Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-01-01
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 janvier 1884 01 janvier 1884
Description : 1884/01/01 (N2446,A8). 1884/01/01 (N2446,A8).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75071286
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
(..:.:
ADMINISTRATION. RÉDACTION & ANNONCEE
À PARIS
.1 il Hue Blehep m 18
: fcw article» non insérés ne$ejro
~e~ a
ABONNEMRNTa
paris
TROIS MOIS. 5 Pft.
SU MOIS - 9 FR.
M AU x8 |tr.
JOURNAL POLITIQUE
QUOTIDIEN
UN NUMÉRO : 6 CENTIMES
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
TROIS tiens. 6 M.
six mois» ta ta
CN as.. 24. fs.
HUITIÈME ANNÉE. -NUMÉRO 2446
Mardi Ie* Janvier 1884
U5 nivôse an 91)
LA -TRAHISON ORIGINELLE -
L'année parlementaire n'avait pas
bien commencé; par contre elle finit
eai. Ouverte dans l'impuissance, la
session s'est achevée dans l'abdication..
Après avoir fui devant les réformes, la
Chambre s'humilie devant le Sénat.
Après avoir déserté ses promesses, elle
abandonne ses prérogatives.Après avoir
trahi ses électeurs, elle se trahit elle-
même. Si bien que l'année 1883 aura
cette gloire d'avoir vu le triomphe de la
palinodie et de la défection.
Il n'en pouvait être différemment. Née
d'un mensonge, la majorité des modé-
rés — maintenant « aplatis » - que M.
Ferry mène en laisse, était condamnée
d'avanoe à une perpétuelle désertion.
Tous tant qu'ils sont — à dix ou douze
exception près — ces honnêtes gens se
sont fait élire sous le masque d'un ra-
dicalisme caractérisé. Tous ils ont fait
des promesses, signé des programmes
radicaux. Puis, l'élection acquise —
c'est-à-dire le tour joué, l'escroquerie
une fois réussie, Ces gens de bien ont
mis leurs promesses au panier, leurs
programmes au feu.
Les électeurs, naturellement se sont
fâchés, ont protesté de leur mieux ; ils
n'ont pas manqué la plus petite occasion
d'élire des radicaux pour bien marquer
leur sentiment. Et messieurs les mo-
dérés, alors, se sentant menacés dans
leur réélection prochaine, ont cherché
partout un gouvernement à poigne qui
voulùt bien, avec eux, déclarer la guer-
re atfx radicaux et préparer, par une
candidature officielle savamment orga-
nisée, la réélection des défectionnistes
que répudie, devance le suffrage uni-
versel.
Voilà tout le secret de la politique
gouvernementale ; voilà l'explication, la
clé de tout ce qui se fait en France de-
puis deux ans.
Juste au moment où ceë déserteurs
cherchaient un chef qui fît la guerre à
"honnêteté politique, M. Ferry cher-
chait une majorité, qui, débarrassée de
préjugés et riche d'appétits, vide d'idées
et pleine de besoins, fût suffisamment
abandonnée des électeurs pour être for-
,cément fidèle au pouvoir, une majorité
qui fût, en un mot, trop compromise,
pour n'être pas soumise.
* Ces deux trahisons' se rencontrant
ont fusionné. De là le gouvernement
dont nous jouissons.
Seulement, si bien assortie qu'elle fût,
cette union ne pouvait être féconde. Qui
dit désertion,dit faiblesse, impuissance,
ignorance même, le plus souvent. C'est
faute de savoir et faute d'oser que les
modérés -, médiocres d'intelligence
pour la plupart, et même, parfois, igna-
res — ont reculé devant des program-
mes qu'ils n'étaient pas en état de com-
prendre.. Maintenant, leur trahison les
tient et ne les lâche plus. Ils sont com-
me étaient les mameluks de l'empire,
enregimentés et domestiqués : c £ est le
troupeau de M. Ferry, soumis, mais im-
puissants, car l'ignorance qui les a
faits déserteurs les rend inféconds.
Aussi, voyez leur œuvre. Qu'ont-ils
fait - :
Le plus beau fleuron de leur couronne
parlementaire, c'est. la loi sur les réci-
divistes !.., une loi qui n'aboutira pas ;
une faute corrigée par un avorte;ment.
