Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1899-02-11
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 février 1899 11 février 1899
Description : 1899/02/11 (N7965,A22). 1899/02/11 (N7965,A22).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/09/2012
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M NUMÉRO
(5
CENTIMES
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1 - A. Millerand
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VINGT-DEUXIÈME ANNÉE. — NUMÉRO 79G 5
SAMEDI 11 FÉVRIER 1899
23 PLUvioss — A'l 107
LES MANUSCRITS NON ixsitats NS SOVR PAS RSV&ÎTS
LE NUMÉRO
es
CENTIMES
APPEL AU PAYS
Déclarations des' Républicains - Les Documents del En quete
; Tribune Libre
-
LA BATAILLE
La lutte décisive va se livrer : il est
impossible de s'en dissimuler les con-
séquences.
La question est nettement posée; et
'c'est en vain qu'on prétendrait l'obscur-
Cir par des équivoques. Il ne s'agit plus
ici ni do l'innocence ou de la culpabi-
lité de Dreyfus, ni de la question anti-
sémite : il s'agit de quelque chose de
plus rave. La puissance occulte, mais
facile à reconnaître, qui a pesé sur le
gouvernement et s'en est fait obéir,
affiche la prétention de faire dessaisir,
quand ene le veut, les tribunaux éta-
blis par la loi; de tenir les magistrats
sous la menace et les dénonciations et
de dicter ses arrêts à la justice.
Si cette prétention l'emporte, il n'y a
plus évidemment ni Loi ni Républi-
que. La situation est assez claire pour
que le public croie difficilement aux
erreurs de bonne foi. L'attitude de la
réaction tout entière suffirait à faire
comprendre la réalité aux moins clair-
voyants, si cela était nécessaire. Le
caractère exorbitant de la mesure pro-
posée et la passion que les ennemis de
.la démocratie mettent à la soutenir
suffisent à en révéler le caractère et la
portée.
On a lieu d'être plus que surpris que,
dans de telles conditions, certains ré-
publicains qui se qualifient de radi-
caux ou de socialistes, puissent avoir
l'ombre d'une hésitation. Quelle que
soit leur préférence personnelle" pour
tolérer de telles solutions de la ques-
tion Dreyfus, il a dû leur suffire de ré-
fléchir un peu, pour que tous leurs
doutes disparaissent.
w La situation, déjà grave aujour-
d'hui, le serait plus encore demain, si
le projet était adopté, et adopté avec
de tels concours. La majorité serait
reportée à droite; et ceux-là en se-
raient. Ils feraient à M. Méline cette
amende honorable de pratiquer ce
qu'ils dénonçaient naguère comme une
véritable trahison à l'égard de la Répu-
blique.
Personne peut-il douter de l'état de
lutte acharnée qui présiderait à l'adop-
tion d'une mesure aussi monstrueuse
par la Chambre? Et ne suffit-il pas de
s'adresser au bon sens et à la clair-
voyance de tous, pour montrer que
toute action commune deviendrait im-
possible entre ceux qui, sur une ques-
tion aussi décisive, seraient restés fi-
dèles à la démocratie, et ceux dont les
bulletins devete seserafent confondus
avec ceux de la réaction..
Comment lès uns et les autres pour-
raient-ils recommencer à combattre
sous le même drapeau, quand, sur le
point le plus grave, ils resteraient di-
visés ? Je suppose que personne, dans
aucun camp, n'est assez absurde pour
croire qu'aucune question serait tran-
chée par un vote de cette nature. Ce
serait au contraire le commencement
d'un conflit qui se prolongerait fatale-
ment, à mesure que les conséquences
de la lourde faute commise se dérou-
teraient. Ceux qui se seraient séparés
fle leur parti en cette occasion, en res-
teraient donc inévitablement séparés
ensuite. Ils auraient apporté leur
concours à là puissance cléricale, pour
la plus monstrueuse des usurpations.
Comment pourraient-ils la combattre
-ensuite!
Et devant une telle usurpation, le
'devoir de tous les républicains, restés
fidèles au drapeau, serait évidemment
de porter la question devant le pays.
Le péril serait trop grave pour que la
lutte put rester circonscrite dans l'en-
teinte du Palais-Bourbon. Comment
Se peut-il que des hommes, qui étaient
hier des nôtres, donnent le spectacle
id'une irrésolution si inexplicable? A
quelles considérations sacrifient-ils
tout le reste? Je cherche, et je ne com-
prends pas.
Certains cherchent à prendre pour
prétexte la crainte de ramener au pou-
voir un ministère Méline s'ils renver-
sent le cabinet actuel. Cette crainte est
Si ridicule qu'on hésite à la discuter.
Si le cabinet était battu, M. Méline,
dont on connaît l'attitude, serait battu
avec lui. Il serait donc impossible qu'il
reprit le pouvoir. Cela serait d'autant
plus impossible qu'il aurait perdu son
dernier point d'appui.
Quand il s'est installé au pouvoir,
malgré la majorité de la Chambre,
restée du côté du cabinet Bourgeois,
C'est au nom du Sénat qu'il a pris le
gouvernement. On sait ce que tous les
vrais républicains ont dit à cette épo-
que : « Il y avait là une révoltante vio-
lation de la Constitution. » Mais, in-
contestablement. en fait, c'est le con-
cours du Sénat qui a permis au minis-
tère Méline d'exister.
Aujourd'hui, la situation est retour-
née. Tout le monde connaît l'attitude
du Sénat sur la question posée. M. Mé-
line ne trouverait plus de ce côté qu'une
opposition résolue. Il n'y a donc au-
cune chance pour qu'un vote de rejet
de la loi proposée le ramène au pou-
voir.
Il en serait tout différemment si la
loi était adoptée. Dans ce cas, la majo-
rité, de coupable coalition avec les
réactionnaires, qui naguère encore
soutenait M. Méline, se serait refor-
mée sur cette question spéciale. Elle se
seraitre formée d'abord au profit de M.
Dupuy. Mais personne n'a d'illusion
sur le lendemain réservé au ministère.
La victoire lui serait mortelle à bref
délai. Une Chambre à qui un Gouver-
nement fait commettre une telle énor-.
mité, peut avoir la faiblesse d'obéir :
mais elle ne pardonne pas la faute
qu'elle n'a pas eu la fermeté d'éviter.
Elle prend sa revanche à bref délai.
Et si M. Méline peut avoir encore une
chance de trouver la place préparée
pour lui, au moment où le Cabinet ac-
tuel disparaîtrait, c'est précisément
par le vote du projet.
Ecartons donc un prétexte si vain;
et concluons qu'aucun républicain fi-
dèle à la démocratie ne peut hésiter
dans, les circonstances actuelles. Il est
à souhaiter que tous le comprennent à
temps. Plus on examine le combat qui
va s'engager, plus il paraît impossible
qu'aucun de ceux qui ont lutté avec
nous, pour la même cause, se trouve,
ce jour-là, dans l'armée ennemie. Il
n'y aurait pas d'explication valable
pour de telles défections : toutes celles
qu'on pourrait alléguer croulent de-
vantrévidencedes faits. Non, iln'y aura
pas de désertions sur le champ de ba-
taille. Les conséquences en seraient
trop lourdes. Nous serons tous unis,
au vote, en face du cléricalisme mena-
çant, et du gouvernement qui courbe
la tête sous ses injonctions.
CAMILLE PEIALETAN.
Nous publierons demain un article de
RENÉ VIVIANI -
GROUPE SOCIALISTE
Le groupe socialiste de la Chambre se
réunira aujourd'hui, à une heure et demie,
au Palais-Bourbon, local habituel.
Ordre du jour : Le projet ministériel.
Le secrétaire: E. FOURNIÈRE.
