Titre : La Fronde / directrice Marguerite Durand
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-03-19
Contributeur : Durand, Marguerite (1864-1936). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327788531
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 mars 1898 19 mars 1898
Description : 1898/03/19 (A2,N100). 1898/03/19 (A2,N100).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k67032208
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-LC2-5702
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/01/2016
LE MINOTAURE
Je me rappelle, à la fête pbilhellèn,
donnée par la Renaissance au mois d<
mars de l'année dernière, ce vers d'.
propos qui sonna comme un cri d'épou
vante à travers la scène :
Le Iiiaetacre est toujours 11 r
Et c'était bien l'allusion aux massacre:
d'alors, exécutés tous les jours en Crèl4
sous le regard indifférent de l'Europe,
sans qu'aucun Thésée se levât du fond
des foules, pour assommer le monstre
dévoratcurde chair humaine.
Aujourd'hui, les guerres finies, les
armes bas, il semble que, sa soif san-
glante assouvie, il doive se rendormir,
enfin repu, après ce réveil terrible d'un
sommeil de tant de siècles. Mais hélas 1
il faut encore le pousser, le cri d'angoisse
et de terreur, car il est toujours là le Mi-
noiaure, non plus dans le labyrinthe de
DédaIns, mais à. ènes même, comme
si la Imifiii» jpg» prenait à présent sa
revanche à travers les âges, du tribut
atroce imposé à son peuple par 1'110 de
Crète, aux temps fabuleux. Et le Mino-
taure d'aujourd hui, lâché sur les Gré toi s
snlassLs dans les quartiers, c'est la mi-
sère, c'est la faim, c'est la contagion qui
les minent, qui les tuent, qui véritable-
ment, les dévorent comme une gueule
affamée.
Il faut par l'imagination se représenter
les détails de cette situation, pour mieux
en saisir l'horreur; il faut se figurer ces
familles contaminées, entassées par huit
et dix dans une seule cellule entre des
baraquements sans air; ces êtres enfié-
vrés, crasseux, assoiffés, agonisants et
dont on ne s'occupe pas, que l'interna-
tionale indifférence laisse mourir des
suites de la guerre après les avoir laissé I
éventrer, semblant opposer à la pitié I
l'effroyable t'te vietis du brenn à Sulpi- I
cius, on, ce qui pis est, aux demandes I
d'argent, de secours ou simplement l'in- I
térêt, des phrases égoïstes d'exténués à I
force d'entendre toujours parler de la I
même chose et qu'on pourrait résu-
mer en style moderme : « Ça embête le I
public! » I
C'est bien, que l'apitoiement ait duré I
le temps d'une vogue; mais il faut du I
nouveau et, de ces Crétois, on en a les I
oreilles rcbattucsde parte mondc;et pen- I
dant qu'on court avidement aux nouvel- I
les nouvelles, aux scandales neufs, il y a I
dans un coin de la terre une agonie en I
masse qui continue et sur laquelle on ne I
veut plus jeter les yeux parce qu'elle a |
perdu son charme de primeur! Il y a de I
ces cri mes collectifs. I
Aussi, c'est presque avec une sensa- I
tion de gêne, avec le sentiment d'une ra- I
tk*tclieuse qui se rend compte qu'elle ra- I
bâche, que je viens ici reparler à ce su-1
jet, redire qu'il faut de la pitié, crier de J
nouveau au secours à ceux qui peuvent I
quelque chose. Et je ne puis mieux faire
que de reproduire quelques fragments I '
dOnne lettre d'Athènes à moi envoyée I
tout dernièrement par ces deux admira- I
bles femmes, véritables Antigones au I j
chevet de la misère hellène, les comtesses 1j
Kapnist. I <
Elles avaient, avec un docteur grec et I i
une jeune Crétoise de bonne volonté or- I
ganisé un « comité de quatre person-1
nes » (!) et leur œuvre avait commencé I '
d'obtenir quelques heureux résultats, *
quand l'aînée des comtesses fut atteinte, 13
dans l'ile de Paros où elle s'était retirée s
pour écrire des articles de supplication <
destinés aux journaux russes, d'un ma- I <
lai se qui la força bientôt à prendre le lit I <
pour un temps assez long. « C'est au 1
chevet de cette chère malade, me dit }
l'alnée des comtesses, que je songe IJ
avec plus d'amour et d angoisse cn- j
corc a tout un quartier crétois d'A-1 j
thènes qui agonise de faim et de ma-1 E
ladie. » Et, dans la liste des personnes I t
déjà sauvées par le comité avant ce con- t
tre-temps, elle me signale : « un enfant I
atteint de la diphtérie laissé sans pain et I t.
sans soins dans un bouge; une femme se I „
mourant sans médecin après avoir mis I t(
:ltJ monde un enfant mort, de terreur I v
d'avoir assisté à des massacres en Crète; I o
une vieille pauvresse atteinte d'une in- I ai
nammation des poumons; toute une ri- S'
bambelle de petits crétois infectant la I el
ville de rougeole et n'ayant ni médica- CIel
ment, ni médecin, ni nourriture... Enfin, I ^
continue-t-clle, nous étions en train de I di
nous occuper de 700 Crétois grouillant é(
dans des baraques de bois sans fenêtres, I ui
neuf et huit familles logées dans chacune I lx
des chambres et n'ayant ni matelas, ni ré
couverture, malades tous, se contagiant I or
!es uns les autres... » I
Ne rêve-t-on pas à quelque cercle do ît?
:a Divine Comédie? I ql81
« Ah ! quelle misère, quel enfer de f co
DanteJ » ajoute la comtesse et, eonscienk
du mauvats vouloir universel,elle a'écrïe
douloureusement, fai84t.a1lulioD à l'ar-
gent qui manqué tel 4 tour charité:
« Ah 1 comme il nom te but toujours,
toujours et toujours plus ! Etant les seuls
à aider aux Crétois d'Athàaes (une so-
eiélé crétoise se bornant à leur distribuer
an matelas pour hait, dix personnes),
Jugez du nombre immense de ces mal-
heureux qui viennent à nous I »
./''viennent à elles et leurs bras cha-
ri tables sont grands ouverts à cette iD-
fortune, mais que faire contre l'empêche-
ment matériel, que foire à quatre contre
mine, que faire contre des mains tendues
quand on n'a plus rien à jeter dedans ?
Ah! que la pitié se réveille pour ces
frères lointains qui meurent et qu'on
' oublie ; quand l'heure viendra de nou-
veaux appels à la charité publique,qu'elle
ne se drape pas dans le manteau de l'in-
différence, qu'elle écoute, qu'elle pleure,
qu'elle donne surtout ! Et en attendant,
qu'elle exauce cette très simple prière
qui -torminti,it la triste lettre d 'Athènes :
« Voulez-vous faire une bien bonne
œuvre ? Parlez autour de vous avec cha-
leur et sympathie de la misère actuelle
en Grèce... a
LUCE DALRUE.
Sénat
On procède au Luxembourg à la liquida-
tion des projets soumis à une deuxième
lecture. C était hier la discussion de la loi
sur les accidents de travail dont les ouvriers
sont victimes.
L'article 5 donne lieu à des explications
en tre M. Waddington et le rapporteur, fina-
lement l'article est adopté avec la modifi-
cation proposée par M. Waddington.
Les articles suivants sont expédiés assez
rapidement, et à l'article 20, M. Garreau
demande que rien ne soit changé à la lé-
I gislation actuelle, en cas de faute inexcu-
sable de la part de l'ouvrier ou du patron.
On adopte le premier paragraphe, et ont
repousse un amendement présenté par M.
Aucoin. La discussion sera achevée aujour-
d'hui.
Les couloirs
La commission des nuances s est réunie
hier pour examiner le projet de réorganisa-
tion du marché financier.
Elle a entendu les représentants de la
coulisse des rentes et de la coulisse des va-
leurs ainsi que des agents de change de
toutes nos grandes villes.
La discussion sera longue,car la majorité
des membres sont partisans de l'ajourne-
ment de la réformé, ce qui no manquera
pas de créer un conflit entre les deux As-
semblées.
H. S.
LE
« Women's Institute »
La Fronde a publié, le 28 janvier de cette
année, une lettre de miss Edith Levis, se-
crétaire du Women's Institute, qui exprime
le désir de voir les femmes françaises
adhérer à cette œuvre essentiellement fé-
ministe.
Malheureusement les institutions de ce
genre sont tout a fait inconnues en France
et nous allons essayer de donner sur cette
Société des renseignements un peu plus
détaillés que ceux que nous avons déjà
reçus de son aimable secrétaire.
Le Women's Institute, l'Institut des fem-
mes,a été fondé par Mme Wynford Phillips
qui a été, il y a quelques années, membre
du comité du Piouer Club.
La fondatrice,qui prend sur elle toute la
responsabilité financière de son œuvre, s'est
surlout donné la tâche de créer un centre
commun pour toutes les œuvres féministes
quel que soit leur but particulier. L'Institut
est on lieu de rendez-vous, un pied à terre
pour toutes les autres Sociétés qui s'occu-
pent de la revendication des droits des
femmes et met à leur disposition, moyen-
nant une modeste redevance des salles de
réunion et de conférence et même des sa-
lons de réception. Mais son objet principal
est de former un bureau central d informa-
tions pour toutes les questions se rappor-
tant au travail et aux intérêts des femmes.
L'Institut comprend plusieurs sections :
1° Un bureau et informations dont la direc-
1 tri ce est prête à donner Lous les renseigne-
ments sur le but et le fonclionnement de
toutes les Sociétés féministes et sur le tra-
vail des femmes. Les membres de l'Institut
ont le droit de poser douze questions par
an sans rien payer. Les personnes étran-
gères à l'Institut doivent payer un shilling
et demi pour chaque renseignement. Par
exemple une dame veut établir une blan-
chisserie, (ce qui n'a rien d'étonnant en
Angleterre où les femmes du monde ne se
disqualifient pas en prenant un métier), elle
écrit à l'institut et ne tarde pas à recevoir
une statistique de ce métier et plusieurs
pages écrites à la machine où elle trouve
résumée l'expérieuce d'autres dames qui
ont réussi dans ce genre d'affaires.