Et puis quoi?. Rien, rien que des
discours, des fausses manœuvres, des
séances mal employées, des coipiflonce-
ments de lois restés en chemin.
Ah! pardon, il y a le chapitre des fau-
tes. Ici la fécondité se retrouve : Il y a
le Tonkin; il y a les expédients budgé.,
taires, la conversion, les crédits sup-
plémentaires, les dépenses électorales.
Et ce n'est pas tout ; il y a les enga-
gements pris envers la « clientèle catho-
lique » et envers le Sénat.
Pour assurer l'élection des modérés,
pour donner quelque chance à la candi-
dature officielle, il faut avoir l'appui du
clergé. Quand on crie ; a guerre aux ra-
dicaux! » il faut crier: « paix avec l'E-
glise ! * -.
Aussi M. Ferry nous parle-t-il, et de-
puis longtemps, de « l'apaisement re-
ligieux D et de « la neutralité de l'église
dans les élections ».
Enfin, pour tenir tête, au radicalisme,
— c'est-à-dire au suffrage universel,
l'appui du Sénat n'est pas de trop. Pour
plus d'une raison, M. Ferry tient à mé-
nager le Sénat. Et voilà pourquoi M.
Ferry conseillait — et imposait — il y a
quelques jours à la Chambre, une abdi-
cation que M. Gambetta n'avait jamais
admise.
V^oilà pourquoi M. Ferry prépare une
revision constitutionnelle au profit du
Sénat contre la liberté, au profit du suf-
frage restreint contre le suffrage uni-
versel.
Ce sont là les conséquences forcées
de la trahison originelle. La désertion
est un engrenage, et quand on a fait dé-
fection au radicalisme, on est condamné
d'avance à pactiser avec le conserva-
tisme clérical
new
TOUS LES MÊMES
Le journal du Loiret, qui fut le moniteur officieux
des Mac-Mahon, des Broglie et des d'Harcourt pen-
dant le septennat, publie l'information suivante:
« On sait que M. le comte de Paris ira très pro-
chainement en Espagne. C'est surtout fin sentiment
patriotique qui lui fait entreprendl4e voyage. D
Et Louis XVI, cit-co aussi dans un but patriotique
qu'il allait en Allemagne, lorsqu'il fut arrêté à Va-
trenncs?
Et Lonig XVBI, est-ee aussi par patriotisme qu'il
mendia l'appui dès alliés pour rentrer en France?
Aussi bien Bourbons que d'Orléans, vous vous
ressemblez tous. "'-
\Hiér, venait la discussion du mémoire du
préfet de police demandant l'inscription des
734,000 francs des dépenses obligatoires suppri-
mées par le conseil municipal au budget de la
IHréJscturs de police. ,
Ld conseil municipal, par 3$vois contre 10,
ia maintenu sa délibération. On voit l'effet pro-
duit sur le conseil municipal par le dépôt; du
rapport de M. Ferdinand Dreylus, tendant au
rattachement de la police au ministère de
l'intérieur. -
Divers groupes nous envoient des commu-
nications contradictoires relativement à l'at 1-
tude que doivent prendre les conseillers mu-
nicipaux en présence ce la prorogation de leur
mandat.
Nous croyons que la résolution qui sera prise
devra être commune à tous les membres du
groùpe de l'autonomie communale. C'est là
une de ces situations qui engagent tout un
parti. Les uns ne peuvent. aller û gauolio et
les autres à droite.
Nous engageons tous les comités radicaux à
se mettre en mesure pour se faire représenter
à la réunion des groupes antiopportunistes,
qui aura lieu te vendredi 4 janvier.
Depuis plusieurs jours, des milliers de fa-
milles, qui ont des leurs dans le corps expé*
ditionnaire du Tonkin, attendent avec anxieté
la liste des morts et des blessés à la prise de
Son-Tay.
Nous nous étonnons que les noms de plu-
sieurs officiers, compris au nombre des vic-
times, aient été déjà donnés, et qu'on soit en-
core à attendre ceux des autres combattants.
n est Impossible que le ministre de la marine
prolonge plus longtemps une angoisse aussi
cruelle chez tant de parents.
A ce sujet, on affirme que les chiffres de
200 hommes et de 15 officiers tués ou blessés ne
portent que sur les troupes européennes.