POUR LA RÉPUBLIQUE
La déclaration que des républicains
de toutes nuances ont résolu de
publier au seuil des débats sur le
projet ministériel est un acte dont
la signification n échappera pas au pays.
Sans doute les députés qui ont mis leurs
noms au bas de ce document se sont tout
d'abord proposés d'éclairer leurs collègues
sur les dangers que ferait courir à la Ré-
publique et au pays l'adoption de mesures
aussi exorbitantes.
Il est permis de croire que les graves rai-
sons qu'ils exposent pèseront d'un lourd
poids dans la décision que va prendre la
Chambre.
Si par impossible elle devait passer outre
et suivre le cabinet dans la voie fatale où il
s'est en aveugle engagé, la manifestation
des députés républicains n'en serait peut-
être que plus utile.
Elle atteste en effet que, dans le désarroi
général, il existe encore un parti républi-
cain prêt, si le gouvernement déserte son
devoir, à oublier toutes les dissidences se-
condaires pour s'unir et faire face à l'en-
nemi.
- Dès lors que la République faisait appel
à tous ses défenseurs, les socialistes de-
vaient répondre : présent ! Ils n'ont pas
( manqué à leur devoir.
Pour placer leurs signatures à côté de
celles d'hommes politiques dont ils ont, en
plus d'une circonstance, critiqué les actes,
ils n'ont eu ni à demander ni à consentir
le sacrifice d'aucune opinion.
La République, instrument nécessaire des
réformes sociales, est mise en péril par une
entreprise qui groupe derrière elle, avec
quelques républicains inconscients, l'una-
nimité des forces réactionnaires.
Devant le péril, nous ne demandons à
personne son nom de baptême, ni s'il est
modéré, radical ou socialiste.
Vous êtes républicain, cela suffit. Don-
nons-nous la main, camarade, et en avant
pour la République.
A. MILLERAND.
BAGAGES ET CRUCIFIX
Un de nos lecteurs, de passage à Ponl-à-
Mousson, nous signale le fait suivant :
Dans la grande salle des bagages de la gare
de cette localité s'étale depuis un an, â Ven-
droit le plus apparent, un superbe crucifix
éclatant de blancheur. On se croirait dans les
bureaux du journal la Croix ou dans une cha-
pelle catholique.
Il nous. semble, pourtant, que s'il y a un
endroit où doit être pratiquée la neutralité
confessionnelle, c'est bien dans une gare de
chemin de fer.
Avis à qui de droit
DÉCLARATION
Députés appartenant à toutes les
fractions du parti républicain, nous
croyons devoir, dans les graves con-
j onctures que traverse le pays, affirmer
notre commune résolution de main-
tenir au-dessus de toute atteinte les
principes supérieurs dont l'oubli en-
traînerait les éventualités les plus re-
doutables. : *
Les lois de circonstances, imaginées
en vue d'un cas particulier, ne sont
jamais que l'expression irréfléchie des
passions ou des intérêts d'un instant.
Quelle nécessité d'enlever à la Cham-
bre criminelle, qui vient de clore une
information laborieuse, menée par elle
depuis trois mois, le droit d'en consa-
crer par un arrêt les résultats, quels
qu'ils soient? Et pourquoi transférer
ce droit à la Cour de cassation tout
entière?
Y aurait-il, dans la Chambre crimi-
nelle, des magistrats indignes? La loi
a prévu le cas. Le ministre de la jus-
tice n'est pas désarmé. Qu'il défère les
coupables, s'il en est, aux seuls juges
compétents : au conseil supérieur de
la magistrature.
S'il ne le fait pas, c'est - il l'a plu-
sieurs fois déclaré — qu'il n'y a pas de
coupables. Il a lui-même, du haut de
la tribune, rendu hommage à l'hono-
rabilité et à la sincérité de ces magis-
trats. L'enquête disciplinaire, dont les
pièces viennent d'être livrées à la pu-
blicité, a démontré l'inanité des ac-
cusations. violentes dirigées contre
eux, et l'unanimité de la commission
à laquelle la Chambre des députés a
renvoyé le projet de loi a tenu à indi-
quer dans le rapport que ces accusa-
tions n'étaient pas justifiées.
Osera-t-on dire qu'il suffit, pour dis-
qualifier les membres de la Chambre
criminelle, que des calomnies et des
outrages quotidiens les aient envelop-
pés dans nous net savons quelle suspi-
cion générale?
Si l'on entre dans cette voie, où s'ar-
râtera-t-on? Si, dès qu'il est traité
de suspect, un citoyen est considéré
comme coupable, il n'y a plus ni lois
ni paix publique. C'est le règne de la
calomnie.
On ne sera pas libre, du reste, de li-
miter ces concessions faites à une
campagne d'intimidation, systémati-
quement entreprise, et qui procède
étape par étape.
Déjà la validité de l'enquête est
contestée. Demain, les membres de la
Chambre civile et de la Chambre des
Requêtes seront à leur tour pris à
partie. Là plus haute juridiction du
pays aura été mise par les pouvoirs
publics à la merci de la diffamation.
Et l'on qualifie de loi d'apaisement
une loi fatalement destinée à produire
de telles conséquences! Nous y voyons
pour notre part une loi de discorde
civile.
Il ne s'agit pas, à nos yeux, de la so-
lution à donner à une affaire sur la-
quelle, avant les débats publics, aucun
de nous ne saurait avoir la prétention
d'émettre une opinion motivée. A la
justice seule il appartient de se pro-
noncer. Tout le monde devra s'incliner
devant son verdict, quel qu'il soit. —
Mais il faut qu'elle puisse rendre ce
verdict dans la plénitude de son indé-
pendance.
Ce sont les garanties mêmes de la li-
berté et de la sécurité individuelles qui
sont en jeu. Tous les citoyens, sans
distinction de condition, — du plus
faible au plus puissant, du plus pau-
vre au plus riche, — sont intéressés
au maintien des règles élémentaires
du droit. •
La France a besoin d'une justice
respectée comme d'une armée forte.
Criminels ceux qui voudraient opposer
l'une à l'autre.
Le gouvernement de la République
n'a cessé de donner à l'armée natio-
nale les témoignages de sa sollicitude.
Il l'aime et il l'honore comme le gage
et le symbole de nos plus chères espé-
rances. L'armée le sait. Etrangère aux
querelles des partis, sourde à toutes
les sollicitations, elle ne se laisse ni
émouvoir ni détourner de sa patrio*
que mission.
Ce serait lui faire injure que de la
supposer capable, d'entrer en révolte
contré les institutions civiles les plus
indispensables à la grandeur et à la
prospérité du pays.
De ces institutions, la plus néces-
saire à tout ordre politique est la jus-
tice. Sans justice régulière, il n'y a plus
d'état social; il n'y a plus de nation
constituée; il n'y a plus de civilisa-
tion.
Faire une loi d'occasion pour enlever
à une Cour ou à un tribunal un procès
pendant, c'est introduire l'arbitraire
dans le jugement des questions qui in-
téressent la liberté, l'honneur ou la
vte des citoyens. C'est faire juger les
juges par la politique. C'est créer un
précédent funeste, dont les partis pour-
raient tôt ou tard se prévaloir pour
assouvir leurs passions ou satisfaire
leurs rancunes.
Des mesures de ce genre, alors même
qu'elles seraient revêtues des appa-
rences législatives, ne sont que des
coups de force.
Nous faisons un suprême appel au
gouvernement qui représente la Répu-
blique et la France.
Un projet qui suscite d'aussi vives
alarmes que celles dont nous sommes
les interprètes ne rétablira pas l'apai-
sement et la concorde.
Jamais, pourtant, l'union des répu-
blicains n'a été plus nécessaire.
L'illusion n'est plus permise. Les en-
nemis de la Liberté s'agitent et com-
plotent. Réaction cléricale et déma-
gogie césarienne se coalisent une fois
de plus contre la République.
