Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-09-06
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 septembre 1887 06 septembre 1887
Description : 1887/09/06 (N3790,A11). 1887/09/06 (N3790,A11).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2012
- LaLmë e
TP A Tt TK
èbsèqaes des vieiimes de la rue
Brey
Les obsèques des victimes du triple meur-
tre de la rue Brey ont eu lieu hier matin, à
huit heures et demie. Dès sept heures, M.
Gaud, commis-greffier de la Morgue, avait
exposé les trois cercueils dans le salon des
familles, où les parents ont pu voir une
dernière fois les traits des victimes. Au mi-
lieu se trouvait le cercueil renfermant le
corps de Mme Padrona, née Boissonneau,
âgée de vingt-quatre ans ; à droite, celui de
la petite fille, Fanny Padrona, âgée de cinq
ans, et à gauche, celui de Padoue Padrona,
îgé de trois ans.
Le cercueil de Mme Padrona fut placé
sur un char de 6e classe. De nombreux bou-
quets et couronnes étaient déposés sur le
corbillard. Deux brancards de 1re classe or-
nés de franges argentées pprtaient, à droite
le cercueil de la petite fillé, et à gauche ce-
lui du petit garçon. Ils étaient surchargés
de bouquets de fleurs naturelles et de cou-
ronnes blanches.
Le deuil était conduit par le frère et l'on-
cle du meurtrier. L'assistance, composée
principalemsnt de compatriotes de Padrona,
était très nombreuse.
Les drailles de la jalousie
Route de la Révolte, no 8, les époux
Vandenbrook avaient établi une cantine
fréquentée par des ouvriers de nationalité
étrangère..
La femme Vandenbrook, dont l'inconduite
occasionnait des scènes fréquentes, entre-
tenait depuis quelques temps des relations
avec un client de rétablissement.
Hier soir, le mari, qui était ivre, devint
tout à coup furieux, il saisit un revolver et
tira sur sa femme sans l'atteindre. Désar-
mé aussitôt par les consommateurs, il a
été conduit chez M. Bouteiller, commis-
saiée de police, qui l'a consigné à sa dispo-
sition.
Interrogé par ce magistrat, Vandenbrook
a déclaré que, poussé à bout par les intri-
gues de sa femme, il avait, dans un mou-
vement de colère, voulut se venger d'elle.
Crime ou suicide
Hier matin, à six heures, un employé des
bains Henri IV, nommé B., apercevait un
cadavre d'homme flottant entre deux eaux,
sous le Pont-Neuf.
Il sauta dans le bachot et ramena le corps
sur la berge. Le noyé était un jeune homme
d'une vingtaine d'années, paraissant avoir
séjourné piusienrs jours dans l'eau.
Il portait à la tête une profonde blessure
ayant pu déterminer la mort,
M. Dhers, commissaire de police. infor-
mé, a procédé aux constations.
Le cadavre, dont l'identité n'a pu être
établie, a été transporté à la Morgue par
ses eçins, et une enquête est ouverte.
Coups de couteau
Vers cinq heures et demie du matin, hier
les agents ont consigné à la disposition de
M. Berlioz, commissaire de police, les nom-
més Eugène Beaugrand, âgé de dix-neuf
ans, couvreur, et Emmanuel Hallais, âgé
de trente-sept ans, eouvreur, demeurant
tous deux 73, rue de l'Hôtel-de. Ville, qui
causaient du scandale même rue. Au poste,
Beaugrand, a déclaré aux agents que vers
une heure du matin, Hallais avait, en com-
pagnie de deux autres individus, frappé de
deux coups de couteau, le nommé Auguste
Denoble, âgé de vingt-trois ans, couvreur,
demeurant également 73, rue de l'Hôtel-
de-Ville.
Des agents s'y sont rendus et ont cons-
taté le fait. Un médecin appelé aussitôt a
constaté que Denoble était blessé au côté
gauche, mais que les blessures n'étaient
pas dangereuses.
Làelle ngression
Vers minuit, hier, à la sortie du bal Pa-
nisset, rue des Gravilliers, 65, un individu
paraissant âgé de 19 à 20 ans environ, très
petit, brun, moustaches naissantes, veston,
gilet, pantalon de couleur foncée, coiffé
a une casquette qui s'est esquivée, a tiré
deux coups de revolver sur le nommé
Charles Milgreder. ébéniste, demeurant
rue du Faubourg Saint-Antoine, 141, qui a
été atteint légèrement à la tête.
M. Trobert, commissaire de police, a ou-
vert une. enquête.
Trio de vauriens
> Vers 11 heures 45, hier, la nommée Bil-
liot Zélie, âgée de 23 ans, blanchisseuse,
demeurant impasse des Nonnettes, 10, en
sortant d'un débit de vins rue de la Folie-
Méricourt, est montée dans une voiture en
compagnie de trois jeunes gens. Arrivés
rue Oberkampf, cette fille refusant d'aller
plus loin, les trois individus l'ont jetée en
bas de la voiture; dans sa chute elle s'est
fracturée la jambe droite et la voiture a
continué sa course.
Après avoir reçu des soins dans une
pharmacie, Zélie Billiot a été transportée
$i l'hôpital Saint - Louis, par ordre de
; M. Hamon, commissaire de police, qui a ou-
vert une enquête.
,! Encore les eraffaiafs asBarôyr©
En 1884, M. Thuillerie, commissaire de
tPOlièe, avait procédé à l'arrestation d'une
liemme Viard, habitant rue Poliveau que la
rumeur publique accusait de maltraiter un
de ses enfants, le petit François, âgé de
six ans.
Reconnue coupable des faits qu'on lui re-
prochait, cette mère dénaturée fut condam-
née par le tribunal correctionnel dela Seine
à huit mois de prison.
Tandis qu'elle subissait sa peine, le petit
François placé à l'hôpital Trousseau, se re-
mettait peu à peu du mauvais état dans le-
quel sa mère l'avait mis,
Le tort que l'on eut fut de rendre l'enfant
à sa mère à l'expiration de sa détention.
Celle-ci que la sévère leçon n'avait point
corrigée, fit de nouveau subir au pauvre
petit les plus mauvais traitements.
Tant et si bien que dernièrement la ru-
meur publique l'accusa pour la seconde
fois.
M. Thuillerie s'est rendu hier rue Poli-
veau au domicile de cette marâtre et a pro-
cédé à son arrestation.
Le petit François, dont le corps était
couvert d'ecchymoses a été renvoyé à l'hô-
pital Trousseau.
Détail particulier — Mme Viard aune pe-
tite fille de cinq ans qu'elle adore. Peut-être
est-ce l'amour de celle-ci qui a causé sa
haine pour le petit François.
un préeo" "oleur
Pendant que la dame Pauline Bonnin, tri-
pière, 53, rue du Gardinal-Lemoine, vaquait
dans l'arrière-boutique aux soins de son
ménage, un jeune drôle-de douze ans, Ma-
nuel vivès, dont les parents habitent rue
Vaugelas, s'introduisait dans l'étal et il se
glissait furtivement, grâce à sa petite taille
jusqu'au comptoir.
Ouvrir le tiroir-caisse et s'emparer d'une
somme de huit à dix francs en menue mon-
naie, fut pour le jeune polisson l'affaire d'un
.instant. Mais dans sa précipitation, il laissa
tomber une des pièces, ce qui donna l'éveil
à la dame Bonnin.
Celle-ci ne fit qu'un bond d'une pièce dans
l'autre et arriva juste à temps pour saisir le
voleur par leg bras au moment où il pre-
nait la fuite.
Se voyant pris. le petit misérable, au lieu
d'implorer la pitié et la clémence de la tri-
pière, la mordit cruellement à la main
droite. Heureusement, un des garçons ren-
tra à ce même moment et s'empara du jeune
vaurien, que deux gardiens de la paix em-
menèrent au commissariat de police du
quartier.
Acte de lîrlgasaelage
La ville de Saint-Denis, en dépit du re-
doublement de surveillance de la police
continue à être le théâtre dattaquas noc-
turnes, dénotant de la part de leurs auteurs
une stupéfiante audace.
Hier soir encore, un journalier, nommé
GoÍfret (Joseph), demeurant route de Paris,
à Saint-Denis, a été assailli près de son do-
micile par quatre individus qui l'ont en-
traîné dans la ruelle de la Montagne où ils
l'ont terrassé, roué de coups et dévalisé.
Le malheureux, relevé inanimé par des
gardiens de la paix, a été transporté à son
domicile, dans un 4tat des plus graves.
Les quatre malfaiteurs ont été arrêtés.
Le feu
Mme Rabouin, rentière, demeurant rue
Charron, 12, descendait hier, vers onze heu-
res du soir, l'escalier de la maison, lors-
qu'elle renversa sur elle une lampe à-pé-
trole qu'elle tenait à la main.
En quelques instants, les vêtemeots de
Mme Rabouin prirent feu. Quelques voisins
accoururent ; mais déjà la malheureuse
était couverte de brûlures. Transportée à
l'hôpital Lariboisière, elle expirait après
deux heures de cruelle agonie.
*
* *
iJn autre incendie s'est déclaré dans la
soirée à peu près à la même heure, au troi-
sième étage du no 127 de la rue Montmar-
tre, dans l'appartement de M. Curé, écail-
leur.
Mme Curé avait renversé une lampe à es-
sence qui a communiqué le feu à un amas
de chiffon Le fils Curé, âgé de quatorze
ans, a reçu quelques brûlures sans gra-
vité.
Les voisins, trop prompts, ont, pour sau-
ver le mobilier, cassé tous les meubles en
les jetant par la fenêtre.
Une singulière situation
L'entrepôt de Bercy est une propriété de
la ville de Paris, qu'elle loue au commerce
à des prix fort élevés. Les magasins y sont
chauds en été, froids en hiver et souvent
exposés aux inondations ; mais ce n'est pas
encore ce qui constitue le plus fâcheux état
de cet entrepôt. Il est devenu la nuit le re-
paire de vagabonds qui y commettent toute
espèce de déprédations,
11 y a cinq mois, le coffre-fort d'un négo-
ciant de la cour Louis-Proust était défoncé
et celui d'un autre négociant enlevé. Les
morceaux brisés furent retrouvés dans l'en-
trepôt même.
