ce n'est pas cependant par là qu'il
s'est distingué parmi les hommes. Ingres,
peintre célèbre, était, paraît-il, également
musicien ; on n'a pas eu l'idée cependant
de graver sur son tombeau, un alto, un
violon, un basson et une palette.
: Mais bah ! que la Science arrive bonne
quatrième sur le tombeau d'un savant,
cela prouve simplement, une fois de plus,
le mouvement d'envahissement sans tact
et sans mesure qui caractérise l'esprit nou-
veau.
On n'imaginera pas en considérant cette
décoration symbolique et carrée, que Pas-
teur fut un quart de savant délayé dans
trois quarts d homme religieux. On ren-
versera tout naturellement la proportion.
La renommée de Pasteur est fort au-
dessus de cette gaffe funèbre.
Paul Hiarrot.
LA CRISE EN ALLEMAGNE
Berlin, 19 août. — On assure que le roi de
Saxe a adressé une lettre autographe à l'empe-
reur, insistant sur les dangers de la crise gou-
vernementale.
PROCÉDES OPPORTUNISTES
M. Darlan, ministre de la justice, vient
d'ouvrir une enquête sur un fait qui révèle
bien l'état d'esprit de nos bons opportu-
nistes.
Le 23 juillet dernier avait lieu, à Saint-
Savin (Vienne), un concours de poulinières
dont les récompenses sont des prix en ar-
gent variant de 300 à 100 francs.
Pour y prendre part, il faut être proprié-
taire des animaux depuis plus de trois
mois.
M. Trouvé, vice-président opportuniste
du Conseil général de la Vienne et richis-
sime propriétaire, imagina pour concourir
de se faire délivrer un certificat de com-
plaisance, constatant que son fils possé-
dait depuis trois mois, une poulinière.
qu'en réalité il avait achetée depuis quel-
ques semaines seulement.
La fraude allait réussir M. de Lastic,
directeur des Haras, président du con
cours, allait proclamer M. Trouvé lauréat
et lui allouer la prime de trois cents francs
quand un membre de la commission fit
connaître la vérité.
Naturellement, notre opportuniste s'em-
porta et argua du fameux certificat.
On fit alors venir le propriétaire qui
avait vendu la pouliche et celui-ci déclara
l'absolue fausseté du certificat.
M. le conseiller général Trouvé fut exclu
du concours, ce qui ne l'empêchait pas
lundi dernier d'être élu vice-président du
Conseil général de la Vienne.
Nous attendons avec curiosité les résul
tats de l'enquête et nous tiendrons no*
lecteurs au courant.
L'AGITATION EN ESPAGNE
La situation se complique en Es-
pagne.
Aux difficultés causées par la prolonga-
tion d'une guerre sans issue à Cuba vien
nent se joindre des troubles matériels sui
lesquels le télégraphe, tout à la discrétioi
du gouvernement espagnol, nous rensei
-Rne imparfaitement, mais qui paraissent
assez gravea.
Il est certain qu'une grande effervescence
règne dans certaines provinces, particu
lièrement dans celles où l'administratioi
militaire organise l'envoi des renforts i:
Cuba.
Les manifestations se multiplient danf
ces provinces contre la prolongation de 1.»
guerre cubaine qui décime inutilement la
jeunesse du pays.
L'embarquement des troupes de renfort.
recrutées àgrand'peine, ne peut plus guèrt-
s'opérer que nuitamment et en secret pour
éviter les démonstrations populaires con-
tre le départ des recrues.
Le moment semble approcher où le peu-
ple espagnol se refusera catégoriquement
à suivre davantage son gouvernement dans
cette folle entreprise.
Dans le but de donner le change à l'opi-
nion sur le véritable caractère de ces ma-
nifestations qui sont la condamnation de
sa politique coloniale, le gouvernement a
feint d'y voir une agitation purement po-
litique fomentée par les républicains.
Il en a pris prétexte pour faire arrêtei
des membres du parti républicain parmi
lesquels un ancien ministre de la guerre dl..
la République.
C'est un moyen aussi commode que dé
nué de scrupule, de se débarrasser de se;,
adversaires politiques en les jetant ains-
en prison contre tout droit et au mépris de
toutes les lois.
C'est vainement que le gouvernemen'
espagnol se prétendrait en état de légitimi
défense contre les adversaires du principe
qu'il représente.
La situation faite à l'Espagne par la mo
narchie est assez désespérée pour qu'au
cun parti ne soit pressé d'assumer la res
ponsabilitê d'en entreprendre la liquida
tion.
Sans doute, en raison même de cette si
tuation, le pays si lamentablement près
suré par la monarchie et pleinement édifi a
sur ce qu'il doit en attendre, se tourne d-
plus en plus vers le régime républicain
comme le seul qui puisse réparer ses rui -
nés et amener son relèvement matériel et
moral.
Mais cette orientation vers la Républi-
que se produit en dehors de toute action
révolutionnaire de la part d'un parti qui
dans les circonstances actuelles, a plutô'
lieu de redouter de prendre la succession
si embarrassée du gouvernement monar-
chique.
La vérité, c'est que la monarchie se sen f
acculée: vaincue a Cuba, elle cherche Uit
dérivatif devant l'opinion dans une agita.
tion politique intérieure, à l'existence df,
laquelle elle feint de croire pour se donne
un prétexte à rejeter sur le parti républi-
cain la responsabilité des embarras que
traverse le pays.