Au risque de prolonger une crise si
préjudiciable aux intérêts vitaux du
pays, nos éternels adversaires pré-
parent, comme en 1888, comme en
1877, un troisième assaut à nos insti-
tutions.
Ne leur fournissons pas nous-mêmes
des armes par des défaillances et des
abdications sans excuse.
Défendons, avec la République, les
grandes idées auxquelles nous avons
toujours été attachés. Maintenons fer-
mement, contre des attaques sacri-
lèges, le3 traditions mêmes delà Patrie.
Blanc (Henri) (Haute-Loire), De-
- crais, Jonnart, Louis Rartliou,
R. Poincaré, Isambept, de La
Porte, Léon Bourgeois, Henri
Brisson, Sarrien, Mesureur, Ca-
mille Pelletan, Mflleraud, René
Vivlaui.
M. Ribot, qui n'a pas signé la déclaration,
votera contre le projet. Il se réserve de mo-
tiver, s'il y a lieu, son vote à la tribune.
LIRE A LA TROISIÈME PAGE
Les nouveaux détails sur le CRIME
DE LILLE. Chez les bons frères.
LA SÉANCE D'AUJOURD'HUI
La séance qui aura lieu aujourd'hui et qui.
certainement, sera une des plus passionnan-
tes qui se puissent imaginer, sera certaine.
ment fort longue. Vraisemblablement, elle ne
se terminera pas avant huit ou neuf heures du
soir.
L'orateur qui, le premier, prendra la parole,
sera naturellement. M. Renanlt-Morlière, rap-
porteur. Le député de la Mayenne dévelop-
pera ses conclusions et s'appliquera à prou-
ver que le projet du gouvernement constitue
une violation sans exemple de notre droit pu-
blic. :
M. Pourquery de Boisserin parlera ensuite
en" faveur du projet.
Après lui, le citoyen Camille Pelletan mon-
tera à la tribune et combattra le projet. Puis,
très probablement, se produira, par l'organe
de M. Lebret, ministre de la justice, la pre-
mière intervention du Gouvernement.
Si M.-Piou prend la parole, comme il en a
l'intention, ce sera après M. Lebret. Mais ses
amis, craignant que son (lisootirs tic produise
un effet contraire à leurs espérances, insistent
vivement auprès de lui pour qu'il renonce à
intervenir. M. Pioucst, en effet, dans un état
d'esprit bizarre : il votera le projet, mais il le
combattra à la tribune. Singulière loaique! le
Le cinquième orateur sera le citoyen Millc-
rand, qui parlera contre le projet. Après lui
montera, sans doute, à la tribune un défen-
seur quelconque du dessaisissement.
Puis viendra le tour do M. Léon Bourgeois,
oppose au projet.
Après lui, c'est vraisemblablement M. Du-
puy qui prendra la parole. D'après la décision
prise hier matin en conseil des ministres, le
président du conseil s'opposera à toute mo-
tion de sursis, à tout amendement ayant pour
but d'ajourner le débat pour appeler le conseil
supérieur de la magistrature à se prononcer
sur les faits de l'enquête. M. Dupuy posera la
question de confiance et demandera l'adoption
de son projet sans modification aucune.
La discussion se terminera par un discours
de M. Poincaré nettement hostile au projet.
Enfin M. Ribot, ainsi que nous l'annonçons.
d'autre part, viendra expliquer son vote.
On le voit, la joule oratoire sera vive et
brillante.
- 1 r-
GRÈVE DE FILATEURS
Giromagny (territoire de Belfort), 9 février.
- Cent cinquante ouvriers de la filature de la
Fonderie, à Lepuix, près de Giromagny, se
sont mis en grève. Ils réclament une augmen-
tation de salaire.
Les ouvriers' du tissaae Briot de la Jargo-
gne, à Lepuix, qui s'étaient également mis en
grève, il y a une quinzaine débours, ont repris
leur travail ce malin.
L'ENQUÊTE
RAPPORT DE M. RENAULT-MORLIÈRE
EFFONDREMENT DU ROMAN CHEZ
LA PORTIÈRE
Les pièces du dossier Mazeau. - Vacuités
et inanités. — Les questions du Q. de
Beaurepaire. — Larbins et faction-
naires. — Prétentions des militaires.
— L'indignation des magistrats. —
Leurs explications. --Supplément
d'enquête. — Une lettre du co-
lonel Picquart.
Enfin, nous les avons, les trop célèbres
enquêtes ordonnées contre la Chambre cri-
minelle de la Cour de cassation, nous les
avons les réponses aux basses calomnies
de Quesnay de Beaurepaire et vous allez
voir quel monument de boue cet homme
s'est efforcé d'édifier. Puisse tout cela, en
retombant, l'éclabousser assez pour qu'il
lui soit désormais impossible de prononcer
une parole qui ne soit considérée comme un
mensonge et une calomnie.
Tous ces documents se trouvent dans le
rapport Renault-Morlière, qui a été publié
hier, et qui.contient en annexe, les docu-
ments in extenso de l'enquête Mazeau. Nous
ne pouvons, à notre grand regret, le don-
ner en entier puisqu'il a plus de cent vingt
pages, mais nous allons le résiimer des
plus impartialement et chacun verra la part
de calomnie qui revient à chacun et de quel
côté se trouvent les braves gens.
Le rapport
Le premier document du rapport est la
lettre des trois enquêteurs dans laquelle ils
déclarent que les magistrats de la Chambre
criminelle, tout en étant de très braves
gens, ne sont plus aptes à rendre un juge-
ment dans l'Affaire. Nous avons publié
cette lettre en son temps et commentée
comme elle le mérite. Vient ensuite la lettre
du garde des 'sceaux qui ordonnait l'en-
quête- au sujet des allégations de Q. de
Beaurepaire, puis la correspondance qui
s'échangeât entre M. Bard et de Beaure-
paire au moment où celui-ci commençait
dans la presse ses insinuations perfides et
anonyrnæ: Nous avons déjà parlé de cette
correspondance. C'est d'abord M. Bard qui
écrit au délateur Quesnay pour lui signaler
certains articles de journaux « qui contien-
nent des allégations sur son compte au
sujet de son attitude vis-à-vis du témoin
Picquart. M. Bard dément ces faits et ter-
mine ainsi sa lettre :
Le récit de la Patrie est donc purement gro-
tesque en ce qui me concerne; mais comme
il est implicitement très injurieux à votre
égard, je crois vous donner une preuve dja-
milié en vous le dénonçant.
Pris ainsi la main dans le sac et sommé
de dire la vérité, l'horrible Quesnay s'en
tire en battant en retraite et en adressant à
M. Bard la lettre suivante pleine de men-
songes et d'équivoques :
Quesnay de Beaurepaire à M. Bard
Paris, ce 26 décembre 1898.
Mon cher Bard, *
Je ne lis pas les journaux. Si l'un d'eux m'a
injurié hier, grand bien lui fasse. Je ne re-
cois pas plus que vous les reporters : vous
voyez par là que je n'ai voulu ni pu donner de
la publicité â l'incident dont vous m'entretenez
dans votre télégramme. J'en ai parlé à deux ou
trois collègues, voilà tout: et j'ignore comment
le fait a pu parvenir jusqu'à la presse. Si elle
l'a amplifié, comme vous me 'le faites pres-
sentir. j'y suis à plus forte raison étranger.
Tout en constatant avec douleur que nous
sommes, je le crains du moins, bien loin l'un
de l'autre dans la funeste affaire que vous sa-
vez, je n'en reste pas moins votre vieil et sin-
cère ami.
QUESNAY DE BKA UREPAIRE.
Et durant que Quesnay traitait M. Bard
de « cher et vieil ami l" il lui tirait dans le
dos chez plusieurs journaux à sa dévotion.
C'est tout l'homme.
