Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-05-21
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 21 mai 1852 21 mai 1852
Description : 1852/05/21 (Numéro 142). 1852/05/21 (Numéro 142).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
iVUHERO 142.
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DÉPABTEMENS. 18 F, _
JN NUfflÉRO : 20 CENTIMES!
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
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, franco , pour la rédaction, d MJ C ucheval -C iàbigity, rédacteur en chtf.\ ■ OuicébeKne, âû*$ let département, aux Messageries et eux Directions â?poste.—Âljjndres, chez mm, Cotise* fii $3 | S'adresser, francoj pour Fadm\nistratio»1 i Mî D snai H , directeurl %
Les article» déposés 08 font pas rendus} ♦ J . • A Strasbourg, ckex M. AUEUHDBI, pour. F Allemagne. (les anno*ces sont reçues au bureau du Journal; et chez M. i»ANIS, règissear, Jo, place delà Sorçiw
PARIS, 20 MAI.
Nous croyons utile de donner sur la com
position et l'organisation de la commission
ehargée d^i rachat des actions de jouissance
des canaux, des renseignemens positifs qui
mettent un terme aux faux bruits répandus
depuis quelques jours. . <
On sait que la loi du 29 mai 1845, en sta
tuant que les'droits des compagnies à la
jouissance des canaux exécutés par voie d'em--
prunt en i 821 et 1822, pourraientêtre rachetés
pour cause d'utilité publique, a déterminé en
même temps le mode de composition des
■ commissions spéciales qui seraitat instituées
; pour fixer le prix du rachat. Aux termes de
la loi, chaque commission spéciale doit être
formée de neuf membres, dont trois sont
désignés par la compagnie, trois par le pre-j
mier président et "les présidons réunis
de la cour d'appel de Paris,' et trois par le
ministre des finances. C'est conformément à
ces prescriptions qu'ont été composées les
commissions récemment nommées en exé-i
cution du décret du Président da la Répu-s
blique, qui a décidé le rachat des droits de
jouissance appartenant à la compagnie des
"Quatre-Canaux, à la compagnie du canal de
Bourgogne et à celle du Rhône au Rhin, i
Les compagnies des Qustre-Canaux et du
canal de Bourgogne ont , nommé les mê-;
'mes commissaires, savoir ; MM. le comtci
Jaubert, le comte Dam, Berryer. _ .
La compagnie du canal du Rhône au Rhin
a choisi MM. le comte Daru/Schneider eli
Bethmont.
Le premier préeiffint et les présidens réu
nis de la cour d'appel de Paris, ont nommé
les mêmes membres pour les trois affaires ;!
ce sont MM. Moreaux, Aurelien de Sèze eti
Persil, avocats.
• Enfin, M. le ministre des finances a égale
ment désigné les mênîes membres pour les
trois opérations de rachat ; MM. Grélerin,
directeur général des douanes et des-contri
butions indirectes : Guillemot; directeur gé-s
. néral de la caisfee d'amortissement et caisse des /dépôts et consignations; Darcy,
inspecteur divisionnaire des pofits-et-chaus-
: sécs. "
Ainsi, il y a deux commissions , l'une
chargée du rachat des droits de jouissance
des Quatre-Canaux et du canal de Bqurgo-j
gné, l'autre du rachat des droits dejeuissancei
ducanat-du Rhône au Rhin. Les ; membrês-
nommés par le ministre des finances et par
la magistrature sont d'ailleurs les mômes
i dans les deux commissions. 11 n'y a de dif-;
férence que pour les membres désignés par
! les compagnies, et encore M. le comte Daru
■.Eait-il partie des deux commissions.
Les deux commissions se sont constituées
• au commencement de la semaine. D'après
la loi du 29 niai 1845, elles devaient élire,
leur président et leur secrétaire à la majo
rité des voix. Elles ont nommé, dans leur;
• première séance, M. ^Persil pour. .président
'et M. Moreaux pou? secrétaire. On voit que
les choix ont porté de part et d'autre sur ce
qu'on pourrait appeler l'élément neutre,
c'est-à-dire sur les membres qui ont été dé-;
' signés par la' cour, d'appel de . Paris,' en de-;
hors des influencés de l'Etat et des préten-i
tions des compagnies. -
Il a été décidé ensuite que la, constitution
; „de chaque commission seraitnotiffée a M. le
ministre des finances :et aux' compagnies,
? dans la personne de Iéurs directeurs 1 et ad
ministrateurs. •
Si nous sommes bien informés; leseom-
missions n'auraient pas encore commencé
leurs travaux; mais elles auraient pris toute-;
fois une détermination à laquelle il est bonde
donner de la publicité pour mettre l'opinion
en garde contre les fausses rumeurs : c'est
que les membres garderaient un secret ab
solu sur Ieurs> délibérations, de manière à
éviter l'agiotage auquel elles , pourraient
donner lieu. < >t
Les deux commissions, nous n'en dou
tons pas, pousseront très activement leurs
travaux. Une fois-que de semblables affaires
sont commencées, il est très important
qu'elles soient terminées aussi promptement
que possible. Mais on ne doit pas se dissimuler,
cependant, que l'arbitrage dont elles sont
chargées est trè3 difficile, très délicat, et qu'il
exige un examen fort détaillé. Nous ne sa-
vonsqucls sont les élémens qu'ellesadopteront
pourarriver à une estimation équitable de
la valeur des actions de jouissance. Il
est probable qu'elles tiendront compte du
produit net des canaux depuis leur ouvertu
re, de la cote des actions sur Iç marché de la
bourse, du prix auquel les emprunts de 1821
et 1822 ont été contractés, comparativement
•au cours des effets publics à cette époque.
Mais comment apprécier et combiner tous
ces élémens? Il n'est pas aisé d'évaluer
le produit net' des canaux dans l 'état ac
tuel des choses,et encore moins dans l'avenir,
"avec la concurrence, que leur préparent les
chemin? de fer. Si l'on doit avoir égard
• aux cotes de la bourse, ne doit-on pas aussi
se tenir en défiance contre les manœuvres
qui ont pu élever les cours au-dessus de la
véritable valeur de ces titres ? Nous ne pré
sentons ces observations que pour faire com
prendre les difficultés de la tâche des com
missions, et pour empêcher; s'il est possi
ble, les abus de la spéculation jusqu'au mo
ment où elles auront prononcé.
Du reste, après que les commissions au
ront fait connaître leur verdict, le rachat ne
deviendra définitif qu'en vertu de lois spé
ciales, qui ouvriront le# crédits nécessaires,
et qui devront être proposées aux chambres
-dans l'année qui suivra la décision.
J. B UBAT.
, Le Progrès, journal d'Arras, vient de re
cevoir. un second avertissement. Il le publie
eu ces termes, en tète de son numéro 4e ce
jour-:. ,.. v , ; - i
préfecture do PAS -de-calais. j
Journal le Progrès . — 2 e ' avtrtissement.
« Le préfet "du Pas-de-Calais, '
: » Vu l'article 32 du décret du 1-7 férrier 1852
» Vu l'artiele du journal/e Progrès (numéro du
16 mai) intitulé Premier avertissement-, " < ;
» Vu l'article du même journal (numéro du iS
mai), contenant des refleiious au sujet de cet avei-:
tisse ment;
v Vu un troisième article dudit journal (numé-j
ro du 10 mai),'intitulé : Lettre du comtedn Cham-'
bord aux légitimistes ; . I
» Considérant que le directeur-gérant du Pro-
giis, au lieu de se borner à insérer l'avertissement 1
qui lui" a été donné le 14 mai 1852, par l'autorité
préfectorale, a acompagné ' cet avertissement de
réflexions, contrairement au vœu iie la loi ; j
» Que ces réflexion s contiennent une personna
lité <)ui a pour but d'isoler complètement de l'ad
ministration M. le conseiller- de prélecture, se-,
crétairegénéral, investi des fonctions,de préfet ;
■par intérim ; ;.
» Qu'elles renferment contre l'autorité départe-'
mentale une menace d'appel.devant une puissance;
désignée sous, le titre vague d'autorité supériewe,
et aui ne peut être'que la personne même du elitf
de l'Etat, qu'un Sentiment de respect et de haute:
convenance devait empècber de meure ici eà cause;:
»' Qu'ellas ont pour but de persuader aux popu
lations qu'un désaccord inexplicable pourrait "exis
ter entre le chef de l'Etat et le représentant .de son
autwrité'd'ans le département, en ce sensque le
préfet poursuivrait un journal que le prince-
Président défendrait dans la personne de son ré
dacteur;» . . '
s Que, dans son numéro da 18 mai, le Progrès
revient sur le mên:e sujet, en qualifiant a d'article
plein de convenance et de la plus scrupuleuse "vé
rité* quant aux faits, » l'artiele même qui lui a
valu de la part de l'autorité un premier avertisse
ment; , '
' » Que ces nouvelles réflexions témoignent, de la
part du journaliste, son obstination dans le mé
pris de l'autorité ;
s Q i'en publiant, dans son numéro du 16 mal, :
une lettre qui a été saisie à son entrée en France,
le journal le Progrès tend à allaiblir ie pouvoir et
-à jetfcr l'inquiétude parmi les populations,
D-Arrêtc: *
' » Article 1". Le directeur-gérant du journal /a-
Progrès est invité à s'abstenir de toutes publica
tions, discussions ou réflexions de nature-à porter
atteinte à l'autorité.
» Art. 2. Cet avis est donné à titre de second aver
tissement II sera inséré en tète du prochain nu
méro du journal, conformément à l'article 19 du
décret ci-dessus visé, et en caractères au moins
aussi apparens que ceux de l'article : France, —,
Bull tin général du Jour, du numéro du 16 mai.
» Fait à Arras, en l'Hôtel de la Prélecture, le
19 mai 1852.