20 Section des conférences. Les conférences
sont beaucoup plus répandues en Angleterre
qu'en France et les dames y prennent une
si grande part que c'est un métier d'être ;
conférencière. Le but de cette section est i
^'améliorer la situation éw
en les faisant oomWt.re. Le
rige cette section comprend pluséeut^^H
trices de collèges de jeunes nUsseH^^H
personnes éminentes du monde
taire. Pour obtenir le titre de oonférSjj^^H
de l'institut» il faut passer un exaà^^H
vut des examinateurs nommés^^HI
oomîté. Des «mfêre"êm sont en^^H
dans toi villes qui en demandent
des séries de cours dont les sujets sei^H
signée par la Société partant Iè- n9BH
University extension et qui pcépcreml|9
cours plus avaneés des oonférao£«KM
cette Société, Il est peut-être utile dfSEji
peler que les Univerilty extension leàjHHfl
sont une espèce de prolongement deséfiÉM
de rUniversité de Londres^t que cet éHMg
férences sont faites par les profeadSB
eux-mêmes.
Cette section de l'Institut a la spéstaUil
des conférences sur les élémentsdessaSi
ces politiques, et sur leur histoire. '"f~a
Plusieurs conférences de ce 'genre SMp
faites dans les Sociétés de femmes quioôi
pour but de réclamer le droit de suffeagi^
3° Un bureau de statistique qui publli-
feuilles oontenant tous les reiMetgneaieaï»
sur le travail et les salaires des fmanson .
Un dictionnaire des professions exercées
par les femmes qui est rédigé par Mme
Philipps et par Miss E. Dixon est sur le point
[fe paraître.
4° Une bibliothèque formée d'ouvrages se
rapportant spécialement aux questions fé-
mmisles mais qui comprend aussi des dic-
tionnaires et des encyclopédies, des clas-
siques, etc. Les conférencières et les élu-
hantes y trouveront en cas de besoin les
conseils des secrétaires de l'Institut et se-
@ont aidées dans leurs recherches par le
jureau d'informations.
En outre de ces quatres sections, il y a
me Société de secours mutuels pour les
emmes, une Société musicale, une Société
artistique, une Société du pays de Galles et
les sections spéciales pour l'Amérique, les
montes, l'étranger et les sports.
L'Institut sert aussi de bureau de place-
nent pour les femmes de toute profession.
Disons pour terminer que les hommes
peuvent être reçus comme membres de
Institut, pourvu qu'ils s'occupent de litté-
ature, d'art ou de science ou qu'ils aient
Il\r leurs travaux rendu des services à la
ause féministe.
CLAIRE DE PRATZ.
———mmmmm—i—
1
Mous publierons demain A la
Tribune de la cr FRONDE » :
< Femmes du Peuple Poétesses »
- par Mme n. Ktchsrt.
Maison d'éducation
DE LA LÉGION D'HONNEUR A SAINT-DENIS
Le Conseil d'arrondissement de Saint.
> Denis, trouvant que la maison d'éduca-
tion est un obstacle pour le développe-
ment de la Ville, et que la vente des
t terrains produirait des sommes consi-
dérables qui pourraient être attribuées
1 aux bénéficiaires de l'institution, ce qui
permettrait aux familles de donner à
leurs enfants telle éducation qu'il leur
conviendrait, a émis le voeu : « Que la
maison d'éducation de la Légion d'hon-
neur de Saint-Denis soient désaffectée
et que les terrains soient vendus et
livrés à la construction. »
La question de l'utilité de ces maisons
spéciales d'éducation se trouve donc
être d'une pressante actualité.
Les rapporteurs du budget nous font le
plus grand éloge des succès universi-
taires remportés par les élèves de Saint-,
Denis, Ecouen et des Loges ; on y pré-
pare des institutrices, des professeurs de
musique et de dessin ; en enseigne même
aux jeunes filles à couper leurs robes de
vacances! Tout cela est excellent, ce qui
l'est moins,c'est la réclusion absolue dans
laquelle vivent ces jeunes filles. Elle s igno-
rent tout du mondedans lequel elles seront
appelées à vivre et à se faire une place.
Malgré tous les diplômes, je crains bien
que beaucoup d'entr'elles ne se trouvent
dans les plus fâcheuses conditions pour
entreprendre la lutte pour la vie. Elevées
loin de tous ceux qui pourraient s'inté-
resser à elles, ce sont des étrangères qui
reviennent dans la famille.
Leurs habitudes, leurs goûts sont in-
connus, elles ont formé des rêves irréa-
lisables, forcément suivis de cruelles dé-
ceptions. Je crois pour ma part que l'é-
ducation de la jeune fille doit se faire
dans la famille, au milieu de toutes les
préoccupations quotidiennes des siens,
auxquelles elle prend part.
Elle s'initie ainsi, petit à petit à toutes
les difficultés qu'il faut vaincre, à tous
les obstacles qu'il faut s'habituer à sur-
monter et son esprit est infiniment mieux
trempé par cette vie réelle que par toutes
les leçons de morale données dans une
institution où tout est prévu, arrangé
pour qu'il n'y ait jamais un manquement
a la règle, où elle n'entend jamais parler
^■s la valeur de fanent, ce qui fait qu'elle
■pore absolument.
Et représenter cette jeune
^■lle sortant^» M MiaIioD et se figurant
H^apri» avoir bnm étudié, elle sait
Mises de choses pour jagner facile-
e, qH01 vivr81 Si elle n'a pas de
le Gouvernement lui accorde un
^■peours de 400 franco.
■E Lorsqa'on n'a Jamais eu d'argent à sa
Hpssposition, quatre cents francs parais-
HMjot une fortune et probablement les
BBh®vres fillettes se figurent pouvoir vi-
BBfe à 1 aise pendant quelque temps I Que
■peviennent-elles ensuite, lorsque le capi-
ml est épuisé f
K ; C'est a elles-mêmes que je pose cette
jtaestion ! Je les supplie, dans l'intérêt
'•es autres de nous dire franchement ce
'ÍU'elles pensent du système d'éducation
«es maisons de la Légion d'honneur.
Ont-elles trouvé l'emploi de leurs ca-
MCttes?
* Dans quel genre de situation?
Quelles positions leur ont été offertes?
Celles qui sont devenues mères de
famille, voudraient-elles faire élever
leurs filles comme elles l'ont été elles-
mêmes?
Voilà une enquête que je voudrais
pouvoir faire sérieusement afin dû sa-
voir si vraiment il est désirable que nous
continuions à fairo de lourds sacrifices
pour l'entretien de ces pensionnats ou
s'il ne serait pas préférable de verseraux
parents une somme suffisante, pour
élever ces enfants daus la famille.
On m'objectera qu'il y a un certain
nombre d'orphelines, mais il est rare
qu'elles n'aient pas des parentes qui s'en
chargeraient volontiejs lorsqu'une pen-
sion leur serait assurée.
Je crois que nous rendons un très mau-
vais service aux enfants en les élevant
en serre à l'abri de tous les coups de
vent de la destinée. La première brise
qui les surprend les trouve désarmés
et ils sombrent trop souvent.
C'est dangereux pour tous et particu-
lièrement pour les filles car, à côté du
péril de la faim ou simplement des pri-
vations du luxe, il y en a un autre plus
redoutable encore. Celle qui n'a jamais
appris à lutter et qui trouve au moment
du besoin une offre séduisante et parais-
santcombler tous ses vœux est bien excu-
âable de se laisser tenter, mais après ?
C'est peut-être au nom de la moralité
que nous devrions fermer ces maisons
d'éducation. Je ne veux rien préjuger,
j'attends les réponses des intéressées.
MARIA POGNON.
Le service de la FRONDE sera
fait gratuitement pendant un an
A toutes les Institutrices ayant
amené au journal trois abonne-
ments d'un an.
FAFA
Les souliers rouges
Maman a mené Fafa dans un petit
voyage à la ville, chez la tante de Fafa.
On court les magasins. Fafa aura pour
cet hiver une robe en velours et une
grande capote de soie rose : elle est con-
tente de maman. On passe chez le cor-
donnier. Fafa s'y ennuie, car là, il n'est
pas question d'elle; c'est maman qui es-
saye des bottines. Fafa se met sur la
Sorte et se distrait à regarder la montre.
h! les souliers neufs! rangés deux à
deux, soulevés par les fins talons sur les
plaques de verre. Dieu ! que c'est défini-
tivement joli et mignon 1 II y a des noirs
dont le vernis a un reflet d'argent, des
mordorés, des blancs, comme en four-
rure, pour les bébés plus petits que
Fafa, des bleus et même, oui, Fafa a
bien vu, là-haut, suspendus tout au des-
sus de la montre, des rouges 1
Elle se précipite dans le magasin :
— Oh 1 maman ! viens voir les jolis pe-
tits souliers rouges ! achète-les moi donc 1
Maman et tante se mettent à rire, bt la
marchande aussi.
— Mais puisque tu en as des bleus ? dit
maman après avoir ri.
Et la marchande ajoute :
— D'ailleurs, ceux-là, mademoiselle,
je ne puis pas vous les vendre.
Elle a, en parlant, l'air très sérieux.
Fafa comprend tout de suite que cela, ce
n'est pas un de ces mots en l'air comme
Ursule lui en dit tant pour la faire tenir
tranquille. Elle retourne devant la mon-
tre et regarde encore les souliers rouges,
portés par leurs talons sur deux branches
de cuivre. Puisque la marchande ne peut
pas les lui vendre à elle,à qui sont-ils des-
tinés ?...!! est vrai qu'aucun des passante
dans larue, n'& aux pieds dossou fiers rou-
ges...Peut-être qu'on les ii** ve aux en-
fants des rois,coIDID8 le» eonroanes d'or,
les manteaux de pourpre e'd"bèamine ,...
Fafa souhaite passionnémentdfae une fllle
de roi. Qui sait? si un roi,dans son carosse,
votait à passer, la trouvait joue et la fai-
sait enlever par ses pagea?...'Ceïa arrive
sans cesse dans les histoires d'Ursule.
