Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-01-14
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 janvier 1884 14 janvier 1884
Description : 1884/01/14 (N2459,A8). 1884/01/14 (N2459,A8).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75071412
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/07/2012
ADMINISTRATION. RÉDACTrON & ANNONCES
- A PARIS
18 — Rue Riehep — 18
Les articles non insérés ne serontN
ABONNEMENTS
PARIS
TROIS MO/S. 5 FR.
SIX: !liOIS. G FR.
UN AN. 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE
QUOTIDIEN
-
UN NUMÉRO : 5 CENTIMES
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
TROIS MOIS. 6 FR.
SIX MOIS. 12 FR
UN AN. , 24, FR,
HUITIÈME AN NÉE.-NUMÉRO 2459
Lundi 14 Janvier 1884
t28 niyôse an 91)
LA LOGIQUE DES CHOSES
M. Ferdinand Dreyfus ne se doute pas
évidemment, de la politique qu'il inau-
gure et des conséquences auxquelles
elle aboutit. Il s'est chargé innocem-
ment du rapport sur la préfecture de
police, heureux de jouer son petit rôle
pendant un moment, sans s'imaginer de
la responsabilité qu'Il assume.
Sur - l'affirmatiôn de M. Waldeck-
Rousseau, il dit, comme la chose la
plus simple du monde, que la préfecture
de police ne peut pas coexister avec
un conseil municipal élu, parce que
ce conseil a le mauvais goût de
vouloir contrôler les 24 millions qu'il
lui allouait. M. Ferdinand Dreyfus,
ayant reconnu l'incompatibilité de ces
deux institutions, aussitôt lui et ses col-
lègues dérobent la préfecture de police
à tout contrôle du conseil municipal et
ils imposent à celui-ci une contribution
qu'il devra payer en silence. Ainsi sera
fait.
Le gouvernement se trompe grossiè-
rement s'il croit que le conseil munici-
pal la subira tranquillement. Il la refu-
sera et opérera des suppressions de
recettes équivalentes, par des dégrève-
ments d'octroi.
Le gouvernement, pour retrouver sa
contribution, désorganisera le s services
de l'instruction et de la voirie. Le pré-
fet de la Seine sera uans l'impossibilité
d administrer.
Le conseil municipal protestera et
soufflettera le ministre de la police
d'ordres du jour auxquels s'associera
toute la population parisienne. M, Wal-
deck-ltousceau alors, viendra devant la
Chambre "avec un nouveau projet de
loi jet M. Ferdinand Dreyfas fera un
rapport aboutisoant à cette conclusion :
— Le ministère de la police ne pouvant
pas plus coexister avec un conseil mu-
nicipal élu que la préfecture de police,
nous vous proposons la suppression
du conseil municipal de Pans et son
remplacement par l'ancienne commis-
sion municipale qui a fonctionne si
paisiblement soas l'empire. — Ainsi se-
ra lait.
M..vl. Lecour, Marseille, Ansart, Macé,
etc., dans leurs dépositions devant les
commissions d'enquête du 4 septembre,
du 18 mars, ont declaré qu'à leurs yeux,
il n y avait pas de police possible avec
une presse qui révélait ses secrets, cri-
tiquait ses agents, les déconsidérait en
racontant leurs infamies.
-• Cette déclaration est restée le credo
dç tout bon policier. Un de ces jours,
i% même M. Waldeck-Rousseau appor-
tera un nouveau projet de loi.
Et M. Ferdinand Dreyfus et ses col-
lègues s'empresseront de se réunir et
de rédiger un rapport déclarant : — que
la liberté de la presse et la liberté de
réunion ne pouvant coexister avec le
ministère de la police, ils proposent de
supprimer la liberté de la presse et la
liberté de réunion et d'en revenir au ré-
gime de 1852, indispensable pour assu-
rer le fonctionnement « de l'action gou-
vernementale de la police ». — Ainsi
sera fait.
