Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-01-10
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 janvier 1852 10 janvier 1852
Description : 1852/01/10 (Numéro 10). 1852/01/10 (Numéro 10).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 10;
PÏUS aa rv aaoïiiKidkéHÎ •*' " '
< mur Paris et. les dèpartememr
RCKS aïois 42 r. I six sois.. 22
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pour les PàTs KTni 'stiîïBS, se reporter.
rT tableau qui sera publié dans le jotinw?,
Ie^ 10 et 25 de chaque mois. -..
Les aberinânens Salent dis i« ét it
• „ - - de chaque mois. ,
KOISÎAS;* i ruj «lu S 4 (cUdevant Valolv), 1®.*
1852. - SAjSÏÊDÏ 10'JANVIER.
: S'adresser, franco, pour la rèdaction, «M.
. Les articles déposés ne sont pas rendus;
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
IOns' al>:nn>,dàiïs Us âêjpartemcns, rnx Messageries et aux Directions (te poste.—A Londres, chezMM COTOK et ïflaC ! 8'aéresser., .franco," pour l'administration, à M; TiWkm, directeur. .
* ; ■— A Strasbourg; chez M. A lexandre , pour l'Allemagne* ^ . ( Lis annonces sont reçues au bureau du journal ;" et chez M. PANIS, régisseur, 10, place de la Bourse
PARIS,' 9 ■SANVIEftS'-f
SSUFFK9SS OIS ON MIS GOUVERNE.
Il en coûte, et il en coûtera long-temps à
quelques personnes, habituées aux erremcns :
d'une société, révolutionnaire, de se faire
aux vraies çonditions de l'ordre,dans
une 'SOciétéK-seBsément. et solidement as
sise. Une fj6âé,"3'intérêts , d'ambitions ,
de prétenliQrisy^âà'.'çQtcries , de doctri
nes , familiarisa y* depuis soixante" ans,
avec l'idée" d'organiser la société pour leurs
vues particulières, se feront difficilement à
l'idée.d'organisés la société pour: elle-même.
Il iaudramême un" effort considérable^ non-
seulement aux esprits médiocres, mais en
core aux bons esprits, pour comprendre clai
rement que., la société a des lois propres^-de
vie et der-durée, et qu'il n'est ail pouvoir de
personne de la maintenir, d'une manière du
rable, en dehors de ca qu'on pourrait appe
ler sa ligne d'à-plomb. >
Certes, les geûs n'ont pas manqué, depuis
un demi-siède, pour essayer dé donner à là
société française, une, attitude conformé à
leurs .desseins. Les uns voulaient qu'elle pen
chât à droite, les autres qu'elle inclinât à
gauche ; finalement, la société toûibaït, par
ce qu'en la construisait les partis n'avaient
voulu tenir compte d'aucune des lois essen
tielles de sa nature. L'êrissi^ement qui au
rait dû sortir de cette longue expérience,
c'fest, copame nous, disions, qu'il est insensé
de prétendre faire la société en vue d'autre
chose que sa propré durée; que totil citoyen
rqisonnahie, que .toiit intérêt légitime, que
toute prétention .'tnorale * loin de vouloir
plier les instituaioris à leur joug, doivent se
coin tenter,d'une part modeste e^.possible ,â
leur protection 5 ét que travailler à établir un
gouvernement pour soi, c'est le plus sûr
moyen de l'établir pour autrui.
Nous n'avons certes.la pensée de récrimi-.
ner contre personne, et nous parlons dès'
hommes et des choses aveile calme de l'his
toire : mais qui donç is depuis soixante-ans,
n'a pas songé, en organisant legoùv.erné-
ment de la France, à l'organiser pour lui? .
