Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1921-11-23
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 novembre 1921 23 novembre 1921
Description : 1921/11/23 (N16187,A45). 1921/11/23 (N16187,A45).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/07/2012
Page, 2
LA LANTERNE
MERCREDI 23 NOVEMBRE 1921.
dues, et perdues à jamais. En effet, il est de
toute probabilité que la Conférence de Was-
hington va arrêtes le « statut » économique
de la Chine ; ce sera le régime de l'interna-
tionalisation qui va être adopté pour la mise
en valeujr des richesses chinoises. Plus d'oc-
trois de concessions à des groupements par-
ciculiers, plus d'avantages spéciaux attribués
,-k telle puissance ou à telle société de crédit.
Voulons-nous, dans ces conditions, perdre dix
ans d'efforts remarquables ? Voulons-nous
compromettre irrémédiablement notre situa-
tion en Chine et, par contre-coup, en Extrême-
-Orient ? C'est simple : ne sauvons pas la
Banque Industrielle de Chine ! Voulons-nous
nous assurer, au contraire, une source de dé-
bouchés incomparables, pour des années ?
Voulons-nous activer notre vie économique,
si anémiée, hélas ! par la crise présente ?
Voulons-nous faire face au bon renom fran-
çais en Chine ? Voulons-nous sauvegarder les
intérêts légitimes de mos populations indo-
chinoises ? Cherchons alors la formule sal-
vatrice. Celle qui a été câblée ces joure-ci à
(Washington au président du Conseil et dont
SI a dû saisir le gouvernement de Pékin est
Busceptible de sauver les intérêts et le pres-
tige de la France en Extrême-Orient tout en
sauvegardant les intérêts innombrables enga-
gée dans la Banque Industrielle de Chine.
Quel est donc le Français eoucieux du bon re-
nom de son pays qui pourrait, dans ces condi-
tions, reprocher au gouvernement de sauver
une Banque française que nos consuls d'Ex-
rême-Orient n'ont cessé de représenter corn-
me cautionnée par la France ! a
.*.
D'autre part, nous trouvons dans l'Infor-
mation un télégramme des créanciers fran-
tais de la B. J. C. dont voici le texte :
Shanghaï, ITïnovembre. — L'Union des créant
tiers français de la Banque Industrielle do
Chine contsidèm l'Etat comme responsable do
la situation actuelle. parce qu'une aide officielle
et été donné à ila Banque Industrielle par le
gouvernement dans les affaires des coolies, des
douanes chinoises, des concessions de chemins
de fer et dans plusieurs autres. L'introduction
de trois hauts fonctionnaires dans le conseil
q'administration, l'intervention de la Banque de
France, ont affirmé auprès des Chinois et des
étrangers la solid&é do la Banque. On rappelle
que le gouvernement intervint officiellement en
janvier par l'intermédiaire do ses consuls en
Chine pour rassurer les créanciers en démen-
tant les ibruits factieux qui avaient 6té trans-
mis sur la situation do la Banque, notamment
à Hong-Kong, où le consul envoya au princi-
pal journal anglais une lettre, déjà publiée en
France, après avoir* réuni spécialement la
Chambre de commcarco pour en rassurer les
membres, D'autre 'part, le consul de Hankow
publia le 17 janvier, dans le principal journal
anglais, qu'il était autorisé par le gouvernement
français à déclarer que rien dans la situation
de la Banque Industrielle de Chine ne pouvait
donner naissance à la moindre anxiété, que la
nervosité générale des marchés du monde en-
tier était la seule raison susceptible d'expliquer
Ses rumeurs sans aucun fondement câblées par
Reuter. Enfin, le consul de .Shanghaï, outre les
conversations privées avec des Français, des
étrangers et des Chinois, communiqua un télé-
gramme spécial des affaires étrangères au pro-
cureur des missions étrangères, l'invitant à. ras-
surer les déposants chinois. L'Union des créan-
ciers français de la Banque Industrielle rap-
pelle qne, partout en Chine, les Français eurent
confiance dans ces déclarations officielle3, que
confirmèrent les débats de la Chambre du S
juillet, oubliés presqua intégralement dans -a.
presse vocale. Les déposants se reposèrent avec
une confiance absolue dans la solidarité do
l'Etat pour sauver l'-honneur de la France, qui
avait engagé sa parole. Ils insistent actuelle-
ment pour que soit évité un coup terrible pour
le commerce français, qui provoquerait des
scandales et de nombreuses faillites.
Ce m'est pas la première fois dans l'histoire
de la Banque française que nous déplorons
une pareille catastrophe ; des établissements
comme le Comptoir d'Escompte et d'autres n'y
ont point échappé ; ne saura-t-on appliquer
aux mêmes maux les mêmes remèdes salutai-
res ?
"I" .II ; I II II
Le prochain voyage de M. Millerand
en Afrique du Nord
Dès qu'il a appris la décision prise par le
président de la République de se rendre au
printemps prochain au Maroc: le maréchal
Lyautey lui a. adressé le télégramme suivant :
Rabat, 20 novembre.
Je me permets do vous exprimer la profonde
gratitude de la population française et indi-
gène et des., troupes d'occupation, en appre-
nant ce haut et précieux témoignage de l'in-
térêt du chef de l'Etat et du gouvernement de
la République. Elles y trouveront le nouvel en-
couragement dans l'effort que tous donnent
sans relâche pour l'honneur et le profit de la
France.
Sa Majesté le Sultan se montre particulière-
ment satisfaite de recevoir et de saluer le plus
haut représentant de la nation protectrice. Je
n'ai pas besoin de dire avec quels sentiments
de respectueux attachement j'ai reçu person-
nellement cette nouvelle.
Signé : LYAUTEY.
————————-—— > - ( ■ -
La question du Ruanda
Huy, 22 novembre. - On sait que c'est le
31 "décembre prochain que les territoires de
l'Est-Africain allemand, cédés par la Belgi-
que à l'Angleterre, en vertu de la çonventiôn
du 16 mars 1931, doivent être remis aux auto-
rités britanniques. Le sultan Musinga, sou-
verain du Ruanda, a protesté contre le mor-
cellement de son Etat.
Le correspondant bruxellois de la « Gazet.
te de Huy » dit, à ce propos, que, dans les mi-
lieux colonianx, on se demande s'il n'y au-
rait pas moyen d'ajourner l'application de la
convention pour en modifier certaines clauses
afin d'obtenir que tout le Ruanda reste à la
Belgique, en garantissant à l'Angleterre la
possession du chemin de fer qui traversera
un jour cette région. On suggère un appel à
la Société des Nations et à la Commission des
Mandats, pour qu'elles règlent la question
conformément à l'esprit qui a présidé à l'éla-
boration du pacte de Versailles.
Carnet
dÛ
-TOCM
LE DON FATAL
'»
Les nègres affirment que si les sihgcs ne
parlent pas, c'est pour ne pas travailler.
L'homme atteint le môme résultat par le pro-
cédé contraire. Il parle, non pas pour expri-
mer sa pensée, mais pour le plaisir de parler
et se bercer des ronrons de sa voix. Il parle
pour ne rien faire ; il parle toujours il
parle partout.
S'agit-il pour les citoyens de choisir ceux
d'entre eux qui exerceront la souveraineté
nationale ? On ne s'inquiète ni du passé, ni
de la valeur intellectuelle ou morale des can-
didats ; on les écoute parler. Une élection est
un concours de langues bien pendues, et le
corps électoral décernt des prix de rhétori-
que.
Dans nos assemblées législatives, les inter-
pellations succèdent aux interpellations et l'on
bavarde, tandis que les lois urgentes et le
budget attendent en sommeillant sous l'orme
parlementaire. Si, par cas, il y a quelque me-
sure qu'il faille 6 tout prix voter, on cache
le débat dans la solitude discrète d'une séance
du matin comme s'il s'agissait d'une opéra-
tion vile.
A l'Hôtel de Ville, au lieu de chercher à in-
troduire de l'ordre dans les affaires munici-
pales, qui en ont bien besoin, on refait lon-
guement et tumultueusement le procès de
Marty et de Badina.
A la tour de Babel de Washington, magni-
fiquement et internationalement on pérore
dans toues les langues et la Conférence va se
séparer après n'avoir, sur les points qui nous
intéressent, abouti qu'à de vaincs paroles.
L'univers entier retentit du bruit harmonieux,
sonore et creux des discours.
Or, le fléau oratoire fait d'année en année
de terrifiants progrès. Les politiciens ont con-
taminé les hommes de labeur: industriels,
commerçants, ouvriers ou paysans. Dans tous
les domaines, quand, un orateur a, pendant
deux heures, enfilé des mots et déroulé des
guirlandes, chacun dit :' « Voilà un homme
énergique », et lui-même, dans la sincérité de
sa conscience, pense fièrement qu'il a bien tra-
vaillé:
On peut se demander si, le verbe rempla-
çant définitivement l'idée, et la parole se
substituant à l'action, l'humanité, endormie
par le murmure berceur des harangues, ne
disparaîtra pas, un jour prochain, sous le flot
montant d'un nouveau déluge, celui de l'élo-
quence.
La Fontaine affirme qu'autrefois les bêtes
parlaient, et sans doute n'ont-elles cessé de le
faire que pour éviter une telle disparition. Il
y a, toutefois encore, quelques bêtes qui par-
lent ; ce sont les bimanes à pouce opposa-
ble ; elles sont fichues, si elles n'ont pas la
sagesse de renoncer au don fatal de la parole.
Petit Jean.
~'t~
LE DESORDRE AV CAMP CLEMENCISTE
Une polémique violente se poursuit depuis
quelque temps entre deux anciens ministres
de M. Clemenceau, quî, après avoir été long-
temps très lias d'amitié, sont aujourd'hui
brouillés à mort. Il s'agit de MM. Brousse et
Jules Pams.
M. Pams attaque ou fait attaquer sans mé-
nagement M. Brousse et son fils M. Charles
Brousse, et accuse leur gestion lors de leur
passage à la* Liquidation des stocks.
Les deux Brousse ripostent non moins du-
rement en reprochant à M. Pams d'avoir trahi
l'amitié et vont jusqu'à lui jeter à la tête les
services qu'ils ont pu lui rendre.
Cette querelle, plutôt inattendue et qui
prend la tournure d'un véritable déballage,
se poursuit dans la Dépêche de Toulouse et le
Cri Catalan, qui tiennent pour M, Pams, et
dans l'Indépendant des Pyrénées-Orientales,
qui est l'organe des Brousse, père et fils.
Quant à ceux qui peuvent la suivre, ils se
contentent de marquer les coups.
LES BENEFICES DU CONSORTIUM
- --
DES COTONS
Suivant une réponse faite par M. Dior à
une question P0500 par M. Bouilloux-Lafont,
député, les bénéfices du consortium des co-
tons se sont élevés pendant la guerre à 24
millions. Sur cette somme, un million et demi
a été attribué à l'Office national du commerce
extérieur et 1,600,006 fr à la Compagnie co-
tonnière du Niger.