Mais un bruit de fouet, de galop de voi-
ture se fait au bout de la rue : Garel
gare 1... Fafa, qui n'existe plus que dans
son rêve, tremble soudain que son témé-
raire désir se réalise. Elle s'engouffre
dans le magasin, se précipite sur maman
étonnée, et s'écrie avec sa voix des plus
grandes frayeurs :
— Je ne veux pas qu'on me prenne à
toi, maman ! je ne veux pas 1
Les noirs
L. est après une visite ,a la marraine
de Fafa qui habite une belle maison, au
milieu d'un parc, dans la campagne.
— Nous reviendrons à pied, a dit Ma-
man, Fafa est maintenant bien assez
grande pour marcher.
— Oh ! oui 1
Et Fafa se redresse entre Maman et
Ursule. Elle est fière d'être assez grande
quoiqu'elle s'émerveille à la pensée de
cette longue, longue route qui lui du-
rait tant à faire même en voiture ! Com-
ment ses souliers bleus vont-ils pouvoir
la mesurer toute, pas-à-pas, jusqu'à l'en-
trée du bourg où est la maison ?
Les arbres processionnent sur les
deux bords : combien y en a-t-il ? Fafa
compte jusqu'à sept: au-delà pour elle
c'est le mystère, l'indéfinissable et l'in-
fini... En fermant un peu les yeux, à
demi-soulevée par les mains de maman
et d'Ursule, Fafa voit comme si les ar-
bres marchaient à droite et à gauche au
lieu d'elle... Fafa pense qu'elle pourrait
se trouver seule la nuit sur cette route
sans maman ni Ursule... elle sent les
bonds d'épouvante qu'elle ferait... non
plutôt, elle tomberait là toute glacée,
incapable de remuer les jambes.
— Fafa, ce n'est pas joli de se faire
ainsi traîner...
Ursule propose de la porter une mi-
nute.
— Y pensez-vous, Ursule, une si
grande fille ? qu'est-ce qu'on dirait I
Fafa se redresse encore, quoique un
S eu moins fermement que tout à 1 heure.
Maman aurait peut-être dû accepter !
mon Dieu ! Il n'y a personne sur la route,
sauf ce bon vieux paysan, là-bas, tout
courbé près de son âne...
— Allons, Fafa, un peu de courage !
Tiens, on voit la maison d'ici 1
— Oh 1 madame, Mlle Fafa irait très
bien ! dit Ursule, mais ces petits souliers
bleus ne sont pas faits pour la marche.
Ah 1 mon Dieu 1 les voilà même percés !
En effet, un pli, comme une vilaine
ride dans une vieille figure, s'est creusé,
creusé pas à pas dans le vernis couleur
du ciel... il est devenu une déchirure par
où l'on aperçoit le bas blanc de Fafa.
— Vous avez raison, Ursule, dit ma-
man, désormais nous lui en achèterons
les noirs.
— Oh ! maman 1 des noirs?
— Oui, des beaux noirs, comme à ma-
man, ne seras-tu pas contente?
Fafa regarde les souliers de maman.
I mesure qu'en marchant elle en fait
.ortir la fine.pointe du bord de sa jupe,
.u grand soleil, on dirait qu'une petite
lamme tantôt rouge, tantôt argentée
ourt, sautille de l'un à l'autre.
— Maman, est-ce qu'ils brilleront
omme les tiens, mes souliers noirs?
Maman le promet, Ursule l'affirme,
'afa, entre elles deux, marche, tête pen- '
hée, regardant une dernière fois trot-
iner ses petits souliers bleus. Elle les 1
ompare à ceux de Maman : décidément j
s sont plus ternes ! et puis, ça n'est bon
rien, ces souliers bleus! Maman ne pa- ]
a.ît pas fatiguée, elle, ni Ursule, tandis
ue Fafa se sent les pieds meurtris, brû-
s sur cette route si dure :
— Tu me les achèteras demain, Ma- ,
lan, dis, mes souliers noirs? ,
MME ALBÉRIC-CHABROL.
INFORMATIONS
Vienne, 18 mars.
La princesse Clémentine de Cobourg
étant entrée en convalescence, le prince et
la princesse de Bulgarie sont allés faire une
excusion dans les environs de Vienne.
Selon une note officieuse, le voyage pro-
jeté à Pétersbourg aura lieu vers le 15 mai
à moins d'un revirement nouveau dans la
santé de la princesse Clémentine.
A l'occasion de l'arrivée de Cyvoct à Paris
le comité électoral constitué au XIII- arron-
dissement (2° circonscription) dans le but
de présenter aux 'proobaines élections 14
gislatives la candidature d'amnistie, Cyvon
6. 3 eaftdidct le dimanche 2V S?
î ?» i/JP l'après-midi, un vin d'honneur
à la sali» VIaoey, 1,avenue Ledru-Rollin,
De nombreux orateurs socialistes, prèU.
dront la parole. Entrée libre.
mi t.. Londres, 18 mars
On r\ télégraphie de Rome au Cent ml .\v,Vr
« Le ministre des allaires étran-.W (rr'
talie a envoyé une circulaire aux amlmsi
deurs d 'Italie leur donnant des instruction
spéciales à suivre en cas de guerre onfr»
les Etats-Unis et l'Espagne. On croit pinô
ralement que le gouvernement a prOp()Sf
aux autres puissance de prendre une aiù.
lités tude dt4eœpéCher le.; hosti,
New-York, 17 mars.
Il semble probable que le rapport de ls
Comission d'enquête sera remis à Washine
ton samedi prochain et que lundi, le préai-
aent en donnera communication au Con.
grès.
On ignore si la commission est arrivée t
une conclusion ferme.
Belmez, (province deCordoue), 18 mars
Une terrible explosion s'est produite tian!
la mine de Sainte-Isabelle. Les victime'
nombreuses ; soixante cadavres ont
déjà été retirés. La ville est consternée.
,, Le Mans, 18 mars.
de loi ans Jupilles el5 esL décédée hier à i dg(b
5 mois.
Reims, 18 mars.
y n , L... sous-chef artificier au 3
bataillon d artillerie de forteresse, s. s!
suicidé dans une chambre d'hôtel à Verz\.
(Marne).
On ignore les causes de ce suicide.
*
Vienne, 18 mars.
Affaire de Péage de Roussillon.
A la 3e audience qui a eu lieu aujour
Torgues, interrogé, a persisté ànierloà faits
qui lui sont reprochés.
Le procureur de la République, M. Bour-
feon, a soutenu, dans son réquisitoire très
étudié, la culpabilité de Torgues.
Demain, la plaidoirie.
„ Rouen, 18 mars.
On a découvert aujourd'hui, en Seine, le
cadavre d un enfant né à terme, qui parai!
avoir séjourné quatre ou cinq jours dans
l eau.
La police ne possède aucun indice per.
mettant de lui faire suivre une piste.
Bordeaux, 18 mars.
Vers sept heures éclatait un incendie con
sidérable dans les maga«ius de bois dit Xl1rc
de M. Bourges, sur la rive droite de la Ga-
ronne, entre le ponl et la passerelle du < lie-
min de fer. Des flammes d'une p-randc IHlU"
tenr eelairaient toute la ville ; près dû
soixante mille personnes étaient massées
sur le pont et les quais de la rive gauche
pour voir l'incendie reflété dans la Ga.
ronne.
Les dégâts sont évalués à plus de ceni
mille francs.
On a pu sauver les bâtiments et de;
grands magasins de bois.
A neuf heures, les pompiers rétrécissen1'
sensiblement l'incendie.
Rochefort, 18 mars.
La candidature de l'amiral Rieuner a éti
acclamée par un millier d'électeurs, réuni'
lans la salle de la Bourse.
New-York, 18 mars.
Une dépêche ., de Washington au New-York
rerald annonce que deux nouvelles esca..
Ires seraient formées.
La première, qui comprendrait des cui-
asses et des croiseurs, devrait repousser
ne attaque éventuelle d'une flotte ennemie
e dirigeant vers un port du Nord.
La seconde, qui serait composée de mo
itors, défendrait les ports du Sud.
Marseille, 18 mars.
La fête ,.. de j la Mi-Carême sera célébrée
imanche à Marseille, avec un éclat tout
articulier. Les étudiants, subventionnés
ar la municipalité, organisent pour cc
)ir samedi une grande redoute parée
t masquée qui aura lieu dans la salle du
rand Théàtre municipal pour le rouron-
ement du roi du carnaval. Dimanche, sora
)Illléc au parc Borelly une grande bataille
3 fleurs avec récompenses offertes p.ir ls
lunicipalité. Dans la soirée les rues dl' )e
lie seront illuminées pour la bataille dd
mfetti.
Madrid, 18 m-trs.
Une dépêche officielle de la Hawir.e an
>nce que le navire américain Montom» ru a
ntté ce matin le port de la Havane.
Le banquier espagnol Arazana a fait don
la marine espagnole d'un petit navire dE
1 mètres de long, jaugeant 21 tonneaux.
LA TRIBUNE
(3)
Cette rubrique forme un feuilleton volant
dont le sujet change tous les trois jours.
A TRAVERS L'ÉDUCATION
III
LE PERSONNEL DES ÉCOLES MATERNELLES
« L'école maternelle,ditla loi de 1886-87,
est un établissement de première éduca-
tion, dans lequel les enfants des deux
sexes reçoivent en commun les SOINS que
nécessitent leurs développements physi-
que, moral et intellectuel. »
Vraiment cette définition met toute
chose à sa place : les SOINS matériels,
d'abord, puisque de l'état de notre « gue-
nille », dépend l'état de notre âme ; en-
suite les SOINS de cette âme ; enfin les
SOINs de l'intelligence qui en est le plus
noble attribut. J'ai souligné deux fois le
mot « soins » pour marquer avec quelle
sollicitude le législateur a écarté toute
Idée de travail prématuré, toute idée de
leçons proprement dites.
Rapprochez la rédaction de l'article
de loi ci-dessus avec la circulaire dont
vous avez lu, hier, les passages les plus
importants, et vous vous rendes un
compte exact, du rêve que nous avons
earessé.