Quant aux tirailleurs algériens et aux troupes
indigènes, tirailleurs annamites et auxiliaires
tonkinois, on n'en parle pas dans les pertes.
Les noms de ceux qui ont été tués ou blessés
parmi ces derniers ne seraient, même pas pu-
bliés.
Il nous semble pourtant que les Algériens,
comme les alliés indigènes, ont soutenu ati
même titre que nos troupes continentales le
drapeau de la France, et qu'il serait bon qu'on,
pût saluer les noms de ceux qui ont été victi-
mes de leur dévouement.
V
LA GUERRE
Le New-York Herald a reçu la dépêche suivante:
Hong-Kong, 29 décembre. f
Je viens de recevoir d'Haï-Phong d'autres détail.*
Sur la prise de Son-Tay. La perte totale des Fraur
cais s'élève à 320 hommes, dont 75 tués. Les pertes
de l'ennemi ne peuvent etre constatées d'un facom
positive.
Mon correspondant ne dit rien de l'arrêt qui a pré+
cédé l'attaque de la citadelle et de la constructio n
de chemins d'approche. :
Les turcos se sont conduits comme des fous. Cnç
compagnie de 140 hommes se précipita sur les ve »
tranchements ennemis, maigre les ordres de leurs
officiers, qui, voyant quils ne pouvaient contenir
leurs hommes, s'elancèrent à leur tête pour mourir1
avec eux. A hommes et un officier seulement échap-
pèrent au massacre.
Après la prise des retranchements, l'ennemi éva-
cua Son-Tay pendant la nuit. Soixante soldats fran-
çais y entrèrent le matin et prirent possession dos
canons.
L'amiral Courbet n'a pas l'intention de poursuivre
sa victoire et d'attaquer Bac-Ninh avant l'arrivée
des renforts, arrivée qui ne peut avoir lieu avant la
saison des pluies, et tous les avantages conquis se-
ront perdus.
M. Tricou est parti pour Hué afin de faire ratifier,
par le nouveau roi, le traité conclu par M. HarmauQ.
le 25 août dernier.
Pendant ce temps, les pauvres Tonkinois souf-
frent de tous côtés. Le gouvernement ne les protège
pas contre les bandes qui pillent et brûlent leurs
villages. lis ne peuvent se protéger eux-mêmes, car
ils sont désarmés depuis vingt-cinq ans.
Chaque expédition ne rencontre que des villages
pillés et brutes, des pagodes détruites. Le peuple
est en proie aux angoisses de la faim et de la plusf
profonde terreur.
Les Annamites qui se déclarent ouvertement pour
les Français sont exterminés par les mandarins
amenés de Hué par M. Harmand; s'ils sont indiffé-
rents, leurs propriétés sont.détruites et saccagées
par les soldats français. Quelle que soit la troupe
qui les approche, ils sont molestés, et, quand ils
n'ont pas à souffrir des soldats, les mandarins les
oppriment.
Le ministre de la guerre a écrit à la veuve du ca-
pitaine de la légion étrangère, tué à Son-Tay, la let..
tre suivante :
Madame Mehl, à Sidi-Bel-Abbès (Algérie).
Le colonel de la légion étrangère a dû vous faire
connaître que votre mari avait été tué le 12 décem-
bre à l'attaque de Son-Tay.
Je comprends toute l'étendue de la perte que vous
venez d'éprouver; mais, permettez-moi do vous la
dire, s'il est une consolation pour un pareil malheur,
elle est bien dans les sentiments d'estime qui s'at.
tache, en France, au souvenir du soldat-mort en com*
battant pour son pàys.
Je vous prie d'agréer, madame, l'expression de
ma respectueuse considération.
B. GAMPSNON.
M. Mehl, le vaillant capitaine qui vient de
trouver la mort en défendant le drapeau fran*
çais au Tonkin, était le frère de cette bonora.
ble institutrice qui dévoila à Amiens la cou-
duite scandaleuse de l'abbc. Mulot à l'égard
des petites fllles, et qui depuis cette époque
fut tellement en butte aux représailles des
bons cléricaux d'Amiens, qu'elle dut demander
son changement.
