Titre : La Fronde / directrice Marguerite Durand
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1899-11-27
Contributeur : Durand, Marguerite (1864-1936). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327788531
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 27 novembre 1899 27 novembre 1899
Description : 1899/11/27 (A3,N719). 1899/11/27 (A3,N719).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k67038381
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-5702
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/01/2016
SOCIÉTÉ LIBRE
POUR L'ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE DE L'ENFANT
Les lecteurs de la Fronde n'ont pas
oublié qu'un groupe d'amis de l'école
s'est réuni l'été dernier, à l'appel de M.F.
Bu isson, pour entreprendre une étude,
qui aurait dlÎ. semblc-t-il, présider la
création de l'école elle-même: : l'étude de
l'enfant.
Il y eut alors un échange d'idées qui
f)t entrevoir la possibilité d'une associa-
tion vivante et féconde.
Culte association existe en fait main-
tenant. Depuis le 9 novembre elle a un
programme et des statuts, depuis le 23,
elle a un bureau composé de douze mem-
bres.
Son titre de Société « libre » indique
suffisamment qu'elle est ouverte à toute
personne que l'étude de l'enfant inté-
ressc ; il indique en même temps le dou-
ble caractère : scientifique et pratique de
l'étude qui va être entreprise. Confiée
exclusivement à des spécialistes de la
philosophie, de la physiologie,de la psy-
chologie et de la pédagogie, elle eût été
trop spéculative, inaccessible à beaucoup
d'individus, qui en savent long, cepen-
dant, sur la matière , elle aurait pénétré
trop lentement dans les écoles, et n'au-
rait sans doute jamais franchi le seuil de
la famine. En appelant à elle les spécia-
listes, les instituteurs. les parents, les
jeunes lions eux-mêmes, elle s'entoure,
au contraire, de tous les éléments pro-
pres iL faire aboutir les études cntrepri-
ses ; la fréquentation des savants fera
pénétrer peu il peu la méthode et la cri
t que dans les observations faites par
leurs collègues do la Société, tandis,que
les observations de ces derniers, tou-
jours faites sur la matière vivante, im-
primeront à la science psychologique un
caractère il(, réalité, je dirai presque
aux études purement spéculatives.
SaliS compter que l'appel adressé aux
parents va leur révéler un devoir que la
plupart ignorent : celui d'observer leurs
enfants, pour apprendre à connaître
leur nature physique et leur nature mo-
raln, et iL traiter, par conséquent, 1 une
et l'autre suivant leurs besoins respec-
tifs-.
Celle élude de l'enfant a été entre-
pris', déjà en Angleterre ct en Amérique.
et nous avons, surtout, des documents
sur la méthode employée en Californie
et a ix Mass;rchusets. Cette méthode ou
ce procédé insiste surtout en question-
naires s'adressent aux enfants eux-
mêmes, soit dans l'école, soit dans la
tafmHe. mais dans l'école, particulière-
ment, questionnaires auxquels les en- -c
faut répondent soit oralement, soit par c
ccrit, mais par écrit surtout. Ainsi le i
mai tre fait faire une composition sur le d
choix d'un métier ou d'une carrière ; sur I
les mobiles qui ont faitagir l'enfant dans r
telle circonstance de sa vie ; sur ses pré- F
férences, sur ses antipathies, etc., etc. £
lit. l'l'Ilsembk des réponses recueillies, ^
les pédagogues tirent des conclusions et tl
établissent une méthode r
Kh bien, nous pensons, nous (et je fc
crois avoir le droit de parler au nom de p
la majorité de mes collègues de la So- -
ci été qui vient de se fonder) que c'est là
UII" méthode artificielle. Non seulement
elle néglige l'enfant qui ne sait encore ni
par!''r/ ni écrire, mais elle ne compte
pour les autres ni avec lemilieu ambiant,
ni avec l'inconscience de la grande ma-
jorité des enfants, ni avec los tendances SI
spéciales de chacun. E
ou l a •• Sagesse des Nations » décerne
en l»!oc !e brevet de simplicité, sont, au dl(],
coiilraire, très complcxes,que sans notre
})r"t"n')c ignorance psychologique, nous {J,
n'a)'"rdC!ions qu'avec d'infinies précau-
tions. Pour accepter les réponses aux ni
questionnaire:-, et prétende régler, grâce m
à elle, !a science pédagogique, il faut fê
compter sans la timidité qui paralyse; P(
sans ! i pudeur qui arrête les confidences Ie
Jor-qu'elles sont louables ; sans la pa- J"
resse d'esprit qui fait répéter ce qu'ont set
dit les camarades ; sans la vantardise,
sans l i J'OIlI,lat'dise, sans... l'inconscience ai
<•":n• i:»î je le disais en commençant cette pl
t':I!!:lIéralion, pa
Pour des enquêteurs sérieux,ce genre
den')t)'''te ne peut mettre en lumière - V;
cm admettant que l'enfant — simple et
n:i.is\ prêtât— que l'inconsistance et 10
!'tn:-nh''r)'n<'e de son âme, et ce n'est pas Lu
avee de tels éléments que l'on peut éta-
blir une méthode. l'F
Combien sera plus probante l'observa-
tion faite par le pédagogue sur l'en fan 1
r qui ne se croit pas observé ! Et c'est parce
que nous en sommes convaincus que
9 nous adresserions des questions aux
p éducateurs, maîtres et parents, au lieu
1. de les adresser directement aux en-
) fants.
1 Mlle Suzanne Brès, mon amie et ma
5 collègue au ministère de l'Instruction
publique, a proposé d'envoyer à tous les
1 membres de la Société un questionnaire
" dont voici un à peu près :
Vie physique, date de naissance —
■ taille, poids, santé pendant le trimestre
1 — Sommeil (de quelle heure à quelle
» heure ? lourd, léger, etc.)
Appétit (aliments favoris); le meilleur
repas) ;
Habitation avilie ou campagne);
CARACTÈRE, jeux ordinaires (dedans,
dehors), occupations favorites, instruc-
tion (materneUa ? privée ? publique ?)
Sujets de curiosité (ou études préfé-
rées, études dédaignées) ;
Facultés intellectuelles les plus sail-
lantes;
Qualités morales dominantes, défauts;
Goûts marqués, affections, conduite
(avec les parents, avec les camarades,
avec les animaux);
Jouets préférés ?
Rêves aavenirt
Particularités intéressantes?
Détails supplémentaires pour préciser
les influences qui entourent l'enfant;
Parents (occupations du père, de la
mère;?
Grand-parents?
Autres en/anis (sexe, âge), etc., etc.
Cela, je le répète, n'est qu'un à peu
près ; mais ce questionnaire peut éclai-
rer le public sur la tendance de la So-
ciété qui vient de se créer dans le but de
connaître l'enfant et, cette connaissance
étant acquise, de mettre en regard les
programmes de nos écoles et les cer
veaux qui doivent se les assimiler.
Ce jour là, on restera stupéfait de l'é-
cart ! 1
Nous appelons donc à nous les savants, j
les parents, les instituteurs, les amis. 1
L'œuvre est complexe d'après M. Binet, ;
directeur du Laboratoire de psychologie 1
de la Sorbonne, car d'une part les pro- :
cédés scientifiques ne sont pas toujours »
faciles à appliquer, et d'autre part, il t
faut apprendre à observer. La bonne vo- ,
| lonté ne suffit pas; il faut la prépara- \
lion, le savoir, l'expérience. «
A nous tous, nous réunirons, je l'es- j,
père tous ces éléments. ,i
PAULINE KERGOMARD.
P. S. — Le bureau élu au scrutin secret c
se compose, d
Par ordre alphabétique de Mile Baerts- s
chi, agrégée lies lettres; M. Baudrillart, JI
inspecteur primaire de la Seine; M. Binet, dC
directeur du Laboratoire de psychologie à
la Sorbonne; Mlle Brès, inspectrice géné-
rale des écoles maternelles; M. F. Buisson, v
professeur à la Sorbonne; Mme Dejean de la P
Bâtie, directrice de Fontenay; Devinât, di- v
recteur de l'école normale de la Seine; Dr
Gallicr Boissière; Mme Kergomard, inspoc- le
trico générale des écoles maternelles; L. S(
Marinier, professeur à 1 école des Hautes rr
Etudes; Pérez, publiciste; Thanin, sup-
pléant au colièye de France. ri
M. LOUBET
Chez les Etudiants
Pavoisé, enrubanne, illuminé par le
soleil, le nouveau local de l'Association des
Etudiants avait pris, hier, un grand air de
l'été.
C'était jour d'inauguration et l'on atten-
dait avec une juvénile impatience, ia visite
du Président de la République, qui avait
promis d'honorer de sa présence celte fa-
miliale solennité.
Jusqu'à une heure assez avancée de la
nuit, les ouvriers de toutes sortes avaient
mis la dernière main aux préparatifs de la
fêle, et tandis quo des faisceaux do dra-
peaux tricolores pavoisaient toutes les
fenêtres, tous les balcons, depuis l'entresol
jusqu'au dernier étage, une large mar-
1 (luise s'élevait devant la porte et des tapis
se déroulaient jusqu'au bord du trottoir.
La cérémonie était fixée pour une heure,
aussi, dès midi, la rue des Hco!es était-elle
pleine de curieux que les gardes munici-
paux avaient grand'peinc à contenir.
A midi quarante-cinq, M. Loubet quittait
l'Elysée, accompagné du général Bailloud
chef de sa maison militaire, de M. Comba-
rieu, directeur du cabinet civil, de M. Pou-
lot, son secrétaire particulier, et de M. Faut
Loubet.
A son arrivée rue des Ecoles, le chef tle
l'Etat a été l'objet d'une ovation très cha-
a- I leureuae de la part des étudiants et 4es I
ni I nombreux curieux qui s'étaient groupés I
ce I sur les trottoirs pour le saluer au passage.
I C'est aux cris répétés de : Vive Loubet ! I
le I Vive la République! que le Président a fait
I son entrée dans le nouveau local des étu-
m I diants, tandis que les tambours et les clai-
I rons du piquet d'infanterie de la garde, 1
| chargé de rendre les honneurs, battaient et ]
ia I sonnaient aux champs. I
m I Reçu à sa descente de voiture par M. La- I
;s I visse, membre de l'Institut, présidentd'hon- I
re | neur de l'Association, et par M. Marcombes I
I président du comité, assisté des membres
I du bureau, le Président de la République
- la été conduit dans la salle des conférences, I
*e I à l'entresol, où se trouvaient déjà réunis
le I MM. Waldeck-Rousseau, président du con- I
I seil dos ministres ; Leygues, Pierre Baudin
ir | et Millerand, ministres de l'instruction pu-
I blique, des travaux publics et du com- I
I merce ; Casimir-Perier, ancien Président [
I de la République; Fallières et Deschanel, I
*' I présidents du Sénat et de la Chambre des |
I députés ; le général Brugôre, gouverneur.
I militaire, en grand uniforme; de Selves et I
!- I Lépine, préfets de la Seine et de police ; I
I Lucipia, président du Conseil municipal ; I
- I Cochery, vice-président de la Chambre des I
I députés ; Roujon, directeur des Beaux- I
. I Arts ; Gréard, vice-recteur de l'Académie ; I
' I Albert Meurgé, maire du V* arrondisse- I
e I ment ; Léon Bourgeois, anoien ministre ; J
? I les doyens des Facultés. I
I Clunet, l'avocat de l'Association ; Roujon, I
I directeur des beaux-arts; Aymonnier, di-I
I recteur de l'Ecole coloniale; Planchon, di- I
I recteur de l'Ecole supérieure de pharma- I
I cie; Risler, directeur de l'Institut agrono-
„ | mique; Darboux, doyen de la Faculté des I -
I sciences, de très nombreux professeurs et
1 I les anciens présidents de l'Association, MM. J
I Chaumeton, Wiriath, Devise, Laurent, Tis- i
I sier.. I i
I Derrière le Président de la République, !
i I entrent les invités des membres de l'Asso- I 1
. I ciation qui sont reçus par des commissai- J
I res en habit, coiffés du béret aux couleurs I \
t I des facultés. I ]
- | Les présidents du Sénat et de la Chambre <
1 I et les ministres ayant formé le cercle au- I <
> I tour du chef de l'Etat, M. Lavisse, lui a I i
J souhaité la bienvenue en ces termes : I
I Monsieur le Président de la République, I ••
| Ces jeunes gens m'ont prié de vous dire les I (
| paroles de bienvenue. Je leur dois l'honneur — I (
I j'en suis lier — de vous présenter nos nomma- I t
I ges respectueux et de vous exnrimer leur grati- I f
[ tude pour la marque de bienveillance et d'estime f
I que vous leur donnez aujourd'hui. r
I Leur Association a le mérite de vivre depuis I t
I longtemps ; elle est entrée dans sa seizième I a
I année. Il n'était pas facile de faire durer une I g
I association de jeunes gens ; c'est un flot qui I i
I toujours s'écoule. Chaque année emporte son I q
| contingent, et l'on ne sait jamais si l'année nou- I
[ velle apportera les recrues pour combler les I s
I vides. Régulièrement, les recrues sont arrivées, I j
I cette annce-ci, elles sont plus nomoreuses que I j
| jamais, — et l'Association agrandit son domicile I
| et l'embellit; c'est la preuve, comme on dit, ! a
I qu'elle fait bien ses affaires. (
I Pour (lue l'Association ait ainsi duré, il faut I
I qu'elle ait été sagement conduite. Elle l'a été en I V
I ell'et, aussi mérite-t-elle d'être complimentée J b
| devant vous. Si vous aviez le temps d'écouter I s.