Et les 20,900,000 fr. qui Testent, que sont-
.ils devenus ? « D'autres demandes de subven-
tions, dit le ministre du commerce, sont. à
l'étude. »
Il y a trois ans que la guerre est finis Mais
« l'étude » continue.
Le Lanternier.
————— * > 'l
On réclame.
Il y a en ce moment devant la CTunn-Õre
une proposition de loi qui tend à obliger les
réseaux de chemins de fer à relier les gares
aux postes téléphoniques dans toutes les lo-
calités qui en possèdent. C'est là une idée ex-
cellente, dont les multiples avantages n'ont
pas besoin d'être démontrés. Déjà, cette liai-
son existe dans les centres importants. Il est
à souhaiter qu'elle soit établie partout où la
chose est possible et que la proposition dont
tous parlons soit rapidement adoptée par le
Parlement. Elle est d'intérêt public. Après
quoi, bien entendu, il faudrait aussi — c'est
une condition qui n'est pas à négliger — que
le téléphone ainsi installé fonctionnât. régu-
lièrement, à la satisfaction des « usagers ».
Mais c'est peut-être beaucoup demander.
Ma (content.
GRANDE JOURNÉE HIER A VERSAILLES
cc —
Deux attractions sensationnelles:
la Cuisinière et la Rescapée
■ 0iii "■ ■» » '• '■ ».
L'une et l'autre obtiennent un légitime succès
Ce n'est plus de la curiosité, c'est une vé-
ritable frénésie. La saolle serait dix fois plus
grande qu'elle serait encore insuffisante pour
recevoir la foule fiévreuse qui assiège ses
portes. ,.'
C'est que deux attractions supplémentaires
étaient réservées, hier, aux privilégiés qui
purent franchir l'impitoyable cordon de gen-
darmes qui barrait les portes.
Ce fut d'abord la confrontation que l'on es-
pérait convaincante entre Landru et Mlle
Segret, la rescapée.
Pour la première fois, on pouvait voir aus-
si installée dans le prétoire la cuisinière de-
Gambais !
En dépit de son honnête apparence — c'est
le type banal que l'on retrouve dans les lo-
gements modestes -, elle excite des curiosi-
tés sans sympathie. L'imagination aidant, on
la trouve formidable, énigmatique. Ne porte-
t-elle pas dans ses flancs un formidable se-
cret ?
Landru avait pour ce meuble si utile des at-
tentions do'père. Quand Mme Falque, un té-
moin défaillant, dont la déposition a été lue
ù, l'audience, vint le voir à Gambais, ce fut
la cuisinière qu'il lui présenta tout d'abord.
et Elle n'a pas beaucoup d'aspect, dit-il, mais
elle marche très bien. On. y brûle tout ce
qu'on veut. »
Cette Mme Falque aurait pu faire avec la
cuisinière plus ample connaissance puisque
elle aussi était appelée à devenir une fiancée
de Landru. Mais son patron lui ayant em-
prunté de l'argent, elle se méfia, se renseigna
et rompit.
Mlle FERNANDE SEGRET
Landru aima d'amour. tendre Mlle Fernan-
de Segret, du moins le dit-on. Une chose est
certaine : cette fiancée est l'a seule qui, lcin
d'avoir laissé dans l'aventure le moindre
meuble, recueillit, au contraire, une cham-
bre à coucher, voire quelques bijoux et du
linge. C'était naturellement les dépouilles des
disparues. Cette générosité inaccoutuméo
fut-elle le témoignage d'une passion ? Il y en
a de solides apparences, — encore qu'on
s'imagine difficilement ce Landru froid et
sec, d'une impitoyable âpreté, devenu subi-
tement amoureux, et jusqu'à la générosité.
Hésitante et timide, la dernière fiancée de
Landru s'avance à la barre. Elle porte un
superbe manteau de loutre. Mince et fluette,
elle est très élégamment chapeautée.
A peine si la figure de Landru tressaille.
C'est un jour de mai 1917 qu'elle fit la
connaissance de Landru, dans un autobus. Il
lui céda sa place, car elle était debout. Il la
regarda avec insistance et parvint à lui ar-
racher un rendez-vous pour le lendemain, pla-
ce de l'Etoile. A ce rendez-vous, il fut très
convenable, conduisit Mlle Segret au bois de
Boulogne, où il lui fit faire une partie de ca-
not.
Landru s'était donné comme uu industriel
de Rccroy et avajt pris le nom de Lucien
Guillet.
Les rendez-vous se multiplièrent. On se vit
tous les jours et on se fiança le lor janvier
lt)lS. Guillet fut présenté à Mme Segret mè-
re et on parla sérieusement mariage.
Mais la date était toujours reculée. Rocroy
n'étant pas dégagée, le fiancé n'avait pas ses
papiers. Cependant, le repas de fiançailles
est fixé à Pâques 1918. Landru n'y vient pas,
retenu par ses travaux. Navrée, Mlle Segret,
sur les instances de sa mère, se rendit auprès
du maire de Rocroy. Guillet était absolument
inconnu dans cette ville. Tout faillit se rom-
pre, mais Landru put renouer et un repas
plus intime fut fixé en mai 1918, chez Guillet,
rue Rochechouart.
Les choses furent faites avec apparat.
Fleurs, vaisselle, cristaux, Landru voulait
éblouir, et lorsqu'il offrit la bague indispen-
sable, la cor quête était définitive. La eoirée
se termina à l'Opéra-Comique.
INCIDENT EMOUVANT
POUR TOUT LE MONDE,
SAUF POUR LANDRU
Ici, Mlle Segret défaille. Elle éclate en san-
glots. La figure de Landru ne trahit aucune
émotion ; son masque est aussi impassible ;
Il demeure aussi distant et indifférent que
s'il écoutait la déposition d'un inspecteur de
police ! Simple attitude ? A peine, peut-on
noter une coloration du visage qui ne lui est
pas habituelle.
Les pleurs de Mlle Segret redoublent. Té-
moin pitoyable. On voit son buste étroit sou-
levé par des sanglots. On suspend l'audience.
Sans un regard vers elle, sans une parole,
Landru, raide et digne, se retire entre les
deux gendarmes.
Après une d&mi-heure de suspension, Mlle
Segret peut reprendre sa déposition. Son ma-
riage avec Landru fut fixé pour la fin de l'an-
née 1918. Mais il fut encore retardé, au mo-
ment de l'armistice. Mlle Segret nous apprend
qu'elle avait été fiancée jadis à un poilu fait
prisonnier et nous dit devant quel dilemme
elle se trouva à son retour de captivité. Re-
nouer avec lui ou garder Landru ?
- Ce dernier, dit-elle, s'était toujours mon-
tré gentil, avec moi. J'ai été très, très. très
(elle répète trois fois) heureuse avec lui, et
ce fut lui qui l'emporta.
Mlle Segret a fait trois voyages à Gambais.
Interrogée par le président, elle déclare n'y
avoir rien remarqué de suspecL Sa déposition
est terminée.
M0 de Moro-Giafferi a une question à poser
au témoin.
— Vous avez déclaré, dit-il, qu'au cours de
vos voyages à Gambais, et notamment le 4
avril, vous avez été amenée à vous servir de
la cuisinière. Y avez-vous trouvé un frag-
ment de crâne humain ? Et en remuant les
cendres, avez-vous trouvé des ossements ?
— Certainement non, répond le témoin.
LANDRU EST RESPONSABLE 4.
ET C'EN FELICITE
'On entend ensuite les médecins aliénistes..
Le docteur Vallon a examiné Landru en
1904, à la prison de la Santé, où il était déte-
nu pour escroqueries.
« L'accusé, dit l'éminent aliéniste, était
alors sur les frontières de la folie, mais il ne
les a jamais franchies. »
Le docteur Vallon conclut alors à une res-
ponsabilité simplement atténuée.
Depuis cette époque sans doute, Landru
s'est plaint d'avoir perdu la mémoire — mais
il résulte de toute son attitude, de son habile-
té à expliquel en sa faveur les moindres faits
et aussi de la facilité de ses réparties, que
l'accusé est -en pleine possession de ses
moyens intellectuels et qu'il est entièrement
responsable.
Voici maintenant les docteurs Roquès de
Fursac et Roubinovitch qui concluent égale-
ment à la pleine responsabilité de l'accusé.
« Au cours de nos examens, nous l'avons
toujours trouvé calme et jamais confus.
« Les conclusions du docteur Vallon étaient
justifiées en 1904, Lardru ayant subi dans sa
prison une longue dépression. Mais l'accusé
ne présente pas la moindre trace de maladies
mentales. »
Landru s'incline vers M. Roubinovitch :
« Je tiens à remercier MM. les experts de
leurs conclusions, dit-il. Les crimes qui me
sont reprochés sont tels qu'ils ne paraissent
s'expliquer que chez un aliéné. Je suis heu-
reux, à ce point de vue particulier, que MM.
les experts m'aient déclaré parfaitement sain
d'esprit. Cela rendra mon innocence plus évi-
dente. >
L'INTERROGATOIRE RECOMMENCE
Là-dessus, avec le souci évidemment fort
louable d'éclairer do son mieux certains
points encore bien obscurs, le président pro-
cède à un nouvel interrogatoire de Landru.
Il s'agit d'établir que l'accusé n'avait plus
le sou au moment où commence la série des
crimes qu'on lui reproche et de montrer ce
que chacune de ses fiancées lui a rapporté.
Tâche difficile.
Landru prétend qu'il avait dans sa poche,
quand il rencontra Mme Cuchet, la première
des disparues, 1.000 francs provenant de l'hé-
ritage paternel, plus 20.000 francs qu'il avait
gagnés dans son garage de Malakoff.
Quant aux pièces de comptabilité qui pour-
raient établir la réalité de ses opérations
commerciales, il déclare qu'il réserve les plus
importantes pour son défenseur.
LES MOYENS D'EXISTENCE DE LANDRU
On entend ensuite M. Riboulet. Ses re-
cherches, autant que l'examen minutieux
du carnet et des pièces saisies, lui permet-
tent d'établir que Landru, depuis sa sortie
de la prison de Locs, en 1914, n'eut aucu-
ne occupation régulière.
M° de Moro-Giafieri. — Cependant, dans
un rapport de police qui est au dossier, il
résulte que Landru serait parti de Mala-
koff avec une vingtaine de mille francs. Je
sais que eette constatation est consignée
dans un rapport.
S'il est exact que Landru ait hérité de
10.000 francs de son père, simple hypothè-
se, c'est donc 30.000 francs qu'il aurait eus
dans sa poche.