Si M. Waldeck-Rousseau soustrait la
préfecture de police au contrôle du con-
seil municipal, ce n'est pas probable-
ment dans 1 intention de lui assurer un
contrôle plus efficace. Mais il se peut
qu'il se trompe dans ce calcul ; qu une
commission du budget curieuse veuille
porter la lumière dans cette caverne ;
que, n'étant plus retenus ni par l'arrêté
de messidor, ni par l'arrêté du 20 juin
1871, ses membres, investis des préro-
gatives parlementaires, s'immiscent
dans les services, les bousculent, sup-
priment les agents provocateurs, les
deux premières brigades de recherches
qui ne s'occupent que de politique, l'o-
dieuse police des mœurs, le contrôle
qui est une officine de complots et d'é-
meutes ; que, forts du droit d'investiga-
tion sans limites que leur donne leur
mandat, un jour, ils entrent au minis-
tère de la police et fouillent dans ces
do ssiers où la préfecture de police en-
tasse ses mensonges et ses calomnies j
sur tous les hommes qu'elle s'arroge le
droit de surveiller depuis les députés 1
jusqu'au président de la République;
que certains députés, indignés de
toutes les infamies qu'ils auront tou-
chées du doigL, viennent les étaler à la
tribune, — toutes choses qui se produi-
ront un jour ou l'autre, — M. Waldeck-
Rousseau apportera immédiatement un
nouveau projet de loi. Alors M. Ferdi-
nand Dreyfus et ses amis déclareront
qu'en effet il y a incompatibilité entre
l'organisation du ministère de la police
et le contrôle de la Chambre; que, par
conséquent, il faut supprimer celui-ci et
inscrire en bloc le crédit. — Ainsi sera
fait.
Alors, mis en goût par ces' succès
successifs et par la facilité avec laquelle
M. Ferdinand Dreyfus et ses amis ont
obéi à toutes les injonctions ministé-
rielles, M. Jules Ferry transformera en
un projet ferme la conviction, manifes-
tée ,>a. lui si clairement dans les affai-
res ae Tunisie, du Tonkin, de Madagas-
car, qu'il y a incompatibilité entre 1 ar-
ticle 9 de la Constitution et la politique
d'aventures extérieures. Ce sera le
principal produit de la revis ion consti-
tutionnelle qu'il proposera au Congrès;
et M. Ferdinand Dreyfus et ses amis,
reconnaissant que la coexistence de
l'article 9 et du ministère Ferry est im-
possible, on proposerait la suppression.
Ainsi sera fait.
Mais le ministre de la guerre dira
avec non moins de raison que le con-
trôla du Parlement livre le secret de
nos forces et de nos faiblesses à l'en-
nemi ; que les débats, les rapports du
budget valent mieux que tous les es-
pions du monde; qu'il demande donc.
et M. Ferdinand Dreyfus et ses amis dé-
clareront qu'en effet ces raisons sont
très fortes; que jamais le budget du mi-
nistère de la guerre n'a été contrôlé,
par un Parlement sous Napoléon Ier;
que c'était là, sans nul doute, ce qui fai-
sait sa force redoutable ; et en consé-
quence, ils proposeront que les affaires
militaires soient soustraites au contrôle
de la Chambre et du Sénat. Ainsi sera
fait.
Le ministre de la marine invoquera
les mêmes arguments; et M. Ferdinand
Dreyfus et ses amis les reproduiront.
Le ministre des finances dira que
c'est une cause de faiblesse pour un
pays d'étaler ses ressources, ses em-
barras, de donner le chiffre de ses re-
cettes et de ses dépenses; que Louis XIV
brûlait soigneusement son budget, et
M. Ferdinand Dreyfus et ses amis
approuveront.
Il en sera de même pour les autres
ministères.
MM. Jules Ferry et Waldeck-Rous-
seau démontreront, sans peine, que les
discussions excitent les passions popu-
laires qu'il faudrait calmer; que les par-
tis entravent l'action des gouverne-
ffiêîits ; que la responsabilité d s mi-
nistres empêche la stabilité, indispen-
sable à une politique à grandes vues ;
que le régime parlementaire est nuisible
à l'expédition des affaires; que la France
en a fait l'épreuve, et en est dégoûtée,
comme le prouve l'indifférence avec la-
quelle elle a accueilli Ces sup tressions
successives de prétendues libertés, aux-
quelles ne tenaient que quelques agi-
tateurs et quelques brouillons ; en
conséquence, ils proposeront le retour à
la Constitution de l'an VIII, dont la soli-
dité est démontrée par toutes les insti-
tutions qu'elle nous a léguées, la pré-
fecture de police comprise. Ils y join-
dront peut-être quelques amendements
pris dans la Constitution de 1852.