I son histoire, nous y rencontrerions dl) jolies I v
I journées où elle a représenté: avec une dignité I 1)
I charmante, en France et à l'étranger, la jeunesse I v
| de l'Université de Paris. I
I | Pl
I Puis après avoir exprimé le regret de I d
I voir que tous les sociétaires ne participent | d
I pas également à l'œuvre commune, M. La- I m
I visse a ajouté : I (j
I Une association d'étudiants, c'est un lieu où I p
I les compagnons du beau métier d'intelligence I qH
I sont réunis. Le métier se subdivise, il est vrai, |
1 mais un moteur commun met le travail en mou- I
j vernent dans tous les ateliers : la Sienco. La I V,
I Science est la commune patronne de la confré- I
I rie des étudiants. Tous lui doivent un culte. Ici I h,
I l'étroitesse des spécialités doit disparaître. Une I Ir:
I mutuelle éducation y peut naître de la cohabita- I rt
I tionmèinc. Les étudiants de toutes sortes d'étu- I
I des qui se rencontrent apprennent beaucoup I d
.les uns des autres, s'ils causent de leurs études. I -
I il ne leur serait pas diilloilc d'ailleurs d'obtenir I
l la collaboration de ces vieux étudiants, les pro- I
[ fesseurs de leur Université. Si les jeunes gens I gi
[ organisaient chez eux une commune vie iutel- I d(
lectuclle, de temps en temps viendrait quel- I
qu'un de nous, parler du travail de sa vie dans | so
1 intimité d'une conférence, avec la sincérité bt
d'une conversation familière, de maître à com- j pf
pagnon, d'homme à homme. Ces causeries | V,
seraient utiles aux jeunes et les anciens y I
6rendraient plaisir. Cest une des belles éino- I la
ons humaines que l'on ressent à transmettre I
fi la lampe » aux mains qui doivent la prendre I de
pour Mais la porter après nous, plus loin toujours, ch
lais cette vie intellectuelle, il faut que les si,
jeunes gens commencent par l'organiser. Tout I Pa
esL à faire encore ou à peu près.Jusqu'à présent, j ^
1 étudiant en droit reste l'étudiant en droit, I
l'étudiant en lettres reste l'étudiant en lettres; I
ainsi du reste. De petites chapelles sont juxta- J qr
posées, reste à bâtir la grande nef. 1 re
M. Lavisse rappolle ensuite quels sont les se
devoirs d'une association de jeunes gens et I
il termine en disant : I
Ainsi, une Association d'étudiants doit être un
foyer d'intense vie intime, rayonnant au dehors. I JJ1
Nous n'ignorons pas du reste, Monsieur le Pré- I d,e
sident. qu'elle est une Société de jeunesse, et si I tic
elle n'avait ses jours de franche gaieté française, I
vous en seriez comme nous étonné et inquiet. I Ec
Mais c'est un chapitre où les étudiants n'ont pas I Ql
besoin d.exhortatlOns ni de conseils. Notre rôle I
est de leur proposer un idéal. Cet idéal est-il
trop élevé".' Vous ne le croyez pis, Monsieur le I
Président de la République, ni vous Monsieur le I ,tÇ'
président du Conseil, ni vous, Messieurs les mi I ni
e8 I nistres. Vous qui gouvernez la République, y ou $
bs I n'êtes pas venus employer une heure de votre
3 I temps pour voir de futurs magistrats ou avocats
, j I ou professeurs ou médecins ou pharmaciens, un
moment groupés en vue de se procurer quelques
l' petites commodités et agréments, et qui s'en
u- iraient ensuite disséminer dans la nation leurs
Li- I individualités uniquement occupées d'ellcs-mé-
e, | mes. Vous êtes venus rendre visite à la jeunesse
et I et lui dire que vous attendez d'elle deux choses :
I qu'elle cultive largement son intelligence,qu'elle
. I prenne le respect de la science, la souveraine du
I présent et de l'avenir, et aussi qu'elle se prépare
a" j a bien servir tadcmocratie,souveraine cllcllussi
58 j d'aujourd'hui et demain.
ss I Michelet, il y a cinquante ans, s'affligeait de
le I voir la France divisée en deux nations, une pe-
9 I tite, qui avait, parmi ses privilèges, la culture
;s I intellectuelle, et l'autre, la masse, le peuple,
I comme on dit, expression singulière, qui semble
. - | signifier : ceux qui ne sont pas nous, les autres.
a I Michelet assignait au jeunes gens de son temps
1- I le devoir de se-faire les médiateurs entre les
1* I deux nations et d'achever ainsi l'unité de la
tt f France. C'est vraiment l'œuvre qui s'impose aux
j I générations d'aujourd'hui, car notre avenir, no
I tre avenir unique — mais très beau, c'est d'a-
18 r I chever dans la démocratie républicaine, — la
£*| patrie française.
; I Un ban salue le discours do M. Lavis ^0 eL
| I les applaudissements éclatent de toutes
9 I parts, tandis que du dehors, on entend le
. I bruit des acclamations de la foule, qui,
• I sur l'air des Lampions, ne cessait de pous-
l I ser les cris de « Vive Loubet! » ontremèlés
• J de ceux de : ci Vive la République ! »
' I M. Loubet, prenant alors la parole, a pro-
I noncé le discours suivant dont chaque
l phrase a été soulignée par les marques
. I d'approbation de l'auditoire :
- I Messieurs.
- I Votre Association est prospère et j'éprouve une
I joie bien vive à le constater.
5 I Ici, vous avez voulu créer un foyer de travail,
y 1 I de discussions courtoises et de plaisirs honnêtes
• I OIi se fondent les dillérences que les origines,les
• I tempéraments, l'ambition et la fortune peuvent
I mettre entre les hommes.
, ! Vous savez que si la liberté n'est possible que
- I par l'obéissance de tous à la loi commune, elle
. impose à ceux qui veulent connaître ses bienfaits
. I l'exercice d'une vertu difficile : la tolérance.
I Vous montrez ce que peut faire la force des vo-
lontés unies, quand une pensée sage les dirige,
> I et qu'elles joignent au plus pur patriotisme le
• I double charme de la gaieté française et de la jeu-
l I nesse.
I En venant apporter a une telle œuvre un té-
I moignago de cordiale sympathie, — attristé tout
[ au plus par le regret do vous parler aujourd'hui
1 I d un peu loin et de n'être plus jeune que par le
I CŒur, je suis heureux de constater combien ont
■ I raison ceux qui ont foi dans un lendemain répa-
■ I rateur d,) nos orages, et dans le triomphe pro-
1 chain,définitif, de la paix sociale. Vous serez les
I artisans de cette paix,«Messieurs,vous, la France
1 I de demain. Et vous le serez en restant tldèles
I aux sentiments généreux de votre Association,
I si bien formules tout à l'heure par le m.t!trc
I illustre, qui s'est fait pour vous un camarade et
I qui doit son autorité à l'ardeur avec laquelle il
I défend vos propres principes : ):L passion de la
I science, do fa justice et de la liberté, le respect
I do la personne humaine, l'amour do la Patrie et
I de la République.
I Ce discours a été accueilli par de chaleureux
J applaudissements.
I De nouveau, les cris de « Vive Loubct!
I Vive monsieur Loubet! (sic) Vive la Répu-
blique ! » éclatent dans les quatre coins du
salon, et ils ne s'apaisent que lorsqu'on
I voit M. Georges Leygues s'avancer vers le
I Président de la République et le prier "de
I vouloir bion remettre lui-même à M. Tcr-
I rel, vice-président de l'Association, et \1 l'un
I de ses membres les plus actifs et les plus
I dévoués u, les palmes d'officier d'académie.
I M. Loubet s'acquitte de fort bonne grâce
I de cette mission, et M. Terrel répond qu'il
I pense que c'est l'Association tout entière
I qui est honorée en sa personne.
I M. Marcombes prie alors M. Loubet de
I vouloir bien visiter les nouveaux locaux.
I Le président, avec son habituelle bon-
I hommie s'extasie sur la beauté et la com-
I modité des diverses salles dont nous avons
I récemment donné unedescriptiondétaillée.
I — « Comme vous devez bien travaittet'
I dans ces belles bibliothèques, » dit en sou-
I riant M. Loubet.
I — « Très bien, » en effet, répondent sans
grande conviction les étudiants qui le gui-
dent.
Après avoir parcouru les locaux de l'As-
soctation, le Président s'est arrêté dans le
bureau du comité où un lunch était servi.
Comme les acclamations de la rue redou- ,
blaient d'intensité. M. Loubet se mettant à
la fenêtre, a salué la foule.
De toutes parts alors ont éclaté les cris ]
de : Vive Loubet ! Vive la République 1 Les
chapeaux s'agitaient, et des maisons voi- (
sines dont les fenêtres étaient garnies ,
partaient des acclamations à l'adresse du (
Président.
Il était deux heures moins un quart,
qnand M. Loubet, toujours très acclamé, est
remonté en voiture pour regagner l'Ely- j
sée. 1
Avant de se retirer, le Président de la ,
République s'est fait inscrire comme mem- (
bre fondateur de l'Association, et il a re- ,
mis à M. Marcombes, président, la somme (
de cinq cents francs pour prix do sa cotisa- ,
tion.
Pendant longtemps encore, la rue des
Ecoles a retenti des cris les plus divers.
Quelques jeunes ont essayé timidement cie
pousser des exclamations hostiles, mais
devant le nombre imposant des contradic-
teurs ils ont dli abandonner la place et l'on
n'a plus entendu que les cris de : « Vive la
république! » entremêlés de. Conspuez
Roche fort » êt de la obaDIOD nouvelle faîte
sur M. Dèroulède :
Déroulède à Charenton, ton taine
Déroulède à Charenton ton ton !
Au milieu des manifestations et des ova-
tions, le bureau de l'Association et ses in-
vités se sont rendus & la Sorbonne, dont le
grand amphithéâtre était bondé, jusque
sur les gradins les plus élevés, d'une foule
très nombreuse et brillante.
Dans la tribune officielle, avaient pris
place MM. Leygues, Deschanel. Gréard,
Lavisse, Lucipia et tous les membros du
comité d'organisation.
Le concert, qui a obtenu un plein succès,
a commencé par l'exécution de la Marseil-
taise, puis on a applaudi Mmes Moreno,
Maguera, Odette Du lac ; MM. Soulacroix,
Chambon, Le Bargy, de Max, et quantité
d'excellents artistes qui avaient tenu à ap-
porter àoette fête de la jeunesse le concours
de leur talent.
Pour terminer les réjouissances, hier, à
huit heures, un grand banquet,sous la pré-
sidence de M. Larroumet, réunissait, au
café Voltaire, maîtres et élèves, académi-
ciens et étudiants.
Au (dessert. M. Larroumet a prononcé
quelques paroles auxquelles M. Marcombes,
président de l'Association, a répondu en ces
termes :
Mon cher maître,
Rassurez-vous, vous êtes seul à avoir pensé
que vous n'étiez plus assez jeune pour fréquen-
ter chez nous. Mais que vous avez raison (id ne
pas vouloir vieillir 1 Oh ! certes il ne dépend pas
de nous qu'une année ne s'ajoute à l'autre et
qu'un et un ne fassent deux. Je n'ai jamais corn-
pris pour mon compte que Cicéron ait fait un
livre pour consoler les hommes d'une addition.
En cette matière, accepter sans phrases ce
qui ne peut pas ne pas èlre, est, à mon sens la
suprême philosophie.
