Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-08-01
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 août 1898 01 août 1898
Description : 1898/08/01 (N7771,A21). 1898/08/01 (N7771,A21).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75015939
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
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LE NUMÉRO
£5
CENTIMES
ADMINISTRATION , RÉDACTION & ANNONCES
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UN AN 18 FR.
RÉDACTEUR EN CHEF
A. Millerand
ABONNEMENTS
Départements
UN MOIS. 2 FR.
TROIS MOIS. 8 m
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN 20 FR.
VINGT'ET-UNIÈME ANNÉE; — NUMÉRO 7771
LUNDI 1 er AOUT 1898
14 THERMIDOR. — AN 105
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NE SONT PAS -I\B'lDUS
LE NUMÉRO
5
CENTIMES
Tribune Libre
POUR LES PETITS
Il paraît que, chaque année, le nom-
bre des départs des villes pour les
champs, la mer ou les montagnes, au
moment des vacances, augmente
dans des proportions considérables.
Chose extraordinaire, les compagnies
de chemins de fer auraient compris
l'intérêt qu'il y a pour elles à mettre
les voyages à la portée des petites
bourses. On n'aurait point dû attendre
leur bon vouloir pour l'organisation
de ce véritable service public.
Est-il une chose plus désirable que
la vulgarisation des vacances? Quand
l'homme a travaillé toute l'année dans
le chantier, à l'atelier, dans le bureau
ou le cabinet de travail, il a besoin de
s'en aller, de sortir de sa géhenne au-
trement que pour quelques heures.
La femme qui n'a pas perdu une
minute dans les soins du ménage, qui
a tourné dans le cercle étroit de ses
menues occupations, qui a veillé à
tout, réglé tous les rouages de la ma-
chine domestique, tous deux vou-
draient voir autre chose, considérer
d'autres horizons que respirer l'airbrû-
lant et rempli de miasmes, asphyxiant
des villes. Quant aux enfants, les pau-
vres petits hors des classes sont dés-
œuvrés, émaciés, livrés souvent à la
rue, exposés à s'enrégimenter sous la
conduite d'un audacieux garnement
pour quelques expéditions mal défi-
nies, sans but, dont certaines finissent
-lamentable épilogue- sur les bancs
de la correctionnelle. Le fait n'est pas
rare. Nous en avons recueilli plusieurs
exemples.
Mais surtout, si bien que ces tristes
vacances des enfants dans les cités
puissent se passer, elles se passent
mal pour leur santé.
Du reste, il faut bien le reconnaître,
nos lois si nombreuses, si compli-
quées, aux réglementations si labo-
rieuses, n'ont pas pris souci de la santé
des enfants. Il y a bien celles qui ré-
glementent leur travail. Mais mon col-
laborateur Maurice Allarda fait excel-
lemment ressortir, dans un de ses der-
niers articles, les abominables négli-
gences de l'administration chargée de
faire respecter ces quelques disposi-
tions législatives.
Ici les textes sont formels. Ils per-
mettent de saisir les Donato Vozza de
tout acabit. Il n'y a qu'à les appliquer.
Mais ce n'est là qu'un des côtés de la
question. L'enfant ne doit pas être
seulement protégé contre les monstres
qúi l'exploitent pour s'enrichir. Leur
abandonner cette facile proie serait
aussi imbécile que de la livrer aux
tourmen leurs dont les crimes viennent
de temps en temps soulever l'opinion
publique pour la protection de l'en-
fance.
Il y a autre chose à faire pour elle.
L'agonie lente d'un enfant dans un
misérable galetas ou au fond d'une
impasse barricadée contre le soleil,
est-elle moins intéressante que la dou-
leur du petit martyr victime de la
cruauté des siens, ou que l'usure ra-
pide des petits corvéables de Vozza ?
L'œuvre est la même sous d'autres
formas.
Dans les deux derniers cas elle appa-
raît plus brutale. Les responsabilités y
sont plus précises. Dans le dernier, la
faute est plus dififcilement imputable.
Il semble que le mauvais sort est le
principal coupable. Pour un peu un de
ces hommes qu'on montre parfois ré-
signé à la souffrance des autres, di-
rait-il que c'est là une application de la
loi darwinienne, avec des moyens de
sélection auxquels la nature a recours
pour éliminer les faibles.
En réalité, le petit être qui périt faute
d'air était peut-être, est souvent le fils
de quelque robuste travailleur qui
peine tout le jour au dehors pouràp-
porter quelques sous le soir aux siens,
La pousse qui s'étiole était de belle
venue et la sélection qui devait nor-
malement le réserver pour l'espèce,
s'ouvre à rebours.
Absurde conséquence d'une théorie
dont on parle souvent sans la connaî-
tre. Et puis finies les théories quand le
devoir le plus élémentaire est de pro-
téger la vie.
La faute ici est grave. Car elle est
collective. Il y a des lois pour prescrire
les conditions dans lesquelles les pro-
priétaires peuvent offrir l'habitation.
Elles sont ridiculement insuffisantes.
Un texte nouveau a été proposé, voté à
la Chambre, le Sénat le garde soigneu-
sement depuis des années. Et je crains
que, dans les caves du Luxembourg où
gisent les projets imprimés, celui-ci
ne s'améliore pas en vieillissant..
II apporterait pourtant une grande
amélioration pour la santé publique.
Et c'est au nom de l'enfance martyr de
la société que nous le défendons et que
nous le réclamons.
A l'heure présente c'est l'œuvre de la
Ville de Paris et de quelques sociétés
privées que nous devons applaudir.
Les salles d'attente des gares sont
parfois envahies par une troupe de
petits qui, sous la conduite de person-
nes dévouées, partent pour le grand
air vivifiant. Ils sont gais, mais leur
Joie n'est pas bruyante. L'anémie les a
éteints. Il est temps qu'on les éloigne
des contagionsetde l'atmosphêre« déjà
fespirée » dont leurs poumons se sont
trop longtemps contentés. Ces colonies
hélas ! sont toujours limitées. Elles ne
peuvent comprendre tous et toutes. Le
choix qu'on fait s'inspire de la santé
et subsidiairement des notes scolai-
res. Encore en cette affaire tout se ré-
sout par une question d'argent. Cha-
que année les colonies ont une part
importante dans l'augmentation du
budget, mais ce n'est pas encore assez.
Les colonies privées.et laïques, celles
qui ne voient pas des cerveaux à pren-
dre, mais des êtres à sauver, rendent
de grands services. De telles entrepri-
ses de sauvetage devraient réunir dee
concours immenses. Elles ont l'avan-
tage de donner tout de suite des ré-
sultats.
C'est plaisir de retrouver des corps
renouvelés, des esprits plus ouverts,
des êtres avec tous leurs ressorts. Un
jour viendra où grands et petits au-
ront leurs vacances, suspension né-
cessaire de la vie, soulageante halte
sur le chemin monotone où s'épuisent
l'énergie et l'espoir, station où l'esprit
reprend droit aux rêves et s'appro-
visionne d'une nouvelle réserve de
forces.
PIERRE BAUDIN.
Nous publierons demain un article de
ANDRÉ LEFÈVRE
POUR LA LUMIÈRE
Le document, qui a été livré hier
au public sous la. signature de M.
Bertulus, vaut d'être tiré de l'ava-
lanche de papiers sous laquelle,
depuis huit mois, plie le public. -
Ce qui lui imprime une gravité et une
importance qu'il serait puéril de contester,
c'est autant son origine que son contenu.
Nous ne serons jamais tenté de délivrer
un brevet d'infaillibilité à aucun magistrat
d'aucun ordre, pas plus à un juge d'instruc-
tion qu'à nul autre, et à M. Bertulus, le
héros de l'affaire du docteur Laporte, moins
qu'à quiconque.
Il n'en demeure pas moins que, sous sa
responsabilité, dans l'exercice de ses fonc-
tions, un magistrat a, quelle que soit l'ambi-
guïté ou l'habileté des formules, nettement
inculpé le lieutenant-colonel du Paty de
Clam d'avoir, de complicité avec le com-
mandant Esterhazy, tendu un piège au lieu-
tenant-colonel Picquart.
Si l'on se rappelle que le lieutenant-colo-
nel du Paty de Clam a joué un rôle considé-
rable dans l'instruction de l'affaire Dreyfus,
et que le lieutenant-colonel Picquart s'est
mis en hostilité violente avec l'état-major,
précisément à la suite de ses investigations
sur l'affaire Dreyfus, comment s'étonner si
l'on est conduit à attribuer une portée ex-
ceptionnelle aux allégations de M. Bertulus?
On dit qu'il se trompe : c'est bien possi-
ble. On affirme qu'il agit de parti pris : nous
l'ignorons.