L'audience est levée et renvoyée à au-
jourd'hui, 12 h. 30.
mmm» ■————»■■ m n ■■■m ———————————————-
Comment on s'improvise avocat
Nous avons annoncé que Georges Hirle-
man, âgé de vingt-deux ans, avait été inculpé
d'escroquerie -pour avoir pris la robe et la
qualité d'avocat, auxquelles il n'avait aucun
droit, et aussi pour avoir indûment accepté
une remise d'honoraires. Interrogé hier à ce
sujet par M. Warrain, juge d'instruction, le
prévenu a déclaré que mobilisé à dix-sept
ans et réformé avec une pension insuffisante,
il avait cru pouvoir occuper une situation de
secrétaire chez un avocat, sans trangresser
les lois. Il a reconnu qu'il avait reçu 150 fr.
d'une femme pour plaider en sa faveur devant
le tribunal de Versailles, où elle fut condam-
née à 25 francs d'amende.
.——————————————————————— >■ < £ ?•■—< ——————————————————..—————
LA CATASTROPHE DES BATIGNOLLES
Chargés de déterminer les causes de la ca-
tastrophe de chemin de fer qui se produisit
sous le tunnel des Batignolles, les experts dé-
signés à cet effet, MM. Dumont, Lecornu et
Rosenstock, ont remis leur rapport hier à
M. Pamart, juge d'instruction.
Leurs conclusions dégagent nettement M.
Lohazic, l'aiguilleur du poste 6, qui avait été
arrêté au début de l'enquête. Car les experts
sont d'avis que la responsabilité de la colli-
sion incombe totalement à l'aiguilleur Maie-
dent du poste 4, placé à la sortie du tunnel.
Ils ont reconnu que cet aiguilleur avait négli-
gé de couvrir réglementairement le train 353
et qu'il avait usé en conséquence d'un artifice
pour débloquer la voie, fermée seulement par
le jeu de la pédale Aubine..
D'autre part, il avait absolument négligé
d'avertir le poste G.
Dépêches
de
L'étranger -
Mort du socialiste anglais H. M. Hyndman
Londres, 22 novembre. — Le socialiste
anglais, H. M. Hyndman, vient de mourir.
L'entente anglo-américaine
Londres, 22 novembre. — Le correspon-
dant du « Daily Express » à Washington
dit qu'on discute beaucoup on ce moment
un projet d'entente anglo-américaine des-
tiné à assurer la protection de l'Australie,
Ta Nouvelle-Zélande et le Canada en échan-
ge de la renonciation par l'Angleterre à
son alliance avec le Japon.
Le général Bérenguer à Madrid
Madrid, 22 novembre. — Le général Bé-
renguer est arrivé à Madrid ce matin à
9 heures. Salué à la gare par les membres
du gouvernement, les autorités civiles et
les officiers de service, le haut commissaire
au Maroc espagnol a immédiatement pris
place dans l'automobile du roi pour se ren-
dre au palais royal. Le général Bérenguer
fut reçu par le roi et s'entretint longue-
ment avec lui.
La conférence de Porto-Rose
Porto-Rose, 22 novembre. — La confé-
rence, réunie en séance plénière, a définiti-
vement adopté les propositions élaborées
par la commission économique concernant
l'abolition des défenses d'importation, la
conclusion d'accords pour l'abolition avant
le 1er juillet 1922, des défenses d'exporta-
tion entre les divers Etats et l'ouverture
de pourparlers entre les différents Etats
pour la conclusion de traités basés sur le
principe de la liberté du commerce.
Enfants des régions dévastées
envoyés en Suisse
Bâle, 22 novembre. — 120 garçons et fil-
lettes, venant des régions dévastées du Nord
de la France, sont arrivés hier à Bâle. Ils
vont être répartis parmi des familles de
toute la Suisse.
Les élections belges
Bruxelles, 22 novembre. — La loi d'ap-
parentement qui sera appliquée, changera
vraisemblablement les résultats des élec-
tions. La Chambre comprendra alors 80 ca-
tholiques, 34 libéraux, GG socialistes, 4 re-
présentants du f^ont parti, 1 combattant et
1 démocrate chrétien.
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Le port de Rotterdam
Rotterdam, 22, novembre. — Pendant la
semaine écoulée, sur 145 steamers entrés
au port de Rotterdam, il y en avait 14 fran-
çais et 20 allemands. Pas un bâtiment bat-
tant «pavillon belge. Par contre, à la sortie,
sur 137 bateaux à vapeur, on a compté
1 belge, 11 français et 23 allemands.
L'Allemagne et les réparations
Berlin, 22 novembre. — On annonce offi-
ciellement que le chancelier va faire, de-
vant la commission des impôts du Reich, les
.déclarations qui avaient été différées sur
l'état de la question des réparations pen-
dant les pourparlers entre le gouvernement
et la commission des réparations.
La rédaction 4e ces déclarations a été ar-
rêtée dans une séance de cabinet tenue hier
soir.
Les résultats de la vie chèTe à Berlin
Berlin, 22 novembre. — En raison du pil-
lage des magasins de Berlin et des excita-
tions de [a. presse communiste, le préfet de
police de Berlin vient d'interdire les dé-
monstrations dans les rues.
Les pillages continuent, néanmoins, à
Berlin ; ils se sont étendus au centre mê-
me de la ville. Des centaines de jeunes gens
ont parcouru les artères principales et se
sont rués sur les magasins, brisant systé-
matiquement les vitres et s'emparant de
tout ce qui se trouvait aux étalages. La
police est accourue et a opéré une centaine
d'arrestations.
Une panique s'est emparée des marchands
aux Halles centrales à l'approche des pil-
lards ; mais la police, qui se trouvait sur
les lieux, a empêché les stands d'être mis
à sac.
Le plébiscite d'Oedenbourg
Vienne, 22 novembre. — Les trois géné-
raux représentant l'Entente : Ferrario,
Gorton, Hame'lin, discuteront aujourd'hui
avec le gouvernement de Budapest les mo-
dalités du plébiscite qui doit avoir lieu dans
le secteur d'Oedenbourg, conformément au
pacte de Venise.
Arrivée à Budapest des membres
de la commission de Sopron
Budapest, 22 novembre. — Les généraux
Ferrari, Gorton et Hamelin, membres de la
commission des généraux à Sopron, sont ar-
rivés ce matin à Budapest. Ils ont eu une
entrevue avec le ministre des affaires étran-
gères, comte Banffy, sur le plébiscite de
Sopron qui, selon l'opinion de ces généraux,
devrait avoir lieu le plus tôt possible.
La protection des minorités en Turquie
Constantinople, 22 novembre. — La
presse turque consacre ses articles de fond
à la protection des minorités.
Le « Vakit » écrit : c Le plus grand
bienfait à rendre aux chrétiens consiste à
les affranchir non pas des Turcs, mais du
jcug de la propagande dans les Balkans. »
Le « Djagadamart », organe arménien,
constate que le gouvernement français en-
voie en Cilicie trois délégués expérimentés
qui doivent résider dans des villes impor-
tantes. « Cela réconforte et Jonne de l'es,
pérance aux Arméniens qui réclament des
garanties concrètes, positives et non plus
des promesses. »
Enver pacha crée de l'agitation en Anatolie
Angora, 22 novembre. — L'activité des
agents d'Enver rpacha, prefiant une exten-
sion constante en Anatolie et au Caucase,
le gouvernement a ordonné au général Kia-
zim Krabekir paiha de rester à Kars où il
prendra des dispositions énergiques pour
réagir contre les agissements de certains
ageents.
Lo gouvernement d'Angora a procédé sur
divers pointe, en Anatolie, à de nombreuses
arrestations d'agents d'Enver pacha.
Soulèvement contre les Soviets
Helsingfors, 22 novembre. — La Carélie,
de Newladoja à Mourmansk, entre le lac et
la frontière, s'est soulevée contre le gou-
vernement des Soviets. Les troupes rouges
ont été désarmées, les communications sont
coupées
——.——————————— > --0~
Le discours de M. Briand
et la presse américaine
New-York, 22 novembre. — Tous les jour-
baux consacrent leurs premières pages à des
éditoriaux relatifs au discours de M. Briand.
Ils constatent que les relations franco-britan-
niques se sont beaucoup améliorées par le dis-
cours de M. Briand et la réponse de M. Bal-
four, ainsi que l'impression très favorable
créée dans les milieux français, par la réponse
de M. Hughes.
Le World, relevant la partie du dIscours,
dans laquelle M. Briand a déclaré que ce qui
manquait au monde était une atmosphère de
paix, dit que la Conférence de Washington est
un exemple de ce qui peut être fait pour ai<
der à créer cette atmosphère.
Le Herald, faisant l'éloge du discours de
M. Briand, qualilie les réponses de MM. Hu-
ghes et Balfour, d'incidents, sans aucun doute,
les plus significatifs de la journée.
La Tribune dit que M. Briand a causé une
agréable surprise au monde et ajoute que la
limitation des constructions navales et les ac-
cords du Pacifique sont dos résultats impor-
tants, mais quo le problème, de la paix restera
saus solution tant que la frontière de la ci-
vilisation restera exposée et tant que ses dé-
fenseurs logiques n'en garantiront pas la dé-
fense.
Le New-York Times remarque Que les Amé-
ricains ne peuvent pas manquer de reconnaî-
tre la justesse de la thèse française. Ils ng
peuvent pas nier que les Etats-Unis à la pla-
ce de la France feraient exactement ce que
la" France fait notamment pour sauvegarder ea
propre sécurité. -
L'intervention dè MM. Hughes et Balfour
Washington, 22 novembre. — L'impression
produite par les déclarations de M. Hughes et
de M. Balfour a été excellente. Sans aucun,
retard, les hommes d'Etat, d'Amérique et
d'Angleterre ont donné leur adhésion à la
thèse si éloquemmcnt présentée par M. Aris-
tide Briand. Ce geste amical à l'égard de la
France a été d'une cordialité très appréciée
par la délégation française. Il ne Va d'ailleurs
nullement surprise, MM. Hughes et Balfour
ayant déjà donné de nombreuses preuves de
leur esprit d'équité et de justice.
— "■ 11 Ji ■ n ■
LA RUSSIE
I
et la Conférence de Washington
Riga, 22 novembre. — La Pravda, de Mos-
cou, du 17 novembre, publie un article de Ra-
dek, où on lit notamment :
« Il est certain que la Conférence de Was-
hington s'occupera de la question ruese. Mais
la déclaration du gouvernement soviétique lui
ôte les moyens de nous mettre en présence
d'un fait accompli.
« Dans le cas où la Conférence ne parviens
drait pas à apaiser les conflits, la position
qu'adopterait la Russie soviétique aurait une
importance énorme. Nous sommes les voisins
du Japon en Extrême-Orient, et de l'Angleterre
en Asie-Centrale. Nous sommes séparés dé
l'Angleterre par des peuples qui comprennent
que nous ne leur sommes pas hostiles. C'est
très important pour l'Anglterre et ses adver-
saires probables.
« Les protestations de l'Angleterre au sujet
de notre politique orientale resteront vaines
tant que l'Angleterre ne s'entendra pas aveQ
nous au sujet des sphères d'influence.