Cette nuit, des voleurs se sont introduits,
par le toit, dans le bureau d'un négociant
de la rue Gallois et, après avoir fait main-
basse sur tout ce qu'ils ont trouvé, ont bu
une bouteille de champagne avant de se
retirer. -
Il serait nécessaire que ces mesures fus-
sent prises pour remédier à une semblable
situation.
Il n'y a pas très longtemps la police
ayant appris que quatorze individus cou-
chaient chaque uuit dans un grenier du ma-
gasin voulut les arrêter. Quatre inspec-
teurs de la police et des gardiens de la paix
furent envoyés pour opérer une râfle, mais
l'entrée de l'entrepôt leur fut refusée,
comme étant une propriété particulière où
la police n'avait pas le droit de pénétrer.
Aussi les voleurs y opèrent-ils en toute
tranquillité et il est probable que cette fois,
comme il y a quelques mois, ils ne seront
pas inquiétés.
Il est profondément regrettable que la
surveillance de l'entrepôt de Bercy laisse
autant à désirer, car les négociants sont
quelquefois dans l'obligation de laisser
des valeurs dans leurs bureaux et l'état ac-
tuel ne leur donne aucune sécurité.
L'affaire lftouvet
Le père de Mouvet, l'administrateur de
la Banque parisienne, a été arrêté à Bruxel-
les, où il se présentait sous différents noms,
tels que Mazy, Muller, etc. Il a été décou-
vert chez un de ses neveux.
Comme on lui demandait lj'il était posses-
seur de l'argent volé par son fils, il a ré-
pondu qu'il n'avait absolument rien à voir
dans les affaires de son fils.
On a trouvé dans la coiffe du chapeau de
Mouvet père, six billets de mille francs.
, MM. Welliens, juge d'instruction et Wil-
maers, procureur du roi, ont facilité les re-
cherches. On voudrait savoir si le ère de
Mouvet n'a pas déposé dans une Banque
quelconque, l'argent en question.
Iteetifi cation
Dans un de nos précédents numéros, par-
lant d'arrestations opérées au marché de la
Chapelle, nous avons cité parmi les indivi-
dus arrêtés le nommé Délice.
Les époux Delisse, très honorablement
connus à Saint-Denis, où ils habitent, ont
craint que leur fils se trouvât parmi les
mauvais sujets dont parlait notre récit. Le
fils Délisse n'a pas été arrêté.
A ce propos, Mme Délisse ayant eu à
faire quelques démarches à la préfecture de
police relativement à cette affaire, s'est vue
renvoyée de bureau en bureau, servant,
pour ainsi dire, de distraction aux em-
ployés.
Nous savons que M. Gragnon recom-
mande, au contraire, la plus grande poli-
tesse au personnel de son administration ;
ii suffira, croyons-nous, de lui signaler ces
îaitg pour qu'il en évite le retour,
THEATRES
Spectacles de la semaine à l'Opéra :
Lundi 5, Patrie.
Mercredi 7, Faust.
Vendredi ©, Rigpletto et les Deux Pigeons.
- On va enfin représenter Hemani en
Russie, où les drames de Victor Hugo ont
été interdits pendant plus de cinquanle ans.
C'est M. Tatischeff, écrivain russe très dis-
tiDgué, qui a fait la traduction qui va être
jouée à Moscou,
Le traducteur a demandé à M. Jules Cla-
retie de vouloir bien lui laisser prendre co-
pie de la mise en scène complète d'Hernani
pour que là bas, le cadre soit digne du poète
français. Inutile de dire que M. Tatiscneff a
vu son désir exaucé tout de suite.
L'administrateur général de la Comédie
Française est invité à se rendre à Moscou,
pour assister à cette solennité littéraire.
— A l'occasion du congrès national des
instituteurs, qui ouvre sa deuxième session
aujourd'hui et se continuera les 5. 5, 7 et 8
courant, M. Claretie a mis à la disposition
des instituteurs soixante places à la Comé-
die-Française pendant la durée du congrès.
Ces places seront confiées à M. A. Des
moulins, président du comité, qui est chargé
de la distribution.
M. Porel, directeur de l'Odéon, a égale-
ment mis à la disposition du comité, 400
places par soirée.
SPORT
-
COURSES A FONTAINEBLEAU
Dimanche 4 septembre
La réunion de Fontainebleau, malgré l'in-
certitude du temps, a pleinement réussi.
Les trois critériums qui se courent offrent
au sport un très grand intérêt ; il est rare
qu'il ne sorte pas un bon cheval de ces
épreuves. Folie, qui n'a pas encore été bat-
tue, a confirmé sa supériorité, et Stuart est
un cheval de grand avenir ou nous nous
tromperions fort. Il a gagné le Triennal dans
un canter.
RÉSULTATS
Premier critérium
1. Bégonia, 15/1, à M. Ephrussi (Beigeland).
— 2. Athos,, - 3. Endymion.-
Gagné d'une encolure.
Non placés : Rapide, Réalmont, Le Lièvre,
Wawerlqy, Comte, Laneau.
Prix de Dois-Roussel
i. Polyeucte, 3/1, à M. M. Ephrussi (Kear-
ney). - 2. Néro. —' Artois.
Gagné de deux longueurs.
Non placé : Gamiu. N
Deuxième critérium
1. Désirée, 12/1, à M. Vilamet (Lane). -
2. Blondine. — 3. Intervention.
Gagné d'une demi-longueur.
Non placés : Fougère. Sa Grâce, Hallali,
Industrie, Nathalie. Cythai-e.
Troisième critérium
1. Folie, égalité, à M. J. Prat (Kearney). -
2. Jeudi. - 3. Dauphin.
Gagné d'une longueur.
Non placés : Fontaine, Champagne.
Sixième prix Triennal
1. Stuart, 2/1. à M. Pierre Donon (Lane).—
2. Loefflec. — 3. Princesse-Palatine.
Gagné facilement.
Non placés : L'Honorable. Sibérie, Sabreur,
Empire, Eglinton, Saint-Eloi, Galoar.
Prix d.'Augas.
i. Barberine. 2/1, à M. M. Ephrussi (Dodge).
— 2. Prestat. — 3. BouvreuiL
Gagné après un dead heat d'une encolure.
Non placée : Jenny.
*
« -II'
Aujourd'hui, courses plates à Vincennes.
Courses vélocipédiques
Vélo-Sport caenilals. - If, Berteaux, mem-
bre du Vélo-Sport eaennais, a ell(etué la se-
maine dernière, en bicycle, le parcours de
Caen à Paris, soit 240 kilomètres.
Parti dimanche matin à 4 h. t{2, il arrivait
à Lisieux à 7 h. 10, puis à Evreux à 1 h. 5,
avec un retard de deux heures occasionné
par un fort vent debout et par les routes
détrempées. A 3 h. 114. M. Berteaux quittait
Evreux et atteignait Mautas à 4 li. 3[4, où un
orage épouvantable le force à s'arrêter. En-
fin à 6 h. Ij4, malgré la pluis, M. Berteaux
se remet en route et arrive à Saint-Germain
à 7 h. 112, puis à Paris à 9 b. 23, ayant cou-
vert ses 240 kilomètres. Cette performance
est très belle, vu les difficultés que l'infatiga-
ble vélocoman a dû surmonter.
DANS LE FINISTÈRE
La loi sur la laïcisation de l'ensei-
•' gnemeut
(D'un correspondant)
Quimper, 4 septembre. — Grâce à l'éner-
gie du préfet du département. M. Bouffet,
la bête noire des cléricaux, la loi sur l'en-
seignement primaire primaire reçoit enfin
son exécution.
Il restait encore sept écoles congréga-
nistes de garçons; cinq viennent d'être
laïcisées : Guipavas, Arzano, Oueasant,
Pont-Croix et Plouvorn.
A Pont-Croix, ce sont les frères eux-
mêmes qui abandonnent le poste. L'un des
adjoints ayant démissionné, préférant plu-
tôt porter l'habit militaire que la robe des
congréganistes. Un adjoint laïque devait le
remplacer; le directeur ne voulant pas se
conformer à la loi démissionna ; et l'école
est laïcisée. — Deux écoles de filles le sont
également : Plonéonr-Lanvern et Plouda-
niel.
La loi sur les constructions d'office va
aussi entrer dans le domaine pratique; le
préfet vient de soumettre au conseil géné-
ral quinze dossiers, pour lesquels la majo-
rité républicaine a donné un avis favorable,
malgré les quelques observations de plu-
sieurs membres monarchiques, qui trou-
vent que les écoles libres congréganistes
de filles suffisent. Il est bon de faire con-
naître le nom de ces communes, ce sont :
Motreff, dépourvue d'école, groupe scolaire;
Trégarantec, école mixte; Plouéjoch, école
de filles; Saint-Servais, école de filles;
Trégijuc, école de filles et école de garçons;
Carantec, école de filles ; Plovan, école de
filles; Plouénan, école de filles ; Lampaul-
Ploudalméjeau, école de filles; Pouldavid,
classe pour les filles; Ploaré (seetion du
Juch), groupe scolaire; Saint-Nic, école de
garçons; Trébabu, école mixte; ClédeD-
Poher, école de garçous ; Ile-de-Sein, école
de garçons (à la charge de l'Etat).
!
LA FORMATION DES NOUVEAUX
RÉGIMENTS DE CAVALERIE
(D'un correspondantl
Dinan 4 septembre. — Deux escadrons,
l'un du 4e dragons, l'autre du 12e hussards,
viennent de quitter Dinan pour se rendre à
Cbâlons. où doivent se, former deux des ré-
giments nouvellement créés.
La veille du départ, le sympathique co-
lonel du 24e dragons, M. Moreau Revel, avait
réuni dans un grand dîner tous les officiers
du régiment, et c'est au milieu de l'émotion
générale qu'au nom de tous ceux qui restent
le chef de corps a fait à ceux qui allaient
partir des adieux touchants.
Tout le régiment, musique en tête, a fait
ce matin la conduite aux camarades dési-
gnés par le sort pour faire partie du 27e dra-
gons.
Nos félicitations au colonel Moreau Re-
vel, son régiment n'a point, sous son habile
direction, perdu les bonnes traditions. Aussi
bien dans son régiment que dans sa ville de
garnison, il a su inspirer à tous les plus
vives sympathies. On est fier d'être com-
mandé par de tels chefs.
