Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-10-02
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 02 octobre 1852 02 octobre 1852
Description : 1852/10/02 (Numéro 276). 1852/10/02 (Numéro 276).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 276.
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B 1852.— SAMEDI 2 OCTOBRE.
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J
I >ocr les pays étrangers , se reporter au
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PARIS, !" .OCTOBRE.
La question de la limitation du travail
Journalier, que nous traitions il y a quel
ques jours, a occupé le congrès général
d'hygiène qui s'est réuni à Bruxelles, et qui
a été honoré de la visite^lu roi Léopold. Les
membres des divers pays*. Anglais, Français
Ou Belges, ont .pris part à la-discussion, et,
bien que le congrès ait évité de se pronon
cer sur la limitation du travail des adultes,
le débat a mis en lumière certains faits qui
méritent de fixer l'attention.
On sait qu'en Angleterre un bill, rendu en
-18-17 et complété par un bill de 183,0, alimité
ia journée de travail des femmes et des en-
fans. L'application de ce bill a eu pour résul
tat de diminuer également, dans un - grand
nombre de cas, la durée du travail des hom
mes. On comprend, en effet, que dans les ate
liers qui emploient concurremment des fem
mes et des hommes^ il n'était pas possible
«d'établir une journée différente pour les unes
et pour les autres. Il a donc fallu ramener la
journée des hommes à la durée maximum
que la loi assignait à la journée des femmes.
Aussi de vives réclamations s'élevèrent-elles
d'abord contre cette loi. Les manufacturiers
anglais déclaraient que, les ouvriers pou
vant travailler plus long-temps dans les au
tres pays, on plaçait ainsi l'industrie britan
nique dans des conditions désavantageuses
pour lutter contre les fabricans étrangers.
Voici cependant ce que l'expérience n'a
pas tardé à faire reconnaître : c'est que la
diminution de ia journée n'avait pas entraî
né de réduction dans la quantité de travail
fournie par l'oûvrier. Après avoir successi
vement demandé aux ouvriers quatorze,
•douze et onze heures, des manufacturiers
anglais ont trouvé que l'ouvrier avait pro
duit tout juste autant -de travail en douze
heures qu'en quatorze , en onze heures
qu'en douze. Ainsi, tout en ménageant les
forces humaines, ils avaient obtenu les mê
mes résultats. Mais ce n'est pas tout; ils
avaient obtenu, en outre, cet avantage d'a
voir dépensé, pour obtenir la même quan
tité de produite, moins de charbon, moins
■d'huile, moins de graisse, et, comme l'ou-
\ i ier était plus attentif à sa besogne, d'avoir
eu moins de déchets à subir.
Des faits analogues opt été constatés en
Belgique. La journée a été réduite dans les
ateliers de Gand et de Liège, bien qu'il
tî existe pas de loi limitative chez nos voisins,
mais du plein gré des' fabricans et des ou
vrir Les résultats ont été les mêmes
qu'en" Angleterre. On a cité notamment une
grande fabrique où le coton est filé, tissé et
imprimé. Le travail y était de treize heures.
La journée a été d'abord réduite à douze
heures et demie, puis à douze heures, et
l'on a obtenu la même somme de travail
qu'auparavant. Enfin, on l'a encore abaissée
d'un quart d'heure, sans que la production
ait décru. > ' .
Nous pouvons ajouter que beaucoup de
manufacturiers français ont fait la même
observation. Au Creuzot, par exemple, la
journée des ouvriers employés aux cons-
tructions mécaniques a été diminuée, et la
somme du travail n'en est pas moins restée
la même. Ainsi, l'expérience conduit partout
aux mêmes conclusions. Partout elle amène
à reconnaître que la limitation du travail
n'est pas moins conforme aux lois économi
ques qu'aux lois de l'hygiène et de l'hu
manité.
C'est qu'en effet les facultés de l'homme
ne peuvent comporter qu'une certaine quan
tité de travail physique ou intellectuèl pen
dant un temps donné. On a beau accroître
le nombre des heures de travail, on n'ac
croît pas les forces de l'ouvrier ; les bras et
l'attention se fatiguent, et le travail,ne peut
se soutenir avec la même énergie quand on
prolonge la journée au-delà de ce que com
mandent les bornes de notre nature. Sup
posez, au contraire, un homme en pleine
santé, travaillant dans la mesure de ses
moyens, apportant toujours la même atten
tion, la même vigilance, la même ardeur à
la besogne qui lui est confiée, il donnera de
lui-même le maximum de son effet utile, et
la production industrielle n'y perdra rien.
J. Burat.
Les avis apportés de l'Amérique du Sud,
par la derniere malle des Antilles, nous ap
prennent que les nouvelles des Etats-Unis
avaient causé au Pérou l'irritation la plus
grande. L'assurance donnée par M. Webster
a des armateurs américains, qu'ils seraient
soutenus dans leurs tentatives pour charger
du 'guano .aux îles Lobos malgré les défenses
dugom e mement péruvien, et l'ordre expédié
par ce ministre au commandant de la frégate
Haritan de se porter sur les lieux pour pro
téger les navires américains, ont été juste
ment interprétés à Lima comme un déni des
droiJj^gQj^raiji^ :...
, Le gouvernement péruvien a immédiate
ment convoqué le conseil d'Etat, qui est in
vesti des pouvoirs du congrès dans l'inter
valle des sessions, et lui a demandéles moyens
de résister aux agressions des Américains.L'ef
fectif des troupes régulières a été immédiate
ment porté à 8,000' hommes, les gardes na
tionales ont été mobilisées. On a acheté cinq
navires à vapeur qu'on a armés en guerre ;
on a complété en toute hâte à Gallao l'arme
ment d'une corvette qui porte vingt-quatre
calions du-plus gros calibre, et on l'a expé
diée aux îles Lobos,où elle devait être rejointe
par d'autres bàtimens encore. Enfin, on a
expédié à la frégate l'Amazone, le plus fort bâti
ment de guerre que possède le Pérou, l'ordre
de venir croiser devant les îles. Outre l'esca-
di'è, qui comprendra une douzaine de bàti
mens, cinq cents hommes de troupes de li
gne ont été mis sous les ordres du général
Destua, officier de mérite, qui a reçu le titre
de commandant eu chef. Il a pour instruc
tion d'adresser trois sommations à tout na
vire qui attérirait aux îles Lobos, et de le
couler à fond après la troisième sommation.
Pour protéger la côte, un camp de deux
mille hommes de troupes et de deux mille
gardes nationaux a été établi à Lembavè-
que, en face des îles Lobos.
Ces détails montrent que le gouvernement
péruvien n'a manqjié ni d'activité ni de dé
cision, et qu'il a pris résolument le parti
d'affronter son redoutable adversaire. Du
reste, l'excitation était très vive dans la po
pulation ; on demandait hautement que
dans le cas où les corsaires des Etats-Unis
réussiraient à s'emparer des îles, on confis
quât les biens de tous les Américains éta
blis au Pérou. On se promettait, d'ailleurs, à
Gallao, en cas de guerre, d'armer des navi
res en course et d'enlever les bateaux à va
peur qui font le service entre San-Francis-
co et Panama. Les Américains du nord ont
tellement froissé toutes les nations de l'A
mérique du Sud, par leurs habitudes impé
rieuses et leur arrogance, que la seule idée
de" guerroyer contre eux et de détruire leur
commerce dans l'Océan-Pacifique, a suffi
pour exciter l'enthousiasme des Péruviens.
Ces faits attestent une atteinte profonde
portée à l'influence des Etats-Unis dans Le
Nouveau-Monde. C'est aux nations européen
nes, véritables protectrices-de l'indépendan
ce des petits Etats américains, à mettre à
profit ces dispositions des populations. 11
faut que les hommes d'Etat de Washington
aient compris toute l'étendue de la faute
qu'ils avaient commise, car, au reçu des nou
velles du Pérou, M. Webster n'a pas per
du un jour pour se rétracter de la ^fa
çon la plus éclatante. C'tst à un arma
teur du nom de Jewett qu'il avait adressé
la lettre dans laquelle il niait les droits de
propriété du Pérou sur les îles Lobos, et il
avait engagé cet armateur à continuer _ses
opérations. Voici la nouvelle lettre que M.
Webster a adressée à M. Jewett et qu'il a li
vrée à la publicité : •
ministère d'état.
Washington, 21 août 1852.