Toutefois il est quelque chose qui ne peut pas
vieillir en l'homme parce que cela ne tombe pas
sous la loi du nombre. Et il se trouve, qu'à tout
prendre, cela seul vauta en lui. L'homme vaut
surtout par sa pensée, et. mieux encore que par
sa pensée, par sa volonté. Si la jeunesse est
boniie c'est qu'à cette âge, la volonté est plus
vivante et plus forte, plus forte de la possibilité
iudéllnic du l'action. La jeunesse n'a qu'un pri
vitt'gc: le temps dont elle ne mesure pas le prix,
parce qu'elle croit l'avoir à profusion. Aussi ce
privilège, ironie des choses! est il la source d'un
défaut.
Qu'importe du reste le temps lorsqu'on s'ét'':vc
à la hauteur d'idées où vous vous êtes place.
Dans l'universelle relativité, quelque infinie que
soit le prix de la personne humaine, l'individu
n'est qu'un annc.iu delà chaîne, pour me servir
de votre express.on même.
Ah! mi ssicurs, laissez-nous vos haines et vos
passions, le souvenir des hontes et l'espoir de la
réparation. Gardons au cœur le métnc credo.
De toute mon àme, monsieur, je lais un acte
de foi en la liberté
Rien n'est bon que ce qui est librement voulu
et librement fait ; il n'est pas de principe qui
domine celui-là. Mais que la liberté soit pour
tous la même, qu'elle soit faite de respect et de
concessions les uns pour les autres.
M. Marcombes continue ensuite pari ex-
position du rôle d'une association d'étu-
diants, dont la devise doit être : Tolérance.
S associer c'est du moins accepter de marcher
de front dans uncvoi'; commune, et vous sentez
comme moi que s'associer c'est déjà un peu
s'asservir, si doux et si léger que soit ln joug.
Le malheur est que le vice inhérent a toute
association, en fait à notre époque et parmi les
étudiants surtout, une désespérante acuité. A
mesure que se sont faites plus dures les condi-
tions. L'individualisme est devenu plus fé-
roce. La saine idée de liberté a dévie de son
sens fondamental. On diraiL qu a la fave r
d'une paix de trente ans, les vieilles passions se
réveillent au milieu des forces inemployées.
Les immortelles principes dont vous affirmiez,
tout à 1 heure l'éternelle actualité, semblent
s'énerver au sein des discussions stériles.
Nous avons répudié la neutralité totale, la-
quelle est une défaite de la volonté, nous n'a-
vons pas davantage voulu l'aflirmation hautaine
et touchante, laquelle est exclusive do la dis-
cussion et de la pensée libre.
Nous avons dit simplement que plicés entre
le monde d'hier et celui d'aujourd'hui nous
avions plus que jamais la foi cri l'évolution dé-
terminée des choses, au progrès inlini qui ne
souffro ni arrêt, ni recul.
M. Marcombes termine en buvant à M.
Larroumet, aux notabilités qui assistaient
au banquet, à ses camarades, au Président
de la République, à la longuo prospérité do 1
t'.\ssociailon des Etudiants.
Aux côtés do MM. Larroumet et Marcom-
bes se trouvaient : 1
MM. Casimir-Perier ; Leygues, ministre
de l'Instruction publique; Liard, directeur '
de l'Enseignement supérieur ; Lavisse ; Lu- 1
Dipia, président du Conseil municipal. 1
MM. Waldcck-Rousseau, Millerand et 1
Baudin s'étaient fait excuser.
Les étudiants so déclarent enchantés de
leur journée et ils ont raison car une fète
tic ce genre prouve qu'il existe entre les
membres des diverses Facultés une entente
et une solidarité parfaites; elle prouve
aussi que l'élite de la jeunesse intellectuelle
cii Franco est animée de sentiments nelte-
menls républicains et cela nous est pour
l'avenir une consolante garantie.
JEANNE BRÉMOND
SU8AR PERNCT
Nouvelle Gaufrette vanille.
POLITIQUE ETRANGERE
La Guerre au Transvaal
Si les feuilles anglaises, depuis deux
jours, représentent la république trans-
vaalienne, comme demandant la paix, ce
n'est pas sans intention. La manamnc est
facile à démasquer; il est évident que
l'Angleterre ne peut jj'empêcher do rocon.
naître qu'elle a fait fausse route. Dans uno
audience que personne ne démentira, et
accordée hier par Guillaume 11 à M. Cham-
borlain, il aurait été question de travailler
à la fin de cotte guerre. Si l'on on croit les
rumeurs émanées du cabinet anglais, l'em-
pereur aurait manifesté hautement sa dé-
sapprobation de la campagne entreprise,
et M. Chamberlain aurait été chargé du
développement des conditions auxquelles
le Foreign-Office consentirait à traiter des
questions de la paix.
Quoi qu'il en soit, on so demande si la
victoire de Belmontva être suivie de plu-
sieurs lendemains ; lord Methuen est-il
réellement victorieux sur la route de Kim-
berley, principalement au passage de la
Madder? Si le rait se justifie, la route do
,,Kimberley sera dèblayéo par les troupes
anglaises. Pn pareil cas, la garnison do la
place sortirait, et prendrait très probable-
ment les Bocrs de flanc.
Quant aux faits qui semblent se préci-
piter autour de Ladysuiith, il estindéniable
qu'ils sont d'une exceptionnelle gravité et
que, sous peu, l'on aura d'importants dé-
tails qui justifieraient l'altitude des Hollan-
dais du Cap, s'enrôlant au service des
Boers.
A Mafeking, la garnison est, nous assure-
t-on, pleine de courage. Le bombardement
n'a pas causé un mal sérieux, car il s'effec-
tuait à une portée de 12 kilomètres. Seuto'
ment, à force de s'approcher de la place,
les Boers finiront par atteindre les assiégés
à coups de fusil.
En dernier lieu, une importante commu-
nication, venant du Cap, mais de source
anglaise, est faite dans les sphères politi-
ques. Le juge Gre^orowski et plusieurs
personnages influents du Transvaal, au-
raient pris la inor à Delagoa-Bay pour to '
Cap, envoyés par le président Kriiger. 1-;11
presence de la concentration des forces
britanniques, ils seraient chargés d'une
mission auprès des autorités anglaises,
mission ayant pour but — par tous les
moyens quo la diplomatie Imetlrait à leur
service, — de prévenir los terribles consé.
quences de l'invasion étrangère.
Le ministre de 1.. g:iorro publiait hier
la nouvelle d'un second engagement du
général Mcthucn; elleestainsi conçue:
Le Cap, 20 novembre, midi.
« Lord Melbuen annonce qu'hier, 25 no-
vembre, à trois heures et demie du matin,
il s'était mis en marche avec la 20 brigade
navale et doux batteries et suivi des gardes
avec des bagages. Il rencontra près de (!ras-
pan 2,[,00 Boers avec six canons et deux mi-
trailleuses.
I( Le: combat s'engagea à 6 h. du matin.
L'artillerie bombarda les hauteurs avec uno
grande précision jusqu'à ce qu'elles parus-
sent suffisammenl dégarnies. L'infanterie
et la brigade navale marchèrent alors à
l'assaut. Les hauteurs furent emportées à
10 heures du matin après un combat acher-
ne. Il
IBO.
Autriche
La solution du compromis austro-bon*
grois peut être regardée comme achevée;
tous les points en litige étaient, il y a quel-
ques mois, réglés par le cabinet Thun et 16
cabinet Szell ; l'accord sur les chiffres prO'
portionnels des quotes-parts, dans les dé-
penses communes reslait seul à mettre.
Cet accord s'est fait; toutes los difficultés
se trouvèrent donc levées de ce côté île la
Hongrie. Malheureusement, le Heischralh
va soulever un obstacle imprévu ; le parti
jeune tchèque veut absolument j'a démis-
s'on du comte Clary, ne lui pardonnant pas
d'avoir abrogé los ordonnances sur rem-
Do ploi des langues en Bohème et en Moravie.
e plus, ils ont le même ressentiment
contre le ministre de It Justin, pour avoir
fait l'application aux tribunaux de Bohèlne,
des mesures que le retrait des ordon-
nances justifiait.
Le cabinet Clary devait donc démission-
ner. En pareil cas, il 50 formerait un autre
cabinet de fonctionnaires chargés d'expé-
dier les affaires courantes, et Je régler 1.
compromis avec la Hongrie.
Italie
Le Conseil des ministres s'est occupé, CI
ces derniers temps, d'une demande dits du ministère de la guerre. Aussi )! a-t-
on pas manqué de mettre en rapport. cette
demande avec les rumeurs qui circulaient
et montraient le pouvrrnernêril en proie à
des inquiétudes au sujet de la possibilité
d'une guerre.
Or, s'il existe un projet de défense IlIlIi-
lairc, c'est au point de vue des nécessité?
de combler certaines lacunes. L'état-iuu|or
italien sontrc, pour la première l'ois qu'il
est indispensable à l tall\.l de défendre sa
frontière orientale -- culte frontière t:Lâllt
toujours ouverte comme au temps où
LA SEMAINE
ARTISTIQUE
Les Expositions
t.c Luxembourg au matin, au soir, au
pt.ntctnps, it l'automne; le Luxembourg
avec ses nobles terrasses, sa fontaine ro-
mantique autour de laquelle s'éplorent les
jeunes chagrins et aiment à errer les jeu-
nes rêves ; avec son bassin dont J'eau a
pair les navires nains qui s'y font des pé-
nis o t'ancsques ; avec ses riches Heurs et
ses beaux arbres qui étendent leur grande
ombre sur des gazons lisses, le Luxem-
bourg...,chez Ollendorir (50, Chaussée d'An-
tin), eu une série d'aquarelles de M. Paul
Ilossert.
Huit de ces paysages sont sur toiles. Ce
qui permet, selon l'explication du peintre
lui-même, une manière plus large dans
l'aq uarclle,
M. i'ant Hosscrt expose aussi quelques
ma¡'iIles. Il a regardé les plages aux heures
aveuglantes, quand elles reverbèrent une
clurlé chaude et sèche. Enfin, un Porl de
Iloujieur, barques goudronneuses, s'amar-
rant sans hâte aux vieux quais noircjs,
évoque poétiquement la rude vie du pê-
cheur.
Uno visite aux Gobelins
Avant qu'elles ne fussent définitivement
enroulées pour le voyage — elles vont aller
au f.harnp de Mars, — j'ai voulu regarder
dans leur lieu d'origine les tapisseries qui
doivent figurer à l'Exposition. 11 va de soi
que la vue en est interdite au public.
Mais un no parvient au sanctuaire où
elles attendent l'emballage officiel qu'en
traversant les ateliers. J'ai donc eu la chance
d'abord, d'une très intéressante initia-
tion.
En bas,ce sont les métiers les moins célè-
bres, les métiers à moquette. Les rinceaux
et arabesques hauts en couleur et veloutés
du plus grand tapis qui se confectionne en
ce moment, iront s'arrondir sur les plan-
ïbers do l'Elysée...
L' premier étage appartient aux fameu-
ses tentures murales. Cest là, comme di-
sait Perrault,
C'est là (lue la !'«uljrc arec !'cr et la soi.\
Des ,,ran -i ornements tous les charmes déploie,
Et que 1 1 docte aiguille atte tant d'agrément
Trace l'heurciis succès de chaque évéïie^kcnt.
Là, patiemment, et parfois selon la ma-
Ilièrc de Pénélope quf.ud la satisfaction
n'est pas absolue, «es maîtres-tapissiers
tocoiD olissent )£ar cI.uoû travail dt oooit.
Jeunes Maîtres, pour la plupart. Jeunes
hommes fort épris de leur art minutieux,
point du tout humiliés d'être ainsi — joli-
ment — tombés, non en quenouille, mais
en navette... Et cependant, est-il sur qu'ils
ne verraient pas un désir ridicule de se
masculiniser, dans l'idée qu'auraient les
femmes de se tourner vers les Gobelins —
où vraiment les occupations sont essentiel-
lement féminines/'
Comme je m'étonnais que là où se fait de
la tapisserie, il n'y eût point de femmes,
mon très aimable guide, du ton de quel-
qu'un qui souscrirait au bon sens d une
idée, s'excusa : Il Mais aucune Française ne
l'a jamais demande... »; puis sans faire du
mot quelque chose de bien offensif, il
ajouta : Il Vous savez, la routine Mais
nous avons des raccommode uses et nous
avons eu parfois dans les grands ateliers
des étrangères envoyées par leur gouver-
nement pour faire aux Gobelins leur édu-
cation dans l'art de la tapisserie... »
... Tout en causant, je regardais les
grands panneaux mi-achevés sur les mé-
tiers: L'arrivée de Jeanne d'Arc devant Patay
du J. P.Laurens, les Arts et les Scicnces pen-
dant la Renaissance, de Ehrmann, etc... et
particulièrement la copie du portrait, par
Mme Vigée-Lebrun, de Marie-Antoinette.