MERCI! MERCI!
Foussemagne (Haut-Rhin), le 25 juillet 1887.
— Epuisé par le travail que je fais depuis
quinze ans dans les tuileries, je perdais la
vue, l'estomac ne pouvait plus supporter de
choses salées; depuis que je prends de vos
bonnes Pilules Suisses à 1 fr. 50, la boîte, les
yeux vont beaucoup mieux, je n'ai plus de
maux d'estomac, la transpiration est moins
fréquente et la gaieté est revenue. Mon
épouse s'en est aussi très bien trouvée. Mer-
ci! Merci! J. JOLY. Signât, lég. — A. M. Hert-
zog, pharmacien, 28, rue de Grammont, Paris,,
———————— ————————
Voir à la 4" page l'intéressante Exposition
de Toiles. Blanc et Lingerie des Magasins
de la Place de la Bastille.
« CHOSES VUES »
LA PRISON DES CONDAMNES A MORT
Une visite de Victor Hugo à la Ro-
quette racontée par lui-même. -
La cellule des condamnés à.
mort. — Conversation du
poète avec un condamné.
Nous avons trouvé, dans une des œuvres
posthumes de Victor Hugo, Choses vues,
le récit d'une visite du grand poète à la
prison de la Roquette où se trouvait pt'éci-
sément un condamné à mort. L'exécution
de Pranzini donne, à ce récit, une actualité
saisissante.
xf
La prison des condamnés à mort, placée
à côté et bâtie en pendant de la prison des
jeunes détenus, est une vivante et saisis-
sante antithèse. Ce n'est pas seulement le
commencement et la fin du malfaiteur qui
se regardent ; c'est aussi la confrontation
perpeluelle des deux systèmes péniten-
tiaires, la claustration cellulaire et l'empri-
sonnement en commun. Il suffit presque de
ce vis-à-vis pour juger la question. C est un
duel sombre et silencieux entre le cachot et
la cellule, entre la vieille prison et la pri-
son nouvelle.
D'un côté, tous les condamnés pêle-mêle,
l'enfant de dix-sept ans avec le vieillard de
soixante-dix, le prisonnier de treize mois
avec le forçat à vie, le gamin imberbe qui
a chipé des pommes et l'assassin des gran-
des routes sauvé de la place Saint-Jacques
et jeté à Toulon par les circonstances atté-
nuantes, des presque innocents et quasi-
condamnés, des yeux bleus et des barbes
grises, de hideux ateliers infects où se cou-
doient et travaillent, dans des espèces de
ténèbres, à des choses sordides et fétides,
sans air, sans jour, sans parole, sans re-
gard, sans intérêt, d'afireux spectres mor-
nes, dont les uns épouvantent par leur vieil-
lesse, les autres par leur jeunesse..
De l'autre côté, un cloître, une ruche ;
chaque travailleur dans sa cellule, chaque
âme dans son alvéole; un immense édifice à
trois étages remplis de voisins qui ne se
sont jamais vus ; une ville composée d'une
foule de petites solitudes ; rien que des en-
fants, et des enfants qui ne se connaissent
pas, qui vivent des années, l'un près de
l'autre, sans jamais entendre ni le bruit de
leurs pas, ni le son de leur voix, séparés
par un mur et par un abime. le travail, l'é-
tude, les outils, les livres, huit heures de
sommeil, une heure de repos, une heure de
jeu dans une petite cour à quatre murs, la
prière soir et matin, la pensée toujours.
D'un côté un cloaque; de l'autre une cul-
ture.
Vous entrez dans une cellule, vous trou-
vez un enfant debout devant un établi qu'é-
claire une fenêtre à vitres dépolies dont un
carreau du haut peut s'ouvrir. L'enfant est
vêtu de grosse bure grise, propre, grave,
paisible.
Il s'interrompit, car il travaillait, et il
salue. Vous l'interrogez, il répond avec un
regard sérieux et une parole douce. Les
uns font des serrures, douze par jour ; les
autres des sculptures pour meubles, etc., etc.
Il y a autant d'états que d'ateliers, autant
d'ateliers que de corridors. L'enfant en on,
tre sait lire et écrire. Il a dans sa prison un
maître pour l'esprit comme pour le corps.
Il ne faut pas croire cependant qu'à force
de douceur cette prison soit insuffisante
comme châtiment.
Non, elle est profondément triste. Tous
les détenus ont un air puni qui est parti-
culier.
Il y a du reste encore beaucoup de criti-
ques à faire; le système cellulaire com-
mence. 11 a presque tous ses perfectionne-
ments devant lui; mais déjà, tel qu'il est,
incomplet et insuffisant, il est admirable à
côté du système de l'emprisonnement en
commun.
Le prisonnier, captif de tous les côtés et
libre seulement du côté du travail, s'inté-
resse à ce qu'il fait. quoi qu'il fasse. Tel
enfant joueur, qui haïssait toute occupation
devient un ouvrier acharné. Quand on est
séquestré, on parvient à trouver de la lu-
mière dans la cave la plus noire.
S août.
L'autre jour, je visitai. la prison des con-
damnés, je dis au directeur qui m'accompa-
gnait :
— Vous avez ua condamné à mort ici en
ce moment ?
- Oui, monsieur, le nommé Marquis, qui
a essayé de tuer à coups de couteau une
fille Térisse pour la voler.
— Je voudrais, dis-je, parler à cet
homme.
- Monsieur, dit le directeur, je suis ici
pour prendre vos ordres, mais je ne puis
vous introduire près du condamné.
Parce que?
- Monsieur, les règlements de police
nous défendent de laisser pénétrer qui
que ce soit duns les cellules des condam-
nés à mort.
Je repris :
— J'ignore, monsieur le directeur de la
prison, ce que prescrivent les règlements
de police : mais je sais ce que prçsçrit la
loi. La loi place les prisons sous la sur-
veillance des Chambres et les ministres
en particulier sous la surveillance des pairs
de France, qui peuvent être appelés à les
juger. Partout où il peut y avoir un abus,
le législateur doit entrer et regarder. Il
peut y avoir des choses mauvaises dans Iq
cachot d'un condamné à mort. Il est de
mon devoir d'entrer et de votre devoir
d'ouvrir;
Le directeur ne répliqua point et me con-
duisit.
; Nous côtoyâmes une petite cour où il y a -
quelques fleurs et qu'entoure une galerie.
C'est le promenoir spécial des condamnés
à mort. Quatre hauts bâtiments l'entourent.
Au milieu d'un des côtés de la galerie, il
y a une grosse porte bardée de fer. Un gui-
chetier l'ouvrit, et je me trouvai dans une
sorte d'antichambre obscure et dallée de
pierres. Je vis devant moi trois portes, une
en face, les deux autres à droite et à gau-
che; trois lourdes portes percées d'un gui-
chet à grille et chargées d'une énorme ar-
mature de fer. Ces trois portes donnent sur
trois cellules destinées à'des condamnés A
mort qui attendent leur sort après leur
double pourvoi en grâee et en cassation.
C'est en général un répit de deux mois.
— Il n'y a encore eu, nae dit le directeur,
que deux de ces cellules occupées à la
fois.
On m'ouvrit la porte du milieu. C'était
celle du cachot habité en ce moment.
JV-ntrai.
Au moment où j'entrai, un homme se leva
vivement et resta debout.
Cet homme était au fond de la chambre.
Ce fut lui que je vis d'abord. Un jour b1a;.
fard qui tombait d'une large fenêtre à hotte
placée au-dessus de sa tète l'éclairait par
derrière. Il avait la tête nue, le col nu. des
chaussures aux pieds, un pantalon de laine
brune et la camisole. !
Les manches de cette camisole de grosse
toile grise étaient nouées par devant. A
travers cette toile on distinguait sa main
qui tenait une pipe toute bourrée. Il allait
allumer cette pipe à l'instant où la porta
s'était ouverte. C'était le condamné. ;
On ne voyait par la fenêtre qu'un peu de
ciel pluvieux.
11 y eut un moment de silence. J'éprou-
vais trop d'émotions à la fois pour pouvoir
parler.
C'était un jeune homme, il n'avait évi-
demment pas plus de vingt-deux ou vingt-
trois ans. Ses cheveux, châtains, natureligm,
ment frisés, étaient coupés courts ; sabaiim
n'était pas faite. Il avait les yeux grands ;
beaux, mais le regard petit et vilain, le 11."
écrasé, les tempes proéminentes, les os de
derrière l'oreille larges, ce qui est mauvais:
signe, le front bas, la bouche laide, et, à
gauche, au bas de la joue, ce gonflemeat
particulier que donne l'angoisse,
Il était pâle. Toute cette figure était bou-
leversée ; cependant, à notre entrée, il s'ef-
força de sourire.
Il était debout, il avait à sa gauche sçk
lit4 une espèce de grabat en désordre sur
lequel il était probablement étendu le me*
ment d'auparavant, et à sa droite une petite
table de s barbouillée en jaune ayant
pour dessus une planche peinte en marbre
Sainte-Anne. Sur cette table, il y avait doil
écuelles de grosse terre vernie contenant
des légumes cuits à l'eau et un peu de
viande, un morceau de pain et une blague
de cuir pleine de tabac à fumer et ouvertll.
Une chaise de paille était à côté de la
table.
Ce n'était plus ici l'effrayant cabanon
des condamnés de la Conciergerie.
C'est une chambre assez vaste, assez
claire, badigeonnée en jaune, meublée de
ce lit, de cette chaise, de cette table, d'un
poêle eu faïence qui était à notre gauche,
d'une planche ajustée à un angle du mur
vis-à-vis la fenêtre et chargée de vieilles
hardes et de vieux tessons. Dans un autrç
angle il y avait une chaise carrée qui rem-
plaçait l'ignoble baquet classique des an-
cien cachots. Tout cela était propre ou à
peu près, rangé, aéré, balayé, et avait ce je
ne sais quoi de bourgeois qui Ote aux choses
leur horreur aussi bien que leur beauté. La
fenêtre, garnie de doubles barreaux, était
ouverte. Deux petites chaînes, destinées à f
en retenir les châssis, pendaient à dfU!i
clous au-dessus de la tête du condamna
Près du poêle, deux hommes se tenaieDS)
debout, un soldat sans autre arme que saq
sabre, et un gardien. p
Les condamnés ont toujours ainsi autour
d'eux deux hommes qui ne les quittent ni'
jour ni nuit. On relève ces hommes de trois.
heures en trois heures. !.'