« Dans les conflits internationaux qui se pré-
parent, la Russie défendra ses propres intérêts
qui sont, en définitive, les intérêts de toute
l'humanité. Il se peut, toutefois, que, par ha-
sard, ces intérêts concordent avec ceux d'une
puissance quelconque ou d'un groupe de puis-
sances. Washington ne doit pas oublier cela.
La Conférence devra répondre nettement à nos
questions : la Russie soviétique existe-t-elle ?
Qui veut se réconcilier avec elle ? Qui veut
marcher contre elle ? Dans tous les cas, la
Russie, qui accepte de reconnaître ses anciens
engagements, ne manquera pas de rappeler,
aux autres puissances leurs engagements en-
vers elle. »
—————————— ) ~
Le chien aime l' homme
Marseille, 22 novembre. — M Béraud,
Hippolyte, 60 ans, habitant Patroly, commune
de Talencieux (Ardèche), a été trouvé mort
par ses voisins. Il avait succombé à une con-
gestion occasionnée par le froid. Son chien,
enfermé avec lui, lui avait dévoré le visage.
FEUILLETON DE LA « LANTERNE 2>
— 19 —
Secret mortel
ROMAN CONTEMPORAIN
par
Pa u.1 FÉVAL fils
PREMIERE PARTIE
LES DEUX AVENTURIERES *
IV
COMÉDIENNE
(Suite)
Hien de criard ï Un meuble de satin gre-
nat. des tapis frais, des rideaux et des por-
tières savamment drapés. Sur la cheminée
une garniture Louis XVI et deux cornets de
cristal emplis de roses.
Point de bibelots.
On le fit entrer dans la pièce où l'attendait
la baronne Eschanne. Ici un peu plus de luxe
discret ! Quelques tableaux bien choisis, des
statuettes élégantes, des fleurs surtout.
Marthe s'était levée, elle avait le port gra-
cieux et les façons avenantes. Ayant renoncé
à teindre ses cheveux, elle les couvrait d'un
nuage de poudre laissant tomber parmi les
dentelles noires mêlées de jais qui formaient
Reproduction, traduction et adaptation *
servées. — Copyright by Paul Féval fils 19.21,
.sa coiffure des boucles légères d'un gris très
doux. Point de maquillage, la couperose ayant
disparu définitivement. Point de bleu sous les
yeux dont l'orbite s'estompait maintenant au
naturel. Lés yeux grands et noirs -étaient dans
le vidage pâle d'un nffet remarquable.
Elle portait une robe de crépon noir, bor-
dée de jais. qui lui seyait à ravir.
Elle salua poliment le visiteur, l'invitant
à s'asseoir, et, prenant place assez près de
lui, le coude appuyé sur une table d'ébène,
les mains négligemment nouées, elle répondit
à Scipion qui se présentait avec un certain
embarras :
— Ma fille m'a prévenue de votre visite,
monsieur ; elle me dit, dans sa dernière
lettre, qu'un ami très dévoué s'est chargé de
divers messages de sa part. Mon Dieu, je
dois vous avertir que j'avais prié Renée de
demeurer chez elle à Marseille, et de n'y point
former de relations. Elle a voulu venir me
rejoindre en. Europe, la patience lui a man-
qué pour m'attendre, mais en la laissant à
Marseille, je lui épargne les ennuis, les cour-
ses et les visites, toutes les démarches enfin
qu'entraîno un procès.
« Au reste, fai élevé ma fille à l'anglaise ;
elle a "i\ngt.irlQ ans, elle sait se conduire et
je suis sûre de son caractère.
c Je vous dis cela, monsieur, parce que son
genre de, vie peut vous surprendre.
— Madame, dit simplement Scipion, en
vous écrivant, mademoiselle votre fille vous
a-t-elle parlé du sujet principal de ma dé-
marche auprès de vous ?
— Mais non. non, monsieur, fit Marthe, en
apparence fort étonnée.
— Vraiment ? je le regrette. Je vais être
obligé de m'expliquer moi-même, et j'avoue
que j'éprouve un certain embarras.
-r- Oh ! qu'est-ce donc ?. Veuillez parler,
monsieur, serait-ce: que vous attendez -de.,
moi un service quelconque ?. Je suis une
pauvre femme bien isolée ! Mais j'ai pour-
tant des amis haut placés, près desquels mon
nom a quelque crédit.
— Non, non. fit Guiraud en souriant, je n'ai
besoin de rien ni de personne. Je venais
vous demander la main de Mlle Renée.
Marthe joignit les mains avec stupeur.
- Ah ! monsieur ! s'écria-t-elle, la folle en-
fant vous a-t-elle autorisé à me faire une pa-
reille demande ?
— Mais, permettes-moi, madame, de pro-
tester respectueusement. Il n'y a là de folie
que de mon côté, car je ne suis plus jeune et
c'est une grande témérité d'associer à mon
âge cette triomphante jeunesse. Cependant
ma situation de fortune est considérable, je
crois pouvoir assurer le bonheur de la femme
qui voudra bien porter mon nom et me con-
fier le soin de mon avenir.
- Pardon,, si je répète ma question, mon-
sieur, Renée est-elle instruite ?
— Vraiment, oui, madame, sans son assen-
timent je n'eusse osé.
— Hélae ! elle s'est alors laissée aller aux
mouvements de son cœur î J'espérais — elle
le répétait si souvent - que jamais elle ne
penserait au mariage.
« Elle a manqué de franchise, et elle m'o-
blige à vous confier un douloureux secret !
Mais je ne puis hésiter, .l'honneur m'oblige à
parler.
— Ah ! je vous supplie de ne rien dire !
madame. Il s'agit de la naissance de Renée.
Je sais ce que je dois penser. certaine-
ment. il est regrettable. mais. Bref, ma-
dame, je m'estimerais heureux si vous m'ac-
cordiez ce que je sollicite.
Marthe Eschanne avait cache sa tête dans
ses mains ; elle releva le front et, timide-
msjat X 4
— Renée n'a pas de fortune, monsieur, dit-
elle. J'ai assuré sur sa tête une centaine de
mille francs, et c'est tout. 1
« Personellement, je ne possède guère plus ;
encore ai-je à sorpr de divers embarras lui
touchent à leur fin.
.;. Renée ne m'avait même pas fait pré-
voir une aisance pareille, dit le commerçant.
« Mais permettez-moi de vous faire obser-
ver que quand on a des filles, on est obligé
de se douter qu'elles se marieront, c'est dans
l'ordre !
« Au reste, je vous prie de croire que la
question de fortune m'est indifférente. Je
suis négociant, je sais ce que vaut l'argent
et si je ne le méprise pas, lorsque le bonheur
est en jeu, toute autre considération dispa-
raît.
« Puis-je donc espérer ! madame.
— Tenez, monsieur, dit Marthe Eschanne,
parlons franchement, je ne sais pas dissi-
muler, ni cacher ma pensée ! Je n'ai ni l'en-
vie, ni le droit de refuser à Renée un consen-
tement dont son âge lui permet d'ailleurs de
se passer.
« Mais je ne suis pas j ser pour elle. Voulez-vous me permettre de
réfléchir, de prendre quelques informations.
Car si, en apparence, il semble que je n'aie
pas le droit de me montrer bien difficile, tn
réalité je le suis beaucoup.
a Vous 'ne connaissez pas encore Renée ,
Tous ne savez pas quelle simplicité, quelle
candeur il y a dans son cœur. Elevée simple-
ment et librement, elle est restée tout à fait
enfant, crédule, naïve. Je m'applaudissais de
ne lui trouver aucun sentiment vif. Je la
croyais un peu. froide, et cela me rassurait,
car c'est le cœur qui nous perd, noua !
« Elle n'a dû penser à rien, ni réfléchir à
rien ! mais encore. que sait-ou par les in-
formations ? Peu de chose ! Ah ! j'aime .mieux
vous en croire ! Jurez-moi que mon enfant
sera heureuse avec vous. Je vous croirai.
« Votre loyal visage parle pour vous ! Hé-
las ! J'ai pourtant payé si cher une heure de
confiance !. »
Elle pleurait, attendrie, la voix tremblan-
te, jouant en comédienne consommée ce rôle
'le mère, et Scipion Guiraud, se sentait en
vérité les larmes aux yeux.
Il saisit cordialement les mains fines de
Marthe, y posa les lèvres et, souriant de son
bon et franc sourire, il s'écria :
— Ne pleurez pas !. Je vous en supplie.
Je ne puis voir pleurer une femme, moi !
Cela me bouleverse !. Donnez-moi votre fille,
je vous jure que je la rendrai heureuse ! Je
vous jure qu'elle n'aura pas à se repentir.
« N'est-ce pas ?. Je vous laisse réfléchir.
Quand me ferez-vous l'honneur de me rece-
voir pour que nous causions avec un peu
moins d'émotion qu'aujourd'hui? »
Marthe essuya ses larmes.
- Oui, dit-elle, je sens que vous êtes sin-
cère et mon cœur est soulagé. Vous avez
raison, j'ai besoin de me reprendre, cette
émotion m'a brisée !
Venez demain. Etes-vous libre de votre
temps ?
- Certainement.
- Voulez-vous accepter de déjeuner avec
moi, demain matin, oh! sans cérémonie, je
n'ai pas l'habitude de recevoir à Paris.
-:. Je suis à vos ordres.
— Alors, à demain, monsieur ~Guiraud,
car vous ne m'avez pas même dit votre nom
et, sans la lettre de Renée, je ne le saurais
pas.
- Elle le reconduisit gracieusement, elle-
même, en bonne femme, sans prétention et
avec de bonnes paroles, si rondes, si sim-
ples, qu'il se retrouva "dans l'escalier, tout
saisi de plaisir et pensant à part lui, uiie
vraiment cette femme était charmante et
qu'il n'en avait jamais rencontré de pa-
reille.
Une semblable belle-mère, c'était une
bénédiction. Plein de ce sujet, il envoya,
rue de Lille, avec sa carte, une jolie caisse
de bruyère rose.
V
Folie contagieuse
Comme l'avait pensé Renée, Scipion Guh
raud s'était occupé, dès en arrivant à Pa-
ris, de ce qui lui tenait le plus au cœur et,
d'abord, il s'était dit qu'une fois cette de-
mande faite, il aurait l'esprit libre. Sa peur
s'était dissipée en face, de Marthe Eschan-
ne, si grave, si digne, vêtue sévèrement et
si bien dans son rôle. Il s'imaginait, en vé-
rité, être renseigné sur son compte.
Ce fut donc le cœur léger qu'il se rendit
au boulevard de Sébastopol, où il tomba
sans crier gare, sans avoir averti qui que
ce fût de son arrivée.
C'était d'ailleurs sa coutume de procéder
ainsi.
Il arriva tranquillement, sans le moindre
bagage.
Jeanne Guiraud avait simplifié à l'ex-
trême le service de la maison ; avec la cou-
sine Denise, elle n'occupait plus que le pre-
mier étage ; une cuisinière et une femme
de chambre suffisaient largement à la beso-
gne.