M. Ferdinand Dreyfus et ses amis dé-
clareront qu'il y a, en effet, incompati-
bilité entre l'esprit mobile, critique, mé-
content des Français et un gouverne-
ment stable, et, par conséquent, propo-
seront d'adopter les vues si sages, em-
preintes d'un si grand esprit politique
de MM. Waldeck-Rousseau et Jules
Ferry ; et, ce jour-là, peu importe le
nom que portera le gouvernement de la
France, peu importe le nom de celui qui
sera à sa tête: — l'empire sera fait !
J'entends M. Ferdinand Dreyfus dire :
— C'est de l'exagération.
Et pourquoi ? IF en est à la première
étape. Sait-il jusqu'où il ira?
———————— ————————
PETITE BOURSE DU SOIR
3 0/0 76 81 Lots Tares
3 0/0 amortis Kgypte 339 37
4t/20/0. 10697 tUoTtnto.
Italien 9120 Kxt. 4,0/0 56 9/32
Turc Panalua.
Suez .2.037. Phénix.-.
Banque ottom.. 672.10 Foncier • • •••••
-010.
LES COULISSES
DE LA POLITIQUE
LA SÉANCE DE LA CHAMBRE
Naturellement la séance a débuté par le tradi.
tionnel discours du @ président. Ceux qui comp-
taient sur un gros événement ont dû être péni-
blement déçus. Dieu sait les racontars dange-
reux que l'on a entassés depuis huit jours. M.
Brisson devait parler des opportunistes, de la
revision, du congrès, de rassemblée consti-
tuante, etc., etc. En somme, il s'est borné à
conseiller aux jeunes élèves d'être bien sages et
les a félicités de leur respect pour les cheveux
blancs de leur président d'âge.
A ce propos, nous sommes dans la doulou-
reuse nécessité, malgré tout notre désir de le
retrouver l'année prochaine, d'exprimer nos
craintes à l'honorable M. Guichard. Il lui sera
difficile de survivre à pareille oraison funèbre,
mais du moins il aura la consolation de suc-
comber sous les fleurs.
*
* *
Quand le président s'est rassis, a commencé
l'assaut de l'ordre du jour. A voir se presser au
pied de la tribune les députés qui veulent faire
placer quelque chose, on croirait que la C i am-
bre va, en quinze jours, résoudre tous les pro.
blèmes politiques et sociaux. Inutile de dire que
lorsqu'un projet est inscrit ce n'est pas une
raison pour qu'il sorte plus vite, que la Cha:n-
bre se a juge tous les jours et passe un quart
d'heure à chaque fin de séance à défai e par
quelque côté l'œuvre du premier jour. Chacun
sait cela, mais ça n'empêche rien, au contraire.
Ça coûte si peu et l'on a son nom à l'Officiel.
La seule question intéressante a été soulevée
par M. SIGISMOND LACROIX qui demandait à la
Chambre de renvoyer à l'heure, où la commis-
sion municipale aurait déposé son rapport sur
le régime administratif de Paris, la discussion
du projet de rattachement de la préfecture de
police.
Vains efforts. C'est par là que l'on débutera,
pour passer ensuite au chef.d'o::uvre de M. Wal-
deck-Rousseau. J'ai nommé la loi sur les mani-
festations publiques.
Que ceux qui pouvaient encore conserver des
illusions se hâtent de les perdre, s'ils veulent
garder un semblant.de bonne foi. La police aux
mains du ministre de l'intérieur et la destruc-
tion de la loi sur la presse dans ce qu'elle avait
d'un peu libéral, voilà ce que l'on demande à la
Caambre. Comme prélude à la revision de la
constitution, ce n'est vraiment pas mal.
*
* *
Le côté gai est représenté par M. Langlôis qui
veut interpeller le gouvernement sur son pro-
gramme économique. On sentait bien depuis
quelque temps que le souvenir de Proudhon em-
pêchait de dormir l'honorable député de Seine-et-
Oise. Espérons que la Chambre ne tardera pas
FEUILLETON DU 14 JANVIER 1884
72
Le Point Noir
PREMIÈRE PARTIE
LE TRONC DES PAUVRES
XL VIII
La Fuite
(Suite.