La robe de velours a des cassures que
la plus onctueuse peinture peut lui envier.
Cette robe somptueusement rouge, rappelle
triomphalement la vieille tradition des Go-
belins. La légende veut que Jean Gobelin
ait choisi pour s'y établir, les bords de la
Bièvre, à cause des vertus attribuées aux
eaux de cette rivière pour la teinture en
écarlate...
Enfin d'ateliers en ateliers — partout le
travail est actif et artiste — me voici dans
la grande galerie où la vieillesse magni-
fique des tapisseries centenaires veille sur
l'éclat neuf des tentures toutes modernes
destinées à l'Exposition.
En les comparant, je remarque que la
facture des jeunes Gobelins est plus large,
plus décorative que celle des ancêtres. Il
ne semble plus que,point par point. la trame
ait été couverte. C'est plutôt comme si un
peintre avait pris quelque fin tissu de laine
pour son tableau. Plus de fignolages acadé-
miques dans la copie des teintes. Les tapis-
series y gagneront sous la patine des an-
nées une beauté de fresque — au lieu de
n'être pour la postérité que de laineuses
mosaïques déteintes.
Cette heureuse révolution est due, parait-
il, à l'initiative de l'éminent administrateur
des Gobelins : M. Guiffrey.
Les tapisseries qu'on verra en 1900 repré-
sentent : l'Exploration de l'Afrique, d'après
Rochegrosse; les apprêts d'un tournoi, la
Vision de Jeanne Id'Arc et une autre Jeanne .
(FArc encore d'après J.-P. Laurens; La Si-
rêne et lepoète, d'après Gustave Moreau.
Cette dernière tapisserie est particulière-
ment curieuse. A juste titre, la manufac-
ture en est toute fière. C'est une fantasma-
gorie de couleurs, un agencement de tons
inusités en tapisserie. Cela brillait un peu
comme un vitrail dans le crépuscule d'au-
tomne.
Quatre heures!,.. Il faut redescendre...
Par une porte ontr'ouverto, j'aperçois le
village des tanneurs : maisons de guingois,
avec des terrasses superposées où sèchent
les cuirs que des fumées âcres boucanent.
Encore un pas, et je suis sur une large
chaussée, sur le couvercle de pierre qui
défend la manufacture contre les clapotis
infects de la Bièvre : Car, on recouvre la
petite rivière hideuse et empoisonnée ; elle
n'imite plus sous le ciel de Paris quelque
lamentable canal de Venise, que sur un
espace de cinquante mètres.
De l'autre côté de la chaussée, c'est le
jardin des Gobelins, — le grand jardin,
coupé de haies, pour que chacun des artis-
tes-tapissiers ait un petit chez-soi de na-
ture, le fraternel et pacifique jardin.
Est-ce l'infiltration des eaux de la Biè-
vre qui entretient là cette fraicheur de
végétation ? Les premiers froids l'ont à
peine offensée. Il y a des chrysanthèmes
chevelus à mines de fleurs printanières
dans la verdure résistante.
Et le spectacle de ce jardin fait songer
soit à quelque ancienne communauté mi-
roligieuse, mi-artisane, vivant anachro-
nisme dans le Paris d'aujourd'hui, soit à
quelque phalanstère, humble modèle d'una
future cité communiste.
Les parures de Paris
L'essai de décoration murale du square
de l'Abbaye indique les temps proches où
les faces moroses de nos monuments s'ani-
meront par la couleur.
Le jardinet municipal, pris dans l'encoi-
gnure que forme l'église Saint-Gcrmain-
des-Prés avec la maison de rapport qui s'y
adosse, est attristé par le mur laid et gris
de cette maison. Un lierre y monte avec le
souci artiste de masquer la chose bour-
geoise — la maison — qui ose voisiner
avec la précieuse chose d'art — l'église.
Mais la Ville n'a pas voulu laisser toute la
tâche à la généreuse plante. Elle s'est sou-
1 venue d'un grand bas-relief acquis par elle
au Salon de 1897 : les Boulangers, cette
belle sculpture d'Alexandre Charpentier, en
grès flammé d'Emile Muller. fit elle a eu
l'idée heureuse de sortir de leurs oubliette*
ces briques d'art, que peut-être un jou?
elle eut cloîtrées dans quelque musée où
elles auraient attendu le visiteur, et de les
, sceller en plein air,, d'en offusquer le vilain
mur pour la réjouissance de tous les re-
gards.
Voici donc un noble et judicieux emploi do
la céramique tiécoralive.On ne l'avait guère
vue jusqu'à présent qu'au-dessus des fenê-
tres des villas à forfait, en bandeaux ornés
d'entrelacs vulgaires, — ou encore en sta-
tues égrillardes qui servaient d'enseignes
à de grands cabarets chics... C'était du dés-
honneur. Maintenant réhabilités, les grès
flammés vont certainement prendre rang
dans les parures architecturales. Peut-être
même leurs succès dans nos rues et nos
carrefours — quand l'art du céramiste aura
encore progressé -- rendront-ils jaloux
quelque jour les merveilleux lions de l'an-
cien palais persan, dont le pelage d'émail
luit dans l'ombre solennelledu Louvre...
L'opération du montage des Boulangers
s'achève. Bien entendu, malgré ses belles
dimensions, le bas-relief n'cstqu'un tableau
de moyenne taille sur le grand mur de plu-
sieurs étages — dont le haut, d'ailleurs,
restera quelque temps encore piteusement
nu. Mais, quand le lierre y aura monté, lies
Boulangers, belle composition à la gloire du
travail, ressortiront, sur ce fond toujours
vert, dans toute leur splendeur poly-
chrome.
B L'image symbolique ayant généralement
précédé la page écrite, faut-il saluer dans
cette tentative une première forme de
l'idée que suggéra ces jours-ci Paul-Adam :
inscrire aux façades,en luisantes et douces
lettres céramiques, des paroles do beauté
bienfaisante.
L'orchestre à l'église
A Saint-Eustache, vendredi, pour la messe
annuelle-de Sainte-Cécile — courue cette
fois comme une première de théâtre et, de
fait, théâtrale, puisque musicalement di-
rigée par Danbé.
Seulement Sainte-Cécile, sainte exaltée
mais sévère, martyre, épouse et vierge, de
la droite de Dieu où elle trône, approuve-t-
elle qu'on la célèbre en cérémonies aussi
monaaine3 et par un concert d'instruments
profanes? Si elle accepta d'être la patronne
de la musique et, à ce titre, portraiturée
par Raphaël et par Flandrin tenant un luth,
sans avoir été musicienne autrement que
pour chanter <« dans son coeur » les louanges
de Dieu, elle ne crut sans doute patronner
que de la musique la plus austère : la mé-
lodie des Ames qui montent d'un vol grave
vers les béatitudes.
Il faut que les puissances célestes aient
perdu de leur autorité, ou bien abandon-
nent dédaigneusement la terre, ou encore
que l'esprit du siècle les aient converties,
pour que Cécile ne proteste pas chaque no-
vembre, quand son nom est sanctifié à
renfort d'orchestre.
Car l'orchestre à l'église, ce sont les pas-
sions terrestres qui se mèlent, pour les do-
miner, aux élans pieux. C'est la fin du re-
cueillement mystique, du rêve halluciné
que traversent des ombres menaçantes ou
glorieuses. L orchestre précise les émotions
qui n'ont pas le ciel pour objet, les bruits
de la IS'aturo, les joies ou les douleurs hu-
maines, tous les mouvements do !a Vie. Sa
voix peut s'élargir. Elle ne se spiritualise
pas. Il déclame à l'égliso et y garde un
accent étranger.
La messe de M. E. Paladilhe dont on ho-
norait cette fois Sainte-Cécile, — messe
avec soli. chœurs, orchestre et orgue, dé-
diée à la mémoire de Gounod et qui, sans
doute par une flatterie posthume, s'est
adressée, pour l'inspiration, aux anges de
Marguerite, — cette messe à récitatifs plu-
têt voluptueux, et à marches assez triom-
phales, n'atténue pas ce que l'instrumenta-
tion moderne apporte à l'église de mondain
— au sens anti-chrétien du mot. Puis les
nefs de Saint-Eustache — trop claires à
midi — n'apaisaient pas ces sonorités pro
fanes. Celles-ci se mettaient à l'aise dans la
lumière qui entre excessive par la grando
ellipse des fenêtres, — dont la plupart sont
maintenant pourvues d'indigentes vitres
colorées q«i ne sauraient prétendre à s'ap-
peler vitraux.
Affiliée à l'idée chrétienne inscrite élo-
quemment dans l'architecture gothique de
sosornementsextérieurs.mais par sa struc-
ture intérieure,aux traditions païennes dont
la Renaissance secoua lo long sommeil,
l'église de Saint-Eustache n'a pas l'ombre
spacieuse des monuments que la foi pure
éleva. C'est au jour tombant qu'avec ses
pilastres rapprochés et démesurés, elle
prend une majesté d'étr&ngo forêt toute
d'arbres géants.
Il est vrai que si elle ne modère pas les
éclats presque hérétiques de l'orchostre,
ils sont pourtant, chez elle, moins déplacés
que du sous les voûtes recueillies des églises
u XIIe au xv,, siècle.
Dans ces vieilles cathédrales l'orgue doit
rester roi. Sa voix de tristesse orgueilleuso
les emplit. Et de même que dans une pa-
gode ou uno mosquée la présence do l'or-
gue serait dérisoire, de même les instru-
ments do l'orchestre, par tout ce qu ils
disent des passions do l'homme, ne sont
pas adéquats aux lieux qui symbolisent la
religion monacale des siècles profondément
chrétiens.
Comme alors la foi était habile à trouver
tout ce qui pouvait exciter les ferveurs re-
ligieuses! Elle ne précisait rien. Par tous
les moyens, elle jetait les âmes dans un
trouble fiévreux, les tendait vers un confus
idéal dogmatique. Les brumes fantastiques
. des églises, leur odeur do sépulcre secon-
dées par les harmonies flottantes de i'orgut
inspiraient une sorte de terreur sacrée.
On prenait là, le goût du mystère, On y
cherchait une émotion, des désirs values,
des craintes exquises, un désespoir qUI s'é-
croulait en extase. L'amour divin triom-
phait par le frisson. « Il n'est Ame si revosche
qui ne se sente touchée de quoique rêvé-
rence à considérer cette va^tité soinhre de
nos églises et ouïr le son dévotieux du nos
orgues... » Ainsi disait Montaigne. Kt ces
paroles attestent les effets produits par les
cathédrales du Moyen âge, sur les ,( mes,
même élargies, comme celle do 1 ':iiiteur
des Essais, par les incertitudes les ni LIS in-
trépides.
Aujourd'hui que les douleur s sont nom-
breux et qu'ils n'ont plus dan., leur sensi-
bilité rhél'ilag-c immédiat des croyanis AO.
thiques, ils n'éprouvent guère cet atten-
drisseinent craintif des l'entrée sou--, la
porche ogival.
Mais il est un sentiment d'ordre religieux
qui doit subsister : lo respect des beiles et
vénérables choses d art.
Il y eut un temps où Lotis J,'s arts en-
traient en religion : architecture, peinture,
sculpture, musique, ne sc; mettaient en frais
que pour Dieu. Leur entente fut admira-
ble. Les désunir, c'est les détruire.
L'orchestre, quolle que soit la beauté de
sa grande voix souple, complexe, 1 rise le
recueillement dos églises. Il n'y est puint
dans son décor. Kl ses échos symphoniques
étonnent et défigurent les vieilles pierres
si longtemps baignées par los ondes lentes
du plain-chant.
( (Avant d'abandonner la musique k l'égiise,
revenons à Saint-Kuslacho pour déplorer
quo ce beau temple non seulement 110 soit
pas encore dégagé do l'amas d'affreusos bâ-
tisses qui en cachent tout un côté, mais soit
à chaque instant gâté, pour l'œil du pas-
sant par d'interminables travaux de répa-
ration. C'est au seul liane visible une er.
pèco d'appareil orthopédique dont lt% mo-
nument lui-même à l air do se sentir hu-
milié).
HARLOR.
P. S. — Lire dans lo Ménestrel de celte se-
maine un article de M. o. Bcrggruiîn sur is
fameuse liaison de Liszt avec la princesse de
Witlgeustein.
La princesse, tt qui Liszt avait légué tous soir
papiers, ue lui survécut que quelques mois.