FEUILLET JN DU 1" JANVIER 1884
59
Le Point Noir
f
PREMIRHE PARTIE
LE TRONC DES PAUVRES
XXXIX
Comitacat Antoine Caoesade s'asaora du
aUenee de Justine BonneCof
«Suite»
— Tout ce qui pourrait la compromet-
tre l — répéta.-t-elle d'un accent singu-
lier.
— Oui!
— Et c'est elle qui a dit de demander.
cela. à maj?
— C'est elle.
- Et, si je lui obéissais. qu'en feriez-
vous?
— Je le lui porterais.
'Justine Bonnefoy recula, puis, haussa
les ép tUlGS. 1
— Sais-tu seùlemënt de quoi il s'agit î—
ricana-t-elle sur un ton de lugubre ironie.
—Qu'importe ? Elle a commandé ! Je suis
venu pour cela. et je ne m'en irai pas
que vous ne m'ayez remis.
- Eh bien, je te dis, moi, — répliqua la
sage-femme devenue menaçante,— que la
comtesse ne t'a pas donne un semblable
ordre. qu'elle n'a pu te le donner. et
que tu prêches le faux pour savoir le vrai.
- Elle l'a dônf ,,:'cet ordre; — et il sera
accompli !—, fit iVéitoine Caussade en grin-
çant des dents.
— Tu mens !
Il y eut un instant de silence.
Les deux interlocuteurs se mesuraient
du regard, avec une expression presque
également farouche.
— Une fois, deux fois, trois fois, veux-tu
m'obéir ? — reprit Caussade. dont la voix
devenait de plus en plus basse et plus
sourde.
— J'obéirai,quand tu m'auras dit de quoi
il s'agit.
Quand j'aurai la preuve que tu viens' de
sa part. et qu'une femme, cette comtesse,
a pu dunner à un être quelconque un sem-
blable ordre.
Que dois-je lui donner, pour que tu le
lui reportes ?
— Des papiers qui pourraient la com-
promettre, paraît-il, - répondit Antoine
Caussade.
Si j'ignore leur contenu; tu vois que j'en
connais l'existence.
La Justine haussa les épaules.
Je m'en doutais! — fit-elle. — Tu ne
sais rien!
— Je n'ai pas de papiers ici qui puissent
compromettre ta maîtresse.
— Alors, tu refuses ?
- Jo n'ai rien!
- C'est ton dernier mot?
— Mon dernier !
— Prends garde, malheureuse 1 — Ne
me brave pas !. obéis. ou.
Il fit encore un pas vers elle.
La Justine recula jusqu'au mur.
— Tu en sais trop, vois-tu. pour qu'on
te laisse une arme quelconque entre les
mains.
Tu as trop parlé, l'autre jour.
Tu ne parleras plus! — hurla-t-il.
Et, bondissant sur la pauvre créature
terrifiée, avec la rapidité du tigre, dont
ses prunelles exprimaient, à ce moment,
toute la férocité, Antoine Caussade étrei-
gnit, de ses deux mains de fer, le cou de
sa victime.
A peine eut-elle le temps de pousser un
cri sourd, rauque, aussitôt arrêté dans sa
gorge par la pression terrible qui lui cou-
pait la respiration.
La Sfyge-femme se débattit à peine quel-
ques secondes, puis glissa par terre.
Antoine Caussade lui appuya un genou
sur la poitrine, tandis que ses doigts cris-
pés augmentaient leur pression meur-
trière.
A cet instant, il était hideux.
Ses cheveux roux voltigeaient sur sa.
tête nue, son chapeau ayant roulé loin de
i lui, ses yeux fauves semblaient jeter ,103
flammes, tandis que la tension de tou s les
muscles du visage rendait plus terrible
son profil d'oiseau de proie: et que sa bou-
che entr'ouverte laissait apparaître se9
dents blanches et aigues dans un épouvan*
table rictus.
La Justine n'avait plus que de faibles soù..
bresauts.
Ses yeux sortaient de leurs orbites^ ne
montrant que le blanc injecté de sang: lot,
langue tuméfiée passait entre ses lèvref
violacées; une sueur glacée collait les che-
veux gris de la malheureuse sàge-femmo,
sur ses tempes où les veines saillaient
comme un réseau de cordes.
Antoine Caussade serrait, serrait tou-
toujours.plus !
jours, tête de la Justine roula à droite et à
La
gauche, sur le plancher, — puis resta im*
mobile.