Monsieur, j'ai reçu votre lettre du 16 et les piè
ces qui l'accompagnaient, relatives aux lies Lobos.
Depuis celle que ce département vous a adressée,
sous la date du S, en réponse à la vôtre du 2 juin,
le gouvernement a appris que le gouvernement
péruvien réclame son droit sur cesiles, et qu'il a,
en 1842, publié deux décrets défendant à tout na
vire étranger, sous peine de confiscation, d'enle
ver du guano sur aucune des lies près de la côte
du Pérou sans une permission du gouvernement.
Dans ces circonstances, on compte que les navi
res qui s'y sont rendus sous vos auspices ne feront
pas usage des armes dont il paraît, d'après votre
lettre du 16 courant, qu'ils sont pourvus dans le
but de résister par la force aux autorités péru
viennes. Vous devez savoir qu'une telle résistance
serait un acte de piraterie qui ne peut jamais rece
voir aucun encouragement de notre gouvernement.
Le commandant de la force navale des Etats-Unis
dans le Pacifique sera, dans les circonstances actuel
les, également requis de- s'abstenir de protéger tout
bâtiment des Etats-Unis qui poùrràit visiter ces
iles dans des vues prohibées par les décrets du
gouvernement péruvien jusqu'à nouvel ordre.
Quelques détails, contenus dans votre lettre du 4
juin dernier, étaient de nature à nous égarer ; et,
comme il a été dit plus haut, ils peuvent (c'est à
craindre) avoir eu ce résultat.
Je suis, Monsieur, votre très respectueux et
obéissant serviteur, . D aniel webster.
Il est impossible de se démentir plus com
plètement. M. Webster qualifie maintenant
d'acte de piraterie ce qu'il avait déclaré
parfaitement légitime, si légitime même, qu'il
avait donné ordre à une frégate des Etats-
Unis de se rendre aux iles Lobos, pour pro
téger les opérations qu'il flétrit aujourd'hui.
En même temps un contre-ordre, qui semble
émané du présidènt Fillmore lui-même, a
été expédie en ces ternies au commodore
Macaùlev.
25 août 1882.
Monsieur, par la volonté du président, vous se-
reztenu de suspendre, jusqu'à nouvel ordre, l'exé
cution dès instructions qui vous avaient été don
nées à la date du 16 juin 1852 et vous êtes prié
de vous abstenir d'aider ou encourager tous ci
toyens des Etats-Unis qui pourraient résister par
la force à l'exécution des lois du Pérou, émanées
du pouvoir de cette république. .
Je suis, etc. john p. kennedy.
Ce contre-ordre arrivera-t-il à temps pour
prévenir une collision entre la marine des
Etats-Unis et la marine du Pérou? On doit le
désirer dans l'intérêt de l'humanité et de la
paix du monde. Cucheval-ClarigNy.
Les travaux qui vont s'exécuter à Mar-
seille sont conçus sur des proportions telle
ment grandioses, "qu'ils peuvent rivaliser
avec ceux qui s'effectuent aujourd'hui dans
Paris pour l'achèvement du Louvre et de la
rue de Rivoli.
On ne lira pas sans intérêt les détails
qui suivent : nous les recevons d'une'per-
sonne qui vient de visiter ce port de mer.
A peine le port auxiliaire de la Joliette
est-il disposé à recevoir les navires, que déjà
les projets d'un troisième port approuvé
par le gouvernement sont à la veille d'être
entrepris.
L'œil a de la peine à embrasser l'immen
sité de l'espace qui va être conquis sur la
mer pour l'enceinte des ouvrages. Le nou
veau port de la Joliette est abrité par une
jetée de 1,118 mètres de longueur; il est fer
mé par deux jetées perpendiculaires à la
côte, longues de 400 mètres. C'est la lar
geur du nouveau port. Sa longueur est de
500 mètres.
, Le port en projet, qui se nommera port
' • d'Arenc, sera formé par une jetée parallèle
; au rivage, de 1,000 mètres de développe
ment, Sur le rivage et sur la jetée on éta
blira de larges quais. Ces quais, y compris
ceux de la jetée de, fermeture, auront près
de 2,000 mètres de développement. Ajoutés
à ceux du bassin de la Joliette et de l'an
cien port, ils formeront une longueur de
plus de 6,000 mètres.
" L'ancien port peut contenir 1,200 navires,
les deijx nouveaux pourront en recevoir
800 chacun, ce qui présente un total de
2,800 navires pouvant trouver un abri. Dans
les trois ports, les chargemens et décharge-
mens auront lieu à quai.
Maintenant, si l'on jette les yeux sur la
terre ferme, on est frappé de la superficie
qui va être accordée aux constructions.
D'abord du côté d'Arenc tous les terrains
de l'ancien lazaret, plaines immenses, vont
être transformés en une nouvelle cité ;
Marseille sera réellement doublée, la ville
qui surgira effacera son aînée. Entre les deux
ports sera établie la gare maritime du che
min de fer. C'est une heureuse conception.
Les marchandises s'ont débarquées du na-
•- .vire et rechargées, à quelques mètres seule
ment, sur les wagons du chemin de fer, et
vice versâ, sans perte de temps, sans qu'il
soit besoin de faire un long chemin.
Viennent après, les docks, immenses ma
gasins où s'entreposeront des milliers de
tonnes de marchandises ; enfin le nouveau
palais épiscopal et le séminaire.
Tous ces quais, ces docks, ces jetées, celte
gare, ce nouveau quartier, tout cela sera
exécuté largement, en des proportions ré
glées sur les besoins d'une circulation de
personnes et de marchandises dont on a
déjà une idée en parcourant les quais du
vieux port.
Que dire de la dépense de ces travaux? La
comparaison seule peut donner un chiffre
approximatif : ainsi le port de la Joliette, qui
est en voie d'achèvement, coûtera environ
13 millions. On peut donc conclure que le
nouveau port d'Arencavec Ses dépendances,
• le chemin de fer, lés docks , la cathédralè,
le palais épiscopal, le séminaire, atteindront
un chiffre supérieur.
Ce vaste ensemble d'ouvrages, en triplant
l'étendue des établissemens maritimes de
Marseille, lui donne deux bassins praticables
par tous les vents et résout définitivement
un problème débattu sans succès pendant
! de longues années. L. Boniface.
VOYAGE DU PRINCE-PRESIDENT.
Le voyage du prince-Président se poursuit,
comme il a été annoncé. Le prince est arrivé
aujourd'hui à Montpellier. Il couchera de
main à Narbonne; après-demain, à.Carcas-
sonne. Même dans les villes où il ne doit
s'arrêter que quelques instans, d'immenses
préparatifs sont faits pour le recevoir.
A Montpellier, on répète depuis plusieurs
semaines la danse du Chevalet et le pas des
Treilles, qui doivent être exécutés sur la
place du Peyroù, devant le prince. Les étran
gers, attirés par la- beauté des préparatifs,
arrivaient de tous côtés.
Le conseil" municipal de la commune de
Cabrières, près de Clermont-l 'Hérault, a vo
té des fonds pour un feu de joie, qui a dû
être allumé ce soir même sur le pic de Bis-
sou, à l'occasion du passage du prince-Pré
sident. On pensait que d'autres communes
du département, et surtout des environs de
Montpellier qui se trouvent dans le voisi
nage des montagnes, imiteraient l'exem
ple donné par la commune dé Cabrières. On
sait que ce genre d'illumination, qui s'est
répété partout sur le passage du prince, a
produit l'effet le plus grandiose, notamment
a Grenoble. , •
On attendait à Narbonne des députations
de Barcelone et d'autres localité.s espagno
les. Le général commandant la division à
Perpignan devait aussi se rendre àNarbonne.
Le prince avec sa suite occupera les salles
du musée, dont la façade a été restaurée à
cette occasion. Ce monument servait autre
fois de résidence aux archevêques primats
des Gaules, il fut habité par Louis XIII et par
Richelieu. Ce 1 musée renferme des galeries
historiques du XIV e du XV e et du XVI e siè
cle. La réception aura lieu dans la salle du
synode et le bal dans la salle des gardes.
Nous donnons la suite des dépêches :
Aix, 29 septembre, 11 h. du soir.
Le prince a fait son entrée à Aix, à quatre heu
res du soir'. Cette entrée a été magnifique ; les
vieillards ne se souviennent pas d'avoir rien vu de
semblahle dans la ville.