Ce no fut pas dans le premier moment
que je pus considérer tout cet ensernbl.
Le condamné absorbait toute mon atteJl,.;
tion. \',:
M. Paillard de Villeneuve m'accompa-
gnait. Ce fut le directeur qui rompit le 614
lence le premier. :
— Marquis, dit-il en me montrant, mon
sieur vient dans votre intérêt. I¡
— Monsieur, dis-je alors, si vous avezI
quelque réclamation à faire, je suis ici pevÍ:",
l'entendre. ï
Le condamné s'inclina et me répondit eq.
souriant d'un sourire qui faisait mal : i.
, - Je n'ai à me plaindre de rien, mon
sieu; je suis bien ici. Ces messièûrs (Uj
montrait les deux gardiens) sont très bonsj
et veulent bien causer avec moi. M. le di
recteur vient me voir de temps en temps.
- Comment êtes-vous nourri ? reprl!s.je
- Très bien, monsieur, j'ai double rar
tion. i
Il ajouta après un silence :
— Nous avons droit à double ration. et
puis j'ai du pain blanc.
Je regardai le morceau de pain qui étal*
très blanc en effet.
Il ajouta : s ?
- Le pain de la prison, c'est la seule
chose à laquelle je n'aurais pas pu m'a)
coutumer, A Sainte-Pélagie où j'ai été en.
prévention, nous avions formé une société
v Feuilleton du 6 Septembre 1887
: :
140
LES AMOURS DE PARIS
PAR
; l FBV4.Ï,
QUATRIÈME PARTIS
tLg; BQRTEFEUILLE ROUGE
x
L'Amour à Paris
(SUITE)
: Le duc s'épuisait à la suivre. Il en-
tremêlait, haletant, des mots d'amour
§vec' des paroles de colère.
Sa gorge râlait, son pas bronchait,
ses jarrets rigides arrêtaient son élan.
i Sainte fuyait, légère comme une syl-
phide. Elle passait à droite, elle tour-
nait à gauche, trompant la poursuite
fpbstinée de M. de Compans.- Et, tout
,en fuyant, la pauvre enfant, elle priait
(Dieu avec une ferveur confuse et ap-
pelait la Vierge à son secours.
r Dieu et Vierge semblaient l'aban-
donner.
û Ses force s'épuisaient ; ses sanglots
rVétouffaient, ses larmes l'aveuglaient
ifet avaient l'empêcher bientôt CW' diri-
.W:cB-W¡.S
Le duc, qui voyait sa victoire, re.,
doublait d'efforts. Son râle joyeux et
ivre était horrible à entendre.-.
Derrière la porte, dans le corridor,
Mme Brunei et M. Burot mettaient
alternativement l'œil à la serrure et
se divertissaient comme des bienheu-
reux. -
— Il l'aura bien gagnée ! disait Mme
Brunei.
— C'est égal, répondait M. Burot, je
ne ferais pas ce métier-là pour le dou-
ble de mes appointements.
• Comme il souffle! écoutez donc!.
- Regardez donc l'eau qui c ouïe de
sa perruque !.
— Il l'attrapera !
— Il ne l'attrappera pas !
Et tous deux de rire, les dignes ser-
viteurs.
Il y avait de quoi.
M. le duc, à bout de courage et de
force, perdait le souffle et chancelait.
Ses yeux rougis et bouffis sortaient de
leurs orbites. Il ne priait plus, il me-
naçait odieusement.
Sainte, rendue de fatigue, était à
chaque pas sur le point de tomber. Les
menaces du duc la tuaient.
Elle courait encore, soutenue par la
violence de sa frayeur, mais elle ne
savait plus où elle courait.
Pauvre ange ! le démon était le plus
fort.
En un moment son regard perdu
rencontra la face horriblement décom-
posée de Compans.
Ce fut le dernier coup. Son cœur
se retira eUç tomï>& q. r~ant une
,:.
Le duc vint tomber à côté d'elle et
poussa un rauquement hideux.
M. Burot et Mme Brunei bailirent
des mains derrière la porte,
XI
Lorette
M. le duc de Compans était vieux de
fait encore plus que d'âge. S'il avait
eu dix ans de moins, nous aurions dû
clore la scène à la fin du dernier cha-
pitre et tirer le voile.
Mais il était si complètement épuisé
lorsqu'il tomba auprès de Sainte, qu'il
n'eut que la force de saisir sa robe à
deux mains pour l'empêcher de se re*
lever.
Puis il demeura pantelant, bouche
béante, sans voix.
La course laborieuse qu'il venait de
fournir avait dérangé entièrement l'ar-
tifice laborieux de sa toïlette.- Il était
effrayant à voir, mais il était grotes-
que. 't .t .t' f
Il aurait fait pitié, si la sauvage fu-
reur de la passion qui bouleversait ses
traits n'eût glacé le cœur.
Sa fausse chevelure s'était dérangée
et posait de travers sur son crâne nu
le pêle-mêle de ses mèches ébourif-
fées.
Les gouttes de sueur, en tombant de
son front, avaient marqué tortueuse-
ment leur passage sur le fard épaft de
sa joue.
On voyait les milles rides de ses
yeux et de sa bouche, ses sourcils dé-
teints, ses lèvres décolorées.
C'était, appliqué à un vieill-Rrd et
poussé à son extrême Duissance. le ri-
sible changement qu'une danse trop
enthousiaste opère quelquefois sur le
visage refait d'une coquette hors d'âge.
Mais, en faee de cette pauvre enfant,
évanouie à demi et comme pétrifiéa
par l'épouvante, vous n'eussiez point
eu la force de vous arrêter au côté
plaisant de cette scène.
Vous eussiez frémi à voir si près de
la vierge sans défense l'œil sanglant
du satyre.
Votre cœur se fût serre, car dans cet
œil il y avait un délire furieux, — une
passion impitoyable.
Nul moyen d'échapper, — les mains
de M. de Compans se crispaient
sur sa robe ; — chacun de ses doigts
faisait son trou dans l'étoffe.
Il reprenait haleine avec une sorte
d'emportement, hâtant son souffle, rap-
pelant sa force perdue,essayant à cha-
que instant de se redresser, et retom-
bant toujours avec pesanteur sur le
tapis.
Sainte aussi reprenait haleine, son
gracieux visage exprimait une mor-
telle terreur. Elle était à demi soule-
vée et s'appuyait sur ses deux mains ;
sa gorge haletait ; ses beaux cheveux
blonds dénoués tombaient en désordre
sur son sein et sur ses épaules.
Son œil grand ouvert était fixé sur
le duc, dont le regard menaçant opé-
rait sur elle une fascination véritable.
L'épouvante dilatait ses narines, re-
levait ses sourcils et enflait ses lèvres
agitées.
Elle était belle encore., hélas ! trop
belle. Le duc à la contempler éeh^uf-
lait sa passion iusau'au transport; le
*
sang lui bouillait dans les veines, — et
c'était chose hideuse que de voir ses
membres, agités convulsivement et
comme galvanisés par des secousses
incertaines, s'efforcer incessamment et
se roidir pour donner à ce drame fu-
neste un dénouement odieux.
Il ne pouvait pas se relever. — Ses
efforts insensés l'épuisaient davan-
tage. Ses ongles écorchaient le tapis à
travers la robe déchirée de Sainte.
Mais il allait pouvoir. — Ce n'était
qu'un répit de quelques minutes.
Derrière la porte, M. Burot et Mme
Brunei regardaient et causaient.
C'était bien la peine de tant se fati-
guer ! disait la camériste en haussant
les épaules.
- Quant à cela, répondait M. Burot,
- il n'y a pas de plaisir sans peine.
Mais est-il drôle avec sa perruque de
travers !
- Et ses sourcils blanchis ! dit Mme
BruneI, qui venait de mettre son œil
à la serrure.
— Et son mollet gauche, regardez
donc! ajouta Burot; il est descendu
sur le talon.
— Ah ! dit la camériste, — c'est con-
venu : il va rester là!
— Il est bloqué, dit Burot dans son
jargon aimable, — fait au même, dé-
moli, disparu. — Elle lui fait compter
les clous comme une petite intrépide.
Le fait est qu'il n'y a pas de plaisir
sans peine!
Il poussa Mme Brunel sans façon et
se mit à sa place au trou de la ser-
rure.
-r Ma parole, poursuivit-il avec ad.,
miration, — elle est jolie comme tout
ce qu'il y a de soigné!. Comme elle
ferait bien dans un comptoir !. Tiens'l
tiens, ajouta-t-il en frappant sur sa1
cuisse, — voilà monsieur qui retrouve
ses jarrets, il se relève. Ah! par maHlï
foi, nous allons rire!. ': }(
— Laissez-moi voir un peu, monsjeUfj
Burot, dit Mme Brunei. j
— Du tout ! répliqua le drôle, la loge]
n'est qu'à une place. et c'est une pre-S
mière représentation. ;:,.
Le duc était parvenu, en effet, à sej
mettre sur ses genoux. - Il ne treni
blait plus, — L'espèce de paralysie qui
avait garrotté ses membres prenait nûa
— Un triomphe hideux était sur sqsj
traits.
Sans lâcher la robe de Sainte, il sé
glissa sur ses genoux et mit son visagffl
enflammé au-dessus du front de lal
jeune fille.
Puis il se redressa pour avancer en«1
core un peu. j !
A ce moment suprême, un nuage,
passa sur les yeux de Sainte. — Une
voix cria au dedans d'elle et lui an non.!.
ça sa perte. — Mais en même temps
tout son être se révolta de lui-même et
en dehors de sa volonté. — L'image dé
Romée passa devant sa vue ; elle se
sentit forte soudain. :'l
A son insu, sa bouche murmura le
nom tutélaire ; et, comme le duc se]
baissait victo-rieux, elle se rejeta en
arrière d'un mouvement violent, et
bondit, délivrée, laissant entre les
mains de M. de Compans un lam
de sa robe. ¡',
(La
TP A Tt TK
èbsèqaes des vieiimes de la rue
Brey
Les obsèques des victimes du triple meur-
tre de la rue Brey ont eu lieu hier matin, à
huit heures et demie. Dès sept heures, M.