Cuba est perdue pour l'Espagne ; quo
que fasse la monarchie, le fait est inévi
table et c'est elle qui en aura été l'uniqu :
cause.
Lels arrestations arbitraires auxquelles
elle se livre en ce moment ne sont que. le*
dernières manifestations d'un gouverne
ment aux abois: elles n'empêcheront pa<
l'avènement de la République le jour pro
chain où le peuple espagnol se ressaisira.
LA DÉCENTRALISATION
Le Journal officiel publie ce matin 1..
texte du rapport élaboré par M. Alapetik.
préfet du Pas-de-Calais, au nom de ]■»
sous-commission administrative de décen
tralisation instituée au ministère de l'agri- -
culture.
Voici les principales conclusions de c-.:
rapport :
Nous proposons de relever de 12 à 20 le nom
bre des centimes extraordinaires que les de
partements peuvent s'imposer sans autorisa.
tion et d'élever de quinze ans à trente am.
c'est-à-dire à un délai qui est rarement de
passé dans la pratique, la durée de rembourse
ment des emprunts que les départements on
la liberté de contracter. Par cette double ni
forme, nous affranchissons en réalité deII
tutelle financière de l'Etat les département
les moins imposés, et nous donnons aux autre.
la libre disposition des ressources nécessaires
pour la moyenne normale de leurs besoins.
En autorisant l'exécution immédiate d
budget de report, nous faisons bénéficier 1(
départements du temps que prenait l'exame..
de ces budgets par le ministère. On ne ser-
pas obligé d'interrompre les travaux ni le man-
datement des dépenses rapportées.
En matière communale, nos proposition"
sont plus touffues. Nous relevons d'abord Lt
compétence financière des Conseils munie
paux. Nous portons à 10 centimes pendant d:
ans, au lieu de 5 centimes pendant cinq ans, Li.
quotité des centimes extraordinaires que 11
Conseils municipaux peuvent voter sans auto -
risation.
Nous donnons aux Conseils municipaux h
droit de voter sans autorisation 10 centime ;
pour insuffisance de revenus. Enfin, par },.
nouvelle rédaction de l'article 145 de la loi mi'
nicipale, nous rendons maîtresses de leurs bu
gets les communes, en très grand nombre, qi
n'auront pas dépassé cette double limite E
matière communale, comme en matière dopa:
tementale, nous réduisons l'intervention t"
l'Etat aux cas où il y a vraiment à préven *
une progression excessive des charges pi-ibl
ques et de l'appel fait au contribuable par le s
budgets locaux
NousjDroDosona de donner aux Conseils mu
-
Directeur Politique : Emile CORNUDET
Pour tout ce qui concerne la rédaction, s'adresser au
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA RÉDACTION
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus
ABONNEMENTS
PARIS, SEINE ET SEINE-ET-OISE
UN MOIS. 2 FR.
TROIS MOIS. 5 FR.
r
SIX mois 9 FR.
UN AN 18 FR.
20* ANN*- — NUMÉRO 7061 4 FNUCTIBOR — AN 104
VENDREDI 21 AOUT - 1896 - VENDREDI 21 AOUT
Le Numéro : ES Centimes
PARIS ET DÉPARTEMENTS : :'.
ABONNEMENTS
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TROIS MOIS. 6 FR.
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UN AN. 20 FR.
Directeur-Administrateur : A. LAJEUNE-VILAR
Pour tout ce qui concerne L'administration
du journal, s'adresser au Directeur-Administrateur
1.8, HUE RIVDER, 18
APRÈS-DEMAIN SAMEDI
La Lanterne
COMMENCERA LA PUBLICATION
D'UX
:ROM A. 'N X3STÉH>XX
DE
son collaborateur PAUL MARROT
LE TESTAMENT
DE
Mme HALAIN
Ce roman, dont les péripéties sont
intéressantes et vivement menées, se
développe dans des milieux villageois.
- On suivra avec intérêt ce récit de
l'auteur de Cora Jackson, d'Une Absente
! et du Trésor Bleu, que nous n'avons plus
: à présenter à nos lecteurs.
LIBRES PROPOS
HEUREUX LES FONCTIONNAIRES !
M. Méline, qui avait perdu son latin
en Bretagne et en Normandie à la re-
cherche d'une popularité toujours fuyan-
te, vient d'en retrouver quelques bri-
Les en mettant les pieds sur le sol na-
tal, dans les Vosges. C'est le seul coin,
peut-être, de la France, où il lui reste
assez d'amis pour entretenir sa dernière
illusion et là, du moins, à la condition
de bien trier sur le volet son auditoire,
peut-il parler encore devant des gens
- qui ne le sifflent pas !
Donc, le président du Conseil prési-
dait dimanche, à Remiremont, un ban-
quet de comice agricole.
Il y était entouré, comme il convient,
de boutonnières à poireau reconnais-
santes et d'autres boutonnières scanna.-
leusement empressées à étaler, devant
ce protecteur fourbu, les charmes de
leur impatiente virginité.
Il était, là, dans son élément et, le
milieu étant favorable, il y reprit un
peu d'assurance. C'est là que lui revint
son latin.
« 0 fortunatos nimium, .., » s'écria-t-il
tout-à-coup, le verre en main et comme
emporté par un irrésistible élan ! « 0
fortunatos nimium. 0 bien heureux et
presque trop heureux. »
Puis M. Méline resta court, visible-
ment gêné.