La population, grossie par toutes les commu
nes voisines, est immense.
Le cri de Vive l'Empereur se fait entendre de
toutes parts sur le passage du prince, qui se rend
directement à la cathédrale ; dans la soirée, la
ville entière est illuminée ; les vastes portiques
et les colonnades du Palais-de-Justice, couverts de
spirales de feu, forment une salle de bal d'un
éclat grandiose et inaccoutumé.
Le prince ouvi'e le bal; quand il quitte le palais
à dix heures et demie, les jeux du roi Réné défi
lent devant lui à la lueur des torches avec les at
tributs pittoresques.
Nimes, 30 septembre, 2 h. du soir:
Le prince entre à Nimes, et il est accueilli aux
cris mille fois répétés de Vive l'Empereur !
Nimes, 1 er octobre, o h. du matin.
S. A. a parcouru toute la ville hier. Sur son
passage une immense population a fait entendre
les cris de Vive l'Empereur ! vive Napoléon III !
L'enthousiasme est extraordinaire.
S. A. a assisté à une ferrade aux Arènes, et est
rentrée à la préfecture à six heures, pour recevoir
les députations officielles.
S. A. s'est rendue au bal donné dans la salle de
Marine. Partout les mômes cris et le même en
thousiasme.
Nimes, 1 er octobre, 10 h. du matin.
S. A. part pour Montpellier : elle a été saluée,
sur son passage de la prélecture à la gare du che
min de fer, par les plus vives acclamations et aux
cris de Vive l'Empereur ! Vive Napoléon III!
Montpellier, I er octobre, 1 heure du soir.
Il est midi «t demi ; Son Altesse fait son en
trée dans la ville au milieu d'un concours im
mense des populations accourues de tous les
points du département. La joie est peinte sur tous
les visages, et un seul cri part dé toutes les bou
ches, celui "de Vivel'Empereur ! vive NapoléonIII!
tait sur la frontière, composée de socialistes pié-
montais et français; que leur but était d'assassi
ner le prince, et que ce meurtre accompli, tous
les démagogues piémontàis devaient traverser la
frontière, et, s'associant à ceux du Var, traverser
les Basses-Alpes, et arriver au cœur de la France
avec un fort noyau.
» M. le préfet aurait tout mis en œuvre pour
parvenir à la découverte de cette trame ; il aurait
appris que le complot était certain, et l'autorité
locale s'occupait des moyens à prendre pour le
faire avorter.
» Mardi dernier, un agent de police, arrivant
de Paris pour rester dans' les villes ou le prince
doit séjourner, aurait appris, par un conjuré pié
montàis,. l'existence d'une machine infernale ;
mais ce dernier n'aurait pu une ou ou ia ierait
partir.
» Enfin, à force de recherches dans trois ou
quatre demeures, on pénétra dans une maison si
tuée dans une rue où devait passer le prince et
l'on y découvrit la machine.
» Le chef, nommé Gaillard, parvint à s'échap
per en chemise ; mais hier, à quatre heures de
l'après-midi, on comptait déjà quatre-vingts con
jurés arrêtés à, la suite de cette tentative;
» Leur intention était de placer la machine
dans un appartement assez, bas de la maison
n" 03, dans la rue d'Aix. La fenêtre devait être
masquée par un grand aigle, lequel, au moment
donné, devait, par le moyen d'un ressort, retirer
ses ailes et faire place à l'instrument meurtrier.
» Le système adopté dans la construction de la
machine rappelle beaucoup l'appareil de Fieschi,
si ce n'est que, par quelques dispositions et le
nombre des canons qui la composent,elle pouvait *
produire des effets de destruction plus terribles.
. » La machine de Fieschi n'avait qu'une seule
rangée de fusils ; ici l'appareil offre un parallélo
gramme dont la partie supérieure est garnie de
26 canons. Au-dessous de chaque côté, deux com-
partimens présentent chacun 4 rangées de 12' ca
nons, soit 48 canons pour chacun de ces compar-
timens. Le milieu de la partie inférieure est cou
pé par 2 tromblons dont l'orifice de la pàrtie in
férieure est à peu près pareil à celui d'une piè
ce de 4.' Les canons sont d'une longueur de
30 à 35 centimètres environ , et leur struc
ture est assez singulière; ils sont tous Uniformé
ment construits en carton bleu excessivement fort,
revêtus à l'intérieur en métal laminé. Les diffé-
rens compartimens sont maintenus par des plan
ches et solidement reliés par des écrous qui étrei-
gnent tout le système. Un appareil soufré réunit
toutes les mèches iixées à la partie postérieure des
canons, qui offrent .à cet endroit l'aspect d'une
caisse de fusées. Ainsi l'explosion devait être aussi
terrible qu'instantanée.
» On ne saurait se faire une' idée de l'indigna
tion causée à Marseille par cet abominable com
plot. » r
Le Journal de 7Woî«epublie, au sujet de la
machine infernale découverte à Marseille,
une lettre qui, sur plus-d'un point, se rap
proche de la correspondance du Morning-
Herald, mais qui cependant offre assez de dé
tails nouveaux: pour que nous nous soyons
décidés à la reproduire :
« 11 y a quinze jours, M. le préfet aurait reçu
un avis de son collègue du département du Var,
qui lui annonçait qu'une vaste conspiration exis
Le tableau régulateur publié aujourd'hui
par le ministère de l'intérieur., de l'agricul
ture et du commerce , présente une hausse
marquée et presque générale sur le prix des
blés.
La moyenne générale de l'hectolitre de
froment, qui était de 16 fr. 65 il y a un mois,
est montée à 17 fr. 23 c. C'est une hausse de
60 c, sur l'ensemble.
La hausse a été surtout sensible sur les
marchés de l'Ouest; dans la 2 e section de la
l re classe, qui a pour régulateurs Saint-LÔ,
Paimpol,Quimper, Hennebon et Nantes, elle
est de I fr 16 c.
Une seule section fait exception : c'est la
l re section de la 3 e classe (marchés régula- ■
teurs, Mulhouse et Strasbourg), où les prix
ont baissé de 1 fr. 4 c. ; .
On sait que ce tableau est dressé sur les
prix de la dernière semaine du mois précé
dent et des deux premières du mois cou
rant, c'est-à-dire une semaine d'août et
deux de septembre ; les prix les plus élevés
sont ceux de Marseille, fin août, 23 fr. 10 c.
et les plus bas ceux de Toulouse, 15 fr. 3-1 c.,
aussi fin août. On verra .que la tendance gé
nérale, dans la deuxièmé quinzaine de
septembre, était plutôt % fit- baisse- qu'à la
hausse, et, depuis, les prix ont peu varié!
: Pour que lé mouvement se détermine, il
faut attendre la fin des semailles.
L. BONiFACE.
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 2 OCTOBRE.
IL A C®1I®ESSE
de. mauléon.'
XXVII.
les GRANDS jours de la comtesse. — revue de
ses gardes d'honneur.
Je ne vous répéterai pas ce que vous sa
vez comme moi, ce que sait tout homme qui
lie vit pas dans les régions lunaires, l'his
toire des succès de la comtesse de Mauléon.
Ce fut, dès le premier jour, un engoue
ment universel; elle s'empara de l'oreille
du public, et sut la conserver, bon gré
mal gré. Elle était de ces enfan s gâtés à
qui I on passe bien des choses en faveur de
leurs grâces, et qui, d'abus en abus, finissent
par tout se permettre avec impunité. Elle
eut donc des cliens, et par milliers : la jeu
nesse, qui va toujours vers la nouveauté; les
femmes, chez qui sa plainte éveillait des
échos, tous les esprits orageux, toutes les
ames en révolte; • enfin, elle eut la critique,
qui porte volontiers les gens aux nues, afin
d'avoir le plaisir de les laisser retomber de
plus haut.
Aussi, à peine eut-elle fixé son séjour à
* La reproduction est interdite.
Paris, que ses salons devinrent un point de-
réunion très recherché et très couru. On y
vit la fleur de la grande compagnie et
l'élite de toutes les carrières : écrivains
illustres et artistes de premier ordre, noms
de robe et d'épée, célébrités de la presse et
du théâtre, de la politique et de la diploma
tie. C'était un terrain neutre où il était de
bon goût de se rencontrer, et qui offrait les
plus singuliers contrastes d'opinions et de
positions, venues des points les plus extrê
mes. Quoique peu habituées à se,trouver en
présence, elles s'y mettaient à l'aise sans
rien perdre de leur, dignité. Il faut dire que
la comtesse dominait tout cela par l'ascen
dant de sa grâce et le prestige de son talent;
elle- régnait seule, et auprès d'elle les rangs
se confondaient, Personne ne venait là pour
lui-même, tous y venaient pourelle,etle plus
envié était celui qu'elle distinguait le plus.