Gaud, commis-greffier de la Morgue, avait
exposé les trois cercueils dans le salon des
familles, où les parents ont pu voir une
dernière fois les traits des victimes. Au mi-
lieu se trouvait le cercueil renfermant le
corps de Mme Padrona, née Boissonneau,
âgée de vingt-quatre ans ; à droite, celui de
la petite fille, Fanny Padrona, âgée de cinq
ans, et à gauche, celui de Padoue Padrona,
îgé de trois ans.
Le cercueil de Mme Padrona fut placé
sur un char de 6e classe. De nombreux bou-
quets et couronnes étaient déposés sur le
corbillard. Deux brancards de 1re classe or-
nés de franges argentées pprtaient, à droite
le cercueil de la petite fillé, et à gauche ce-
lui du petit garçon. Ils étaient surchargés
de bouquets de fleurs naturelles et de cou-
ronnes blanches.
Le deuil était conduit par le frère et l'on-
cle du meurtrier. L'assistance, composée
principalemsnt de compatriotes de Padrona,
était très nombreuse.
Les drailles de la jalousie
Route de la Révolte, no 8, les époux
Vandenbrook avaient établi une cantine
fréquentée par des ouvriers de nationalité
étrangère..
La femme Vandenbrook, dont l'inconduite
occasionnait des scènes fréquentes, entre-
tenait depuis quelques temps des relations
avec un client de rétablissement.
Hier soir, le mari, qui était ivre, devint
tout à coup furieux, il saisit un revolver et
tira sur sa femme sans l'atteindre. Désar-
mé aussitôt par les consommateurs, il a
été conduit chez M. Bouteiller, commis-
saiée de police, qui l'a consigné à sa dispo-
sition.
Interrogé par ce magistrat, Vandenbrook
a déclaré que, poussé à bout par les intri-
gues de sa femme, il avait, dans un mou-
vement de colère, voulut se venger d'elle.
Crime ou suicide
Hier matin, à six heures, un employé des
bains Henri IV, nommé B., apercevait un
cadavre d'homme flottant entre deux eaux,
sous le Pont-Neuf.
Il sauta dans le bachot et ramena le corps
sur la berge. Le noyé était un jeune homme
d'une vingtaine d'années, paraissant avoir
séjourné piusienrs jours dans l'eau.
Il portait à la tête une profonde blessure
ayant pu déterminer la mort,
M. Dhers, commissaire de police. infor-
mé, a procédé aux constations.
Le cadavre, dont l'identité n'a pu être
établie, a été transporté à la Morgue par
ses eçins, et une enquête est ouverte.
Coups de couteau
Vers cinq heures et demie du matin, hier
les agents ont consigné à la disposition de
M. Berlioz, commissaire de police, les nom-
més Eugène Beaugrand, âgé de dix-neuf
ans, couvreur, et Emmanuel Hallais, âgé
de trente-sept ans, eouvreur, demeurant
tous deux 73, rue de l'Hôtel-de. Ville, qui
causaient du scandale même rue. Au poste,
Beaugrand, a déclaré aux agents que vers
une heure du matin, Hallais avait, en com-
pagnie de deux autres individus, frappé de
deux coups de couteau, le nommé Auguste
Denoble, âgé de vingt-trois ans, couvreur,
demeurant également 73, rue de l'Hôtel-
de-Ville.
Des agents s'y sont rendus et ont cons-
taté le fait. Un médecin appelé aussitôt a
constaté que Denoble était blessé au côté
gauche, mais que les blessures n'étaient
pas dangereuses.
Làelle ngression
Vers minuit, hier, à la sortie du bal Pa-
nisset, rue des Gravilliers, 65, un individu
paraissant âgé de 19 à 20 ans environ, très
petit, brun, moustaches naissantes, veston,
gilet, pantalon de couleur foncée, coiffé
a une casquette qui s'est esquivée, a tiré
deux coups de revolver sur le nommé
Charles Milgreder. ébéniste, demeurant
rue du Faubourg Saint-Antoine, 141, qui a
été atteint légèrement à la tête.
M. Trobert, commissaire de police, a ou-
vert une. enquête.
Trio de vauriens
> Vers 11 heures 45, hier, la nommée Bil-
liot Zélie, âgée de 23 ans, blanchisseuse,
demeurant impasse des Nonnettes, 10, en
sortant d'un débit de vins rue de la Folie-
Méricourt, est montée dans une voiture en
compagnie de trois jeunes gens. Arrivés
rue Oberkampf, cette fille refusant d'aller
plus loin, les trois individus l'ont jetée en
bas de la voiture; dans sa chute elle s'est
fracturée la jambe droite et la voiture a
continué sa course.
Après avoir reçu des soins dans une
pharmacie, Zélie Billiot a été transportée
$i l'hôpital Saint - Louis, par ordre de
; M. Hamon, commissaire de police, qui a ou-
vert une enquête.
,! Encore les eraffaiafs asBarôyr©
En 1884, M. Thuillerie, commissaire de
tPOlièe, avait procédé à l'arrestation d'une
liemme Viard, habitant rue Poliveau que la
rumeur publique accusait de maltraiter un
de ses enfants, le petit François, âgé de
six ans.
Reconnue coupable des faits qu'on lui re-
prochait, cette mère dénaturée fut condam-
née par le tribunal correctionnel dela Seine
à huit mois de prison.
Tandis qu'elle subissait sa peine, le petit
François placé à l'hôpital Trousseau, se re-
mettait peu à peu du mauvais état dans le-
quel sa mère l'avait mis,
Le tort que l'on eut fut de rendre l'enfant
à sa mère à l'expiration de sa détention.
Celle-ci que la sévère leçon n'avait point
corrigée, fit de nouveau subir au pauvre
petit les plus mauvais traitements.
Tant et si bien que dernièrement la ru-
meur publique l'accusa pour la seconde
fois.
M. Thuillerie s'est rendu hier rue Poli-
veau au domicile de cette marâtre et a pro-
cédé à son arrestation.
Le petit François, dont le corps était
couvert d'ecchymoses a été renvoyé à l'hô-
pital Trousseau.
Détail particulier — Mme Viard aune pe-
tite fille de cinq ans qu'elle adore. Peut-être
est-ce l'amour de celle-ci qui a causé sa
haine pour le petit François.
un préeo" "oleur
Pendant que la dame Pauline Bonnin, tri-
pière, 53, rue du Gardinal-Lemoine, vaquait
dans l'arrière-boutique aux soins de son
ménage, un jeune drôle-de douze ans, Ma-
nuel vivès, dont les parents habitent rue
Vaugelas, s'introduisait dans l'étal et il se
glissait furtivement, grâce à sa petite taille
jusqu'au comptoir.
Ouvrir le tiroir-caisse et s'emparer d'une
somme de huit à dix francs en menue mon-
naie, fut pour le jeune polisson l'affaire d'un
.instant. Mais dans sa précipitation, il laissa
tomber une des pièces, ce qui donna l'éveil
à la dame Bonnin.
Celle-ci ne fit qu'un bond d'une pièce dans
l'autre et arriva juste à temps pour saisir le
voleur par leg bras au moment où il pre-
nait la fuite.
Se voyant pris. le petit misérable, au lieu
d'implorer la pitié et la clémence de la tri-
pière, la mordit cruellement à la main
droite. Heureusement, un des garçons ren-
tra à ce même moment et s'empara du jeune
vaurien, que deux gardiens de la paix em-
menèrent au commissariat de police du
quartier.
Acte de lîrlgasaelage
La ville de Saint-Denis, en dépit du re-
doublement de surveillance de la police
continue à être le théâtre dattaquas noc-
turnes, dénotant de la part de leurs auteurs
une stupéfiante audace.
Hier soir encore, un journalier, nommé
GoÍfret (Joseph), demeurant route de Paris,
à Saint-Denis, a été assailli près de son do-
micile par quatre individus qui l'ont en-
traîné dans la ruelle de la Montagne où ils
l'ont terrassé, roué de coups et dévalisé.
Le malheureux, relevé inanimé par des
gardiens de la paix, a été transporté à son
domicile, dans un 4tat des plus graves.
Les quatre malfaiteurs ont été arrêtés.
Le feu
Mme Rabouin, rentière, demeurant rue
Charron, 12, descendait hier, vers onze heu-
res du soir, l'escalier de la maison, lors-
qu'elle renversa sur elle une lampe à-pé-
trole qu'elle tenait à la main.
En quelques instants, les vêtemeots de
Mme Rabouin prirent feu. Quelques voisins
accoururent ; mais déjà la malheureuse
était couverte de brûlures. Transportée à
l'hôpital Lariboisière, elle expirait après
deux heures de cruelle agonie.
*
* *
iJn autre incendie s'est déclaré dans la
soirée à peu près à la même heure, au troi-
sième étage du no 127 de la rue Montmar-
tre, dans l'appartement de M. Curé, écail-
leur.
Mme Curé avait renversé une lampe à es-
sence qui a communiqué le feu à un amas
de chiffon Le fils Curé, âgé de quatorze
ans, a reçu quelques brûlures sans gra-
vité.
Les voisins, trop prompts, ont, pour sau-
ver le mobilier, cassé tous les meubles en
les jetant par la fenêtre.
Une singulière situation
L'entrepôt de Bercy est une propriété de
la ville de Paris, qu'elle loue au commerce
à des prix fort élevés. Les magasins y sont
chauds en été, froids en hiver et souvent
exposés aux inondations ; mais ce n'est pas
encore ce qui constitue le plus fâcheux état
de cet entrepôt. Il est devenu la nuit le re-
paire de vagabonds qui y commettent toute
espèce de déprédations,
11 y a cinq mois, le coffre-fort d'un négo-
ciant de la cour Louis-Proust était défoncé
et celui d'un autre négociant enlevé. Les
morceaux brisés furent retrouvés dans l'en-
trepôt même.