Justine Bonnefoy était morte 1
A* MATTHEY
.,(.La suite à demain.) ;
ADMINISTRATION. RÉDACTION & ANNONCEE
À PARIS
.1 il Hue Blehep m 18
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TROIS MOIS. 5 Pft.
SU MOIS - 9 FR.
M AU x8 |tr.
JOURNAL POLITIQUE
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UN NUMÉRO : 6 CENTIMES
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
TROIS tiens. 6 M.
six mois» ta ta
CN as.. 24. fs.
HUITIÈME ANNÉE. -NUMÉRO 2446
Mardi Ie* Janvier 1884
U5 nivôse an 91)
LA -TRAHISON ORIGINELLE -
L'année parlementaire n'avait pas
bien commencé; par contre elle finit
eai. Ouverte dans l'impuissance, la
session s'est achevée dans l'abdication..
Après avoir fui devant les réformes, la
Chambre s'humilie devant le Sénat.
Après avoir déserté ses promesses, elle
abandonne ses prérogatives.Après avoir
trahi ses électeurs, elle se trahit elle-
même. Si bien que l'année 1883 aura
cette gloire d'avoir vu le triomphe de la
palinodie et de la défection.
Il n'en pouvait être différemment. Née
d'un mensonge, la majorité des modé-
rés — maintenant « aplatis » - que M.
Ferry mène en laisse, était condamnée
d'avanoe à une perpétuelle désertion.
Tous tant qu'ils sont — à dix ou douze
exception près — ces honnêtes gens se
sont fait élire sous le masque d'un ra-
dicalisme caractérisé. Tous ils ont fait
des promesses, signé des programmes
radicaux. Puis, l'élection acquise —
c'est-à-dire le tour joué, l'escroquerie
une fois réussie, Ces gens de bien ont
mis leurs promesses au panier, leurs
programmes au feu.
Les électeurs, naturellement se sont
fâchés, ont protesté de leur mieux ; ils
n'ont pas manqué la plus petite occasion
d'élire des radicaux pour bien marquer
leur sentiment. Et messieurs les mo-
dérés, alors, se sentant menacés dans
leur réélection prochaine, ont cherché
partout un gouvernement à poigne qui
voulùt bien, avec eux, déclarer la guer-
re atfx radicaux et préparer, par une
candidature officielle savamment orga-
nisée, la réélection des défectionnistes
que répudie, devance le suffrage uni-
versel.
Voilà tout le secret de la politique
gouvernementale ; voilà l'explication, la
clé de tout ce qui se fait en France de-
puis deux ans.
Juste au moment où ceë déserteurs
cherchaient un chef qui fît la guerre à
"honnêteté politique, M. Ferry cher-
chait une majorité, qui, débarrassée de
préjugés et riche d'appétits, vide d'idées
et pleine de besoins, fût suffisamment
abandonnée des électeurs pour être for-
,cément fidèle au pouvoir, une majorité
qui fût, en un mot, trop compromise,
pour n'être pas soumise.
* Ces deux trahisons' se rencontrant
ont fusionné. De là le gouvernement
dont nous jouissons.
Seulement, si bien assortie qu'elle fût,
cette union ne pouvait être féconde. Qui
dit désertion,dit faiblesse, impuissance,
ignorance même, le plus souvent. C'est
faute de savoir et faute d'oser que les
modérés -, médiocres d'intelligence
pour la plupart, et même, parfois, igna-
res — ont reculé devant des program-
mes qu'ils n'étaient pas en état de com-
prendre.. Maintenant, leur trahison les
tient et ne les lâche plus. Ils sont com-
me étaient les mameluks de l'empire,
enregimentés et domestiqués : c £ est le
troupeau de M. Ferry, soumis, mais im-
puissants, car l'ignorance qui les a
faits déserteurs les rend inféconds.
Aussi, voyez leur œuvre. Qu'ont-ils
fait - :
Le plus beau fleuron de leur couronne
parlementaire, c'est. la loi sur les réci-
divistes !.., une loi qui n'aboutira pas ;
une faute corrigée par un avorte;ment.
Et puis quoi?. Rien, rien que des
discours, des fausses manœuvres, des
séances mal employées, des coipiflonce-
ments de lois restés en chemin.