.Que fut toute la révolution française, de-"
puis la prise de la Bastille jusqu'au 18 bru
maire, sinon la lutte dé quelques ambitieux
appartenant aux classes élevées de la'société
pour confisquer, à leur .profit, le pouvoir
politique? Que" voulaient lès Çons'tiluïms, gi-"
non prendre la place d'un petit nombre de fa
milles, investieshérédilaireméntdes avantages;
sociaux? Que voulaient les Girondins"; sihoiï
rèrtiplacer les Conslituans? Qùo voulaient les
Montagnards, sinon remplacer les Giron
dins? Que Voulaient les Thermidoriens, si-;
non remplacer , lps. Montagnards? .Que vou
laient toutes ces factions, ineptes et sanglan
tes, qui setprécipitcrent' mutuellement dans
le tombeau, sinon se - voler entre èllès lé poù :
voir,/que faction.dominànte du moment
avait vole à uiie faction précédente ?
Pourrait-on citer, pendant ces onze an
nées, un pgrti qui ait eu-la société, française
en vue, et qui ait sérieusement- songé à l'or
ganiser pour elfe-même? — Pas un !
Noùsne croyons pas devoir donner le nom
d'organisation; aiîX'folles rêveries que Saiiit-
Just préparait, le 9 thermidor. Elies sont
écrites, et l'on peut les juger. Quelques dis-
positions'servirontd'aillèùrsàfiiire compren
dre leur portée. Les frères étaient supprimés,,
et remplacés par les amis; Tout le "monde
était obligé d'eîj. avoir un,;et personne n'en
pouvait changer, sans en faire la déclaration
publique. Le notariat était aboli; et c'étaient
les amis qui passaient Jes actes. Nul ne pou™
vait être admis à exercer les droits de ci
toyen , sans avoi r 4rave5""s? >m ffctrtfcffla
eu présence du peuple assemblé.. Enfin, tout
propriétaire était, tenu' d'élever quatre mou
tons par arpent de terre.-Voilà le chef-d'œu
vre politique du principal génie de la.révo
lution.- ■ ,■■■._
' Le vainqueur de l'Italie et dé l'Egypte,
dont les générations présentes ont compris
lé génie militaire, mais dont les générations
à venir comprendront, seules-le génie politi
que, en lui aussi'rare et aussi grand que l'au
tre, mit un terme à celte lutte des ambi
tions, des vanités et des coteries, et rendit à la
France-une organisation administrative, fi
nancière, militaire, judiciaire, religieuse!
scientifique et "littéraire. 11 remit la société;
.française dans sa 'voie, et rendit.possibles
trente-trois années de monarchie parler
men'taire, que la France n'aurait jamais
eues, ; si- l'Empereur, nè lui avait pas don
né un vrai gouvernement, capable de les
supporter et de leur résister. Malheureu
sement pour nous, l'Empereur avait, trou
vé les affaires politiques de-la France en
gagées sur plusieurs points ; en. même temps
qu'à gouverner, il, gage de finances, on appellerait la liquida
tion de là révolution françaisi; :. c&~ Vieux
fonds d'opérations èntâinées compliqua ses
tues et ses actes, surtout au-dehors.j mais
les vrais ennemis sous lesquels il succomba,
ce ne furent, ni, en d8lA,.ceuk qui envahirent
la Champagne ; ni, eh 1815, ceux qui envahi
rent l'Artois ; Napoléon né fut pas vaincu à
•Watérloorpar les àlliés 5 il fut vaincu à Paris
par les avocats.