On eût dit une cour où chacun apportait ses
hommages avec l'espoir d'y recueillir un
mot aimable ou un témoignage de faveur;
point d'autre titre, si ce n'est d'agréer et de
plaire.
Vous savez comment le prenait la com
tesse; Dieu merci, on en a fait assez de bruit.
L'imagination était chez elle beaucoup plus
vive que le cœur; le soin de son art passait
avant tout, et, même dans ses émotions, elle
voyait des sujets d'étude. A vrai dire, c'était
là son feu sacré, et, pour l'entretenir, elle
usait de tous les moyens et variait l'em-
loi du combustible. Mon Dieu! qui l'en
làmerait? A coup sur, ce n'est ni vous, ni
moi, ni aucun de ceux qui se sont .réchauf
fés à ce foyer de passions, où l'ardeur
le disputait à l'éclat. Qu'elle se rappro-
E
cliât des grands peintres, des grands sta
tuaires, des musiciens illustres, des poètes
rêveurs, des écrivains pimpans ou raffinés,
pour emprunter à ceux-ci la couleur, à ceux-
là le ton libre et hardi, aux autres l'harmo
nie, la forme, l'ajustement, les draperies du
style, quoi de plus naturel et de plus con
forme aux légitimes instincts de l'esprit?
mais ce besoin d'essayer et cette soif de con
naître ont des limites, et elle les dépassa :
des fruits permis elle passa au fruit prohibé
et ne se fit pas faute dry mordre.
Rien de plus commun que cet égarement;
la comtesse y succomba ; elle chercha le si
gne de sa force ailleurs que Dieu ne l'avait
mis. Son véritable empire était dans les
sphères orageuses ou sereines de l'imagina
tion, partout où la fantaisie crée ou détruit
à son gré, jette ses lumières Ou répand ses om
bres. Tout ce que cette faculté renferme de
ressources, elle le possédait ; elle en avait
pénétré les secrets, elle en connaissait la puis
sance. Elle avait le don de la ligne et de la
couleur; elle savait revêtir la nature de la
robe qui lui convient, l'étudier d'un œil
épris et la peindre en écrivain qui en sent le
charme. Elle n'ignorait rien non plus des
mystères du cœur et en avait sondé les re
plis : pointde travers, pointde faiblesse qui lui
échappât; point d'heureuse découvertequ'elle
nefit dans la sphère des sentimens les plus
vrais et les plus .naturels. On eût dit un livre
familier, toujours ouvert sous ses yeux et
qu'elle parcourait sans hésitation ni effort.
Pourquoi ne pas s'en tenir là, dans ce ca
dre heureux, entre l'étude de la nature et
l'étude du cœur, avec tout ce qu'il fallait
pour faire aimer l'une et comprendre l'au-
; tre ? Pourquoi abandonner ces sentiers sou-
rians, pleins de verdure et de fleurs et peu-
, plés d'images heureuses, ou bien, si l'on ve ut,
ces rocs sourcilleux battus par la foudre et
. en butte aux déebainemens dç la pa sion''
Rien n'y obligeait la comtesse, si ce rrest ce
fol orgueil qui détourne l'esprit des con
quêtes qui sont à sa portée pour le puu«ser
vers celles qu'il ne saurait atteindre. Pour
tant elle céda; elle quitta le naturel pour al
ler vers la quintessence, et troqua sa tuni
que de fée contre une robe de docteur. C'est
sur les Trinaclion qu'il faut rejeter la res
ponsabilité de ces écarts; ils l'obsédaient
■et pullulaient autour d'elle. Dès qu'elle en
eut admis un, il lui en arriva vingt, tous
avec des systèmes différens. Chacun d'eux
essayait de l'entraîner de son côté, et
elle ne savait pas résister à leurs instanoes.
Avec ceux-ci elle fatigua le ciel de blasphè
mes insensés et entassa tirades sur tirades
afin d'élever plus haut .ses défis ; avec céux-
là elle se jeta dans la métempsychose, joua
aux revenans et multiplia les contes à dor
mir debout. Mais l'expiation n'était pas loin;
à chacune de ces révoltes répondait un échec
formel, et il ne dépendit pas 'de Trinachon
qu'elle ne descendit de chute en chute jus
qu'au fond de ces oubliettes d'où les renom
mées ne se relèvent plus.
Ainsi la comtesse avait successivement ré
fléchi les influences dont elle était entourée.
Des poètes elle avait passé aux romanciers,
des romanciers aux artistes, des artistes aux
philosophes, des philosophes aux créateurs
des mondes à l'envers. Elle en était là lors
que Lucien fit irruption dans son tourbillon
et se jeta à la traverse de tous ces systèmes.
XXVIII.
otî l'on assiste a une fête des favoris de l'art.
— quelques incidens de la soirée.
Depuis que Mérinval avait ses entrées chez
li Lumtesse, il se tenait sur la défensive
< i > lc moi, et mettait autant de soin à m'évi-
tt i qu'il en apportait naguères à me rejoin-
di e Quand par hasard nous nous retrou
vions ensemble, un embarras visible écla
tait sur son maintien ; il ne savait de quoi
m'entretenir, mesurait et pesait ses pa
roles et, sur le moindre pretexte, rompait
la conférence et se délivrait de moi com
me on se délivre d'un importun. Plus de
confiance, ni d'abandon ; ces douces habitu
des avaient fui sans retour. Je n'étais désor
mais pour lui, ni un guide, ni un compa
gnon; j'étais un étranger et peu s'en mut
un ennemi.
Ce changement me causa du chagrin et de
l'humeur. Il me semblait que mon attache
ment méritait plus de retour et que j'en avais
donné des preuves assez fortes pour qu'on
n'en fît pas aussi bon-marché. Le dépit s'en
mêlant, peut-être aurais-je rendu procédé
pour procédé, et répondu aux froideurs de
Lucien par un délaissement absolu, si mon
affection ne l'eût emporté sur mes sus
ceptibilités. Des susceptibilités ! à quoi bon
d'ailleurs et envers qui? Envers cet enfant,
qu'emportait un premier amour et qui, saisi
de vertige, n'avait plus la libre disposition
ni de sa tête, ni de son cœur. Puis, à tout
prendre, rompre, c'était me punir et me pu
nir seul; le châtiment eût glissé sur le cou
pable et atteint un innocent. Je me résolus
donc à rester pour Lucien cejque j'avais été
et à ne pas mesurer mes sentimens sur les
siens : la raison et la tendresse me le conseil
laient. A défaut d'une tutelle ouverte, je
pouvais exercer sur lui une surveillance ina
perçue, le suivre comme ces dieux invisibles
qui accompagnaient les héros d'Homère et
au besoin descendre dé mon nuage pour me
portef à son secours. Voilà le, plan de con
duite que je me traçai et que j'exécutai à la
lettre.
Quoique bien accueilli chez la comtesse de
Mauléon, je n'avais près d'elle ni les titres
d'un officieux, ni-les privilèges d'un assidu.-
Je n'étais pas des petits jours et n'avais pas
j etais sûr de n'être point i
voir une invitation dans toutes "les formes.
De la comtesse à moi, les choses se traitaient
de puissance à puissance ; je pouvais la ser
vir^ je pouvais lui nuire, double motif pour
me ménager. Elle avait son empire, et j'avais
le mien; elTe courait après la vogue et je te
nais la vogue en mon pouvoir; j'en dispo
sais à mon gré, comme le vieil Eole dispo
sait des vents comprimés dans son anû'e.
Excusez l'imagé; c'est un genre où j'excelle;
il est naturel que j'en abuse un peu. -
Pour donner suite à mes projets et prélu
der à la surveillance dont je voulais entou
rer Lucien, je profitai de la première invita
tion que la comtesse m'adressa. C'était pour
tous les frais.; il devait y avoir concert, dan
ses, illumination générale, et souper entre
trois et quatre heures du matin. Cette der
nière partie du programme ne se confiait
ISOSH.4S "S : ■■■■<• de laloi». < 6*»!! i!»-ï 5«. ki !). n> IO.