Ah! pardon, il y a le chapitre des fau-
tes. Ici la fécondité se retrouve : Il y a
le Tonkin; il y a les expédients budgé.,
taires, la conversion, les crédits sup-
plémentaires, les dépenses électorales.
Et ce n'est pas tout ; il y a les enga-
gements pris envers la « clientèle catho-
lique » et envers le Sénat.
Pour assurer l'élection des modérés,
pour donner quelque chance à la candi-
dature officielle, il faut avoir l'appui du
clergé. Quand on crie ; a guerre aux ra-
dicaux! » il faut crier: « paix avec l'E-
glise ! * -.
Aussi M. Ferry nous parle-t-il, et de-
puis longtemps, de « l'apaisement re-
ligieux D et de « la neutralité de l'église
dans les élections ».
Enfin, pour tenir tête, au radicalisme,
— c'est-à-dire au suffrage universel,
l'appui du Sénat n'est pas de trop. Pour
plus d'une raison, M. Ferry tient à mé-
nager le Sénat. Et voilà pourquoi M.
Ferry conseillait — et imposait — il y a
quelques jours à la Chambre, une abdi-
cation que M. Gambetta n'avait jamais
admise.
V^oilà pourquoi M. Ferry prépare une
revision constitutionnelle au profit du
Sénat contre la liberté, au profit du suf-
frage restreint contre le suffrage uni-
versel.
Ce sont là les conséquences forcées
de la trahison originelle. La désertion
est un engrenage, et quand on a fait dé-
fection au radicalisme, on est condamné
d'avance à pactiser avec le conserva-
tisme clérical
new
TOUS LES MÊMES
Le journal du Loiret, qui fut le moniteur officieux
des Mac-Mahon, des Broglie et des d'Harcourt pen-
dant le septennat, publie l'information suivante:
« On sait que M. le comte de Paris ira très pro-
chainement en Espagne. C'est surtout fin sentiment
patriotique qui lui fait entreprendl4e voyage. D
Et Louis XVI, cit-co aussi dans un but patriotique
qu'il allait en Allemagne, lorsqu'il fut arrêté à Va-
trenncs?
Et Lonig XVBI, est-ee aussi par patriotisme qu'il
mendia l'appui dès alliés pour rentrer en France?
Aussi bien Bourbons que d'Orléans, vous vous
ressemblez tous. "'-
\Hiér, venait la discussion du mémoire du
préfet de police demandant l'inscription des
734,000 francs des dépenses obligatoires suppri-
mées par le conseil municipal au budget de la
IHréJscturs de police. ,
Ld conseil municipal, par 3$vois contre 10,
ia maintenu sa délibération. On voit l'effet pro-
duit sur le conseil municipal par le dépôt; du
rapport de M. Ferdinand Dreylus, tendant au
rattachement de la police au ministère de
l'intérieur. -
Divers groupes nous envoient des commu-
nications contradictoires relativement à l'at 1-
tude que doivent prendre les conseillers mu-
nicipaux en présence ce la prorogation de leur
mandat.
Nous croyons que la résolution qui sera prise
devra être commune à tous les membres du
groùpe de l'autonomie communale. C'est là
une de ces situations qui engagent tout un
parti. Les uns ne peuvent. aller û gauolio et
les autres à droite.
Nous engageons tous les comités radicaux à
se mettre en mesure pour se faire représenter
à la réunion des groupes antiopportunistes,
qui aura lieu te vendredi 4 janvier.
Depuis plusieurs jours, des milliers de fa-
milles, qui ont des leurs dans le corps expé*
ditionnaire du Tonkin, attendent avec anxieté
la liste des morts et des blessés à la prise de
Son-Tay.
Nous nous étonnons que les noms de plu-
sieurs officiers, compris au nombre des vic-
times, aient été déjà donnés, et qu'on soit en-
core à attendre ceux des autres combattants.
n est Impossible que le ministre de la marine
prolonge plus longtemps une angoisse aussi
cruelle chez tant de parents.
A ce sujet, on affirme que les chiffres de
200 hommes et de 15 officiers tués ou blessés ne
portent que sur les troupes européennes.
Quant aux tirailleurs algériens et aux troupes
indigènes, tirailleurs annamites et auxiliaires
tonkinois, on n'en parle pas dans les pertes.
