Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-01-04
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 janvier 1910 04 janvier 1910
Description : 1910/01/04 (N3189,A27). 1910/01/04 (N3189,A27).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7510112f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/07/2012
Vingt-septième année. — N° Slgq -.
MARDI 4 lgn-ÉR 1910 -,-
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GRAND JOURNAL LITTÉRAIRE ILLUSTRÉ
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-- SUPPLEMENT, I, Rue Taitbout 1:
SOMMAIRE
Du Mardi 4 janvier 1910
Delphi Fabrice. — Au boulevard.. et ailleurs.
Bobèche. — Mon petit cinématographe.
Feuilledevigne. — Echos.
S. Marcienne. — Mon Pauvre.
Albert Rossin. — Fantasia Appasionata.
Oscar Méténier. — Negro.
Mignon. — Retour.
Philibertus. — L'inconsolée. «-
Marc Hély. — La Passionnée
Boud'Nor. — Gai retour de Noce.
Gustave Chastain. - Nocturne.
Confex-Lachambre. — L'Amour à tout prix
(suite).
Henri e Bachmann. — Noms prédestinés.
Arthur Perrier — Confidences d'un Artiste Pau-
vre.
Georges Mouflette. — La chique.
Triboulet. - Au théâtre.
Michel Provins. - é Le docteur Juliette (nou-
velle dialoguée-feuilleton).
La Semaine
Au Boulevard
11 JI ℇt Ailleurs
Mardi, 28 décembre. — Après diner,
au cercle, en fumant un cigare.
— Ça vous amuse, vous, le Réveil-
lon ? — Je trouve cette coutume stupi-
de. — Vous avez tort. — Pourquoi ça ?
— Mais pour la raison bien simple que
vous avez tort. C'est d'un joli coup
d'œil ces salles de restaurant envahies
par de jolies soupeuses. — Arrêtez,
mon cher. Dans tes restaurants, aussi
bien chez Voisin que chez Paillard ou
au Calé de Paris, il n'y a pas de jolies
soupeuses le soir du Réveillon, croyez-
moi. Les tables sont envahies par une
population qui se trouve bien étonnée
d'être là. Et faut voir la gaucherie de
leurs mouvements. et les toilettes que
ces dames arborent ! Il y a là des ro-
Des de soirée qui remontent à la pré-
sidence de Faure-Steinheil 1er, corsages
carnavalesques et dentelles roussies.
Et le côté des hommes ! Parlons-en.
Quelle mine ahurie, empesée ont-ils
dans leur frac à 69-50 ! et quel con-
traste avec les maîtres d'hôtel qui, tout
à coup, prennent fort grand air. —
Moi, je préfère cent fois le Réveillon-
peuple au Réveillon-bourgeois. Il y a
là évidemment le nauséabond boudin,
la basse charcuterie et la vinasse, mais
tout cela passe grâce à la grosse gaie-
lé. — Vous avez assisté à un réveil-
lon de ce genre ? - Une fois oui ; il
y a belle lurette, d'ailleurs ! une dou-
zaine d'années. Ça se passait à Bil-
lancourt. — Naturellement ! —
.Vous êtes stupide !. Au bord de
l'eau ; nous avions été retenus un ami
(mort aujourd'hui) et moi. Il y avait
toute une tribu des mariniers et de
gens de la berge dans cette guinguette
un peu équivoque et qui avait abrité les
amours passagères d'Eyraud et de Ga-
brielle Bompard. — Ça ne nous rajeu-
nit pas ! — J'entendis chanter là, au
milieu de refrains populaires et même
populaciers, toute une suite de com-
plaintes flamandes d'un rythme étran-
ge et si mélancolique. Le chanteur
était une façon de grand gars fortement
découplé, une peau d'une blancheur
surprenante, des prunelles d'eau dou-
ce, la moustache et les cheveux comme
du chanvre. Il était vêtu d'une blou-
se verte serrée à la taille par une !arge
peinture rouge. Et, suivant une vieille
mode de Zélande, deux anneaux d'or
ornaient les lobes de ses oreilles.
Quand il se fut tu, une femme qui était
là, près de lui, se jeta dans ses bras,
agrafa ses lèvres aux siennes et sou-
pira : « Comme j'aime ta bouche qui
sent bon le blé mur !. » Nous sommes
restés là jusqu'au matin. Le patron de
la guinguette et les mariniers sont
venus nous accompagner jusqu'à la
grille de l'octroi de Paris ; et, en nous
quittant, ils ont repêché un macchabé
- en partance pour la Manche par Billan-
court et Suresnes. — Pouah ! Quel'
lendemain de Réveillon.
La conversation change. évidem-
ment 1
'Jeudi, 30 décembre. — Journée passée
dans ma bibliothèque à classer des li-
vres reçus : Les comédies d'Oscar Wil-
de, admirablement traduites par Albert
Savine qui a aussi consacré dans le
même volume une curieuse étude au
théâtre de l'auteur de l'admirable
portrait de Dorian Gray. Du même Al-
bert Savine d'ailleurs (qui, ne l'oublions
pas, fut jadis l'éditeur éclairé de Jean
Lombard et des premiers livres des Ros-
ny) une très belle monographie du
Beau Lauzun, qui fait suite à la collec-
tion historique illustrée qu'il rédige avec
iant de soin d'après les documents d'ar-
fchives et les Mémoires. Voici aussi les
Bagatelles de la Porte, un roman plutôt
raide de la baronne d'Orchamps (pends-
jtoi Willy !) Le Robespierre et les fem-
mes d'Hector Fleischmann, une étude
tout à fait remarquable du grand In-
corruptible, et d'autres livres, d'au-
tres..
Avec ce goût envahissant du sport,
auto et aviation, ils sont bien abandon-
nés les pauvres livres. Le goût de la lit-
térature s'en va, on lit de moins en
moins. Et pourtant, ce sont eux qui,
aux heures où la vie est, chagrine, don-
nent les meilleures et les plus douees
consolations, eux qui procurent des
joies ære pérennius, — si j'ose m'expri-
mer dans la langue d'Horace.
Samedi 1er janvier 1910. — Rue Auber,
onze heures du matin.
Dans cette rue Auber — la rue de la
Paix des Messieurs — c'est, ce matin,
une processionnelle théorie de bour-
geois, de bourgeoises, de potaches et de
domestiques qui circulent les bras en-
combrés de paquets et de bouquets. Il
traîne dans l'air -une odeur de marrons
glacés et de lilas blanc, une odeur qui
dissipe un peu (si peu) la jolie migraine
qui, bat le rappeJ à mes tempes ; - nous
avons fêté fort avant dans la nuit le
troisième galon d'un ami.
Des enflants avec la démarche du Cid
Campéador passent, un rouleau de pa-
pier entouré de faveurs bleues ou ro-
ses sous le bras. -Et cela me rappelle le
temps aboli où, moi aussi, bambin sé-
rieux (c-e jour-là !) j'allais réciter un
compliment à mon grand-père.
Onze 'heures du matin. Dans une
heure, à midi, le tradnionnel déjeuner
de famille, l'annuelle réunion autour de
la table familiale, des enfants dispersés,
mariés. partis.
Et cette migraine qui ne se dissipe
pas en dépit de tous les cachets d'anti-
pyrine, de pyramidon et même -d'un
peu d'éther. Ah ! je suis joli,tout pâle,
les traits fatigués, le dessous des yeux
estompé d'un large cercle bleu sombre !
J'entends déjà les réflexions des
miens : « Ce pauvre frère, il ne sera
jamais sérieux. Toujours en fête ! »
Et moi qui suis maintenant si rangé des
voitures !
Sale migraine, va ! Et quelle guigne,
quelle froide guigne !
DELPHI FABRICE.
If
MON PETIT CINEMATOGRAPHE
mm jrômNgs
Sur les divers terrains d'avia-
tion la mauvaise saison n'empê-
che point l'initiation de nou-
veaux adeptes de jour en jour
plus nombreux.
JOURNAUX DE SPORTS.
Chaque jour, en aéroplane
Avec Latham, Chiose ou Paulhan,
Dans l'azur des cieux s'envolant
Un nouvel .aviateur flâne.
Pour faire ses courses en l'air,
Ce moyen plus ou moins commode
Devient le grand chic et la mode
N'est pas près d'en passer, c'est clair 1
D'abord, au sport aérophile
Le sexe fort seul a mordu.
Mais la femme, bien entendu,
S'empressa de prendre la file..
Aujourd'hui c'est à qui pourra,.
Parmi ces dames du grand monde,
Planer sur la terre et sur l'onde,
Les monts, les bois, et cœtera !