Parce que l'Embereûr laissait une organi--
sation' complète, parce qu'il laissait des ca
dres militairesj des. cadres administratifs,
des cadres financiers; des juges sur leurs
sièges,"des prêtres dans leurs églises, des sa-,
vans - dans lèurs a'ca'démies, des professeurs
dans -leurs chaires ; parce qu'il laissait un
Code civil, un Code commercial, un CÔde
criminel, les impTudïns qui s'emparèrefit de
roules ces rfGh e "ses sociales, en 1813, çru r
tent qu'ilsne le épuiseraient jamais, et qu'ils
avaient du gouverneme^j de la paix, de la
prospérité, du pouvoir pour toujours. — Ils
çn eurent p : ouf quinze anffées ! ' •
: -Parce qu'ils avaient écarté ce-qui offo.squait
une société voltairienne, des pairs héréditai
res, des évêques influons, des élus e,t des élec
teurs hauts censitaires; parce qu'ils avaient
placé la puissance dirigeante dans l'Assern-"
blée sous laquelle Charles" X avait succombé j
parce qu'ils avaient perfectionné les rouages
administratifs, augmenté, les revenus pu
blics, .entrepris et exécuté de "grands tra.-:
vauxet doj^né- un développementréel et
considérable à l'agriculture, à l'industrie
et au conimerce, les impruderis ; qui s'engi-,
gèrent djins . la . voiij du gouvernement de'
1830, crurent que le problème de l'ordre
était résolu,-et que lés dynasties cadettes du-
reraient-autant que.lestai nées:-— ilsgardèr
rent cette illusion y dlx-sept ans ! :
C'est qu'oie a beau avoir des élémens dé:
santé, de force, de richesse," dé durée, si
tous cesélc-meus sont atinlilés et détruits par
un faux régime-, qui amène irifailliblemçnt
la mort ; c'çgt - que les pierres' d'un édifice
ont beau être, solides, sa distribution lieù-
reuse ? ses sculptures riches, ses lambris do
rés, si le-faite n'est pas d'aplomb, et en traîne
la base.
Le p.rinçipe des gouverriemens de 1815. et
de 1830. aurait triomphé d'une organisation
cent fois plus heureuse,.ct d'unfe prospérité
cent fois '])lus grande, parce, qu'il conduisait
peu à peu et infailliblement à la révolution,
par l'ébrànlement successif : des dogmes
sociaux et par raffaiblissemênt graduel du
pouvoir central.
Avec une administration moins perfec-.
tionisée et des élémens de prospérité moin
dres, les Bourb6bf.de* Naples' ont régné,
trente-six ans, et sont aujourd'hui plus forts
que jamais; tandis queles Bourbons de Fran-
ce'sont tombés deux fois, en deux dynasties.
L'essentiel,' -pour une société, c'est donc
d'être constituée à son propre point de vue,
conformément à sa nature et à ses traditions- ■
La France est un pays de liberté pratique et
décente et d'autorité forte-" elte s'est trois
fois.perdue,-d£ 1789 à 1799; de 1815 à"1830;
de 1830 à 1848, par l'abus et par l'orgie de
la discussion. . .
.' Tout le bien qui a été fait, sous l'ancien
régime, l'a été par l'initiative de la-monar
chie, presque toujours malgré les parlemens;
En 1551, sous Henri lî, l'érection,des prési-,
dràux, qui simplifiait /es formes de la justice
et-la rendait moins coûteuse ; en 1598, sous
Henri IV. l'édit de Nantes, qui reconnaissait
la' liberté de conscience? en 1<3!37, sous
Louis XIV, l'ordonnance civile, qui réglait
et. généralisait les formes de la procédure y
— furent des mesures grandes, belles, fécon
des,.qu'il fallut prendre de ( haute lutte, mal
gré les parlemens, etén les enregistrant avec
Informe impérative des lits'dé-justice.
Que l'on récapitulé ét que l'on compté, de
1793 à 1798, toutes les .-meaur^utiles : on
verra qu'elles furent toujours l'œuvre du 00- .
mite de Salut Public. -
C'est (Jue l'éléyàtion, là force> la liberté
d'action du pouvoir central, est la condition ;
première et fondamentale d'un bon et sé- .
rieux gouvernement, en France. Qri y a tou
jours aimé les rois entrepjenans et résolus,,
jamais les rois fainéans.