B 1852.— SAMEDI 2 OCTOBRE.
Prix de l'abonnement..
PARIS ET DEPAPTEMENS :
g ph. pour trois mois.
S2 fr. pour 'l'année.
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J
I >ocr les pays étrangers , se reporter au
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S'adresser, franco, pour la rédaction, à M. Cucheval-Clabigny, n
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PARIS, !" .OCTOBRE.
La question de la limitation du travail
Journalier, que nous traitions il y a quel
ques jours, a occupé le congrès général
d'hygiène qui s'est réuni à Bruxelles, et qui
a été honoré de la visite^lu roi Léopold. Les
membres des divers pays*. Anglais, Français
Ou Belges, ont .pris part à la-discussion, et,
bien que le congrès ait évité de se pronon
cer sur la limitation du travail des adultes,
le débat a mis en lumière certains faits qui
méritent de fixer l'attention.
On sait qu'en Angleterre un bill, rendu en
-18-17 et complété par un bill de 183,0, alimité
ia journée de travail des femmes et des en-
fans. L'application de ce bill a eu pour résul
tat de diminuer également, dans un - grand
nombre de cas, la durée du travail des hom
mes. On comprend, en effet, que dans les ate
liers qui emploient concurremment des fem
mes et des hommes^ il n'était pas possible
«d'établir une journée différente pour les unes
et pour les autres. Il a donc fallu ramener la
journée des hommes à la durée maximum
que la loi assignait à la journée des femmes.
Aussi de vives réclamations s'élevèrent-elles
d'abord contre cette loi. Les manufacturiers
anglais déclaraient que, les ouvriers pou
vant travailler plus long-temps dans les au
tres pays, on plaçait ainsi l'industrie britan
nique dans des conditions désavantageuses
pour lutter contre les fabricans étrangers.
Voici cependant ce que l'expérience n'a
pas tardé à faire reconnaître : c'est que la
diminution de ia journée n'avait pas entraî
né de réduction dans la quantité de travail
fournie par l'oûvrier. Après avoir successi
vement demandé aux ouvriers quatorze,
•douze et onze heures, des manufacturiers
anglais ont trouvé que l'ouvrier avait pro
duit tout juste autant -de travail en douze
heures qu'en quatorze , en onze heures
qu'en douze. Ainsi, tout en ménageant les
forces humaines, ils avaient obtenu les mê
mes résultats. Mais ce n'est pas tout; ils
avaient obtenu, en outre, cet avantage d'a
voir dépensé, pour obtenir la même quan
tité de produite, moins de charbon, moins
■d'huile, moins de graisse, et, comme l'ou-
\ i ier était plus attentif à sa besogne, d'avoir
eu moins de déchets à subir.
Des faits analogues opt été constatés en
Belgique. La journée a été réduite dans les
ateliers de Gand et de Liège, bien qu'il
tî existe pas de loi limitative chez nos voisins,
mais du plein gré des' fabricans et des ou
vrir Les résultats ont été les mêmes
qu'en" Angleterre. On a cité notamment une
grande fabrique où le coton est filé, tissé et
imprimé. Le travail y était de treize heures.
La journée a été d'abord réduite à douze
heures et demie, puis à douze heures, et
l'on a obtenu la même somme de travail
qu'auparavant. Enfin, on l'a encore abaissée
d'un quart d'heure, sans que la production
ait décru. > ' .
Nous pouvons ajouter que beaucoup de
manufacturiers français ont fait la même
observation. Au Creuzot, par exemple, la
journée des ouvriers employés aux cons-
tructions mécaniques a été diminuée, et la
somme du travail n'en est pas moins restée
la même. Ainsi, l'expérience conduit partout
aux mêmes conclusions. Partout elle amène
à reconnaître que la limitation du travail
n'est pas moins conforme aux lois économi
ques qu'aux lois de l'hygiène et de l'hu
manité.
C'est qu'en effet les facultés de l'homme
ne peuvent comporter qu'une certaine quan
tité de travail physique ou intellectuèl pen
dant un temps donné. On a beau accroître
le nombre des heures de travail, on n'ac
croît pas les forces de l'ouvrier ; les bras et
l'attention se fatiguent, et le travail,ne peut
se soutenir avec la même énergie quand on
prolonge la journée au-delà de ce que com
mandent les bornes de notre nature. Sup
posez, au contraire, un homme en pleine
santé, travaillant dans la mesure de ses
moyens, apportant toujours la même atten
tion, la même vigilance, la même ardeur à
la besogne qui lui est confiée, il donnera de
lui-même le maximum de son effet utile, et
la production industrielle n'y perdra rien.
J. Burat.
Les avis apportés de l'Amérique du Sud,
par la derniere malle des Antilles, nous ap
prennent que les nouvelles des Etats-Unis
avaient causé au Pérou l'irritation la plus
grande. L'assurance donnée par M. Webster
a des armateurs américains, qu'ils seraient
soutenus dans leurs tentatives pour charger
du 'guano .aux îles Lobos malgré les défenses
dugom e mement péruvien, et l'ordre expédié
par ce ministre au commandant de la frégate
Haritan de se porter sur les lieux pour pro
téger les navires américains, ont été juste
ment interprétés à Lima comme un déni des
droiJj^gQj^raiji^ :...
, Le gouvernement péruvien a immédiate
ment convoqué le conseil d'Etat, qui est in
vesti des pouvoirs du congrès dans l'inter
valle des sessions, et lui a demandéles moyens
de résister aux agressions des Américains.L'ef
fectif des troupes régulières a été immédiate
ment porté à 8,000' hommes, les gardes na
tionales ont été mobilisées. On a acheté cinq
navires à vapeur qu'on a armés en guerre ;
on a complété en toute hâte à Gallao l'arme
ment d'une corvette qui porte vingt-quatre
calions du-plus gros calibre, et on l'a expé
diée aux îles Lobos,où elle devait être rejointe
par d'autres bàtimens encore. Enfin, on a
expédié à la frégate l'Amazone, le plus fort bâti
ment de guerre que possède le Pérou, l'ordre
de venir croiser devant les îles. Outre l'esca-
di'è, qui comprendra une douzaine de bàti
mens, cinq cents hommes de troupes de li
gne ont été mis sous les ordres du général
Destua, officier de mérite, qui a reçu le titre
de commandant eu chef. Il a pour instruc
tion d'adresser trois sommations à tout na
vire qui attérirait aux îles Lobos, et de le
couler à fond après la troisième sommation.
Pour protéger la côte, un camp de deux
mille hommes de troupes et de deux mille
gardes nationaux a été établi à Lembavè-
que, en face des îles Lobos.
Ces détails montrent que le gouvernement
péruvien n'a manqjié ni d'activité ni de dé
cision, et qu'il a pris résolument le parti
d'affronter son redoutable adversaire. Du
reste, l'excitation était très vive dans la po
pulation ; on demandait hautement que
dans le cas où les corsaires des Etats-Unis
réussiraient à s'emparer des îles, on confis
quât les biens de tous les Américains éta
blis au Pérou. On se promettait, d'ailleurs, à
Gallao, en cas de guerre, d'armer des navi
res en course et d'enlever les bateaux à va
peur qui font le service entre San-Francis-
co et Panama. Les Américains du nord ont
tellement froissé toutes les nations de l'A
mérique du Sud, par leurs habitudes impé
rieuses et leur arrogance, que la seule idée
de" guerroyer contre eux et de détruire leur
commerce dans l'Océan-Pacifique, a suffi
pour exciter l'enthousiasme des Péruviens.
Ces faits attestent une atteinte profonde
portée à l'influence des Etats-Unis dans Le
Nouveau-Monde. C'est aux nations européen
nes, véritables protectrices-de l'indépendan
ce des petits Etats américains, à mettre à
profit ces dispositions des populations. 11
faut que les hommes d'Etat de Washington
aient compris toute l'étendue de la faute
qu'ils avaient commise, car, au reçu des nou
velles du Pérou, M. Webster n'a pas per
du un jour pour se rétracter de la ^fa
çon la plus éclatante. C'tst à un arma
teur du nom de Jewett qu'il avait adressé
la lettre dans laquelle il niait les droits de
propriété du Pérou sur les îles Lobos, et il
avait engagé cet armateur à continuer _ses
opérations. Voici la nouvelle lettre que M.
Webster a adressée à M. Jewett et qu'il a li
vrée à la publicité : •
ministère d'état.