» Le préfet du Pas-de-Calais,
» Comte V ictor du hamel. »
La. Gazette du Languedoc vient aussi de re
cevoir un second avertissement, dont voici
le texte :
a Nous préfet de la Haute-Garonne,
» Vu l'article 32, paragraphe 3, du décret orga
nique fur la presse, en date du 17 février 1852;
» Vu l'article publié dans le numéro de la Ga
zette du Languedoc, en date du 16 mai, signé C. de
Beaaregard, commençant par ces mots : a Nos po
litiques superstitieux, » et finissant par ceux-ci :
« Mais ce terrain leur est parfaitement interdit; »
s Considérant que cet article dans l'ensemble de
sa rédaction, contient d<^ insinuations malveil
lantes et irréverenti« uses cbntre le gouvernement
et le Corps Législatif; qu'il est de nature à faire?
naître des inquiétudes qui auraient nécessaire
ment pour effet de ralentir le mouvement des af-
faires c-t de nuir« ainsi à-la prospérité générale;
» Considérant qu'il importe de maintenir intact
le respect du âui grands, pouvoirs de l'Etat et
d'empêcher tout ce qui pourrait porter atteinte au
rétablissement de l'ordre et de la paix dans les
esprits;
s Arrêtons : ' :
» Art. l w . Aux termes' de l'art. 32 du décret
sus-visé du 17-février 18S2, un second avertisse
ment est donné au journal la Gazette du Languedoc,
dans la personne du sieur Leroy, l'un de ses gérans.
» Art. 2. Le commissaire c&ntra! de police est
chargé de l'exécution du présent arrêté.
» Toulouse, le 16 mai 1852.
» Le préfet de la Haute-Garonne,
» Signé, cuapu1s-m0ntlavillb.
» Pour copie conforme .v
* Le commissaire central de police ;
» cazeaux. »,
Le journal averti publie, à la suite de ce
document, la lettre suivante : ,
A MM. les directeurs de la Gazette du languedos.
Messieurs,
En arrivant ce malin au bureau du journal, j'j
trouve un second avertissement donné par k pré
fet à la Gazette du Langtie/ioc. La position faite à
la presse et notamment à !a Go^utte du Languednc,
i-endà mon avis toute rédaction impossible, le rôle
àf rédacteur muet est intolérable et sans dignité;
je suis décidé à ne pas le subir un jour de plus,
et je me .démets en vos ma fonctions que vous m'aviez confiées.
» Agréez, etc. o. dilpeyek.
j» Toulouse, le 17 mai. »
Une dépêche télégraphique de Turin nousr
a appris que le roi de Sardàigne, eu accep
tant la démission de M. Gavour, avait refu
sé celle de M. d'Azeglio, et avait chargé cet
homme d'Etat de composer un nouveau cabi
net. On nepeutqu'applaudiràlarésulutiondu
jeune roi. Nous ne savons s'il sera possible
de former un - mi nistère durable en dehors
de M. CavQur; mais l'entreprise mérite au
.moins d'être tentéei et, dans l'alternative de
sacrifier, l'un des deux ministres, il était na
turel que les sympathies du roi, comme cel
les de tous les amis du Piémont, fussent pour
d'Azeglio. •
M. Cavopr, en'refusant de se séparer de
"'M. Rattazzi, car tel est le vrai sens ae sa dé
mission, vient de justifiér lds défiances qu'a-
"vait éveillées sa conduite ;àu sein du parti
conservateur, et les attaques dont plusieurs
de ses amisont pris l'initiative. Il est impos
sible de donner plus complètement raison
aux reproches dont M. d'Avigdor s'est fait
récemment l'organe dans des i nterpellations
concertées avec plusieurs membres du parti
conservateur. M. Cavour s'était défendualors
d'incliner vers là gauche; la part qu'il a
prise à l'élection de M. Rattazzi est en con
tradiction formelle avec son langage.
La poljti^ue-financière de M. Cavour n'a
pas donné lieu à des objeetions moins- sé
rieuses que ses avances.à la gauche. Au lieu
da consacrer uniquement ses efforts à réta-
tMr"l'équilibre des finances, le jeune et bril
lant ministre a rêvé le rôle de sir, Robert
Peel j, £t n'a fait servir l'autorité dont
les circonstances l'investissaient qu'à la
mise en pratique du libre-échange. C'est à
cette pensée universelle qu'il a sacrifié les
réformes utiles et pratiques qu'attendait le
Piémont. Un homme qui ne saurait être
suspect d'hostilité pour le ministère pié-
montais, ni pour M. Cavour lui-même, M. le
comte d'Avigdor, qui a si puissamment con
tribué à faire voter par la chambre de Turin
le trailé de commerce aveclaFrance, n'a point
dissimulé, dans un discours récent, lous les
sacrifices que le désir de maintenir M. Ga
vour au pouvoir avait imposés au parti con
servateur :
a Nous avons fait» des changemens dans notre
système d'économie politique, nous avons adapté
lé système du libre-éehange, nous avons» adopté'
le système de la liberté du commerce. Nous l'avons
fait, et je'dois direque j'ai été un de ceux qui l'ont
le plus prêché, un-de ceux qui l'ont le plus désiré,
un de ceux qui l'ént le plus voulu.
s Cependant, je l'aveue franchement, avant de
nous lancer dans une route aussi périlleuse, dans
une route aussi hérissée de difficultés, il aurait
fallu que M. le ministre vînt nous exposer, la si
tuation réelle dans laquelle se trouverait lè trésor
après toutes ces diminutions de droits accomplies:
jl fallait nous dire s'il ne naîtrait pas de ce brus
que changement de système des embarras: pour le
trésor.». .* .. ■ -. .
M. Cavour n'a cessé de réclamer des votes
■ de confiance.-il les a toujours obtenus. Et
loin de profiter de cette condescendance du
parlement pour arriver plus lôt à une situa
tion régulière, il a continué à réclamer des
chambres une sorte de blanc-seing perpétuel
en matière de finances. C'est ce que M. d'A
vigdor a exposé avec force dans le dis
cours qu'il a prononcé sur l'impôt somp-
tuaire et que nous venons de citer. Il
s'est plaint vivement des retards que le mi
nistre des finances mettait à présenter le
budget de l'année 4853, et de la situation
faite à la chambre qui se trouvait appelée à
voier des lois d'impôts sans connaître la vé
ritable situation financière du pays. Tout en
déclarant qu'il voterait pour l'adoption du
projet de loi, M. d'Avigdor a appelé l'atten
tion la plus sérieuse de la chambre sur l'im
prudente administration du ministre des
finances, dont le système jusqu'à ce jour a
consisté à réclamer !e vote d'impôts divers,
sans dresser préalablement le bilan des res
sources et des besoins du pays.
Voiri comment M. . d'Avigdor termine ce
discours remarquable à plus d'un titre :
« Quant à moi, Messieurs, je vous ,1'ai dit, je
vote celta loi; je la vote parce que je crois qu'il
le faut absolument, dans l'intérêt du pays, du mi
nistère et du gouvernement constitutionnel, parce
qu'enfin je la crois moins mauvaise que les autres.
, »En attendant, j'insiste pour que le minisire, s'il
ne peut pas présenter un budget réel, nous pré-:
sente un budget fie. préva^anc&j Cpi'ilusus donne
l'état réel de netre situation," qu'il intercalle les;
nouveaux impôts qu'il bobs -a proposés, en don
nant une valeur approximative à ces impôts. Aleri
nous saurons' ce que nous' faisons, et nous powr-
rons espérer qu'au bout de deux ou trois ans de:
sacrifices, nous arriverons à un résultat avanta-i
' geùx pour le pays. ■
» Jusque-là, Messieurs, nous no ferons que nous;
égarer dans une mer de chiffres, d'emprunts, d'im-:
pots, qui nous conduiront à la ruine. i
» Je comprends que ces appféhensions n'effraient;
pas M. le ministre des finances. Quoique pilote
liabile, qu'il me permette de lui dire qu'il lui sera j
~ cependaut difficile de conduire le vaisseau à béni
poft, s'ircontinue à demander-des votes à l'aveu -ii
g!e, sans venir nous convaincre que ces -votes de,
confiance sont justifiés par notre position. i
» Quant à moi, je le déclare à la chambre, j'ai:
jusqu'ici vsté avec M. de Cavour. Je n'ai pas él^
le seul à applaudir à tbn avènement aux affaires.;
Le ministre des finances a été l'enfant gâté de la'
chambre. Il n'a jamais rencontré une opposition'
puissante et sérieuse, et, à très peu d'exceptions:
près, toutes les lois présentées par. lui ont été vo-i
.tées à une grande majorité. j
» Eh bien! qu'il demande aujourd'hui à tous les;
députés indépeudans, à ceux qui ont à cœur l'in- 1
térêt seul du pays, qu'il leur demande ce qu'ils
pensent, qu'il consulte l'opinion publique, et il
verra que ceux qui jettent aujourd'hui le cri d'a
larme, sont ses amis les plus dévoués.
» Pour moi, Messieurs, dans cette circonstance
comme dans d'autres, je remplis un devoir. Je ne
me laissa pas entraîner par un vain amour pro ; -
pre, ni par le désir de fairj des discours, en
core mains par celui bien plus pernicieux ds f une opposition systématique.
d J'ai cité des faits, et e'est aux faits, seuls que
je me rapporte. Quand je parle da faits, je parle
encore plus des chiffres.
m Aussi, quand M. le ministre viendra nous
présenter des chiffres , et nous dira l'état réel du
trésor public, quand il nous dira clairement, po
sitivement où nous, en sommes et où nous vou
lons aboinir, alors M. fe ministre aura toujours
mon vote pour lui. »
Nous ne saurions imaginer pour un mi
nistre de condamnation plus sévère qu'un
pareil avertissement dans une bouche incon
testablement amie. Les sentimens exprimés
avec une si loyale franchise par M. d'Avig
dor sont évidemment ceux de tout le parti
modéré, qui ne peut que voir avec regret
un homme de la valeur et du talent de M.
Cavour répudier la politique à laquelle il
avait dtL son élévation. Le discours de M.
d'Avigdor nous avait paru le présage de la
crise ministérielle que l'élection de M. Rat
tazzi a fait éclater. C ucheval -C larisny.
Voici dans quels termes la Gazette piémtm-
taise, ^sous la date de Turin, le 17, annonce la
retraite du cabinet, connue hier au soir à
Paris par dépêche télégraphique :
«.Tous les 'ministres ont offert hier leurs
démissions au roi,qui lésa acceptées. S. M.
a confié la formation d'un nouveau cabinet
•à M. Maxime d'Azeglio, qui s'^st chargé de
cette commission. Les ministres démission
naires resteront à leur poste jusqu'à la
constitution du nouveau cabinet. »
Les lettres de Madrid du 15 mai n'annon
cent pas encore la nomination du nouveau
ministre de la marine. On paraissait même
croire que le ministère pourrait subir d'au
tres modifications, M. Bravo-Murillo se mon
trant mécontent de l'accueil fait àAranjuez
à quelques-uns de ses adversaires politiques.