Pour nous, l'école maternelle devait
fttre le nid douillet dans lequel les petits
auraient pris de bonnes habitudes, se dé-
veloppant en santé, en joie, en intelli-
gence, en sympathie, par conséquent en
moralité.
Or, vous savez ce que la pratique a fait
te ce rêve ; je n'insiste pas, j'atftrme
lentement que, dans plupart des écoles
Maternelles, la Journée de renfant est
presque identique à celle de ses aînés
qui fréquentent l'école primaire. C'est à
peine si les récréations y sont plus fré-
quentes.
Mais, enfin, le personnel que nous
avons accusé d'aider — dans une cer-
taine mesure — à cette déviation, com-
ment a-t-il été préparé à sa tâche? S'est-
il seulement rendu un compte très exact
de son devoir?
L'histoire de sa préparation est cu-
rieuse.
Les « premières conductricesdela tendre
jeunesse » qui, sous l'impulsion d'Ober-
lin, dirigèrent les premières écoles à tri-
coter » ne sortaient d'aucune institution
spéciale. Sara Banzet, ayant réuni les
enfants de son village, causait avec eux.
La chose n'allait pas sans difficulté, car
c'étaient de petits sauvages. Cependant
Sara Banzet n'eut pas l'idée de leur en-
seigner la grammaire ; pas môme de leur
faire répéter des phrases toutes faites.
•On causait en tricotant; on causait en
cueillant des fleurs. On vivait.
Mais en 1837 une ordonnance du Roi
instituait un certificat traplitude,et l'exa-
men comprenait une partie pratique et
une partie théorique. L'examen pratique
était tout-à-fait original; il s'agissait de
bien manier un claquoir dont les batte-
ments saccadés invitaient autoritaire-
ment les enfants à se lever— comme
des automates — à s'asseoir — comme
des automates — à monter les marches
d'un gradin, à les descendre, à faire le
signe de la croix, etc...
L'examen d'instruction comprenait :
l'instruction, la lecture, Vécriture.lo calcul
le chant, les travaux tFaigui'le (i837-
1838).
De psychologie, d'hygiène, il n'était
pas question,car il s'agissait, alors, non
pas de l'éducation, mats du dressage des
enfants. Ah t si vous en aviez vu comme
moi, trois cents sur un gradin, imitant le
« roulis » du navire comme moi vous
auriez Ou un commencement du mal de
mer; or il n'y a pas auinzeans de cela,
ce qui prouve que les procédés empiri-
ques ont la vie dure,
En 1841, la gradation intellectuelle
s'accentue; on commence à s'apercevoir
qu'il faut plus de culture pour causer
avec les enfants,et pour répondre à leurs
questions imprévues que pour donner
des leçons méthodiques qu'il est toujours
possible de préparer. L'examen com-
prend l'explication d'un texte; de la géo-
graphie; de r histoire de France; et nous
voyons enfin apparaître des notions élé-
mentaires- trop élémentaires dhggiène,
et enfin le dessin, par lequel on aurait
dû commencer.
En 1847, on crée pour préparer à cet
examen, la Maison d'études provisoires
pour les salles d asile,m 1848, cette « mai-
son » s'appelle école normale maternelle ;
en 1852, cours pratique des salles d asile ;
en 1878, école Pape Carpentier. Enfin, en
1882, fut promulgué un décret portant
organisation de cours normaux pour pré-
parer des directrices d écoles maternelles.
Ces cours normaux sont annexés aux
[ écoles normales d'institutrices, et le pro-
gramme d'enseignement comprend :
j 1° Un cours cr instruction géàérak, por-
tant sur les matières du cours de première
année des écoles normales.
2° Un cours de pédagogie : principes
généraux d'éducation, étude des métkaêm
et des procédés d enseignement partkm-
liérement applicables à la première mb-
fonce. ' i,
3° Des exercices pratiques dans r..
maternelle annexée à l'école normale. i
En même temps, l'école « Pape QMK
panüer » est réorganisée et devient l'ifcaiv j
normale supérieure de fenseignemmi \
maternel. A cette école peuvent êu,.
miles les élèves qui, ayant concourt .
avec succès pour l'école normale sMl*
rieure de Fontenay, optent pour Vniiiir -4
gnement maternel. Le programmariSi
renseignement comprend : 9
f8 Un cours de psychologie et de iiiàiwiB 4
appliquées à reducation, et un MMM i
etkistoire eritigue des doeb*aa péitipo-
gigues, portant particulièrement sur ré-
ducat ion de la première enfance.
8" des cours sur les diverses matièret
enseignées dans les cours normaux des
écoles maternelles ;
30 des conférences et des exercices pra-
tiques, tant à récole même que dam les
écoles maternelles et les classes enfan-
! tùffl ;
! 4° des notions sur la législation et Vad-
ministration des écoles maternelles et des
classes enfantines.
. Toutes les fois que je fouille ces docu-
ments, je suis émerveillée de la bonne
volonté dépensée par le ministère de
rinstruction publique ; en même temps,
je suis désolée, en énumérant toutes les
entraves que les « nécessités » budgé-
taires ont mises dans ses rouages. C'est
toujours lui qui paie les perfectionne-
ments des canons et des cuirassés.
Car les « cours normaux », l'école
Pape Carpantier » elle-même ont à peine
existé, faute de ressources.
D'ailleurs nous étions de plus en plus
préoccupés du manque de culture géné-
rale de nos directrices. Il nous semblait,
il nous semble encore, qu'il faut savoir
beaucoup, et dix fois bien, pour se faire
comprendre des tout petits ; que con-
naître seulement les enfants de l'école,
maternelle et pas leurs frères de l'école
primaire, c'est marcher à l'aveuglette
sur un chemin dont on ignorerait le tracé
et 1"issue ; enfin, nous avions à cœur de
faire cesser l'antagonisme, très regret-
table, qui existait entré les institutrices
des enfants de cinq ans, et celles des
enfants de sept ans. Que voulez-vous!
rameur-propre ! les habitudes invétérées
le hiérarchie!
En i884 l'assimilation a été complète
— sur le papier et même dans la prati-
Btue, je ne- dis pas dans les esprits — un
décret porte que « les écoles normales
lont destinées à former des instituteurs
&t des institutrices pour les écoles publi-
ées : maternelles, élémentaires, primai-
res supérieures. »
Nous étions ravût'
Eh bien ! quelques-uns d'entre nous se
sont vite aperçus que nous n'avions
? pas fait ce que dans le peupler on
; appelle de la « belle ouvrage » parce
que cette préparation pour les futures
institutrices maternelles pèche par excès,
; par fausse orientation, par pénurie.
L'excès se montre surtout dans l'étude
des mathématiques, et de l'histoire gé-
nérale ; l'orientation défectueuse saute
aux yeux dans la géographie, qui devrait
être exclusivement pittoresque, et ne se
préoccuper que des hommes, des ani-
maux et des plantes de chaque pays ;
dans le dessin, trop technique, alors
qu'usuel, il entrerait dans les habitudes
de l'institutrice ; la pénurie est flagrante
en hygiène : soins à donner aux bobos
accidentels de l'enfant ; étude des symp-
tômes des maladies infantiles ; étude des
tempéraments et des régimes appropriés
à chacun etc., etc. ; elle est flagrante en
psychologie, flagrante en pédagogie, fla-
grante dans l'art tle raconter, flagrante
en musique, flagrante en tout ce qui con-
cerne l'habileté des doigts; flagrante
enfin dans l'histoire des douleurs socia-
les qu'il faut avoir, au moins, devinées
pouraimer les enfants du peuple comme
on doit les aimer.
Décidément la directrice de l'école ma-
ternelle a besoin d'une préparation spé-
ciale. il'
Et c'est parce qu'elle ne l'a pas reçue
qu'elle ne nous donne pas ce que nous
attendons d'elle, et que, de son côté, elle
a quelque droit de se plaindre de son
sort.
En vérité, elle est entrée à l'école nor-
male parce qu'elle voulait être institu-
rice, avoir une classe, enseigner l'ortho-
graphe, le calcul, l'histoire à des enfants
déjà « débrouillés », dont le nombre ne
dépasserait pas quarante, et la voilà tom-
bée dans une école qui reçoit des cen-
taines d'enfants — des centaines! — qui
ne sont pas « propres », et qu'il faudrait
nettoyer; qui ne savent pas encore ex-
primer leur pensée, et à qui il faudra
l'enseilller; qui ne savent même nas
courir, jouer, des bébés en un mot. La
« classe » rêvée est une nursery !
Et c'est pour être employée dans une
nursery qu'elle a pâti sur ses livres.
dans les affres de l'examen pour le brevet
supérieur, tandis que ses compagnes,
qui ont fait les mêmes études, et qui
sont pourvues du fameux brevet, sonf
entrées directement dans l'école de leur?
rêves ! Mais la malheureuse n'a pas la
vocation ! *
Figurez-vous un élève de l'Ecole poly..
technique, entré à l'Ecole parce qu'ii
veut,coûte que coûte,êtrc ingénieur pour
le compte de l'Etat et qui sort dans le
« Militatre! » S'il le peut, il donne sa Jé-
mission.
La préparation dans une école spéciale
mettrait un terme à cet état de choses
dont souffrent les écoles maternelles et
leur personnel. IL NOUS LA FAUT.
Cette école spéciale aura pour objectif
le « jardin d'enfants »; mais il sera bien
entendu que ce « jardin » sera un jardin
français, dans lequel on cultivera des
plantes françaises, par des procédés
français; parce que, voyez-vous, j'ai une
profonde terreur de la « méthode alle-
mande et de l' « intuition allemande » 4
laquelle il manque notre esprit pour l'é-
veiller, notre cœur pour la réchauffer.
Dans ces « jardins d'enfants » on prati-
quera la « méthode française », et quand
j écris ces deux mots, il me semble voit
une clarté. C'est la méthode de la raison.
du bonheur ; c'est l'indépendance de l'es-
prit, c'est la personnalité intellectuelle.
vivifiées par la chaleur de l'âme.
La Fronde m'aidera, j'en suis sûre, à
organiser mon « école spéciale » et mot
« jardin d'enfants français ».