Hélas ! il ne le savait que trop, le malheu-
reux qui n'avait, ni dans le vice,ni dans le
crime, cette audace supérieure, ou cette
grandeur farouche, qui distinguaient Diane
de Ferriic et Antoine Caussade.
— Quant à l'homme qui nous est appa-
ru, — poursuivit-elle, du ton de quelqu'un
qui pense haut,— il est évident qu'il sait.
il nous épiait. Cependant, le hasard seul
•a pu tout faire.
Enfin, quel qu'il soit. quelle que soit la
fa^on dont il a connu ou surpris noire se-
cret, peu importe pour le moment.
Nous verrons plus tard !
Il nous a sauvés. — Voilà le fait.
— Ah ! le coup est rude ! — murmura de
Richemond- — Et nous sommes impar-
donnables de nous être laissé surprendre
ainsi !
— Surprendre. Avons-nous donc été
surpris ?
— Comment. vous en doutez? — Si le
comte vous a vu entrer dans la maison ?.
— Gela n'est point prouvé. Cela n'est
même pas probable. d'après ce qu'a dit
l'homme.
Ii n'a encore, cette fois-ci, que des soup-
çons, des probabilités, dê« apparences.
Caussade, — qu'il suivait, — est arrivé
longtemps après moi.
Il avait perdu ma piste. et il aura ren-
contré Antoine en route
- Et ce gant trouvé par lui ?
- Toutes les femmes peuvent perdre un
gant dans la rue. 11 n'y a pas que moi
qui ait ma pointure, ni qui use de cer-
tains parfums.
— La présence de Gaussade dans cette
chambre ?
— C'est le plus grave 1 — Mais Caussade
et cet inconnu sauront trouver une fable.
Tant que je n'ai point été prise en fla-
grant délit. je nie. et il ne pourra me
confondre.
Je ne crains plus rien.
Là-bas, j'avais peur. parce que le comte
pouvait me voir.
11 ne m'a point vue. Tout est là !
La lutte sera sérieuse, terrible. Mais
j'en sortirai victorieuse.
Quant à toi, il ne te soupçonne pas.
C'est le principal.
— Il va tuer Gaussade ! — reprit de Ri-
chemond, à qui cette idée d'être débarras-
sé d'un complice gênant, depuis l'assassi-
nat de Justine Bonnefoy, ne semblait pas
déplaire autrement.
— Tu ne connais pas mon mari ! — fit
Diane, en haussant les épaules.
Tuer Gaussade!. Au risque de révéler
sa jalousie. dattirer l'attention de la
justice. de jeter la honte et le scandale
sur son nom. Jamais I
Moi, il me tuerait !. toi aussi !. s'il sa-
vait la vérité.
Mais il ne la sait pas. et il se gardera
de faire un éclat compromettant, et sans
résultat.
Paul de Richemond ne trouvait qu'une
bien faible consolation dans les réponses
de sa maîtresse. -
— Il verra que la maison a deux issues.
Il devinera que tu t'es enfuie.
— Deviner n'est pas prouver! - répli-
qua-t-elle.
— Diane ! — reprit le vicomte avec ef-
fort, — il serait peut-être plus prudent.
de cesser nos relations.
Diane le regarda fixement.
- Lâche ! — lui dit-elle froidement.
— Pour toi, oui !
Elle ricana.
— L'homme qui aime, — répondit-elle
avec son accent d'ironie coupante, — n'of-
fre pas à une femme dans le péril, de l'a-
bandonner, pour la sauver.
Il lui offre de mourir pour elle. ou avec
elle !.
Paul de Richemond se tut.
- D'ailleurs, si je le croyais nécessaire
à mon salut. ce serait déjà fait.. Je n'au-
rais pas attendu ta proposition, et je ne
t'aurais pas demandé ta permission.
— Où sommes-nous ? reprit Diane, après
un court silence.
— Rue Richelieu !
— Fais arrêter devant un gantier.
De Richemond transmit l'ordre aU co-
cher.
Dès que la voiture s'arrêta, ia comtesse
descendit vivement et entra dans une
boutique élégante, où elle se fit essayer
une paire de gants de la nuance exacte
de ceiui qu'elle avait conservé.
La ressemblance en était complète.
Elle laissa le gant dépareillé sur le
comptoir et remonta en voiture.