Ce que nous savons, c'est qu'une fois ces
accusations portées, il est impossible qu'elles
ne soient pas tirées au clair.
L'attitude du ministère actuel, le jour où,
pour la .première fois, il s'est officiellement
expliqué sur raffaire Dreyfus, forma un
heureux et décisif contraste avec celle du
cabinet précédent.
Au nom du gouvernement, le ministre de
la guerre proclama que nous avions le droit
d'agir chez nous comme nous l'entendons
et que l'armée n'avait plus besoin d'être dé-
fendue contre la vérité.
Ces paroles furent applaudies, affichées;
elles constituent un engagement solennel.
L'heure est venue de le tenir.
Les accusations de M. Bertulus ne peu-
vent pas être mises au rang d'un propos de
journaliste. Elles appellent des éclaircisse-
ments et un débat publics. Il faut que la lu-
mière se fasse.
A. MILLERAND.
Le citoyen Millerand étant obligé de
quitter Paris, les personnes qui, en son
absence, auraient des communications
à faire au rédacteur en chef de La Lan-
terne, sont priées de s'adresser au ci-
toyen E. Dega/y.
MORT DE BISMARCK
Hambourg, 30 juillet. - Le Correspondant
de Hambourg annonce que cet après-midi,
l'état du prince de Bismarck s'est subitement
aggravé au point qu'une issue fatale est à
craindre.
Hambourg, 30juillet. — Ce soir, des bruits
inquiétants ont de nouveau circulé concer-
nant l'état du prince de Bismarck. Ces rumeurs,
bien que rien ne soit venu les confirmer, ont
produit une profonde impression,
Le docteur Schweninger ne se trouve pas
actuellement à Friedrichsruhe.
Le comte Guillaume de Bismarck est égale-
ment parti. Si donc les dernières nouvelles que
publient les journaux se confirmaient, c'est que
l'aggravation dans l'état du prince de Bismarck
se serait subitement produite.
LA MORT
A deux heures du matin on nous
télégraphie que le ppinee de Bis-
marck est mort hier soir, à onze
heures.
ÉPIDÉMIE DANS DES CASERNES
Cinq morts. — Nombreux malades. — Une
caserne évacuée
Bourges, 30 juillet. — Il y a quelques jours,
une épidémie de dysenterie s'est déclarée dans
la caserne du 1er régiment d'artillerie.
Elle a fait de nombreuses victimes.
Deux soldats, Beúlin et Lemaître, ont suc-
combé hier, à l'hôpital militaire; trois sont
morts aujourd'hui. Ils se nomment Rebe, Pa-
pillon et Bornet.
Cent dix militaires sont entrés à l'hôpital.
On attribue cette épidémie à l'eau qui est
malsaine.
Bourges, 30 juillet. — La dysenterie sévi*
sur les lu et 37* régiments d'artillerie.
Les malades sont très nombreux. Il y a ac-
tuellement six décès. ,
En raison de l'état sanitaire inquiétant, le
16e d'artillerie à Clermont, qui devait arriver la
semaine prochaine pour les écoles à feu, a
reçu contre-ordre et ne viendra pas.
Des mesures énergiques sont prises pour
arrêter le développement de la contagion.
A Cherbourg
Cherbourg, 30 juillet. — La caserne du 1er ré-
giment d'infanterie de marine a été évacuée
par ordre du ministre à cause de la fièvre
typhoïde.
Le régiment est campé sur le polygone de
Querqueville. -
Coups de Griffe
Ah maisy on n'en finira donc jamais
Avec tous ces n.. de D. de primes,
disait Mac Nab dans une chanson aussi
amusante qu'irrévérencieuse. En France
nous en avons presque fini et l'espèce
s'éteindra avec M. Sarcey, prince de la
Critique. -
Pour les autres pays, il n'en va pas
encore de même et l'Angleterre en pos-
sède un dont la réputation est interna-
tionale : c'est le prince de Galles que je
veux dire. Or ce futur roi s'est, il y a
quelques jours, vaguement démoli ta
jambe et le genou en dégringolant dans
un escalier, et depuis lors les plus célébrées
médecins anglais sont à son chevet d'où
ils inondent le continent de buuetins
relatifs à sa santé.
C'est trop pour une écorchure - toute
royale qu'elle soit. L'accident, paraît-il,
est survenu après une frasque du genre
de celle dont est coutumier le prince de
Galles, et la personne la plus blessée
pourrait être la princesse, sa femme,
dont l'amour-propre et le contrat de
mariage sont, paraît-il, mis à une rude
épreuve.
Le prince aime à s'amuser après boire.
C'est absolument son dioit, et si tombant
de haut il ne s'est pas fait grand mal
c'est qu'il y a une providence pour les
pochards. Que les médecins louent donc
cette providence et ne nous embêtent
pas plus long temps.
Moustou.
MARDI PROCHAIN
(Numéro daté du 3 août)
La Lanterne
COMMENCERA LA PUDLICATIONDE
LE
Calvaire d'une ire
eRAND ROMAN INÉDIT
PAR
ALBERT DAYROLLES
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à 8 heures matin. 16005 au-dessus de o
La plus élevée du jour
2 heures soir. 194 au-dessus deo
Temps probable pour aujourd'hui ; Beau.
W~/V~~t
Aujourd'hui, à deux heures, courses à
Maisons-Laffitte.
NOS FAVORIS
Prix de Grignon : Ecurie Gadola ou
Madeleine.
Prix Atlantic : Maronné ou Lutrin.
Prix Azur : Railleur ou Quenotte.
- Prix de Neaufles : Don Juan ou Ins-
hallah.
Prix Monarque : Ecurie Fould ou Ca-
îabat ,
Prix de Moulins-la-Marche : Ecurie
Caillault ou Muté.
"#N'NU"
PETIT CARNET
HIER. —-Les Etats-Unis refusent tout armis-
tice. — Le général Gonse est désigné pour être
adjoint au chef d'état-major de l'armée jusqu'au
15 octobre. — L'état de Bismark s'est aggravé.
AUJOURD'HUI. — Renouvellement triennal de
la moitié des conseillers généraux et des
conseillers d'arrondissement. — Distribution
des prix aux aveugles de l'école Braille, à
Saint-Mandé. — Distribution des prix, à la
Bourse du travail aux élèves de l'Ecole muni-
cipale professionnelle Diderot.
LE MAIRE DE MARSEILLE
Le citoyen Flaissières, dont nous avons relaté
l'accident, est aujourd'hui entièrement remis.
C'est une nouvelle que nous annonçons avec
plaisir et qui sera bien accueillie de tous ceux
qui connaissent l'honorable maire socialiste de
Marseille.
IWW/W#
LE SCRUTIN D'AUJOURD'HUI
Le scrutin qui s'ouvre aujourd'hui dans tous
les cantons de la France, sauf ceux du dépar-
tement de la Seine et des départements algé-
riens, s'applique à l'élection d'environ 1,500
conseillers généraux et 2,300 conseillers d'ar-
rondissement.
Parmi les conseillers généraux sortants qui
se représentent devant leurs électeurs, se
trouvent quatre ministres : MM. Cavaignac,
Sarrien, Vigcr et Maruéjouls. Les deux sous-
secrétaires d'Etat, MM. Vallé et Mongeot sont
également candidats à nouveau dans leurs
cantons respectifs.
On compte, parmi les conseillers soumis à
la réélection, 84 sénateurs et 158 députés, soit
au total 242 membres du Parlement.
"NNII
MOT DE LA FIN
X., qui fait volontiers le matamore,
mais se laisse, plus volontiers encore, ad-
ministrer des gifles, déclarait hier devant
pne nombreuse assistance.
— Moi, d'abord, j'ai un caractère de fer.
- Battu, ajouta un camarade.
Passe-Partoat.
La Tuberculose
A la Faculté de médecine, se tient en ce
moment un congrès qui étudie les caractè-
res de cette terrible maladie qu'on nomme
la tuberculose. C'est déjà le quatrième con-
grès qui s'occupe de cette question, et les
sommités du monde savant y sont venues
en nombre, tenant à y apporter les fruits de
leurs veilles.
Espérons que bientôt ces travailleurs, ces
chercheurs infatigables arriveront au résul-
tat qui est le but de leur labeur et qu'ils par-
viendront à étouffer dans son germe cette
tuberculose qui ronge et qui tue..
***
Depuis longtemps déjà, des essais ont été
tentés en vue d'enrayer les progrès de cette
horrible maladie. Il y a quelques années, le
bruit des expériences du célèbre docteur
allemand Koch eut dans le monde entier un
retentissant écho. On avait cru un moment
à la possibilité d'une guérison certaine du
mal et le nom de Koch, dans toutes les
bouches, était béni.