PAULINE KERGOMARD.
pin
II faut lire, dans ma « Tribune » du il
mars, acquiert pour requiert (48 ligne, '
dernière colonne); et moule pour mondt
au 20 paragraphe de la dernière colonne -
Je me rappelle, à la fête pbilhellèn,
donnée par la Renaissance au mois d<
mars de l'année dernière, ce vers d'.
propos qui sonna comme un cri d'épou
vante à travers la scène :
Le Iiiaetacre est toujours 11 r
Et c'était bien l'allusion aux massacre:
d'alors, exécutés tous les jours en Crèl4
sous le regard indifférent de l'Europe,
sans qu'aucun Thésée se levât du fond
des foules, pour assommer le monstre
dévoratcurde chair humaine.
Aujourd'hui, les guerres finies, les
armes bas, il semble que, sa soif san-
glante assouvie, il doive se rendormir,
enfin repu, après ce réveil terrible d'un
sommeil de tant de siècles. Mais hélas 1
il faut encore le pousser, le cri d'angoisse
et de terreur, car il est toujours là le Mi-
noiaure, non plus dans le labyrinthe de
DédaIns, mais à. ènes même, comme
si la Imifiii» jpg» prenait à présent sa
revanche à travers les âges, du tribut
atroce imposé à son peuple par 1'110 de
Crète, aux temps fabuleux. Et le Mino-
taure d'aujourd hui, lâché sur les Gré toi s
snlassLs dans les quartiers, c'est la mi-
sère, c'est la faim, c'est la contagion qui
les minent, qui les tuent, qui véritable-
ment, les dévorent comme une gueule
affamée.
Il faut par l'imagination se représenter
les détails de cette situation, pour mieux
en saisir l'horreur; il faut se figurer ces
familles contaminées, entassées par huit
et dix dans une seule cellule entre des
baraquements sans air; ces êtres enfié-
vrés, crasseux, assoiffés, agonisants et
dont on ne s'occupe pas, que l'interna-
tionale indifférence laisse mourir des
suites de la guerre après les avoir laissé I
éventrer, semblant opposer à la pitié I
l'effroyable t'te vietis du brenn à Sulpi- I
cius, on, ce qui pis est, aux demandes I
d'argent, de secours ou simplement l'in- I
térêt, des phrases égoïstes d'exténués à I
force d'entendre toujours parler de la I
même chose et qu'on pourrait résu-
mer en style moderme : « Ça embête le I
public! » I
C'est bien, que l'apitoiement ait duré I
le temps d'une vogue; mais il faut du I
nouveau et, de ces Crétois, on en a les I
oreilles rcbattucsde parte mondc;et pen- I
dant qu'on court avidement aux nouvel- I
les nouvelles, aux scandales neufs, il y a I
dans un coin de la terre une agonie en I
masse qui continue et sur laquelle on ne I
veut plus jeter les yeux parce qu'elle a |
perdu son charme de primeur! Il y a de I
ces cri mes collectifs. I
Aussi, c'est presque avec une sensa- I
tion de gêne, avec le sentiment d'une ra- I
tk*tclieuse qui se rend compte qu'elle ra- I
bâche, que je viens ici reparler à ce su-1
jet, redire qu'il faut de la pitié, crier de J
nouveau au secours à ceux qui peuvent I
quelque chose. Et je ne puis mieux faire
que de reproduire quelques fragments I '
dOnne lettre d'Athènes à moi envoyée I
tout dernièrement par ces deux admira- I
bles femmes, véritables Antigones au I j
chevet de la misère hellène, les comtesses 1j
Kapnist. I <
Elles avaient, avec un docteur grec et I i
une jeune Crétoise de bonne volonté or- I
ganisé un « comité de quatre person-1
nes » (!) et leur œuvre avait commencé I '
d'obtenir quelques heureux résultats, *
quand l'aînée des comtesses fut atteinte, 13
dans l'ile de Paros où elle s'était retirée s
pour écrire des articles de supplication <
destinés aux journaux russes, d'un ma- I <
lai se qui la força bientôt à prendre le lit I <
pour un temps assez long. « C'est au 1
chevet de cette chère malade, me dit }
l'alnée des comtesses, que je songe IJ
avec plus d'amour et d angoisse cn- j
corc a tout un quartier crétois d'A-1 j
thènes qui agonise de faim et de ma-1 E
ladie. » Et, dans la liste des personnes I t
déjà sauvées par le comité avant ce con- t
tre-temps, elle me signale : « un enfant I
atteint de la diphtérie laissé sans pain et I t.
sans soins dans un bouge; une femme se I „
mourant sans médecin après avoir mis I t(
:ltJ monde un enfant mort, de terreur I v
d'avoir assisté à des massacres en Crète; I o
une vieille pauvresse atteinte d'une in- I ai
nammation des poumons; toute une ri- S'
bambelle de petits crétois infectant la I el
ville de rougeole et n'ayant ni médica- CIel
ment, ni médecin, ni nourriture... Enfin, I ^
continue-t-clle, nous étions en train de I di
nous occuper de 700 Crétois grouillant é(
dans des baraques de bois sans fenêtres, I ui
neuf et huit familles logées dans chacune I lx
des chambres et n'ayant ni matelas, ni ré
couverture, malades tous, se contagiant I or
!es uns les autres... » I
Ne rêve-t-on pas à quelque cercle do ît?
:a Divine Comédie? I ql81
« Ah ! quelle misère, quel enfer de f co
DanteJ » ajoute la comtesse et, eonscienk
du mauvats vouloir universel,elle a'écrïe
douloureusement, fai84t.a1lulioD à l'ar-
gent qui manqué tel 4 tour charité:
« Ah 1 comme il nom te but toujours,
toujours et toujours plus ! Etant les seuls
à aider aux Crétois d'Athàaes (une so-
eiélé crétoise se bornant à leur distribuer
an matelas pour hait, dix personnes),
Jugez du nombre immense de ces mal-
heureux qui viennent à nous I »
./''viennent à elles et leurs bras cha-
ri tables sont grands ouverts à cette iD-
fortune, mais que faire contre l'empêche-
ment matériel, que foire à quatre contre
mine, que faire contre des mains tendues
quand on n'a plus rien à jeter dedans ?
Ah! que la pitié se réveille pour ces
frères lointains qui meurent et qu'on
' oublie ; quand l'heure viendra de nou-
veaux appels à la charité publique,qu'elle
ne se drape pas dans le manteau de l'in-
différence, qu'elle écoute, qu'elle pleure,
qu'elle donne surtout ! Et en attendant,
qu'elle exauce cette très simple prière
qui -torminti,it la triste lettre d 'Athènes :
« Voulez-vous faire une bien bonne
œuvre ? Parlez autour de vous avec cha-
leur et sympathie de la misère actuelle
en Grèce... a
LUCE DALRUE.
Sénat
On procède au Luxembourg à la liquida-
tion des projets soumis à une deuxième
lecture. C était hier la discussion de la loi
sur les accidents de travail dont les ouvriers
sont victimes.
L'article 5 donne lieu à des explications
en tre M. Waddington et le rapporteur, fina-
lement l'article est adopté avec la modifi-
cation proposée par M. Waddington.
Les articles suivants sont expédiés assez
rapidement, et à l'article 20, M. Garreau
demande que rien ne soit changé à la lé-
I gislation actuelle, en cas de faute inexcu-
sable de la part de l'ouvrier ou du patron.
On adopte le premier paragraphe, et ont
repousse un amendement présenté par M.
Aucoin. La discussion sera achevée aujour-
d'hui.
Les couloirs
La commission des nuances s est réunie
hier pour examiner le projet de réorganisa-
tion du marché financier.
Elle a entendu les représentants de la
coulisse des rentes et de la coulisse des va-
leurs ainsi que des agents de change de
toutes nos grandes villes.
La discussion sera longue,car la majorité
des membres sont partisans de l'ajourne-
ment de la réformé, ce qui no manquera
pas de créer un conflit entre les deux As-
semblées.
H. S.
LE
« Women's Institute »
La Fronde a publié, le 28 janvier de cette
année, une lettre de miss Edith Levis, se-
crétaire du Women's Institute, qui exprime
le désir de voir les femmes françaises
adhérer à cette œuvre essentiellement fé-
ministe.
Malheureusement les institutions de ce
genre sont tout a fait inconnues en France
et nous allons essayer de donner sur cette
Société des renseignements un peu plus
détaillés que ceux que nous avons déjà
reçus de son aimable secrétaire.
Le Women's Institute, l'Institut des fem-
mes,a été fondé par Mme Wynford Phillips
qui a été, il y a quelques années, membre
du comité du Piouer Club.
La fondatrice,qui prend sur elle toute la
responsabilité financière de son œuvre, s'est
surlout donné la tâche de créer un centre
commun pour toutes les œuvres féministes
quel que soit leur but particulier. L'Institut
est on lieu de rendez-vous, un pied à terre
pour toutes les autres Sociétés qui s'occu-
pent de la revendication des droits des
femmes et met à leur disposition, moyen-
nant une modeste redevance des salles de
réunion et de conférence et même des sa-
lons de réception. Mais son objet principal
est de former un bureau central d informa-
tions pour toutes les questions se rappor-
tant au travail et aux intérêts des femmes.
L'Institut comprend plusieurs sections :
1° Un bureau et informations dont la direc-
1 tri ce est prête à donner Lous les renseigne-
ments sur le but et le fonclionnement de
toutes les Sociétés féministes et sur le tra-
vail des femmes. Les membres de l'Institut
ont le droit de poser douze questions par
an sans rien payer. Les personnes étran-
gères à l'Institut doivent payer un shilling
et demi pour chaque renseignement. Par
exemple une dame veut établir une blan-
chisserie, (ce qui n'a rien d'étonnant en
Angleterre où les femmes du monde ne se
disqualifient pas en prenant un métier), elle
écrit à l'institut et ne tarde pas à recevoir
une statistique de ce métier et plusieurs
pages écrites à la machine où elle trouve
résumée l'expérieuce d'autres dames qui
ont réussi dans ce genre d'affaires.