Washington, 21 août 1852.
Monsieur, j'ai reçu votre lettre du 16 et les piè
ces qui l'accompagnaient, relatives aux lies Lobos.
Depuis celle que ce département vous a adressée,
sous la date du S, en réponse à la vôtre du 2 juin,
le gouvernement a appris que le gouvernement
péruvien réclame son droit sur cesiles, et qu'il a,
en 1842, publié deux décrets défendant à tout na
vire étranger, sous peine de confiscation, d'enle
ver du guano sur aucune des lies près de la côte
du Pérou sans une permission du gouvernement.
Dans ces circonstances, on compte que les navi
res qui s'y sont rendus sous vos auspices ne feront
pas usage des armes dont il paraît, d'après votre
lettre du 16 courant, qu'ils sont pourvus dans le
but de résister par la force aux autorités péru
viennes. Vous devez savoir qu'une telle résistance
serait un acte de piraterie qui ne peut jamais rece
voir aucun encouragement de notre gouvernement.
Le commandant de la force navale des Etats-Unis
dans le Pacifique sera, dans les circonstances actuel
les, également requis de- s'abstenir de protéger tout
bâtiment des Etats-Unis qui poùrràit visiter ces
iles dans des vues prohibées par les décrets du
gouvernement péruvien jusqu'à nouvel ordre.
Quelques détails, contenus dans votre lettre du 4
juin dernier, étaient de nature à nous égarer ; et,
comme il a été dit plus haut, ils peuvent (c'est à
craindre) avoir eu ce résultat.
Je suis, Monsieur, votre très respectueux et
obéissant serviteur, . D aniel webster.
Il est impossible de se démentir plus com
plètement. M. Webster qualifie maintenant
d'acte de piraterie ce qu'il avait déclaré
parfaitement légitime, si légitime même, qu'il
avait donné ordre à une frégate des Etats-
Unis de se rendre aux iles Lobos, pour pro
téger les opérations qu'il flétrit aujourd'hui.
En même temps un contre-ordre, qui semble
émané du présidènt Fillmore lui-même, a
été expédie en ces ternies au commodore
Macaùlev.
25 août 1882.
Monsieur, par la volonté du président, vous se-
reztenu de suspendre, jusqu'à nouvel ordre, l'exé
cution dès instructions qui vous avaient été don
nées à la date du 16 juin 1852 et vous êtes prié
de vous abstenir d'aider ou encourager tous ci
toyens des Etats-Unis qui pourraient résister par
la force à l'exécution des lois du Pérou, émanées
du pouvoir de cette république. .
Je suis, etc. john p. kennedy.
Ce contre-ordre arrivera-t-il à temps pour
prévenir une collision entre la marine des
Etats-Unis et la marine du Pérou? On doit le
désirer dans l'intérêt de l'humanité et de la
paix du monde. Cucheval-ClarigNy.
Les travaux qui vont s'exécuter à Mar-
seille sont conçus sur des proportions telle
ment grandioses, "qu'ils peuvent rivaliser
avec ceux qui s'effectuent aujourd'hui dans
Paris pour l'achèvement du Louvre et de la
rue de Rivoli.
On ne lira pas sans intérêt les détails
qui suivent : nous les recevons d'une'per-
sonne qui vient de visiter ce port de mer.
A peine le port auxiliaire de la Joliette
est-il disposé à recevoir les navires, que déjà
les projets d'un troisième port approuvé
par le gouvernement sont à la veille d'être
entrepris.
L'œil a de la peine à embrasser l'immen
sité de l'espace qui va être conquis sur la
mer pour l'enceinte des ouvrages. Le nou
veau port de la Joliette est abrité par une
jetée de 1,118 mètres de longueur; il est fer
mé par deux jetées perpendiculaires à la
côte, longues de 400 mètres. C'est la lar
geur du nouveau port. Sa longueur est de
500 mètres.
, Le port en projet, qui se nommera port
' • d'Arenc, sera formé par une jetée parallèle
; au rivage, de 1,000 mètres de développe
ment, Sur le rivage et sur la jetée on éta
blira de larges quais. Ces quais, y compris
ceux de la jetée de, fermeture, auront près
de 2,000 mètres de développement. Ajoutés
à ceux du bassin de la Joliette et de l'an
cien port, ils formeront une longueur de
plus de 6,000 mètres.
" L'ancien port peut contenir 1,200 navires,
les deijx nouveaux pourront en recevoir
800 chacun, ce qui présente un total de
2,800 navires pouvant trouver un abri. Dans
les trois ports, les chargemens et décharge-
mens auront lieu à quai.
Maintenant, si l'on jette les yeux sur la
terre ferme, on est frappé de la superficie
qui va être accordée aux constructions.
D'abord du côté d'Arenc tous les terrains
de l'ancien lazaret, plaines immenses, vont
être transformés en une nouvelle cité ;
Marseille sera réellement doublée, la ville
qui surgira effacera son aînée. Entre les deux
ports sera établie la gare maritime du che
min de fer. C'est une heureuse conception.
Les marchandises s'ont débarquées du na-
•- .vire et rechargées, à quelques mètres seule
ment, sur les wagons du chemin de fer, et
vice versâ, sans perte de temps, sans qu'il
soit besoin de faire un long chemin.
Viennent après, les docks, immenses ma
gasins où s'entreposeront des milliers de
tonnes de marchandises ; enfin le nouveau
palais épiscopal et le séminaire.
Tous ces quais, ces docks, ces jetées, celte
gare, ce nouveau quartier, tout cela sera
exécuté largement, en des proportions ré
glées sur les besoins d'une circulation de
personnes et de marchandises dont on a
déjà une idée en parcourant les quais du
vieux port.
Que dire de la dépense de ces travaux? La
comparaison seule peut donner un chiffre
approximatif : ainsi le port de la Joliette, qui
est en voie d'achèvement, coûtera environ
13 millions. On peut donc conclure que le
nouveau port d'Arencavec Ses dépendances,
• le chemin de fer, lés docks , la cathédralè,
le palais épiscopal, le séminaire, atteindront
un chiffre supérieur.
Ce vaste ensemble d'ouvrages, en triplant
l'étendue des établissemens maritimes de
Marseille, lui donne deux bassins praticables
par tous les vents et résout définitivement
un problème débattu sans succès pendant
! de longues années. L. Boniface.
VOYAGE DU PRINCE-PRESIDENT.
Le voyage du prince-Président se poursuit,
comme il a été annoncé. Le prince est arrivé
aujourd'hui à Montpellier. Il couchera de
main à Narbonne; après-demain, à.Carcas-
sonne. Même dans les villes où il ne doit
s'arrêter que quelques instans, d'immenses
préparatifs sont faits pour le recevoir.
A Montpellier, on répète depuis plusieurs
semaines la danse du Chevalet et le pas des
Treilles, qui doivent être exécutés sur la
place du Peyroù, devant le prince. Les étran
gers, attirés par la- beauté des préparatifs,
arrivaient de tous côtés.
Le conseil" municipal de la commune de
Cabrières, près de Clermont-l 'Hérault, a vo
té des fonds pour un feu de joie, qui a dû
être allumé ce soir même sur le pic de Bis-
sou, à l'occasion du passage du prince-Pré
sident. On pensait que d'autres communes
du département, et surtout des environs de
Montpellier qui se trouvent dans le voisi
nage des montagnes, imiteraient l'exem
ple donné par la commune dé Cabrières. On
sait que ce genre d'illumination, qui s'est
répété partout sur le passage du prince, a
produit l'effet le plus grandiose, notamment
a Grenoble. , •
On attendait à Narbonne des députations
de Barcelone et d'autres localité.s espagno
les. Le général commandant la division à
Perpignan devait aussi se rendre àNarbonne.
Le prince avec sa suite occupera les salles
du musée, dont la façade a été restaurée à
cette occasion. Ce monument servait autre
fois de résidence aux archevêques primats
des Gaules, il fut habité par Louis XIII et par
Richelieu. Ce 1 musée renferme des galeries
historiques du XIV e du XV e et du XVI e siè
cle. La réception aura lieu dans la salle du
synode et le bal dans la salle des gardes.
Nous donnons la suite des dépêches :
Aix, 29 septembre, 11 h. du soir.
Le prince a fait son entrée à Aix, à quatre heu
res du soir'. Cette entrée a été magnifique ; les
vieillards ne se souviennent pas d'avoir rien vu de
semblahle dans la ville.