Son embarras, d'ailleurs, n'était pas
sans cause légitime !
Oserait-il, même dans la langue de
Virgile, redire aux paysans, si souvent
déçus par ses promesses fallacieuses,
qu'ils sont trop heureux d'être nés sous
son étoile et que ceux qui se plaignent
ne connaissent pas leur bonheur ?
Certes, il le pensait ! Il le leur avait
encore insinué en douceur, à la distri-
bution des prix du comice, le matin
même, avant de se mettre à table, au
moment où les estomacs affamés n'a-
vaient pas la riposte vive et où les mots
envolés se perdaient dans le bruit de la
foule.
Mais, après le repas et dans le cercle,
même limité et choisi, de convives
parmi lesquels il pouvait s'en trouver
qui n'eussent point la digestion facile,
il ne se sentait plus le courage de re-
nouveler une aussi dangereuse expé-
rience.
On ne peut songer, en effet, sans
frémir, à ce qu'il fût advenu du prestige
de ce grand homme, si quelque mauvais
plaisant s'était avisé de lui lancer une
interruption dans le genre de celle-ci
« Tais donc ton histoire, vieux blagueur ».
Cependant, la belle strophe virgilienne
était commencée et il était impossible
de ne pas la finir sans faire montre d'un
fâcheux gâtisme.
La position fut donc, un moment, cri-
tique et l'on put voir le président du Con-
seil, les yeux anxieusement levés vers
le plafond des Halles, où filent paisible-
ment les araignées, implorer le secours
du dieu de ses bons amis, les curés ré-
actionnaires.
Un trait de génie le sauva, Il put com-
pléter heureusement sa période Mais,
au lieu de la félicité des paysans, ce fut
le sort enviable des fonctionnaires qu'il
se mit à chanter pour la plus grande
joie des agriculteurs présents.
Heureux, mille fois heureux, les fonc-
tionnaires, sous la coupe. de Champa-
gne. de cet excellent M. Méline!
Si heureux, que le Père de l'Agricul-
ture ne résiste pas de donner leur
bonheur en exemple aux paysans qui
l'entourent.
D'autres que lui,—des radoteurs sans
doute, — continueraient, en pareille oc-
currence, à se lamenter sur la misère
qui dépeuple les campagnes et enlève à
la petite culture les bras dont elle a si
grand besoin.
Turlutaines, billevesées, vieilles ran-
gaines que ces doléances démodées.
M. Méline n'admet pas que l'agricul-
ture se plaigne du moment où c'est lui
qui préside à ses destinées. -
Et il lui ouvre des horizons nouveaux ;
il lui montre la bonne route à suivre ; il
indique le remède, la panacée qui doit
guérir tous les maux! Il le fait avec
cette proverbiale douceur, avec cet à-
propos captivant, que ne sauraient trop
enguirlander de louanges admiratives
les ordinaires joueurs de flûte qui l'ac-
compagnent en ses triomphales tour-
nées.
Le remède, d'après M. Méline, con-
siste tout simplement à profiter du pre-
mier banquet venu de comice agricole
pour dire aux paysans, de plus en plus
portés à abandonner la culture surchar-
gée d'impôts, qu'il n'estpas de gens plus
heureux au monde que ne le sont les
bienheureux fonctionnaires !
A la bonne heure ! Voilà un coup de
maître après lequel il n'est pas douteux
que les campagnes vont revivre et que
le fonctionnarisme est bien mort!
Mais gardons-nous de déflorer ce lan-
gage et laissons couler le débordant ly-
risme de M. le président du Conseil :
Nulle part, s'écrie M. Méline, les fonction-
naires n'ont la vie plus heureuse que chez
nous. Nous ne leur demandons qu'une chose,
c'est de servir fidèlement le gouvernement qui
les prend à son service, mais nous nous gar-
dons bien de descendre dans leur conscience
et de scruter leurs intentions 1
Cette courte citation, que nous tenions
à faire pour établir notre bonne foi, pro-
clame, n'est-il pas vrai ? l'indépendance
des fonctionnaires dans des termes non
moins précis que ceux dont s'est servi
M. Turrel pour proclamer l'indépen-
dance de la Bretagne.
Il était bon qu'on la connût, qu'on la
propageât et nous nous serions fait un
crime de ne pas la porter à la connais-
sance de tous ceux qu'elle intéresse.
Les métayers, les fermiers, les jour-
naliers ruraux qui la liront ne manque-
ront pas de se dire qu'il vaut mieux être
fonctionnaire, émarger tous les mois au
budget, acquérir des droits à une pen-
sion de retraite et garder toute sa vie
son indépendance, que de mener une
existence pénible, au jour le jour, de
payer des impôts trop lourds et de su-
bir à perpétuité la pression électorale
des gros propriétaires terriens. Ils cher-
cheront de plus en plus, pour leurs en-
fants, sinon pour eux-mêmes, l'indépen-
dance dans le fonctionnarisme et c'est
le sauveur de l'agriculture qui l'aura
voulu !
Quant aux fonctionnaires, ils pense-
seront — mais ils ne le diront pas, de
peur de se faire révoquer — ils pense-
ront ce que M. Méline a craint de s'en-
tendre répliquer par les cultivateurs de
Remiremont s'il leur avait parlé des
souffrances de l'agriculture.