Quelques minutes après, elle apparais*
sait de nouveau dans sa luge.
Il n'était que onze heures, et il restait
encore à jouer les deux derniers tableaux
du chef-d'œuvre de Gounod.
— Je vous quitte, — fit Paul de Riche.
mond, qui l'avait accompagné, après avoii
payé le cocher.
— Du lout! — répliqua nettement la
comtesse. - Tu dînais au ministère des
affaires étrangères. — Tu es venu me re-
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LA LOGIQUE DES CHOSES
M. Ferdinand Dreyfus ne se doute pas
évidemment, de la politique qu'il inau-
gure et des conséquences auxquelles
elle aboutit. Il s'est chargé innocem-
ment du rapport sur la préfecture de
police, heureux de jouer son petit rôle
pendant un moment, sans s'imaginer de
la responsabilité qu'Il assume.
Sur - l'affirmatiôn de M. Waldeck-
Rousseau, il dit, comme la chose la
plus simple du monde, que la préfecture
de police ne peut pas coexister avec
un conseil municipal élu, parce que
ce conseil a le mauvais goût de
vouloir contrôler les 24 millions qu'il
lui allouait. M. Ferdinand Dreyfus,
ayant reconnu l'incompatibilité de ces
deux institutions, aussitôt lui et ses col-
lègues dérobent la préfecture de police
à tout contrôle du conseil municipal et
ils imposent à celui-ci une contribution
qu'il devra payer en silence. Ainsi sera
fait.
Le gouvernement se trompe grossiè-
rement s'il croit que le conseil munici-
pal la subira tranquillement. Il la refu-
sera et opérera des suppressions de
recettes équivalentes, par des dégrève-
ments d'octroi.
Le gouvernement, pour retrouver sa
contribution, désorganisera le s services
de l'instruction et de la voirie. Le pré-
fet de la Seine sera uans l'impossibilité
d administrer.
Le conseil municipal protestera et
soufflettera le ministre de la police
d'ordres du jour auxquels s'associera
toute la population parisienne. M, Wal-
deck-ltousceau alors, viendra devant la
Chambre "avec un nouveau projet de
loi jet M. Ferdinand Dreyfas fera un
rapport aboutisoant à cette conclusion :
— Le ministère de la police ne pouvant
pas plus coexister avec un conseil mu-
nicipal élu que la préfecture de police,
nous vous proposons la suppression
du conseil municipal de Pans et son
remplacement par l'ancienne commis-
sion municipale qui a fonctionne si
paisiblement soas l'empire. — Ainsi se-
ra lait.
M..vl. Lecour, Marseille, Ansart, Macé,
etc., dans leurs dépositions devant les
commissions d'enquête du 4 septembre,
du 18 mars, ont declaré qu'à leurs yeux,
il n y avait pas de police possible avec
une presse qui révélait ses secrets, cri-
tiquait ses agents, les déconsidérait en
racontant leurs infamies.
-• Cette déclaration est restée le credo
dç tout bon policier. Un de ces jours,
i% même M. Waldeck-Rousseau appor-
tera un nouveau projet de loi.
Et M. Ferdinand Dreyfus et ses col-
lègues s'empresseront de se réunir et
de rédiger un rapport déclarant : — que
la liberté de la presse et la liberté de
réunion ne pouvant coexister avec le
ministère de la police, ils proposent de
supprimer la liberté de la presse et la
liberté de réunion et d'en revenir au ré-
gime de 1852, indispensable pour assu-
rer le fonctionnement « de l'action gou-
vernementale de la police ». — Ainsi
sera fait.