20 Section des conférences. Les conférences
sont beaucoup plus répandues en Angleterre
qu'en France et les dames y prennent une
si grande part que c'est un métier d'être ;
conférencière. Le but de cette section est i
^'améliorer la situation éw
en les faisant oomWt.re. Le
rige cette section comprend pluséeut^^H
trices de collèges de jeunes nUsseH^^H
personnes éminentes du monde
taire. Pour obtenir le titre de oonférSjj^^H
de l'institut» il faut passer un exaà^^H
vut des examinateurs nommés^^HI
oomîté. Des «mfêre"êm sont en^^H
dans toi villes qui en demandent
des séries de cours dont les sujets sei^H
signée par la Société partant Iè- n9BH
University extension et qui pcépcreml|9
cours plus avaneés des oonférao£«KM
cette Société, Il est peut-être utile dfSEji
peler que les Univerilty extension leàjHHfl
sont une espèce de prolongement deséfiÉM
de rUniversité de Londres^t que cet éHMg
férences sont faites par les profeadSB
eux-mêmes.
Cette section de l'Institut a la spéstaUil
des conférences sur les élémentsdessaSi
ces politiques, et sur leur histoire. '"f~a
Plusieurs conférences de ce 'genre SMp
faites dans les Sociétés de femmes quioôi
pour but de réclamer le droit de suffeagi^
3° Un bureau de statistique qui publli-
feuilles oontenant tous les reiMetgneaieaï»
sur le travail et les salaires des fmanson .
Un dictionnaire des professions exercées
par les femmes qui est rédigé par Mme
Philipps et par Miss E. Dixon est sur le point
[fe paraître.
4° Une bibliothèque formée d'ouvrages se
rapportant spécialement aux questions fé-
mmisles mais qui comprend aussi des dic-
tionnaires et des encyclopédies, des clas-
siques, etc. Les conférencières et les élu-
hantes y trouveront en cas de besoin les
conseils des secrétaires de l'Institut et se-
@ont aidées dans leurs recherches par le
jureau d'informations.
En outre de ces quatres sections, il y a
me Société de secours mutuels pour les
emmes, une Société musicale, une Société
artistique, une Société du pays de Galles et
les sections spéciales pour l'Amérique, les
montes, l'étranger et les sports.
L'Institut sert aussi de bureau de place-
nent pour les femmes de toute profession.
Disons pour terminer que les hommes
peuvent être reçus comme membres de
Institut, pourvu qu'ils s'occupent de litté-
ature, d'art ou de science ou qu'ils aient
Il\r leurs travaux rendu des services à la
ause féministe.
CLAIRE DE PRATZ.
———mmmmm—i—
1
Mous publierons demain A la
Tribune de la cr FRONDE » :
< Femmes du Peuple Poétesses »
- par Mme n. Ktchsrt.
Maison d'éducation
DE LA LÉGION D'HONNEUR A SAINT-DENIS
Le Conseil d'arrondissement de Saint.
> Denis, trouvant que la maison d'éduca-
tion est un obstacle pour le développe-
ment de la Ville, et que la vente des
t terrains produirait des sommes consi-
dérables qui pourraient être attribuées
1 aux bénéficiaires de l'institution, ce qui
permettrait aux familles de donner à
leurs enfants telle éducation qu'il leur
conviendrait, a émis le voeu : « Que la
maison d'éducation de la Légion d'hon-
neur de Saint-Denis soient désaffectée
et que les terrains soient vendus et
livrés à la construction. »
La question de l'utilité de ces maisons
spéciales d'éducation se trouve donc
être d'une pressante actualité.
Les rapporteurs du budget nous font le
plus grand éloge des succès universi-
taires remportés par les élèves de Saint-,
Denis, Ecouen et des Loges ; on y pré-
pare des institutrices, des professeurs de
musique et de dessin ; en enseigne même
aux jeunes filles à couper leurs robes de
vacances! Tout cela est excellent, ce qui
l'est moins,c'est la réclusion absolue dans
laquelle vivent ces jeunes filles. Elle s igno-
rent tout du mondedans lequel elles seront
appelées à vivre et à se faire une place.
Malgré tous les diplômes, je crains bien
que beaucoup d'entr'elles ne se trouvent
dans les plus fâcheuses conditions pour
entreprendre la lutte pour la vie. Elevées
loin de tous ceux qui pourraient s'inté-
resser à elles, ce sont des étrangères qui
reviennent dans la famille.
Leurs habitudes, leurs goûts sont in-
connus, elles ont formé des rêves irréa-
lisables, forcément suivis de cruelles dé-
ceptions. Je crois pour ma part que l'é-
ducation de la jeune fille doit se faire
dans la famille, au milieu de toutes les
préoccupations quotidiennes des siens,
auxquelles elle prend part.
Elle s'initie ainsi, petit à petit à toutes
les difficultés qu'il faut vaincre, à tous
les obstacles qu'il faut s'habituer à sur-
monter et son esprit est infiniment mieux
trempé par cette vie réelle que par toutes
les leçons de morale données dans une
institution où tout est prévu, arrangé
pour qu'il n'y ait jamais un manquement
a la règle, où elle n'entend jamais parler
^■s la valeur de fanent, ce qui fait qu'elle
■pore absolument.
Et représenter cette jeune
^■lle sortant^» M MiaIioD et se figurant
H^apri» avoir bnm étudié, elle sait
Mises de choses pour jagner facile-
e, qH01 vivr81 Si elle n'a pas de
le Gouvernement lui accorde un
^■peours de 400 franco.
■E Lorsqa'on n'a Jamais eu d'argent à sa
Hpssposition, quatre cents francs parais-
HMjot une fortune et probablement les
BBh®vres fillettes se figurent pouvoir vi-
BBfe à 1 aise pendant quelque temps I Que
■peviennent-elles ensuite, lorsque le capi-
ml est épuisé f
K ; C'est a elles-mêmes que je pose cette
jtaestion ! Je les supplie, dans l'intérêt
'•es autres de nous dire franchement ce
'ÍU'elles pensent du système d'éducation
«es maisons de la Légion d'honneur.
Ont-elles trouvé l'emploi de leurs ca-
MCttes?
* Dans quel genre de situation?
Quelles positions leur ont été offertes?
Celles qui sont devenues mères de
famille, voudraient-elles faire élever
leurs filles comme elles l'ont été elles-
mêmes?
Voilà une enquête que je voudrais
pouvoir faire sérieusement afin dû sa-
voir si vraiment il est désirable que nous
continuions à fairo de lourds sacrifices
pour l'entretien de ces pensionnats ou
s'il ne serait pas préférable de verseraux
parents une somme suffisante, pour
élever ces enfants daus la famille.
On m'objectera qu'il y a un certain
nombre d'orphelines, mais il est rare
qu'elles n'aient pas des parentes qui s'en
chargeraient volontiejs lorsqu'une pen-
sion leur serait assurée.
Je crois que nous rendons un très mau-
vais service aux enfants en les élevant
en serre à l'abri de tous les coups de
vent de la destinée. La première brise
qui les surprend les trouve désarmés
et ils sombrent trop souvent.
C'est dangereux pour tous et particu-
lièrement pour les filles car, à côté du
péril de la faim ou simplement des pri-
vations du luxe, il y en a un autre plus
redoutable encore. Celle qui n'a jamais
appris à lutter et qui trouve au moment
du besoin une offre séduisante et parais-
santcombler tous ses vœux est bien excu-
âable de se laisser tenter, mais après ?
C'est peut-être au nom de la moralité
que nous devrions fermer ces maisons
d'éducation. Je ne veux rien préjuger,
j'attends les réponses des intéressées.
MARIA POGNON.
Le service de la FRONDE sera
fait gratuitement pendant un an
A toutes les Institutrices ayant
amené au journal trois abonne-
ments d'un an.
FAFA
Les souliers rouges
Maman a mené Fafa dans un petit
voyage à la ville, chez la tante de Fafa.
On court les magasins. Fafa aura pour
cet hiver une robe en velours et une
grande capote de soie rose : elle est con-
tente de maman. On passe chez le cor-
donnier. Fafa s'y ennuie, car là, il n'est
pas question d'elle; c'est maman qui es-
saye des bottines. Fafa se met sur la
Sorte et se distrait à regarder la montre.
h! les souliers neufs! rangés deux à
deux, soulevés par les fins talons sur les
plaques de verre. Dieu ! que c'est défini-
tivement joli et mignon 1 II y a des noirs
dont le vernis a un reflet d'argent, des
mordorés, des blancs, comme en four-
rure, pour les bébés plus petits que
Fafa, des bleus et même, oui, Fafa a
bien vu, là-haut, suspendus tout au des-
sus de la montre, des rouges 1
Elle se précipite dans le magasin :
— Oh 1 maman ! viens voir les jolis pe-
tits souliers rouges ! achète-les moi donc 1
Maman et tante se mettent à rire, bt la
marchande aussi.
— Mais puisque tu en as des bleus ? dit
maman après avoir ri.
Et la marchande ajoute :
— D'ailleurs, ceux-là, mademoiselle,
je ne puis pas vous les vendre.
Elle a, en parlant, l'air très sérieux.
Fafa comprend tout de suite que cela, ce
n'est pas un de ces mots en l'air comme
Ursule lui en dit tant pour la faire tenir
tranquille. Elle retourne devant la mon-
tre et regarde encore les souliers rouges,
portés par leurs talons sur deux branches
de cuivre. Puisque la marchande ne peut
pas les lui vendre à elle,à qui sont-ils des-
tinés ?...!! est vrai qu'aucun des passante
dans larue, n'& aux pieds dossou fiers rou-
ges...Peut-être qu'on les ii** ve aux en-
fants des rois,coIDID8 le» eonroanes d'or,
les manteaux de pourpre e'd"bèamine ,...
Fafa souhaite passionnémentdfae une fllle
de roi. Qui sait? si un roi,dans son carosse,
votait à passer, la trouvait joue et la fai-
sait enlever par ses pagea?...'Ceïa arrive
sans cesse dans les histoires d'Ursule.