Les calomnies de Q. de Beaurepaire
Survient le 12 janvier, date à laquelle la
fille Lucie Herpin jette sa toge par-dessus
les moulins, afin que sa vilaine âme nous
apparaisse toute nue. C'est alors que le fâ-
cheux Lebret, au lieu de traduire cette vierge
folle devant un - tribunal quelconque, or-
donne l'enquête faite par les trois enquê-
teurs qui posent les questions suivantes :
Première question. — Le choix comme rap-
porteur de M. Bard, qui était au huitième rang
sur!a liste des conseillers, ce choix fait dans
une affaire excessivement graver n'élait-il pas
contraire à tous les précédents?
Deuxième questicyi. - Lors des incidents
et des divisions de l'instruction, M. le prési-
dent Loew n'a-t-il pas toujours désigné comme
rapporteurs des magistrats acquis d'avance à
la cause de Dreyfus?
Troisième question.- L'affaire étant circons-
crite dans les termes de la question de droit
qui se formule ainsi : Y a-t-il révélation nou-
velle de faits qui existaient dès 1894 et qui,
connus des juges de 189-4, les auraient conduits
à rendre un arrêt d'acquittement? — l'inslruc-
tion à laquelle la Cour a procédé n'a-t-elle pas
été conduite dans le sensd'un bill d'innocence
immédiat, et dans le sens de la réhabilitation
d'un des témoins, le sieur Picquart?
Quatrième question. — Alors que la Cham-
bre criminelle accueillait les dépositions des
anciens ministres de la guerre, M. Loew n'a-t-
il pas manifesté, après l'audition de ces lé-
moins, et spécialement des généraux, des
sentiments d'hostilité et d'aversion qui ont vi-
vement blessé certains magistrats?
Cinquième question. — Au nombre des té-
moins figure un ancien officier: mis en réfor-
me pour intempérance, et qui a donné libre
cours à sa rancune en attaquant l'Etat-Major.
A la suspension d'audience qui a suivi, M. le
président Lœw n'a-t-YI pas exprimé sa satis-
faction et son approbation dans des termes
qui ont profondément affligé certains magis.
trats de sa Chambre ?
Sixième question. — M. le président Lœw,
en interrogeant des chefs supérieurs et des
officiers de l'armée dltscliés au -ministère, no
les a-t-il pas, à plusieurs reprises, question-
nés, déroutés ou interrompus par des procé-
dés d'instruction qui révélaient le parti pris ?
Septième question. — L'agent de la Sûreté
qui veillait sur le témoin Picquart-pendant les
deux semaines qu'é celui-ci a passées ou Pahis
aurait constaté qu'en certains endroits où Pic-
quart échappait aux regards., il éia.t rojoiut
par un magistrat et que le temps écoulé l'a-
menait à croire à un - conciliabule prémédité.
Huitième question. — M. le.président Loew.
avant ou après ses séanees, aurait eu, hors du
Palais, de fréquentes conférences avec M. Le-
blois, ami de Picquart et de la famille de Drcv-
fus.
Neuvième question. — M. le, conseiller Du-
mas, chargé par M. Lrew d'une partie de l'ins-
truction, aurait eu, hors du Palais, de fréquen-
tes conférences avec des parents et des amis
de Dreyfus.
Dixième qnestirm. - M.le général Chanoine
aurait des renseignements intéressants à four-
nir sur les procédés d'instruction de M. le
président Lœw.
Les questions de 1' « Eclair »
Mais ce n'était pas assez de poser ces dix
questions, inspirées toutes par Quesnay.
On ramassa dans l'Eclair certains autres
racontars qui y fleurissaient depuis de longs
jours, et l'on interrogea les témoins — que
disons-nous les témoins ! les accusés —
sur tous ces potins de concierge.
Voici ces nouvelles questions :
Jo MM. Bard, Manau et Moroard, réunis en
un étrange -concert, ont dénaturé le rapport
du général Roget. ils ont; donné de ce docu-
ment, dans le but de jeter la suspicion sur
l'originc du bordereau, une interprétation ab-
solument contraire au texte et à la vérité;
2". MM. Loew et Bard, pour ne citer que ces
deux-là. ont fait montre d'une obséquiosité
inexcusable à l'égard de M. Picquart. prison-
nier et accusé du crime de faux. Ils ont, par
contre, dirigé d'une façon insidieuse .l'inter-
rogatoire de plusieurs témoins dont les dépo-
sitions gvnaient leur-tentative de réhabilita-
tion d'un traître. L'attitude de certains conseil-
lers .pendant ces dépositions a été plus qu'in-
correcte;
3' La demande en règlement de juges' SUP
les affaires. Picquart n'a été provoquée que
pour "arracher à ses juges naturels un témoin
dont, en vraie justice, il eût été indispensable
de faire établir dans un débat public et contra-
dictoire la valeur morale. Cette demande, rap-
portée et examinée en trois jours, quand il
s'agissait de prévenir la réunion du conseil
de 0 guerre, est en souffrance depuis six sc.,
mai nés:
4° La majorité -de la Chambre criminelle s'est
refusée jusqu'ici à faire procéder à des con-
frontations qui risquaient de ruiner les allé-
gations de M. Picquart. Elle s'est refusée éga-
lement à entendre le capitaine Tavernier qui
instruisit contre M. Picquart, alors qu'elle
entendit M. Berlulus qui instruisit pour M.
Picquart;
5' M. Manau s'est livré à des tentalives in*
justifiables pour se faire livrer à lui seul et à
l'insu de la Cour le dossier secret. La de-
mande de M. Manau a fait l'objet, du 13 au
24 octobre dernier, de lettres de MM. Manau,
Sarricn, général Chanoine, dont i! importe que
la Commission d'enquête ait connaissance. It
importe en outre que cette Commission ait
communication de l'opinion — en raison de
laquelle le dossier secret fut définitivement
refusé à M. Manau — exprimée aux membres
du gouvernement par M. Mazeau qui d ét-not-i'
tra l'incorrection et l'illégalité de la demande
du procureur général.
Déposition de Quesnay
L'enquête commence et le premier léinoili
entendu est Q. de Beaurepaire. On lui devait
bien cela pour toutes ses trahisons ! Ce cy-
nique répète devant les enquêteurs toutes
ses calomnies, et comme chaque jour avec
lui amène son mensonge, il en apporte un
nouveau. Il produit une lettre signée A. De-
frenne, dans laquelle le conseiller Dumas
est accusé, quoique n'ayant que L,"».(MVI francs
de rentes, de se faire construire une maison
rue Reaumur. Il assure, dit A. Defrenne,
« que c'est avec de l'argent emprunté ». Ceci
lui parait impossible et le correspondantQuesnay termine ainsi :
« A Roubaix, tout le monde croit savoir
que c'est avec l'argent du syndicat juif. et
il doit vous être facile d'approfondir la
chose ».
Inutile d'insister devant d'aussi odieuses
calomnies. D'ailleurs M. Dumas répondra
tout à l'heure.
Quesnay continue
Mais Quesnay continue, répondant it ses,
propres questions. Il assure que si ce n'est
pas le-doyen de la Chambre criminelle qui
a été chargé de faire le rapport, « e est qutt
le président Lœw est de parti pris ceci
d'autant mieux « qu'il connaissait le carac-
tère passionné de M. Bard », dont il avait
pu juger en 1880! (sic). Et lorsque les en-
quêteurs demandent à Quesnay où il a
péché ses calomnies, celui-ci répond qu'elles
sont de notoriété publique et que. pour s'en
convaincre, on n'a quu entendre le greffier
en chef, les hommes de service de la Cour
(Lucie fait dans les cuisines!) et le Prési-
dent de l'ordre des Avocats.