Les noms de ceux qui ont été tués ou blessés
parmi ces derniers ne seraient, même pas pu-
bliés.
Il nous semble pourtant que les Algériens,
comme les alliés indigènes, ont soutenu ati
même titre que nos troupes continentales le
drapeau de la France, et qu'il serait bon qu'on,
pût saluer les noms de ceux qui ont été victi-
mes de leur dévouement.
V
LA GUERRE
Le New-York Herald a reçu la dépêche suivante:
Hong-Kong, 29 décembre. f
Je viens de recevoir d'Haï-Phong d'autres détail.*
Sur la prise de Son-Tay. La perte totale des Fraur
cais s'élève à 320 hommes, dont 75 tués. Les pertes
de l'ennemi ne peuvent etre constatées d'un facom
positive.
Mon correspondant ne dit rien de l'arrêt qui a pré+
cédé l'attaque de la citadelle et de la constructio n
de chemins d'approche. :
Les turcos se sont conduits comme des fous. Cnç
compagnie de 140 hommes se précipita sur les ve »
tranchements ennemis, maigre les ordres de leurs
officiers, qui, voyant quils ne pouvaient contenir
leurs hommes, s'elancèrent à leur tête pour mourir1
avec eux. A hommes et un officier seulement échap-
pèrent au massacre.
Après la prise des retranchements, l'ennemi éva-
cua Son-Tay pendant la nuit. Soixante soldats fran-
çais y entrèrent le matin et prirent possession dos
canons.
L'amiral Courbet n'a pas l'intention de poursuivre
sa victoire et d'attaquer Bac-Ninh avant l'arrivée
des renforts, arrivée qui ne peut avoir lieu avant la
saison des pluies, et tous les avantages conquis se-
ront perdus.
M. Tricou est parti pour Hué afin de faire ratifier,
par le nouveau roi, le traité conclu par M. HarmauQ.
le 25 août dernier.
Pendant ce temps, les pauvres Tonkinois souf-
frent de tous côtés. Le gouvernement ne les protège
pas contre les bandes qui pillent et brûlent leurs
villages. lis ne peuvent se protéger eux-mêmes, car
ils sont désarmés depuis vingt-cinq ans.
Chaque expédition ne rencontre que des villages
pillés et brutes, des pagodes détruites. Le peuple
est en proie aux angoisses de la faim et de la plusf
profonde terreur.
Les Annamites qui se déclarent ouvertement pour
les Français sont exterminés par les mandarins
amenés de Hué par M. Harmand; s'ils sont indiffé-
rents, leurs propriétés sont.détruites et saccagées
par les soldats français. Quelle que soit la troupe
qui les approche, ils sont molestés, et, quand ils
n'ont pas à souffrir des soldats, les mandarins les
oppriment.
Le ministre de la guerre a écrit à la veuve du ca-
pitaine de la légion étrangère, tué à Son-Tay, la let..
tre suivante :
Madame Mehl, à Sidi-Bel-Abbès (Algérie).
Le colonel de la légion étrangère a dû vous faire
connaître que votre mari avait été tué le 12 décem-
bre à l'attaque de Son-Tay.
Je comprends toute l'étendue de la perte que vous
venez d'éprouver; mais, permettez-moi do vous la
dire, s'il est une consolation pour un pareil malheur,
elle est bien dans les sentiments d'estime qui s'at.
tache, en France, au souvenir du soldat-mort en com*
battant pour son pàys.
Je vous prie d'agréer, madame, l'expression de
ma respectueuse considération.
B. GAMPSNON.
M. Mehl, le vaillant capitaine qui vient de
trouver la mort en défendant le drapeau fran*
çais au Tonkin, était le frère de cette bonora.
ble institutrice qui dévoila à Amiens la cou-
duite scandaleuse de l'abbc. Mulot à l'égard
des petites fllles, et qui depuis cette époque
fut tellement en butte aux représailles des
bons cléricaux d'Amiens, qu'elle dut demander
son changement.
FEUILLET JN DU 1" JANVIER 1884
59
Le Point Noir
f
PREMIRHE PARTIE
LE TRONC DES PAUVRES
XXXIX
Comitacat Antoine Caoesade s'asaora du
aUenee de Justine BonneCof
«Suite»
— Tout ce qui pourrait la compromet-
tre l — répéta.-t-elle d'un accent singu-
lier.