Malheureusement, on dut en rabattre.
Sans doute, le professeur allemand avait
avancé là question d'un grand pas, mais sa
méthode n'en éclairait qu'une face : celle du
diagnostic. C'était déjà quelque chose, mais
c'était insuffisant.
Néanmoins, ses travaux ont frayé la
route à d'infatigables pionniers qui luttent
avec tant d'énergie contre le terrible fléau
qu'ils parviendront certainement à le faire
disparaître.
*
* *
Cette tuberculose est bien la plus épou-
vantable et la plus cruelle des maladies.
C'est lentement, petit à petit, qu'elle fait ses
ravages. Elle couve pendant des mois avant
de se manifester et alors il est trop tard pour
remédier au mal.
C'est aux poumons, le plus souvent,
qu'elle s'attaque ; elle y prend gîte, s'y in-
cruste et les ronge peu à peu jusqu'à l'étouf-
fement du malade. Cela commence par une
petite toux sèche, saccadée, qui devient en-
suite grasse, accompagnée de crachats et ce
sont alors les quintes terribles qui durent
des heures, faisant perler aux tempes du
patient la sueur de la souffrance et de l'an-
goisse. Et puis, c'est l'air qui manque tout
à coup à la poitrine haletante, puis la lon-
gue agonie où l'intelligence conserve toute
sa vigueur et suit les progrès de la gan-
grène, puis le râle et la mort.
Ceux qui ont assisté chez des êtres chers
aux ravages du terrible fléau en conservent
toujours le pénible souvenir et ne peuvent
oublier le martyre qu'ils ont eux-mêmes en-
duré devant ces souffrances qu'ils étaient
impuissants à soulager.
***
Le congrès dont le public suit en- ce mo-
ment les travaux avec le plus vif intérêt,
s'est d'abord rendu en corps à l'hôpital Bou-
cicaut où un service spécial pour les tuber-
culeux fonctionne admirablement.
L'intérêt de ses membres a été vivement
excité parla façon dont sont comprises l'hy-
giène et l'antisepsie à cet hôpital, de créa-
tion toute récente. Ils ont pu constater avec
une grande satisfaction que tout y est mis
en œuvre pour éviter la propagation du
fléau.
A
Les tuberculeux, outre les souffrances
qui proviennent directement de leur mal,
sont presque tous affligés de troubles sto-
machiques qui nuisent à la digestion et aug-
mentent encore leur état de faiblesse.
A l'hôpital Boucicaut, un traitement spé-
cial est appliqué pour parer à cette compli-
cation de la maladie. Elle porte le nom de
crymothérapie : traitement par le froid.
Les docteurs Letulle et Ribard ont fait à
ce sujet une conférence des plus intéres-
santes. Ils parviennent, paraît-il, à com-
battre la dyspepsie chez les tuberculeux en
installant sur l'estomac des malades un apr
pareil produisant un grand froid par l'éva-
poration de l'acide carbonique. Sous l'in-
fluence de ce froid factice, l'estomac re-
couvre la régularité de ses fonctions, et la
digestion se faisant dans de meilleures condi-
tions permet aux tuberculeux de s'assi-
miler les aliments et de prendre un peu de
forces.
* *
Tous les savants qui prennent part en ce
moment à ce tournoi scientifique font les
plus grands efforts pour enrayer, sinon
empêcher le mal. Une louable émulation
règne entre eux et c'est à qui fera la décou-
verte la plus intéressante.
Celle du professeur Finsen, présentée au
Congrès par son collègue, le docteur danois
Bang, estb ien des plus curieuses. Il faut le
cerveau d'un savant, toujours à l'affùt, tou-
lours en quêté d'une méthode nouvelle, pour
j'avoir entrevue.
D'après lui, la tuberculose pourrait être
radicalement guérie par la lumière, mais
seulement lorsqu'elle se manifeste à l'état
de lupus, c'est-à-dire sous la forme d'un mal
tout à fait extérieur.
Ces maladies de la neau sont spéciale-
ment traitées à l'hôpital Saint-Louis, et c'est
à la suite d'une visite des membres du
Congrès à cet établissement que le docteur
Bang fit sa conférence.
Le fait observé par son collègue Finsen
est celui-ci :
Tous les rayons du prisme n'exercent pas
la même influence sur l'épiderme humain.
Si l'on soumet une région épidermique at-
teinte de lupus à l'action des rayons violets,
une amélioration sensible se produit au bout
d'un certaint temps, tandis que les autres
rayons n'ont aucune action. Se basant sur
ce phénomène remarquable, le professeur
Finsen a construit un appareil qui laisse
passer exclusivement les rayons violets en
interceptant tous les autres. Il faut, d'après
lui, cinq mois de traitement environ pour
arriver a une guérison complète.
Cette méthode originale de guérison du
lupus par la lumière est couramment appli-
quée à Copenhague ou un Institut spécial a
été fondé pour en développer et en perfec-
tionner l'emploi.
*
* #
Tout cela est fort bien. Les savants font
tout ce qu'ils penvent pour enrayer les ra-
vages causés par la tuberculose et, nous
venons de le voir, ils y parviennent dans
certains cas. Que justice leur soit rendue.
Mais il en est d'autres qui, bien que n'é-
tant pas des savants et ne prenant part à
aucun congrès scientifique, pourraient, de
leur côté, faire faire un grand pas à la ques-
tion de la tuberculose.
Que les patrons aient un peu plus souci
du bien être de leurs ouvriers ; que les
grands usiniers se montrent plus soucieux
de la santé des travailleurs dont la sueur
les enrichit ; que les directeurs de banques
ne fassent plus travailler de pauvres em-
ployés dans d'étouffants sous-sols, vrais
nids à microbes, durant dix heures par jour.
En un mot, que tous, riches et pauvres,
aient droit à l'air et au soleil t Alors le nom-
bre des tuberculeux ira en décroissant.
• Jean Reyval.
Magnificences Scolaires
On se plaint parfois — ce n'est pas nous, au moins,
qui poussons ces plaintes — des dépenses où entraine
l'instruction populaire répandue à flots. Elle est pour
tous, elle doit profiter à tous. Pourtant, que n'ont pas
imprimé les journaux de la réaction sur les a palais
scolaires »? Ils ne parleraient pas autrement des palais
enehantés des Mille et une Nuits. Ils trouvent
inconvenant que les enfants du peuple soient convena-
blement logés.
Que n'ont-ils pas dit sur les écoles érigées ou ra-
jeunies qui mettent comme un monument dans le paysage
d'une commune modeste? A les entendre, la France
s'est saignée aux quatre veines pour donner à ses en-
fants l'air en abondance, l'espace et la lumière. Elle l'a
fait, sans se saigner en somme; elle a fait ce qu'elle
doit, en bonne et prévoyante mère.
Il faudrait envoyer en Guinée ceux qui dénoncent ces
prétendues magnificences avec tant d'aigreur. Ils trou-
veraient là-bas leur idéal.
Un exemple: dans ce pays, à Konakry, l'école ayant
brûlé, on l'a rebâtie. pour deux cents francs. C'est
même à peine, paraît-il, si cette somme a été atteinte
par la note de l'architecte.
Pour mettre le comble à cette largesse scolaire, on
a réussi à habiller les petites filles de l'école, cent né-
grillonnes avec cinquante francs. Dix sous la pièce!
et les pauvres mignonnes étaient ravies.
Vous vous rappeler l'histoire de la négrillonne qui
entre dans un magasin à Paris et qui demande pour
deux sous de robe blanche ? Eh bien, celles de Kona-
kry ont eu encore huit sous de superflu.
C'est merveilleux ! Mais voilà : les architectes, en
France, ne sont point comme là-bas. Chez nous, ils
bannissent de leurs mémoires toute simplicité. Ils ac-
cumulent les chiffres comme à plaisir et enflent leurs
totaux comme des ballons. Quant aux petites filles,
elles ne se drapent pas dans un rubau.
Tout augmente à mesure que l'on remonte vers nos
climats et dans l'échelle des peuples. Et cette vérité ne
peut être' contestée, même par les partisans de t'igno-
rance la plus noire, retour de Guinée.
Paul Marrot.
GRÈVE EN PERSPECTIVE
Le Syndicat des travailleurs des chemins
de fer français a fait, ces jours-ci, placarder
une affiche que nous avons reproduite en-
tièrement hier. Cette affiche expose très
exactement et en fort bons termes, la situa-
tion qui est faite au Syndicat par la pers-
pective de la grève dont, il pourrait être
amené à donner le signal, le cas échéant.
Ces explications sont venues à leur heure.