Si M. Waldeck-Rousseau soustrait la
préfecture de police au contrôle du con-
seil municipal, ce n'est pas probable-
ment dans 1 intention de lui assurer un
contrôle plus efficace. Mais il se peut
qu'il se trompe dans ce calcul ; qu une
commission du budget curieuse veuille
porter la lumière dans cette caverne ;
que, n'étant plus retenus ni par l'arrêté
de messidor, ni par l'arrêté du 20 juin
1871, ses membres, investis des préro-
gatives parlementaires, s'immiscent
dans les services, les bousculent, sup-
priment les agents provocateurs, les
deux premières brigades de recherches
qui ne s'occupent que de politique, l'o-
dieuse police des mœurs, le contrôle
qui est une officine de complots et d'é-
meutes ; que, forts du droit d'investiga-
tion sans limites que leur donne leur
mandat, un jour, ils entrent au minis-
tère de la police et fouillent dans ces
do ssiers où la préfecture de police en-
tasse ses mensonges et ses calomnies j
sur tous les hommes qu'elle s'arroge le
droit de surveiller depuis les députés 1
jusqu'au président de la République;
que certains députés, indignés de
toutes les infamies qu'ils auront tou-
chées du doigL, viennent les étaler à la
tribune, — toutes choses qui se produi-
ront un jour ou l'autre, — M. Waldeck-
Rousseau apportera immédiatement un
nouveau projet de loi. Alors M. Ferdi-
nand Dreyfus et ses amis déclareront
qu'en effet il y a incompatibilité entre
l'organisation du ministère de la police
et le contrôle de la Chambre; que, par
conséquent, il faut supprimer celui-ci et
inscrire en bloc le crédit. — Ainsi sera
fait.
Alors, mis en goût par ces' succès
successifs et par la facilité avec laquelle
M. Ferdinand Dreyfus et ses amis ont
obéi à toutes les injonctions ministé-
rielles, M. Jules Ferry transformera en
un projet ferme la conviction, manifes-
tée ,>a. lui si clairement dans les affai-
res ae Tunisie, du Tonkin, de Madagas-
car, qu'il y a incompatibilité entre 1 ar-
ticle 9 de la Constitution et la politique
d'aventures extérieures. Ce sera le
principal produit de la revis ion consti-
tutionnelle qu'il proposera au Congrès;
et M. Ferdinand Dreyfus et ses amis,
reconnaissant que la coexistence de
l'article 9 et du ministère Ferry est im-
possible, on proposerait la suppression.
Ainsi sera fait.
Mais le ministre de la guerre dira
avec non moins de raison que le con-
trôla du Parlement livre le secret de
nos forces et de nos faiblesses à l'en-
nemi ; que les débats, les rapports du
budget valent mieux que tous les es-
pions du monde; qu'il demande donc.
et M. Ferdinand Dreyfus et ses amis dé-
clareront qu'en effet ces raisons sont
très fortes; que jamais le budget du mi-
nistère de la guerre n'a été contrôlé,
par un Parlement sous Napoléon Ier;
que c'était là, sans nul doute, ce qui fai-
sait sa force redoutable ; et en consé-
quence, ils proposeront que les affaires
militaires soient soustraites au contrôle
de la Chambre et du Sénat. Ainsi sera
fait.
Le ministre de la marine invoquera
les mêmes arguments; et M. Ferdinand
Dreyfus et ses amis les reproduiront.
Le ministre des finances dira que
c'est une cause de faiblesse pour un
pays d'étaler ses ressources, ses em-
barras, de donner le chiffre de ses re-
cettes et de ses dépenses; que Louis XIV
brûlait soigneusement son budget, et
M. Ferdinand Dreyfus et ses amis
approuveront.
Il en sera de même pour les autres
ministères.
MM. Jules Ferry et Waldeck-Rous-
seau démontreront, sans peine, que les
discussions excitent les passions popu-
laires qu'il faudrait calmer; que les par-
tis entravent l'action des gouverne-
ffiêîits ; que la responsabilité d s mi-
nistres empêche la stabilité, indispen-
sable à une politique à grandes vues ;
que le régime parlementaire est nuisible
à l'expédition des affaires; que la France
en a fait l'épreuve, et en est dégoûtée,
comme le prouve l'indifférence avec la-
quelle elle a accueilli Ces sup tressions
successives de prétendues libertés, aux-
quelles ne tenaient que quelques agi-
tateurs et quelques brouillons ; en
conséquence, ils proposeront le retour à
la Constitution de l'an VIII, dont la soli-
dité est démontrée par toutes les insti-
tutions qu'elle nous a léguées, la pré-
fecture de police comprise. Ils y join-
dront peut-être quelques amendements
pris dans la Constitution de 1852.