Il n'est pas de pire enragée
A -ce jeu, vous n'en doutez pas,
Qu'une mignonne aux frais appas
Dont la vogue est à l'apogée.
A ce portrait très suffisant.
Vous l'avez déjà reconnue,
La délicieuse ingénue :
La marquise d'Onnemoizan !
N'eut-elle pas l'aplomb folâtre.
L'autre hier, sur son ~mnnoplan,
D'emmener, dans un vol troublant,
Makrô. le tzigane. verdâtre !
Sans doute, elle avait escompté,
Là-hàut, de sublimes caresses
Et d'éblouissantes ivresses.
En avait-elle une santé ?
Mais son attente, hélas ! fut vaine :
Makrô fut au-dessous de tout.
Soit qu'il redoutât quelque atout
Ou -bien qu'il ne fût pas en veine.
Bref, il s'excusa tristement :
« Je ne sais pas ce que j'éprouve.
Je ne me sens point, tout le prouve,
Madame, dans mon élément 1 »
« Parbleu ! répliqua la marquise,
J'aurais dû m'en douter, mon cher,
Pour vous ce n'était pas dans l'air
Que je pouvais être conquise.
J'aurai soin, malgré mon chagrin,
Pour vous épargner, toute gêne,
De vous offrir, la fois prochaine,
Une balade en sous-marin ! ! 1 »
Bobèche.
r ECHOS
Edwige aime Jacques de B. ; elle l'aime
sincèrement, profondément et pourtant, de
temps 8 autre, elle le quitte pour aller avec un
autre.
Oui Cuaric ça lui prend, , c'est plus fort que
sa volonté ; il faut qu'elle satisfasse son désir.
Jacques est habitué. Il trouve une lettre sur
son bureau.
La première fois, il se fâcha et jura de ne
plus revoir infidèle ; mais lui aussi aime sin-
cèrement, profondément, et il ne peut se pas-
ser d'Edwige.
Il la reprit nOlT). sans lui reprocher sa con-
duite infâme ; maintenant il ne dit plus rien
il est habitué.
Et ce triste amour entrecoupé de passades
infidèles, finira par un mariage.
—
Le peintre H., disait, \n jour, le Supplément
à la jeune fille qui devait être sa femme. Puis,
voilà qu'il plie Le journal et bourre sa pipe. Il
l'allume, en tire quelques bouffées, s'arrête, re-
commence, et se rapproche de la jeune fille.
Pause embarrassante. Un silence,et H. sem-
ble fort embarrassé. Sans doute qu'il va faire
sa déclaration.
H. se remet à fumer en redoublant d'ar-
deur. Il .prend la mair de la demoiselle, qui
n'ose pas résister, et la pose sur sc"^ coeur.
Etait-il arrivé, le fameux moment psychologi-
que ? H. presse et serre cette main, fc^ut en
ne quittant pas des yeux les nuages légers qui,
de sa pipe, se déroulaient en frêles spirales.
Puis, tout à coup, il saisit l'index de cette 'ITh et l'introduit à différentes reprises précipitant
ment dans le iourneau de la pipe.
La jeune fille, dont Jl-e doigt s'était changé si
douloureusement en bourre-pipe, dégage sa
main, crie et, en 'toute hâte, s'enfuit. Mais
sans garder rancune, puisque, peu après, elle
était Mme H.
Humour anglais.
Le pauvre homme avait été au plus mal. A
moitié écrasé par une a il avait psgsô
— Tu grandis donc encore, dis mon chéri, que ta tête a dépassé tes cheveux
trois mois sur un lit de souffrance : mais, en-
fin, grâce au dévouement et à la profon de
science de son médecin, l'espérance renaissait
dans son âme. Seule, sa main droite, que l'on
avait un moment pensé devoir amputer, n'était
pas encore revenue à son état normal.
— Docteur, fit-il anxieusement, croyez-vous
pouvoir remettre cela en bon état ?
—Parfaitement ! répondit le -bon Esculape.
— Et. et pourrai-je jouer du piano ?
— Sans doute.
— Vrai ?
— Ma parole 1
— Oh 1 merci 1 murmura le malade avec
un faible sourire, merci 1 C'est que. je n'avais
jamais pu auparavant.
Et il s'évanouit de joie.
-x-
L'autre jour, il y avait foule à Saint-Augus-
tin. Mariage très parisien : M. Robert ~Bro.st,
un racingman bien connu, contre Mlle Dom.ge,
une de nos plus prestes raquettes. A la sortie,
les inévitables photographes et leurs impertinen-
tes batteries d objectifs.
Dès la première menace de déclic. la jeune
épousée relève son voile, d'un geste simple,
puis,regardant en face l'appareil, elle lui tire
une langue aussi lpngue et effilée que le fa-
meux « point d'ironie », invention et gloire'de
M. Alcanter de Brahm.
-x-
Je sais maintenant pourquoi ~Adye voulait
absolument m'emmener passer un mois en Ecos-
se : elle avait lu le petit écho suivant :
En Ecosse, d'après une loi très morale, qui-
conque vit maritalement pendant trois semaines
avec un amant ou une (maîtresse est, de ce lait,
indissolublement uni.
Non, mais, me voyez-vous, sans y penser,
indissolublement uni à œtte chère Adèle ?
— x —
Littérature officielle :
Tout récemment, dans certain ministère, un
rédacteur eut à libeller la lettre par laquelle il
avisait un lauréat de venir retirer au Cabinet
du Ministre le vase de Sèvres qui lui était
destiné. Il écrivit :
Le Ministre vous prie de passer à son Cabl-
net muni de ce papier pour prendre posses-
sion de votre vase.
Je ne savais pas quoi offrir à Adèle pour
l'anniversaire de notre union ; maintenant, Je
le sais :
On va prochainement vendre aux enchères
la ville de Dunganmon, en Irlande, ainsi que
plusieurs villages et de vastes étendues de ter-
rain qui l'entourent.
Les maisons de -cette ville, qui ne comptent
(pas moins de 3.700 habitants, sont la propriété
du comte de Ranfurly.
Un joli cadeau à faire «ô -sa bien aimée.
- x
Barbey d'Aurevilly avait, quand on lui dé-
plaisait, la -dent longue et aiguê.
On écoutait un jour, dams un salon, un petit
compositeur ou pianiste, tout petit, minuscule,
dont toutes les dames raflolaient. Soudain,
l'une d'elles eut l'idée de lui demander un auto-
graphe. On courut chercher un crayon et notre
nain s'exécuta. On lui en demanda un autre,
puis un autre. Et le petit homme signait, si-
gnait toujours.
Dédaigneux, au fond du salon, Barbey ,d'Au.
revilly examinait en riant le manège. Mais lors-
que le compositeur prit congé, il se précipita,
rafla "sur le piano, de crayon qui avait tarit
signé et, rattrapant le monsieur par le bras,
sur le seuil de la porte, le lui 'tendit, grave-
ment, en disant : ',1
Môssieu |. Vous oubliez votre canne.
Marie dite l'Espagnole à cause de son teint
olivâtre a trouvé un type bien curieux qui de
temps à autre vient la chercher.
Il l'emmène à la campagne ; se promène avec
elle ; déjeune dans une guinguette, puis revient
dîner à Paris. Après on va dans un théâtre
voir une pièce très honnête.
On rentre à l'hôtel et Marie va coucher seule
dans une jolie petite chamibre, après avoir reçu
un paternel baiser du monsieur.
Détail étrange : de toute la journée, Marie
ne doit dire un traitre mot. Le monsieur la re-
garde avec une sorte d'extase et semble éprou-
ver une joie triste à la contempler. Parfois des
larmes mouillent ses yeux.
C'est paraît-il -un père qui a perdu sa fille et
^"4e' xxe £ semBTe a cette enfant.
X -
On raconte naturellement, à Bruxelles, les
mots du roi Léopold. La plupart sont empreints
de la plus charmante bonhomie.
On n'a pas out~Ja boutade de Godart:
— Moi, sire, disait l'aéronaute, j'ai des prin-
cipes : je suis républicain. Et vous ?
— "Dame ! moi aussi, répond le roi gouail-
leurs ; seulement, mon métier s'y oppose.
On sait que l'ancien ministre De Lantsheere,
père du ministre de la Justice, était un retors :
il combattait avec aoharnement les projets du
roi, ce -qui n'empêche nullement l'actuel direc-
teur de la Banque nationale de 'Bruxelles d'être
l'homme le plus décoré de Belgique. Or, un jour
que le ministre des Finances venait de faire
éCîJœ & un projet du roi, celui-ci de dire :
— Ah -! mons'eur de Lantsheere. je l'ai fait
couvrir de « crachats », mais il me -le rend
bien !.