Ils penseront que jamais, depuis l'or-
dre moral, l'indépendance des fonction-
naires n'a été soumise à un régime de
pression pareil à celui qu'ils subissent
aujourd'hui et qu'en osant affirmer le
contraire, même dans un banquet de co-
mice agricole, après boire et au mo-
ment où va commencer la gaudriole, le
président du Conseil a bien mérité de
se faire traiter de vieux blagueur!
: ALCESTE.
SCANDALE ADMINISTRATIF
On se rappelle que le sous-préfet d'Espa-
lion a été accuse publiquement et avec
preuves à l'appui par M. Joseph Fabre,
sénateur de 1 Aveyron, d'avoir prêté son
concours à une entreprise clérico-finan-
cière, organisée par l'abbé Garnier et par
un de ses acolytes. M. Legrain.
Ce fonctionnaire ayant essayé de se dis-
culper dans une lettre, conçue d'ailleurs
en termes vagues et équivoques, M. Joseph
Fabre revient sur cette scandaleuse affaire
et donne des explications d'une précision
inattaquable sur le rôle joué à Aubrac par
le représentant de l'abbé Garnier.
Le 13 juillet, écrit M Fabre, une quinzaine
de prêtres et un certain nombre de laïques se
réunissaient sur le plateau de la Mayeneuve,
aux portes d'Aubrac, sous la présidence de
M Legrain.
M. Legrain invita les assistants à apporter
une pierre et à donner chacun son coup de
pioche
On construisit un petit monticule ; on éleva
au-dessus une croix. Puis, M, le curé de Saint-
Gervais, revêtu de son surplis, un goupillon à
la main, donna la bénédiction.
A deux reprises, M. Legrain, en bon lieute-
nant de l'abbé Garnier, prit la parole et avec
beaucoup de verve.
On applaudit, et on cria * « Vive Jésus-
Christ ! »
— « Et maintenant allons boire le Cham-
pagne », reprit M. Legrain.
Là-dessus, messieurs les ecclésiastiques, al-
lèrent s'attabler au sanatorium provisoire d'où
le docteur Saunai était-absent et où le lieute-
nant de l'abbé Garnier commandait en maître.
En terminant, M. Fabre rappelle que le
lendemain les journaux cléricaux racon-
taient que l'on avait solennellement posé
la première pierre du sanatorium et célé-
bré la prise de possession du terrain.
Or, cette nouvelle était un effronté men-
songe : il n'y avait qu'une promesse de
vente, et aujourd'hui encore ce terrain
reste à vendre.
Et le sénateur de l'Aveyron conclut lo-
giquement par cette double question :
Si l'autorité administrative ignorait tout cela,
que fait-elle ?.
Si elle l'approuvait, qu'est-elle ?
Espérons qu'à la rentrée, la Chambre de-
mandera des comptes au ministre de l'in-
térieur sur la conduite tenue, en cette cir-
constance, par le préfet de l'Aveyron et
par le sous-préfet d'Espalion, et qu'elle l'o-
bligera. à répondre aux deux questions po-
sées par M. Fabre.
A. Bourceret.
ÉCHOS -. :
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à i h. 40 matin.. 12° 15 au-dessus deo
La plus élevée du jour
à 2 h. 3o soir. 25010 au-dessus de o
Temps probable pour aujourd'hui : Nuageux ;
température chaude.
Aujourd'hui jeudi, à 2 heures, courses
à Deauville. -
NOS FAVORIS
Prix de Cricquebœuf : J'Arriverai ou
Saint-Serge.
Prix de la Société des Steeple-Chases
de France : Le Malpropre ou Chamois.
Prix de Bénerville : Célimare ou Mir-
liton.
Grand Steeple-Chase : Tropique ou La
Fleur.
Prix de Hennequeville : Castelvieilh ou
Frocourt.
La Gazette de Voss nous apprend que l'ex-
impératrice Eugénie a institué légataire uni-
verselle la princesse Victoria-Eugénie de Bat-
tenberg.
La princesse Henri de Battenberg n'est au-
tre que la princesse Béatrice, fille cadette de
la reine d'Angleterre. L'impératrice Eugénie
l'avait prise en affection et avait rêvé d'en faire
la femme de son fil.. Ses projets matrimoniaux
ont été détruits par la mort prématurée du
prince Louis Napoléon. Les deux princesses se
sont voué une sympathie réciproque. Lorsque
la princesse Béatrice se maria, l'impératrice
reporta sur les enfants l'affection qu'elle avait
pour la mère. Les liens d'amitié n'ont été que
resserrés par la mort du prince Henri de Bat-
tenberg, d'où ces projets de testament.
Voilà un héritage qui échappe par le fait à
Victor.
Une horrible exécution en Perse :
Cinq individus, coupablesd 'actee de brigan.
dage, ont subi un supplice d'une cruauté
inouïe.
Ils ont été enterrés vivants dans du plâtre.
Une colonne creuse est fixée au-dessus d'un
trou de deux pieds de profondeur, de façon à
former une sorte de puits où l'on introduit la
victime, parfois la tête en bas, d'autres fois la
tête dépassant l'ouverture. On emplit alors
l'ouverture de plâtre sur lequel on verse de
l'eau. Le plâtre gonfle, et lorsqu'il durcit, il
arrête la circulation de l'exécuté, causant les
plus horribles souffrances.