Elle laissa à sa fille la disposition de l'béritago
de Liszt, et celle-ci vient do publier les lettre»
du virtuose à la princesse. Ces documents nous
ot1'rant, avec les plus précieuses notes sur l'art
contemporain, la vive expressioa do la foi chré-
tienne do Liait et une ardente image de ee*
amour.
POUR L'ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE DE L'ENFANT
Les lecteurs de la Fronde n'ont pas
oublié qu'un groupe d'amis de l'école
s'est réuni l'été dernier, à l'appel de M.F.
Bu isson, pour entreprendre une étude,
qui aurait dlÎ. semblc-t-il, présider la
création de l'école elle-même: : l'étude de
l'enfant.
Il y eut alors un échange d'idées qui
f)t entrevoir la possibilité d'une associa-
tion vivante et féconde.
Culte association existe en fait main-
tenant. Depuis le 9 novembre elle a un
programme et des statuts, depuis le 23,
elle a un bureau composé de douze mem-
bres.
Son titre de Société « libre » indique
suffisamment qu'elle est ouverte à toute
personne que l'étude de l'enfant inté-
ressc ; il indique en même temps le dou-
ble caractère : scientifique et pratique de
l'étude qui va être entreprise. Confiée
exclusivement à des spécialistes de la
philosophie, de la physiologie,de la psy-
chologie et de la pédagogie, elle eût été
trop spéculative, inaccessible à beaucoup
d'individus, qui en savent long, cepen-
dant, sur la matière , elle aurait pénétré
trop lentement dans les écoles, et n'au-
rait sans doute jamais franchi le seuil de
la famine. En appelant à elle les spécia-
listes, les instituteurs. les parents, les
jeunes lions eux-mêmes, elle s'entoure,
au contraire, de tous les éléments pro-
pres iL faire aboutir les études cntrepri-
ses ; la fréquentation des savants fera
pénétrer peu il peu la méthode et la cri
t que dans les observations faites par
leurs collègues do la Société, tandis,que
les observations de ces derniers, tou-
jours faites sur la matière vivante, im-
primeront à la science psychologique un
caractère il(, réalité, je dirai presque
aux études purement spéculatives.
SaliS compter que l'appel adressé aux
parents va leur révéler un devoir que la
plupart ignorent : celui d'observer leurs
enfants, pour apprendre à connaître
leur nature physique et leur nature mo-
raln, et iL traiter, par conséquent, 1 une
et l'autre suivant leurs besoins respec-
tifs-.
Celle élude de l'enfant a été entre-
pris', déjà en Angleterre ct en Amérique.
et nous avons, surtout, des documents
sur la méthode employée en Californie
et a ix Mass;rchusets. Cette méthode ou
ce procédé insiste surtout en question-
naires s'adressent aux enfants eux-
mêmes, soit dans l'école, soit dans la
tafmHe. mais dans l'école, particulière-
ment, questionnaires auxquels les en- -c
faut répondent soit oralement, soit par c
ccrit, mais par écrit surtout. Ainsi le i
mai tre fait faire une composition sur le d
choix d'un métier ou d'une carrière ; sur I
les mobiles qui ont faitagir l'enfant dans r
telle circonstance de sa vie ; sur ses pré- F
férences, sur ses antipathies, etc., etc. £
lit. l'l'Ilsembk des réponses recueillies, ^
les pédagogues tirent des conclusions et tl
établissent une méthode r
Kh bien, nous pensons, nous (et je fc
crois avoir le droit de parler au nom de p
la majorité de mes collègues de la So- -
ci été qui vient de se fonder) que c'est là
UII" méthode artificielle. Non seulement
elle néglige l'enfant qui ne sait encore ni
par!''r/ ni écrire, mais elle ne compte
pour les autres ni avec lemilieu ambiant,
ni avec l'inconscience de la grande ma-
jorité des enfants, ni avec los tendances SI
spéciales de chacun. E
ou l a •• Sagesse des Nations » décerne
en l»!oc !e brevet de simplicité, sont, au dl(],
coiilraire, très complcxes,que sans notre
})r"t"n')c ignorance psychologique, nous {J,
n'a)'"rdC!ions qu'avec d'infinies précau-
tions. Pour accepter les réponses aux ni
questionnaire:-, et prétende régler, grâce m
à elle, !a science pédagogique, il faut fê
compter sans la timidité qui paralyse; P(
sans ! i pudeur qui arrête les confidences Ie
Jor-qu'elles sont louables ; sans la pa- J"
resse d'esprit qui fait répéter ce qu'ont set
dit les camarades ; sans la vantardise,
sans l i J'OIlI,lat'dise, sans... l'inconscience ai
<•":n• i:»î je le disais en commençant cette pl
t':I!!:lIéralion, pa
Pour des enquêteurs sérieux,ce genre
den')t)'''te ne peut mettre en lumière - V;
cm admettant que l'enfant — simple et
n:i.is\ prêtât— que l'inconsistance et 10
!'tn:-nh''r)'n<'e de son âme, et ce n'est pas Lu
avee de tels éléments que l'on peut éta-
blir une méthode. l'F
Combien sera plus probante l'observa-
tion faite par le pédagogue sur l'en fan 1
r qui ne se croit pas observé ! Et c'est parce
que nous en sommes convaincus que
9 nous adresserions des questions aux
p éducateurs, maîtres et parents, au lieu
1. de les adresser directement aux en-
) fants.
1 Mlle Suzanne Brès, mon amie et ma
5 collègue au ministère de l'Instruction
publique, a proposé d'envoyer à tous les
1 membres de la Société un questionnaire
" dont voici un à peu près :
Vie physique, date de naissance —
■ taille, poids, santé pendant le trimestre
1 — Sommeil (de quelle heure à quelle
» heure ? lourd, léger, etc.)
Appétit (aliments favoris); le meilleur
repas) ;
Habitation avilie ou campagne);
CARACTÈRE, jeux ordinaires (dedans,
dehors), occupations favorites, instruc-
tion (materneUa ? privée ? publique ?)
Sujets de curiosité (ou études préfé-
rées, études dédaignées) ;
Facultés intellectuelles les plus sail-
lantes;
Qualités morales dominantes, défauts;
Goûts marqués, affections, conduite
(avec les parents, avec les camarades,
avec les animaux);
Jouets préférés ?
Rêves aavenirt
Particularités intéressantes?
Détails supplémentaires pour préciser
les influences qui entourent l'enfant;
Parents (occupations du père, de la
mère;?
Grand-parents?
Autres en/anis (sexe, âge), etc., etc.
Cela, je le répète, n'est qu'un à peu
près ; mais ce questionnaire peut éclai-
rer le public sur la tendance de la So-
ciété qui vient de se créer dans le but de
connaître l'enfant et, cette connaissance
étant acquise, de mettre en regard les
programmes de nos écoles et les cer
veaux qui doivent se les assimiler.
Ce jour là, on restera stupéfait de l'é-
cart ! 1
Nous appelons donc à nous les savants, j
les parents, les instituteurs, les amis. 1
L'œuvre est complexe d'après M. Binet, ;
directeur du Laboratoire de psychologie 1
de la Sorbonne, car d'une part les pro- :
cédés scientifiques ne sont pas toujours »
faciles à appliquer, et d'autre part, il t
faut apprendre à observer. La bonne vo- ,
| lonté ne suffit pas; il faut la prépara- \
lion, le savoir, l'expérience. «
A nous tous, nous réunirons, je l'es- j,
père tous ces éléments. ,i
PAULINE KERGOMARD.
P. S. — Le bureau élu au scrutin secret c
se compose, d
Par ordre alphabétique de Mile Baerts- s
chi, agrégée lies lettres; M. Baudrillart, JI
inspecteur primaire de la Seine; M. Binet, dC
directeur du Laboratoire de psychologie à
la Sorbonne; Mlle Brès, inspectrice géné-
rale des écoles maternelles; M. F. Buisson, v
professeur à la Sorbonne; Mme Dejean de la P
Bâtie, directrice de Fontenay; Devinât, di- v
recteur de l'école normale de la Seine; Dr
Gallicr Boissière; Mme Kergomard, inspoc- le
trico générale des écoles maternelles; L. S(
Marinier, professeur à 1 école des Hautes rr
Etudes; Pérez, publiciste; Thanin, sup-
pléant au colièye de France. ri
M. LOUBET
Chez les Etudiants
Pavoisé, enrubanne, illuminé par le
soleil, le nouveau local de l'Association des
Etudiants avait pris, hier, un grand air de
l'été.
C'était jour d'inauguration et l'on atten-
dait avec une juvénile impatience, ia visite
du Président de la République, qui avait
promis d'honorer de sa présence celte fa-
miliale solennité.
Jusqu'à une heure assez avancée de la
nuit, les ouvriers de toutes sortes avaient
mis la dernière main aux préparatifs de la
fêle, et tandis quo des faisceaux do dra-
peaux tricolores pavoisaient toutes les
fenêtres, tous les balcons, depuis l'entresol
jusqu'au dernier étage, une large mar-
1 (luise s'élevait devant la porte et des tapis
se déroulaient jusqu'au bord du trottoir.
La cérémonie était fixée pour une heure,
aussi, dès midi, la rue des Hco!es était-elle
pleine de curieux que les gardes munici-
paux avaient grand'peinc à contenir.
A midi quarante-cinq, M. Loubet quittait
l'Elysée, accompagné du général Bailloud
chef de sa maison militaire, de M. Comba-
rieu, directeur du cabinet civil, de M. Pou-
lot, son secrétaire particulier, et de M. Faut
Loubet.
A son arrivée rue des Ecoles, le chef tle
l'Etat a été l'objet d'une ovation très cha-
a- I leureuae de la part des étudiants et 4es I
ni I nombreux curieux qui s'étaient groupés I
ce I sur les trottoirs pour le saluer au passage.
I C'est aux cris répétés de : Vive Loubet ! I
le I Vive la République! que le Président a fait
I son entrée dans le nouveau local des étu-
m I diants, tandis que les tambours et les clai-
I rons du piquet d'infanterie de la garde, 1
| chargé de rendre les honneurs, battaient et ]
ia I sonnaient aux champs. I
m I Reçu à sa descente de voiture par M. La- I
;s I visse, membre de l'Institut, présidentd'hon- I
re | neur de l'Association, et par M. Marcombes I
I président du comité, assisté des membres
I du bureau, le Président de la République
- la été conduit dans la salle des conférences, I
*e I à l'entresol, où se trouvaient déjà réunis
le I MM. Waldeck-Rousseau, président du con- I
I seil dos ministres ; Leygues, Pierre Baudin
ir | et Millerand, ministres de l'instruction pu-
I blique, des travaux publics et du com- I
I merce ; Casimir-Perier, ancien Président [
I de la République; Fallières et Deschanel, I
*' I présidents du Sénat et de la Chambre des |
I députés ; le général Brugôre, gouverneur.
I militaire, en grand uniforme; de Selves et I
!- I Lépine, préfets de la Seine et de police ; I
I Lucipia, président du Conseil municipal ; I
- I Cochery, vice-président de la Chambre des I
I députés ; Roujon, directeur des Beaux- I
. I Arts ; Gréard, vice-recteur de l'Académie ; I
' I Albert Meurgé, maire du V* arrondisse- I
e I ment ; Léon Bourgeois, anoien ministre ; J
? I les doyens des Facultés. I
I Clunet, l'avocat de l'Association ; Roujon, I
I directeur des beaux-arts; Aymonnier, di-I
I recteur de l'Ecole coloniale; Planchon, di- I
I recteur de l'Ecole supérieure de pharma- I
I cie; Risler, directeur de l'Institut agrono-
„ | mique; Darboux, doyen de la Faculté des I -
I sciences, de très nombreux professeurs et
1 I les anciens présidents de l'Association, MM. J
I Chaumeton, Wiriath, Devise, Laurent, Tis- i
I sier.. I i
I Derrière le Président de la République, !
i I entrent les invités des membres de l'Asso- I 1
. I ciation qui sont reçus par des commissai- J
I res en habit, coiffés du béret aux couleurs I \
t I des facultés. I ]
- | Les présidents du Sénat et de la Chambre <
1 I et les ministres ayant formé le cercle au- I <
> I tour du chef de l'Etat, M. Lavisse, lui a I i
J souhaité la bienvenue en ces termes : I
I Monsieur le Président de la République, I ••
| Ces jeunes gens m'ont prié de vous dire les I (
| paroles de bienvenue. Je leur dois l'honneur — I (
I j'en suis lier — de vous présenter nos nomma- I t
I ges respectueux et de vous exnrimer leur grati- I f
[ tude pour la marque de bienveillance et d'estime f
I que vous leur donnez aujourd'hui. r
I Leur Association a le mérite de vivre depuis I t
I longtemps ; elle est entrée dans sa seizième I a
I année. Il n'était pas facile de faire durer une I g
I association de jeunes gens ; c'est un flot qui I i
I toujours s'écoule. Chaque année emporte son I q
| contingent, et l'on ne sait jamais si l'année nou- I
[ velle apportera les recrues pour combler les I s
I vides. Régulièrement, les recrues sont arrivées, I j
I cette annce-ci, elles sont plus nomoreuses que I j
| jamais, — et l'Association agrandit son domicile I
| et l'embellit; c'est la preuve, comme on dit, ! a
I qu'elle fait bien ses affaires. (
I Pour (lue l'Association ait ainsi duré, il faut I
I qu'elle ait été sagement conduite. Elle l'a été en I V
I ell'et, aussi mérite-t-elle d'être complimentée J b
| devant vous. Si vous aviez le temps d'écouter I s.