Les projets de réformes constitutionnel
les étaient aussi de nouveau remis en avant.
I. BONIFACE.
. Le gouvernement de Louis-Napoléon s'est
fait le promoteur éclairé de toutes les amé
liorations sociales. Il a commencé par fonder
la stabilité dans le régime politique et par ra
mener la sécuritS dans la rue : ces deux élé
mens essentiels de la prospérité commercia
le. H communique une vive impulsion au
travail redevenu facile et paisible. Il crée
enfin des institutions destinées à rendre
meilleur le sort des ouvriers laborieux et
honnêtes.
Un des moyens les plus efficaces d'ac
croître leur bien-être est de multiplier les
bains et les lavoirs publics. L'usage des
bains chauds et du linge blanc est l'une
des conditions de l'bygiène domestique; Pour
l'homme qui travaille, la propreté, c'est
la santé. Or , pour mettre les lavoirs et
les bains à la portée des bourses les plus
modestes, il a fallu, soit en Angleterre,
soit en France, faire de grandes dépenses.
En Angleterre, les frais pour les établisse-
mens de ce genre se sont élevés de 200jusqu'à
700,000 francs pour mettre à la disposition,
du public, de 60à80 baignoires etdé 60à 100
places de laveuses. Ces établissemens n'«nt
pu se fonder qu'au moyen de souscriptions
très difficiles à obtenir et qui, une fois obte
nues, épuisent pendant un certain laps de
temps les ressources de la bienfaisance. Jus
qu'à présent, dans ceux'de ces établissemens
qui sont gérés avec le plus d'intelligence et
de soin, on n'a jamais pu équilibrer la recette
avec la dépense. On espère, dit-on, y parve
nir un jour; mais chaque année révèlev un
nouveau déficit.
Cette importante,question a préoccupé, à
bon droit tous ceux qui s'intéressent aux
améliorations sociales. Le gouvernement, s'as-*
sociant à la pensée des vrais philanthropes,
a stimulé la création des .bains et dts lavoirs
publics par la promesse d'une .primo. Gutta
prime peut atteindre le chiflre de 23,000 fr. f
et doit être accordée aux communes qui con
sentirent à dépenser une somme doubla
pour fonder un établissement remplissant
les conditions des meilleurs modèles et four
nissant notamment des moyens pour laver
et pour sécher rapidement le linge.
L'exemple que viennent de donner de sim
pies citoyens dansle département delaSoine»
Inférieure, indique un excellent moyen de
fonder des bains et des lavoirs publics à bon
marché; ee moyen consiste à utiliser, dans
les établissemens 1 de bains et de lavoirs
publics, les eaux chaudes et froides qui
s'échappent en abondance des usines mu
nies de machines à vapeur. Les usinas de
ce genre se comptentmaintenant par milliers
en France. Partout où elles existent,elles at
tirent autour d'elles une population d'ou
vriers. Nons allons voir par des faits et par
des chiffres, à quel point il est facile de met*
'tre en œuvre cette idée simple et féconde. ■
En 1849, M. de Saint-Léger, ingénieur en
chef des mines, créa à Rouen , à titre d'ex
périence, un petit établissement'de bains et
de lavoirs publics alimenté par les eaux chau
des, j usqu'alors; perdues, de deux machines à
vapeur. Les fonds nécessaires aux frais d'ins
tallation furent trouvés au moyen d'une
souscription qui produisit une somme nette
de 6,428 fr. Une petite maison fut louée à
raison de 230 ff., dans l'impasse du Gril,
près de la filature de M. Savaroc, l'honora
ble industriel qui avait mis "gratuitement ! à
la disposition dé l'œuvre l'eau chaude de ses
deux machines. On construisit dans la cour
de la maison, un bassin couvert pour dix-
huit laveuses, et dans le rez-de-chaussée cinq
cabinets contenant chacun une baignoire,
que l'on fit en ciment pour plus d'écono
mie. Les -femmes seules devaient être ad
mises dans l'établissement. Ladépense totale
n'atteignit pas tout-à-fait le chiffre de 3,OQO
fr. On voit que les fondateurs s'étaient sa
gement renfermés dans les limites les plu»
modestes, quant aux proportions et quant
aux frais de cet établissement.
Au bout d'une année d'existence, lé M
août 1850, l'établissement avait fourni 2,135
bains chauds de première et de deuxième
classe au prix de 25 et de 10 cent. L'usage
d'un grand peignoir blanc était toujours
compris dans le prix du bain. Il avait reçu
8,346 laveuses pendant une heure chacune,
au prix de 5 cent, par heure et par laveuse,'
et 25,386 femmes avaient de plus lavé leur
linge pendant le même temps. Le résultat da
cette première année de gestion fut un bé*
néfice net de 66 fr. 97 c. tous frais payés,
mais non compris les intérêts du capital em
ployé.
" Encouragés par ce succès, lès fondateur»
firent des améliorations Importantes. Les
baignoires en ciment furent remplacées par
des baignoires en faïence. Un axième cabi
net de bain fut construit, et un réservoir
d'eau froide fut mis à la disposition dés
baigneurs. Ces améliorations porlèrent la
dépense totale à 8,898 fr., c'est-à-dire .à une
somme qui dépassait de 2,470 fr. celle qu'a
vait fournie la souscription.
La seconde année de gestion, arrêtée à Ja
fin d'août 1881 a été beaucoup plhs fructueu
se, bien que le prix du lavage eût été réduit à
3 centimes au lieu de 5 par heure. 7,403
bains ont été donnés, 26,088 femmes ont
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 21 MAI.
À HUIT MILLE PIEDS
AU-DESSUS DE LA MER.
PRESIIER VOLUOTE.
Ba\E SEDUCTIOX.
(Suite). •
Rodolphe sortit désolé du Mausolée d'Au
guste, continua le prince WoronofT, èt reprit
en silence le chemin de son hôtel. Galéotto
le suivait sans mot dire, heureux d'avoir si
bien réussi à. troubler lu cœur de i'innoCfent
jeûné homme,, et s'applaudissant d'un ^ré
sultat qui dépassait ses espérances. D'abord
silencieux, mais ne pouvant plus se contè-
nir, le prince lui demanda, tout à coup, com-
.ine ils traversaient le Corso :
— «' Sign.or Galéotto,"connaissez-vous cette
femme?
- —, » .Quelle femme, Altesse?
1 » Cette femme si belle qui était assise à
i> dix pas de nous. Tout le monde la remar-
» quait; il est impossible que vous ne l'ayez
i> pas remarquée aussi. ..
—- » En effet, j'ai remarqué qu'elle regar-
». dait beaucoup Votre Altesse. Mais je ne la
d connais pas. ».
L'entretien en resta là, pf l'on continua à
marcher en si lencej mais, au moment de met
tre le pied sur la place d'Espagne : ;
— « Signor Galéotto, reprit Rodolphe, y
» aurait-il un moyen de savoir quelle, est
» cette femme? »
— « Si ce n'est pas impossible, c^est .du
» moins bien difficile; Rome est si'vaste I
», Mais enfin si Votris Altesse a quelque inté-
» rét à le savoir, on peut toujours chercher.»
Le prince craignit évidemment d'en avoir
trop ait étse repentit d'avoir,laissé échapper
le secret dô sa préoccupation. Il essaya de /
reculer.
— a Je n'y tiens'pas*"autrement, répon-
. s. dit-il en louant l'indifférence, mais en la
». jouant bien mal, surtout en présence d'un
•. maître si consommé. C'est une pure af-
> faire de curiosité. »
Il fut effrayé, en rentrant en lui-même,
de voir quel chemin il avait déjà fait. 11 se
reprocha surtout d'avoir eu assez peu d'em
pire sur lui-même pour mettre un étranger
dans sa confidence car les deux questions
qu'il avait adressées à Galéotto et surtout la
manière brusque, inattendue, dont elles
Avaient été faites, constituaient l'aveu le plus
clair et le mieux caractérisé, s II était im
possible de s'y méprendre. Ce n'est pas
qu'il se défiât de Galéotto; il. était trop jeune,
et trop neuf en toute chose pour comprendre
seulement la défiance l'ombre d'un soup
çon ne lui avait pas même traversé l'esprit ;
mais un premier amour a toutes les puduurs,
surtout celle du mystère et du silence. 11 se
promit bien de réparer sa foute en se mon
trant ^ l'avenir plus circonspect et plus
discret.
La dernière chose à laquelle il songea, fut
de s'ouvrir franchement à son gouverneur,
et de prendre conseil de son amitié, sinon dé
son expérience.. Cette bonne idée ne lui vint
pas, ou, si elle lui vint, il ne s'y arrêta point:
la fausse honte l'en détourna. C'était pour-
tant le seul parti raisonnable qu'il eût à
prendre, et c'est pour Cela'qu'il ne le prit
pas. Sun gouverneur n'aurait certainement
pas' dépisté l'intrigue qui se tramait autour
de son élève,' mais il aurait craint un danger
pour lui, et, fidèle aux -instructions de sa
mère, il l'aurait emmené de Rome, c'est-à-
dire qu'il l'aurait sau^é.
Gàleotto, de son côté, se promit bien de
profiter des ôtages qu'on ;lui avait donnés :
— Le prince a parlé le premier, pensait-il,
car le scélérat était bon logicien: il a par.é
spontanément, sans sollicitation de ma part,
sans provocation d'aucune espèce. Il s'en re
pentira d'abord et voudra revenir en arriè
re ; il l'essaiera* mais il. ne .le pourra pas. Un
premier aveu en appelle toujours un se
cond, puis trn troisième. Une fois sur le
chemin des confidences, on ne s'arrête plus.
Ce qui est dit est dit. li ne peut faire mainte-
. nant qu'il n'y ait pas un secret entre nous.