Cette nuit, des voleurs se sont introduits,
par le toit, dans le bureau d'un négociant
de la rue Gallois et, après avoir fait main-
basse sur tout ce qu'ils ont trouvé, ont bu
une bouteille de champagne avant de se
retirer. -
Il serait nécessaire que ces mesures fus-
sent prises pour remédier à une semblable
situation.
Il n'y a pas très longtemps la police
ayant appris que quatorze individus cou-
chaient chaque uuit dans un grenier du ma-
gasin voulut les arrêter. Quatre inspec-
teurs de la police et des gardiens de la paix
furent envoyés pour opérer une râfle, mais
l'entrée de l'entrepôt leur fut refusée,
comme étant une propriété particulière où
la police n'avait pas le droit de pénétrer.
Aussi les voleurs y opèrent-ils en toute
tranquillité et il est probable que cette fois,
comme il y a quelques mois, ils ne seront
pas inquiétés.
Il est profondément regrettable que la
surveillance de l'entrepôt de Bercy laisse
autant à désirer, car les négociants sont
quelquefois dans l'obligation de laisser
des valeurs dans leurs bureaux et l'état ac-
tuel ne leur donne aucune sécurité.
L'affaire lftouvet
Le père de Mouvet, l'administrateur de
la Banque parisienne, a été arrêté à Bruxel-
les, où il se présentait sous différents noms,
tels que Mazy, Muller, etc. Il a été décou-
vert chez un de ses neveux.
Comme on lui demandait lj'il était posses-
seur de l'argent volé par son fils, il a ré-
pondu qu'il n'avait absolument rien à voir
dans les affaires de son fils.
On a trouvé dans la coiffe du chapeau de
Mouvet père, six billets de mille francs.
, MM. Welliens, juge d'instruction et Wil-
maers, procureur du roi, ont facilité les re-
cherches. On voudrait savoir si le ère de
Mouvet n'a pas déposé dans une Banque
quelconque, l'argent en question.
Iteetifi cation
Dans un de nos précédents numéros, par-
lant d'arrestations opérées au marché de la
Chapelle, nous avons cité parmi les indivi-
dus arrêtés le nommé Délice.
Les époux Delisse, très honorablement
connus à Saint-Denis, où ils habitent, ont
craint que leur fils se trouvât parmi les
mauvais sujets dont parlait notre récit. Le
fils Délisse n'a pas été arrêté.
A ce propos, Mme Délisse ayant eu à
faire quelques démarches à la préfecture de
police relativement à cette affaire, s'est vue
renvoyée de bureau en bureau, servant,
pour ainsi dire, de distraction aux em-
ployés.
Nous savons que M. Gragnon recom-
mande, au contraire, la plus grande poli-
tesse au personnel de son administration ;
ii suffira, croyons-nous, de lui signaler ces
îaitg pour qu'il en évite le retour,
THEATRES
Spectacles de la semaine à l'Opéra :
Lundi 5, Patrie.
Mercredi 7, Faust.
Vendredi ©, Rigpletto et les Deux Pigeons.
- On va enfin représenter Hemani en
Russie, où les drames de Victor Hugo ont
été interdits pendant plus de cinquanle ans.
C'est M. Tatischeff, écrivain russe très dis-
tiDgué, qui a fait la traduction qui va être
jouée à Moscou,
Le traducteur a demandé à M. Jules Cla-
retie de vouloir bien lui laisser prendre co-
pie de la mise en scène complète d'Hernani
pour que là bas, le cadre soit digne du poète
français. Inutile de dire que M. Tatiscneff a
vu son désir exaucé tout de suite.
L'administrateur général de la Comédie
Française est invité à se rendre à Moscou,
pour assister à cette solennité littéraire.
— A l'occasion du congrès national des
instituteurs, qui ouvre sa deuxième session
aujourd'hui et se continuera les 5. 5, 7 et 8
courant, M. Claretie a mis à la disposition
des instituteurs soixante places à la Comé-
die-Française pendant la durée du congrès.
Ces places seront confiées à M. A. Des
moulins, président du comité, qui est chargé
de la distribution.
M. Porel, directeur de l'Odéon, a égale-
ment mis à la disposition du comité, 400
places par soirée.
SPORT
-
COURSES A FONTAINEBLEAU
Dimanche 4 septembre
La réunion de Fontainebleau, malgré l'in-
certitude du temps, a pleinement réussi.
Les trois critériums qui se courent offrent
au sport un très grand intérêt ; il est rare
qu'il ne sorte pas un bon cheval de ces
épreuves. Folie, qui n'a pas encore été bat-
tue, a confirmé sa supériorité, et Stuart est
un cheval de grand avenir ou nous nous
tromperions fort. Il a gagné le Triennal dans
un canter.
RÉSULTATS
Premier critérium
1. Bégonia, 15/1, à M. Ephrussi (Beigeland).
— 2. Athos,, - 3. Endymion.-
Gagné d'une encolure.
Non placés : Rapide, Réalmont, Le Lièvre,
Wawerlqy, Comte, Laneau.
Prix de Dois-Roussel
i. Polyeucte, 3/1, à M. M. Ephrussi (Kear-
ney). - 2. Néro. —' Artois.
Gagné de deux longueurs.
Non placé : Gamiu. N
Deuxième critérium
1. Désirée, 12/1, à M. Vilamet (Lane). -
2. Blondine. — 3. Intervention.
Gagné d'une demi-longueur.
Non placés : Fougère. Sa Grâce, Hallali,
Industrie, Nathalie. Cythai-e.
Troisième critérium
1. Folie, égalité, à M. J. Prat (Kearney). -
2. Jeudi. - 3. Dauphin.
Gagné d'une longueur.
Non placés : Fontaine, Champagne.
Sixième prix Triennal
1. Stuart, 2/1. à M. Pierre Donon (Lane).—
2. Loefflec. — 3. Princesse-Palatine.
Gagné facilement.
Non placés : L'Honorable. Sibérie, Sabreur,
Empire, Eglinton, Saint-Eloi, Galoar.
Prix d.'Augas.
i. Barberine. 2/1, à M. M. Ephrussi (Dodge).
— 2. Prestat. — 3. BouvreuiL
Gagné après un dead heat d'une encolure.
Non placée : Jenny.
*
« -II'
Aujourd'hui, courses plates à Vincennes.
Courses vélocipédiques
Vélo-Sport caenilals. - If, Berteaux, mem-
bre du Vélo-Sport eaennais, a ell(etué la se-
maine dernière, en bicycle, le parcours de
Caen à Paris, soit 240 kilomètres.
Parti dimanche matin à 4 h. t{2, il arrivait
à Lisieux à 7 h. 10, puis à Evreux à 1 h. 5,
avec un retard de deux heures occasionné
par un fort vent debout et par les routes
détrempées. A 3 h. 114. M. Berteaux quittait
Evreux et atteignait Mautas à 4 li. 3[4, où un
orage épouvantable le force à s'arrêter. En-
fin à 6 h. Ij4, malgré la pluis, M. Berteaux
se remet en route et arrive à Saint-Germain
à 7 h. 112, puis à Paris à 9 b. 23, ayant cou-
vert ses 240 kilomètres. Cette performance
est très belle, vu les difficultés que l'infatiga-
ble vélocoman a dû surmonter.
DANS LE FINISTÈRE
La loi sur la laïcisation de l'ensei-
•' gnemeut
(D'un correspondant)
Quimper, 4 septembre. — Grâce à l'éner-
gie du préfet du département. M. Bouffet,
la bête noire des cléricaux, la loi sur l'en-
seignement primaire primaire reçoit enfin
son exécution.
Il restait encore sept écoles congréga-
nistes de garçons; cinq viennent d'être
laïcisées : Guipavas, Arzano, Oueasant,
Pont-Croix et Plouvorn.
A Pont-Croix, ce sont les frères eux-
mêmes qui abandonnent le poste. L'un des
adjoints ayant démissionné, préférant plu-
tôt porter l'habit militaire que la robe des
congréganistes. Un adjoint laïque devait le
remplacer; le directeur ne voulant pas se
conformer à la loi démissionna ; et l'école
est laïcisée. — Deux écoles de filles le sont
également : Plonéonr-Lanvern et Plouda-
niel.
La loi sur les constructions d'office va
aussi entrer dans le domaine pratique; le
préfet vient de soumettre au conseil géné-
ral quinze dossiers, pour lesquels la majo-
rité républicaine a donné un avis favorable,
malgré les quelques observations de plu-
sieurs membres monarchiques, qui trou-
vent que les écoles libres congréganistes
de filles suffisent. Il est bon de faire con-
naître le nom de ces communes, ce sont :
Motreff, dépourvue d'école, groupe scolaire;
Trégarantec, école mixte; Plouéjoch, école
de filles; Saint-Servais, école de filles;
Trégijuc, école de filles et école de garçons;
Carantec, école de filles ; Plovan, école de
filles; Plouénan, école de filles ; Lampaul-
Ploudalméjeau, école de filles; Pouldavid,
classe pour les filles; Ploaré (seetion du
Juch), groupe scolaire; Saint-Nic, école de
garçons; Trébabu, école mixte; ClédeD-
Poher, école de garçous ; Ile-de-Sein, école
de garçons (à la charge de l'Etat).
!
LA FORMATION DES NOUVEAUX
RÉGIMENTS DE CAVALERIE
(D'un correspondantl
Dinan 4 septembre. — Deux escadrons,
l'un du 4e dragons, l'autre du 12e hussards,
viennent de quitter Dinan pour se rendre à
Cbâlons. où doivent se, former deux des ré-
giments nouvellement créés.
La veille du départ, le sympathique co-
lonel du 24e dragons, M. Moreau Revel, avait
réuni dans un grand dîner tous les officiers
du régiment, et c'est au milieu de l'émotion
générale qu'au nom de tous ceux qui restent
le chef de corps a fait à ceux qui allaient
partir des adieux touchants.
Tout le régiment, musique en tête, a fait
ce matin la conduite aux camarades dési-
gnés par le sort pour faire partie du 27e dra-
gons.
Nos félicitations au colonel Moreau Re-
vel, son régiment n'a point, sous son habile
direction, perdu les bonnes traditions. Aussi
bien dans son régiment que dans sa ville de
garnison, il a su inspirer à tous les plus
vives sympathies. On est fier d'être com-
mandé par de tels chefs.