De nombreux journaux, inspirés évidem-
ment par de tous autres intérêts que ceux
des exploités de nos grandes Compagnies,
commençaient déjà à dénaturer les inten-
tions du Syndicat des Chemins de fer.
Dépositaire d'un ordre du dernier Congrès
dont il peut, à un moment donné, être tenu
de se faire l'exécuteur, le syndicat, à la tête
duquel notre amÍ le citoyen Guérard est un
garant de bonne gestion et de prudente tac-
tique, ne veut pas la grève. Il craint seule-
ment d'y être contraint par la résistance
des Compagnies aux moindres réformes
demandées par leurs ouvriers et leurs em-
ployés.
Depuis sept années, en effet, le syndicat
a poursuivi sans relâche, avec un esprit de
conciliation auquel il importe de rendre
justice, la réalisation de quelques réformes,
objet des vœux et décisions des congrès
annuels des ouvriers et employés de che-
mins de fer. Tout a été inutile et vain.
Le Congrès s'est lassé cette année, et a
pris une résolution dernière, celle de faire
la grève si satisfaction n'était pas donnée
aux revendications formulées et qui ont,
depuis longtemps, l'approbation et le con-
cours des hommes politiques, les moins
suspects de socialisme.
Qui pourrait, dans ces conditions, donner
tort aux employés des chemins de fer ? Et
si une cessation de travail se produisait, la
responsabilité entière n'en incomberait-elle
pas aux seules compagnies ? De quelles ex-
cuses, en effet, peuvent-elles arguer pour
refuser à leur personnel des réformes ju-
gées pratiques par le législateur lui-même ?
Et qui pourrait blâmer les ouvriers, si
longtemps dupes patientes, de chercher par
une mesure énergique, mais légale, après
tout, à obtenir ce que la conciliation ne leur
a pas donné.
En tous cas, il n'est pas douteux qu'ils ne
se résoudront pas à la légère à cette extré-
mité. Ils savent que la grève, une grève gé-
néralisée surtout, est chose grave dont il ne
faut user qu'avec infiniment de discerne-
ment. Ils le disent eux-mêmes dans leurs
affiches : ils ne se contenteront d'avoir rai-
son, ils voudront avoir mille fois raison et
surtout être assurés que l'opinion publique a
compris qu'ils ont raison.
La dernière grève des omnibus leur a été
à ce point de vue un exemple qu'ils n'ont
cas oublié.
E. Degay.
MYSTERIEUSE AFFAIRI
VOL DE 255,000 FRANCS A RETHEI
PROCÈS DE LA FAMILLE HUET
-
Découverte du vol en 1891. — Premiers
soupçons. — Une piste abandonnée. -
Cmq ans après. — L'instruction
recommencée. — Six inculpés
sur des présomptions.
Le procès criminel dont les débats s'ou-
vrent demain, devant la cour d'assises des
Ardennes, est certainement de ceux qui mé-
ritent d'attirer et de retenir l'attention pu*
bliaue.
Non que la cause en elle-même soit excep-
ceptionnelle parla gravité des faits de l'ac-
cusation, - il s'agit d'un vol qualifié, de
255,000 francs, — mais parce que la situa-
tion des inculpés, les circonstances dans
lesquelles ils ont été traduits, leurs dénéga-
tions constantes, et le manque absolu de
preuves probantes à leur encontre, laissent
planer un doute irréductible sur toute cette
affaire, uniquement basée sur des présomp-
tions.
La mission du jury de jugement sera par-
ticulièrement. délicate, dans cette poursuite,
où tout semble-se réduire, jusqu'à présent, à
un calcul de probabilités extrêmement spé-
cieux, mais sans aucun doute insuffisant
pour établir matériellement la culpabilité
des accusés. En droit pénal, la vérité ne s$
fonde pas sur des approximations ration-
nelles, et juger sur des vraisemblances,
sans plus, c'est accroître imprudemment le
risque toujours redoutable de l'erreur judi-
ciaire.
L'intérêt du procès de la famille Huet, ré<|
suite exclusivement du mystère inquiétant,
qui n'a cessé de régner depuis le début de
1 instruction, mystère qui ne laisse pas quq
de préoccuper gravement l'opinion dans
tout le pays des Ardennes.
Nous avons enquêté sur cette affaire.
dont un ramde expose pourra servir à l'in-
telligence des débats qui vont s'engager à
Mézières.
Tout d'abord, le vol important dont il s'a-
git ne date pas d'hier. Il remonte à la fin dfe
l'année de 1891, et fut à cette époque l'objet
d'une information suivie de non-lieu.
Le vol du 22 décembre 1891
C'est le 22 décembre 1891, dans la maison
de banque Purnot, à Rethel, qu'une somme
de 255,000 francs, en billets de banque, fuf
soustraite en plçin jour dans un coffre'
fort.
A midi cinq, ce jour-là, tout le personnel
de la banque Purnot quittait les bureaux, si-
tués au premier étage.
Le caissier Leroux sortait le dernier, après
avoir refermé son coffre, fait jouer deux des
quatre boutons à combinaison de la serrure
de sûreté et accroché la clef de sa euis'se à
sa place habituelle, M. Leroux s'assura
qu'il ne laissait personne derrière lui, dans
la banque, poussa la porte et s'en alla dé-
jeuner.
Un quart d'heure après son départ, à
midi vingt, MM. Purnot père et fils ren-
traient dans leurs bureaux et s'apercevaient
aussitôt qu'une boite de fer-blanc, habituel-
lement placée dans la caisse, où elle servait,
de classeur pour les billets de banque, se
trouvait sur la table de l'un des employés,
Auguste Huet. Cette boite avait été retirée
du coffre-fort et,ne contenait plus que 25,00G
francs sur les 280,000 francs que le caissier
y avait déposés, en prévision d'une échéance
de 400,000 francs payable le lendemain. La
caisse n'avait pas été fracturée, mais ou-
verte normalement avec la clef et à l'aide de
la combinaison secrète.
Les soupçons de MM, Purnot se portèrent
aussitôt sur leurs employés qui étaient seuls
suffisamment au courant des habitudes de
la maison, pour avoir pu accomplir le vol
dans les conditions que nous venons de.
rapporter. Les valeurs soustraites se dé.
composaient ainsi : 80 billets de 1,000 francs,
70 de 500 francs, 1,100 de 100 francs et 600
de 50 francs.
Qu'était devenue cette fortune ? L'enquêté
était difficile à faire et M. Purnot, qui
croyait avoir à suspecter particulièrement,,
la probité de deux de ses commis, les frères
Eugène et Auguste Huet attendit qu'une
lettre anonyme vint les dénoncer le 3 jan-
vier 1892, pour déposer une plainte contre
eux.
Un non-lieu
Cette plainte fut suivie le jour même d'une
perquisition à leur domicile. L'opération
demeura sans résultat et, le 4 février -).Q.92,
en l'absence de tout indice de culpabilité, le
juge d'instruction dut rendre une ordon-
nance de non-lieu en faveur des frères
Huet.
Le jour du vol, Eugène Huet avait quitté
la banque avec un de ses camarades qui en
témoigna. Quant à Auguste, il était sorti des
bureaux, seul, dix minutes avant son frère;
il indiqua l'emploi de son temps, et sa dé-
position ne fut ni contrôlée ni infirmée par
aucune autre.
Cette circonstance, sur laquelle on essaya
d'abord d'appuyer une présomption de cul-
pabilité contre Auguste Huet, ne permettait
en somme d'établir que des suppositions,
impossibles à verifier, et l'affaire fut clas-
sée.
La famille Huet composée du père, Au-
guste Huet, quarante-cinq ans, de la mère,
Adèle Mangin, quarante-trois ans, et da
ouatre fils, Eugène, vingt ans, Auguste,
dix-sept ans, Félix, quinze ans, et, N- ielon
quatorze ans, ne quitta Rethel que l'année
suivante, le 23 avril 1893.
Cependant le souvenir du vol de la Ban-
que Purnot s'effaça dans le pays. Nul ne
s'attendait à voir revivre cette a lors-
que. en septembre 1897,cinq ans après le vol,
le parquet de Rethel fut informé que la fa-
mille Huet, alors fixée dans l'arrondisse-
ment de Vouziers, paraissait être dans une
situation prospère et dépensait beaucoup
d'argent.
Remarquons, en passant, qu'aucun fait
nouveau n'avait surgi, de nature à démon-
trer la participation d'Auguste HueL au vol
de 255,000 francs. Pas plus que par le passé
on ne possédait, contre lui, la moindre
preuve ou même le moindre commencement
ae preuve. Mais les soupçons indéterminés
qui avaient pesé à l'origine sur ce jeune
homme, parurent prendre corps, aux yeux
du parquet de Retnel, du fait de l'aisance
manifeste, qui régnait dans la famille, plu-
sieurs années après son départ de Rethel.