La population, grossie par toutes les commu
nes voisines, est immense.
Le cri de Vive l'Empereur se fait entendre de
toutes parts sur le passage du prince, qui se rend
directement à la cathédrale ; dans la soirée, la
ville entière est illuminée ; les vastes portiques
et les colonnades du Palais-de-Justice, couverts de
spirales de feu, forment une salle de bal d'un
éclat grandiose et inaccoutumé.
Le prince ouvi'e le bal; quand il quitte le palais
à dix heures et demie, les jeux du roi Réné défi
lent devant lui à la lueur des torches avec les at
tributs pittoresques.
Nimes, 30 septembre, 2 h. du soir:
Le prince entre à Nimes, et il est accueilli aux
cris mille fois répétés de Vive l'Empereur !
Nimes, 1 er octobre, o h. du matin.
S. A. a parcouru toute la ville hier. Sur son
passage une immense population a fait entendre
les cris de Vive l'Empereur ! vive Napoléon III !
L'enthousiasme est extraordinaire.
S. A. a assisté à une ferrade aux Arènes, et est
rentrée à la préfecture à six heures, pour recevoir
les députations officielles.
S. A. s'est rendue au bal donné dans la salle de
Marine. Partout les mômes cris et le même en
thousiasme.
Nimes, 1 er octobre, 10 h. du matin.
S. A. part pour Montpellier : elle a été saluée,
sur son passage de la prélecture à la gare du che
min de fer, par les plus vives acclamations et aux
cris de Vive l'Empereur ! Vive Napoléon III!
Montpellier, I er octobre, 1 heure du soir.
Il est midi «t demi ; Son Altesse fait son en
trée dans la ville au milieu d'un concours im
mense des populations accourues de tous les
points du département. La joie est peinte sur tous
les visages, et un seul cri part dé toutes les bou
ches, celui "de Vivel'Empereur ! vive NapoléonIII!
tait sur la frontière, composée de socialistes pié-
montais et français; que leur but était d'assassi
ner le prince, et que ce meurtre accompli, tous
les démagogues piémontàis devaient traverser la
frontière, et, s'associant à ceux du Var, traverser
les Basses-Alpes, et arriver au cœur de la France
avec un fort noyau.
» M. le préfet aurait tout mis en œuvre pour
parvenir à la découverte de cette trame ; il aurait
appris que le complot était certain, et l'autorité
locale s'occupait des moyens à prendre pour le
faire avorter.
» Mardi dernier, un agent de police, arrivant
de Paris pour rester dans' les villes ou le prince
doit séjourner, aurait appris, par un conjuré pié
montàis,. l'existence d'une machine infernale ;
mais ce dernier n'aurait pu une ou ou ia ierait
partir.
» Enfin, à force de recherches dans trois ou
quatre demeures, on pénétra dans une maison si
tuée dans une rue où devait passer le prince et
l'on y découvrit la machine.
» Le chef, nommé Gaillard, parvint à s'échap
per en chemise ; mais hier, à quatre heures de
l'après-midi, on comptait déjà quatre-vingts con
jurés arrêtés à, la suite de cette tentative;
» Leur intention était de placer la machine
dans un appartement assez, bas de la maison
n" 03, dans la rue d'Aix. La fenêtre devait être
masquée par un grand aigle, lequel, au moment
donné, devait, par le moyen d'un ressort, retirer
ses ailes et faire place à l'instrument meurtrier.
» Le système adopté dans la construction de la
machine rappelle beaucoup l'appareil de Fieschi,
si ce n'est que, par quelques dispositions et le
nombre des canons qui la composent,elle pouvait *
produire des effets de destruction plus terribles.
. » La machine de Fieschi n'avait qu'une seule
rangée de fusils ; ici l'appareil offre un parallélo
gramme dont la partie supérieure est garnie de
26 canons. Au-dessous de chaque côté, deux com-
partimens présentent chacun 4 rangées de 12' ca
nons, soit 48 canons pour chacun de ces compar-
timens. Le milieu de la partie inférieure est cou
pé par 2 tromblons dont l'orifice de la pàrtie in
férieure est à peu près pareil à celui d'une piè
ce de 4.' Les canons sont d'une longueur de
30 à 35 centimètres environ , et leur struc
ture est assez singulière; ils sont tous Uniformé
ment construits en carton bleu excessivement fort,
revêtus à l'intérieur en métal laminé. Les diffé-
rens compartimens sont maintenus par des plan
ches et solidement reliés par des écrous qui étrei-
gnent tout le système. Un appareil soufré réunit
toutes les mèches iixées à la partie postérieure des
canons, qui offrent .à cet endroit l'aspect d'une
caisse de fusées. Ainsi l'explosion devait être aussi
terrible qu'instantanée.
» On ne saurait se faire une' idée de l'indigna
tion causée à Marseille par cet abominable com
plot. » r
Le Journal de 7Woî«epublie, au sujet de la
machine infernale découverte à Marseille,
une lettre qui, sur plus-d'un point, se rap
proche de la correspondance du Morning-
Herald, mais qui cependant offre assez de dé
tails nouveaux: pour que nous nous soyons
décidés à la reproduire :
« 11 y a quinze jours, M. le préfet aurait reçu
un avis de son collègue du département du Var,
qui lui annonçait qu'une vaste conspiration exis
Le tableau régulateur publié aujourd'hui
par le ministère de l'intérieur., de l'agricul
ture et du commerce , présente une hausse
marquée et presque générale sur le prix des
blés.
La moyenne générale de l'hectolitre de
froment, qui était de 16 fr. 65 il y a un mois,
est montée à 17 fr. 23 c. C'est une hausse de
60 c, sur l'ensemble.
La hausse a été surtout sensible sur les
marchés de l'Ouest; dans la 2 e section de la
l re classe, qui a pour régulateurs Saint-LÔ,
Paimpol,Quimper, Hennebon et Nantes, elle
est de I fr 16 c.
Une seule section fait exception : c'est la
l re section de la 3 e classe (marchés régula- ■
teurs, Mulhouse et Strasbourg), où les prix
ont baissé de 1 fr. 4 c. ; .
On sait que ce tableau est dressé sur les
prix de la dernière semaine du mois précé
dent et des deux premières du mois cou
rant, c'est-à-dire une semaine d'août et
deux de septembre ; les prix les plus élevés
sont ceux de Marseille, fin août, 23 fr. 10 c.
et les plus bas ceux de Toulouse, 15 fr. 3-1 c.,
aussi fin août. On verra .que la tendance gé
nérale, dans la deuxièmé quinzaine de
septembre, était plutôt % fit- baisse- qu'à la
hausse, et, depuis, les prix ont peu varié!
: Pour que lé mouvement se détermine, il
faut attendre la fin des semailles.
L. BONiFACE.
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 2 OCTOBRE.
IL A C®1I®ESSE
de. mauléon.'
XXVII.
les GRANDS jours de la comtesse. — revue de
ses gardes d'honneur.
Je ne vous répéterai pas ce que vous sa
vez comme moi, ce que sait tout homme qui
lie vit pas dans les régions lunaires, l'his
toire des succès de la comtesse de Mauléon.
Ce fut, dès le premier jour, un engoue
ment universel; elle s'empara de l'oreille
du public, et sut la conserver, bon gré
mal gré. Elle était de ces enfan s gâtés à
qui I on passe bien des choses en faveur de
leurs grâces, et qui, d'abus en abus, finissent
par tout se permettre avec impunité. Elle
eut donc des cliens, et par milliers : la jeu
nesse, qui va toujours vers la nouveauté; les
femmes, chez qui sa plainte éveillait des
échos, tous les esprits orageux, toutes les
ames en révolte; • enfin, elle eut la critique,
qui porte volontiers les gens aux nues, afin
d'avoir le plaisir de les laisser retomber de
plus haut.
Aussi, à peine eut-elle fixé son séjour à
* La reproduction est interdite.