M. Ferdinand Dreyfus et ses amis dé-
clareront qu'il y a, en effet, incompati-
bilité entre l'esprit mobile, critique, mé-
content des Français et un gouverne-
ment stable, et, par conséquent, propo-
seront d'adopter les vues si sages, em-
preintes d'un si grand esprit politique
de MM. Waldeck-Rousseau et Jules
Ferry ; et, ce jour-là, peu importe le
nom que portera le gouvernement de la
France, peu importe le nom de celui qui
sera à sa tête: — l'empire sera fait !
J'entends M. Ferdinand Dreyfus dire :
— C'est de l'exagération.
Et pourquoi ? IF en est à la première
étape. Sait-il jusqu'où il ira?
———————— ————————
PETITE BOURSE DU SOIR
3 0/0 76 81 Lots Tares
3 0/0 amortis Kgypte 339 37
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Italien 9120 Kxt. 4,0/0 56 9/32
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-010.
LES COULISSES
DE LA POLITIQUE
LA SÉANCE DE LA CHAMBRE
Naturellement la séance a débuté par le tradi.
tionnel discours du @ président. Ceux qui comp-
taient sur un gros événement ont dû être péni-
blement déçus. Dieu sait les racontars dange-
reux que l'on a entassés depuis huit jours. M.
Brisson devait parler des opportunistes, de la
revision, du congrès, de rassemblée consti-
tuante, etc., etc. En somme, il s'est borné à
conseiller aux jeunes élèves d'être bien sages et
les a félicités de leur respect pour les cheveux
blancs de leur président d'âge.
A ce propos, nous sommes dans la doulou-
reuse nécessité, malgré tout notre désir de le
retrouver l'année prochaine, d'exprimer nos
craintes à l'honorable M. Guichard. Il lui sera
difficile de survivre à pareille oraison funèbre,
mais du moins il aura la consolation de suc-
comber sous les fleurs.
*
* *
Quand le président s'est rassis, a commencé
l'assaut de l'ordre du jour. A voir se presser au
pied de la tribune les députés qui veulent faire
placer quelque chose, on croirait que la C i am-
bre va, en quinze jours, résoudre tous les pro.
blèmes politiques et sociaux. Inutile de dire que
lorsqu'un projet est inscrit ce n'est pas une
raison pour qu'il sorte plus vite, que la Cha:n-
bre se a juge tous les jours et passe un quart
d'heure à chaque fin de séance à défai e par
quelque côté l'œuvre du premier jour. Chacun
sait cela, mais ça n'empêche rien, au contraire.
Ça coûte si peu et l'on a son nom à l'Officiel.
La seule question intéressante a été soulevée
par M. SIGISMOND LACROIX qui demandait à la
Chambre de renvoyer à l'heure, où la commis-
sion municipale aurait déposé son rapport sur
le régime administratif de Paris, la discussion
du projet de rattachement de la préfecture de
police.
Vains efforts. C'est par là que l'on débutera,
pour passer ensuite au chef.d'o::uvre de M. Wal-
deck-Rousseau. J'ai nommé la loi sur les mani-
festations publiques.
Que ceux qui pouvaient encore conserver des
illusions se hâtent de les perdre, s'ils veulent
garder un semblant.de bonne foi. La police aux
mains du ministre de l'intérieur et la destruc-
tion de la loi sur la presse dans ce qu'elle avait
d'un peu libéral, voilà ce que l'on demande à la
Caambre. Comme prélude à la revision de la
constitution, ce n'est vraiment pas mal.
*
* *
Le côté gai est représenté par M. Langlôis qui
veut interpeller le gouvernement sur son pro-
gramme économique. On sentait bien depuis
quelque temps que le souvenir de Proudhon em-
pêchait de dormir l'honorable député de Seine-et-
Oise. Espérons que la Chambre ne tardera pas
FEUILLETON DU 14 JANVIER 1884
72
Le Point Noir
PREMIÈRE PARTIE
LE TRONC DES PAUVRES
XL VIII
La Fuite
(Suite.
Hélas ! il ne le savait que trop, le malheu-
reux qui n'avait, ni dans le vice,ni dans le
crime, cette audace supérieure, ou cette
grandeur farouche, qui distinguaient Diane
de Ferriic et Antoine Caussade.
— Quant à l'homme qui nous est appa-
ru, — poursuivit-elle, du ton de quelqu'un
qui pense haut,— il est évident qu'il sait.
il nous épiait. Cependant, le hasard seul
•a pu tout faire.