Mais un bruit de fouet, de galop de voi-
ture se fait au bout de la rue : Garel
gare 1... Fafa, qui n'existe plus que dans
son rêve, tremble soudain que son témé-
raire désir se réalise. Elle s'engouffre
dans le magasin, se précipite sur maman
étonnée, et s'écrie avec sa voix des plus
grandes frayeurs :
— Je ne veux pas qu'on me prenne à
toi, maman ! je ne veux pas 1
Les noirs
L. est après une visite ,a la marraine
de Fafa qui habite une belle maison, au
milieu d'un parc, dans la campagne.
— Nous reviendrons à pied, a dit Ma-
man, Fafa est maintenant bien assez
grande pour marcher.
— Oh ! oui 1
Et Fafa se redresse entre Maman et
Ursule. Elle est fière d'être assez grande
quoiqu'elle s'émerveille à la pensée de
cette longue, longue route qui lui du-
rait tant à faire même en voiture ! Com-
ment ses souliers bleus vont-ils pouvoir
la mesurer toute, pas-à-pas, jusqu'à l'en-
trée du bourg où est la maison ?
Les arbres processionnent sur les
deux bords : combien y en a-t-il ? Fafa
compte jusqu'à sept: au-delà pour elle
c'est le mystère, l'indéfinissable et l'in-
fini... En fermant un peu les yeux, à
demi-soulevée par les mains de maman
et d'Ursule, Fafa voit comme si les ar-
bres marchaient à droite et à gauche au
lieu d'elle... Fafa pense qu'elle pourrait
se trouver seule la nuit sur cette route
sans maman ni Ursule... elle sent les
bonds d'épouvante qu'elle ferait... non
plutôt, elle tomberait là toute glacée,
incapable de remuer les jambes.
— Fafa, ce n'est pas joli de se faire
ainsi traîner...
Ursule propose de la porter une mi-
nute.
— Y pensez-vous, Ursule, une si
grande fille ? qu'est-ce qu'on dirait I
Fafa se redresse encore, quoique un
S eu moins fermement que tout à 1 heure.
Maman aurait peut-être dû accepter !
mon Dieu ! Il n'y a personne sur la route,
sauf ce bon vieux paysan, là-bas, tout
courbé près de son âne...
— Allons, Fafa, un peu de courage !
Tiens, on voit la maison d'ici 1
— Oh 1 madame, Mlle Fafa irait très
bien ! dit Ursule, mais ces petits souliers
bleus ne sont pas faits pour la marche.
Ah 1 mon Dieu 1 les voilà même percés !
En effet, un pli, comme une vilaine
ride dans une vieille figure, s'est creusé,
creusé pas à pas dans le vernis couleur
du ciel... il est devenu une déchirure par
où l'on aperçoit le bas blanc de Fafa.
— Vous avez raison, Ursule, dit ma-
man, désormais nous lui en achèterons
les noirs.
— Oh ! maman 1 des noirs?
— Oui, des beaux noirs, comme à ma-
man, ne seras-tu pas contente?
Fafa regarde les souliers de maman.
I mesure qu'en marchant elle en fait
.ortir la fine.pointe du bord de sa jupe,
.u grand soleil, on dirait qu'une petite
lamme tantôt rouge, tantôt argentée
ourt, sautille de l'un à l'autre.
— Maman, est-ce qu'ils brilleront
omme les tiens, mes souliers noirs?
Maman le promet, Ursule l'affirme,
'afa, entre elles deux, marche, tête pen- '
hée, regardant une dernière fois trot-
iner ses petits souliers bleus. Elle les 1
ompare à ceux de Maman : décidément j
s sont plus ternes ! et puis, ça n'est bon
rien, ces souliers bleus! Maman ne pa- ]
a.ît pas fatiguée, elle, ni Ursule, tandis
ue Fafa se sent les pieds meurtris, brû-
s sur cette route si dure :
— Tu me les achèteras demain, Ma- ,
lan, dis, mes souliers noirs? ,
MME ALBÉRIC-CHABROL.
INFORMATIONS
Vienne, 18 mars.
La princesse Clémentine de Cobourg
étant entrée en convalescence, le prince et
la princesse de Bulgarie sont allés faire une
excusion dans les environs de Vienne.
Selon une note officieuse, le voyage pro-
jeté à Pétersbourg aura lieu vers le 15 mai
à moins d'un revirement nouveau dans la
santé de la princesse Clémentine.
A l'occasion de l'arrivée de Cyvoct à Paris
le comité électoral constitué au XIII- arron-
dissement (2° circonscription) dans le but
de présenter aux 'proobaines élections 14
gislatives la candidature d'amnistie, Cyvon
6. 3 eaftdidct le dimanche 2V S?
î ?» i/JP l'après-midi, un vin d'honneur
à la sali» VIaoey, 1,avenue Ledru-Rollin,
De nombreux orateurs socialistes, prèU.
dront la parole. Entrée libre.
mi t.. Londres, 18 mars
On r\ télégraphie de Rome au Cent ml .\v,Vr
« Le ministre des allaires étran-.W (rr'
talie a envoyé une circulaire aux amlmsi
deurs d 'Italie leur donnant des instruction
spéciales à suivre en cas de guerre onfr»
les Etats-Unis et l'Espagne. On croit pinô
ralement que le gouvernement a prOp()Sf
aux autres puissance de prendre une aiù.
lités tude dt4eœpéCher le.; hosti,
New-York, 17 mars.
Il semble probable que le rapport de ls
Comission d'enquête sera remis à Washine
ton samedi prochain et que lundi, le préai-
aent en donnera communication au Con.
grès.
On ignore si la commission est arrivée t
une conclusion ferme.
Belmez, (province deCordoue), 18 mars
Une terrible explosion s'est produite tian!
la mine de Sainte-Isabelle. Les victime'
nombreuses ; soixante cadavres ont
déjà été retirés. La ville est consternée.
,, Le Mans, 18 mars.
de loi ans Jupilles el5 esL décédée hier à i dg(b
5 mois.
Reims, 18 mars.
y n , L... sous-chef artificier au 3
bataillon d artillerie de forteresse, s. s!
suicidé dans une chambre d'hôtel à Verz\.
(Marne).
On ignore les causes de ce suicide.
*
Vienne, 18 mars.
Affaire de Péage de Roussillon.
A la 3e audience qui a eu lieu aujour
Torgues, interrogé, a persisté ànierloà faits
qui lui sont reprochés.
Le procureur de la République, M. Bour-
feon, a soutenu, dans son réquisitoire très
étudié, la culpabilité de Torgues.
Demain, la plaidoirie.
„ Rouen, 18 mars.
On a découvert aujourd'hui, en Seine, le
cadavre d un enfant né à terme, qui parai!
avoir séjourné quatre ou cinq jours dans
l eau.
La police ne possède aucun indice per.
mettant de lui faire suivre une piste.
Bordeaux, 18 mars.
Vers sept heures éclatait un incendie con
sidérable dans les maga«ius de bois dit Xl1rc
de M. Bourges, sur la rive droite de la Ga-
ronne, entre le ponl et la passerelle du < lie-
min de fer. Des flammes d'une p-randc IHlU"
tenr eelairaient toute la ville ; près dû
soixante mille personnes étaient massées
sur le pont et les quais de la rive gauche
pour voir l'incendie reflété dans la Ga.
ronne.
Les dégâts sont évalués à plus de ceni
mille francs.
On a pu sauver les bâtiments et de;
grands magasins de bois.
A neuf heures, les pompiers rétrécissen1'
sensiblement l'incendie.
Rochefort, 18 mars.
La candidature de l'amiral Rieuner a éti
acclamée par un millier d'électeurs, réuni'
lans la salle de la Bourse.
New-York, 18 mars.
Une dépêche ., de Washington au New-York
rerald annonce que deux nouvelles esca..
Ires seraient formées.
La première, qui comprendrait des cui-
asses et des croiseurs, devrait repousser
ne attaque éventuelle d'une flotte ennemie
e dirigeant vers un port du Nord.
La seconde, qui serait composée de mo
itors, défendrait les ports du Sud.
Marseille, 18 mars.
La fête ,.. de j la Mi-Carême sera célébrée
imanche à Marseille, avec un éclat tout
articulier. Les étudiants, subventionnés
ar la municipalité, organisent pour cc
)ir samedi une grande redoute parée
t masquée qui aura lieu dans la salle du
rand Théàtre municipal pour le rouron-
ement du roi du carnaval. Dimanche, sora
)Illléc au parc Borelly une grande bataille
3 fleurs avec récompenses offertes p.ir ls
lunicipalité. Dans la soirée les rues dl' )e
lie seront illuminées pour la bataille dd
mfetti.
Madrid, 18 m-trs.
Une dépêche officielle de la Hawir.e an
>nce que le navire américain Montom» ru a
ntté ce matin le port de la Havane.
Le banquier espagnol Arazana a fait don
la marine espagnole d'un petit navire dE
1 mètres de long, jaugeant 21 tonneaux.
LA TRIBUNE
(3)
Cette rubrique forme un feuilleton volant
dont le sujet change tous les trois jours.
A TRAVERS L'ÉDUCATION
III
LE PERSONNEL DES ÉCOLES MATERNELLES
« L'école maternelle,ditla loi de 1886-87,
est un établissement de première éduca-
tion, dans lequel les enfants des deux
sexes reçoivent en commun les SOINS que
nécessitent leurs développements physi-
que, moral et intellectuel. »
Vraiment cette définition met toute
chose à sa place : les SOINS matériels,
d'abord, puisque de l'état de notre « gue-
nille », dépend l'état de notre âme ; en-
suite les SOINS de cette âme ; enfin les
SOINs de l'intelligence qui en est le plus
noble attribut. J'ai souligné deux fois le
mot « soins » pour marquer avec quelle
sollicitude le législateur a écarté toute
Idée de travail prématuré, toute idée de
leçons proprement dites.
Rapprochez la rédaction de l'article
de loi ci-dessus avec la circulaire dont
vous avez lu, hier, les passages les plus
importants, et vous vous rendes un
compte exact, du rêve que nous avons
earessé.
Pour nous, l'école maternelle devait
fttre le nid douillet dans lequel les petits
auraient pris de bonnes habitudes, se dé-
veloppant en santé, en joie, en intelli-
gence, en sympathie, par conséquent en
moralité.