Le mot suivant est d'un aquarelliste belge
connu. Le roi visitait une exposition des œu-
vres de Théo Hannon, loraquo — il y -a de 'c 'la
quelques années — s'étant approché du peintre,
il se mit ü fixer le modeste ruban violet — les
palmes académiques — qui s'épanouissait à la
boutonnière de l'artiste.
— Tiens, fit le roi ironiquement, vous êtes
« déjà » décoré ?
-Sire. ne regardez pas trop ma décoration,
sinon vous allez ta faire rougir.
Le roi trouva la plaisanterie exquise et le
lendemain, Théo Hannon était promu dans
l'ordre de Léopold.
-x-
D'Ennery était à table, & l'un de ses dîners du
dimanche, il découlait un perdreau, qui répan-
dait au loin une terrible odeur de faisandé, tan-
dis qu'une dame trop sensible donnait un li-
bre cours à ses plaintes, déplorant la triste né-
cessité où l'on était, pour se nourrir, de tuer
des petits oiseaux si charmants, 6i inoffensifs.
— Madame, lui dit d'Ennery, en se bouchant
le nez, ne vous apitoyez pas si fort sur ie sort
de celui-ci. Il y a si longtemps qu'il a été
tué !
Quand on lui disait : a Comme -le temps pas-
se ! » 41 répliquait en oaussant les épaules :
« C'est nous qui passons, le temps est immo-
bile ! »
Je relève encore cette boutade souvent citée :
« Je ne vais pas voir jouer les pièces de mes
confrères, disait-il ; si elles sont mauvaises,
elles m' « ennuient » ; si elles sont bonnes, el-
les. m' « embêtent ! »
-)(--
Un magazine américain publie quelques ren-
seignements sur les appointements que touchent
les journalistes aux Etats-Unis. Les chiffres qui
suivent feront sans doute rêver les modestes
journalistes parisiens.
Sur le Nouiveau Continent, un reporter touche
en moyenne '25.000 francs par en. Les rédac-
teurs dont la situation est faite, dont les noms
sont connus et les articles goûtés des lecteurs,
reçoivent jusqu'à 50.000 et 60.000 dollars, soit
250.000 et 800.000 francs. Le traitement d'un
critique dramatique n'est jamais inférieur à
120.000 francs.
Les correspondants de guerre sont, -entre tous,
les mieux payés et reçoivent en moyenne une
indemnité de 500 francs par jour. n ce s'agit,
bien entedu, que des correspondants des grands
journaux, comme le New-York Sun, etc., etc.
Pendant la guerre russo-japonaise, M. Davis,
correspondant du second, s'est fait une moyen-
ne de 4.000 francs par seonaine.
Au New-York Hérald, le chef des informations
reçoit la somme magnifique de 300.000 francs.
Dans ces chiffres sont compris, Il est vrai, les
frais que peuvent lui occasionner ses grands
(reportages.
On voit qu'en Amérique les journalistes peu-
vent vivre.
—
Nous nous plaignons, parfois du ridicule for-
malisme administratif. Nos bons voisins les Ita-
liens n'ont rien à nous envier à ce point de vue.
Récemment, le poète d'Annunzio était l'objet
d'une contravention fpour excès de vitesse. Il y
eut une enquête de police et il en résulta un
papier dans lequel il était dit que d'Annunzio
était sans profession et sans ressources, qu'il
avait une bonne conduite, un caractère doux,
des cheveux blonds et des yeux tendres.
Oh, ces yeux, ces yeux tendres !. Ils font
rêver Adèle.
- x
Un de nos confrères britanniques a eu l'idée
de demander à Mlle Adeline Genée, qui est la
Zambelli des Londoniens, son avis sur l'agi-
tation des suffragettes.
Mlle Adeline Genée a reçu son interlocuteur
en exécutant des pointes savantes 'et lui a ré-
pondu soit en mimant, soit en dansant.
Le reporter a parfaitement saisi le sens de
cette expressive conversation, et il a pris une
série dt'I photographies qui lu) ool servi à U-
lustrer son article*" - - - /'i;
5 Il me souvient qu'aux manœuvres dernières,
raconte un adjudant, pendant une journée de
marche sous un soleil de plomb, dans un nuage
continu de poussière ma section était harassée.
A chaque halte, c'étaient des cnutes dans les
fossés plutôt que des repos tranquilles.
« Me rendant compte de cet ébat de choses,
j'eus l'idée, au coup de sifflet du capitaine, de
remplacer le commandement par la phrase
suivante : « Ceux qui n'ont pas de commission-
« naires sont priés die reprendre leurs valiises. ».
Et aussitôt chacun de mes hommes de répéter :
« En avant les valises 1 »
« Le mot avait fait fortune : il n'a été quun
•ôciho pondant tout le reste de la manœuvre. Mes
hommes ne semblaient plus fatigués et leurs
quolibets tombaient dru sur Les pauvres traî-
nards sans sac. — « Où est donc ta valise ? »
— « Tu as perdu ta valise 1 » Il en faut si peu
pour amuser nos soldats !. »
Un mot lancé à propos suffit pour faire ou-
iblier à nos joyeux soWsaits -et le sac et la fati-
gue.
Le bêtisier de la presse britannique,
mi Daily Dispatch : « Le meilleur jour pour
voir les aviateurs est le jour où ibs volent. »
Du Lady : « A vendre beau bracelet en or
pouvant servir de chien favori. »
De la Nautwich Chronicle : C'est demain
que l'on tire au sort la veuve et les enfants de
'feu R. Turton »
Du Feathered World : « A vendre bon fusil
et excellent violon pour la chasse aux petits
ciseaux. »
Du Essex Weckly News: « Mme X., une
veuve séparée de son mari. »
Du Daily Mirror : « Son pied) droit se trou-
vait dans une position impossible. »
Du Cheshire County New : « Un grand nom-
bre des enfants de l'école ayant la tête mal
couverte, le généreux donateur a distribué 62
paires cte sabots. »
***
MOTS DE LA FIN
Chez le confiseur :
— Tu achètes des marrons glacés pour ta
belle-mère. Elle les aime donc ?
— Ce n'est pas qu'elle les aime. Mais c'est
si lourd à digérer !.
— ix", —
On vient de trouver un Jeune poète pendu
dans sa mansarde. A son gilet était épinglé un
papier sur lequel était écrit ces simples mots :
Je meurs où je m'attache.
X
Mots d'enfants.
Lili veut se faire peser aux champs-Elysées.
Elle prend place dans le fauteuil, en offrant
un sou à la femme.
— C'est deux sous, ma chérie.
- Eh bien 1 pèse-moi pour un sou : tu
ne me diras que la moitié de mon poids.
x
Place Beauvau.
Voie et voix hiérarchiques :
Le chef du cabinet de M. Briand à l'attaché.
— Veuillez, Monsieur, donner des ordres pour
faire atteler le coupé de M. le président 1
L'attaché à l'huissier. — Faites atteler la voi-
ture du patron !
L'huissier au cocher. - Hô, Joseph, attelle
le canasson à la bagnole du singe !
Feuilledevigne.
iMiUBiii
Mon Pauvre
Je le voyais tous les matins depuis des
années. L'habitude me l'avait rendu sym-
pathique et je tenais toujours, prêt dans
ma main, le sou que je déposais dans sa
ôél)iX*ô«
C'était un petit vieux tout rabougri, les
jambes torses, les mains rendues informes
par des rhumatismes. Une grande barbe
blanche très soignée ainsi qu'un chapeau
de feutre à larges bords, lui donnaient
quelque ressemblance avec un vieil artiste
tombé dans la c'ébine.
Toute sa physionomie empreinte de
grande douceur et son geste timide atti-
raient la compassion.
Or, F autre matin, le vieillard arrêta mon
geste et laissant dans ma main le sou
que je lui tendais :
— Excusez-moi, monsieur, dit-il, si je
me permets d'abuser de votre temps ! Mais
je ne veux pas quitter le quartier sans
vous témoigner ma reconnaissance. Vous
êtes un de mes plus anciens clients, et je
tiens à vous remercier.
— Vous allez quitter le quartier ?. Il
ne rend donc plus ? demandai-je.
— Mais si, monsieur, la place est assez
bonne et je la regretterai. Mais on ne m'y
tolère plus.
- Ah ! pourquoi donc ?
— C'est la faute aux journaux ! Oui,
monsieur. Ils se sont avisés d'avertir la
Préfecture ! Il parait que nous sommes
trop nomibreux dans la corporation. C'est
bien un peu vrai mais c'est la faute à la
vie, ça !. Tout le monde mendie. Sans
même 'bien savoir. Les enf!ants, on les
dresse dès qu'ils ont trois ans, car vous
pensez bien que les parents ne se sacri-
fient plus à faire étudier leurs enfants ?