J'ai un droit sur lui. sans qu'il ait sur moi
aucune prise. Il aura bientôt besoin: degoaon
mteronttioîvet mon ; pïmvoir augmentera à
mesure que je lui deviendrai plus "nécessaire.
Quant à son gouverneur, il ne lui dira pas
un mot. Je peux être tranquille de ce côte.
Rodolphe tint assez bien pendant les pre
miers temps la résolution qu'il s'était impo
sée. 11 luttait, il souffrait, mais il se taisait.
Son impitoyable bourreau épiait d'uîi œil
impassible les battemens de son cœur, comp
tait les gouttes de sang qui coulaient de sa
blessure; sans pitié pour sa victime, il at
tendait patiemment la crise suprême qui
devait la jeter palpitante entre ses bras.per-
fides. 1
Tout se passa comme il l'avait prévu. Cette
lutte sourde duré plusieurs jours, sans que
le silence fût rtïmpu ni d'un côté ni de l'au
tre. Il n'avait plus été question de l'incon
nue. Rodolphe semblait l'avoir oubliée ? du
moins il espérait le faire supposer; Galéotto
feignait de croire ce qu'on voulait qu'il crût.
Chacun des deux jouait la comédie et pensait
tromper l'autre; mais il n'y avait qu'une--
dupe à ce jeu muet. r "
Le résallat était inévitable et prévu d'a
vance; Rodolphe était au bout de - ses forces;
après avoir invoqué à son aide, aussi long
temps qu'il l'avait pu, sa dignité, sa fierté,
tous ses principes, tous ses préjugés; il dut
se déclarer vaincu ; le souffle imçétueuxd'ane
passion naissante avait emporte l'une après
l'autre ces faibles barrières. Le trait avait pé
nétré si profondément dans son cœur, qu'en
voulant le retirer, il ne faisait que l'enfoncer
davantage. Ne pouvant plus vivre ainsi, il
résolut, quoi qu'il jptfîpût résulter, de s'ou
vrir à Galéotto, qui l'attendait là. Il eut ce
pendant encore assez d'empire sur lui-même,
au dernier moment, pour colorer sa défaite
et pour feindre un calme qui était bien loin
de lui. Se trouvant en tête-à-tête avec Ga
léotto, — tête-à-tête que lui - même avait
préparé,— il entama la conversation par un
gros mensonge, le premier qu'il eût fait de
sa vie:
r-- « Signor Galéotto, lui dit-il du ton le
t plus dégagéqu'il pût prendre, je crois'avoir-
» rencontré la femme de l'autre soir.
— s Ah! oui, cette femme qui n'avait
» d'yeux que pour Votre Altesse, au Mauso- !
» lée d'Auguste. ! » Vous n'avez pas découvert qui elle
» 'était? . : . v
— » Votre Altesse ne m'en ayant plus parlé,
» j'ai cru que vous n'y pensiezplus,et je n'y
s> ai plus pensé moi-même. Mais pour peu
» que vous y teniez...
— a Y tenir, n'est pas le mot. Je vous ai
» déjà dit que c'était de ma part une simple
» .affaire de curiosité, un pur caprice.
— » Votre Altesse a le droit d'en avoir
»' pourquoi n'en aurait-elle pas? Que n'avez-
» vous dit cela plus tôt? A l'heure qu'il est,
» votre caprice serait déjà satisfait depuis
» lcing-temps; Mon métier n'est pas précisé-
b ment de taire ces sortes de commissions. . .
— » Comment l'entendez-vous, signor^^Gà-
» léotto? interrompit le prince en rougissant
» jusqu'aux oreilles.
— » Absolument comme Votre Altesse,
# comme un simple caprice. Je n'y entends
» pas plus malice que'cela. Ainsi que je le
» disais, iL n'est pas dans mon rôle de me
» mêler de ces clioses-là; mais je connais
» quelqu'un qui, moyennant un fort petit
o salaire, vous rendra ce léger service; et si
» «celui-là ne réussit pas, ma foi, il faudra y
» renoncer. 11 n'a pas son pareil à Rome.
— «Qu'il n'aille pas au moins me com-
» promettre 1 s'écria Rodolphe, déjà effrayé
» de la témérité de sa démarche.
— • Pour qui me prend Votre Altessa? On
s ne saura pas même qu'il s'agit de vous.
— » Tenez, signor Galéotto, voilà potir sa
» peine. »
Rodolphe, à ces mots, détacha un magni
fique diamant monté en épingle, qu'il portait
à sa cravate, et le donna à Galéotto, qui' le
mit dans sa poche sans sourciller, et ne fit
qu ! un sautae la place d'Eïpagne au Ghetto.
Vous savez tous, puisque vous avez été à'
Rome, que le Ghetto est le quartier des juifs,
une espeee de geôlé où la police les enferme
la nuit, comme des animaux maltaisans. Mais
aucun.de vous n'est peut-être descendu dans
cette sentine de la nef de Saint-Pierre.
Figurez-vous une ruè... que dis-je?... un
ruisseau fangeux et tortueux, bordé de.hut-
tes borgnes en bois pourri et à demi-rui-
nées, ou pendent des loques à soulever le'
cœur le plus robuste.' Montaigne dit, dans,
son voyage d'Italie, qu'il «aime de Rome
jusqu'à ses,taches et verrues. » Je doute;
d'il ait vu celle-là. ©r, il. y a là-de-'
ans unefdntainéftme écote, tmesytiaigoguSB,
et tout près, mais hors de l'enceinte, estla cha
pelle de Sainte-Marie-des-Pleun?, qui est tou
jours fermée. Le Ghetto est près du Tibre dont
toutes les eaux réunies ne le laveraient pas. et
il communique avec l'île de San-Barlolomeo,
par le pont Fabricius, vulgairement nommé
Quattro-Capi. Sur le pont même s'élève un
oratoire, et sur cet oratoire un Christ mena
çant, dont la face est tournée, comme un
anathème éternel, contre le peuple déicide»
Afin de ne laisser aucun doute sur la signi
fication de cette terrible menace, on a gravé
"sous le crucifix, en latin'et en hébreu, deux
versets d'Isaïe, inspirés tous les deux au pro
phète'par la eolère divine (1). ,
Hais et méprisés, les juifs de Rome sont
regardés comme une race maudite et traités
en conséquence. Il "n'y a pour eux aucune
loi; l'arbitraire leplus durent assez bon pour
de pareils' réprouvés, et l'omnipotence des
subalternes le rend encore plus brutal ; le
bâton joue là un grand rôle. Ecrasés d'im
pôts exorbitans, ils n'obtiennent rien du
gouvernement qu'à prix d'or. C'est à cette
condition seulement qu'il sont tolérés dans
la "ville des papes... si c'est là de la tolérance,
et sans la protection de la diplomatie étran
gère, ils en verraient bien d'autres.
A chaque règne, il faut qu'ils viennent
implorer du nouveau souverain là permis^
sion de demeurer à Rome;> cette cérémonie
humiliante a lieu le jour du Possessu, c'est-à-
dire le jour où le pape prend possession de
Rome en qualité de prince temporel; et, par
un raffinement de barbarie, elle se passe à
l'arc-de-triomphe élevé par Titus après la
conquête de Jérusalem. Arrivés en prôces-
sion au lieij de leur supplique et de leur sup
plice, les impétrans, comme dit le Code,
présentent à genoux au pontife, dans un ,
bassin d'or, un exemplaire du Pentateuque : "
et une somme d'argent monnoyé, qui repré
sente leur rançon. Le pape ne, daigne pas
leur répondre; il se contente de les frapper
d'une baguette qu'il tient à la main; voilà
(!) Expandi manut meas tôt A die aipopulum
i bond pont oo-
gitationes suas ; Le second est celui-ci : Fopttfus
incredulum, qui graditur in viâ non boni
qui ad iracundiaraprevocat me, ant» faciem meam
temper ; çu» immiCant in horm et swriftcœttt w.
ffer 1
ras.
leur permis de séjour. C'est exactement ainsi *
que,[dans l'antiquité, le maître affranchissait
son esclave.
Ce n'est pas tout encoi-e : ils sont forcés.'
sous peine de trois pauls d'amende, d'aller
chaque année en procession écouter un ser
mon débité à leur intention, le 20 -février
dans l'oratoire de la Très-Saintè-Trinité-des^
Etrangers-et-des-Convalescens. Malheur à
ceux qui s'endorment au prêche! Des sur»
veillans, dont la main n'est pas légère, les
réveillent à grands coups de gaule. Cette
coutume, quelque peu pédagogique, était
tombée en désuétude; mais elle a été réta
blie (1) sous le pontificat de Pie VII, par le
cardinal Goazalvi.
Le préjugé contre les enfans d'Israël est
universel à Rome, et les chiens sont mieux
traités qu'eux. J'ai vu «n campagnard jeter
d'un coup de pied dans un fossé bourbeux
un colporteur juif qui ne s'était pas assez
vite rangé sur son passage, et il est plus que
probable que si Colporteur eût porté plainte
a lapolice, il,aurait reçu pour domma?és-et-
intérêts le cavaletto. . -
Les juifs, aux termes des dernières ordon
nances (2), ne peuvent posséder aucun im
meuble ; tous contrats passés par eux sont
nuls, et ils doivent,' pour qu'on les recon
naisse, porter un ruban jaune. Aucun
quelle que sait-sa fortune, ne peut dëmJu-
rer ailleurs qu'au Ghetlo. Je ne sais quel
membre de la tribu Rothschild n'obtint qu'à
cTunrl'TiMnn et à grand renfort de notes
ques, sansjparler des scudi, l'au'
torisation de. loger dehors ; et je crois, Dieu
me pardonne, qu'il venait négocier un em
prunt au profit de la cour de Rome ! Deux
juifs de Livourne se furent pas si heureux
ils payèrent d'une grosse amende et de la
prison une seule nuit passée hors duOhettéS
Débauchant de la place Cenci, dë par
ricide mémoire, le signor Galéotto entra
dans la cité d'Israël en véritable Ro
main , c'est-à-dire la canne haute et toute
prête à fonetionner. Quelqu'un se trou
vait-il sur son chemin , que ce fût une
femme, un homme, un enfant, n'importa
qui, n'importe quoi, il tapait dessus en gul-
(1) En 1Ï20. ~ " '
(2) IS2f5.