— Oui!
— Et c'est elle qui a dit de demander.
cela. à maj?
— C'est elle.
- Et, si je lui obéissais. qu'en feriez-
vous?
— Je le lui porterais.
'Justine Bonnefoy recula, puis, haussa
les ép tUlGS. 1
— Sais-tu seùlemënt de quoi il s'agit î—
ricana-t-elle sur un ton de lugubre ironie.
—Qu'importe ? Elle a commandé ! Je suis
venu pour cela. et je ne m'en irai pas
que vous ne m'ayez remis.
- Eh bien, je te dis, moi, — répliqua la
sage-femme devenue menaçante,— que la
comtesse ne t'a pas donne un semblable
ordre. qu'elle n'a pu te le donner. et
que tu prêches le faux pour savoir le vrai.
- Elle l'a dônf ,,:'cet ordre; — et il sera
accompli !—, fit iVéitoine Caussade en grin-
çant des dents.
— Tu mens !
Il y eut un instant de silence.
Les deux interlocuteurs se mesuraient
du regard, avec une expression presque
également farouche.
— Une fois, deux fois, trois fois, veux-tu
m'obéir ? — reprit Caussade. dont la voix
devenait de plus en plus basse et plus
sourde.
— J'obéirai,quand tu m'auras dit de quoi
il s'agit.
Quand j'aurai la preuve que tu viens' de
sa part. et qu'une femme, cette comtesse,
a pu dunner à un être quelconque un sem-
blable ordre.
Que dois-je lui donner, pour que tu le
lui reportes ?
— Des papiers qui pourraient la com-
promettre, paraît-il, - répondit Antoine
Caussade.
Si j'ignore leur contenu; tu vois que j'en
connais l'existence.
La Justine haussa les épaules.
Je m'en doutais! — fit-elle. — Tu ne
sais rien!
— Je n'ai pas de papiers ici qui puissent
compromettre ta maîtresse.
— Alors, tu refuses ?
- Jo n'ai rien!
- C'est ton dernier mot?
— Mon dernier !
— Prends garde, malheureuse 1 — Ne
me brave pas !. obéis. ou.
Il fit encore un pas vers elle.
La Justine recula jusqu'au mur.
— Tu en sais trop, vois-tu. pour qu'on
te laisse une arme quelconque entre les
mains.
Tu as trop parlé, l'autre jour.
Tu ne parleras plus! — hurla-t-il.
Et, bondissant sur la pauvre créature
terrifiée, avec la rapidité du tigre, dont
ses prunelles exprimaient, à ce moment,
toute la férocité, Antoine Caussade étrei-
gnit, de ses deux mains de fer, le cou de
sa victime.
A peine eut-elle le temps de pousser un
cri sourd, rauque, aussitôt arrêté dans sa
gorge par la pression terrible qui lui cou-
pait la respiration.
La Sfyge-femme se débattit à peine quel-
ques secondes, puis glissa par terre.
Antoine Caussade lui appuya un genou
sur la poitrine, tandis que ses doigts cris-
pés augmentaient leur pression meur-
trière.
A cet instant, il était hideux.
Ses cheveux roux voltigeaient sur sa.
tête nue, son chapeau ayant roulé loin de
i lui, ses yeux fauves semblaient jeter ,103
flammes, tandis que la tension de tou s les
muscles du visage rendait plus terrible
son profil d'oiseau de proie: et que sa bou-
che entr'ouverte laissait apparaître se9
dents blanches et aigues dans un épouvan*
table rictus.
La Justine n'avait plus que de faibles soù..
bresauts.
Ses yeux sortaient de leurs orbites^ ne
montrant que le blanc injecté de sang: lot,
langue tuméfiée passait entre ses lèvref
violacées; une sueur glacée collait les che-
veux gris de la malheureuse sàge-femmo,
sur ses tempes où les veines saillaient
comme un réseau de cordes.
Antoine Caussade serrait, serrait tou-
toujours.plus !
jours, tête de la Justine roula à droite et à
La
gauche, sur le plancher, — puis resta im*
mobile.
Justine Bonnefoy était morte 1
A* MATTHEY
.,(.La suite à demain.) ;
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