Pour ce que ça rapporte !. Oui, monsieur,
dans notre partie il y a plus de bacheliers
qu'on ne croît. et alors, quand les autres
voient ça, ils préfèrent commencer tout de
suite par mendier. avant d'étudier !.
Moi qui vous parle.
— Vous avez toujours mendié ?
— Oui, monsieur. De père -en fils, ça a
toujours été notre métier. Car c'est un
vrai métier allez ! et qui est dur. Certai-
nement on a des -bénéfices, et je ne dis pas
qu'autrefois on ne se retirait pas avec sa
pelote. mais, les temps sont changés.
Les -gens n'ont plus de cœur !.
Le vieux m'intéressait.
— Eh ! dis-je, à quoi donc attribuez-vous
ïa perte de cet organe essentiel ?
— Au manque d'amour, monsieur.
J'esquissai un sourire étonné.
— Tel que je vous le dis,-monsieur. J'ai
remarqué que quand une jeunesse passe
souriante, chantonnant, les yeux brillant
d'un bonheur intérieur, c'est qu'elle est
amoureuse et .que l'amour la comble de ses
bienfaits. Alors son cœur se ~fene devant
le malheur et elle donne à qui tend la
main. La femme mariée — c'est une régle
presque absolue — ne donne que si elle
est adultère, car alors, c'est une pensée
est aà ~lière, 'la fait agir, - elle -croit -en £ai-
égoïste qui la fait agir ; elle croit en fai-
sant l'aumône effacer sa -faute ou 'du moins
la diminuer. Mais celles-là, .on ne les voit
plus !.?. -Ah ! ces taxi-autos -à vingt-cinq
sous -nous font bien ûu tort. Je vous ré-
pète, monsieur, il n'y a-plus d'amoureux 1
Le gouvernement fait la guerre S fct ,"
mendicité, il perd son temps, allez ! ellfc
disparaîtra toute seule sans eurs lois dra:-» j|
coniennes car le progrès la tue !. Leflu
jeunes hommes sont trop occupés de sporfy
ils délaissent la femme. Que voulez-voua
qu'ils fassent après du deux cent à l'heure'.-.
Les grisettes sont dans le marasme.; il
reste bien quelques cocottes, mais ta .vie*:
n'est pas toujours faciles pour elles. et.
elles n'ont pas le temps de s'attendrir..,
Et cette invention de chemin de feu
souterrain, ce sacré Métro, aux portes duv
quel il nous est interdit de stationner, vouar
ne pouvez vous figurer le tort énorme qu'iï.
nous fait. Tout ce monde qui voyage soua.
la terre ne voit pas ceux qui restent dessus^
et qui tendeat la main. Nous avions encou-
re les portes d'église. cela, dans le temp%
était une situation enviée. on y faisait sajti
fortune en dix ans. et on revendait trèaf
cher sa place. Mais c'est d'ini. fini. PllU
de recettes.
— A quoi cela tient-il, selon vous ?. -
— Mais au gouvernement donc ! ToCtC
simplement ! Depuis qu'on a voté la loi su"-
la séparation et supprimé ie traitement au3t
curés, vous pensez bien qu'eux ne se sont
pas mis la ceinture, bien sûr. Ils ont pieu-*?
ré dans le giron des vieilles dévotes et outn
réclamé pour eux, jusqu'aux pauvres so.u^-
qui tombaient dans nos doigts. •'
Et les bigots croiraient voler le curé s'ilaj;
nous abandonnaient un. seul centime ! Ain»
si, voilà. c'est les curés qui nous exploit
tent !. Je vous le répète, monsieur, le méj<
tier est fichu.
— Mais qu'allez-vous devenir ?
— Dame, mon bon monsieur, je vais réai1
liser mes économies et vivre de mes rentes
dans ma propriété de Chevreuse.
— Cela va changer vos habitudes, dis-j6,
apitoyé.
— Je m'en vais au bon moment, car le
danger s'annonce plus terrible.Enfin*-
monsieur, que voulez-vous que fassent left
mendigots avec les aéroplanes ?. Croyez*;
vous que les clients se feront descendr
pour nous apporter leur sou. Notre eones
mi, c'est le Progrès !. 11
Je quittai mon vieux pauvre sans qu'il
m'ait convaincu. Et je pensai que quand!:
nous voyagerons en aéroplanes, les mendié
gots sauront bien nous atteindre sur le?
terrasses. J'entends ceux qui sont vraiment
de la profession et qui ne boudent pas ft
l'ouvrage.
S. Marcienne. :~
mem —
Fantasia Appasionata
Je t'adore, ce n'est un secret pour personne.
Hormis peut-être toi dont le cœur est d'airain.
Et cet amour ardent à ce point me rançonne
Que je cherche l'espoir même dans ton dédaijSt
Afin de parvenir, par une ruse habile,
A ce que ton regard me soit compatissant
Je veux, pour une fois. dans l'ombre de Virgile,
Enfourcher, sans trembler, Pégaee hennissant
Je te ferai des vers. des vers riches en rime.
Dont chacun d'eux sera presque un « vers millioff t;
Chantant tes yeux pour qui je commettrais delf
E bo b~. l~1 (crial-et
Et ta bouche jolie aux lèvres vermillon.
Je rimerai toujours; il faut que mes vers miDeÛ
Toa insensible, cœur à coups lents, à lents verj
Et que tous ces assauts répétés se terminent
En mettant ton esprit et tes sens à l'envers.
Au rayon nrintanier Quand, dans le jardin, l'att)^
Très artistiquement va se vêtir de vert.
Je rythmerai ton nom, ô déesse de marbre.
Pour que l'amour pénètre en ton cœur entecueftff
L'été, quand la chaleur nous fait parfois peu sagès^'
Je viendrai te griser d'un mot tendre, et mes verrf
Pour ne pas t offusquer, seront des vers ni ligCi.
Ni trop dévergondés aux yeux de runivers.
Et je continuerai de chanter tes louantes
Lorsque l'automne aura semé ses coloris.
Coloris de déclins, coloris de vendantes,
Elégiaques, tels seront mes vers de gris.
L'hiver, près des chenets, par toi, douce maxSÏ £ ë#
Très tendrement berceur, je te balbutierai ;
Des vers emmitouflés, je dirai des vers d'âtre,
Villanelles, sonnets, va : je te charmerai.
Je te ferai des vers, vers blancs, vers duftf,
[qu'importes.
Vers luisants que l'Amour lorgnera de travers,
Je t'en ferai jusqu'à ce que tu me sois morte,
Jusqu'à ce que ton cœur soit rongé par les vere
Albert Hosslnj,
■ - ■ ■——w———- ■ '■■■»
EGRO
Par OSCAR METENIER
1
■ Bien qu'ils eussent depuis longtemps
passé l'âge auquel on maintient d'ordinaire
les chevaux de troupe en service, le « Né?
gro u, ni la « Norma » n'avaient jamais élit
proposés pour la réforme. c-.!.
Un jour d'inspection générale, le colonel;
avait nettement déclaré qu'il ne consenti-
rait jamais à livrer à l'équarrisseur ou
faire conduire au marché deux bêtes qui
étaient l'honneur et l'orgueil du régiménfe
C'est que Négro et la Norma ipouvaierfi
être fiers de leurs états de services. Toue,
deux avaient fait la grande guerre et porrs
taient des stigmates, qui sont la décoration?
des dhevaux.
La Norma avait vu Gravelottë ci Reiènj
shoffen et le lieutenant qui la montait, cHeï
d'escadron aujourd'hui, tombé dans un par.
ti de uhlans, n'avait dû la vie qu'à la-
tesse de la bonne bête. Ji
Elle avait connu les jours de diséVtff
cruelle où, dans un pays ruiné et couvert
de -neige, les chevaux ne trouvant -memef
plus d'écorce d'arbres, en avaient été rév
duits, pour tromper la ~him quileur entrailles, à se ronger mutugllemenf
la crinière et la eeuè.
Les crins de la « Vieille )'f C3TT)iflë 6W
l'avait surnommée, n'avaient jamais *re.;,j
ponssé mais nul ne songeait à rire de. som
COTÎ pelé et de sa queue de rat. J
Le Négro devait son nom à sa come'ury
Comme toùs les chevaux de trompette d'ar-4'
tillerie, il était d'un beau noir zain, aveC1
une petite lisse en tête se prolongeant eq-1,
tre rt'fltAftllV
Celui-là était la coquelu-Cnè du régiment
Il avait gardé, en dépit de l'âge,la vigueur
de ses jeunes ans. A l'épaule gauche, il
portait une énorme ~tialafre, trace d'tltf
éclat d'obus reçu à Champigny. *
MARDI 4 lgn-ÉR 1910 -,-
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tôt manuscrits non insérés ne sont pas rentRuU ft
Les annonces sont reçues au bgreail
-- SUPPLEMENT, I, Rue Taitbout 1:
SOMMAIRE
Du Mardi 4 janvier 1910
Delphi Fabrice. — Au boulevard.. et ailleurs.