(A suivrc.)-
LA LANTERNE
MERCREDI 23 NOVEMBRE 1921.
dues, et perdues à jamais. En effet, il est de
toute probabilité que la Conférence de Was-
hington va arrêtes le « statut » économique
de la Chine ; ce sera le régime de l'interna-
tionalisation qui va être adopté pour la mise
en valeujr des richesses chinoises. Plus d'oc-
trois de concessions à des groupements par-
ciculiers, plus d'avantages spéciaux attribués
,-k telle puissance ou à telle société de crédit.
Voulons-nous, dans ces conditions, perdre dix
ans d'efforts remarquables ? Voulons-nous
compromettre irrémédiablement notre situa-
tion en Chine et, par contre-coup, en Extrême-
-Orient ? C'est simple : ne sauvons pas la
Banque Industrielle de Chine ! Voulons-nous
nous assurer, au contraire, une source de dé-
bouchés incomparables, pour des années ?
Voulons-nous activer notre vie économique,
si anémiée, hélas ! par la crise présente ?
Voulons-nous faire face au bon renom fran-
çais en Chine ? Voulons-nous sauvegarder les
intérêts légitimes de mos populations indo-
chinoises ? Cherchons alors la formule sal-
vatrice. Celle qui a été câblée ces joure-ci à
(Washington au président du Conseil et dont
SI a dû saisir le gouvernement de Pékin est
Busceptible de sauver les intérêts et le pres-
tige de la France en Extrême-Orient tout en
sauvegardant les intérêts innombrables enga-
gée dans la Banque Industrielle de Chine.
Quel est donc le Français eoucieux du bon re-
nom de son pays qui pourrait, dans ces condi-
tions, reprocher au gouvernement de sauver
une Banque française que nos consuls d'Ex-
rême-Orient n'ont cessé de représenter corn-
me cautionnée par la France ! a
.*.
D'autre part, nous trouvons dans l'Infor-
mation un télégramme des créanciers fran-
tais de la B. J. C. dont voici le texte :
Shanghaï, ITïnovembre. — L'Union des créant
tiers français de la Banque Industrielle do
Chine contsidèm l'Etat comme responsable do
la situation actuelle. parce qu'une aide officielle
et été donné à ila Banque Industrielle par le
gouvernement dans les affaires des coolies, des
douanes chinoises, des concessions de chemins
de fer et dans plusieurs autres. L'introduction
de trois hauts fonctionnaires dans le conseil
q'administration, l'intervention de la Banque de
France, ont affirmé auprès des Chinois et des
étrangers la solid&é do la Banque. On rappelle
que le gouvernement intervint officiellement en
janvier par l'intermédiaire do ses consuls en
Chine pour rassurer les créanciers en démen-
tant les ibruits factieux qui avaient 6té trans-
mis sur la situation do la Banque, notamment
à Hong-Kong, où le consul envoya au princi-
pal journal anglais une lettre, déjà publiée en
France, après avoir* réuni spécialement la
Chambre de commcarco pour en rassurer les
membres, D'autre 'part, le consul de Hankow
publia le 17 janvier, dans le principal journal
anglais, qu'il était autorisé par le gouvernement
français à déclarer que rien dans la situation
de la Banque Industrielle de Chine ne pouvait
donner naissance à la moindre anxiété, que la
nervosité générale des marchés du monde en-
tier était la seule raison susceptible d'expliquer
Ses rumeurs sans aucun fondement câblées par
Reuter. Enfin, le consul de .Shanghaï, outre les
conversations privées avec des Français, des
étrangers et des Chinois, communiqua un télé-
gramme spécial des affaires étrangères au pro-
cureur des missions étrangères, l'invitant à. ras-
surer les déposants chinois. L'Union des créan-
ciers français de la Banque Industrielle rap-
pelle qne, partout en Chine, les Français eurent
confiance dans ces déclarations officielle3, que
confirmèrent les débats de la Chambre du S
juillet, oubliés presqua intégralement dans -a.
presse vocale. Les déposants se reposèrent avec
une confiance absolue dans la solidarité do
l'Etat pour sauver l'-honneur de la France, qui
avait engagé sa parole. Ils insistent actuelle-
ment pour que soit évité un coup terrible pour
le commerce français, qui provoquerait des
scandales et de nombreuses faillites.
Ce m'est pas la première fois dans l'histoire
de la Banque française que nous déplorons
une pareille catastrophe ; des établissements
comme le Comptoir d'Escompte et d'autres n'y
ont point échappé ; ne saura-t-on appliquer
aux mêmes maux les mêmes remèdes salutai-
res ?
"I" .II ; I II II
Le prochain voyage de M. Millerand
en Afrique du Nord
Dès qu'il a appris la décision prise par le
président de la République de se rendre au
printemps prochain au Maroc: le maréchal
Lyautey lui a. adressé le télégramme suivant :
Rabat, 20 novembre.
Je me permets do vous exprimer la profonde
gratitude de la population française et indi-
gène et des., troupes d'occupation, en appre-
nant ce haut et précieux témoignage de l'in-
térêt du chef de l'Etat et du gouvernement de
la République. Elles y trouveront le nouvel en-
couragement dans l'effort que tous donnent
sans relâche pour l'honneur et le profit de la
France.
Sa Majesté le Sultan se montre particulière-
ment satisfaite de recevoir et de saluer le plus
haut représentant de la nation protectrice. Je
n'ai pas besoin de dire avec quels sentiments
de respectueux attachement j'ai reçu person-
nellement cette nouvelle.
Signé : LYAUTEY.
————————-—— > - ( ■ -
La question du Ruanda
Huy, 22 novembre. - On sait que c'est le
31 "décembre prochain que les territoires de
l'Est-Africain allemand, cédés par la Belgi-
que à l'Angleterre, en vertu de la çonventiôn
du 16 mars 1931, doivent être remis aux auto-
rités britanniques. Le sultan Musinga, sou-
verain du Ruanda, a protesté contre le mor-
cellement de son Etat.
Le correspondant bruxellois de la « Gazet.
te de Huy » dit, à ce propos, que, dans les mi-
lieux colonianx, on se demande s'il n'y au-
rait pas moyen d'ajourner l'application de la
convention pour en modifier certaines clauses
afin d'obtenir que tout le Ruanda reste à la
Belgique, en garantissant à l'Angleterre la
possession du chemin de fer qui traversera
un jour cette région. On suggère un appel à
la Société des Nations et à la Commission des
Mandats, pour qu'elles règlent la question
conformément à l'esprit qui a présidé à l'éla-
boration du pacte de Versailles.
Carnet
dÛ
-TOCM
LE DON FATAL
'»
Les nègres affirment que si les sihgcs ne
parlent pas, c'est pour ne pas travailler.
L'homme atteint le môme résultat par le pro-
cédé contraire. Il parle, non pas pour expri-
mer sa pensée, mais pour le plaisir de parler
et se bercer des ronrons de sa voix. Il parle
pour ne rien faire ; il parle toujours il
parle partout.
S'agit-il pour les citoyens de choisir ceux
d'entre eux qui exerceront la souveraineté
nationale ? On ne s'inquiète ni du passé, ni
de la valeur intellectuelle ou morale des can-
didats ; on les écoute parler. Une élection est
un concours de langues bien pendues, et le
corps électoral décernt des prix de rhétori-
que.
Dans nos assemblées législatives, les inter-
pellations succèdent aux interpellations et l'on
bavarde, tandis que les lois urgentes et le
budget attendent en sommeillant sous l'orme
parlementaire. Si, par cas, il y a quelque me-
sure qu'il faille 6 tout prix voter, on cache
le débat dans la solitude discrète d'une séance
du matin comme s'il s'agissait d'une opéra-
tion vile.
A l'Hôtel de Ville, au lieu de chercher à in-
troduire de l'ordre dans les affaires munici-
pales, qui en ont bien besoin, on refait lon-
guement et tumultueusement le procès de
Marty et de Badina.
A la tour de Babel de Washington, magni-
fiquement et internationalement on pérore
dans toues les langues et la Conférence va se
séparer après n'avoir, sur les points qui nous
intéressent, abouti qu'à de vaincs paroles.
L'univers entier retentit du bruit harmonieux,
sonore et creux des discours.
Or, le fléau oratoire fait d'année en année
de terrifiants progrès. Les politiciens ont con-
taminé les hommes de labeur: industriels,
commerçants, ouvriers ou paysans. Dans tous
les domaines, quand, un orateur a, pendant
deux heures, enfilé des mots et déroulé des
guirlandes, chacun dit :' « Voilà un homme
énergique », et lui-même, dans la sincérité de
sa conscience, pense fièrement qu'il a bien tra-
vaillé:
On peut se demander si, le verbe rempla-
çant définitivement l'idée, et la parole se
substituant à l'action, l'humanité, endormie
par le murmure berceur des harangues, ne
disparaîtra pas, un jour prochain, sous le flot
montant d'un nouveau déluge, celui de l'élo-
quence.
La Fontaine affirme qu'autrefois les bêtes
parlaient, et sans doute n'ont-elles cessé de le
faire que pour éviter une telle disparition. Il
y a, toutefois encore, quelques bêtes qui par-
lent ; ce sont les bimanes à pouce opposa-
ble ; elles sont fichues, si elles n'ont pas la
sagesse de renoncer au don fatal de la parole.
Petit Jean.
~'t~
LE DESORDRE AV CAMP CLEMENCISTE
Une polémique violente se poursuit depuis
quelque temps entre deux anciens ministres
de M. Clemenceau, quî, après avoir été long-
temps très lias d'amitié, sont aujourd'hui
brouillés à mort. Il s'agit de MM. Brousse et
Jules Pams.
M. Pams attaque ou fait attaquer sans mé-
nagement M. Brousse et son fils M. Charles
Brousse, et accuse leur gestion lors de leur
passage à la* Liquidation des stocks.
Les deux Brousse ripostent non moins du-
rement en reprochant à M. Pams d'avoir trahi
l'amitié et vont jusqu'à lui jeter à la tête les
services qu'ils ont pu lui rendre.
Cette querelle, plutôt inattendue et qui
prend la tournure d'un véritable déballage,
se poursuit dans la Dépêche de Toulouse et le
Cri Catalan, qui tiennent pour M, Pams, et
dans l'Indépendant des Pyrénées-Orientales,
qui est l'organe des Brousse, père et fils.
Quant à ceux qui peuvent la suivre, ils se
contentent de marquer les coups.
LES BENEFICES DU CONSORTIUM
- --
DES COTONS
Suivant une réponse faite par M. Dior à
une question P0500 par M. Bouilloux-Lafont,
député, les bénéfices du consortium des co-
tons se sont élevés pendant la guerre à 24
millions. Sur cette somme, un million et demi
a été attribué à l'Office national du commerce
extérieur et 1,600,006 fr à la Compagnie co-
tonnière du Niger.