Nouvelle instruction
On fil d'abord une enquête officieuse sUt
LE NUMÉRO
£5
CENTIMES
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VINGT'ET-UNIÈME ANNÉE; — NUMÉRO 7771
LUNDI 1 er AOUT 1898
14 THERMIDOR. — AN 105
LES MANUSCRITS NON INSÉRÉS NE SONT PAS -I\B'lDUS
LE NUMÉRO
5
CENTIMES
Tribune Libre
POUR LES PETITS
Il paraît que, chaque année, le nom-
bre des départs des villes pour les
champs, la mer ou les montagnes, au
moment des vacances, augmente
dans des proportions considérables.
Chose extraordinaire, les compagnies
de chemins de fer auraient compris
l'intérêt qu'il y a pour elles à mettre
les voyages à la portée des petites
bourses. On n'aurait point dû attendre
leur bon vouloir pour l'organisation
de ce véritable service public.
Est-il une chose plus désirable que
la vulgarisation des vacances? Quand
l'homme a travaillé toute l'année dans
le chantier, à l'atelier, dans le bureau
ou le cabinet de travail, il a besoin de
s'en aller, de sortir de sa géhenne au-
trement que pour quelques heures.
La femme qui n'a pas perdu une
minute dans les soins du ménage, qui
a tourné dans le cercle étroit de ses
menues occupations, qui a veillé à
tout, réglé tous les rouages de la ma-
chine domestique, tous deux vou-
draient voir autre chose, considérer
d'autres horizons que respirer l'airbrû-
lant et rempli de miasmes, asphyxiant
des villes. Quant aux enfants, les pau-
vres petits hors des classes sont dés-
œuvrés, émaciés, livrés souvent à la
rue, exposés à s'enrégimenter sous la
conduite d'un audacieux garnement
pour quelques expéditions mal défi-
nies, sans but, dont certaines finissent
-lamentable épilogue- sur les bancs
de la correctionnelle. Le fait n'est pas
rare. Nous en avons recueilli plusieurs
exemples.
Mais surtout, si bien que ces tristes
vacances des enfants dans les cités
puissent se passer, elles se passent
mal pour leur santé.
Du reste, il faut bien le reconnaître,
nos lois si nombreuses, si compli-
quées, aux réglementations si labo-
rieuses, n'ont pas pris souci de la santé
des enfants. Il y a bien celles qui ré-
glementent leur travail. Mais mon col-
laborateur Maurice Allarda fait excel-
lemment ressortir, dans un de ses der-
niers articles, les abominables négli-
gences de l'administration chargée de
faire respecter ces quelques disposi-
tions législatives.
Ici les textes sont formels. Ils per-
mettent de saisir les Donato Vozza de
tout acabit. Il n'y a qu'à les appliquer.
Mais ce n'est là qu'un des côtés de la
question. L'enfant ne doit pas être
seulement protégé contre les monstres
qúi l'exploitent pour s'enrichir. Leur
abandonner cette facile proie serait
aussi imbécile que de la livrer aux
tourmen leurs dont les crimes viennent
de temps en temps soulever l'opinion
publique pour la protection de l'en-
fance.
Il y a autre chose à faire pour elle.
L'agonie lente d'un enfant dans un
misérable galetas ou au fond d'une
impasse barricadée contre le soleil,
est-elle moins intéressante que la dou-
leur du petit martyr victime de la
cruauté des siens, ou que l'usure ra-
pide des petits corvéables de Vozza ?
L'œuvre est la même sous d'autres
formas.
Dans les deux derniers cas elle appa-
raît plus brutale. Les responsabilités y
sont plus précises. Dans le dernier, la
faute est plus dififcilement imputable.
Il semble que le mauvais sort est le
principal coupable. Pour un peu un de
ces hommes qu'on montre parfois ré-
signé à la souffrance des autres, di-
rait-il que c'est là une application de la
loi darwinienne, avec des moyens de
sélection auxquels la nature a recours
pour éliminer les faibles.
En réalité, le petit être qui périt faute
d'air était peut-être, est souvent le fils
de quelque robuste travailleur qui
peine tout le jour au dehors pouràp-
porter quelques sous le soir aux siens,
La pousse qui s'étiole était de belle
venue et la sélection qui devait nor-
malement le réserver pour l'espèce,
s'ouvre à rebours.
Absurde conséquence d'une théorie
dont on parle souvent sans la connaî-
tre. Et puis finies les théories quand le
devoir le plus élémentaire est de pro-
téger la vie.
La faute ici est grave. Car elle est
collective. Il y a des lois pour prescrire
les conditions dans lesquelles les pro-
priétaires peuvent offrir l'habitation.
Elles sont ridiculement insuffisantes.
Un texte nouveau a été proposé, voté à
la Chambre, le Sénat le garde soigneu-
sement depuis des années. Et je crains
que, dans les caves du Luxembourg où
gisent les projets imprimés, celui-ci
ne s'améliore pas en vieillissant..
II apporterait pourtant une grande
amélioration pour la santé publique.
Et c'est au nom de l'enfance martyr de
la société que nous le défendons et que
nous le réclamons.
A l'heure présente c'est l'œuvre de la
Ville de Paris et de quelques sociétés
privées que nous devons applaudir.
Les salles d'attente des gares sont
parfois envahies par une troupe de
petits qui, sous la conduite de person-
nes dévouées, partent pour le grand
air vivifiant. Ils sont gais, mais leur
Joie n'est pas bruyante. L'anémie les a
éteints. Il est temps qu'on les éloigne
des contagionsetde l'atmosphêre« déjà
fespirée » dont leurs poumons se sont
trop longtemps contentés. Ces colonies
hélas ! sont toujours limitées. Elles ne
peuvent comprendre tous et toutes. Le
choix qu'on fait s'inspire de la santé
et subsidiairement des notes scolai-
res. Encore en cette affaire tout se ré-
sout par une question d'argent. Cha-
que année les colonies ont une part
importante dans l'augmentation du
budget, mais ce n'est pas encore assez.
Les colonies privées.et laïques, celles
qui ne voient pas des cerveaux à pren-
dre, mais des êtres à sauver, rendent
de grands services. De telles entrepri-
ses de sauvetage devraient réunir dee
concours immenses. Elles ont l'avan-
tage de donner tout de suite des ré-
sultats.
C'est plaisir de retrouver des corps
renouvelés, des esprits plus ouverts,
des êtres avec tous leurs ressorts. Un
jour viendra où grands et petits au-
ront leurs vacances, suspension né-
cessaire de la vie, soulageante halte
sur le chemin monotone où s'épuisent
l'énergie et l'espoir, station où l'esprit
reprend droit aux rêves et s'appro-
visionne d'une nouvelle réserve de
forces.
PIERRE BAUDIN.
Nous publierons demain un article de
ANDRÉ LEFÈVRE
POUR LA LUMIÈRE
Le document, qui a été livré hier
au public sous la. signature de M.
Bertulus, vaut d'être tiré de l'ava-
lanche de papiers sous laquelle,
depuis huit mois, plie le public. -
Ce qui lui imprime une gravité et une
importance qu'il serait puéril de contester,
c'est autant son origine que son contenu.
Nous ne serons jamais tenté de délivrer
un brevet d'infaillibilité à aucun magistrat
d'aucun ordre, pas plus à un juge d'instruc-
tion qu'à nul autre, et à M. Bertulus, le
héros de l'affaire du docteur Laporte, moins
qu'à quiconque.
Il n'en demeure pas moins que, sous sa
responsabilité, dans l'exercice de ses fonc-
tions, un magistrat a, quelle que soit l'ambi-
guïté ou l'habileté des formules, nettement
inculpé le lieutenant-colonel du Paty de
Clam d'avoir, de complicité avec le com-
mandant Esterhazy, tendu un piège au lieu-
tenant-colonel Picquart.
Si l'on se rappelle que le lieutenant-colo-
nel du Paty de Clam a joué un rôle considé-
rable dans l'instruction de l'affaire Dreyfus,
et que le lieutenant-colonel Picquart s'est
mis en hostilité violente avec l'état-major,
précisément à la suite de ses investigations
sur l'affaire Dreyfus, comment s'étonner si
l'on est conduit à attribuer une portée ex-
ceptionnelle aux allégations de M. Bertulus?
On dit qu'il se trompe : c'est bien possi-
ble. On affirme qu'il agit de parti pris : nous
l'ignorons.
Ce que nous savons, c'est qu'une fois ces
accusations portées, il est impossible qu'elles
ne soient pas tirées au clair.