Enfin, quel qu'il soit. quelle que soit la
fa^on dont il a connu ou surpris noire se-
cret, peu importe pour le moment.
Nous verrons plus tard !
Il nous a sauvés. — Voilà le fait.
— Ah ! le coup est rude ! — murmura de
Richemond- — Et nous sommes impar-
donnables de nous être laissé surprendre
ainsi !
— Surprendre. Avons-nous donc été
surpris ?
— Comment. vous en doutez? — Si le
comte vous a vu entrer dans la maison ?.
— Gela n'est point prouvé. Cela n'est
même pas probable. d'après ce qu'a dit
l'homme.
Ii n'a encore, cette fois-ci, que des soup-
çons, des probabilités, dê« apparences.
Caussade, — qu'il suivait, — est arrivé
longtemps après moi.
Il avait perdu ma piste. et il aura ren-
contré Antoine en route
- Et ce gant trouvé par lui ?
- Toutes les femmes peuvent perdre un
gant dans la rue. 11 n'y a pas que moi
qui ait ma pointure, ni qui use de cer-
tains parfums.
— La présence de Gaussade dans cette
chambre ?
— C'est le plus grave 1 — Mais Caussade
et cet inconnu sauront trouver une fable.
Tant que je n'ai point été prise en fla-
grant délit. je nie. et il ne pourra me
confondre.
Je ne crains plus rien.
Là-bas, j'avais peur. parce que le comte
pouvait me voir.
11 ne m'a point vue. Tout est là !
La lutte sera sérieuse, terrible. Mais
j'en sortirai victorieuse.
Quant à toi, il ne te soupçonne pas.
C'est le principal.
— Il va tuer Gaussade ! — reprit de Ri-
chemond, à qui cette idée d'être débarras-
sé d'un complice gênant, depuis l'assassi-
nat de Justine Bonnefoy, ne semblait pas
déplaire autrement.
— Tu ne connais pas mon mari ! — fit
Diane, en haussant les épaules.
Tuer Gaussade!. Au risque de révéler
sa jalousie. dattirer l'attention de la
justice. de jeter la honte et le scandale
sur son nom. Jamais I
Moi, il me tuerait !. toi aussi !. s'il sa-
vait la vérité.
Mais il ne la sait pas. et il se gardera
de faire un éclat compromettant, et sans
résultat.
Paul de Richemond ne trouvait qu'une
bien faible consolation dans les réponses
de sa maîtresse. -
— Il verra que la maison a deux issues.
Il devinera que tu t'es enfuie.
— Deviner n'est pas prouver! - répli-
qua-t-elle.
— Diane ! — reprit le vicomte avec ef-
fort, — il serait peut-être plus prudent.
de cesser nos relations.
Diane le regarda fixement.
- Lâche ! — lui dit-elle froidement.
— Pour toi, oui !
Elle ricana.
— L'homme qui aime, — répondit-elle
avec son accent d'ironie coupante, — n'of-
fre pas à une femme dans le péril, de l'a-
bandonner, pour la sauver.
Il lui offre de mourir pour elle. ou avec
elle !.
Paul de Richemond se tut.
- D'ailleurs, si je le croyais nécessaire
à mon salut. ce serait déjà fait.. Je n'au-
rais pas attendu ta proposition, et je ne
t'aurais pas demandé ta permission.
— Où sommes-nous ? reprit Diane, après
un court silence.
— Rue Richelieu !
— Fais arrêter devant un gantier.
De Richemond transmit l'ordre aU co-
cher.
Dès que la voiture s'arrêta, ia comtesse
descendit vivement et entra dans une
boutique élégante, où elle se fit essayer
une paire de gants de la nuance exacte
de ceiui qu'elle avait conservé.
La ressemblance en était complète.
Elle laissa le gant dépareillé sur le
comptoir et remonta en voiture.
Quelques minutes après, elle apparais*
sait de nouveau dans sa luge.
Il n'était que onze heures, et il restait
encore à jouer les deux derniers tableaux
du chef-d'œuvre de Gounod.
— Je vous quitte, — fit Paul de Riche.
mond, qui l'avait accompagné, après avoii
payé le cocher.
— Du lout! — répliqua nettement la
comtesse. - Tu dînais au ministère des
affaires étrangères. — Tu es venu me re-
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