Et les 20,900,000 fr. qui Testent, que sont-
.ils devenus ? « D'autres demandes de subven-
tions, dit le ministre du commerce, sont. à
l'étude. »
Il y a trois ans que la guerre est finis Mais
« l'étude » continue.
Le Lanternier.
————— * > 'l
On réclame.
Il y a en ce moment devant la CTunn-Õre
une proposition de loi qui tend à obliger les
réseaux de chemins de fer à relier les gares
aux postes téléphoniques dans toutes les lo-
calités qui en possèdent. C'est là une idée ex-
cellente, dont les multiples avantages n'ont
pas besoin d'être démontrés. Déjà, cette liai-
son existe dans les centres importants. Il est
à souhaiter qu'elle soit établie partout où la
chose est possible et que la proposition dont
tous parlons soit rapidement adoptée par le
Parlement. Elle est d'intérêt public. Après
quoi, bien entendu, il faudrait aussi — c'est
une condition qui n'est pas à négliger — que
le téléphone ainsi installé fonctionnât. régu-
lièrement, à la satisfaction des « usagers ».
Mais c'est peut-être beaucoup demander.
Ma (content.
GRANDE JOURNÉE HIER A VERSAILLES
cc —
Deux attractions sensationnelles:
la Cuisinière et la Rescapée
■ 0iii "■ ■» » '• '■ ».
L'une et l'autre obtiennent un légitime succès
Ce n'est plus de la curiosité, c'est une vé-
ritable frénésie. La saolle serait dix fois plus
grande qu'elle serait encore insuffisante pour
recevoir la foule fiévreuse qui assiège ses
portes. ,.'
C'est que deux attractions supplémentaires
étaient réservées, hier, aux privilégiés qui
purent franchir l'impitoyable cordon de gen-
darmes qui barrait les portes.
Ce fut d'abord la confrontation que l'on es-
pérait convaincante entre Landru et Mlle
Segret, la rescapée.
Pour la première fois, on pouvait voir aus-
si installée dans le prétoire la cuisinière de-
Gambais !
En dépit de son honnête apparence — c'est
le type banal que l'on retrouve dans les lo-
gements modestes -, elle excite des curiosi-
tés sans sympathie. L'imagination aidant, on
la trouve formidable, énigmatique. Ne porte-
t-elle pas dans ses flancs un formidable se-
cret ?
Landru avait pour ce meuble si utile des at-
tentions do'père. Quand Mme Falque, un té-
moin défaillant, dont la déposition a été lue
ù, l'audience, vint le voir à Gambais, ce fut
la cuisinière qu'il lui présenta tout d'abord.
et Elle n'a pas beaucoup d'aspect, dit-il, mais
elle marche très bien. On. y brûle tout ce
qu'on veut. »
Cette Mme Falque aurait pu faire avec la
cuisinière plus ample connaissance puisque
elle aussi était appelée à devenir une fiancée
de Landru. Mais son patron lui ayant em-
prunté de l'argent, elle se méfia, se renseigna
et rompit.
Mlle FERNANDE SEGRET
Landru aima d'amour. tendre Mlle Fernan-
de Segret, du moins le dit-on. Une chose est
certaine : cette fiancée est l'a seule qui, lcin
d'avoir laissé dans l'aventure le moindre
meuble, recueillit, au contraire, une cham-
bre à coucher, voire quelques bijoux et du
linge. C'était naturellement les dépouilles des
disparues. Cette générosité inaccoutuméo
fut-elle le témoignage d'une passion ? Il y en
a de solides apparences, — encore qu'on
s'imagine difficilement ce Landru froid et
sec, d'une impitoyable âpreté, devenu subi-
tement amoureux, et jusqu'à la générosité.
Hésitante et timide, la dernière fiancée de
Landru s'avance à la barre. Elle porte un
superbe manteau de loutre. Mince et fluette,
elle est très élégamment chapeautée.
A peine si la figure de Landru tressaille.
C'est un jour de mai 1917 qu'elle fit la
connaissance de Landru, dans un autobus. Il
lui céda sa place, car elle était debout. Il la
regarda avec insistance et parvint à lui ar-
racher un rendez-vous pour le lendemain, pla-
ce de l'Etoile. A ce rendez-vous, il fut très
convenable, conduisit Mlle Segret au bois de
Boulogne, où il lui fit faire une partie de ca-
not.
Landru s'était donné comme uu industriel
de Rccroy et avajt pris le nom de Lucien
Guillet.
Les rendez-vous se multiplièrent. On se vit
tous les jours et on se fiança le lor janvier
lt)lS. Guillet fut présenté à Mme Segret mè-
re et on parla sérieusement mariage.
Mais la date était toujours reculée. Rocroy
n'étant pas dégagée, le fiancé n'avait pas ses
papiers. Cependant, le repas de fiançailles
est fixé à Pâques 1918. Landru n'y vient pas,
retenu par ses travaux. Navrée, Mlle Segret,
sur les instances de sa mère, se rendit auprès
du maire de Rocroy. Guillet était absolument
inconnu dans cette ville. Tout faillit se rom-
pre, mais Landru put renouer et un repas
plus intime fut fixé en mai 1918, chez Guillet,
rue Rochechouart.
Les choses furent faites avec apparat.
Fleurs, vaisselle, cristaux, Landru voulait
éblouir, et lorsqu'il offrit la bague indispen-
sable, la cor quête était définitive. La eoirée
se termina à l'Opéra-Comique.
INCIDENT EMOUVANT
POUR TOUT LE MONDE,
SAUF POUR LANDRU
Ici, Mlle Segret défaille. Elle éclate en san-
glots. La figure de Landru ne trahit aucune
émotion ; son masque est aussi impassible ;
Il demeure aussi distant et indifférent que
s'il écoutait la déposition d'un inspecteur de
police ! Simple attitude ? A peine, peut-on
noter une coloration du visage qui ne lui est
pas habituelle.
Les pleurs de Mlle Segret redoublent. Té-
moin pitoyable. On voit son buste étroit sou-
levé par des sanglots. On suspend l'audience.
Sans un regard vers elle, sans une parole,
Landru, raide et digne, se retire entre les
deux gendarmes.
Après une d&mi-heure de suspension, Mlle
Segret peut reprendre sa déposition. Son ma-
riage avec Landru fut fixé pour la fin de l'an-
née 1918. Mais il fut encore retardé, au mo-
ment de l'armistice. Mlle Segret nous apprend
qu'elle avait été fiancée jadis à un poilu fait
prisonnier et nous dit devant quel dilemme
elle se trouva à son retour de captivité. Re-
nouer avec lui ou garder Landru ?
- Ce dernier, dit-elle, s'était toujours mon-
tré gentil, avec moi. J'ai été très, très. très
(elle répète trois fois) heureuse avec lui, et
ce fut lui qui l'emporta.
Mlle Segret a fait trois voyages à Gambais.
Interrogée par le président, elle déclare n'y
avoir rien remarqué de suspecL Sa déposition
est terminée.
M0 de Moro-Giafferi a une question à poser
au témoin.
— Vous avez déclaré, dit-il, qu'au cours de
vos voyages à Gambais, et notamment le 4
avril, vous avez été amenée à vous servir de
la cuisinière. Y avez-vous trouvé un frag-
ment de crâne humain ? Et en remuant les
cendres, avez-vous trouvé des ossements ?
— Certainement non, répond le témoin.
LANDRU EST RESPONSABLE 4.
ET C'EN FELICITE
'On entend ensuite les médecins aliénistes..
Le docteur Vallon a examiné Landru en
1904, à la prison de la Santé, où il était déte-
nu pour escroqueries.
« L'accusé, dit l'éminent aliéniste, était
alors sur les frontières de la folie, mais il ne
les a jamais franchies. »
Le docteur Vallon conclut alors à une res-
ponsabilité simplement atténuée.
Depuis cette époque sans doute, Landru
s'est plaint d'avoir perdu la mémoire — mais
il résulte de toute son attitude, de son habile-
té à expliquel en sa faveur les moindres faits
et aussi de la facilité de ses réparties, que
l'accusé est -en pleine possession de ses
moyens intellectuels et qu'il est entièrement
responsable.
Voici maintenant les docteurs Roquès de
Fursac et Roubinovitch qui concluent égale-
ment à la pleine responsabilité de l'accusé.
« Au cours de nos examens, nous l'avons
toujours trouvé calme et jamais confus.
« Les conclusions du docteur Vallon étaient
justifiées en 1904, Lardru ayant subi dans sa
prison une longue dépression. Mais l'accusé
ne présente pas la moindre trace de maladies
mentales. »
Landru s'incline vers M. Roubinovitch :
« Je tiens à remercier MM. les experts de
leurs conclusions, dit-il. Les crimes qui me
sont reprochés sont tels qu'ils ne paraissent
s'expliquer que chez un aliéné. Je suis heu-
reux, à ce point de vue particulier, que MM.
les experts m'aient déclaré parfaitement sain
d'esprit. Cela rendra mon innocence plus évi-
dente. >
L'INTERROGATOIRE RECOMMENCE
Là-dessus, avec le souci évidemment fort
louable d'éclairer do son mieux certains
points encore bien obscurs, le président pro-
cède à un nouvel interrogatoire de Landru.
Il s'agit d'établir que l'accusé n'avait plus
le sou au moment où commence la série des
crimes qu'on lui reproche et de montrer ce
que chacune de ses fiancées lui a rapporté.
Tâche difficile.
Landru prétend qu'il avait dans sa poche,
quand il rencontra Mme Cuchet, la première
des disparues, 1.000 francs provenant de l'hé-
ritage paternel, plus 20.000 francs qu'il avait
gagnés dans son garage de Malakoff.
Quant aux pièces de comptabilité qui pour-
raient établir la réalité de ses opérations
commerciales, il déclare qu'il réserve les plus
importantes pour son défenseur.
LES MOYENS D'EXISTENCE DE LANDRU
On entend ensuite M. Riboulet. Ses re-
cherches, autant que l'examen minutieux
du carnet et des pièces saisies, lui permet-
tent d'établir que Landru, depuis sa sortie
de la prison de Locs, en 1914, n'eut aucu-
ne occupation régulière.
M° de Moro-Giafieri. — Cependant, dans
un rapport de police qui est au dossier, il
résulte que Landru serait parti de Mala-
koff avec une vingtaine de mille francs. Je
sais que eette constatation est consignée
dans un rapport.
S'il est exact que Landru ait hérité de
10.000 francs de son père, simple hypothè-
se, c'est donc 30.000 francs qu'il aurait eus
dans sa poche.