L'attitude du ministère actuel, le jour où,
pour la .première fois, il s'est officiellement
expliqué sur raffaire Dreyfus, forma un
heureux et décisif contraste avec celle du
cabinet précédent.
Au nom du gouvernement, le ministre de
la guerre proclama que nous avions le droit
d'agir chez nous comme nous l'entendons
et que l'armée n'avait plus besoin d'être dé-
fendue contre la vérité.
Ces paroles furent applaudies, affichées;
elles constituent un engagement solennel.
L'heure est venue de le tenir.
Les accusations de M. Bertulus ne peu-
vent pas être mises au rang d'un propos de
journaliste. Elles appellent des éclaircisse-
ments et un débat publics. Il faut que la lu-
mière se fasse.
A. MILLERAND.
Le citoyen Millerand étant obligé de
quitter Paris, les personnes qui, en son
absence, auraient des communications
à faire au rédacteur en chef de La Lan-
terne, sont priées de s'adresser au ci-
toyen E. Dega/y.
MORT DE BISMARCK
Hambourg, 30 juillet. - Le Correspondant
de Hambourg annonce que cet après-midi,
l'état du prince de Bismarck s'est subitement
aggravé au point qu'une issue fatale est à
craindre.
Hambourg, 30juillet. — Ce soir, des bruits
inquiétants ont de nouveau circulé concer-
nant l'état du prince de Bismarck. Ces rumeurs,
bien que rien ne soit venu les confirmer, ont
produit une profonde impression,
Le docteur Schweninger ne se trouve pas
actuellement à Friedrichsruhe.
Le comte Guillaume de Bismarck est égale-
ment parti. Si donc les dernières nouvelles que
publient les journaux se confirmaient, c'est que
l'aggravation dans l'état du prince de Bismarck
se serait subitement produite.
LA MORT
A deux heures du matin on nous
télégraphie que le ppinee de Bis-
marck est mort hier soir, à onze
heures.
ÉPIDÉMIE DANS DES CASERNES
Cinq morts. — Nombreux malades. — Une
caserne évacuée
Bourges, 30 juillet. — Il y a quelques jours,
une épidémie de dysenterie s'est déclarée dans
la caserne du 1er régiment d'artillerie.
Elle a fait de nombreuses victimes.
Deux soldats, Beúlin et Lemaître, ont suc-
combé hier, à l'hôpital militaire; trois sont
morts aujourd'hui. Ils se nomment Rebe, Pa-
pillon et Bornet.
Cent dix militaires sont entrés à l'hôpital.
On attribue cette épidémie à l'eau qui est
malsaine.
Bourges, 30 juillet. — La dysenterie sévi*
sur les lu et 37* régiments d'artillerie.
Les malades sont très nombreux. Il y a ac-
tuellement six décès. ,
En raison de l'état sanitaire inquiétant, le
16e d'artillerie à Clermont, qui devait arriver la
semaine prochaine pour les écoles à feu, a
reçu contre-ordre et ne viendra pas.
Des mesures énergiques sont prises pour
arrêter le développement de la contagion.
A Cherbourg
Cherbourg, 30 juillet. — La caserne du 1er ré-
giment d'infanterie de marine a été évacuée
par ordre du ministre à cause de la fièvre
typhoïde.
Le régiment est campé sur le polygone de
Querqueville. -
Coups de Griffe
Ah maisy on n'en finira donc jamais
Avec tous ces n.. de D. de primes,
disait Mac Nab dans une chanson aussi
amusante qu'irrévérencieuse. En France
nous en avons presque fini et l'espèce
s'éteindra avec M. Sarcey, prince de la
Critique. -
Pour les autres pays, il n'en va pas
encore de même et l'Angleterre en pos-
sède un dont la réputation est interna-
tionale : c'est le prince de Galles que je
veux dire. Or ce futur roi s'est, il y a
quelques jours, vaguement démoli ta
jambe et le genou en dégringolant dans
un escalier, et depuis lors les plus célébrées
médecins anglais sont à son chevet d'où
ils inondent le continent de buuetins
relatifs à sa santé.
C'est trop pour une écorchure - toute
royale qu'elle soit. L'accident, paraît-il,
est survenu après une frasque du genre
de celle dont est coutumier le prince de
Galles, et la personne la plus blessée
pourrait être la princesse, sa femme,
dont l'amour-propre et le contrat de
mariage sont, paraît-il, mis à une rude
épreuve.
Le prince aime à s'amuser après boire.
C'est absolument son dioit, et si tombant
de haut il ne s'est pas fait grand mal
c'est qu'il y a une providence pour les
pochards. Que les médecins louent donc
cette providence et ne nous embêtent
pas plus long temps.
Moustou.
MARDI PROCHAIN
(Numéro daté du 3 août)
La Lanterne
COMMENCERA LA PUDLICATIONDE
LE
Calvaire d'une ire
eRAND ROMAN INÉDIT
PAR
ALBERT DAYROLLES
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à 8 heures matin. 16005 au-dessus de o
La plus élevée du jour
2 heures soir. 194 au-dessus deo
Temps probable pour aujourd'hui ; Beau.
W~/V~~t
Aujourd'hui, à deux heures, courses à
Maisons-Laffitte.
NOS FAVORIS
Prix de Grignon : Ecurie Gadola ou
Madeleine.
Prix Atlantic : Maronné ou Lutrin.
Prix Azur : Railleur ou Quenotte.
- Prix de Neaufles : Don Juan ou Ins-
hallah.
Prix Monarque : Ecurie Fould ou Ca-
îabat ,
Prix de Moulins-la-Marche : Ecurie
Caillault ou Muté.
"#N'NU"
PETIT CARNET
HIER. —-Les Etats-Unis refusent tout armis-
tice. — Le général Gonse est désigné pour être
adjoint au chef d'état-major de l'armée jusqu'au
15 octobre. — L'état de Bismark s'est aggravé.
AUJOURD'HUI. — Renouvellement triennal de
la moitié des conseillers généraux et des
conseillers d'arrondissement. — Distribution
des prix aux aveugles de l'école Braille, à
Saint-Mandé. — Distribution des prix, à la
Bourse du travail aux élèves de l'Ecole muni-
cipale professionnelle Diderot.
LE MAIRE DE MARSEILLE
Le citoyen Flaissières, dont nous avons relaté
l'accident, est aujourd'hui entièrement remis.
C'est une nouvelle que nous annonçons avec
plaisir et qui sera bien accueillie de tous ceux
qui connaissent l'honorable maire socialiste de
Marseille.
IWW/W#
LE SCRUTIN D'AUJOURD'HUI
Le scrutin qui s'ouvre aujourd'hui dans tous
les cantons de la France, sauf ceux du dépar-
tement de la Seine et des départements algé-
riens, s'applique à l'élection d'environ 1,500
conseillers généraux et 2,300 conseillers d'ar-
rondissement.
Parmi les conseillers généraux sortants qui
se représentent devant leurs électeurs, se
trouvent quatre ministres : MM. Cavaignac,
Sarrien, Vigcr et Maruéjouls. Les deux sous-
secrétaires d'Etat, MM. Vallé et Mongeot sont
également candidats à nouveau dans leurs
cantons respectifs.
On compte, parmi les conseillers soumis à
la réélection, 84 sénateurs et 158 députés, soit
au total 242 membres du Parlement.
"NNII
MOT DE LA FIN
X., qui fait volontiers le matamore,
mais se laisse, plus volontiers encore, ad-
ministrer des gifles, déclarait hier devant
pne nombreuse assistance.
— Moi, d'abord, j'ai un caractère de fer.
- Battu, ajouta un camarade.
Passe-Partoat.
La Tuberculose
A la Faculté de médecine, se tient en ce
moment un congrès qui étudie les caractè-
res de cette terrible maladie qu'on nomme
la tuberculose. C'est déjà le quatrième con-
grès qui s'occupe de cette question, et les
sommités du monde savant y sont venues
en nombre, tenant à y apporter les fruits de
leurs veilles.
Espérons que bientôt ces travailleurs, ces
chercheurs infatigables arriveront au résul-
tat qui est le but de leur labeur et qu'ils par-
viendront à étouffer dans son germe cette
tuberculose qui ronge et qui tue..
***
Depuis longtemps déjà, des essais ont été
tentés en vue d'enrayer les progrès de cette
horrible maladie. Il y a quelques années, le
bruit des expériences du célèbre docteur
allemand Koch eut dans le monde entier un
retentissant écho. On avait cru un moment
à la possibilité d'une guérison certaine du
mal et le nom de Koch, dans toutes les
bouches, était béni.
Malheureusement, on dut en rabattre.