Bobèche. — Mon petit cinématographe.
Feuilledevigne. — Echos.
S. Marcienne. — Mon Pauvre.
Albert Rossin. — Fantasia Appasionata.
Oscar Méténier. — Negro.
Mignon. — Retour.
Philibertus. — L'inconsolée. «-
Marc Hély. — La Passionnée
Boud'Nor. — Gai retour de Noce.
Gustave Chastain. - Nocturne.
Confex-Lachambre. — L'Amour à tout prix
(suite).
Henri e Bachmann. — Noms prédestinés.
Arthur Perrier — Confidences d'un Artiste Pau-
vre.
Georges Mouflette. — La chique.
Triboulet. - Au théâtre.
Michel Provins. - é Le docteur Juliette (nou-
velle dialoguée-feuilleton).
La Semaine
Au Boulevard
11 JI ℇt Ailleurs
Mardi, 28 décembre. — Après diner,
au cercle, en fumant un cigare.
— Ça vous amuse, vous, le Réveil-
lon ? — Je trouve cette coutume stupi-
de. — Vous avez tort. — Pourquoi ça ?
— Mais pour la raison bien simple que
vous avez tort. C'est d'un joli coup
d'œil ces salles de restaurant envahies
par de jolies soupeuses. — Arrêtez,
mon cher. Dans tes restaurants, aussi
bien chez Voisin que chez Paillard ou
au Calé de Paris, il n'y a pas de jolies
soupeuses le soir du Réveillon, croyez-
moi. Les tables sont envahies par une
population qui se trouve bien étonnée
d'être là. Et faut voir la gaucherie de
leurs mouvements. et les toilettes que
ces dames arborent ! Il y a là des ro-
Des de soirée qui remontent à la pré-
sidence de Faure-Steinheil 1er, corsages
carnavalesques et dentelles roussies.
Et le côté des hommes ! Parlons-en.
Quelle mine ahurie, empesée ont-ils
dans leur frac à 69-50 ! et quel con-
traste avec les maîtres d'hôtel qui, tout
à coup, prennent fort grand air. —
Moi, je préfère cent fois le Réveillon-
peuple au Réveillon-bourgeois. Il y a
là évidemment le nauséabond boudin,
la basse charcuterie et la vinasse, mais
tout cela passe grâce à la grosse gaie-
lé. — Vous avez assisté à un réveil-
lon de ce genre ? - Une fois oui ; il
y a belle lurette, d'ailleurs ! une dou-
zaine d'années. Ça se passait à Bil-
lancourt. — Naturellement ! —
.Vous êtes stupide !. Au bord de
l'eau ; nous avions été retenus un ami
(mort aujourd'hui) et moi. Il y avait
toute une tribu des mariniers et de
gens de la berge dans cette guinguette
un peu équivoque et qui avait abrité les
amours passagères d'Eyraud et de Ga-
brielle Bompard. — Ça ne nous rajeu-
nit pas ! — J'entendis chanter là, au
milieu de refrains populaires et même
populaciers, toute une suite de com-
plaintes flamandes d'un rythme étran-
ge et si mélancolique. Le chanteur
était une façon de grand gars fortement
découplé, une peau d'une blancheur
surprenante, des prunelles d'eau dou-
ce, la moustache et les cheveux comme
du chanvre. Il était vêtu d'une blou-
se verte serrée à la taille par une !arge
peinture rouge. Et, suivant une vieille
mode de Zélande, deux anneaux d'or
ornaient les lobes de ses oreilles.
Quand il se fut tu, une femme qui était
là, près de lui, se jeta dans ses bras,
agrafa ses lèvres aux siennes et sou-
pira : « Comme j'aime ta bouche qui
sent bon le blé mur !. » Nous sommes
restés là jusqu'au matin. Le patron de
la guinguette et les mariniers sont
venus nous accompagner jusqu'à la
grille de l'octroi de Paris ; et, en nous
quittant, ils ont repêché un macchabé
- en partance pour la Manche par Billan-
court et Suresnes. — Pouah ! Quel'
lendemain de Réveillon.
La conversation change. évidem-
ment 1
'Jeudi, 30 décembre. — Journée passée
dans ma bibliothèque à classer des li-
vres reçus : Les comédies d'Oscar Wil-
de, admirablement traduites par Albert
Savine qui a aussi consacré dans le
même volume une curieuse étude au
théâtre de l'auteur de l'admirable
portrait de Dorian Gray. Du même Al-
bert Savine d'ailleurs (qui, ne l'oublions
pas, fut jadis l'éditeur éclairé de Jean
Lombard et des premiers livres des Ros-
ny) une très belle monographie du
Beau Lauzun, qui fait suite à la collec-
tion historique illustrée qu'il rédige avec
iant de soin d'après les documents d'ar-
fchives et les Mémoires. Voici aussi les
Bagatelles de la Porte, un roman plutôt
raide de la baronne d'Orchamps (pends-
jtoi Willy !) Le Robespierre et les fem-
mes d'Hector Fleischmann, une étude
tout à fait remarquable du grand In-
corruptible, et d'autres livres, d'au-
tres..
Avec ce goût envahissant du sport,
auto et aviation, ils sont bien abandon-
nés les pauvres livres. Le goût de la lit-
térature s'en va, on lit de moins en
moins. Et pourtant, ce sont eux qui,
aux heures où la vie est, chagrine, don-
nent les meilleures et les plus douees
consolations, eux qui procurent des
joies ære pérennius, — si j'ose m'expri-
mer dans la langue d'Horace.
Samedi 1er janvier 1910. — Rue Auber,
onze heures du matin.
Dans cette rue Auber — la rue de la
Paix des Messieurs — c'est, ce matin,
une processionnelle théorie de bour-
geois, de bourgeoises, de potaches et de
domestiques qui circulent les bras en-
combrés de paquets et de bouquets. Il
traîne dans l'air -une odeur de marrons
glacés et de lilas blanc, une odeur qui
dissipe un peu (si peu) la jolie migraine
qui, bat le rappeJ à mes tempes ; - nous
avons fêté fort avant dans la nuit le
troisième galon d'un ami.
Des enflants avec la démarche du Cid
Campéador passent, un rouleau de pa-
pier entouré de faveurs bleues ou ro-
ses sous le bras. -Et cela me rappelle le
temps aboli où, moi aussi, bambin sé-
rieux (c-e jour-là !) j'allais réciter un
compliment à mon grand-père.
Onze 'heures du matin. Dans une
heure, à midi, le tradnionnel déjeuner
de famille, l'annuelle réunion autour de
la table familiale, des enfants dispersés,
mariés. partis.
Et cette migraine qui ne se dissipe
pas en dépit de tous les cachets d'anti-
pyrine, de pyramidon et même -d'un
peu d'éther. Ah ! je suis joli,tout pâle,
les traits fatigués, le dessous des yeux
estompé d'un large cercle bleu sombre !
J'entends déjà les réflexions des
miens : « Ce pauvre frère, il ne sera
jamais sérieux. Toujours en fête ! »
Et moi qui suis maintenant si rangé des
voitures !
Sale migraine, va ! Et quelle guigne,
quelle froide guigne !
DELPHI FABRICE.
If
MON PETIT CINEMATOGRAPHE
mm jrômNgs
Sur les divers terrains d'avia-
tion la mauvaise saison n'empê-
che point l'initiation de nou-
veaux adeptes de jour en jour
plus nombreux.
JOURNAUX DE SPORTS.
Chaque jour, en aéroplane
Avec Latham, Chiose ou Paulhan,
Dans l'azur des cieux s'envolant
Un nouvel .aviateur flâne.
Pour faire ses courses en l'air,
Ce moyen plus ou moins commode
Devient le grand chic et la mode
N'est pas près d'en passer, c'est clair 1
D'abord, au sport aérophile
Le sexe fort seul a mordu.
Mais la femme, bien entendu,
S'empressa de prendre la file..
Aujourd'hui c'est à qui pourra,.
Parmi ces dames du grand monde,
Planer sur la terre et sur l'onde,
Les monts, les bois, et cœtera !
Il n'est pas de pire enragée
A -ce jeu, vous n'en doutez pas,
Qu'une mignonne aux frais appas
Dont la vogue est à l'apogée.