Premier démenti
Le premier démenti à Quesnay ne se fait
pas attendre. Afin de le mieux satisfaire,
sans doute, on interroge non-seulement te
président de l'ordre désavouais, mais aussi
: - &.;;
M NUMÉRO
(5
CENTIMES
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VINGT-DEUXIÈME ANNÉE. — NUMÉRO 79G 5
SAMEDI 11 FÉVRIER 1899
23 PLUvioss — A'l 107
LES MANUSCRITS NON ixsitats NS SOVR PAS RSV&ÎTS
LE NUMÉRO
es
CENTIMES
APPEL AU PAYS
Déclarations des' Républicains - Les Documents del En quete
; Tribune Libre
-
LA BATAILLE
La lutte décisive va se livrer : il est
impossible de s'en dissimuler les con-
séquences.
La question est nettement posée; et
'c'est en vain qu'on prétendrait l'obscur-
Cir par des équivoques. Il ne s'agit plus
ici ni do l'innocence ou de la culpabi-
lité de Dreyfus, ni de la question anti-
sémite : il s'agit de quelque chose de
plus rave. La puissance occulte, mais
facile à reconnaître, qui a pesé sur le
gouvernement et s'en est fait obéir,
affiche la prétention de faire dessaisir,
quand ene le veut, les tribunaux éta-
blis par la loi; de tenir les magistrats
sous la menace et les dénonciations et
de dicter ses arrêts à la justice.
Si cette prétention l'emporte, il n'y a
plus évidemment ni Loi ni Républi-
que. La situation est assez claire pour
que le public croie difficilement aux
erreurs de bonne foi. L'attitude de la
réaction tout entière suffirait à faire
comprendre la réalité aux moins clair-
voyants, si cela était nécessaire. Le
caractère exorbitant de la mesure pro-
posée et la passion que les ennemis de
.la démocratie mettent à la soutenir
suffisent à en révéler le caractère et la
portée.
On a lieu d'être plus que surpris que,
dans de telles conditions, certains ré-
publicains qui se qualifient de radi-
caux ou de socialistes, puissent avoir
l'ombre d'une hésitation. Quelle que
soit leur préférence personnelle" pour
tolérer de telles solutions de la ques-
tion Dreyfus, il a dû leur suffire de ré-
fléchir un peu, pour que tous leurs
doutes disparaissent.
w La situation, déjà grave aujour-
d'hui, le serait plus encore demain, si
le projet était adopté, et adopté avec
de tels concours. La majorité serait
reportée à droite; et ceux-là en se-
raient. Ils feraient à M. Méline cette
amende honorable de pratiquer ce
qu'ils dénonçaient naguère comme une
véritable trahison à l'égard de la Répu-
blique.
Personne peut-il douter de l'état de
lutte acharnée qui présiderait à l'adop-
tion d'une mesure aussi monstrueuse
par la Chambre? Et ne suffit-il pas de
s'adresser au bon sens et à la clair-
voyance de tous, pour montrer que
toute action commune deviendrait im-
possible entre ceux qui, sur une ques-
tion aussi décisive, seraient restés fi-
dèles à la démocratie, et ceux dont les
bulletins devete seserafent confondus
avec ceux de la réaction..
Comment lès uns et les autres pour-
raient-ils recommencer à combattre
sous le même drapeau, quand, sur le
point le plus grave, ils resteraient di-
visés ? Je suppose que personne, dans
aucun camp, n'est assez absurde pour
croire qu'aucune question serait tran-
chée par un vote de cette nature. Ce
serait au contraire le commencement
d'un conflit qui se prolongerait fatale-
ment, à mesure que les conséquences
de la lourde faute commise se dérou-
teraient. Ceux qui se seraient séparés
fle leur parti en cette occasion, en res-
teraient donc inévitablement séparés
ensuite. Ils auraient apporté leur
concours à là puissance cléricale, pour
la plus monstrueuse des usurpations.
Comment pourraient-ils la combattre
-ensuite!
Et devant une telle usurpation, le
'devoir de tous les républicains, restés
fidèles au drapeau, serait évidemment
de porter la question devant le pays.
Le péril serait trop grave pour que la
lutte put rester circonscrite dans l'en-
teinte du Palais-Bourbon. Comment
Se peut-il que des hommes, qui étaient
hier des nôtres, donnent le spectacle
id'une irrésolution si inexplicable? A
quelles considérations sacrifient-ils
tout le reste? Je cherche, et je ne com-
prends pas.
Certains cherchent à prendre pour
prétexte la crainte de ramener au pou-
voir un ministère Méline s'ils renver-
sent le cabinet actuel. Cette crainte est
Si ridicule qu'on hésite à la discuter.
Si le cabinet était battu, M. Méline,
dont on connaît l'attitude, serait battu
avec lui. Il serait donc impossible qu'il
reprit le pouvoir. Cela serait d'autant
plus impossible qu'il aurait perdu son
dernier point d'appui.
Quand il s'est installé au pouvoir,
malgré la majorité de la Chambre,
restée du côté du cabinet Bourgeois,
C'est au nom du Sénat qu'il a pris le
gouvernement. On sait ce que tous les
vrais républicains ont dit à cette épo-
que : « Il y avait là une révoltante vio-
lation de la Constitution. » Mais, in-
contestablement. en fait, c'est le con-
cours du Sénat qui a permis au minis-
tère Méline d'exister.
Aujourd'hui, la situation est retour-
née. Tout le monde connaît l'attitude
du Sénat sur la question posée. M. Mé-
line ne trouverait plus de ce côté qu'une
opposition résolue. Il n'y a donc au-
cune chance pour qu'un vote de rejet
de la loi proposée le ramène au pou-
voir.
Il en serait tout différemment si la
loi était adoptée. Dans ce cas, la majo-
rité, de coupable coalition avec les
réactionnaires, qui naguère encore
soutenait M. Méline, se serait refor-
mée sur cette question spéciale. Elle se
seraitre formée d'abord au profit de M.
Dupuy. Mais personne n'a d'illusion
sur le lendemain réservé au ministère.
La victoire lui serait mortelle à bref
délai. Une Chambre à qui un Gouver-
nement fait commettre une telle énor-.
mité, peut avoir la faiblesse d'obéir :
mais elle ne pardonne pas la faute
qu'elle n'a pas eu la fermeté d'éviter.
Elle prend sa revanche à bref délai.
Et si M. Méline peut avoir encore une
chance de trouver la place préparée
pour lui, au moment où le Cabinet ac-
tuel disparaîtrait, c'est précisément
par le vote du projet.
Ecartons donc un prétexte si vain;
et concluons qu'aucun républicain fi-
dèle à la démocratie ne peut hésiter
dans, les circonstances actuelles. Il est
à souhaiter que tous le comprennent à
temps. Plus on examine le combat qui
va s'engager, plus il paraît impossible
qu'aucun de ceux qui ont lutté avec
nous, pour la même cause, se trouve,
ce jour-là, dans l'armée ennemie. Il
n'y aurait pas d'explication valable
pour de telles défections : toutes celles
qu'on pourrait alléguer croulent de-
vantrévidencedes faits. Non, iln'y aura
pas de désertions sur le champ de ba-
taille. Les conséquences en seraient
trop lourdes. Nous serons tous unis,
au vote, en face du cléricalisme mena-
çant, et du gouvernement qui courbe
la tête sous ses injonctions.
CAMILLE PEIALETAN.
Nous publierons demain un article de
RENÉ VIVIANI -
GROUPE SOCIALISTE
Le groupe socialiste de la Chambre se
réunira aujourd'hui, à une heure et demie,
au Palais-Bourbon, local habituel.
Ordre du jour : Le projet ministériel.
Le secrétaire: E. FOURNIÈRE.
POUR LA RÉPUBLIQUE
La déclaration que des républicains
de toutes nuances ont résolu de
publier au seuil des débats sur le
projet ministériel est un acte dont
la signification n échappera pas au pays.