MERCI! MERCI!
Foussemagne (Haut-Rhin), le 25 juillet 1887.
— Epuisé par le travail que je fais depuis
quinze ans dans les tuileries, je perdais la
vue, l'estomac ne pouvait plus supporter de
choses salées; depuis que je prends de vos
bonnes Pilules Suisses à 1 fr. 50, la boîte, les
yeux vont beaucoup mieux, je n'ai plus de
maux d'estomac, la transpiration est moins
fréquente et la gaieté est revenue. Mon
épouse s'en est aussi très bien trouvée. Mer-
ci! Merci! J. JOLY. Signât, lég. — A. M. Hert-
zog, pharmacien, 28, rue de Grammont, Paris,,
———————— ————————
Voir à la 4" page l'intéressante Exposition
de Toiles. Blanc et Lingerie des Magasins
de la Place de la Bastille.
« CHOSES VUES »
LA PRISON DES CONDAMNES A MORT
Une visite de Victor Hugo à la Ro-
quette racontée par lui-même. -
La cellule des condamnés à.
mort. — Conversation du
poète avec un condamné.
Nous avons trouvé, dans une des œuvres
posthumes de Victor Hugo, Choses vues,
le récit d'une visite du grand poète à la
prison de la Roquette où se trouvait pt'éci-
sément un condamné à mort. L'exécution
de Pranzini donne, à ce récit, une actualité
saisissante.
xf
La prison des condamnés à mort, placée
à côté et bâtie en pendant de la prison des
jeunes détenus, est une vivante et saisis-
sante antithèse. Ce n'est pas seulement le
commencement et la fin du malfaiteur qui
se regardent ; c'est aussi la confrontation
perpeluelle des deux systèmes péniten-
tiaires, la claustration cellulaire et l'empri-
sonnement en commun. Il suffit presque de
ce vis-à-vis pour juger la question. C est un
duel sombre et silencieux entre le cachot et
la cellule, entre la vieille prison et la pri-
son nouvelle.
D'un côté, tous les condamnés pêle-mêle,
l'enfant de dix-sept ans avec le vieillard de
soixante-dix, le prisonnier de treize mois
avec le forçat à vie, le gamin imberbe qui
a chipé des pommes et l'assassin des gran-
des routes sauvé de la place Saint-Jacques
et jeté à Toulon par les circonstances atté-
nuantes, des presque innocents et quasi-
condamnés, des yeux bleus et des barbes
grises, de hideux ateliers infects où se cou-
doient et travaillent, dans des espèces de
ténèbres, à des choses sordides et fétides,
sans air, sans jour, sans parole, sans re-
gard, sans intérêt, d'afireux spectres mor-
nes, dont les uns épouvantent par leur vieil-
lesse, les autres par leur jeunesse..
De l'autre côté, un cloître, une ruche ;
chaque travailleur dans sa cellule, chaque
âme dans son alvéole; un immense édifice à
trois étages remplis de voisins qui ne se
sont jamais vus ; une ville composée d'une
foule de petites solitudes ; rien que des en-
fants, et des enfants qui ne se connaissent
pas, qui vivent des années, l'un près de
l'autre, sans jamais entendre ni le bruit de
leurs pas, ni le son de leur voix, séparés
par un mur et par un abime. le travail, l'é-
tude, les outils, les livres, huit heures de
sommeil, une heure de repos, une heure de
jeu dans une petite cour à quatre murs, la
prière soir et matin, la pensée toujours.
D'un côté un cloaque; de l'autre une cul-
ture.
Vous entrez dans une cellule, vous trou-
vez un enfant debout devant un établi qu'é-
claire une fenêtre à vitres dépolies dont un
carreau du haut peut s'ouvrir. L'enfant est
vêtu de grosse bure grise, propre, grave,
paisible.
Il s'interrompit, car il travaillait, et il
salue. Vous l'interrogez, il répond avec un
regard sérieux et une parole douce. Les
uns font des serrures, douze par jour ; les
autres des sculptures pour meubles, etc., etc.
Il y a autant d'états que d'ateliers, autant
d'ateliers que de corridors. L'enfant en on,
tre sait lire et écrire. Il a dans sa prison un
maître pour l'esprit comme pour le corps.
Il ne faut pas croire cependant qu'à force
de douceur cette prison soit insuffisante
comme châtiment.
Non, elle est profondément triste. Tous
les détenus ont un air puni qui est parti-
culier.
Il y a du reste encore beaucoup de criti-
ques à faire; le système cellulaire com-
mence. 11 a presque tous ses perfectionne-
ments devant lui; mais déjà, tel qu'il est,
incomplet et insuffisant, il est admirable à
côté du système de l'emprisonnement en
commun.
Le prisonnier, captif de tous les côtés et
libre seulement du côté du travail, s'inté-
resse à ce qu'il fait. quoi qu'il fasse. Tel
enfant joueur, qui haïssait toute occupation
devient un ouvrier acharné. Quand on est
séquestré, on parvient à trouver de la lu-
mière dans la cave la plus noire.
S août.
L'autre jour, je visitai. la prison des con-
damnés, je dis au directeur qui m'accompa-
gnait :
— Vous avez ua condamné à mort ici en
ce moment ?
- Oui, monsieur, le nommé Marquis, qui
a essayé de tuer à coups de couteau une
fille Térisse pour la voler.
— Je voudrais, dis-je, parler à cet
homme.
- Monsieur, dit le directeur, je suis ici
pour prendre vos ordres, mais je ne puis
vous introduire près du condamné.
Parce que?
- Monsieur, les règlements de police
nous défendent de laisser pénétrer qui
que ce soit duns les cellules des condam-
nés à mort.
Je repris :
— J'ignore, monsieur le directeur de la
prison, ce que prescrivent les règlements
de police : mais je sais ce que prçsçrit la
loi. La loi place les prisons sous la sur-
veillance des Chambres et les ministres
en particulier sous la surveillance des pairs
de France, qui peuvent être appelés à les
juger. Partout où il peut y avoir un abus,
le législateur doit entrer et regarder. Il
peut y avoir des choses mauvaises dans Iq
cachot d'un condamné à mort. Il est de
mon devoir d'entrer et de votre devoir
d'ouvrir;
Le directeur ne répliqua point et me con-
duisit.
; Nous côtoyâmes une petite cour où il y a -
quelques fleurs et qu'entoure une galerie.
C'est le promenoir spécial des condamnés
à mort. Quatre hauts bâtiments l'entourent.
Au milieu d'un des côtés de la galerie, il
y a une grosse porte bardée de fer. Un gui-
chetier l'ouvrit, et je me trouvai dans une
sorte d'antichambre obscure et dallée de
pierres. Je vis devant moi trois portes, une
en face, les deux autres à droite et à gau-
che; trois lourdes portes percées d'un gui-
chet à grille et chargées d'une énorme ar-
mature de fer. Ces trois portes donnent sur
trois cellules destinées à'des condamnés A
mort qui attendent leur sort après leur
double pourvoi en grâee et en cassation.
C'est en général un répit de deux mois.
— Il n'y a encore eu, nae dit le directeur,
que deux de ces cellules occupées à la
fois.
On m'ouvrit la porte du milieu. C'était
celle du cachot habité en ce moment.
JV-ntrai.
Au moment où j'entrai, un homme se leva
vivement et resta debout.
Cet homme était au fond de la chambre.
Ce fut lui que je vis d'abord. Un jour b1a;.
fard qui tombait d'une large fenêtre à hotte
placée au-dessus de sa tète l'éclairait par
derrière. Il avait la tête nue, le col nu. des
chaussures aux pieds, un pantalon de laine
brune et la camisole. !
Les manches de cette camisole de grosse
toile grise étaient nouées par devant. A
travers cette toile on distinguait sa main
qui tenait une pipe toute bourrée. Il allait
allumer cette pipe à l'instant où la porta
s'était ouverte. C'était le condamné. ;
On ne voyait par la fenêtre qu'un peu de
ciel pluvieux.
11 y eut un moment de silence. J'éprou-
vais trop d'émotions à la fois pour pouvoir
parler.
C'était un jeune homme, il n'avait évi-
demment pas plus de vingt-deux ou vingt-
trois ans. Ses cheveux, châtains, natureligm,
ment frisés, étaient coupés courts ; sabaiim
n'était pas faite. Il avait les yeux grands ;
beaux, mais le regard petit et vilain, le 11."
écrasé, les tempes proéminentes, les os de
derrière l'oreille larges, ce qui est mauvais:
signe, le front bas, la bouche laide, et, à
gauche, au bas de la joue, ce gonflemeat
particulier que donne l'angoisse,
Il était pâle. Toute cette figure était bou-
leversée ; cependant, à notre entrée, il s'ef-
força de sourire.
Il était debout, il avait à sa gauche sçk
lit4 une espèce de grabat en désordre sur
lequel il était probablement étendu le me*
ment d'auparavant, et à sa droite une petite
table de s barbouillée en jaune ayant
pour dessus une planche peinte en marbre
Sainte-Anne. Sur cette table, il y avait doil
écuelles de grosse terre vernie contenant
des légumes cuits à l'eau et un peu de
viande, un morceau de pain et une blague
de cuir pleine de tabac à fumer et ouvertll.
Une chaise de paille était à côté de la
table.
Ce n'était plus ici l'effrayant cabanon
des condamnés de la Conciergerie.
C'est une chambre assez vaste, assez
claire, badigeonnée en jaune, meublée de
ce lit, de cette chaise, de cette table, d'un
poêle eu faïence qui était à notre gauche,
d'une planche ajustée à un angle du mur
vis-à-vis la fenêtre et chargée de vieilles
hardes et de vieux tessons. Dans un autrç
angle il y avait une chaise carrée qui rem-
plaçait l'ignoble baquet classique des an-
cien cachots. Tout cela était propre ou à
peu près, rangé, aéré, balayé, et avait ce je
ne sais quoi de bourgeois qui Ote aux choses
leur horreur aussi bien que leur beauté. La
fenêtre, garnie de doubles barreaux, était
ouverte. Deux petites chaînes, destinées à f
en retenir les châssis, pendaient à dfU!i
clous au-dessus de la tête du condamna
Près du poêle, deux hommes se tenaieDS)
debout, un soldat sans autre arme que saq
sabre, et un gardien. p
Les condamnés ont toujours ainsi autour
d'eux deux hommes qui ne les quittent ni'
jour ni nuit. On relève ces hommes de trois.
heures en trois heures. !.'