I son histoire, nous y rencontrerions dl) jolies I v
I journées où elle a représenté: avec une dignité I 1)
I charmante, en France et à l'étranger, la jeunesse I v
| de l'Université de Paris. I
I | Pl
I Puis après avoir exprimé le regret de I d
I voir que tous les sociétaires ne participent | d
I pas également à l'œuvre commune, M. La- I m
I visse a ajouté : I (j
I Une association d'étudiants, c'est un lieu où I p
I les compagnons du beau métier d'intelligence I qH
I sont réunis. Le métier se subdivise, il est vrai, |
1 mais un moteur commun met le travail en mou- I
j vernent dans tous les ateliers : la Sienco. La I V,
I Science est la commune patronne de la confré- I
I rie des étudiants. Tous lui doivent un culte. Ici I h,
I l'étroitesse des spécialités doit disparaître. Une I Ir:
I mutuelle éducation y peut naître de la cohabita- I rt
I tionmèinc. Les étudiants de toutes sortes d'étu- I
I des qui se rencontrent apprennent beaucoup I d
.les uns des autres, s'ils causent de leurs études. I -
I il ne leur serait pas diilloilc d'ailleurs d'obtenir I
l la collaboration de ces vieux étudiants, les pro- I
[ fesseurs de leur Université. Si les jeunes gens I gi
[ organisaient chez eux une commune vie iutel- I d(
lectuclle, de temps en temps viendrait quel- I
qu'un de nous, parler du travail de sa vie dans | so
1 intimité d'une conférence, avec la sincérité bt
d'une conversation familière, de maître à com- j pf
pagnon, d'homme à homme. Ces causeries | V,
seraient utiles aux jeunes et les anciens y I
6rendraient plaisir. Cest une des belles éino- I la
ons humaines que l'on ressent à transmettre I
fi la lampe » aux mains qui doivent la prendre I de
pour Mais la porter après nous, plus loin toujours, ch
lais cette vie intellectuelle, il faut que les si,
jeunes gens commencent par l'organiser. Tout I Pa
esL à faire encore ou à peu près.Jusqu'à présent, j ^
1 étudiant en droit reste l'étudiant en droit, I
l'étudiant en lettres reste l'étudiant en lettres; I
ainsi du reste. De petites chapelles sont juxta- J qr
posées, reste à bâtir la grande nef. 1 re
M. Lavisse rappolle ensuite quels sont les se
devoirs d'une association de jeunes gens et I
il termine en disant : I
Ainsi, une Association d'étudiants doit être un
foyer d'intense vie intime, rayonnant au dehors. I JJ1
Nous n'ignorons pas du reste, Monsieur le Pré- I d,e
sident. qu'elle est une Société de jeunesse, et si I tic
elle n'avait ses jours de franche gaieté française, I
vous en seriez comme nous étonné et inquiet. I Ec
Mais c'est un chapitre où les étudiants n'ont pas I Ql
besoin d.exhortatlOns ni de conseils. Notre rôle I
est de leur proposer un idéal. Cet idéal est-il
trop élevé".' Vous ne le croyez pis, Monsieur le I
Président de la République, ni vous Monsieur le I ,tÇ'
président du Conseil, ni vous, Messieurs les mi I ni
e8 I nistres. Vous qui gouvernez la République, y ou $
bs I n'êtes pas venus employer une heure de votre
3 I temps pour voir de futurs magistrats ou avocats
, j I ou professeurs ou médecins ou pharmaciens, un
moment groupés en vue de se procurer quelques
l' petites commodités et agréments, et qui s'en
u- iraient ensuite disséminer dans la nation leurs
Li- I individualités uniquement occupées d'ellcs-mé-
e, | mes. Vous êtes venus rendre visite à la jeunesse
et I et lui dire que vous attendez d'elle deux choses :
I qu'elle cultive largement son intelligence,qu'elle
. I prenne le respect de la science, la souveraine du
I présent et de l'avenir, et aussi qu'elle se prépare
a" j a bien servir tadcmocratie,souveraine cllcllussi
58 j d'aujourd'hui et demain.
ss I Michelet, il y a cinquante ans, s'affligeait de
le I voir la France divisée en deux nations, une pe-
9 I tite, qui avait, parmi ses privilèges, la culture
;s I intellectuelle, et l'autre, la masse, le peuple,
I comme on dit, expression singulière, qui semble
. - | signifier : ceux qui ne sont pas nous, les autres.
a I Michelet assignait au jeunes gens de son temps
1- I le devoir de se-faire les médiateurs entre les
1* I deux nations et d'achever ainsi l'unité de la
tt f France. C'est vraiment l'œuvre qui s'impose aux
j I générations d'aujourd'hui, car notre avenir, no
I tre avenir unique — mais très beau, c'est d'a-
18 r I chever dans la démocratie républicaine, — la
£*| patrie française.
; I Un ban salue le discours do M. Lavis ^0 eL
| I les applaudissements éclatent de toutes
9 I parts, tandis que du dehors, on entend le
. I bruit des acclamations de la foule, qui,
• I sur l'air des Lampions, ne cessait de pous-
l I ser les cris de « Vive Loubet! » ontremèlés
• J de ceux de : ci Vive la République ! »
' I M. Loubet, prenant alors la parole, a pro-
I noncé le discours suivant dont chaque
l phrase a été soulignée par les marques
. I d'approbation de l'auditoire :
- I Messieurs.
- I Votre Association est prospère et j'éprouve une
I joie bien vive à le constater.
5 I Ici, vous avez voulu créer un foyer de travail,
y 1 I de discussions courtoises et de plaisirs honnêtes
• I OIi se fondent les dillérences que les origines,les
• I tempéraments, l'ambition et la fortune peuvent
I mettre entre les hommes.
, ! Vous savez que si la liberté n'est possible que
- I par l'obéissance de tous à la loi commune, elle
. impose à ceux qui veulent connaître ses bienfaits
. I l'exercice d'une vertu difficile : la tolérance.
I Vous montrez ce que peut faire la force des vo-
lontés unies, quand une pensée sage les dirige,
> I et qu'elles joignent au plus pur patriotisme le
• I double charme de la gaieté française et de la jeu-
l I nesse.
I En venant apporter a une telle œuvre un té-
I moignago de cordiale sympathie, — attristé tout
[ au plus par le regret do vous parler aujourd'hui
1 I d un peu loin et de n'être plus jeune que par le
I CŒur, je suis heureux de constater combien ont
■ I raison ceux qui ont foi dans un lendemain répa-
■ I rateur d,) nos orages, et dans le triomphe pro-
1 chain,définitif, de la paix sociale. Vous serez les
I artisans de cette paix,«Messieurs,vous, la France
1 I de demain. Et vous le serez en restant tldèles
I aux sentiments généreux de votre Association,
I si bien formules tout à l'heure par le m.t!trc
I illustre, qui s'est fait pour vous un camarade et
I qui doit son autorité à l'ardeur avec laquelle il
I défend vos propres principes : ):L passion de la
I science, do fa justice et de la liberté, le respect
I do la personne humaine, l'amour do la Patrie et
I de la République.
I Ce discours a été accueilli par de chaleureux
J applaudissements.
I De nouveau, les cris de « Vive Loubct!
I Vive monsieur Loubet! (sic) Vive la Répu-
blique ! » éclatent dans les quatre coins du
salon, et ils ne s'apaisent que lorsqu'on
I voit M. Georges Leygues s'avancer vers le
I Président de la République et le prier "de
I vouloir bion remettre lui-même à M. Tcr-
I rel, vice-président de l'Association, et \1 l'un
I de ses membres les plus actifs et les plus
I dévoués u, les palmes d'officier d'académie.
I M. Loubet s'acquitte de fort bonne grâce
I de cette mission, et M. Terrel répond qu'il
I pense que c'est l'Association tout entière
I qui est honorée en sa personne.
I M. Marcombes prie alors M. Loubet de
I vouloir bien visiter les nouveaux locaux.
I Le président, avec son habituelle bon-
I hommie s'extasie sur la beauté et la com-
I modité des diverses salles dont nous avons
I récemment donné unedescriptiondétaillée.
I — « Comme vous devez bien travaittet'
I dans ces belles bibliothèques, » dit en sou-
I riant M. Loubet.
I — « Très bien, » en effet, répondent sans
grande conviction les étudiants qui le gui-
dent.
Après avoir parcouru les locaux de l'As-
soctation, le Président s'est arrêté dans le
bureau du comité où un lunch était servi.
Comme les acclamations de la rue redou- ,
blaient d'intensité. M. Loubet se mettant à
la fenêtre, a salué la foule.
De toutes parts alors ont éclaté les cris ]
de : Vive Loubet ! Vive la République 1 Les
chapeaux s'agitaient, et des maisons voi- (
sines dont les fenêtres étaient garnies ,
partaient des acclamations à l'adresse du (
Président.
Il était deux heures moins un quart,
qnand M. Loubet, toujours très acclamé, est
remonté en voiture pour regagner l'Ely- j
sée. 1
Avant de se retirer, le Président de la ,
République s'est fait inscrire comme mem- (
bre fondateur de l'Association, et il a re- ,
mis à M. Marcombes, président, la somme (
de cinq cents francs pour prix do sa cotisa- ,
tion.
Pendant longtemps encore, la rue des
Ecoles a retenti des cris les plus divers.
Quelques jeunes ont essayé timidement cie
pousser des exclamations hostiles, mais
devant le nombre imposant des contradic-
teurs ils ont dli abandonner la place et l'on
n'a plus entendu que les cris de : « Vive la
république! » entremêlés de. Conspuez
Roche fort » êt de la obaDIOD nouvelle faîte
sur M. Dèroulède :
Déroulède à Charenton, ton taine
Déroulède à Charenton ton ton !
Au milieu des manifestations et des ova-
tions, le bureau de l'Association et ses in-
vités se sont rendus & la Sorbonne, dont le
grand amphithéâtre était bondé, jusque
sur les gradins les plus élevés, d'une foule
très nombreuse et brillante.
Dans la tribune officielle, avaient pris
place MM. Leygues, Deschanel. Gréard,
Lavisse, Lucipia et tous les membros du
comité d'organisation.
Le concert, qui a obtenu un plein succès,
a commencé par l'exécution de la Marseil-
taise, puis on a applaudi Mmes Moreno,
Maguera, Odette Du lac ; MM. Soulacroix,
Chambon, Le Bargy, de Max, et quantité
d'excellents artistes qui avaient tenu à ap-
porter àoette fête de la jeunesse le concours
de leur talent.
Pour terminer les réjouissances, hier, à
huit heures, un grand banquet,sous la pré-
sidence de M. Larroumet, réunissait, au
café Voltaire, maîtres et élèves, académi-
ciens et étudiants.
Au (dessert. M. Larroumet a prononcé
quelques paroles auxquelles M. Marcombes,
président de l'Association, a répondu en ces
termes :
Mon cher maître,
Rassurez-vous, vous êtes seul à avoir pensé
que vous n'étiez plus assez jeune pour fréquen-
ter chez nous. Mais que vous avez raison (id ne
pas vouloir vieillir 1 Oh ! certes il ne dépend pas
de nous qu'une année ne s'ajoute à l'autre et
qu'un et un ne fassent deux. Je n'ai jamais corn-
pris pour mon compte que Cicéron ait fait un
livre pour consoler les hommes d'une addition.
En cette matière, accepter sans phrases ce
qui ne peut pas ne pas èlre, est, à mon sens la
suprême philosophie.