BS j REASJX s rue Ne ^nfoES ivaiaui-uvjait, « lui
>.L C# t/ 4^ ^ « JLIL SjU JJLV.J.M .
PRIX SE VABOSSEEIESV
PAKiS 13 F. FAB tr1mzst .RK.
DÉPABTEMENS. 18 F, _
JN NUfflÉRO : 20 CENTIMES!
JUt abonnement daunt dtt l w et 1<
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les 10 et » de chaque mois,
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
S'adresser,
, franco , pour la rédaction, d MJ C ucheval -C iàbigity, rédacteur en chtf.\ ■ OuicébeKne, âû*$ let département, aux Messageries et eux Directions â?poste.—Âljjndres, chez mm, Cotise* fii $3 | S'adresser, francoj pour Fadm\nistratio»1 i Mî D snai H , directeurl %
Les article» déposés 08 font pas rendus} ♦ J . • A Strasbourg, ckex M. AUEUHDBI, pour. F Allemagne. (les anno*ces sont reçues au bureau du Journal; et chez M. i»ANIS, règissear, Jo, place delà Sorçiw
PARIS, 20 MAI.
Nous croyons utile de donner sur la com
position et l'organisation de la commission
ehargée d^i rachat des actions de jouissance
des canaux, des renseignemens positifs qui
mettent un terme aux faux bruits répandus
depuis quelques jours. . <
On sait que la loi du 29 mai 1845, en sta
tuant que les'droits des compagnies à la
jouissance des canaux exécutés par voie d'em--
prunt en i 821 et 1822, pourraientêtre rachetés
pour cause d'utilité publique, a déterminé en
même temps le mode de composition des
■ commissions spéciales qui seraitat instituées
; pour fixer le prix du rachat. Aux termes de
la loi, chaque commission spéciale doit être
formée de neuf membres, dont trois sont
désignés par la compagnie, trois par le pre-j
mier président et "les présidons réunis
de la cour d'appel de Paris,' et trois par le
ministre des finances. C'est conformément à
ces prescriptions qu'ont été composées les
commissions récemment nommées en exé-i
cution du décret du Président da la Répu-s
blique, qui a décidé le rachat des droits de
jouissance appartenant à la compagnie des
"Quatre-Canaux, à la compagnie du canal de
Bourgogne et à celle du Rhône au Rhin, i
Les compagnies des Qustre-Canaux et du
canal de Bourgogne ont , nommé les mê-;
'mes commissaires, savoir ; MM. le comtci
Jaubert, le comte Dam, Berryer. _ .
La compagnie du canal du Rhône au Rhin
a choisi MM. le comte Daru/Schneider eli
Bethmont.
Le premier préeiffint et les présidens réu
nis de la cour d'appel de Paris, ont nommé
les mêmes membres pour les trois affaires ;!
ce sont MM. Moreaux, Aurelien de Sèze eti
Persil, avocats.
• Enfin, M. le ministre des finances a égale
ment désigné les mênîes membres pour les
trois opérations de rachat ; MM. Grélerin,
directeur général des douanes et des-contri
butions indirectes : Guillemot; directeur gé-s
. néral de la caisfee d'amortissement et
inspecteur divisionnaire des pofits-et-chaus-
: sécs. "
Ainsi, il y a deux commissions , l'une
chargée du rachat des droits de jouissance
des Quatre-Canaux et du canal de Bqurgo-j
gné, l'autre du rachat des droits dejeuissancei
ducanat-du Rhône au Rhin. Les ; membrês-
nommés par le ministre des finances et par
la magistrature sont d'ailleurs les mômes
i dans les deux commissions. 11 n'y a de dif-;
férence que pour les membres désignés par
! les compagnies, et encore M. le comte Daru
■.Eait-il partie des deux commissions.
Les deux commissions se sont constituées
• au commencement de la semaine. D'après
la loi du 29 niai 1845, elles devaient élire,
leur président et leur secrétaire à la majo
rité des voix. Elles ont nommé, dans leur;
• première séance, M. ^Persil pour. .président
'et M. Moreaux pou? secrétaire. On voit que
les choix ont porté de part et d'autre sur ce
qu'on pourrait appeler l'élément neutre,
c'est-à-dire sur les membres qui ont été dé-;
' signés par la' cour, d'appel de . Paris,' en de-;
hors des influencés de l'Etat et des préten-i
tions des compagnies. -
Il a été décidé ensuite que la, constitution
; „de chaque commission seraitnotiffée a M. le
ministre des finances :et aux' compagnies,
? dans la personne de Iéurs directeurs 1 et ad
ministrateurs. •
Si nous sommes bien informés; leseom-
missions n'auraient pas encore commencé
leurs travaux; mais elles auraient pris toute-;
fois une détermination à laquelle il est bonde
donner de la publicité pour mettre l'opinion
en garde contre les fausses rumeurs : c'est
que les membres garderaient un secret ab
solu sur Ieurs> délibérations, de manière à
éviter l'agiotage auquel elles , pourraient
donner lieu. < >t
Les deux commissions, nous n'en dou
tons pas, pousseront très activement leurs
travaux. Une fois-que de semblables affaires
sont commencées, il est très important
qu'elles soient terminées aussi promptement
que possible. Mais on ne doit pas se dissimuler,
cependant, que l'arbitrage dont elles sont
chargées est trè3 difficile, très délicat, et qu'il
exige un examen fort détaillé. Nous ne sa-
vonsqucls sont les élémens qu'ellesadopteront
pourarriver à une estimation équitable de
la valeur des actions de jouissance. Il
est probable qu'elles tiendront compte du
produit net des canaux depuis leur ouvertu
re, de la cote des actions sur Iç marché de la
bourse, du prix auquel les emprunts de 1821
et 1822 ont été contractés, comparativement
•au cours des effets publics à cette époque.
Mais comment apprécier et combiner tous
ces élémens? Il n'est pas aisé d'évaluer
le produit net' des canaux dans l 'état ac
tuel des choses,et encore moins dans l'avenir,
"avec la concurrence, que leur préparent les
chemin? de fer. Si l'on doit avoir égard
• aux cotes de la bourse, ne doit-on pas aussi
se tenir en défiance contre les manœuvres
qui ont pu élever les cours au-dessus de la
véritable valeur de ces titres ? Nous ne pré
sentons ces observations que pour faire com
prendre les difficultés de la tâche des com
missions, et pour empêcher; s'il est possi
ble, les abus de la spéculation jusqu'au mo
ment où elles auront prononcé.
Du reste, après que les commissions au
ront fait connaître leur verdict, le rachat ne
deviendra définitif qu'en vertu de lois spé
ciales, qui ouvriront le# crédits nécessaires,
et qui devront être proposées aux chambres
-dans l'année qui suivra la décision.
J. B UBAT.
, Le Progrès, journal d'Arras, vient de re
cevoir. un second avertissement. Il le publie
eu ces termes, en tète de son numéro 4e ce
jour-:. ,.. v , ; - i
préfecture do PAS -de-calais. j
Journal le Progrès . — 2 e ' avtrtissement.
« Le préfet "du Pas-de-Calais, '
: » Vu l'article 32 du décret du 1-7 férrier 1852
» Vu l'artiele du journal/e Progrès (numéro du
16 mai) intitulé Premier avertissement-, " < ;
» Vu l'article du même journal (numéro du iS
mai), contenant des refleiious au sujet de cet avei-:
tisse ment;
v Vu un troisième article dudit journal (numé-j
ro du 10 mai),'intitulé : Lettre du comtedn Cham-'
bord aux légitimistes ; . I
» Considérant que le directeur-gérant du Pro-
giis, au lieu de se borner à insérer l'avertissement 1
qui lui" a été donné le 14 mai 1852, par l'autorité
préfectorale, a acompagné ' cet avertissement de
réflexions, contrairement au vœu iie la loi ; j
» Que ces réflexion s contiennent une personna
lité <)ui a pour but d'isoler complètement de l'ad
ministration M. le conseiller- de prélecture, se-,
crétairegénéral, investi des fonctions,de préfet ;
■par intérim ; ;.
» Qu'elles renferment contre l'autorité départe-'
mentale une menace d'appel.devant une puissance;
désignée sous, le titre vague d'autorité supériewe,
et aui ne peut être'que la personne même du elitf
de l'Etat, qu'un Sentiment de respect et de haute:
convenance devait empècber de meure ici eà cause;:
»' Qu'ellas ont pour but de persuader aux popu
lations qu'un désaccord inexplicable pourrait "exis
ter entre le chef de l'Etat et le représentant .de son
autwrité'd'ans le département, en ce sensque le
préfet poursuivrait un journal que le prince-
Président défendrait dans la personne de son ré
dacteur;» . . '
s Que, dans son numéro da 18 mai, le Progrès
revient sur le mên:e sujet, en qualifiant a d'article
plein de convenance et de la plus scrupuleuse "vé
rité* quant aux faits, » l'artiele même qui lui a
valu de la part de l'autorité un premier avertisse
ment; , '
' » Que ces nouvelles réflexions témoignent, de la
part du journaliste, son obstination dans le mé
pris de l'autorité ;
s Q i'en publiant, dans son numéro du 16 mal, :
une lettre qui a été saisie à son entrée en France,
le journal le Progrès tend à allaiblir ie pouvoir et
-à jetfcr l'inquiétude parmi les populations,
D-Arrêtc: *
' » Article 1". Le directeur-gérant du journal /a-
Progrès est invité à s'abstenir de toutes publica
tions, discussions ou réflexions de nature-à porter
atteinte à l'autorité.
» Art. 2. Cet avis est donné à titre de second aver
tissement II sera inséré en tète du prochain nu
méro du journal, conformément à l'article 19 du
décret ci-dessus visé, et en caractères au moins
aussi apparens que ceux de l'article : France, —,
Bull tin général du Jour, du numéro du 16 mai.
» Fait à Arras, en l'Hôtel de la Prélecture, le
19 mai 1852.