Sans doute, le professeur allemand avait
avancé là question d'un grand pas, mais sa
méthode n'en éclairait qu'une face : celle du
diagnostic. C'était déjà quelque chose, mais
c'était insuffisant.
Néanmoins, ses travaux ont frayé la
route à d'infatigables pionniers qui luttent
avec tant d'énergie contre le terrible fléau
qu'ils parviendront certainement à le faire
disparaître.
*
* *
Cette tuberculose est bien la plus épou-
vantable et la plus cruelle des maladies.
C'est lentement, petit à petit, qu'elle fait ses
ravages. Elle couve pendant des mois avant
de se manifester et alors il est trop tard pour
remédier au mal.
C'est aux poumons, le plus souvent,
qu'elle s'attaque ; elle y prend gîte, s'y in-
cruste et les ronge peu à peu jusqu'à l'étouf-
fement du malade. Cela commence par une
petite toux sèche, saccadée, qui devient en-
suite grasse, accompagnée de crachats et ce
sont alors les quintes terribles qui durent
des heures, faisant perler aux tempes du
patient la sueur de la souffrance et de l'an-
goisse. Et puis, c'est l'air qui manque tout
à coup à la poitrine haletante, puis la lon-
gue agonie où l'intelligence conserve toute
sa vigueur et suit les progrès de la gan-
grène, puis le râle et la mort.
Ceux qui ont assisté chez des êtres chers
aux ravages du terrible fléau en conservent
toujours le pénible souvenir et ne peuvent
oublier le martyre qu'ils ont eux-mêmes en-
duré devant ces souffrances qu'ils étaient
impuissants à soulager.
***
Le congrès dont le public suit en- ce mo-
ment les travaux avec le plus vif intérêt,
s'est d'abord rendu en corps à l'hôpital Bou-
cicaut où un service spécial pour les tuber-
culeux fonctionne admirablement.
L'intérêt de ses membres a été vivement
excité parla façon dont sont comprises l'hy-
giène et l'antisepsie à cet hôpital, de créa-
tion toute récente. Ils ont pu constater avec
une grande satisfaction que tout y est mis
en œuvre pour éviter la propagation du
fléau.
A
Les tuberculeux, outre les souffrances
qui proviennent directement de leur mal,
sont presque tous affligés de troubles sto-
machiques qui nuisent à la digestion et aug-
mentent encore leur état de faiblesse.
A l'hôpital Boucicaut, un traitement spé-
cial est appliqué pour parer à cette compli-
cation de la maladie. Elle porte le nom de
crymothérapie : traitement par le froid.
Les docteurs Letulle et Ribard ont fait à
ce sujet une conférence des plus intéres-
santes. Ils parviennent, paraît-il, à com-
battre la dyspepsie chez les tuberculeux en
installant sur l'estomac des malades un apr
pareil produisant un grand froid par l'éva-
poration de l'acide carbonique. Sous l'in-
fluence de ce froid factice, l'estomac re-
couvre la régularité de ses fonctions, et la
digestion se faisant dans de meilleures condi-
tions permet aux tuberculeux de s'assi-
miler les aliments et de prendre un peu de
forces.
* *
Tous les savants qui prennent part en ce
moment à ce tournoi scientifique font les
plus grands efforts pour enrayer, sinon
empêcher le mal. Une louable émulation
règne entre eux et c'est à qui fera la décou-
verte la plus intéressante.
Celle du professeur Finsen, présentée au
Congrès par son collègue, le docteur danois
Bang, estb ien des plus curieuses. Il faut le
cerveau d'un savant, toujours à l'affùt, tou-
lours en quêté d'une méthode nouvelle, pour
j'avoir entrevue.
D'après lui, la tuberculose pourrait être
radicalement guérie par la lumière, mais
seulement lorsqu'elle se manifeste à l'état
de lupus, c'est-à-dire sous la forme d'un mal
tout à fait extérieur.
Ces maladies de la neau sont spéciale-
ment traitées à l'hôpital Saint-Louis, et c'est
à la suite d'une visite des membres du
Congrès à cet établissement que le docteur
Bang fit sa conférence.
Le fait observé par son collègue Finsen
est celui-ci :
Tous les rayons du prisme n'exercent pas
la même influence sur l'épiderme humain.
Si l'on soumet une région épidermique at-
teinte de lupus à l'action des rayons violets,
une amélioration sensible se produit au bout
d'un certaint temps, tandis que les autres
rayons n'ont aucune action. Se basant sur
ce phénomène remarquable, le professeur
Finsen a construit un appareil qui laisse
passer exclusivement les rayons violets en
interceptant tous les autres. Il faut, d'après
lui, cinq mois de traitement environ pour
arriver a une guérison complète.
Cette méthode originale de guérison du
lupus par la lumière est couramment appli-
quée à Copenhague ou un Institut spécial a
été fondé pour en développer et en perfec-
tionner l'emploi.
*
* #
Tout cela est fort bien. Les savants font
tout ce qu'ils penvent pour enrayer les ra-
vages causés par la tuberculose et, nous
venons de le voir, ils y parviennent dans
certains cas. Que justice leur soit rendue.
Mais il en est d'autres qui, bien que n'é-
tant pas des savants et ne prenant part à
aucun congrès scientifique, pourraient, de
leur côté, faire faire un grand pas à la ques-
tion de la tuberculose.
Que les patrons aient un peu plus souci
du bien être de leurs ouvriers ; que les
grands usiniers se montrent plus soucieux
de la santé des travailleurs dont la sueur
les enrichit ; que les directeurs de banques
ne fassent plus travailler de pauvres em-
ployés dans d'étouffants sous-sols, vrais
nids à microbes, durant dix heures par jour.
En un mot, que tous, riches et pauvres,
aient droit à l'air et au soleil t Alors le nom-
bre des tuberculeux ira en décroissant.
• Jean Reyval.
Magnificences Scolaires
On se plaint parfois — ce n'est pas nous, au moins,
qui poussons ces plaintes — des dépenses où entraine
l'instruction populaire répandue à flots. Elle est pour
tous, elle doit profiter à tous. Pourtant, que n'ont pas
imprimé les journaux de la réaction sur les a palais
scolaires »? Ils ne parleraient pas autrement des palais
enehantés des Mille et une Nuits. Ils trouvent
inconvenant que les enfants du peuple soient convena-
blement logés.
Que n'ont-ils pas dit sur les écoles érigées ou ra-
jeunies qui mettent comme un monument dans le paysage
d'une commune modeste? A les entendre, la France
s'est saignée aux quatre veines pour donner à ses en-
fants l'air en abondance, l'espace et la lumière. Elle l'a
fait, sans se saigner en somme; elle a fait ce qu'elle
doit, en bonne et prévoyante mère.
Il faudrait envoyer en Guinée ceux qui dénoncent ces
prétendues magnificences avec tant d'aigreur. Ils trou-
veraient là-bas leur idéal.
Un exemple: dans ce pays, à Konakry, l'école ayant
brûlé, on l'a rebâtie. pour deux cents francs. C'est
même à peine, paraît-il, si cette somme a été atteinte
par la note de l'architecte.
Pour mettre le comble à cette largesse scolaire, on
a réussi à habiller les petites filles de l'école, cent né-
grillonnes avec cinquante francs. Dix sous la pièce!
et les pauvres mignonnes étaient ravies.
Vous vous rappeler l'histoire de la négrillonne qui
entre dans un magasin à Paris et qui demande pour
deux sous de robe blanche ? Eh bien, celles de Kona-
kry ont eu encore huit sous de superflu.
C'est merveilleux ! Mais voilà : les architectes, en
France, ne sont point comme là-bas. Chez nous, ils
bannissent de leurs mémoires toute simplicité. Ils ac-
cumulent les chiffres comme à plaisir et enflent leurs
totaux comme des ballons. Quant aux petites filles,
elles ne se drapent pas dans un rubau.
Tout augmente à mesure que l'on remonte vers nos
climats et dans l'échelle des peuples. Et cette vérité ne
peut être' contestée, même par les partisans de t'igno-
rance la plus noire, retour de Guinée.
Paul Marrot.
GRÈVE EN PERSPECTIVE
Le Syndicat des travailleurs des chemins
de fer français a fait, ces jours-ci, placarder
une affiche que nous avons reproduite en-
tièrement hier. Cette affiche expose très
exactement et en fort bons termes, la situa-
tion qui est faite au Syndicat par la pers-
pective de la grève dont, il pourrait être
amené à donner le signal, le cas échéant.
Ces explications sont venues à leur heure.
De nombreux journaux, inspirés évidem-
ment par de tous autres intérêts que ceux
des exploités de nos grandes Compagnies,
commençaient déjà à dénaturer les inten-
tions du Syndicat des Chemins de fer.