Les cinq prisonniers ont été exécutés de cette
façon ; et, ce qui ajoute au tragique de cette
exécution, c'est qu'il fallut une demi-heure pour
que la mort vint délivrer les malheureux qui
criaient, imploraient grâce, tandis que la foule
murmurait et voulait briser la ligne des soldats
qui, à coups de bâton, la maintenaient à dis-
tance
Après l'exécution, pour cacher les têtes hor-
riblement contractées des victimes, on a sur-
monté les colonnes de chapiteaux où était écrite
la sentence des suppliciés.
Au Muséum !
Les habitués du Jardin des Plantes viennent
de faire connaissance avec deux nouveaux
hôtes, de superbes chimpanzés offerts par le
docteur Macloud, médecin de marine à Konakry
(Guinée française), lesquels viennent d'être
installés dans la cage qu'occupaient naguère les
orangs-outangs offerts par Mme Sarah Ber-
nhardt.
Les deux nouveaux pensionnaires de M. Milne
Edwards ont une physionomie très expressive
et portent sous le menton un collier de poils
blancs qui leur donne le plus réjouissant as-
pect.
Le mâle, âgé de trois ans, porte le nom de
Baboun ; la femelle, de deux ans plus vieille,
s'appelle Balou. Le couple fait très bon mé-
nage.
Ils se nourrissent de viande rôtie, d'oeufs
cuits, de figues, d'amendes, de dattes, de vin et
de lait sucré.
Le public admis à les voir s'est beaucoup
amusé.
Deux histoires américaines :
Le steamer Seminole, venant de New-York,
est entré à Jacksonville (Floride) tout déman-
tibulé. Le vapeur avait donné en plein océan
contre une baleine qui se trouvait en compa-
gnie de quatre autres cétacés. Ceux-ci voyant
que leur camarade avait été blessé, donnèrent
à trois reprises, et avec ensemble, de si vio-
lents chocs au navire, qu'on craignit un mo-
ment qu'il ne sombrât.
Seconde histoire, cette fois de l'Amérique du
Sud :
Un planteur revenant à sa ferme aperçoit de-
vant lui un énorme serpent. D'un coup de fusil
il le tue, l'attache à son cheval et traîne le
monstre, qui avait une longueur de 28 pieds,
jusque chez lui pour le montrer à sa femme.
Dans la cour de son hacienda, il roule le
serpent, puis va chercher son épouse. Mon-
sieur et madame contemplaient le grand boa
quand soudain une bête effrayante se jette sur
la dame, la mord à la figure et disparaît.
C'était. la femelle du boa tué, qui s'était
cachée dans les replis de son mâle et l'avait
vengé — car deux heures après la dame était
morte ni
MOT DE LA FIN
Devenu riche propriétaire, Lan fumé de
Caiino fait creuser un puits dans son jar-
din, et comme les ouvriers lui demandent
où ils doivent transporter l'énorme tas de
terre qui-en résultait :
— Parbleu, répond-il, faites un trou à
côté et mettez-la dedans.
Passè-Partoat.
CONVERSION ET TAXATION
Le journal de M. Méline, la Républi-
que française, et nous l'en remer-
cions, -veut bien nous apprendre ce que
c'est qu'une conversion — en matière finan.
cière.
Le journal modéré insiste pour nous dé-
montrer que, à un certain point de vue, la
conversion équivaudrait à une taxation.
A un certain point de vue, on peut l'ad-
mettre.
Mais par le fait même qu'il restreint
ainsi son argumentation, notre confrère
reconnaît qu il y a d'autres points de vue,
et ce sont précisément ceux auxquels nous
nous sommes placés.
A cet égard, une conversion équivaut si
peu à une taxation, que l'une n'est pas
exclusive de l'autre.
C'est ainsi par exemple que dans le
projet Doumer la rente aurait été taxée
indirectement comme faisant partie du
revenu individuel des contribuables, et,
malgré cela, l'Etat aurait conservé la fa-
culté de la convertir chaque fois qu'il en
aurait eu l'occasion.
Le Trésor aurait donc eu un double bé-
néfice : celui résultant de l'impôt sur le
revenu dans lequel la rente aurait été
comprise indirectement pour sa quote-
part, et celui à provenir aes conversions
éventuelles.
Il en irait tout autrement dans le sys-
tème que préconise M. Méline et qui con-
sisterait, en présence de l'échec de son
sisterait, d'impôt direct sur la rente, à substi-
projet
tuer à cet impôt, d'ailleurs détestable, une
conversion.
Où serait l'avantage, où serait la ré-
forme ? Tous les gouvernements ont con-
verti la rente, c'est de pratique courante l
M. Méline n'a pas dû faire un bien grand
effort de pensée pour découvrir cette Amé-
rique.
De plus, une conversion n'est qu'un
moyen éventuel qui reste soumis aux cir-
constances et qui ne dépend pas, comme
une taxation, de la volonté du gouverne-
ment et des Chambres.
Pour faire une conversion, il faut que
les circonstances s'y prêtent ; il faut que
l'état du marché et les cours de la rente le
permettent. On ne saurait donc la propo-
ser comme un moyen ferme auquel on
pourrait recourir à une date fixée quelques
mois à l'avance. Le fait même d'annoncer
une conversion si longtemps avant de la
faire, la rendrait à peu près impossible,
car cette annonce pèserait comme une
menace sur les cours et les écraserait.