» Le préfet du Pas-de-Calais,
» Comte V ictor du hamel. »
La. Gazette du Languedoc vient aussi de re
cevoir un second avertissement, dont voici
le texte :
a Nous préfet de la Haute-Garonne,
» Vu l'article 32, paragraphe 3, du décret orga
nique fur la presse, en date du 17 février 1852;
» Vu l'article publié dans le numéro de la Ga
zette du Languedoc, en date du 16 mai, signé C. de
Beaaregard, commençant par ces mots : a Nos po
litiques superstitieux, » et finissant par ceux-ci :
« Mais ce terrain leur est parfaitement interdit; »
s Considérant que cet article dans l'ensemble de
sa rédaction, contient d<^ insinuations malveil
lantes et irréverenti« uses cbntre le gouvernement
et le Corps Législatif; qu'il est de nature à faire?
naître des inquiétudes qui auraient nécessaire
ment pour effet de ralentir le mouvement des af-
faires c-t de nuir« ainsi à-la prospérité générale;
» Considérant qu'il importe de maintenir intact
le respect du âui grands, pouvoirs de l'Etat et
d'empêcher tout ce qui pourrait porter atteinte au
rétablissement de l'ordre et de la paix dans les
esprits;
s Arrêtons : ' :
» Art. l w . Aux termes' de l'art. 32 du décret
sus-visé du 17-février 18S2, un second avertisse
ment est donné au journal la Gazette du Languedoc,
dans la personne du sieur Leroy, l'un de ses gérans.
» Art. 2. Le commissaire c&ntra! de police est
chargé de l'exécution du présent arrêté.
» Toulouse, le 16 mai 1852.
» Le préfet de la Haute-Garonne,
» Signé, cuapu1s-m0ntlavillb.
» Pour copie conforme .v
* Le commissaire central de police ;
» cazeaux. »,
Le journal averti publie, à la suite de ce
document, la lettre suivante : ,
A MM. les directeurs de la Gazette du languedos.
Messieurs,
En arrivant ce malin au bureau du journal, j'j
trouve un second avertissement donné par k pré
fet à la Gazette du Langtie/ioc. La position faite à
la presse et notamment à !a Go^utte du Languednc,
i-endà mon avis toute rédaction impossible, le rôle
àf rédacteur muet est intolérable et sans dignité;
je suis décidé à ne pas le subir un jour de plus,
et je me .démets en vos ma
» Agréez, etc. o. dilpeyek.
j» Toulouse, le 17 mai. »
Une dépêche télégraphique de Turin nousr
a appris que le roi de Sardàigne, eu accep
tant la démission de M. Gavour, avait refu
sé celle de M. d'Azeglio, et avait chargé cet
homme d'Etat de composer un nouveau cabi
net. On nepeutqu'applaudiràlarésulutiondu
jeune roi. Nous ne savons s'il sera possible
de former un - mi nistère durable en dehors
de M. CavQur; mais l'entreprise mérite au
.moins d'être tentéei et, dans l'alternative de
sacrifier, l'un des deux ministres, il était na
turel que les sympathies du roi, comme cel
les de tous les amis du Piémont, fussent pour
d'Azeglio. •
M. Cavopr, en'refusant de se séparer de
"'M. Rattazzi, car tel est le vrai sens ae sa dé
mission, vient de justifiér lds défiances qu'a-
"vait éveillées sa conduite ;àu sein du parti
conservateur, et les attaques dont plusieurs
de ses amisont pris l'initiative. Il est impos
sible de donner plus complètement raison
aux reproches dont M. d'Avigdor s'est fait
récemment l'organe dans des i nterpellations
concertées avec plusieurs membres du parti
conservateur. M. Cavour s'était défendualors
d'incliner vers là gauche; la part qu'il a
prise à l'élection de M. Rattazzi est en con
tradiction formelle avec son langage.
La poljti^ue-financière de M. Cavour n'a
pas donné lieu à des objeetions moins- sé
rieuses que ses avances.à la gauche. Au lieu
da consacrer uniquement ses efforts à réta-
tMr"l'équilibre des finances, le jeune et bril
lant ministre a rêvé le rôle de sir, Robert
Peel j, £t n'a fait servir l'autorité dont
les circonstances l'investissaient qu'à la
mise en pratique du libre-échange. C'est à
cette pensée universelle qu'il a sacrifié les
réformes utiles et pratiques qu'attendait le
Piémont. Un homme qui ne saurait être
suspect d'hostilité pour le ministère pié-
montais, ni pour M. Cavour lui-même, M. le
comte d'Avigdor, qui a si puissamment con
tribué à faire voter par la chambre de Turin
le trailé de commerce aveclaFrance, n'a point
dissimulé, dans un discours récent, lous les
sacrifices que le désir de maintenir M. Ga
vour au pouvoir avait imposés au parti con
servateur :
a Nous avons fait» des changemens dans notre
système d'économie politique, nous avons adapté
lé système du libre-éehange, nous avons» adopté'
le système de la liberté du commerce. Nous l'avons
fait, et je'dois direque j'ai été un de ceux qui l'ont
le plus prêché, un-de ceux qui l'ont le plus désiré,
un de ceux qui l'ént le plus voulu.
s Cependant, je l'aveue franchement, avant de
nous lancer dans une route aussi périlleuse, dans
une route aussi hérissée de difficultés, il aurait
fallu que M. le ministre vînt nous exposer, la si
tuation réelle dans laquelle se trouverait lè trésor
après toutes ces diminutions de droits accomplies:
jl fallait nous dire s'il ne naîtrait pas de ce brus
que changement de système des embarras: pour le
trésor.». .* .. ■ -. .
M. Cavour n'a cessé de réclamer des votes
■ de confiance.-il les a toujours obtenus. Et
loin de profiter de cette condescendance du
parlement pour arriver plus lôt à une situa
tion régulière, il a continué à réclamer des
chambres une sorte de blanc-seing perpétuel
en matière de finances. C'est ce que M. d'A
vigdor a exposé avec force dans le dis
cours qu'il a prononcé sur l'impôt somp-
tuaire et que nous venons de citer. Il
s'est plaint vivement des retards que le mi
nistre des finances mettait à présenter le
budget de l'année 4853, et de la situation
faite à la chambre qui se trouvait appelée à
voier des lois d'impôts sans connaître la vé
ritable situation financière du pays. Tout en
déclarant qu'il voterait pour l'adoption du
projet de loi, M. d'Avigdor a appelé l'atten
tion la plus sérieuse de la chambre sur l'im
prudente administration du ministre des
finances, dont le système jusqu'à ce jour a
consisté à réclamer !e vote d'impôts divers,
sans dresser préalablement le bilan des res
sources et des besoins du pays.
Voiri comment M. . d'Avigdor termine ce
discours remarquable à plus d'un titre :
« Quant à moi, Messieurs, je vous ,1'ai dit, je
vote celta loi; je la vote parce que je crois qu'il
le faut absolument, dans l'intérêt du pays, du mi
nistère et du gouvernement constitutionnel, parce
qu'enfin je la crois moins mauvaise que les autres.
, »En attendant, j'insiste pour que le minisire, s'il
ne peut pas présenter un budget réel, nous pré-:
sente un budget fie. préva^anc&j Cpi'ilusus donne
l'état réel de netre situation," qu'il intercalle les;
nouveaux impôts qu'il bobs -a proposés, en don
nant une valeur approximative à ces impôts. Aleri
nous saurons' ce que nous' faisons, et nous powr-
rons espérer qu'au bout de deux ou trois ans de:
sacrifices, nous arriverons à un résultat avanta-i
' geùx pour le pays. ■
» Jusque-là, Messieurs, nous no ferons que nous;
égarer dans une mer de chiffres, d'emprunts, d'im-:
pots, qui nous conduiront à la ruine. i
» Je comprends que ces appféhensions n'effraient;
pas M. le ministre des finances. Quoique pilote
liabile, qu'il me permette de lui dire qu'il lui sera j
~ cependaut difficile de conduire le vaisseau à béni
poft, s'ircontinue à demander-des votes à l'aveu -ii
g!e, sans venir nous convaincre que ces -votes de,
confiance sont justifiés par notre position. i
» Quant à moi, je le déclare à la chambre, j'ai:
jusqu'ici vsté avec M. de Cavour. Je n'ai pas él^
le seul à applaudir à tbn avènement aux affaires.;
Le ministre des finances a été l'enfant gâté de la'
chambre. Il n'a jamais rencontré une opposition'
puissante et sérieuse, et, à très peu d'exceptions:
près, toutes les lois présentées par. lui ont été vo-i
.tées à une grande majorité. j
» Eh bien! qu'il demande aujourd'hui à tous les;
députés indépeudans, à ceux qui ont à cœur l'in- 1
térêt seul du pays, qu'il leur demande ce qu'ils
pensent, qu'il consulte l'opinion publique, et il
verra que ceux qui jettent aujourd'hui le cri d'a
larme, sont ses amis les plus dévoués.
» Pour moi, Messieurs, dans cette circonstance
comme dans d'autres, je remplis un devoir. Je ne
me laissa pas entraîner par un vain amour pro ; -
pre, ni par le désir de fairj des discours, en
core mains par celui bien plus pernicieux ds f
d J'ai cité des faits, et e'est aux faits, seuls que
je me rapporte. Quand je parle da faits, je parle
encore plus des chiffres.
m Aussi, quand M. le ministre viendra nous
présenter des chiffres , et nous dira l'état réel du
trésor public, quand il nous dira clairement, po
sitivement où nous, en sommes et où nous vou
lons aboinir, alors M. fe ministre aura toujours
mon vote pour lui. »
Nous ne saurions imaginer pour un mi
nistre de condamnation plus sévère qu'un
pareil avertissement dans une bouche incon
testablement amie. Les sentimens exprimés
avec une si loyale franchise par M. d'Avig
dor sont évidemment ceux de tout le parti
modéré, qui ne peut que voir avec regret
un homme de la valeur et du talent de M.
Cavour répudier la politique à laquelle il
avait dtL son élévation. Le discours de M.
d'Avigdor nous avait paru le présage de la
crise ministérielle que l'élection de M. Rat
tazzi a fait éclater. C ucheval -C larisny.