L'audience est levée et renvoyée à au-
jourd'hui, 12 h. 30.
mmm» ■————»■■ m n ■■■m ———————————————-
Comment on s'improvise avocat
Nous avons annoncé que Georges Hirle-
man, âgé de vingt-deux ans, avait été inculpé
d'escroquerie -pour avoir pris la robe et la
qualité d'avocat, auxquelles il n'avait aucun
droit, et aussi pour avoir indûment accepté
une remise d'honoraires. Interrogé hier à ce
sujet par M. Warrain, juge d'instruction, le
prévenu a déclaré que mobilisé à dix-sept
ans et réformé avec une pension insuffisante,
il avait cru pouvoir occuper une situation de
secrétaire chez un avocat, sans trangresser
les lois. Il a reconnu qu'il avait reçu 150 fr.
d'une femme pour plaider en sa faveur devant
le tribunal de Versailles, où elle fut condam-
née à 25 francs d'amende.
.——————————————————————— >■ < £ ?•■—< ——————————————————..—————
LA CATASTROPHE DES BATIGNOLLES
Chargés de déterminer les causes de la ca-
tastrophe de chemin de fer qui se produisit
sous le tunnel des Batignolles, les experts dé-
signés à cet effet, MM. Dumont, Lecornu et
Rosenstock, ont remis leur rapport hier à
M. Pamart, juge d'instruction.
Leurs conclusions dégagent nettement M.
Lohazic, l'aiguilleur du poste 6, qui avait été
arrêté au début de l'enquête. Car les experts
sont d'avis que la responsabilité de la colli-
sion incombe totalement à l'aiguilleur Maie-
dent du poste 4, placé à la sortie du tunnel.
Ils ont reconnu que cet aiguilleur avait négli-
gé de couvrir réglementairement le train 353
et qu'il avait usé en conséquence d'un artifice
pour débloquer la voie, fermée seulement par
le jeu de la pédale Aubine..
D'autre part, il avait absolument négligé
d'avertir le poste G.
Dépêches
de
L'étranger -
Mort du socialiste anglais H. M. Hyndman
Londres, 22 novembre. — Le socialiste
anglais, H. M. Hyndman, vient de mourir.
L'entente anglo-américaine
Londres, 22 novembre. — Le correspon-
dant du « Daily Express » à Washington
dit qu'on discute beaucoup on ce moment
un projet d'entente anglo-américaine des-
tiné à assurer la protection de l'Australie,
Ta Nouvelle-Zélande et le Canada en échan-
ge de la renonciation par l'Angleterre à
son alliance avec le Japon.
Le général Bérenguer à Madrid
Madrid, 22 novembre. — Le général Bé-
renguer est arrivé à Madrid ce matin à
9 heures. Salué à la gare par les membres
du gouvernement, les autorités civiles et
les officiers de service, le haut commissaire
au Maroc espagnol a immédiatement pris
place dans l'automobile du roi pour se ren-
dre au palais royal. Le général Bérenguer
fut reçu par le roi et s'entretint longue-
ment avec lui.
La conférence de Porto-Rose
Porto-Rose, 22 novembre. — La confé-
rence, réunie en séance plénière, a définiti-
vement adopté les propositions élaborées
par la commission économique concernant
l'abolition des défenses d'importation, la
conclusion d'accords pour l'abolition avant
le 1er juillet 1922, des défenses d'exporta-
tion entre les divers Etats et l'ouverture
de pourparlers entre les différents Etats
pour la conclusion de traités basés sur le
principe de la liberté du commerce.
Enfants des régions dévastées
envoyés en Suisse
Bâle, 22 novembre. — 120 garçons et fil-
lettes, venant des régions dévastées du Nord
de la France, sont arrivés hier à Bâle. Ils
vont être répartis parmi des familles de
toute la Suisse.
Les élections belges
Bruxelles, 22 novembre. — La loi d'ap-
parentement qui sera appliquée, changera
vraisemblablement les résultats des élec-
tions. La Chambre comprendra alors 80 ca-
tholiques, 34 libéraux, GG socialistes, 4 re-
présentants du f^ont parti, 1 combattant et
1 démocrate chrétien.
----
Le port de Rotterdam
Rotterdam, 22, novembre. — Pendant la
semaine écoulée, sur 145 steamers entrés
au port de Rotterdam, il y en avait 14 fran-
çais et 20 allemands. Pas un bâtiment bat-
tant «pavillon belge. Par contre, à la sortie,
sur 137 bateaux à vapeur, on a compté
1 belge, 11 français et 23 allemands.
L'Allemagne et les réparations
Berlin, 22 novembre. — On annonce offi-
ciellement que le chancelier va faire, de-
vant la commission des impôts du Reich, les
.déclarations qui avaient été différées sur
l'état de la question des réparations pen-
dant les pourparlers entre le gouvernement
et la commission des réparations.
La rédaction 4e ces déclarations a été ar-
rêtée dans une séance de cabinet tenue hier
soir.
Les résultats de la vie chèTe à Berlin
Berlin, 22 novembre. — En raison du pil-
lage des magasins de Berlin et des excita-
tions de [a. presse communiste, le préfet de
police de Berlin vient d'interdire les dé-
monstrations dans les rues.
Les pillages continuent, néanmoins, à
Berlin ; ils se sont étendus au centre mê-
me de la ville. Des centaines de jeunes gens
ont parcouru les artères principales et se
sont rués sur les magasins, brisant systé-
matiquement les vitres et s'emparant de
tout ce qui se trouvait aux étalages. La
police est accourue et a opéré une centaine
d'arrestations.
Une panique s'est emparée des marchands
aux Halles centrales à l'approche des pil-
lards ; mais la police, qui se trouvait sur
les lieux, a empêché les stands d'être mis
à sac.
Le plébiscite d'Oedenbourg
Vienne, 22 novembre. — Les trois géné-
raux représentant l'Entente : Ferrario,
Gorton, Hame'lin, discuteront aujourd'hui
avec le gouvernement de Budapest les mo-
dalités du plébiscite qui doit avoir lieu dans
le secteur d'Oedenbourg, conformément au
pacte de Venise.
Arrivée à Budapest des membres
de la commission de Sopron
Budapest, 22 novembre. — Les généraux
Ferrari, Gorton et Hamelin, membres de la
commission des généraux à Sopron, sont ar-
rivés ce matin à Budapest. Ils ont eu une
entrevue avec le ministre des affaires étran-
gères, comte Banffy, sur le plébiscite de
Sopron qui, selon l'opinion de ces généraux,
devrait avoir lieu le plus tôt possible.
La protection des minorités en Turquie
Constantinople, 22 novembre. — La
presse turque consacre ses articles de fond
à la protection des minorités.
Le « Vakit » écrit : c Le plus grand
bienfait à rendre aux chrétiens consiste à
les affranchir non pas des Turcs, mais du
jcug de la propagande dans les Balkans. »
Le « Djagadamart », organe arménien,
constate que le gouvernement français en-
voie en Cilicie trois délégués expérimentés
qui doivent résider dans des villes impor-
tantes. « Cela réconforte et Jonne de l'es,
pérance aux Arméniens qui réclament des
garanties concrètes, positives et non plus
des promesses. »
Enver pacha crée de l'agitation en Anatolie
Angora, 22 novembre. — L'activité des
agents d'Enver rpacha, prefiant une exten-
sion constante en Anatolie et au Caucase,
le gouvernement a ordonné au général Kia-
zim Krabekir paiha de rester à Kars où il
prendra des dispositions énergiques pour
réagir contre les agissements de certains
ageents.
Lo gouvernement d'Angora a procédé sur
divers pointe, en Anatolie, à de nombreuses
arrestations d'agents d'Enver pacha.
Soulèvement contre les Soviets
Helsingfors, 22 novembre. — La Carélie,
de Newladoja à Mourmansk, entre le lac et
la frontière, s'est soulevée contre le gou-
vernement des Soviets. Les troupes rouges
ont été désarmées, les communications sont
coupées
——.——————————— > --0~
Le discours de M. Briand
et la presse américaine
New-York, 22 novembre. — Tous les jour-
baux consacrent leurs premières pages à des
éditoriaux relatifs au discours de M. Briand.
Ils constatent que les relations franco-britan-
niques se sont beaucoup améliorées par le dis-
cours de M. Briand et la réponse de M. Bal-
four, ainsi que l'impression très favorable
créée dans les milieux français, par la réponse
de M. Hughes.
Le World, relevant la partie du dIscours,
dans laquelle M. Briand a déclaré que ce qui
manquait au monde était une atmosphère de
paix, dit que la Conférence de Washington est
un exemple de ce qui peut être fait pour ai<
der à créer cette atmosphère.
Le Herald, faisant l'éloge du discours de
M. Briand, qualilie les réponses de MM. Hu-
ghes et Balfour, d'incidents, sans aucun doute,
les plus significatifs de la journée.
La Tribune dit que M. Briand a causé une
agréable surprise au monde et ajoute que la
limitation des constructions navales et les ac-
cords du Pacifique sont dos résultats impor-
tants, mais quo le problème, de la paix restera
saus solution tant que la frontière de la ci-
vilisation restera exposée et tant que ses dé-
fenseurs logiques n'en garantiront pas la dé-
fense.
Le New-York Times remarque Que les Amé-
ricains ne peuvent pas manquer de reconnaî-
tre la justesse de la thèse française. Ils ng
peuvent pas nier que les Etats-Unis à la pla-
ce de la France feraient exactement ce que
la" France fait notamment pour sauvegarder ea
propre sécurité. -
L'intervention dè MM. Hughes et Balfour
Washington, 22 novembre. — L'impression
produite par les déclarations de M. Hughes et
de M. Balfour a été excellente. Sans aucun,
retard, les hommes d'Etat, d'Amérique et
d'Angleterre ont donné leur adhésion à la
thèse si éloquemmcnt présentée par M. Aris-
tide Briand. Ce geste amical à l'égard de la
France a été d'une cordialité très appréciée
par la délégation française. Il ne Va d'ailleurs
nullement surprise, MM. Hughes et Balfour
ayant déjà donné de nombreuses preuves de
leur esprit d'équité et de justice.
— "■ 11 Ji ■ n ■
LA RUSSIE
I
et la Conférence de Washington
Riga, 22 novembre. — La Pravda, de Mos-
cou, du 17 novembre, publie un article de Ra-
dek, où on lit notamment :
« Il est certain que la Conférence de Was-
hington s'occupera de la question ruese. Mais
la déclaration du gouvernement soviétique lui
ôte les moyens de nous mettre en présence
d'un fait accompli.
« Dans le cas où la Conférence ne parviens
drait pas à apaiser les conflits, la position
qu'adopterait la Russie soviétique aurait une
importance énorme. Nous sommes les voisins
du Japon en Extrême-Orient, et de l'Angleterre
en Asie-Centrale. Nous sommes séparés dé
l'Angleterre par des peuples qui comprennent
que nous ne leur sommes pas hostiles. C'est
très important pour l'Anglterre et ses adver-
saires probables.
« Les protestations de l'Angleterre au sujet
de notre politique orientale resteront vaines
tant que l'Angleterre ne s'entendra pas aveQ
nous au sujet des sphères d'influence.