Ce no fut pas dans le premier moment
que je pus considérer tout cet ensernbl.
Le condamné absorbait toute mon atteJl,.;
tion. \',:
M. Paillard de Villeneuve m'accompa-
gnait. Ce fut le directeur qui rompit le 614
lence le premier. :
— Marquis, dit-il en me montrant, mon
sieur vient dans votre intérêt. I¡
— Monsieur, dis-je alors, si vous avezI
quelque réclamation à faire, je suis ici pevÍ:",
l'entendre. ï
Le condamné s'inclina et me répondit eq.
souriant d'un sourire qui faisait mal : i.
, - Je n'ai à me plaindre de rien, mon
sieu; je suis bien ici. Ces messièûrs (Uj
montrait les deux gardiens) sont très bonsj
et veulent bien causer avec moi. M. le di
recteur vient me voir de temps en temps.
- Comment êtes-vous nourri ? reprl!s.je
- Très bien, monsieur, j'ai double rar
tion. i
Il ajouta après un silence :
— Nous avons droit à double ration. et
puis j'ai du pain blanc.
Je regardai le morceau de pain qui étal*
très blanc en effet.
Il ajouta : s ?
- Le pain de la prison, c'est la seule
chose à laquelle je n'aurais pas pu m'a)
coutumer, A Sainte-Pélagie où j'ai été en.
prévention, nous avions formé une société
v Feuilleton du 6 Septembre 1887
: :
140
LES AMOURS DE PARIS
PAR
; l FBV4.Ï,
QUATRIÈME PARTIS
tLg; BQRTEFEUILLE ROUGE
x
L'Amour à Paris
(SUITE)
: Le duc s'épuisait à la suivre. Il en-
tremêlait, haletant, des mots d'amour
§vec' des paroles de colère.
Sa gorge râlait, son pas bronchait,
ses jarrets rigides arrêtaient son élan.
i Sainte fuyait, légère comme une syl-
phide. Elle passait à droite, elle tour-
nait à gauche, trompant la poursuite
fpbstinée de M. de Compans.- Et, tout
,en fuyant, la pauvre enfant, elle priait
(Dieu avec une ferveur confuse et ap-
pelait la Vierge à son secours.
r Dieu et Vierge semblaient l'aban-
donner.
û Ses force s'épuisaient ; ses sanglots
rVétouffaient, ses larmes l'aveuglaient
ifet avaient l'empêcher bientôt CW' diri-
.W:cB-W¡.S
Le duc, qui voyait sa victoire, re.,
doublait d'efforts. Son râle joyeux et
ivre était horrible à entendre.-.
Derrière la porte, dans le corridor,
Mme Brunei et M. Burot mettaient
alternativement l'œil à la serrure et
se divertissaient comme des bienheu-
reux. -
— Il l'aura bien gagnée ! disait Mme
Brunei.
— C'est égal, répondait M. Burot, je
ne ferais pas ce métier-là pour le dou-
ble de mes appointements.
• Comme il souffle! écoutez donc!.
- Regardez donc l'eau qui c ouïe de
sa perruque !.
— Il l'attrapera !
— Il ne l'attrappera pas !
Et tous deux de rire, les dignes ser-
viteurs.
Il y avait de quoi.
M. le duc, à bout de courage et de
force, perdait le souffle et chancelait.
Ses yeux rougis et bouffis sortaient de
leurs orbites. Il ne priait plus, il me-
naçait odieusement.
Sainte, rendue de fatigue, était à
chaque pas sur le point de tomber. Les
menaces du duc la tuaient.
Elle courait encore, soutenue par la
violence de sa frayeur, mais elle ne
savait plus où elle courait.
Pauvre ange ! le démon était le plus
fort.
En un moment son regard perdu
rencontra la face horriblement décom-
posée de Compans.
Ce fut le dernier coup. Son cœur
se retira eUç tomï>& q. r~ant une
,:.
Le duc vint tomber à côté d'elle et
poussa un rauquement hideux.
M. Burot et Mme Brunei bailirent
des mains derrière la porte,
XI
Lorette
M. le duc de Compans était vieux de
fait encore plus que d'âge. S'il avait
eu dix ans de moins, nous aurions dû
clore la scène à la fin du dernier cha-
pitre et tirer le voile.
Mais il était si complètement épuisé
lorsqu'il tomba auprès de Sainte, qu'il
n'eut que la force de saisir sa robe à
deux mains pour l'empêcher de se re*
lever.
Puis il demeura pantelant, bouche
béante, sans voix.
La course laborieuse qu'il venait de
fournir avait dérangé entièrement l'ar-
tifice laborieux de sa toïlette.- Il était
effrayant à voir, mais il était grotes-
que. 't .t .t' f
Il aurait fait pitié, si la sauvage fu-
reur de la passion qui bouleversait ses
traits n'eût glacé le cœur.
Sa fausse chevelure s'était dérangée
et posait de travers sur son crâne nu
le pêle-mêle de ses mèches ébourif-
fées.
Les gouttes de sueur, en tombant de
son front, avaient marqué tortueuse-
ment leur passage sur le fard épaft de
sa joue.
On voyait les milles rides de ses
yeux et de sa bouche, ses sourcils dé-
teints, ses lèvres décolorées.
C'était, appliqué à un vieill-Rrd et
poussé à son extrême Duissance. le ri-
sible changement qu'une danse trop
enthousiaste opère quelquefois sur le
visage refait d'une coquette hors d'âge.
Mais, en faee de cette pauvre enfant,
évanouie à demi et comme pétrifiéa
par l'épouvante, vous n'eussiez point
eu la force de vous arrêter au côté
plaisant de cette scène.
Vous eussiez frémi à voir si près de
la vierge sans défense l'œil sanglant
du satyre.
Votre cœur se fût serre, car dans cet
œil il y avait un délire furieux, — une
passion impitoyable.
Nul moyen d'échapper, — les mains
de M. de Compans se crispaient
sur sa robe ; — chacun de ses doigts
faisait son trou dans l'étoffe.
Il reprenait haleine avec une sorte
d'emportement, hâtant son souffle, rap-
pelant sa force perdue,essayant à cha-
que instant de se redresser, et retom-
bant toujours avec pesanteur sur le
tapis.
Sainte aussi reprenait haleine, son
gracieux visage exprimait une mor-
telle terreur. Elle était à demi soule-
vée et s'appuyait sur ses deux mains ;
sa gorge haletait ; ses beaux cheveux
blonds dénoués tombaient en désordre
sur son sein et sur ses épaules.
Son œil grand ouvert était fixé sur
le duc, dont le regard menaçant opé-
rait sur elle une fascination véritable.
L'épouvante dilatait ses narines, re-
levait ses sourcils et enflait ses lèvres
agitées.
Elle était belle encore., hélas ! trop
belle. Le duc à la contempler éeh^uf-
lait sa passion iusau'au transport; le
*
sang lui bouillait dans les veines, — et
c'était chose hideuse que de voir ses
membres, agités convulsivement et
comme galvanisés par des secousses
incertaines, s'efforcer incessamment et
se roidir pour donner à ce drame fu-
neste un dénouement odieux.
Il ne pouvait pas se relever. — Ses
efforts insensés l'épuisaient davan-
tage. Ses ongles écorchaient le tapis à
travers la robe déchirée de Sainte.
Mais il allait pouvoir. — Ce n'était
qu'un répit de quelques minutes.
Derrière la porte, M. Burot et Mme
Brunei regardaient et causaient.
C'était bien la peine de tant se fati-
guer ! disait la camériste en haussant
les épaules.
- Quant à cela, répondait M. Burot,
- il n'y a pas de plaisir sans peine.
Mais est-il drôle avec sa perruque de
travers !
- Et ses sourcils blanchis ! dit Mme
BruneI, qui venait de mettre son œil
à la serrure.
— Et son mollet gauche, regardez
donc! ajouta Burot; il est descendu
sur le talon.
— Ah ! dit la camériste, — c'est con-
venu : il va rester là!
— Il est bloqué, dit Burot dans son
jargon aimable, — fait au même, dé-
moli, disparu. — Elle lui fait compter
les clous comme une petite intrépide.
Le fait est qu'il n'y a pas de plaisir
sans peine!
Il poussa Mme Brunel sans façon et
se mit à sa place au trou de la ser-
rure.
-r Ma parole, poursuivit-il avec ad.,
miration, — elle est jolie comme tout
ce qu'il y a de soigné!. Comme elle
ferait bien dans un comptoir !. Tiens'l
tiens, ajouta-t-il en frappant sur sa1
cuisse, — voilà monsieur qui retrouve
ses jarrets, il se relève. Ah! par maHlï
foi, nous allons rire!. ': }(
— Laissez-moi voir un peu, monsjeUfj
Burot, dit Mme Brunei. j
— Du tout ! répliqua le drôle, la loge]
n'est qu'à une place. et c'est une pre-S
mière représentation. ;:,.
Le duc était parvenu, en effet, à sej
mettre sur ses genoux. - Il ne treni
blait plus, — L'espèce de paralysie qui
avait garrotté ses membres prenait nûa
— Un triomphe hideux était sur sqsj
traits.
Sans lâcher la robe de Sainte, il sé
glissa sur ses genoux et mit son visagffl
enflammé au-dessus du front de lal
jeune fille.
Puis il se redressa pour avancer en«1
core un peu. j !
A ce moment suprême, un nuage,
passa sur les yeux de Sainte. — Une
voix cria au dedans d'elle et lui an non.!.
ça sa perte. — Mais en même temps
tout son être se révolta de lui-même et
en dehors de sa volonté. — L'image dé
Romée passa devant sa vue ; elle se
sentit forte soudain. :'l
A son insu, sa bouche murmura le
nom tutélaire ; et, comme le duc se]
baissait victo-rieux, elle se rejeta en
arrière d'un mouvement violent, et
bondit, délivrée, laissant entre les
mains de M. de Compans un lam
de sa robe. ¡',
(La
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