Voici dans quels termes la Gazette piémtm-
taise, ^sous la date de Turin, le 17, annonce la
retraite du cabinet, connue hier au soir à
Paris par dépêche télégraphique :
«.Tous les 'ministres ont offert hier leurs
démissions au roi,qui lésa acceptées. S. M.
a confié la formation d'un nouveau cabinet
•à M. Maxime d'Azeglio, qui s'^st chargé de
cette commission. Les ministres démission
naires resteront à leur poste jusqu'à la
constitution du nouveau cabinet. »
Les lettres de Madrid du 15 mai n'annon
cent pas encore la nomination du nouveau
ministre de la marine. On paraissait même
croire que le ministère pourrait subir d'au
tres modifications, M. Bravo-Murillo se mon
trant mécontent de l'accueil fait àAranjuez
à quelques-uns de ses adversaires politiques.
Les projets de réformes constitutionnel
les étaient aussi de nouveau remis en avant.
I. BONIFACE.
. Le gouvernement de Louis-Napoléon s'est
fait le promoteur éclairé de toutes les amé
liorations sociales. Il a commencé par fonder
la stabilité dans le régime politique et par ra
mener la sécuritS dans la rue : ces deux élé
mens essentiels de la prospérité commercia
le. H communique une vive impulsion au
travail redevenu facile et paisible. Il crée
enfin des institutions destinées à rendre
meilleur le sort des ouvriers laborieux et
honnêtes.
Un des moyens les plus efficaces d'ac
croître leur bien-être est de multiplier les
bains et les lavoirs publics. L'usage des
bains chauds et du linge blanc est l'une
des conditions de l'bygiène domestique; Pour
l'homme qui travaille, la propreté, c'est
la santé. Or , pour mettre les lavoirs et
les bains à la portée des bourses les plus
modestes, il a fallu, soit en Angleterre,
soit en France, faire de grandes dépenses.
En Angleterre, les frais pour les établisse-
mens de ce genre se sont élevés de 200jusqu'à
700,000 francs pour mettre à la disposition,
du public, de 60à80 baignoires etdé 60à 100
places de laveuses. Ces établissemens n'«nt
pu se fonder qu'au moyen de souscriptions
très difficiles à obtenir et qui, une fois obte
nues, épuisent pendant un certain laps de
temps les ressources de la bienfaisance. Jus
qu'à présent, dans ceux'de ces établissemens
qui sont gérés avec le plus d'intelligence et
de soin, on n'a jamais pu équilibrer la recette
avec la dépense. On espère, dit-on, y parve
nir un jour; mais chaque année révèlev un
nouveau déficit.
Cette importante,question a préoccupé, à
bon droit tous ceux qui s'intéressent aux
améliorations sociales. Le gouvernement, s'as-*
sociant à la pensée des vrais philanthropes,
a stimulé la création des .bains et dts lavoirs
publics par la promesse d'une .primo. Gutta
prime peut atteindre le chiflre de 23,000 fr. f
et doit être accordée aux communes qui con
sentirent à dépenser une somme doubla
pour fonder un établissement remplissant
les conditions des meilleurs modèles et four
nissant notamment des moyens pour laver
et pour sécher rapidement le linge.
L'exemple que viennent de donner de sim
pies citoyens dansle département delaSoine»
Inférieure, indique un excellent moyen de
fonder des bains et des lavoirs publics à bon
marché; ee moyen consiste à utiliser, dans
les établissemens 1 de bains et de lavoirs
publics, les eaux chaudes et froides qui
s'échappent en abondance des usines mu
nies de machines à vapeur. Les usinas de
ce genre se comptentmaintenant par milliers
en France. Partout où elles existent,elles at
tirent autour d'elles une population d'ou
vriers. Nons allons voir par des faits et par
des chiffres, à quel point il est facile de met*
'tre en œuvre cette idée simple et féconde. ■
En 1849, M. de Saint-Léger, ingénieur en
chef des mines, créa à Rouen , à titre d'ex
périence, un petit établissement'de bains et
de lavoirs publics alimenté par les eaux chau
des, j usqu'alors; perdues, de deux machines à
vapeur. Les fonds nécessaires aux frais d'ins
tallation furent trouvés au moyen d'une
souscription qui produisit une somme nette
de 6,428 fr. Une petite maison fut louée à
raison de 230 ff., dans l'impasse du Gril,
près de la filature de M. Savaroc, l'honora
ble industriel qui avait mis "gratuitement ! à
la disposition dé l'œuvre l'eau chaude de ses
deux machines. On construisit dans la cour
de la maison, un bassin couvert pour dix-
huit laveuses, et dans le rez-de-chaussée cinq
cabinets contenant chacun une baignoire,
que l'on fit en ciment pour plus d'écono
mie. Les -femmes seules devaient être ad
mises dans l'établissement. Ladépense totale
n'atteignit pas tout-à-fait le chiffre de 3,OQO
fr. On voit que les fondateurs s'étaient sa
gement renfermés dans les limites les plu»
modestes, quant aux proportions et quant
aux frais de cet établissement.
Au bout d'une année d'existence, lé M
août 1850, l'établissement avait fourni 2,135
bains chauds de première et de deuxième
classe au prix de 25 et de 10 cent. L'usage
d'un grand peignoir blanc était toujours
compris dans le prix du bain. Il avait reçu
8,346 laveuses pendant une heure chacune,
au prix de 5 cent, par heure et par laveuse,'
et 25,386 femmes avaient de plus lavé leur
linge pendant le même temps. Le résultat da
cette première année de gestion fut un bé*
néfice net de 66 fr. 97 c. tous frais payés,
mais non compris les intérêts du capital em
ployé.
" Encouragés par ce succès, lès fondateur»
firent des améliorations Importantes. Les
baignoires en ciment furent remplacées par
des baignoires en faïence. Un axième cabi
net de bain fut construit, et un réservoir
d'eau froide fut mis à la disposition dés
baigneurs. Ces améliorations porlèrent la
dépense totale à 8,898 fr., c'est-à-dire .à une
somme qui dépassait de 2,470 fr. celle qu'a
vait fournie la souscription.
La seconde année de gestion, arrêtée à Ja
fin d'août 1881 a été beaucoup plhs fructueu
se, bien que le prix du lavage eût été réduit à
3 centimes au lieu de 5 par heure. 7,403
bains ont été donnés, 26,088 femmes ont
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 21 MAI.
À HUIT MILLE PIEDS
AU-DESSUS DE LA MER.
PRESIIER VOLUOTE.
Ba\E SEDUCTIOX.
(Suite). •
Rodolphe sortit désolé du Mausolée d'Au
guste, continua le prince WoronofT, èt reprit
en silence le chemin de son hôtel. Galéotto
le suivait sans mot dire, heureux d'avoir si
bien réussi à. troubler lu cœur de i'innoCfent
jeûné homme,, et s'applaudissant d'un ^ré
sultat qui dépassait ses espérances. D'abord
silencieux, mais ne pouvant plus se contè-
nir, le prince lui demanda, tout à coup, com-
.ine ils traversaient le Corso :
— «' Sign.or Galéotto,"connaissez-vous cette
femme?
- —, » .Quelle femme, Altesse?
1 » Cette femme si belle qui était assise à
i> dix pas de nous. Tout le monde la remar-
» quait; il est impossible que vous ne l'ayez
i> pas remarquée aussi. ..
—- » En effet, j'ai remarqué qu'elle regar-
». dait beaucoup Votre Altesse. Mais je ne la
d connais pas. ».
L'entretien en resta là, pf l'on continua à
marcher en si lencej mais, au moment de met
tre le pied sur la place d'Espagne : ;
— « Signor Galéotto, reprit Rodolphe, y
» aurait-il un moyen de savoir quelle, est
» cette femme? »
— « Si ce n'est pas impossible, c^est .du
» moins bien difficile; Rome est si'vaste I
», Mais enfin si Votris Altesse a quelque inté-
» rét à le savoir, on peut toujours chercher.»
Le prince craignit évidemment d'en avoir
trop ait étse repentit d'avoir,laissé échapper
le secret dô sa préoccupation. Il essaya de /
reculer.
— a Je n'y tiens'pas*"autrement, répon-
. s. dit-il en louant l'indifférence, mais en la
». jouant bien mal, surtout en présence d'un
•. maître si consommé. C'est une pure af-
> faire de curiosité. »
Il fut effrayé, en rentrant en lui-même,
de voir quel chemin il avait déjà fait. 11 se
reprocha surtout d'avoir eu assez peu d'em
pire sur lui-même pour mettre un étranger
dans sa confidence car les deux questions
qu'il avait adressées à Galéotto et surtout la
manière brusque, inattendue, dont elles
Avaient été faites, constituaient l'aveu le plus
clair et le mieux caractérisé, s II était im
possible de s'y méprendre. Ce n'est pas
qu'il se défiât de Galéotto; il. était trop jeune,
et trop neuf en toute chose pour comprendre
seulement la défiance l'ombre d'un soup
çon ne lui avait pas même traversé l'esprit ;
mais un premier amour a toutes les puduurs,
surtout celle du mystère et du silence. 11 se
promit bien de réparer sa foute en se mon
trant ^ l'avenir plus circonspect et plus
discret.
La dernière chose à laquelle il songea, fut
de s'ouvrir franchement à son gouverneur,
et de prendre conseil de son amitié, sinon dé
son expérience.. Cette bonne idée ne lui vint
pas, ou, si elle lui vint, il ne s'y arrêta point:
la fausse honte l'en détourna. C'était pour-
tant le seul parti raisonnable qu'il eût à
prendre, et c'est pour Cela'qu'il ne le prit
pas. Sun gouverneur n'aurait certainement
pas' dépisté l'intrigue qui se tramait autour
de son élève,' mais il aurait craint un danger
pour lui, et, fidèle aux -instructions de sa
mère, il l'aurait emmené de Rome, c'est-à-
dire qu'il l'aurait sau^é.
Gàleotto, de son côté, se promit bien de
profiter des ôtages qu'on ;lui avait donnés :
— Le prince a parlé le premier, pensait-il,
car le scélérat était bon logicien: il a par.é
spontanément, sans sollicitation de ma part,
sans provocation d'aucune espèce. Il s'en re
pentira d'abord et voudra revenir en arriè
re ; il l'essaiera* mais il. ne .le pourra pas. Un
premier aveu en appelle toujours un se
cond, puis trn troisième. Une fois sur le
chemin des confidences, on ne s'arrête plus.
Ce qui est dit est dit. li ne peut faire mainte-
. nant qu'il n'y ait pas un secret entre nous.