Si ces vérités sont incontestables,' et qui
pourrait les contester avec raison? à quel
parti intelligent; à quelle doctrine pratique,,
à quel homme sensé pourrait-il en coûter
d'accepter franchement" et loyalement les
conditions nécèsstiires de l'ordre^ puisque ni.,
partis, ni doctrines, çiindividus.ne sauraiant
yi-vre et prospérer, si - la société, notre jn'ère ■
à tous, ne vit et ne prospère la^remiere?^ ; •;
- jNotre intérêt à tous., tant que-nous som
mes, légitimistes, or-léanistes, parlementai
res, magistrats, fonctionnaires, libres- pen
seurs, négociais, agriculteurs,^ouvriers, c'est .
de fonder'un -régime- durable/solide, sous
lequel on puissû former fcs'loûgs projets.et
entreprendre les longs travaux ; sous lequel
chacun jouisse dé Tindépendançë, non pas
sans raison et sans mesure, mais d-ms la pro- ^
'pôrTÎ8& "de ■ ctT^m est co'rnpa tiblê avec Téxis-
tence-de l'ordre, avec l'autorité» des lois;--
avec la majesté nécessaire du gouvernement, .
avec le maintien de la société.. Laliberté'pst
un fardeau;-l'histoire [Trouve que chacùn ; .
peuple ou individu^ n'en peut, porter que Sh
charge. . •
La France, depuis soixante ans, a été nour
rie de poison, comme "Mithridâte;, et tout
autre peuple, moins vivace et moins énergi- .
que, y eût succombé. Les parlementaires
l'ont mise au régi me permanent des discours,
des commissions, de.s interpellations et . des
crises ministérielles; les libres penseurs l'ont 1
-mise au régime de la discussion saiis llinitè -
et sans frein, avec le club pour enfiévrer le
peuple, et lelivre pour miner la morale et pour
détrôner Dieu ; les légitiinistes l'ont agitée
diif-sept ans, pour ramener la postérité "de;
Louis XIV, et ils n'ont ràmerlé, &n 1848, que
la postérité dq Saint-Just et de Robespierre;
les orléanistes, pour lesquels la catastrophe -
de février semble aVoir été une leçon stérile,
youdraient se : replacer sur la mêmè pente,
pour tomber dans le même abîme; Puisque. ;
la France a résisté, à tan t.. d'épreuves; puis
que elle a survécu à plus de causes de dis
solution' qu'il n'en fallut pour détruire la
Pologne;. à plus d'invasions qu'il* n'en fal
lut pour détruire Kempire romain ; ouvrons
enfin les yeux sur deux faits évidens : le pre.-
mier, c'est qu'un changement dans le priri-
cipe;.du gouvernement était nécessaire le
second, c'est que ;Louis-Napoléon pouvait
• seulle concevoir, et' l'opérer. •
Pfétèndré'persister, après trente-six ans
d'épreuves, dans un.régime énervant,, avec
un rî>i nominal, esclave de majorités mobi-
f les ; .-passionnées, transi toires, tyrahniques,
insatiables,—autant vaudrait supprimer sur-
le-ctrarfip et complètement, un chef du pou
voir exécutif sans autorité, fait à l'image du
roi soliveau; : et" rétablir puremçnt et sim
plement le-comité de Salut Pubiic, les clubs,
la terreur,"la guillotine, conséquences fatales
du régime-parlementaire ; but inévitable au
quel la politique de 1789 conduisit en 1793 ;
etîanquél la politique" de 1848 nous menait
touf droit e-n ; |852: .
Ijâ.méme çie-leTelàchemoiit de l'autorité,
ra^ili^sepien| des lois, l'absence de sécurité,
le besoin d'ofdre, rendirent nécessaire et sa?
Iutairé, en lt99; lé coup d'Etat du 18 bru
maire; de mèmel-envahissement successif du
pouvoir par les coteries, l'annulation. de
l'autorité centrale, le besoin d'une action
forte, libre, pour sauver la société,«déjàplus
qu'à' demi-énlauée dans lé réseau du socia
lisme , avaient iendu nécessaire et salutaire
Je^up d^tat du 2 décembre. Lés'partis,
aveuglés parieurs passions, ont pu s'y trom-
pé'r;>les pop'olâtions ,' écluirées par leurs in
térêts, ne s'y sont pas trompées.