Sans doute les députés qui ont mis leurs
noms au bas de ce document se sont tout
d'abord proposés d'éclairer leurs collègues
sur les dangers que ferait courir à la Ré-
publique et au pays l'adoption de mesures
aussi exorbitantes.
Il est permis de croire que les graves rai-
sons qu'ils exposent pèseront d'un lourd
poids dans la décision que va prendre la
Chambre.
Si par impossible elle devait passer outre
et suivre le cabinet dans la voie fatale où il
s'est en aveugle engagé, la manifestation
des députés républicains n'en serait peut-
être que plus utile.
Elle atteste en effet que, dans le désarroi
général, il existe encore un parti républi-
cain prêt, si le gouvernement déserte son
devoir, à oublier toutes les dissidences se-
condaires pour s'unir et faire face à l'en-
nemi.
- Dès lors que la République faisait appel
à tous ses défenseurs, les socialistes de-
vaient répondre : présent ! Ils n'ont pas
( manqué à leur devoir.
Pour placer leurs signatures à côté de
celles d'hommes politiques dont ils ont, en
plus d'une circonstance, critiqué les actes,
ils n'ont eu ni à demander ni à consentir
le sacrifice d'aucune opinion.
La République, instrument nécessaire des
réformes sociales, est mise en péril par une
entreprise qui groupe derrière elle, avec
quelques républicains inconscients, l'una-
nimité des forces réactionnaires.
Devant le péril, nous ne demandons à
personne son nom de baptême, ni s'il est
modéré, radical ou socialiste.
Vous êtes républicain, cela suffit. Don-
nons-nous la main, camarade, et en avant
pour la République.
A. MILLERAND.
BAGAGES ET CRUCIFIX
Un de nos lecteurs, de passage à Ponl-à-
Mousson, nous signale le fait suivant :
Dans la grande salle des bagages de la gare
de cette localité s'étale depuis un an, â Ven-
droit le plus apparent, un superbe crucifix
éclatant de blancheur. On se croirait dans les
bureaux du journal la Croix ou dans une cha-
pelle catholique.
Il nous. semble, pourtant, que s'il y a un
endroit où doit être pratiquée la neutralité
confessionnelle, c'est bien dans une gare de
chemin de fer.
Avis à qui de droit
DÉCLARATION
Députés appartenant à toutes les
fractions du parti républicain, nous
croyons devoir, dans les graves con-
j onctures que traverse le pays, affirmer
notre commune résolution de main-
tenir au-dessus de toute atteinte les
principes supérieurs dont l'oubli en-
traînerait les éventualités les plus re-
doutables. : *
Les lois de circonstances, imaginées
en vue d'un cas particulier, ne sont
jamais que l'expression irréfléchie des
passions ou des intérêts d'un instant.
Quelle nécessité d'enlever à la Cham-
bre criminelle, qui vient de clore une
information laborieuse, menée par elle
depuis trois mois, le droit d'en consa-
crer par un arrêt les résultats, quels
qu'ils soient? Et pourquoi transférer
ce droit à la Cour de cassation tout
entière?
Y aurait-il, dans la Chambre crimi-
nelle, des magistrats indignes? La loi
a prévu le cas. Le ministre de la jus-
tice n'est pas désarmé. Qu'il défère les
coupables, s'il en est, aux seuls juges
compétents : au conseil supérieur de
la magistrature.
S'il ne le fait pas, c'est - il l'a plu-
sieurs fois déclaré — qu'il n'y a pas de
coupables. Il a lui-même, du haut de
la tribune, rendu hommage à l'hono-
rabilité et à la sincérité de ces magis-
trats. L'enquête disciplinaire, dont les
pièces viennent d'être livrées à la pu-
blicité, a démontré l'inanité des ac-
cusations. violentes dirigées contre
eux, et l'unanimité de la commission
à laquelle la Chambre des députés a
renvoyé le projet de loi a tenu à indi-
quer dans le rapport que ces accusa-
tions n'étaient pas justifiées.
Osera-t-on dire qu'il suffit, pour dis-
qualifier les membres de la Chambre
criminelle, que des calomnies et des
outrages quotidiens les aient envelop-
pés dans nous net savons quelle suspi-
cion générale?
Si l'on entre dans cette voie, où s'ar-
râtera-t-on? Si, dès qu'il est traité
de suspect, un citoyen est considéré
comme coupable, il n'y a plus ni lois
ni paix publique. C'est le règne de la
calomnie.
On ne sera pas libre, du reste, de li-
miter ces concessions faites à une
campagne d'intimidation, systémati-
quement entreprise, et qui procède
étape par étape.
Déjà la validité de l'enquête est
contestée. Demain, les membres de la
Chambre civile et de la Chambre des
Requêtes seront à leur tour pris à
partie. Là plus haute juridiction du
pays aura été mise par les pouvoirs
publics à la merci de la diffamation.
Et l'on qualifie de loi d'apaisement
une loi fatalement destinée à produire
de telles conséquences! Nous y voyons
pour notre part une loi de discorde
civile.
Il ne s'agit pas, à nos yeux, de la so-
lution à donner à une affaire sur la-
quelle, avant les débats publics, aucun
de nous ne saurait avoir la prétention
d'émettre une opinion motivée. A la
justice seule il appartient de se pro-
noncer. Tout le monde devra s'incliner
devant son verdict, quel qu'il soit. —
Mais il faut qu'elle puisse rendre ce
verdict dans la plénitude de son indé-
pendance.
Ce sont les garanties mêmes de la li-
berté et de la sécurité individuelles qui
sont en jeu. Tous les citoyens, sans
distinction de condition, — du plus
faible au plus puissant, du plus pau-
vre au plus riche, — sont intéressés
au maintien des règles élémentaires
du droit. •
La France a besoin d'une justice
respectée comme d'une armée forte.
Criminels ceux qui voudraient opposer
l'une à l'autre.
Le gouvernement de la République
n'a cessé de donner à l'armée natio-
nale les témoignages de sa sollicitude.
Il l'aime et il l'honore comme le gage
et le symbole de nos plus chères espé-
rances. L'armée le sait. Etrangère aux
querelles des partis, sourde à toutes
les sollicitations, elle ne se laisse ni
émouvoir ni détourner de sa patrio*
que mission.
Ce serait lui faire injure que de la
supposer capable, d'entrer en révolte
contré les institutions civiles les plus
indispensables à la grandeur et à la
prospérité du pays.
De ces institutions, la plus néces-
saire à tout ordre politique est la jus-
tice. Sans justice régulière, il n'y a plus
d'état social; il n'y a plus de nation
constituée; il n'y a plus de civilisa-
tion.
Faire une loi d'occasion pour enlever
à une Cour ou à un tribunal un procès
pendant, c'est introduire l'arbitraire
dans le jugement des questions qui in-
téressent la liberté, l'honneur ou la
vte des citoyens. C'est faire juger les
juges par la politique. C'est créer un
précédent funeste, dont les partis pour-
raient tôt ou tard se prévaloir pour
assouvir leurs passions ou satisfaire
leurs rancunes.
Des mesures de ce genre, alors même
qu'elles seraient revêtues des appa-
rences législatives, ne sont que des
coups de force.
Nous faisons un suprême appel au
gouvernement qui représente la Répu-
blique et la France.
Un projet qui suscite d'aussi vives
alarmes que celles dont nous sommes
les interprètes ne rétablira pas l'apai-
sement et la concorde.
Jamais, pourtant, l'union des répu-
blicains n'a été plus nécessaire.
L'illusion n'est plus permise. Les en-
nemis de la Liberté s'agitent et com-
plotent. Réaction cléricale et déma-
gogie césarienne se coalisent une fois
de plus contre la République.