A ce portrait très suffisant.
Vous l'avez déjà reconnue,
La délicieuse ingénue :
La marquise d'Onnemoizan !
N'eut-elle pas l'aplomb folâtre.
L'autre hier, sur son ~mnnoplan,
D'emmener, dans un vol troublant,
Makrô. le tzigane. verdâtre !
Sans doute, elle avait escompté,
Là-hàut, de sublimes caresses
Et d'éblouissantes ivresses.
En avait-elle une santé ?
Mais son attente, hélas ! fut vaine :
Makrô fut au-dessous de tout.
Soit qu'il redoutât quelque atout
Ou -bien qu'il ne fût pas en veine.
Bref, il s'excusa tristement :
« Je ne sais pas ce que j'éprouve.
Je ne me sens point, tout le prouve,
Madame, dans mon élément 1 »
« Parbleu ! répliqua la marquise,
J'aurais dû m'en douter, mon cher,
Pour vous ce n'était pas dans l'air
Que je pouvais être conquise.
J'aurai soin, malgré mon chagrin,
Pour vous épargner, toute gêne,
De vous offrir, la fois prochaine,
Une balade en sous-marin ! ! 1 »
Bobèche.
r ECHOS
Edwige aime Jacques de B. ; elle l'aime
sincèrement, profondément et pourtant, de
temps 8 autre, elle le quitte pour aller avec un
autre.
Oui Cuaric ça lui prend, , c'est plus fort que
sa volonté ; il faut qu'elle satisfasse son désir.
Jacques est habitué. Il trouve une lettre sur
son bureau.
La première fois, il se fâcha et jura de ne
plus revoir infidèle ; mais lui aussi aime sin-
cèrement, profondément, et il ne peut se pas-
ser d'Edwige.
Il la reprit nOlT). sans lui reprocher sa con-
duite infâme ; maintenant il ne dit plus rien
il est habitué.
Et ce triste amour entrecoupé de passades
infidèles, finira par un mariage.
—
Le peintre H., disait, \n jour, le Supplément
à la jeune fille qui devait être sa femme. Puis,
voilà qu'il plie Le journal et bourre sa pipe. Il
l'allume, en tire quelques bouffées, s'arrête, re-
commence, et se rapproche de la jeune fille.
Pause embarrassante. Un silence,et H. sem-
ble fort embarrassé. Sans doute qu'il va faire
sa déclaration.
H. se remet à fumer en redoublant d'ar-
deur. Il .prend la mair de la demoiselle, qui
n'ose pas résister, et la pose sur sc"^ coeur.
Etait-il arrivé, le fameux moment psychologi-
que ? H. presse et serre cette main, fc^ut en
ne quittant pas des yeux les nuages légers qui,
de sa pipe, se déroulaient en frêles spirales.
Puis, tout à coup, il saisit l'index de cette 'ITh
ment dans le iourneau de la pipe.
La jeune fille, dont Jl-e doigt s'était changé si
douloureusement en bourre-pipe, dégage sa
main, crie et, en 'toute hâte, s'enfuit. Mais
sans garder rancune, puisque, peu après, elle
était Mme H.
Humour anglais.
Le pauvre homme avait été au plus mal. A
moitié écrasé par une a il avait psgsô
— Tu grandis donc encore, dis mon chéri, que ta tête a dépassé tes cheveux
trois mois sur un lit de souffrance : mais, en-
fin, grâce au dévouement et à la profon de
science de son médecin, l'espérance renaissait
dans son âme. Seule, sa main droite, que l'on
avait un moment pensé devoir amputer, n'était
pas encore revenue à son état normal.
— Docteur, fit-il anxieusement, croyez-vous
pouvoir remettre cela en bon état ?
—Parfaitement ! répondit le -bon Esculape.
— Et. et pourrai-je jouer du piano ?
— Sans doute.
— Vrai ?
— Ma parole 1
— Oh 1 merci 1 murmura le malade avec
un faible sourire, merci 1 C'est que. je n'avais
jamais pu auparavant.
Et il s'évanouit de joie.
-x-
L'autre jour, il y avait foule à Saint-Augus-
tin. Mariage très parisien : M. Robert ~Bro.st,
un racingman bien connu, contre Mlle Dom.ge,
une de nos plus prestes raquettes. A la sortie,
les inévitables photographes et leurs impertinen-
tes batteries d objectifs.
Dès la première menace de déclic. la jeune
épousée relève son voile, d'un geste simple,
puis,regardant en face l'appareil, elle lui tire
une langue aussi lpngue et effilée que le fa-
meux « point d'ironie », invention et gloire'de
M. Alcanter de Brahm.
-x-
Je sais maintenant pourquoi ~Adye voulait
absolument m'emmener passer un mois en Ecos-
se : elle avait lu le petit écho suivant :
En Ecosse, d'après une loi très morale, qui-
conque vit maritalement pendant trois semaines
avec un amant ou une (maîtresse est, de ce lait,
indissolublement uni.
Non, mais, me voyez-vous, sans y penser,
indissolublement uni à œtte chère Adèle ?
— x —
Littérature officielle :
Tout récemment, dans certain ministère, un
rédacteur eut à libeller la lettre par laquelle il
avisait un lauréat de venir retirer au Cabinet
du Ministre le vase de Sèvres qui lui était
destiné. Il écrivit :
Le Ministre vous prie de passer à son Cabl-
net muni de ce papier pour prendre posses-
sion de votre vase.
Je ne savais pas quoi offrir à Adèle pour
l'anniversaire de notre union ; maintenant, Je
le sais :
On va prochainement vendre aux enchères
la ville de Dunganmon, en Irlande, ainsi que
plusieurs villages et de vastes étendues de ter-
rain qui l'entourent.
Les maisons de -cette ville, qui ne comptent
(pas moins de 3.700 habitants, sont la propriété
du comte de Ranfurly.
Un joli cadeau à faire «ô -sa bien aimée.
- x
Barbey d'Aurevilly avait, quand on lui dé-
plaisait, la -dent longue et aiguê.
On écoutait un jour, dams un salon, un petit
compositeur ou pianiste, tout petit, minuscule,
dont toutes les dames raflolaient. Soudain,
l'une d'elles eut l'idée de lui demander un auto-
graphe. On courut chercher un crayon et notre
nain s'exécuta. On lui en demanda un autre,
puis un autre. Et le petit homme signait, si-
gnait toujours.
Dédaigneux, au fond du salon, Barbey ,d'Au.
revilly examinait en riant le manège. Mais lors-
que le compositeur prit congé, il se précipita,
rafla "sur le piano, de crayon qui avait tarit
signé et, rattrapant le monsieur par le bras,
sur le seuil de la porte, le lui 'tendit, grave-
ment, en disant : ',1
Môssieu |. Vous oubliez votre canne.
Marie dite l'Espagnole à cause de son teint
olivâtre a trouvé un type bien curieux qui de
temps à autre vient la chercher.
Il l'emmène à la campagne ; se promène avec
elle ; déjeune dans une guinguette, puis revient
dîner à Paris. Après on va dans un théâtre
voir une pièce très honnête.
On rentre à l'hôtel et Marie va coucher seule
dans une jolie petite chamibre, après avoir reçu
un paternel baiser du monsieur.
Détail étrange : de toute la journée, Marie
ne doit dire un traitre mot. Le monsieur la re-
garde avec une sorte d'extase et semble éprou-
ver une joie triste à la contempler. Parfois des
larmes mouillent ses yeux.
C'est paraît-il -un père qui a perdu sa fille et
^"4e' xxe £ semBTe a cette enfant.
X -
On raconte naturellement, à Bruxelles, les
mots du roi Léopold. La plupart sont empreints
de la plus charmante bonhomie.
On n'a pas out~Ja boutade de Godart:
— Moi, sire, disait l'aéronaute, j'ai des prin-
cipes : je suis républicain. Et vous ?
— "Dame ! moi aussi, répond le roi gouail-
leurs ; seulement, mon métier s'y oppose.
On sait que l'ancien ministre De Lantsheere,
père du ministre de la Justice, était un retors :
il combattait avec aoharnement les projets du
roi, ce -qui n'empêche nullement l'actuel direc-
teur de la Banque nationale de 'Bruxelles d'être
l'homme le plus décoré de Belgique. Or, un jour
que le ministre des Finances venait de faire
éCîJœ & un projet du roi, celui-ci de dire :
— Ah -! mons'eur de Lantsheere. je l'ai fait
couvrir de « crachats », mais il me -le rend
bien !.