Sans doufe, en- 17D9, lés démagogues du
club dn Jilanége, caressés par Au£eïeàU; les
royalistes du club ilè Clichy,-aveuglés par Pi-
■ cliegru ;' tôus les ambitieux qui', çoinme Bar-
; ras, menaient là patrie à l'encan, au profit de
leur -égoïsme et de.leur vanité,, ne manquè
rent pas de- dire que le coup d'Etat du
18 brûmairef ouvrait J'ère du despotisme^
mais les exilés .de la.Giajsane, que' Napoléon
rappela ; màis *lcs journalistes r - déportés le
18 fructidor, qu'il" fit sortir des pontons;
mais 13s prêtres-de File d'Oleron et de l'Ile
d'Aix, qu'il renflit à ,la liberté; mais le culte;.
qu'il rétablit ; mais les -affaires, "qu'il releva;
' maisia sécurité','la "confiance, là joie, qu'il
rendît générale;- tout cela comprit et répétà
f bien haut quo-.'4e' 18 brumaire ouvrait l'ère
> du vrai-gouvernement et, Sans doute, en 1851, les .vieux partis achar
nés après leui's chimiu.'es*,-;les colêries parle
mentaires^ ivres. de. leur-ambition, les socia-^
listes assurés de leur victoire, prochaine, les
terroristes fabriquant déjà-leurs guillotines,
' léSvoleu^c'ôusMjtlctiïssacsetgrmssanlleuf-s
fourgons ; tout cet amas d'orgueil, d'entête
ment, dejerocité, de convoitise, a cru et a dit
que le coup d'Etat du 2 décembmouvrai t aussi
l'ère du despotisme; mais.les rentiers,xnri-^
chis d'un dixième par ia ■ hausse des fonds
publics ; mais les propriétaires, qui ont vu
les blés, lés vins, les eaux-de-vie, délaissés la
veille,- recherchés lé lendemain avec une
augmentation d'un cinquième dans leurs pr ix
de -vente; mais lesgens honnêtes et paisibles,
rassurés dans leurs biens et dans leurs "vies,
ont parfaitement su a quoi s'en tenir.;- et sept
. millions et demi de suffrages, donnés à Louis-
_ Napoléon, qnt bien.montré qu'aux yeux dé
* la,France entière; le coup d'Etat du 2 décem
bre. pgvre la voie de la bonne politique, et
repTaoe le gouvernement sur la seule base qui
, puiss&'lui donner de la solidité et de la du
rée.-.-., . ■ " -
La France n'aura jilus des Assemblées tur
bulentes , tyranniqùès et factieuses, pour
la bouleverser, c'est vrai ; mais elle aura des
Assemblées calmes avec des attributions
nettenaent définies, pour-éclairer, seconder et
fortifier le ..pouvoir,, Qui pourrait s'en plain
dre; en dehors des chefs de la féodalité parie-
mentaire ?
. : La' France .n'aura plus des ministres obli-
gés d'être beaux parleurs, sauf à n'être pas
utrè chpse, et passant leur vie.à faire des
scoiirs, c'est vrai ; mais elle aura" des jni-
histres%édâtn!^ i ^dccn^ant' , ît , administrer.'