Ce sont ces considérations qui ont
échappé à M. Méline, et c'est sur elles que
nous nous fondons pour dire que le prési-
dent du Conseil a proféré, une absurdité
en présentant la conversion comme cons-
tituant un impôt normal, comme résolvant
la question de la réforme fiscale.
Il ne saurait y avoir aucune confusion
sur ce point.
L'insistance mise par le journal minis-
tériel à créer cette confusion, indique qu'il
y a là une manœuvre projetée par le gou-
vernement pour dissimuler sa reculade et
en esquiver les conséquences parlemen-
taires en se maintenant quand même au
pouvoir.
Raphaël Paré.
LES ITALIENS EN AFRIQUE
Rome, 19 août. — La Tribuna publie une in-
terview avec le major Léontieff. Celui-ci aurait
déclaré que le Négus attend l'envoi à Entoto
d'un général italien pour conclure la paix. Il a
ajouté que la libération des prisonniers est su-
bordonnée à la conclusion de la paix, et le Né-
gus serait aussi disposé à conclure un traité
de commerce avec lTtalie sur la base des li-
mites établies par le traité d'Ucciali.
Suivant l'Italie, on aurait décidé d'envoyer
dans quelques jours auprès de Ménélik un gé-
néral italien porteur du traité de paix.
Rome, 19 août. - Outre les 1,000 hommes de
troupes spéciales qui viennent de s'embarquer
pour l'Afrique, deux bataillons de volontaires
partiront sous peu de Naples pour l'Erythrée.
Ils s'appellent chasseurs d'Afrique. Leur dé-
part sera suivi par celui d'autres troupes spé-
ciales.
Ces départs font supposer généralement que
nous sommes à la veille d'autres expéditions
importantes, car ces troupes spéciales chargées
d'organiser les services d'approvisionnements,
des routes et des autres services accessoires, ne
servent qu'à préparer le terrain aux expéditions
futures.
UN BON DISCOURS
Parmi les discours prononcés à l'ouver-
ture de la session par les présidents des
Conseils généraux, il convient de citer ce-
lui de M. Bernard, sénateur, président du
Conseil général du Doubs, dont le langage
démocratique a produit une vive impres-
sion sur l'assemblée.
L'orateur s'est nettement prononcé en
faveur de l'impôt sur le revenu :
Des réformes, a-t-il dit, il en est une, sur-
tout, qu'il importe de mener à bonne fin, je
veux parler de notre régime fiscal. Les pouvoirs
publics trahiraient la confiance du pays s'ils
en retardaient plus longtemps l'accomplisse-
ment.
Nous avons déjà émis, sur cette importante
question, une opinion ferme, motivée, en adop-
tant un vœu auquel, quoi qu'on en ait dit, le
nouveau projet du gouvernement, qu'un vote
récent de la Chambre des députés a d'ailleurs
condamné, était loin de donner satisfaction. Le
Conseil général ne manquera pas, sans doute,
au cours de cette session, de le renouveler, en
précisant, s'il en est besoin, son esprit et sa
portée. Il importe d'aboutir et, pour aboutir, il
faut que l'esprit de parti qui, jusqu'à ce jour,
il faut bien le dire, a été le principal obstacle,
s'efface devant l'intérêt supérieur du pays.
Pourquoi s'évertuer à chercher des combi-
naisons laborieuses, des systèmes compliqués,
qui donnent peut-être l'illusion d'une réforme,
mais qui, en définitive, ne satisfont personne ?
Pour aboutir à une répartition équitable des
charges publiques, pour apporter à l'agricul-
ture, à la démocratie rurale, à la petite cul-
ture un dégrèvement appréciable, ne VQU8
semble-t-il pas qu'il n'y a qu'une solution,
simple, rationnelle, l'impôt général sur le re-
venu, dont on a peut-être exagéré les difficultés
d'application, étant donné que, dans ma pen-
sée, cet impôt doit porter plutôt sur la richesse
acquise que sur le revenu du travail.
M. Bernard insiste ensuite sur la néces-
sité de faire des économies. Il se demande
avec raison si l'heure n'est pas sonnée de
fermer le Grand-Livre et de rétablir, dans
la loi de finances, le chapitre de l'amor-
tissement trop longtemps oublié. Il estime
enfin qu'il serait prudent de mettre un
frein aux ardeurs coloniales qui imposent
à nos populations de si lourdes charges et
de si douloureux sacrifices.
L'orateur termine en réclamant plus de
justice sociale.
Plus de justice sociale. Nous avons le devoir
de nous mettre à la tête du mouvement qui
agite si profondément le monde du travail, pour
le diriger, pour le contenir dans les limites de
ce qui est juste et réalisable, en le mettant en
garde contre l'exagération de certaines doctri-
nes. On peut avoir dans le cœur l'amour pas-
sionné de la justice, de l'égalité et poursuivre
l'amélioration incessante des conditions du
travail, du sort des classes laborieuses, sans
être un affilié des doctrines collectivistes.
La lutte des classes est le danger d'une dé-
mocratie ; ce n'est pas par une déclaration de
guerre, aussi imprttdente qu'inutile, que nous
pourrons l'éviter, c'est en donnant satisfaction
à ce qu'il y a de légitime dans les revendi-
cations des travailleurs, à ceux des villes
comme à CAUX DES campagnes, qui ont droit
à une égale sollicitude et entre lesquels il
serait imprudent d'entretenir un dangereux
antagonisme.