Paris, que ses salons devinrent un point de-
réunion très recherché et très couru. On y
vit la fleur de la grande compagnie et
l'élite de toutes les carrières : écrivains
illustres et artistes de premier ordre, noms
de robe et d'épée, célébrités de la presse et
du théâtre, de la politique et de la diploma
tie. C'était un terrain neutre où il était de
bon goût de se rencontrer, et qui offrait les
plus singuliers contrastes d'opinions et de
positions, venues des points les plus extrê
mes. Quoique peu habituées à se,trouver en
présence, elles s'y mettaient à l'aise sans
rien perdre de leur, dignité. Il faut dire que
la comtesse dominait tout cela par l'ascen
dant de sa grâce et le prestige de son talent;
elle- régnait seule, et auprès d'elle les rangs
se confondaient, Personne ne venait là pour
lui-même, tous y venaient pourelle,etle plus
envié était celui qu'elle distinguait le plus.
On eût dit une cour où chacun apportait ses
hommages avec l'espoir d'y recueillir un
mot aimable ou un témoignage de faveur;
point d'autre titre, si ce n'est d'agréer et de
plaire.
Vous savez comment le prenait la com
tesse; Dieu merci, on en a fait assez de bruit.
L'imagination était chez elle beaucoup plus
vive que le cœur; le soin de son art passait
avant tout, et, même dans ses émotions, elle
voyait des sujets d'étude. A vrai dire, c'était
là son feu sacré, et, pour l'entretenir, elle
usait de tous les moyens et variait l'em-
loi du combustible. Mon Dieu! qui l'en
làmerait? A coup sur, ce n'est ni vous, ni
moi, ni aucun de ceux qui se sont .réchauf
fés à ce foyer de passions, où l'ardeur
le disputait à l'éclat. Qu'elle se rappro-
E
cliât des grands peintres, des grands sta
tuaires, des musiciens illustres, des poètes
rêveurs, des écrivains pimpans ou raffinés,
pour emprunter à ceux-ci la couleur, à ceux-
là le ton libre et hardi, aux autres l'harmo
nie, la forme, l'ajustement, les draperies du
style, quoi de plus naturel et de plus con
forme aux légitimes instincts de l'esprit?
mais ce besoin d'essayer et cette soif de con
naître ont des limites, et elle les dépassa :
des fruits permis elle passa au fruit prohibé
et ne se fit pas faute dry mordre.
Rien de plus commun que cet égarement;
la comtesse y succomba ; elle chercha le si
gne de sa force ailleurs que Dieu ne l'avait
mis. Son véritable empire était dans les
sphères orageuses ou sereines de l'imagina
tion, partout où la fantaisie crée ou détruit
à son gré, jette ses lumières Ou répand ses om
bres. Tout ce que cette faculté renferme de
ressources, elle le possédait ; elle en avait
pénétré les secrets, elle en connaissait la puis
sance. Elle avait le don de la ligne et de la
couleur; elle savait revêtir la nature de la
robe qui lui convient, l'étudier d'un œil
épris et la peindre en écrivain qui en sent le
charme. Elle n'ignorait rien non plus des
mystères du cœur et en avait sondé les re
plis : pointde travers, pointde faiblesse qui lui
échappât; point d'heureuse découvertequ'elle
nefit dans la sphère des sentimens les plus
vrais et les plus .naturels. On eût dit un livre
familier, toujours ouvert sous ses yeux et
qu'elle parcourait sans hésitation ni effort.
Pourquoi ne pas s'en tenir là, dans ce ca
dre heureux, entre l'étude de la nature et
l'étude du cœur, avec tout ce qu'il fallait
pour faire aimer l'une et comprendre l'au-
; tre ? Pourquoi abandonner ces sentiers sou-
rians, pleins de verdure et de fleurs et peu-
, plés d'images heureuses, ou bien, si l'on ve ut,
ces rocs sourcilleux battus par la foudre et
. en butte aux déebainemens dç la pa sion''
Rien n'y obligeait la comtesse, si ce rrest ce
fol orgueil qui détourne l'esprit des con
quêtes qui sont à sa portée pour le puu«ser
vers celles qu'il ne saurait atteindre. Pour
tant elle céda; elle quitta le naturel pour al
ler vers la quintessence, et troqua sa tuni
que de fée contre une robe de docteur. C'est
sur les Trinaclion qu'il faut rejeter la res
ponsabilité de ces écarts; ils l'obsédaient
■et pullulaient autour d'elle. Dès qu'elle en
eut admis un, il lui en arriva vingt, tous
avec des systèmes différens. Chacun d'eux
essayait de l'entraîner de son côté, et
elle ne savait pas résister à leurs instanoes.
Avec ceux-ci elle fatigua le ciel de blasphè
mes insensés et entassa tirades sur tirades
afin d'élever plus haut .ses défis ; avec céux-
là elle se jeta dans la métempsychose, joua
aux revenans et multiplia les contes à dor
mir debout. Mais l'expiation n'était pas loin;
à chacune de ces révoltes répondait un échec
formel, et il ne dépendit pas 'de Trinachon
qu'elle ne descendit de chute en chute jus
qu'au fond de ces oubliettes d'où les renom
mées ne se relèvent plus.
Ainsi la comtesse avait successivement ré
fléchi les influences dont elle était entourée.
Des poètes elle avait passé aux romanciers,
des romanciers aux artistes, des artistes aux
philosophes, des philosophes aux créateurs
des mondes à l'envers. Elle en était là lors
que Lucien fit irruption dans son tourbillon
et se jeta à la traverse de tous ces systèmes.
XXVIII.
otî l'on assiste a une fête des favoris de l'art.
— quelques incidens de la soirée.
Depuis que Mérinval avait ses entrées chez
li Lumtesse, il se tenait sur la défensive
< i > lc moi, et mettait autant de soin à m'évi-
tt i qu'il en apportait naguères à me rejoin-
di e Quand par hasard nous nous retrou
vions ensemble, un embarras visible écla
tait sur son maintien ; il ne savait de quoi
m'entretenir, mesurait et pesait ses pa
roles et, sur le moindre pretexte, rompait
la conférence et se délivrait de moi com
me on se délivre d'un importun. Plus de
confiance, ni d'abandon ; ces douces habitu
des avaient fui sans retour. Je n'étais désor
mais pour lui, ni un guide, ni un compa
gnon; j'étais un étranger et peu s'en mut
un ennemi.
Ce changement me causa du chagrin et de
l'humeur. Il me semblait que mon attache
ment méritait plus de retour et que j'en avais
donné des preuves assez fortes pour qu'on
n'en fît pas aussi bon-marché. Le dépit s'en
mêlant, peut-être aurais-je rendu procédé
pour procédé, et répondu aux froideurs de
Lucien par un délaissement absolu, si mon
affection ne l'eût emporté sur mes sus
ceptibilités. Des susceptibilités ! à quoi bon
d'ailleurs et envers qui? Envers cet enfant,
qu'emportait un premier amour et qui, saisi
de vertige, n'avait plus la libre disposition
ni de sa tête, ni de son cœur. Puis, à tout
prendre, rompre, c'était me punir et me pu
nir seul; le châtiment eût glissé sur le cou
pable et atteint un innocent. Je me résolus
donc à rester pour Lucien cejque j'avais été
et à ne pas mesurer mes sentimens sur les
siens : la raison et la tendresse me le conseil
laient. A défaut d'une tutelle ouverte, je
pouvais exercer sur lui une surveillance ina
perçue, le suivre comme ces dieux invisibles
qui accompagnaient les héros d'Homère et
au besoin descendre dé mon nuage pour me
portef à son secours. Voilà le, plan de con
duite que je me traçai et que j'exécutai à la
lettre.
Quoique bien accueilli chez la comtesse de
Mauléon, je n'avais près d'elle ni les titres
d'un officieux, ni-les privilèges d'un assidu.-
Je n'étais pas des petits jours et n'avais pas
j etais sûr de n'être point i
voir une invitation dans toutes "les formes.
De la comtesse à moi, les choses se traitaient
de puissance à puissance ; je pouvais la ser
vir^ je pouvais lui nuire, double motif pour
me ménager. Elle avait son empire, et j'avais
le mien; elTe courait après la vogue et je te
nais la vogue en mon pouvoir; j'en dispo
sais à mon gré, comme le vieil Eole dispo
sait des vents comprimés dans son anû'e.
Excusez l'imagé; c'est un genre où j'excelle;
il est naturel que j'en abuse un peu. -
Pour donner suite à mes projets et prélu
der à la surveillance dont je voulais entou
rer Lucien, je profitai de la première invita
tion que la comtesse m'adressa. C'était pour
tous les frais.; il devait y avoir concert, dan
ses, illumination générale, et souper entre
trois et quatre heures du matin. Cette der
nière partie du programme ne se confiait
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