Toutefois il est quelque chose qui ne peut pas
vieillir en l'homme parce que cela ne tombe pas
sous la loi du nombre. Et il se trouve, qu'à tout
prendre, cela seul vauta en lui. L'homme vaut
surtout par sa pensée, et. mieux encore que par
sa pensée, par sa volonté. Si la jeunesse est
boniie c'est qu'à cette âge, la volonté est plus
vivante et plus forte, plus forte de la possibilité
iudéllnic du l'action. La jeunesse n'a qu'un pri
vitt'gc: le temps dont elle ne mesure pas le prix,
parce qu'elle croit l'avoir à profusion. Aussi ce
privilège, ironie des choses! est il la source d'un
défaut.
Qu'importe du reste le temps lorsqu'on s'ét'':vc
à la hauteur d'idées où vous vous êtes place.
Dans l'universelle relativité, quelque infinie que
soit le prix de la personne humaine, l'individu
n'est qu'un annc.iu delà chaîne, pour me servir
de votre express.on même.
Ah! mi ssicurs, laissez-nous vos haines et vos
passions, le souvenir des hontes et l'espoir de la
réparation. Gardons au cœur le métnc credo.
De toute mon àme, monsieur, je lais un acte
de foi en la liberté
Rien n'est bon que ce qui est librement voulu
et librement fait ; il n'est pas de principe qui
domine celui-là. Mais que la liberté soit pour
tous la même, qu'elle soit faite de respect et de
concessions les uns pour les autres.
M. Marcombes continue ensuite pari ex-
position du rôle d'une association d'étu-
diants, dont la devise doit être : Tolérance.
S associer c'est du moins accepter de marcher
de front dans uncvoi'; commune, et vous sentez
comme moi que s'associer c'est déjà un peu
s'asservir, si doux et si léger que soit ln joug.
Le malheur est que le vice inhérent a toute
association, en fait à notre époque et parmi les
étudiants surtout, une désespérante acuité. A
mesure que se sont faites plus dures les condi-
tions. L'individualisme est devenu plus fé-
roce. La saine idée de liberté a dévie de son
sens fondamental. On diraiL qu a la fave r
d'une paix de trente ans, les vieilles passions se
réveillent au milieu des forces inemployées.
Les immortelles principes dont vous affirmiez,
tout à 1 heure l'éternelle actualité, semblent
s'énerver au sein des discussions stériles.
Nous avons répudié la neutralité totale, la-
quelle est une défaite de la volonté, nous n'a-
vons pas davantage voulu l'aflirmation hautaine
et touchante, laquelle est exclusive do la dis-
cussion et de la pensée libre.
Nous avons dit simplement que plicés entre
le monde d'hier et celui d'aujourd'hui nous
avions plus que jamais la foi cri l'évolution dé-
terminée des choses, au progrès inlini qui ne
souffro ni arrêt, ni recul.
M. Marcombes termine en buvant à M.
Larroumet, aux notabilités qui assistaient
au banquet, à ses camarades, au Président
de la République, à la longuo prospérité do 1
t'.\ssociailon des Etudiants.
Aux côtés do MM. Larroumet et Marcom-
bes se trouvaient : 1
MM. Casimir-Perier ; Leygues, ministre
de l'Instruction publique; Liard, directeur '
de l'Enseignement supérieur ; Lavisse ; Lu- 1
Dipia, président du Conseil municipal. 1
MM. Waldcck-Rousseau, Millerand et 1
Baudin s'étaient fait excuser.
Les étudiants so déclarent enchantés de
leur journée et ils ont raison car une fète
tic ce genre prouve qu'il existe entre les
membres des diverses Facultés une entente
et une solidarité parfaites; elle prouve
aussi que l'élite de la jeunesse intellectuelle
cii Franco est animée de sentiments nelte-
menls républicains et cela nous est pour
l'avenir une consolante garantie.
JEANNE BRÉMOND
SU8AR PERNCT
Nouvelle Gaufrette vanille.
POLITIQUE ETRANGERE
La Guerre au Transvaal
Si les feuilles anglaises, depuis deux
jours, représentent la république trans-
vaalienne, comme demandant la paix, ce
n'est pas sans intention. La manamnc est
facile à démasquer; il est évident que
l'Angleterre ne peut jj'empêcher do rocon.
naître qu'elle a fait fausse route. Dans uno
audience que personne ne démentira, et
accordée hier par Guillaume 11 à M. Cham-
borlain, il aurait été question de travailler
à la fin de cotte guerre. Si l'on on croit les
rumeurs émanées du cabinet anglais, l'em-
pereur aurait manifesté hautement sa dé-
sapprobation de la campagne entreprise,
et M. Chamberlain aurait été chargé du
développement des conditions auxquelles
le Foreign-Office consentirait à traiter des
questions de la paix.
Quoi qu'il en soit, on so demande si la
victoire de Belmontva être suivie de plu-
sieurs lendemains ; lord Methuen est-il
réellement victorieux sur la route de Kim-
berley, principalement au passage de la
Madder? Si le rait se justifie, la route do
,,Kimberley sera dèblayéo par les troupes
anglaises. Pn pareil cas, la garnison do la
place sortirait, et prendrait très probable-
ment les Bocrs de flanc.
Quant aux faits qui semblent se préci-
piter autour de Ladysuiith, il estindéniable
qu'ils sont d'une exceptionnelle gravité et
que, sous peu, l'on aura d'importants dé-
tails qui justifieraient l'altitude des Hollan-
dais du Cap, s'enrôlant au service des
Boers.
A Mafeking, la garnison est, nous assure-
t-on, pleine de courage. Le bombardement
n'a pas causé un mal sérieux, car il s'effec-
tuait à une portée de 12 kilomètres. Seuto'
ment, à force de s'approcher de la place,
les Boers finiront par atteindre les assiégés
à coups de fusil.
En dernier lieu, une importante commu-
nication, venant du Cap, mais de source
anglaise, est faite dans les sphères politi-
ques. Le juge Gre^orowski et plusieurs
personnages influents du Transvaal, au-
raient pris la inor à Delagoa-Bay pour to '
Cap, envoyés par le président Kriiger. 1-;11
presence de la concentration des forces
britanniques, ils seraient chargés d'une
mission auprès des autorités anglaises,
mission ayant pour but — par tous les
moyens quo la diplomatie Imetlrait à leur
service, — de prévenir los terribles consé.
quences de l'invasion étrangère.
Le ministre de 1.. g:iorro publiait hier
la nouvelle d'un second engagement du
général Mcthucn; elleestainsi conçue:
Le Cap, 20 novembre, midi.
« Lord Melbuen annonce qu'hier, 25 no-
vembre, à trois heures et demie du matin,
il s'était mis en marche avec la 20 brigade
navale et doux batteries et suivi des gardes
avec des bagages. Il rencontra près de (!ras-
pan 2,[,00 Boers avec six canons et deux mi-
trailleuses.
I( Le: combat s'engagea à 6 h. du matin.
L'artillerie bombarda les hauteurs avec uno
grande précision jusqu'à ce qu'elles parus-
sent suffisammenl dégarnies. L'infanterie
et la brigade navale marchèrent alors à
l'assaut. Les hauteurs furent emportées à
10 heures du matin après un combat acher-
ne. Il
IBO.
Autriche
La solution du compromis austro-bon*
grois peut être regardée comme achevée;
tous les points en litige étaient, il y a quel-
ques mois, réglés par le cabinet Thun et 16
cabinet Szell ; l'accord sur les chiffres prO'
portionnels des quotes-parts, dans les dé-
penses communes reslait seul à mettre.
Cet accord s'est fait; toutes los difficultés
se trouvèrent donc levées de ce côté île la
Hongrie. Malheureusement, le Heischralh
va soulever un obstacle imprévu ; le parti
jeune tchèque veut absolument j'a démis-
s'on du comte Clary, ne lui pardonnant pas
d'avoir abrogé los ordonnances sur rem-
Do ploi des langues en Bohème et en Moravie.
e plus, ils ont le même ressentiment
contre le ministre de It Justin, pour avoir
fait l'application aux tribunaux de Bohèlne,
des mesures que le retrait des ordon-
nances justifiait.
Le cabinet Clary devait donc démission-
ner. En pareil cas, il 50 formerait un autre
cabinet de fonctionnaires chargés d'expé-
dier les affaires courantes, et Je régler 1.
compromis avec la Hongrie.
Italie
Le Conseil des ministres s'est occupé, CI
ces derniers temps, d'une demande
on pas manqué de mettre en rapport. cette
demande avec les rumeurs qui circulaient
et montraient le pouvrrnernêril en proie à
des inquiétudes au sujet de la possibilité
d'une guerre.
Or, s'il existe un projet de défense IlIlIi-
lairc, c'est au point de vue des nécessité?
de combler certaines lacunes. L'état-iuu|or
italien sontrc, pour la première l'ois qu'il
est indispensable à l tall\.l de défendre sa
frontière orientale -- culte frontière t:Lâllt
toujours ouverte comme au temps où
LA SEMAINE
ARTISTIQUE
Les Expositions
t.c Luxembourg au matin, au soir, au
pt.ntctnps, it l'automne; le Luxembourg
avec ses nobles terrasses, sa fontaine ro-
mantique autour de laquelle s'éplorent les
jeunes chagrins et aiment à errer les jeu-
nes rêves ; avec son bassin dont J'eau a
pair les navires nains qui s'y font des pé-
nis o t'ancsques ; avec ses riches Heurs et
ses beaux arbres qui étendent leur grande
ombre sur des gazons lisses, le Luxem-
bourg...,chez Ollendorir (50, Chaussée d'An-
tin), eu une série d'aquarelles de M. Paul
Ilossert.
Huit de ces paysages sont sur toiles. Ce
qui permet, selon l'explication du peintre
lui-même, une manière plus large dans
l'aq uarclle,
M. i'ant Hosscrt expose aussi quelques
ma¡'iIles. Il a regardé les plages aux heures
aveuglantes, quand elles reverbèrent une
clurlé chaude et sèche. Enfin, un Porl de
Iloujieur, barques goudronneuses, s'amar-
rant sans hâte aux vieux quais noircjs,
évoque poétiquement la rude vie du pê-
cheur.
Uno visite aux Gobelins
Avant qu'elles ne fussent définitivement
enroulées pour le voyage — elles vont aller
au f.harnp de Mars, — j'ai voulu regarder
dans leur lieu d'origine les tapisseries qui
doivent figurer à l'Exposition. 11 va de soi
que la vue en est interdite au public.
Mais un no parvient au sanctuaire où
elles attendent l'emballage officiel qu'en
traversant les ateliers. J'ai donc eu la chance
d'abord, d'une très intéressante initia-
tion.
En bas,ce sont les métiers les moins célè-
bres, les métiers à moquette. Les rinceaux
et arabesques hauts en couleur et veloutés
du plus grand tapis qui se confectionne en
ce moment, iront s'arrondir sur les plan-
ïbers do l'Elysée...
L' premier étage appartient aux fameu-
ses tentures murales. Cest là, comme di-
sait Perrault,
C'est là (lue la !'«uljrc arec !'cr et la soi.\
Des ,,ran -i ornements tous les charmes déploie,
Et que 1 1 docte aiguille atte tant d'agrément
Trace l'heurciis succès de chaque évéïie^kcnt.
Là, patiemment, et parfois selon la ma-
Ilièrc de Pénélope quf.ud la satisfaction
n'est pas absolue, «es maîtres-tapissiers
tocoiD olissent )£ar cI.uoû travail dt oooit.
Jeunes Maîtres, pour la plupart. Jeunes
hommes fort épris de leur art minutieux,
point du tout humiliés d'être ainsi — joli-
ment — tombés, non en quenouille, mais
en navette... Et cependant, est-il sur qu'ils
ne verraient pas un désir ridicule de se
masculiniser, dans l'idée qu'auraient les
femmes de se tourner vers les Gobelins —
où vraiment les occupations sont essentiel-
lement féminines/'
Comme je m'étonnais que là où se fait de
la tapisserie, il n'y eût point de femmes,
mon très aimable guide, du ton de quel-
qu'un qui souscrirait au bon sens d une
idée, s'excusa : Il Mais aucune Française ne
l'a jamais demande... »; puis sans faire du
mot quelque chose de bien offensif, il
ajouta : Il Vous savez, la routine Mais
nous avons des raccommode uses et nous
avons eu parfois dans les grands ateliers
des étrangères envoyées par leur gouver-
nement pour faire aux Gobelins leur édu-
cation dans l'art de la tapisserie... »
... Tout en causant, je regardais les
grands panneaux mi-achevés sur les mé-
tiers: L'arrivée de Jeanne d'Arc devant Patay
du J. P.Laurens, les Arts et les Scicnces pen-
dant la Renaissance, de Ehrmann, etc... et
particulièrement la copie du portrait, par
Mme Vigée-Lebrun, de Marie-Antoinette.
La robe de velours a des cassures que
la plus onctueuse peinture peut lui envier.