Ce qui donne au discours de M. Bernard
une saveur et un intérêt tout particulier,
c'est qu'il a été prononcé devant le mi-
nistre de l'instruction publique, M. Ram-
baud, qui est membre du Conseil général
du Doubs.
Le protecteur compromis de l'évêque
Mathieu ne s'attendait certainement pas
à recevoir une pareille douche, dans son
propre département.
,M
Éfyangef Hïliance^
On donne de curieux détails sur le tom-
beau de Pasteur. Les travaux sont en ce
moment activement poussés dans la crypte
creusée sous le grand vestibule d'entrée de
l'Institut. Au centre de la coupole a quatre
figures ailées, nous dit un confrère, sym-
bolisent la Foi, l'Espérance, la Charité et
la Science».
Voilà un étrange mariage in extremis.
La Foi et la Science! - ou plutôt une
partie carrée comme on n'en voit pas sou-
vent sur les tombeaux, la Science et les
Trois Vertus Théologales 1 c'est comme si
l'on décorait quelque plafond de l'Elysée
aux quatre coins avec la Liberté, l'Egalité,
la Fraternité — et le Concordat.
Il faut espérer que ce mélange du pro-
fane et du sacré qui semble si fort à la
mode n'ira pas jusqu'à inspirer le caté-
chisme des évêques bretons. Arriverait-on
à apprendre aux enfants qu'il y a par
exemple maintenant quatre personnes en
Dieu, le père, le fils, le saint esprit et le
président de la République?
Ne trouvez-vous pas que la figure de la
Foi même accolée à celle de la Science
sur le monument d'un savant lui donne un
fâcheux air d'empirisme. On n'aurait ja-
mais l'idée de mettre une statue de la
Science sur la tombe d'un saint unique-
ment réputé pour ses vertus. Et, franche-
ment, cette façon de faire entendre qu'il
n'y a que la foi qui sauve paraît assez
ironique et médiocrement flatteuse quand
il s'agit d'un médecin.
Les procédés de la Foi guérisseuse et
ceux de la Science médicale diffèrent au-
tant qu'un médecin d'un sorcier ou d'une
voyante. La Foi, c'est Lourdes ; la Science,
c'est Pasteur. Et si une aspersion d'eau
bénite ou des formules d'exorcisme sont
des procédés éminemment religieux, il
faut bien avouer que l'injection sous-
cutanée ou la vaccination seraient plutôt
des procédés laïques, en attendant qu'ils
deviennent obligatoires.
On prétendra que Pasteur, à la dif-
férence de la plupart des savants, était
animé de sentiments religieux. C'est par-
fait. Ce n'est pas cependant par là qu'il
s'est distingué parmi les hommes. Ingres,
peintre célèbre, était, paraît-il, également
musicien ; on n'a pas eu l'idée cependant
de graver sur son tombeau, un alto, un
violon, un basson et une palette.
: Mais bah ! que la Science arrive bonne
quatrième sur le tombeau d'un savant,
cela prouve simplement, une fois de plus,
le mouvement d'envahissement sans tact
et sans mesure qui caractérise l'esprit nou-
veau.
On n'imaginera pas en considérant cette
décoration symbolique et carrée, que Pas-
teur fut un quart de savant délayé dans
trois quarts d homme religieux. On ren-
versera tout naturellement la proportion.
La renommée de Pasteur est fort au-
dessus de cette gaffe funèbre.
Paul Hiarrot.
LA CRISE EN ALLEMAGNE
Berlin, 19 août. — On assure que le roi de
Saxe a adressé une lettre autographe à l'empe-
reur, insistant sur les dangers de la crise gou-
vernementale.
PROCÉDES OPPORTUNISTES
M. Darlan, ministre de la justice, vient
d'ouvrir une enquête sur un fait qui révèle
bien l'état d'esprit de nos bons opportu-
nistes.
Le 23 juillet dernier avait lieu, à Saint-
Savin (Vienne), un concours de poulinières
dont les récompenses sont des prix en ar-
gent variant de 300 à 100 francs.
Pour y prendre part, il faut être proprié-
taire des animaux depuis plus de trois
mois.
M. Trouvé, vice-président opportuniste
du Conseil général de la Vienne et richis-
sime propriétaire, imagina pour concourir
de se faire délivrer un certificat de com-
plaisance, constatant que son fils possé-
dait depuis trois mois, une poulinière.
qu'en réalité il avait achetée depuis quel-
ques semaines seulement.
La fraude allait réussir M. de Lastic,
directeur des Haras, président du con
cours, allait proclamer M. Trouvé lauréat
et lui allouer la prime de trois cents francs
quand un membre de la commission fit
connaître la vérité.
Naturellement, notre opportuniste s'em-
porta et argua du fameux certificat.
On fit alors venir le propriétaire qui
avait vendu la pouliche et celui-ci déclara
l'absolue fausseté du certificat.
M. le conseiller général Trouvé fut exclu
du concours, ce qui ne l'empêchait pas
lundi dernier d'être élu vice-président du
Conseil général de la Vienne.
Nous attendons avec curiosité les résul
tats de l'enquête et nous tiendrons no*
lecteurs au courant.
L'AGITATION EN ESPAGNE
La situation se complique en Es-
pagne.