Dépositaire d'un ordre du dernier Congrès
dont il peut, à un moment donné, être tenu
de se faire l'exécuteur, le syndicat, à la tête
duquel notre amÍ le citoyen Guérard est un
garant de bonne gestion et de prudente tac-
tique, ne veut pas la grève. Il craint seule-
ment d'y être contraint par la résistance
des Compagnies aux moindres réformes
demandées par leurs ouvriers et leurs em-
ployés.
Depuis sept années, en effet, le syndicat
a poursuivi sans relâche, avec un esprit de
conciliation auquel il importe de rendre
justice, la réalisation de quelques réformes,
objet des vœux et décisions des congrès
annuels des ouvriers et employés de che-
mins de fer. Tout a été inutile et vain.
Le Congrès s'est lassé cette année, et a
pris une résolution dernière, celle de faire
la grève si satisfaction n'était pas donnée
aux revendications formulées et qui ont,
depuis longtemps, l'approbation et le con-
cours des hommes politiques, les moins
suspects de socialisme.
Qui pourrait, dans ces conditions, donner
tort aux employés des chemins de fer ? Et
si une cessation de travail se produisait, la
responsabilité entière n'en incomberait-elle
pas aux seules compagnies ? De quelles ex-
cuses, en effet, peuvent-elles arguer pour
refuser à leur personnel des réformes ju-
gées pratiques par le législateur lui-même ?
Et qui pourrait blâmer les ouvriers, si
longtemps dupes patientes, de chercher par
une mesure énergique, mais légale, après
tout, à obtenir ce que la conciliation ne leur
a pas donné.
En tous cas, il n'est pas douteux qu'ils ne
se résoudront pas à la légère à cette extré-
mité. Ils savent que la grève, une grève gé-
néralisée surtout, est chose grave dont il ne
faut user qu'avec infiniment de discerne-
ment. Ils le disent eux-mêmes dans leurs
affiches : ils ne se contenteront d'avoir rai-
son, ils voudront avoir mille fois raison et
surtout être assurés que l'opinion publique a
compris qu'ils ont raison.
La dernière grève des omnibus leur a été
à ce point de vue un exemple qu'ils n'ont
cas oublié.
E. Degay.
MYSTERIEUSE AFFAIRI
VOL DE 255,000 FRANCS A RETHEI
PROCÈS DE LA FAMILLE HUET
-
Découverte du vol en 1891. — Premiers
soupçons. — Une piste abandonnée. -
Cmq ans après. — L'instruction
recommencée. — Six inculpés
sur des présomptions.
Le procès criminel dont les débats s'ou-
vrent demain, devant la cour d'assises des
Ardennes, est certainement de ceux qui mé-
ritent d'attirer et de retenir l'attention pu*
bliaue.
Non que la cause en elle-même soit excep-
ceptionnelle parla gravité des faits de l'ac-
cusation, - il s'agit d'un vol qualifié, de
255,000 francs, — mais parce que la situa-
tion des inculpés, les circonstances dans
lesquelles ils ont été traduits, leurs dénéga-
tions constantes, et le manque absolu de
preuves probantes à leur encontre, laissent
planer un doute irréductible sur toute cette
affaire, uniquement basée sur des présomp-
tions.
La mission du jury de jugement sera par-
ticulièrement. délicate, dans cette poursuite,
où tout semble-se réduire, jusqu'à présent, à
un calcul de probabilités extrêmement spé-
cieux, mais sans aucun doute insuffisant
pour établir matériellement la culpabilité
des accusés. En droit pénal, la vérité ne s$
fonde pas sur des approximations ration-
nelles, et juger sur des vraisemblances,
sans plus, c'est accroître imprudemment le
risque toujours redoutable de l'erreur judi-
ciaire.
L'intérêt du procès de la famille Huet, ré<|
suite exclusivement du mystère inquiétant,
qui n'a cessé de régner depuis le début de
1 instruction, mystère qui ne laisse pas quq
de préoccuper gravement l'opinion dans
tout le pays des Ardennes.
Nous avons enquêté sur cette affaire.
dont un ramde expose pourra servir à l'in-
telligence des débats qui vont s'engager à
Mézières.
Tout d'abord, le vol important dont il s'a-
git ne date pas d'hier. Il remonte à la fin dfe
l'année de 1891, et fut à cette époque l'objet
d'une information suivie de non-lieu.
Le vol du 22 décembre 1891
C'est le 22 décembre 1891, dans la maison
de banque Purnot, à Rethel, qu'une somme
de 255,000 francs, en billets de banque, fuf
soustraite en plçin jour dans un coffre'
fort.
A midi cinq, ce jour-là, tout le personnel
de la banque Purnot quittait les bureaux, si-
tués au premier étage.
Le caissier Leroux sortait le dernier, après
avoir refermé son coffre, fait jouer deux des
quatre boutons à combinaison de la serrure
de sûreté et accroché la clef de sa euis'se à
sa place habituelle, M. Leroux s'assura
qu'il ne laissait personne derrière lui, dans
la banque, poussa la porte et s'en alla dé-
jeuner.
Un quart d'heure après son départ, à
midi vingt, MM. Purnot père et fils ren-
traient dans leurs bureaux et s'apercevaient
aussitôt qu'une boite de fer-blanc, habituel-
lement placée dans la caisse, où elle servait,
de classeur pour les billets de banque, se
trouvait sur la table de l'un des employés,
Auguste Huet. Cette boite avait été retirée
du coffre-fort et,ne contenait plus que 25,00G
francs sur les 280,000 francs que le caissier
y avait déposés, en prévision d'une échéance
de 400,000 francs payable le lendemain. La
caisse n'avait pas été fracturée, mais ou-
verte normalement avec la clef et à l'aide de
la combinaison secrète.
Les soupçons de MM, Purnot se portèrent
aussitôt sur leurs employés qui étaient seuls
suffisamment au courant des habitudes de
la maison, pour avoir pu accomplir le vol
dans les conditions que nous venons de.
rapporter. Les valeurs soustraites se dé.
composaient ainsi : 80 billets de 1,000 francs,
70 de 500 francs, 1,100 de 100 francs et 600
de 50 francs.
Qu'était devenue cette fortune ? L'enquêté
était difficile à faire et M. Purnot, qui
croyait avoir à suspecter particulièrement,,
la probité de deux de ses commis, les frères
Eugène et Auguste Huet attendit qu'une
lettre anonyme vint les dénoncer le 3 jan-
vier 1892, pour déposer une plainte contre
eux.
Un non-lieu
Cette plainte fut suivie le jour même d'une
perquisition à leur domicile. L'opération
demeura sans résultat et, le 4 février -).Q.92,
en l'absence de tout indice de culpabilité, le
juge d'instruction dut rendre une ordon-
nance de non-lieu en faveur des frères
Huet.
Le jour du vol, Eugène Huet avait quitté
la banque avec un de ses camarades qui en
témoigna. Quant à Auguste, il était sorti des
bureaux, seul, dix minutes avant son frère;
il indiqua l'emploi de son temps, et sa dé-
position ne fut ni contrôlée ni infirmée par
aucune autre.
Cette circonstance, sur laquelle on essaya
d'abord d'appuyer une présomption de cul-
pabilité contre Auguste Huet, ne permettait
en somme d'établir que des suppositions,
impossibles à verifier, et l'affaire fut clas-
sée.
La famille Huet composée du père, Au-
guste Huet, quarante-cinq ans, de la mère,
Adèle Mangin, quarante-trois ans, et da
ouatre fils, Eugène, vingt ans, Auguste,
dix-sept ans, Félix, quinze ans, et, N- ielon
quatorze ans, ne quitta Rethel que l'année
suivante, le 23 avril 1893.
Cependant le souvenir du vol de la Ban-
que Purnot s'effaça dans le pays. Nul ne
s'attendait à voir revivre cette a lors-
que. en septembre 1897,cinq ans après le vol,
le parquet de Rethel fut informé que la fa-
mille Huet, alors fixée dans l'arrondisse-
ment de Vouziers, paraissait être dans une
situation prospère et dépensait beaucoup
d'argent.
Remarquons, en passant, qu'aucun fait
nouveau n'avait surgi, de nature à démon-
trer la participation d'Auguste HueL au vol
de 255,000 francs. Pas plus que par le passé
on ne possédait, contre lui, la moindre
preuve ou même le moindre commencement
ae preuve. Mais les soupçons indéterminés
qui avaient pesé à l'origine sur ce jeune
homme, parurent prendre corps, aux yeux
du parquet de Retnel, du fait de l'aisance
manifeste, qui régnait dans la famille, plu-
sieurs années après son départ de Rethel.
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