« Dans les conflits internationaux qui se pré-
parent, la Russie défendra ses propres intérêts
qui sont, en définitive, les intérêts de toute
l'humanité. Il se peut, toutefois, que, par ha-
sard, ces intérêts concordent avec ceux d'une
puissance quelconque ou d'un groupe de puis-
sances. Washington ne doit pas oublier cela.
La Conférence devra répondre nettement à nos
questions : la Russie soviétique existe-t-elle ?
Qui veut se réconcilier avec elle ? Qui veut
marcher contre elle ? Dans tous les cas, la
Russie, qui accepte de reconnaître ses anciens
engagements, ne manquera pas de rappeler,
aux autres puissances leurs engagements en-
vers elle. »
—————————— ) ~
Le chien aime l' homme
Marseille, 22 novembre. — M Béraud,
Hippolyte, 60 ans, habitant Patroly, commune
de Talencieux (Ardèche), a été trouvé mort
par ses voisins. Il avait succombé à une con-
gestion occasionnée par le froid. Son chien,
enfermé avec lui, lui avait dévoré le visage.
FEUILLETON DE LA « LANTERNE 2>
— 19 —
Secret mortel
ROMAN CONTEMPORAIN
par
Pa u.1 FÉVAL fils
PREMIERE PARTIE
LES DEUX AVENTURIERES *
IV
COMÉDIENNE
(Suite)
Hien de criard ï Un meuble de satin gre-
nat. des tapis frais, des rideaux et des por-
tières savamment drapés. Sur la cheminée
une garniture Louis XVI et deux cornets de
cristal emplis de roses.
Point de bibelots.
On le fit entrer dans la pièce où l'attendait
la baronne Eschanne. Ici un peu plus de luxe
discret ! Quelques tableaux bien choisis, des
statuettes élégantes, des fleurs surtout.
Marthe s'était levée, elle avait le port gra-
cieux et les façons avenantes. Ayant renoncé
à teindre ses cheveux, elle les couvrait d'un
nuage de poudre laissant tomber parmi les
dentelles noires mêlées de jais qui formaient
Reproduction, traduction et adaptation *
servées. — Copyright by Paul Féval fils 19.21,
.sa coiffure des boucles légères d'un gris très
doux. Point de maquillage, la couperose ayant
disparu définitivement. Point de bleu sous les
yeux dont l'orbite s'estompait maintenant au
naturel. Lés yeux grands et noirs -étaient dans
le vidage pâle d'un nffet remarquable.
Elle portait une robe de crépon noir, bor-
dée de jais. qui lui seyait à ravir.
Elle salua poliment le visiteur, l'invitant
à s'asseoir, et, prenant place assez près de
lui, le coude appuyé sur une table d'ébène,
les mains négligemment nouées, elle répondit
à Scipion qui se présentait avec un certain
embarras :
— Ma fille m'a prévenue de votre visite,
monsieur ; elle me dit, dans sa dernière
lettre, qu'un ami très dévoué s'est chargé de
divers messages de sa part. Mon Dieu, je
dois vous avertir que j'avais prié Renée de
demeurer chez elle à Marseille, et de n'y point
former de relations. Elle a voulu venir me
rejoindre en. Europe, la patience lui a man-
qué pour m'attendre, mais en la laissant à
Marseille, je lui épargne les ennuis, les cour-
ses et les visites, toutes les démarches enfin
qu'entraîno un procès.
« Au reste, fai élevé ma fille à l'anglaise ;
elle a "i\ngt.irlQ ans, elle sait se conduire et
je suis sûre de son caractère.
c Je vous dis cela, monsieur, parce que son
genre de, vie peut vous surprendre.
— Madame, dit simplement Scipion, en
vous écrivant, mademoiselle votre fille vous
a-t-elle parlé du sujet principal de ma dé-
marche auprès de vous ?
— Mais non. non, monsieur, fit Marthe, en
apparence fort étonnée.
— Vraiment ? je le regrette. Je vais être
obligé de m'expliquer moi-même, et j'avoue
que j'éprouve un certain embarras.
-r- Oh ! qu'est-ce donc ?. Veuillez parler,
monsieur, serait-ce: que vous attendez -de.,
moi un service quelconque ?. Je suis une
pauvre femme bien isolée ! Mais j'ai pour-
tant des amis haut placés, près desquels mon
nom a quelque crédit.
— Non, non. fit Guiraud en souriant, je n'ai
besoin de rien ni de personne. Je venais
vous demander la main de Mlle Renée.
Marthe joignit les mains avec stupeur.
- Ah ! monsieur ! s'écria-t-elle, la folle en-
fant vous a-t-elle autorisé à me faire une pa-
reille demande ?
— Mais, permettes-moi, madame, de pro-
tester respectueusement. Il n'y a là de folie
que de mon côté, car je ne suis plus jeune et
c'est une grande témérité d'associer à mon
âge cette triomphante jeunesse. Cependant
ma situation de fortune est considérable, je
crois pouvoir assurer le bonheur de la femme
qui voudra bien porter mon nom et me con-
fier le soin de mon avenir.
- Pardon,, si je répète ma question, mon-
sieur, Renée est-elle instruite ?
— Vraiment, oui, madame, sans son assen-
timent je n'eusse osé.
— Hélae ! elle s'est alors laissée aller aux
mouvements de son cœur î J'espérais — elle
le répétait si souvent - que jamais elle ne
penserait au mariage.
« Elle a manqué de franchise, et elle m'o-
blige à vous confier un douloureux secret !
Mais je ne puis hésiter, .l'honneur m'oblige à
parler.
— Ah ! je vous supplie de ne rien dire !
madame. Il s'agit de la naissance de Renée.
Je sais ce que je dois penser. certaine-
ment. il est regrettable. mais. Bref, ma-
dame, je m'estimerais heureux si vous m'ac-
cordiez ce que je sollicite.
Marthe Eschanne avait cache sa tête dans
ses mains ; elle releva le front et, timide-
msjat X 4
— Renée n'a pas de fortune, monsieur, dit-
elle. J'ai assuré sur sa tête une centaine de
mille francs, et c'est tout. 1
« Personellement, je ne possède guère plus ;
encore ai-je à sorpr de divers embarras lui
touchent à leur fin.
.;. Renée ne m'avait même pas fait pré-
voir une aisance pareille, dit le commerçant.
« Mais permettez-moi de vous faire obser-
ver que quand on a des filles, on est obligé
de se douter qu'elles se marieront, c'est dans
l'ordre !
« Au reste, je vous prie de croire que la
question de fortune m'est indifférente. Je
suis négociant, je sais ce que vaut l'argent
et si je ne le méprise pas, lorsque le bonheur
est en jeu, toute autre considération dispa-
raît.
« Puis-je donc espérer ! madame.
— Tenez, monsieur, dit Marthe Eschanne,
parlons franchement, je ne sais pas dissi-
muler, ni cacher ma pensée ! Je n'ai ni l'en-
vie, ni le droit de refuser à Renée un consen-
tement dont son âge lui permet d'ailleurs de
se passer.
« Mais je ne suis pas j
réfléchir, de prendre quelques informations.
Car si, en apparence, il semble que je n'aie
pas le droit de me montrer bien difficile, tn
réalité je le suis beaucoup.
a Vous 'ne connaissez pas encore Renée ,
Tous ne savez pas quelle simplicité, quelle
candeur il y a dans son cœur. Elevée simple-
ment et librement, elle est restée tout à fait
enfant, crédule, naïve. Je m'applaudissais de
ne lui trouver aucun sentiment vif. Je la
croyais un peu. froide, et cela me rassurait,
car c'est le cœur qui nous perd, noua !
« Elle n'a dû penser à rien, ni réfléchir à
rien ! mais encore. que sait-ou par les in-
formations ? Peu de chose ! Ah ! j'aime .mieux
vous en croire ! Jurez-moi que mon enfant
sera heureuse avec vous. Je vous croirai.
« Votre loyal visage parle pour vous ! Hé-
las ! J'ai pourtant payé si cher une heure de
confiance !. »
Elle pleurait, attendrie, la voix tremblan-
te, jouant en comédienne consommée ce rôle
'le mère, et Scipion Guiraud, se sentait en
vérité les larmes aux yeux.
Il saisit cordialement les mains fines de
Marthe, y posa les lèvres et, souriant de son
bon et franc sourire, il s'écria :
— Ne pleurez pas !. Je vous en supplie.
Je ne puis voir pleurer une femme, moi !
Cela me bouleverse !. Donnez-moi votre fille,
je vous jure que je la rendrai heureuse ! Je
vous jure qu'elle n'aura pas à se repentir.
« N'est-ce pas ?. Je vous laisse réfléchir.
Quand me ferez-vous l'honneur de me rece-
voir pour que nous causions avec un peu
moins d'émotion qu'aujourd'hui? »
Marthe essuya ses larmes.
- Oui, dit-elle, je sens que vous êtes sin-
cère et mon cœur est soulagé. Vous avez
raison, j'ai besoin de me reprendre, cette
émotion m'a brisée !
Venez demain. Etes-vous libre de votre
temps ?
- Certainement.
- Voulez-vous accepter de déjeuner avec
moi, demain matin, oh! sans cérémonie, je
n'ai pas l'habitude de recevoir à Paris.
-:. Je suis à vos ordres.
— Alors, à demain, monsieur ~Guiraud,
car vous ne m'avez pas même dit votre nom
et, sans la lettre de Renée, je ne le saurais
pas.
- Elle le reconduisit gracieusement, elle-
même, en bonne femme, sans prétention et
avec de bonnes paroles, si rondes, si sim-
ples, qu'il se retrouva "dans l'escalier, tout
saisi de plaisir et pensant à part lui, uiie
vraiment cette femme était charmante et
qu'il n'en avait jamais rencontré de pa-
reille.
Une semblable belle-mère, c'était une
bénédiction. Plein de ce sujet, il envoya,
rue de Lille, avec sa carte, une jolie caisse
de bruyère rose.
V
Folie contagieuse
Comme l'avait pensé Renée, Scipion Guh
raud s'était occupé, dès en arrivant à Pa-
ris, de ce qui lui tenait le plus au cœur et,
d'abord, il s'était dit qu'une fois cette de-
mande faite, il aurait l'esprit libre. Sa peur
s'était dissipée en face, de Marthe Eschan-
ne, si grave, si digne, vêtue sévèrement et
si bien dans son rôle. Il s'imaginait, en vé-
rité, être renseigné sur son compte.
Ce fut donc le cœur léger qu'il se rendit
au boulevard de Sébastopol, où il tomba
sans crier gare, sans avoir averti qui que
ce fût de son arrivée.
C'était d'ailleurs sa coutume de procéder
ainsi.
Il arriva tranquillement, sans le moindre
bagage.
Jeanne Guiraud avait simplifié à l'ex-
trême le service de la maison ; avec la cou-
sine Denise, elle n'occupait plus que le pre-
mier étage ; une cuisinière et une femme
de chambre suffisaient largement à la beso-
gne.
(A suivrc.)-
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