J'ai un droit sur lui. sans qu'il ait sur moi
aucune prise. Il aura bientôt besoin: degoaon
mteronttioîvet mon ; pïmvoir augmentera à
mesure que je lui deviendrai plus "nécessaire.
Quant à son gouverneur, il ne lui dira pas
un mot. Je peux être tranquille de ce côte.
Rodolphe tint assez bien pendant les pre
miers temps la résolution qu'il s'était impo
sée. 11 luttait, il souffrait, mais il se taisait.
Son impitoyable bourreau épiait d'uîi œil
impassible les battemens de son cœur, comp
tait les gouttes de sang qui coulaient de sa
blessure; sans pitié pour sa victime, il at
tendait patiemment la crise suprême qui
devait la jeter palpitante entre ses bras.per-
fides. 1
Tout se passa comme il l'avait prévu. Cette
lutte sourde duré plusieurs jours, sans que
le silence fût rtïmpu ni d'un côté ni de l'au
tre. Il n'avait plus été question de l'incon
nue. Rodolphe semblait l'avoir oubliée ? du
moins il espérait le faire supposer; Galéotto
feignait de croire ce qu'on voulait qu'il crût.
Chacun des deux jouait la comédie et pensait
tromper l'autre; mais il n'y avait qu'une--
dupe à ce jeu muet. r "
Le résallat était inévitable et prévu d'a
vance; Rodolphe était au bout de - ses forces;
après avoir invoqué à son aide, aussi long
temps qu'il l'avait pu, sa dignité, sa fierté,
tous ses principes, tous ses préjugés; il dut
se déclarer vaincu ; le souffle imçétueuxd'ane
passion naissante avait emporte l'une après
l'autre ces faibles barrières. Le trait avait pé
nétré si profondément dans son cœur, qu'en
voulant le retirer, il ne faisait que l'enfoncer
davantage. Ne pouvant plus vivre ainsi, il
résolut, quoi qu'il jptfîpût résulter, de s'ou
vrir à Galéotto, qui l'attendait là. Il eut ce
pendant encore assez d'empire sur lui-même,
au dernier moment, pour colorer sa défaite
et pour feindre un calme qui était bien loin
de lui. Se trouvant en tête-à-tête avec Ga
léotto, — tête-à-tête que lui - même avait
préparé,— il entama la conversation par un
gros mensonge, le premier qu'il eût fait de
sa vie:
r-- « Signor Galéotto, lui dit-il du ton le
t plus dégagéqu'il pût prendre, je crois'avoir-
» rencontré la femme de l'autre soir.
— s Ah! oui, cette femme qui n'avait
» d'yeux que pour Votre Altesse, au Mauso- !
» lée d'Auguste. !
» 'était? . : . v
— » Votre Altesse ne m'en ayant plus parlé,
» j'ai cru que vous n'y pensiezplus,et je n'y
s> ai plus pensé moi-même. Mais pour peu
» que vous y teniez...
— a Y tenir, n'est pas le mot. Je vous ai
» déjà dit que c'était de ma part une simple
» .affaire de curiosité, un pur caprice.
— » Votre Altesse a le droit d'en avoir
»' pourquoi n'en aurait-elle pas? Que n'avez-
» vous dit cela plus tôt? A l'heure qu'il est,
» votre caprice serait déjà satisfait depuis
» lcing-temps; Mon métier n'est pas précisé-
b ment de taire ces sortes de commissions. . .
— » Comment l'entendez-vous, signor^^Gà-
» léotto? interrompit le prince en rougissant
» jusqu'aux oreilles.
— » Absolument comme Votre Altesse,
# comme un simple caprice. Je n'y entends
» pas plus malice que'cela. Ainsi que je le
» disais, iL n'est pas dans mon rôle de me
» mêler de ces clioses-là; mais je connais
» quelqu'un qui, moyennant un fort petit
o salaire, vous rendra ce léger service; et si
» «celui-là ne réussit pas, ma foi, il faudra y
» renoncer. 11 n'a pas son pareil à Rome.
— «Qu'il n'aille pas au moins me com-
» promettre 1 s'écria Rodolphe, déjà effrayé
» de la témérité de sa démarche.
— • Pour qui me prend Votre Altessa? On
s ne saura pas même qu'il s'agit de vous.
— » Tenez, signor Galéotto, voilà potir sa
» peine. »
Rodolphe, à ces mots, détacha un magni
fique diamant monté en épingle, qu'il portait
à sa cravate, et le donna à Galéotto, qui' le
mit dans sa poche sans sourciller, et ne fit
qu ! un sautae la place d'Eïpagne au Ghetto.
Vous savez tous, puisque vous avez été à'
Rome, que le Ghetto est le quartier des juifs,
une espeee de geôlé où la police les enferme
la nuit, comme des animaux maltaisans. Mais
aucun.de vous n'est peut-être descendu dans
cette sentine de la nef de Saint-Pierre.
Figurez-vous une ruè... que dis-je?... un
ruisseau fangeux et tortueux, bordé de.hut-
tes borgnes en bois pourri et à demi-rui-
nées, ou pendent des loques à soulever le'
cœur le plus robuste.' Montaigne dit, dans,
son voyage d'Italie, qu'il «aime de Rome
jusqu'à ses,taches et verrues. » Je doute;
d'il ait vu celle-là. ©r, il. y a là-de-'
ans unefdntainéftme écote, tmesytiaigoguSB,
et tout près, mais hors de l'enceinte, estla cha
pelle de Sainte-Marie-des-Pleun?, qui est tou
jours fermée. Le Ghetto est près du Tibre dont
toutes les eaux réunies ne le laveraient pas. et
il communique avec l'île de San-Barlolomeo,
par le pont Fabricius, vulgairement nommé
Quattro-Capi. Sur le pont même s'élève un
oratoire, et sur cet oratoire un Christ mena
çant, dont la face est tournée, comme un
anathème éternel, contre le peuple déicide»
Afin de ne laisser aucun doute sur la signi
fication de cette terrible menace, on a gravé
"sous le crucifix, en latin'et en hébreu, deux
versets d'Isaïe, inspirés tous les deux au pro
phète'par la eolère divine (1). ,
Hais et méprisés, les juifs de Rome sont
regardés comme une race maudite et traités
en conséquence. Il "n'y a pour eux aucune
loi; l'arbitraire leplus durent assez bon pour
de pareils' réprouvés, et l'omnipotence des
subalternes le rend encore plus brutal ; le
bâton joue là un grand rôle. Ecrasés d'im
pôts exorbitans, ils n'obtiennent rien du
gouvernement qu'à prix d'or. C'est à cette
condition seulement qu'il sont tolérés dans
la "ville des papes... si c'est là de la tolérance,
et sans la protection de la diplomatie étran
gère, ils en verraient bien d'autres.
A chaque règne, il faut qu'ils viennent
implorer du nouveau souverain là permis^
sion de demeurer à Rome;> cette cérémonie
humiliante a lieu le jour du Possessu, c'est-à-
dire le jour où le pape prend possession de
Rome en qualité de prince temporel; et, par
un raffinement de barbarie, elle se passe à
l'arc-de-triomphe élevé par Titus après la
conquête de Jérusalem. Arrivés en prôces-
sion au lieij de leur supplique et de leur sup
plice, les impétrans, comme dit le Code,
présentent à genoux au pontife, dans un ,
bassin d'or, un exemplaire du Pentateuque : "
et une somme d'argent monnoyé, qui repré
sente leur rançon. Le pape ne, daigne pas
leur répondre; il se contente de les frapper
d'une baguette qu'il tient à la main; voilà
(!) Expandi manut meas tôt A die aipopulum
i bond pont oo-
gitationes suas ; Le second est celui-ci : Fopttfus
incredulum, qui graditur in viâ non boni
qui ad iracundiaraprevocat me, ant» faciem meam
temper ; çu» immiCant in horm et swriftcœttt w.
ffer 1
ras.
leur permis de séjour. C'est exactement ainsi *
que,[dans l'antiquité, le maître affranchissait
son esclave.
Ce n'est pas tout encoi-e : ils sont forcés.'
sous peine de trois pauls d'amende, d'aller
chaque année en procession écouter un ser
mon débité à leur intention, le 20 -février
dans l'oratoire de la Très-Saintè-Trinité-des^
Etrangers-et-des-Convalescens. Malheur à
ceux qui s'endorment au prêche! Des sur»
veillans, dont la main n'est pas légère, les
réveillent à grands coups de gaule. Cette
coutume, quelque peu pédagogique, était
tombée en désuétude; mais elle a été réta
blie (1) sous le pontificat de Pie VII, par le
cardinal Goazalvi.
Le préjugé contre les enfans d'Israël est
universel à Rome, et les chiens sont mieux
traités qu'eux. J'ai vu «n campagnard jeter
d'un coup de pied dans un fossé bourbeux
un colporteur juif qui ne s'était pas assez
vite rangé sur son passage, et il est plus que
probable que si Colporteur eût porté plainte
a lapolice, il,aurait reçu pour domma?és-et-
intérêts le cavaletto. . -
Les juifs, aux termes des dernières ordon
nances (2), ne peuvent posséder aucun im
meuble ; tous contrats passés par eux sont
nuls, et ils doivent,' pour qu'on les recon
naisse, porter un ruban jaune. Aucun
quelle que sait-sa fortune, ne peut dëmJu-
rer ailleurs qu'au Ghetlo. Je ne sais quel
membre de la tribu Rothschild n'obtint qu'à
cTunrl'TiMnn et à grand renfort de notes
ques, sansjparler des scudi, l'au'
torisation de. loger dehors ; et je crois, Dieu
me pardonne, qu'il venait négocier un em
prunt au profit de la cour de Rome ! Deux
juifs de Livourne se furent pas si heureux
ils payèrent d'une grosse amende et de la
prison une seule nuit passée hors duOhettéS
Débauchant de la place Cenci, dë par
ricide mémoire, le signor Galéotto entra
dans la cité d'Israël en véritable Ro
main , c'est-à-dire la canne haute et toute
prête à fonetionner. Quelqu'un se trou
vait-il sur son chemin , que ce fût une
femme, un homme, un enfant, n'importa
qui, n'importe quoi, il tapait dessus en gul-
(1) En 1Ï20. ~ " '
(2) IS2f5.
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