Cette robe somptueusement rouge, rappelle
triomphalement la vieille tradition des Go-
belins. La légende veut que Jean Gobelin
ait choisi pour s'y établir, les bords de la
Bièvre, à cause des vertus attribuées aux
eaux de cette rivière pour la teinture en
écarlate...
Enfin d'ateliers en ateliers — partout le
travail est actif et artiste — me voici dans
la grande galerie où la vieillesse magni-
fique des tapisseries centenaires veille sur
l'éclat neuf des tentures toutes modernes
destinées à l'Exposition.
En les comparant, je remarque que la
facture des jeunes Gobelins est plus large,
plus décorative que celle des ancêtres. Il
ne semble plus que,point par point. la trame
ait été couverte. C'est plutôt comme si un
peintre avait pris quelque fin tissu de laine
pour son tableau. Plus de fignolages acadé-
miques dans la copie des teintes. Les tapis-
series y gagneront sous la patine des an-
nées une beauté de fresque — au lieu de
n'être pour la postérité que de laineuses
mosaïques déteintes.
Cette heureuse révolution est due, parait-
il, à l'initiative de l'éminent administrateur
des Gobelins : M. Guiffrey.
Les tapisseries qu'on verra en 1900 repré-
sentent : l'Exploration de l'Afrique, d'après
Rochegrosse; les apprêts d'un tournoi, la
Vision de Jeanne Id'Arc et une autre Jeanne .
(FArc encore d'après J.-P. Laurens; La Si-
rêne et lepoète, d'après Gustave Moreau.
Cette dernière tapisserie est particulière-
ment curieuse. A juste titre, la manufac-
ture en est toute fière. C'est une fantasma-
gorie de couleurs, un agencement de tons
inusités en tapisserie. Cela brillait un peu
comme un vitrail dans le crépuscule d'au-
tomne.
Quatre heures!,.. Il faut redescendre...
Par une porte ontr'ouverto, j'aperçois le
village des tanneurs : maisons de guingois,
avec des terrasses superposées où sèchent
les cuirs que des fumées âcres boucanent.
Encore un pas, et je suis sur une large
chaussée, sur le couvercle de pierre qui
défend la manufacture contre les clapotis
infects de la Bièvre : Car, on recouvre la
petite rivière hideuse et empoisonnée ; elle
n'imite plus sous le ciel de Paris quelque
lamentable canal de Venise, que sur un
espace de cinquante mètres.
De l'autre côté de la chaussée, c'est le
jardin des Gobelins, — le grand jardin,
coupé de haies, pour que chacun des artis-
tes-tapissiers ait un petit chez-soi de na-
ture, le fraternel et pacifique jardin.
Est-ce l'infiltration des eaux de la Biè-
vre qui entretient là cette fraicheur de
végétation ? Les premiers froids l'ont à
peine offensée. Il y a des chrysanthèmes
chevelus à mines de fleurs printanières
dans la verdure résistante.
Et le spectacle de ce jardin fait songer
soit à quelque ancienne communauté mi-
roligieuse, mi-artisane, vivant anachro-
nisme dans le Paris d'aujourd'hui, soit à
quelque phalanstère, humble modèle d'una
future cité communiste.
Les parures de Paris
L'essai de décoration murale du square
de l'Abbaye indique les temps proches où
les faces moroses de nos monuments s'ani-
meront par la couleur.
Le jardinet municipal, pris dans l'encoi-
gnure que forme l'église Saint-Gcrmain-
des-Prés avec la maison de rapport qui s'y
adosse, est attristé par le mur laid et gris
de cette maison. Un lierre y monte avec le
souci artiste de masquer la chose bour-
geoise — la maison — qui ose voisiner
avec la précieuse chose d'art — l'église.
Mais la Ville n'a pas voulu laisser toute la
tâche à la généreuse plante. Elle s'est sou-
1 venue d'un grand bas-relief acquis par elle
au Salon de 1897 : les Boulangers, cette
belle sculpture d'Alexandre Charpentier, en
grès flammé d'Emile Muller. fit elle a eu
l'idée heureuse de sortir de leurs oubliette*
ces briques d'art, que peut-être un jou?
elle eut cloîtrées dans quelque musée où
elles auraient attendu le visiteur, et de les
, sceller en plein air,, d'en offusquer le vilain
mur pour la réjouissance de tous les re-
gards.
Voici donc un noble et judicieux emploi do
la céramique tiécoralive.On ne l'avait guère
vue jusqu'à présent qu'au-dessus des fenê-
tres des villas à forfait, en bandeaux ornés
d'entrelacs vulgaires, — ou encore en sta-
tues égrillardes qui servaient d'enseignes
à de grands cabarets chics... C'était du dés-
honneur. Maintenant réhabilités, les grès
flammés vont certainement prendre rang
dans les parures architecturales. Peut-être
même leurs succès dans nos rues et nos
carrefours — quand l'art du céramiste aura
encore progressé -- rendront-ils jaloux
quelque jour les merveilleux lions de l'an-
cien palais persan, dont le pelage d'émail
luit dans l'ombre solennelledu Louvre...
L'opération du montage des Boulangers
s'achève. Bien entendu, malgré ses belles
dimensions, le bas-relief n'cstqu'un tableau
de moyenne taille sur le grand mur de plu-
sieurs étages — dont le haut, d'ailleurs,
restera quelque temps encore piteusement
nu. Mais, quand le lierre y aura monté, lies
Boulangers, belle composition à la gloire du
travail, ressortiront, sur ce fond toujours
vert, dans toute leur splendeur poly-
chrome.
B L'image symbolique ayant généralement
précédé la page écrite, faut-il saluer dans
cette tentative une première forme de
l'idée que suggéra ces jours-ci Paul-Adam :
inscrire aux façades,en luisantes et douces
lettres céramiques, des paroles do beauté
bienfaisante.
L'orchestre à l'église
A Saint-Eustache, vendredi, pour la messe
annuelle-de Sainte-Cécile — courue cette
fois comme une première de théâtre et, de
fait, théâtrale, puisque musicalement di-
rigée par Danbé.
Seulement Sainte-Cécile, sainte exaltée
mais sévère, martyre, épouse et vierge, de
la droite de Dieu où elle trône, approuve-t-
elle qu'on la célèbre en cérémonies aussi
monaaine3 et par un concert d'instruments
profanes? Si elle accepta d'être la patronne
de la musique et, à ce titre, portraiturée
par Raphaël et par Flandrin tenant un luth,
sans avoir été musicienne autrement que
pour chanter <« dans son coeur » les louanges
de Dieu, elle ne crut sans doute patronner
que de la musique la plus austère : la mé-
lodie des Ames qui montent d'un vol grave
vers les béatitudes.
Il faut que les puissances célestes aient
perdu de leur autorité, ou bien abandon-
nent dédaigneusement la terre, ou encore
que l'esprit du siècle les aient converties,
pour que Cécile ne proteste pas chaque no-
vembre, quand son nom est sanctifié à
renfort d'orchestre.
Car l'orchestre à l'église, ce sont les pas-
sions terrestres qui se mèlent, pour les do-
miner, aux élans pieux. C'est la fin du re-
cueillement mystique, du rêve halluciné
que traversent des ombres menaçantes ou
glorieuses. L orchestre précise les émotions
qui n'ont pas le ciel pour objet, les bruits
de la IS'aturo, les joies ou les douleurs hu-
maines, tous les mouvements do !a Vie. Sa
voix peut s'élargir. Elle ne se spiritualise
pas. Il déclame à l'égliso et y garde un
accent étranger.
La messe de M. E. Paladilhe dont on ho-
norait cette fois Sainte-Cécile, — messe
avec soli. chœurs, orchestre et orgue, dé-
diée à la mémoire de Gounod et qui, sans
doute par une flatterie posthume, s'est
adressée, pour l'inspiration, aux anges de
Marguerite, — cette messe à récitatifs plu-
têt voluptueux, et à marches assez triom-
phales, n'atténue pas ce que l'instrumenta-
tion moderne apporte à l'église de mondain
— au sens anti-chrétien du mot. Puis les
nefs de Saint-Eustache — trop claires à
midi — n'apaisaient pas ces sonorités pro
fanes. Celles-ci se mettaient à l'aise dans la
lumière qui entre excessive par la grando
ellipse des fenêtres, — dont la plupart sont
maintenant pourvues d'indigentes vitres
colorées q«i ne sauraient prétendre à s'ap-
peler vitraux.
Affiliée à l'idée chrétienne inscrite élo-
quemment dans l'architecture gothique de
sosornementsextérieurs.mais par sa struc-
ture intérieure,aux traditions païennes dont
la Renaissance secoua lo long sommeil,
l'église de Saint-Eustache n'a pas l'ombre
spacieuse des monuments que la foi pure
éleva. C'est au jour tombant qu'avec ses
pilastres rapprochés et démesurés, elle
prend une majesté d'étr&ngo forêt toute
d'arbres géants.
Il est vrai que si elle ne modère pas les
éclats presque hérétiques de l'orchostre,
ils sont pourtant, chez elle, moins déplacés
que du sous les voûtes recueillies des églises
u XIIe au xv,, siècle.
Dans ces vieilles cathédrales l'orgue doit
rester roi. Sa voix de tristesse orgueilleuso
les emplit. Et de même que dans une pa-
gode ou uno mosquée la présence do l'or-
gue serait dérisoire, de même les instru-
ments do l'orchestre, par tout ce qu ils
disent des passions do l'homme, ne sont
pas adéquats aux lieux qui symbolisent la
religion monacale des siècles profondément
chrétiens.
Comme alors la foi était habile à trouver
tout ce qui pouvait exciter les ferveurs re-
ligieuses! Elle ne précisait rien. Par tous
les moyens, elle jetait les âmes dans un
trouble fiévreux, les tendait vers un confus
idéal dogmatique. Les brumes fantastiques
. des églises, leur odeur do sépulcre secon-
dées par les harmonies flottantes de i'orgut
inspiraient une sorte de terreur sacrée.
On prenait là, le goût du mystère, On y
cherchait une émotion, des désirs values,
des craintes exquises, un désespoir qUI s'é-
croulait en extase. L'amour divin triom-
phait par le frisson. « Il n'est Ame si revosche
qui ne se sente touchée de quoique rêvé-
rence à considérer cette va^tité soinhre de
nos églises et ouïr le son dévotieux du nos
orgues... » Ainsi disait Montaigne. Kt ces
paroles attestent les effets produits par les
cathédrales du Moyen âge, sur les ,( mes,
même élargies, comme celle do 1 ':iiiteur
des Essais, par les incertitudes les ni LIS in-
trépides.
Aujourd'hui que les douleur s sont nom-
breux et qu'ils n'ont plus dan., leur sensi-
bilité rhél'ilag-c immédiat des croyanis AO.
thiques, ils n'éprouvent guère cet atten-
drisseinent craintif des l'entrée sou--, la
porche ogival.
Mais il est un sentiment d'ordre religieux
qui doit subsister : lo respect des beiles et
vénérables choses d art.
Il y eut un temps où Lotis J,'s arts en-
traient en religion : architecture, peinture,
sculpture, musique, ne sc; mettaient en frais
que pour Dieu. Leur entente fut admira-
ble. Les désunir, c'est les détruire.
L'orchestre, quolle que soit la beauté de
sa grande voix souple, complexe, 1 rise le
recueillement dos églises. Il n'y est puint
dans son décor. Kl ses échos symphoniques
étonnent et défigurent les vieilles pierres
si longtemps baignées par los ondes lentes
du plain-chant.
( (Avant d'abandonner la musique k l'égiise,
revenons à Saint-Kuslacho pour déplorer
quo ce beau temple non seulement 110 soit
pas encore dégagé do l'amas d'affreusos bâ-
tisses qui en cachent tout un côté, mais soit
à chaque instant gâté, pour l'œil du pas-
sant par d'interminables travaux de répa-
ration. C'est au seul liane visible une er.
pèco d'appareil orthopédique dont lt% mo-
nument lui-même à l air do se sentir hu-
milié).
HARLOR.
P. S. — Lire dans lo Ménestrel de celte se-
maine un article de M. o. Bcrggruiîn sur is
fameuse liaison de Liszt avec la princesse de
Witlgeustein.
La princesse, tt qui Liszt avait légué tous soir
papiers, ue lui survécut que quelques mois.
Elle laissa à sa fille la disposition de l'béritago
de Liszt, et celle-ci vient do publier les lettre»
du virtuose à la princesse. Ces documents nous
ot1'rant, avec les plus précieuses notes sur l'art
contemporain, la vive expressioa do la foi chré-
tienne do Liait et une ardente image de ee*
amour.
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