Aux difficultés causées par la prolonga-
tion d'une guerre sans issue à Cuba vien
nent se joindre des troubles matériels sui
lesquels le télégraphe, tout à la discrétioi
du gouvernement espagnol, nous rensei
-Rne imparfaitement, mais qui paraissent
assez gravea.
Il est certain qu'une grande effervescence
règne dans certaines provinces, particu
lièrement dans celles où l'administratioi
militaire organise l'envoi des renforts i:
Cuba.
Les manifestations se multiplient danf
ces provinces contre la prolongation de 1.»
guerre cubaine qui décime inutilement la
jeunesse du pays.
L'embarquement des troupes de renfort.
recrutées àgrand'peine, ne peut plus guèrt-
s'opérer que nuitamment et en secret pour
éviter les démonstrations populaires con-
tre le départ des recrues.
Le moment semble approcher où le peu-
ple espagnol se refusera catégoriquement
à suivre davantage son gouvernement dans
cette folle entreprise.
Dans le but de donner le change à l'opi-
nion sur le véritable caractère de ces ma-
nifestations qui sont la condamnation de
sa politique coloniale, le gouvernement a
feint d'y voir une agitation purement po-
litique fomentée par les républicains.
Il en a pris prétexte pour faire arrêtei
des membres du parti républicain parmi
lesquels un ancien ministre de la guerre dl..
la République.
C'est un moyen aussi commode que dé
nué de scrupule, de se débarrasser de se;,
adversaires politiques en les jetant ains-
en prison contre tout droit et au mépris de
toutes les lois.
C'est vainement que le gouvernemen'
espagnol se prétendrait en état de légitimi
défense contre les adversaires du principe
qu'il représente.
La situation faite à l'Espagne par la mo
narchie est assez désespérée pour qu'au
cun parti ne soit pressé d'assumer la res
ponsabilitê d'en entreprendre la liquida
tion.
Sans doute, en raison même de cette si
tuation, le pays si lamentablement près
suré par la monarchie et pleinement édifi a
sur ce qu'il doit en attendre, se tourne d-
plus en plus vers le régime républicain
comme le seul qui puisse réparer ses rui -
nés et amener son relèvement matériel et
moral.
Mais cette orientation vers la Républi-
que se produit en dehors de toute action
révolutionnaire de la part d'un parti qui
dans les circonstances actuelles, a plutô'
lieu de redouter de prendre la succession
si embarrassée du gouvernement monar-
chique.
La vérité, c'est que la monarchie se sen f
acculée: vaincue a Cuba, elle cherche Uit
dérivatif devant l'opinion dans une agita.
tion politique intérieure, à l'existence df,
laquelle elle feint de croire pour se donne
un prétexte à rejeter sur le parti républi-
cain la responsabilité des embarras que
traverse le pays.
Cuba est perdue pour l'Espagne ; quo
que fasse la monarchie, le fait est inévi
table et c'est elle qui en aura été l'uniqu :
cause.
Lels arrestations arbitraires auxquelles
elle se livre en ce moment ne sont que. le*
dernières manifestations d'un gouverne
ment aux abois: elles n'empêcheront pa<
l'avènement de la République le jour pro
chain où le peuple espagnol se ressaisira.
LA DÉCENTRALISATION
Le Journal officiel publie ce matin 1..
texte du rapport élaboré par M. Alapetik.
préfet du Pas-de-Calais, au nom de ]■»
sous-commission administrative de décen
tralisation instituée au ministère de l'agri- -
culture.
Voici les principales conclusions de c-.:
rapport :
Nous proposons de relever de 12 à 20 le nom
bre des centimes extraordinaires que les de
partements peuvent s'imposer sans autorisa.
tion et d'élever de quinze ans à trente am.
c'est-à-dire à un délai qui est rarement de
passé dans la pratique, la durée de rembourse
ment des emprunts que les départements on
la liberté de contracter. Par cette double ni
forme, nous affranchissons en réalité deII
tutelle financière de l'Etat les département
les moins imposés, et nous donnons aux autre.
la libre disposition des ressources nécessaires
pour la moyenne normale de leurs besoins.
En autorisant l'exécution immédiate d
budget de report, nous faisons bénéficier 1(
départements du temps que prenait l'exame..
de ces budgets par le ministère. On ne ser-
pas obligé d'interrompre les travaux ni le man-
datement des dépenses rapportées.
En matière communale, nos proposition"
sont plus touffues. Nous relevons d'abord Lt
compétence financière des Conseils munie
paux. Nous portons à 10 centimes pendant d:
ans, au lieu de 5 centimes pendant cinq ans, Li.
quotité des centimes extraordinaires que 11
Conseils municipaux peuvent voter sans auto -
risation.
Nous donnons aux Conseils municipaux h
droit de voter sans autorisation 10 centime ;
pour insuffisance de revenus. Enfin, par },.
nouvelle rédaction de l'article 145 de la loi mi'
nicipale, nous rendons maîtresses de leurs bu
gets les communes, en très grand nombre, qi
n'auront pas dépassé cette double limite E
matière communale, comme en matière dopa:
tementale, nous réduisons l'intervention t"
l'Etat aux cas où il y a vraiment à préven *
une progression excessive des charges pi-ibl
ques et de l'appel fait au contribuable par le s
budgets locaux
NousjDroDosona de donner aux Conseils mu
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