Or, vous savez ce que la pratique a fait
te ce rêve ; je n'insiste pas, j'atftrme
lentement que, dans plupart des écoles
Maternelles, la Journée de renfant est
presque identique à celle de ses aînés
qui fréquentent l'école primaire. C'est à
peine si les récréations y sont plus fré-
quentes.
Mais, enfin, le personnel que nous
avons accusé d'aider — dans une cer-
taine mesure — à cette déviation, com-
ment a-t-il été préparé à sa tâche? S'est-
il seulement rendu un compte très exact
de son devoir?
L'histoire de sa préparation est cu-
rieuse.
Les « premières conductricesdela tendre
jeunesse » qui, sous l'impulsion d'Ober-
lin, dirigèrent les premières écoles à tri-
coter » ne sortaient d'aucune institution
spéciale. Sara Banzet, ayant réuni les
enfants de son village, causait avec eux.
La chose n'allait pas sans difficulté, car
c'étaient de petits sauvages. Cependant
Sara Banzet n'eut pas l'idée de leur en-
seigner la grammaire ; pas môme de leur
faire répéter des phrases toutes faites.
•On causait en tricotant; on causait en
cueillant des fleurs. On vivait.
Mais en 1837 une ordonnance du Roi
instituait un certificat traplitude,et l'exa-
men comprenait une partie pratique et
une partie théorique. L'examen pratique
était tout-à-fait original; il s'agissait de
bien manier un claquoir dont les batte-
ments saccadés invitaient autoritaire-
ment les enfants à se lever— comme
des automates — à s'asseoir — comme
des automates — à monter les marches
d'un gradin, à les descendre, à faire le
signe de la croix, etc...
L'examen d'instruction comprenait :
l'instruction, la lecture, Vécriture.lo calcul
le chant, les travaux tFaigui'le (i837-
1838).
De psychologie, d'hygiène, il n'était
pas question,car il s'agissait, alors, non
pas de l'éducation, mats du dressage des
enfants. Ah t si vous en aviez vu comme
moi, trois cents sur un gradin, imitant le
« roulis » du navire comme moi vous
auriez Ou un commencement du mal de
mer; or il n'y a pas auinzeans de cela,
ce qui prouve que les procédés empiri-
ques ont la vie dure,
En 1841, la gradation intellectuelle
s'accentue; on commence à s'apercevoir
qu'il faut plus de culture pour causer
avec les enfants,et pour répondre à leurs
questions imprévues que pour donner
des leçons méthodiques qu'il est toujours
possible de préparer. L'examen com-
prend l'explication d'un texte; de la géo-
graphie; de r histoire de France; et nous
voyons enfin apparaître des notions élé-
mentaires- trop élémentaires dhggiène,
et enfin le dessin, par lequel on aurait
dû commencer.
En 1847, on crée pour préparer à cet
examen, la Maison d'études provisoires
pour les salles d asile,m 1848, cette « mai-
son » s'appelle école normale maternelle ;
en 1852, cours pratique des salles d asile ;
en 1878, école Pape Carpentier. Enfin, en
1882, fut promulgué un décret portant
organisation de cours normaux pour pré-
parer des directrices d écoles maternelles.
Ces cours normaux sont annexés aux
[ écoles normales d'institutrices, et le pro-
gramme d'enseignement comprend :
j 1° Un cours cr instruction géàérak, por-
tant sur les matières du cours de première
année des écoles normales.
2° Un cours de pédagogie : principes
généraux d'éducation, étude des métkaêm
et des procédés d enseignement partkm-
liérement applicables à la première mb-
fonce. ' i,
3° Des exercices pratiques dans r..
maternelle annexée à l'école normale. i
En même temps, l'école « Pape QMK
panüer » est réorganisée et devient l'ifcaiv j
normale supérieure de fenseignemmi \
maternel. A cette école peuvent êu,.
miles les élèves qui, ayant concourt .
avec succès pour l'école normale sMl*
rieure de Fontenay, optent pour Vniiiir -4
gnement maternel. Le programmariSi
renseignement comprend : 9
f8 Un cours de psychologie et de iiiàiwiB 4
appliquées à reducation, et un MMM i
etkistoire eritigue des doeb*aa péitipo-
gigues, portant particulièrement sur ré-
ducat ion de la première enfance.
8" des cours sur les diverses matièret
enseignées dans les cours normaux des
écoles maternelles ;
30 des conférences et des exercices pra-
tiques, tant à récole même que dam les
écoles maternelles et les classes enfan-
! tùffl ;
! 4° des notions sur la législation et Vad-
ministration des écoles maternelles et des
classes enfantines.
. Toutes les fois que je fouille ces docu-
ments, je suis émerveillée de la bonne
volonté dépensée par le ministère de
rinstruction publique ; en même temps,
je suis désolée, en énumérant toutes les
entraves que les « nécessités » budgé-
taires ont mises dans ses rouages. C'est
toujours lui qui paie les perfectionne-
ments des canons et des cuirassés.
Car les « cours normaux », l'école
Pape Carpantier » elle-même ont à peine
existé, faute de ressources.
D'ailleurs nous étions de plus en plus
préoccupés du manque de culture géné-
rale de nos directrices. Il nous semblait,
il nous semble encore, qu'il faut savoir
beaucoup, et dix fois bien, pour se faire
comprendre des tout petits ; que con-
naître seulement les enfants de l'école,
maternelle et pas leurs frères de l'école
primaire, c'est marcher à l'aveuglette
sur un chemin dont on ignorerait le tracé
et 1"issue ; enfin, nous avions à cœur de
faire cesser l'antagonisme, très regret-
table, qui existait entré les institutrices
des enfants de cinq ans, et celles des
enfants de sept ans. Que voulez-vous!
rameur-propre ! les habitudes invétérées
le hiérarchie!
En i884 l'assimilation a été complète
— sur le papier et même dans la prati-
Btue, je ne- dis pas dans les esprits — un
décret porte que « les écoles normales
lont destinées à former des instituteurs
&t des institutrices pour les écoles publi-
ées : maternelles, élémentaires, primai-
res supérieures. »
Nous étions ravût'
Eh bien ! quelques-uns d'entre nous se
sont vite aperçus que nous n'avions
? pas fait ce que dans le peupler on
; appelle de la « belle ouvrage » parce
que cette préparation pour les futures
institutrices maternelles pèche par excès,
; par fausse orientation, par pénurie.
L'excès se montre surtout dans l'étude
des mathématiques, et de l'histoire gé-
nérale ; l'orientation défectueuse saute
aux yeux dans la géographie, qui devrait
être exclusivement pittoresque, et ne se
préoccuper que des hommes, des ani-
maux et des plantes de chaque pays ;
dans le dessin, trop technique, alors
qu'usuel, il entrerait dans les habitudes
de l'institutrice ; la pénurie est flagrante
en hygiène : soins à donner aux bobos
accidentels de l'enfant ; étude des symp-
tômes des maladies infantiles ; étude des
tempéraments et des régimes appropriés
à chacun etc., etc. ; elle est flagrante en
psychologie, flagrante en pédagogie, fla-
grante dans l'art tle raconter, flagrante
en musique, flagrante en tout ce qui con-
cerne l'habileté des doigts; flagrante
enfin dans l'histoire des douleurs socia-
les qu'il faut avoir, au moins, devinées
pouraimer les enfants du peuple comme
on doit les aimer.
Décidément la directrice de l'école ma-
ternelle a besoin d'une préparation spé-
ciale. il'
Et c'est parce qu'elle ne l'a pas reçue
qu'elle ne nous donne pas ce que nous
attendons d'elle, et que, de son côté, elle
a quelque droit de se plaindre de son
sort.
En vérité, elle est entrée à l'école nor-
male parce qu'elle voulait être institu-
rice, avoir une classe, enseigner l'ortho-
graphe, le calcul, l'histoire à des enfants
déjà « débrouillés », dont le nombre ne
dépasserait pas quarante, et la voilà tom-
bée dans une école qui reçoit des cen-
taines d'enfants — des centaines! — qui
ne sont pas « propres », et qu'il faudrait
nettoyer; qui ne savent pas encore ex-
primer leur pensée, et à qui il faudra
l'enseilller; qui ne savent même nas
courir, jouer, des bébés en un mot. La
« classe » rêvée est une nursery !
Et c'est pour être employée dans une
nursery qu'elle a pâti sur ses livres.
dans les affres de l'examen pour le brevet
supérieur, tandis que ses compagnes,
qui ont fait les mêmes études, et qui
sont pourvues du fameux brevet, sonf
entrées directement dans l'école de leur?
rêves ! Mais la malheureuse n'a pas la
vocation ! *
Figurez-vous un élève de l'Ecole poly..
technique, entré à l'Ecole parce qu'ii
veut,coûte que coûte,êtrc ingénieur pour
le compte de l'Etat et qui sort dans le
« Militatre! » S'il le peut, il donne sa Jé-
mission.
La préparation dans une école spéciale
mettrait un terme à cet état de choses
dont souffrent les écoles maternelles et
leur personnel. IL NOUS LA FAUT.
Cette école spéciale aura pour objectif
le « jardin d'enfants »; mais il sera bien
entendu que ce « jardin » sera un jardin
français, dans lequel on cultivera des
plantes françaises, par des procédés
français; parce que, voyez-vous, j'ai une
profonde terreur de la « méthode alle-
mande et de l' « intuition allemande » 4
laquelle il manque notre esprit pour l'é-
veiller, notre cœur pour la réchauffer.
Dans ces « jardins d'enfants » on prati-
quera la « méthode française », et quand
j écris ces deux mots, il me semble voit
une clarté. C'est la méthode de la raison.
du bonheur ; c'est l'indépendance de l'es-
prit, c'est la personnalité intellectuelle.
vivifiées par la chaleur de l'âme.
La Fronde m'aidera, j'en suis sûre, à
organiser mon « école spéciale » et mot
« jardin d'enfants français ».
PAULINE KERGOMARD.
pin
II faut lire, dans ma « Tribune » du il
mars, acquiert pour requiert (48 ligne, '
dernière colonne); et moule pour mondt
au 20 paragraphe de la dernière colonne -
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