Le mot suivant est d'un aquarelliste belge
connu. Le roi visitait une exposition des œu-
vres de Théo Hannon, loraquo — il y -a de 'c 'la
quelques années — s'étant approché du peintre,
il se mit ü fixer le modeste ruban violet — les
palmes académiques — qui s'épanouissait à la
boutonnière de l'artiste.
— Tiens, fit le roi ironiquement, vous êtes
« déjà » décoré ?
-Sire. ne regardez pas trop ma décoration,
sinon vous allez ta faire rougir.
Le roi trouva la plaisanterie exquise et le
lendemain, Théo Hannon était promu dans
l'ordre de Léopold.
-x-
D'Ennery était à table, & l'un de ses dîners du
dimanche, il découlait un perdreau, qui répan-
dait au loin une terrible odeur de faisandé, tan-
dis qu'une dame trop sensible donnait un li-
bre cours à ses plaintes, déplorant la triste né-
cessité où l'on était, pour se nourrir, de tuer
des petits oiseaux si charmants, 6i inoffensifs.
— Madame, lui dit d'Ennery, en se bouchant
le nez, ne vous apitoyez pas si fort sur ie sort
de celui-ci. Il y a si longtemps qu'il a été
tué !
Quand on lui disait : a Comme -le temps pas-
se ! » 41 répliquait en oaussant les épaules :
« C'est nous qui passons, le temps est immo-
bile ! »
Je relève encore cette boutade souvent citée :
« Je ne vais pas voir jouer les pièces de mes
confrères, disait-il ; si elles sont mauvaises,
elles m' « ennuient » ; si elles sont bonnes, el-
les. m' « embêtent ! »
-)(--
Un magazine américain publie quelques ren-
seignements sur les appointements que touchent
les journalistes aux Etats-Unis. Les chiffres qui
suivent feront sans doute rêver les modestes
journalistes parisiens.
Sur le Nouiveau Continent, un reporter touche
en moyenne '25.000 francs par en. Les rédac-
teurs dont la situation est faite, dont les noms
sont connus et les articles goûtés des lecteurs,
reçoivent jusqu'à 50.000 et 60.000 dollars, soit
250.000 et 800.000 francs. Le traitement d'un
critique dramatique n'est jamais inférieur à
120.000 francs.
Les correspondants de guerre sont, -entre tous,
les mieux payés et reçoivent en moyenne une
indemnité de 500 francs par jour. n ce s'agit,
bien entedu, que des correspondants des grands
journaux, comme le New-York Sun, etc., etc.
Pendant la guerre russo-japonaise, M. Davis,
correspondant du second, s'est fait une moyen-
ne de 4.000 francs par seonaine.
Au New-York Hérald, le chef des informations
reçoit la somme magnifique de 300.000 francs.
Dans ces chiffres sont compris, Il est vrai, les
frais que peuvent lui occasionner ses grands
(reportages.
On voit qu'en Amérique les journalistes peu-
vent vivre.
—
Nous nous plaignons, parfois du ridicule for-
malisme administratif. Nos bons voisins les Ita-
liens n'ont rien à nous envier à ce point de vue.
Récemment, le poète d'Annunzio était l'objet
d'une contravention fpour excès de vitesse. Il y
eut une enquête de police et il en résulta un
papier dans lequel il était dit que d'Annunzio
était sans profession et sans ressources, qu'il
avait une bonne conduite, un caractère doux,
des cheveux blonds et des yeux tendres.
Oh, ces yeux, ces yeux tendres !. Ils font
rêver Adèle.
- x
Un de nos confrères britanniques a eu l'idée
de demander à Mlle Adeline Genée, qui est la
Zambelli des Londoniens, son avis sur l'agi-
tation des suffragettes.
Mlle Adeline Genée a reçu son interlocuteur
en exécutant des pointes savantes 'et lui a ré-
pondu soit en mimant, soit en dansant.
Le reporter a parfaitement saisi le sens de
cette expressive conversation, et il a pris une
série dt'I photographies qui lu) ool servi à U-
lustrer son article*" - - - /'i;
5 Il me souvient qu'aux manœuvres dernières,
raconte un adjudant, pendant une journée de
marche sous un soleil de plomb, dans un nuage
continu de poussière ma section était harassée.
A chaque halte, c'étaient des cnutes dans les
fossés plutôt que des repos tranquilles.
« Me rendant compte de cet ébat de choses,
j'eus l'idée, au coup de sifflet du capitaine, de
remplacer le commandement par la phrase
suivante : « Ceux qui n'ont pas de commission-
« naires sont priés die reprendre leurs valiises. ».
Et aussitôt chacun de mes hommes de répéter :
« En avant les valises 1 »
« Le mot avait fait fortune : il n'a été quun
•ôciho pondant tout le reste de la manœuvre. Mes
hommes ne semblaient plus fatigués et leurs
quolibets tombaient dru sur Les pauvres traî-
nards sans sac. — « Où est donc ta valise ? »
— « Tu as perdu ta valise 1 » Il en faut si peu
pour amuser nos soldats !. »
Un mot lancé à propos suffit pour faire ou-
iblier à nos joyeux soWsaits -et le sac et la fati-
gue.
Le bêtisier de la presse britannique,
mi Daily Dispatch : « Le meilleur jour pour
voir les aviateurs est le jour où ibs volent. »
Du Lady : « A vendre beau bracelet en or
pouvant servir de chien favori. »
De la Nautwich Chronicle : C'est demain
que l'on tire au sort la veuve et les enfants de
'feu R. Turton »
Du Feathered World : « A vendre bon fusil
et excellent violon pour la chasse aux petits
ciseaux. »
Du Essex Weckly News: « Mme X., une
veuve séparée de son mari. »
Du Daily Mirror : « Son pied) droit se trou-
vait dans une position impossible. »
Du Cheshire County New : « Un grand nom-
bre des enfants de l'école ayant la tête mal
couverte, le généreux donateur a distribué 62
paires cte sabots. »
***
MOTS DE LA FIN
Chez le confiseur :
— Tu achètes des marrons glacés pour ta
belle-mère. Elle les aime donc ?
— Ce n'est pas qu'elle les aime. Mais c'est
si lourd à digérer !.
— ix", —
On vient de trouver un Jeune poète pendu
dans sa mansarde. A son gilet était épinglé un
papier sur lequel était écrit ces simples mots :
Je meurs où je m'attache.
X
Mots d'enfants.
Lili veut se faire peser aux champs-Elysées.
Elle prend place dans le fauteuil, en offrant
un sou à la femme.
— C'est deux sous, ma chérie.
- Eh bien 1 pèse-moi pour un sou : tu
ne me diras que la moitié de mon poids.
x
Place Beauvau.
Voie et voix hiérarchiques :
Le chef du cabinet de M. Briand à l'attaché.
— Veuillez, Monsieur, donner des ordres pour
faire atteler le coupé de M. le président 1
L'attaché à l'huissier. — Faites atteler la voi-
ture du patron !
L'huissier au cocher. - Hô, Joseph, attelle
le canasson à la bagnole du singe !
Feuilledevigne.
iMiUBiii
Mon Pauvre
Je le voyais tous les matins depuis des
années. L'habitude me l'avait rendu sym-
pathique et je tenais toujours, prêt dans
ma main, le sou que je déposais dans sa
ôél)iX*ô«
C'était un petit vieux tout rabougri, les
jambes torses, les mains rendues informes
par des rhumatismes. Une grande barbe
blanche très soignée ainsi qu'un chapeau
de feutre à larges bords, lui donnaient
quelque ressemblance avec un vieil artiste
tombé dans la c'ébine.
Toute sa physionomie empreinte de
grande douceur et son geste timide atti-
raient la compassion.
Or, F autre matin, le vieillard arrêta mon
geste et laissant dans ma main le sou
que je lui tendais :
— Excusez-moi, monsieur, dit-il, si je
me permets d'abuser de votre temps ! Mais
je ne veux pas quitter le quartier sans
vous témoigner ma reconnaissance. Vous
êtes un de mes plus anciens clients, et je
tiens à vous remercier.
— Vous allez quitter le quartier ?. Il
ne rend donc plus ? demandai-je.
— Mais si, monsieur, la place est assez
bonne et je la regretterai. Mais on ne m'y
tolère plus.
- Ah ! pourquoi donc ?
— C'est la faute aux journaux ! Oui,
monsieur. Ils se sont avisés d'avertir la
Préfecture ! Il parait que nous sommes
trop nomibreux dans la corporation. C'est
bien un peu vrai mais c'est la faute à la
vie, ça !. Tout le monde mendie. Sans
même 'bien savoir. Les enf!ants, on les
dresse dès qu'ils ont trois ans, car vous
pensez bien que les parents ne se sacri-
fient plus à faire étudier leurs enfants ?