Au risque de prolonger une crise si
préjudiciable aux intérêts vitaux du
pays, nos éternels adversaires pré-
parent, comme en 1888, comme en
1877, un troisième assaut à nos insti-
tutions.
Ne leur fournissons pas nous-mêmes
des armes par des défaillances et des
abdications sans excuse.
Défendons, avec la République, les
grandes idées auxquelles nous avons
toujours été attachés. Maintenons fer-
mement, contre des attaques sacri-
lèges, le3 traditions mêmes delà Patrie.
Blanc (Henri) (Haute-Loire), De-
- crais, Jonnart, Louis Rartliou,
R. Poincaré, Isambept, de La
Porte, Léon Bourgeois, Henri
Brisson, Sarrien, Mesureur, Ca-
mille Pelletan, Mflleraud, René
Vivlaui.
M. Ribot, qui n'a pas signé la déclaration,
votera contre le projet. Il se réserve de mo-
tiver, s'il y a lieu, son vote à la tribune.
LIRE A LA TROISIÈME PAGE
Les nouveaux détails sur le CRIME
DE LILLE. Chez les bons frères.
LA SÉANCE D'AUJOURD'HUI
La séance qui aura lieu aujourd'hui et qui.
certainement, sera une des plus passionnan-
tes qui se puissent imaginer, sera certaine.
ment fort longue. Vraisemblablement, elle ne
se terminera pas avant huit ou neuf heures du
soir.
L'orateur qui, le premier, prendra la parole,
sera naturellement. M. Renanlt-Morlière, rap-
porteur. Le député de la Mayenne dévelop-
pera ses conclusions et s'appliquera à prou-
ver que le projet du gouvernement constitue
une violation sans exemple de notre droit pu-
blic. :
M. Pourquery de Boisserin parlera ensuite
en" faveur du projet.
Après lui, le citoyen Camille Pelletan mon-
tera à la tribune et combattra le projet. Puis,
très probablement, se produira, par l'organe
de M. Lebret, ministre de la justice, la pre-
mière intervention du Gouvernement.
Si M.-Piou prend la parole, comme il en a
l'intention, ce sera après M. Lebret. Mais ses
amis, craignant que son (lisootirs tic produise
un effet contraire à leurs espérances, insistent
vivement auprès de lui pour qu'il renonce à
intervenir. M. Pioucst, en effet, dans un état
d'esprit bizarre : il votera le projet, mais il le
combattra à la tribune. Singulière loaique! le
Le cinquième orateur sera le citoyen Millc-
rand, qui parlera contre le projet. Après lui
montera, sans doute, à la tribune un défen-
seur quelconque du dessaisissement.
Puis viendra le tour do M. Léon Bourgeois,
oppose au projet.
Après lui, c'est vraisemblablement M. Du-
puy qui prendra la parole. D'après la décision
prise hier matin en conseil des ministres, le
président du conseil s'opposera à toute mo-
tion de sursis, à tout amendement ayant pour
but d'ajourner le débat pour appeler le conseil
supérieur de la magistrature à se prononcer
sur les faits de l'enquête. M. Dupuy posera la
question de confiance et demandera l'adoption
de son projet sans modification aucune.
La discussion se terminera par un discours
de M. Poincaré nettement hostile au projet.
Enfin M. Ribot, ainsi que nous l'annonçons.
d'autre part, viendra expliquer son vote.
On le voit, la joule oratoire sera vive et
brillante.
- 1 r-
GRÈVE DE FILATEURS
Giromagny (territoire de Belfort), 9 février.
- Cent cinquante ouvriers de la filature de la
Fonderie, à Lepuix, près de Giromagny, se
sont mis en grève. Ils réclament une augmen-
tation de salaire.
Les ouvriers' du tissaae Briot de la Jargo-
gne, à Lepuix, qui s'étaient également mis en
grève, il y a une quinzaine débours, ont repris
leur travail ce malin.
L'ENQUÊTE
RAPPORT DE M. RENAULT-MORLIÈRE
EFFONDREMENT DU ROMAN CHEZ
LA PORTIÈRE
Les pièces du dossier Mazeau. - Vacuités
et inanités. — Les questions du Q. de
Beaurepaire. — Larbins et faction-
naires. — Prétentions des militaires.
— L'indignation des magistrats. —
Leurs explications. --Supplément
d'enquête. — Une lettre du co-
lonel Picquart.
Enfin, nous les avons, les trop célèbres
enquêtes ordonnées contre la Chambre cri-
minelle de la Cour de cassation, nous les
avons les réponses aux basses calomnies
de Quesnay de Beaurepaire et vous allez
voir quel monument de boue cet homme
s'est efforcé d'édifier. Puisse tout cela, en
retombant, l'éclabousser assez pour qu'il
lui soit désormais impossible de prononcer
une parole qui ne soit considérée comme un
mensonge et une calomnie.
Tous ces documents se trouvent dans le
rapport Renault-Morlière, qui a été publié
hier, et qui.contient en annexe, les docu-
ments in extenso de l'enquête Mazeau. Nous
ne pouvons, à notre grand regret, le don-
ner en entier puisqu'il a plus de cent vingt
pages, mais nous allons le résiimer des
plus impartialement et chacun verra la part
de calomnie qui revient à chacun et de quel
côté se trouvent les braves gens.
Le rapport
Le premier document du rapport est la
lettre des trois enquêteurs dans laquelle ils
déclarent que les magistrats de la Chambre
criminelle, tout en étant de très braves
gens, ne sont plus aptes à rendre un juge-
ment dans l'Affaire. Nous avons publié
cette lettre en son temps et commentée
comme elle le mérite. Vient ensuite la lettre
du garde des 'sceaux qui ordonnait l'en-
quête- au sujet des allégations de Q. de
Beaurepaire, puis la correspondance qui
s'échangeât entre M. Bard et de Beaure-
paire au moment où celui-ci commençait
dans la presse ses insinuations perfides et
anonyrnæ: Nous avons déjà parlé de cette
correspondance. C'est d'abord M. Bard qui
écrit au délateur Quesnay pour lui signaler
certains articles de journaux « qui contien-
nent des allégations sur son compte au
sujet de son attitude vis-à-vis du témoin
Picquart. M. Bard dément ces faits et ter-
mine ainsi sa lettre :
Le récit de la Patrie est donc purement gro-
tesque en ce qui me concerne; mais comme
il est implicitement très injurieux à votre
égard, je crois vous donner une preuve dja-
milié en vous le dénonçant.
Pris ainsi la main dans le sac et sommé
de dire la vérité, l'horrible Quesnay s'en
tire en battant en retraite et en adressant à
M. Bard la lettre suivante pleine de men-
songes et d'équivoques :
Quesnay de Beaurepaire à M. Bard
Paris, ce 26 décembre 1898.
Mon cher Bard, *
Je ne lis pas les journaux. Si l'un d'eux m'a
injurié hier, grand bien lui fasse. Je ne re-
cois pas plus que vous les reporters : vous
voyez par là que je n'ai voulu ni pu donner de
la publicité â l'incident dont vous m'entretenez
dans votre télégramme. J'en ai parlé à deux ou
trois collègues, voilà tout: et j'ignore comment
le fait a pu parvenir jusqu'à la presse. Si elle
l'a amplifié, comme vous me 'le faites pres-
sentir. j'y suis à plus forte raison étranger.
Tout en constatant avec douleur que nous
sommes, je le crains du moins, bien loin l'un
de l'autre dans la funeste affaire que vous sa-
vez, je n'en reste pas moins votre vieil et sin-
cère ami.
QUESNAY DE BKA UREPAIRE.
Et durant que Quesnay traitait M. Bard
de « cher et vieil ami l" il lui tirait dans le
dos chez plusieurs journaux à sa dévotion.
C'est tout l'homme.
Les calomnies de Q. de Beaurepaire
Survient le 12 janvier, date à laquelle la
fille Lucie Herpin jette sa toge par-dessus
les moulins, afin que sa vilaine âme nous
apparaisse toute nue. C'est alors que le fâ-
cheux Lebret, au lieu de traduire cette vierge
folle devant un - tribunal quelconque, or-
donne l'enquête faite par les trois enquê-
teurs qui posent les questions suivantes :
Première question. — Le choix comme rap-
porteur de M. Bard, qui était au huitième rang
sur!a liste des conseillers, ce choix fait dans
une affaire excessivement graver n'élait-il pas
contraire à tous les précédents?
Deuxième questicyi. - Lors des incidents
et des divisions de l'instruction, M. le prési-
dent Loew n'a-t-il pas toujours désigné comme
rapporteurs des magistrats acquis d'avance à
la cause de Dreyfus?
Troisième question.- L'affaire étant circons-
crite dans les termes de la question de droit
qui se formule ainsi : Y a-t-il révélation nou-
velle de faits qui existaient dès 1894 et qui,
connus des juges de 189-4, les auraient conduits
à rendre un arrêt d'acquittement? — l'inslruc-
tion à laquelle la Cour a procédé n'a-t-elle pas
été conduite dans le sensd'un bill d'innocence
immédiat, et dans le sens de la réhabilitation
d'un des témoins, le sieur Picquart?
Quatrième question. — Alors que la Cham-
bre criminelle accueillait les dépositions des
anciens ministres de la guerre, M. Loew n'a-t-
il pas manifesté, après l'audition de ces lé-
moins, et spécialement des généraux, des
sentiments d'hostilité et d'aversion qui ont vi-
vement blessé certains magistrats?
Cinquième question. — Au nombre des té-
moins figure un ancien officier: mis en réfor-
me pour intempérance, et qui a donné libre
cours à sa rancune en attaquant l'Etat-Major.
A la suspension d'audience qui a suivi, M. le
président Lœw n'a-t-YI pas exprimé sa satis-
faction et son approbation dans des termes
qui ont profondément affligé certains magis.
trats de sa Chambre ?
Sixième question. — M. le président Lœw,
en interrogeant des chefs supérieurs et des
officiers de l'armée dltscliés au -ministère, no
les a-t-il pas, à plusieurs reprises, question-
nés, déroutés ou interrompus par des procé-
dés d'instruction qui révélaient le parti pris ?
Septième question. — L'agent de la Sûreté
qui veillait sur le témoin Picquart-pendant les
deux semaines qu'é celui-ci a passées ou Pahis
aurait constaté qu'en certains endroits où Pic-
quart échappait aux regards., il éia.t rojoiut
par un magistrat et que le temps écoulé l'a-
menait à croire à un - conciliabule prémédité.
Huitième question. — M. le.président Loew.
avant ou après ses séanees, aurait eu, hors du
Palais, de fréquentes conférences avec M. Le-
blois, ami de Picquart et de la famille de Drcv-
fus.
Neuvième question. — M. le, conseiller Du-
mas, chargé par M. Lrew d'une partie de l'ins-
truction, aurait eu, hors du Palais, de fréquen-
tes conférences avec des parents et des amis
de Dreyfus.
Dixième qnestirm. - M.le général Chanoine
aurait des renseignements intéressants à four-
nir sur les procédés d'instruction de M. le
président Lœw.
Les questions de 1' « Eclair »
Mais ce n'était pas assez de poser ces dix
questions, inspirées toutes par Quesnay.
On ramassa dans l'Eclair certains autres
racontars qui y fleurissaient depuis de longs
jours, et l'on interrogea les témoins — que
disons-nous les témoins ! les accusés —
sur tous ces potins de concierge.
Voici ces nouvelles questions :
Jo MM. Bard, Manau et Moroard, réunis en
un étrange -concert, ont dénaturé le rapport
du général Roget. ils ont; donné de ce docu-
ment, dans le but de jeter la suspicion sur
l'originc du bordereau, une interprétation ab-
solument contraire au texte et à la vérité;
2". MM. Loew et Bard, pour ne citer que ces
deux-là. ont fait montre d'une obséquiosité
inexcusable à l'égard de M. Picquart. prison-
nier et accusé du crime de faux. Ils ont, par
contre, dirigé d'une façon insidieuse .l'inter-
rogatoire de plusieurs témoins dont les dépo-
sitions gvnaient leur-tentative de réhabilita-
tion d'un traître. L'attitude de certains conseil-
lers .pendant ces dépositions a été plus qu'in-
correcte;
3' La demande en règlement de juges' SUP
les affaires. Picquart n'a été provoquée que
pour "arracher à ses juges naturels un témoin
dont, en vraie justice, il eût été indispensable
de faire établir dans un débat public et contra-
dictoire la valeur morale. Cette demande, rap-
portée et examinée en trois jours, quand il
s'agissait de prévenir la réunion du conseil
de 0 guerre, est en souffrance depuis six sc.,
mai nés:
4° La majorité -de la Chambre criminelle s'est
refusée jusqu'ici à faire procéder à des con-
frontations qui risquaient de ruiner les allé-
gations de M. Picquart. Elle s'est refusée éga-
lement à entendre le capitaine Tavernier qui
instruisit contre M. Picquart, alors qu'elle
entendit M. Berlulus qui instruisit pour M.
Picquart;
5' M. Manau s'est livré à des tentalives in*
justifiables pour se faire livrer à lui seul et à
l'insu de la Cour le dossier secret. La de-
mande de M. Manau a fait l'objet, du 13 au
24 octobre dernier, de lettres de MM. Manau,
Sarricn, général Chanoine, dont i! importe que
la Commission d'enquête ait connaissance. It
importe en outre que cette Commission ait
communication de l'opinion — en raison de
laquelle le dossier secret fut définitivement
refusé à M. Manau — exprimée aux membres
du gouvernement par M. Mazeau qui d ét-not-i'
tra l'incorrection et l'illégalité de la demande
du procureur général.
Déposition de Quesnay
L'enquête commence et le premier léinoili
entendu est Q. de Beaurepaire. On lui devait
bien cela pour toutes ses trahisons ! Ce cy-
nique répète devant les enquêteurs toutes
ses calomnies, et comme chaque jour avec
lui amène son mensonge, il en apporte un
nouveau. Il produit une lettre signée A. De-
frenne, dans laquelle le conseiller Dumas
est accusé, quoique n'ayant que L,"».(MVI francs
de rentes, de se faire construire une maison
rue Reaumur. Il assure, dit A. Defrenne,
« que c'est avec de l'argent emprunté ». Ceci
lui parait impossible et le correspondant
« A Roubaix, tout le monde croit savoir
que c'est avec l'argent du syndicat juif. et
il doit vous être facile d'approfondir la
chose ».
Inutile d'insister devant d'aussi odieuses
calomnies. D'ailleurs M. Dumas répondra
tout à l'heure.
Quesnay continue
Mais Quesnay continue, répondant it ses,
propres questions. Il assure que si ce n'est
pas le-doyen de la Chambre criminelle qui
a été chargé de faire le rapport, « e est qutt
le président Lœw est de parti pris ceci
d'autant mieux « qu'il connaissait le carac-
tère passionné de M. Bard », dont il avait
pu juger en 1880! (sic). Et lorsque les en-
quêteurs demandent à Quesnay où il a
péché ses calomnies, celui-ci répond qu'elles
sont de notoriété publique et que. pour s'en
convaincre, on n'a quu entendre le greffier
en chef, les hommes de service de la Cour
(Lucie fait dans les cuisines!) et le Prési-
dent de l'ordre des Avocats.
Premier démenti
Le premier démenti à Quesnay ne se fait
pas attendre. Afin de le mieux satisfaire,
sans doute, on interroge non-seulement te
président de l'ordre désavouais, mais aussi
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