Pour ce que ça rapporte !. Oui, monsieur,
dans notre partie il y a plus de bacheliers
qu'on ne croît. et alors, quand les autres
voient ça, ils préfèrent commencer tout de
suite par mendier. avant d'étudier !.
Moi qui vous parle.
— Vous avez toujours mendié ?
— Oui, monsieur. De père -en fils, ça a
toujours été notre métier. Car c'est un
vrai métier allez ! et qui est dur. Certai-
nement on a des -bénéfices, et je ne dis pas
qu'autrefois on ne se retirait pas avec sa
pelote. mais, les temps sont changés.
Les -gens n'ont plus de cœur !.
Le vieux m'intéressait.
— Eh ! dis-je, à quoi donc attribuez-vous
ïa perte de cet organe essentiel ?
— Au manque d'amour, monsieur.
J'esquissai un sourire étonné.
— Tel que je vous le dis,-monsieur. J'ai
remarqué que quand une jeunesse passe
souriante, chantonnant, les yeux brillant
d'un bonheur intérieur, c'est qu'elle est
amoureuse et .que l'amour la comble de ses
bienfaits. Alors son cœur se ~fene devant
le malheur et elle donne à qui tend la
main. La femme mariée — c'est une régle
presque absolue — ne donne que si elle
est adultère, car alors, c'est une pensée
est aà ~lière, 'la fait agir, - elle -croit -en £ai-
égoïste qui la fait agir ; elle croit en fai-
sant l'aumône effacer sa -faute ou 'du moins
la diminuer. Mais celles-là, .on ne les voit
plus !.?. -Ah ! ces taxi-autos -à vingt-cinq
sous -nous font bien ûu tort. Je vous ré-
pète, monsieur, il n'y a-plus d'amoureux 1
Le gouvernement fait la guerre S fct ,"
mendicité, il perd son temps, allez ! ellfc
disparaîtra toute seule sans eurs lois dra:-» j|
coniennes car le progrès la tue !. Leflu
jeunes hommes sont trop occupés de sporfy
ils délaissent la femme. Que voulez-voua
qu'ils fassent après du deux cent à l'heure'.-.
Les grisettes sont dans le marasme.; il
reste bien quelques cocottes, mais ta .vie*:
n'est pas toujours faciles pour elles. et.
elles n'ont pas le temps de s'attendrir..,
Et cette invention de chemin de feu
souterrain, ce sacré Métro, aux portes duv
quel il nous est interdit de stationner, vouar
ne pouvez vous figurer le tort énorme qu'iï.
nous fait. Tout ce monde qui voyage soua.
la terre ne voit pas ceux qui restent dessus^
et qui tendeat la main. Nous avions encou-
re les portes d'église. cela, dans le temp%
était une situation enviée. on y faisait sajti
fortune en dix ans. et on revendait trèaf
cher sa place. Mais c'est d'ini. fini. PllU
de recettes.
— A quoi cela tient-il, selon vous ?. -
— Mais au gouvernement donc ! ToCtC
simplement ! Depuis qu'on a voté la loi su"-
la séparation et supprimé ie traitement au3t
curés, vous pensez bien qu'eux ne se sont
pas mis la ceinture, bien sûr. Ils ont pieu-*?
ré dans le giron des vieilles dévotes et outn
réclamé pour eux, jusqu'aux pauvres so.u^-
qui tombaient dans nos doigts. •'
Et les bigots croiraient voler le curé s'ilaj;
nous abandonnaient un. seul centime ! Ain»
si, voilà. c'est les curés qui nous exploit
tent !. Je vous le répète, monsieur, le méj<
tier est fichu.
— Mais qu'allez-vous devenir ?
— Dame, mon bon monsieur, je vais réai1
liser mes économies et vivre de mes rentes
dans ma propriété de Chevreuse.
— Cela va changer vos habitudes, dis-j6,
apitoyé.
— Je m'en vais au bon moment, car le
danger s'annonce plus terrible.Enfin*-
monsieur, que voulez-vous que fassent left
mendigots avec les aéroplanes ?. Croyez*;
vous que les clients se feront descendr
pour nous apporter leur sou. Notre eones
mi, c'est le Progrès !. 11
Je quittai mon vieux pauvre sans qu'il
m'ait convaincu. Et je pensai que quand!:
nous voyagerons en aéroplanes, les mendié
gots sauront bien nous atteindre sur le?
terrasses. J'entends ceux qui sont vraiment
de la profession et qui ne boudent pas ft
l'ouvrage.
S. Marcienne. :~
mem —
Fantasia Appasionata
Je t'adore, ce n'est un secret pour personne.
Hormis peut-être toi dont le cœur est d'airain.
Et cet amour ardent à ce point me rançonne
Que je cherche l'espoir même dans ton dédaijSt
Afin de parvenir, par une ruse habile,
A ce que ton regard me soit compatissant
Je veux, pour une fois. dans l'ombre de Virgile,
Enfourcher, sans trembler, Pégaee hennissant
Je te ferai des vers. des vers riches en rime.
Dont chacun d'eux sera presque un « vers millioff t;
Chantant tes yeux pour qui je commettrais delf
E bo b~. l~1 (crial-et
Et ta bouche jolie aux lèvres vermillon.
Je rimerai toujours; il faut que mes vers miDeÛ
Toa insensible, cœur à coups lents, à lents verj
Et que tous ces assauts répétés se terminent
En mettant ton esprit et tes sens à l'envers.
Au rayon nrintanier Quand, dans le jardin, l'att)^
Très artistiquement va se vêtir de vert.
Je rythmerai ton nom, ô déesse de marbre.
Pour que l'amour pénètre en ton cœur entecueftff
L'été, quand la chaleur nous fait parfois peu sagès^'
Je viendrai te griser d'un mot tendre, et mes verrf
Pour ne pas t offusquer, seront des vers ni ligCi.
Ni trop dévergondés aux yeux de runivers.
Et je continuerai de chanter tes louantes
Lorsque l'automne aura semé ses coloris.
Coloris de déclins, coloris de vendantes,
Elégiaques, tels seront mes vers de gris.
L'hiver, près des chenets, par toi, douce maxSÏ £ ë#
Très tendrement berceur, je te balbutierai ;
Des vers emmitouflés, je dirai des vers d'âtre,
Villanelles, sonnets, va : je te charmerai.
Je te ferai des vers, vers blancs, vers duftf,
[qu'importes.
Vers luisants que l'Amour lorgnera de travers,
Je t'en ferai jusqu'à ce que tu me sois morte,
Jusqu'à ce que ton cœur soit rongé par les vere
Albert Hosslnj,
■ - ■ ■——w———- ■ '■■■»
EGRO
Par OSCAR METENIER
1
■ Bien qu'ils eussent depuis longtemps
passé l'âge auquel on maintient d'ordinaire
les chevaux de troupe en service, le « Né?
gro u, ni la « Norma » n'avaient jamais élit
proposés pour la réforme. c-.!.
Un jour d'inspection générale, le colonel;
avait nettement déclaré qu'il ne consenti-
rait jamais à livrer à l'équarrisseur ou
faire conduire au marché deux bêtes qui
étaient l'honneur et l'orgueil du régiménfe
C'est que Négro et la Norma ipouvaierfi
être fiers de leurs états de services. Toue,
deux avaient fait la grande guerre et porrs
taient des stigmates, qui sont la décoration?
des dhevaux.
La Norma avait vu Gravelottë ci Reiènj
shoffen et le lieutenant qui la montait, cHeï
d'escadron aujourd'hui, tombé dans un par.
ti de uhlans, n'avait dû la vie qu'à la-
tesse de la bonne bête. Ji
Elle avait connu les jours de diséVtff
cruelle où, dans un pays ruiné et couvert
de -neige, les chevaux ne trouvant -memef
plus d'écorce d'arbres, en avaient été rév
duits, pour tromper la ~him qui
la crinière et la eeuè.
Les crins de la « Vieille )'f C3TT)iflë 6W
l'avait surnommée, n'avaient jamais *re.;,j
ponssé mais nul ne songeait à rire de. som
COTÎ pelé et de sa queue de rat. J
Le Négro devait son nom à sa come'ury
Comme toùs les chevaux de trompette d'ar-4'
tillerie, il était d'un beau noir zain, aveC1
une petite lisse en tête se prolongeant eq-1,
tre rt'fltAftllV
Celui-là était la coquelu-Cnè du régiment
Il avait gardé, en dépit de l'âge,la vigueur
de ses jeunes ans. A l'épaule gauche, il
portait une énorme ~tialafre, trace d'tltf
éclat d'obus reçu à Champigny. *
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