Qui pourra s'en plaindre, en dehors des avo
cats politiques , faisant leur , stage sur les
bancs de l'opposition? : . ■ ■ :
La France n'aura plus des fonctionnaires
égoïstes et indisciplinés, consîdéiant leurs-
places comme un patrimoine; recevant un
salaire du gouvernement, e- ne lui rendant
pas toujours un égal dévoûment et une
égale fidélité, d'est vrai; mais on aura des
fonctionnaires dévoués au chef de l'Etat,
le secondant de' toutes leurs forces, èt
ne s'abritant derrière aucune immunité pour
le trahir ; on aura des fonctionnaires com
prenant que de bons et loyaux .services peu
vent seuls justifier la préférence dont ils
sont l'objet, parmi tant d'autres aussi dignes
qu'eux fies places qu'ils occupent. Qui pourra
s'en pMidre, en. dehors de ces hommes
douteux ; dangereux et inutiles, qui préten
dent vivre aux dépens de tous les gouver-
nemens, e t n'en servir fidèlement aucun ?
Dans ce grand et radical changement,inau
guré par ie coup d'Etat du 2 décembre, nous
voyons donc beaucoupxl'inconvémens pour,
les ambitieux et pour, les brouillons ; mais
nous ne voyons - que- des avantages pour la
France. - '
' 'Et, quoique nous l'ayons dit b.çn souvent,
il ne faut passe lasser de le dire îacore : Quel
autre qué Louis-Napoléon pouva't remonter
et vaincre le courant des idées révolutionnai-.
res, j et rendre aiu gouvernement de la Fran
ce sa vraie base, d'où les factions l'avaient
précipité? Quel-autre avait la magie d'un tel
"nom, quel autre avait ce e popularité et ce
génie politique?-
On n'a pas oublié le dédain injurieux avec
lequel les Montesquieu et_ les Cicéron du
régime parlementaire, traitaient le Pré
sident de la République. Ceux qui avaient
eul'honneur de voir de près cette haute et
calme intelligence, doublée de ce noble et
iièr' ( courage, savaient de quel côté était la
grandeur, et de quel côté otait 'la petitesse.
Aujourd'hui, la France et l'ÉdrOife le savent
comme eux. . ' .. .
: -Ainsi donc, tous tant que nous sommes,
hommes des vieux partis, parlementaires; li
bres penseurs, écrivains.) rentiers, .proprié
taires, résignons-nous aux leçons de l'histoi
re et aux bienfaits de la Providence ; souf
frons désormais d'être-gouvernés; car c'est
le seul moyen de n'être pas ruinât égor
gés. '• A. G banier de C assagnac.
* • ' ' wrnBsmm—. —... m .. :
L'Emancipation de Bruxelles publie, sur
l'acte du 2 décembre, un article remarqua
ble que nous reproduisons en partie.:
« Nous ne nous inclinons pas avec une supersti
tieuse admiration devant le l',»it accompli ; nous ne
divinisons ni le. hasard, ni- lç - succès. On le sait
bien- ; et à cet égard nous n'avons même pas besoin
de faire notre profession de foi. .
»• Si b -succès 1 dirait toutj la république sock-
liste; qui a réussi au 2i féviior, pouvii-t.piéten--
d e à l'tionneur de passer pour un gouvernement
nécessairo, pour un gouvernement légitime, et
môme pour tm gouvernement raiionnable. Elfe
n'a jamais été qu'un- épouvantai!*
« Malgré le succès, nous avons proteste avec
quelque énergie contre ce gouvernement; il doit
nous être permis' de le rappeler sans prétention .et
sans iminoJojiie. Après avoir fait'trembler l'Eu
rope, la république de février s'en "est. allée,
un lieau piatin, on ne, sait où; et cette; triste fin
ne lui donnera pas la considération que rte lui
avaient, pas donnée ile terribles ,coinm,encçmens.
Nous croyons donc en voir agi avec le 'suc
cès connue, le font les gens' de bon. sens et les
honnêtes gens. Nous ne prétendons pas l'admirer
ou le condamner par cela seul qu'il est le succès.,
Nou« examinons librement ses titres; nous lui de
mandons ce' qu'il vaut en lui-même j ét. ce qu'il
peut pour le bien de la société. Sous ce point de
vue," il faut reconnaître que l'éclatante révolution
qui vient'de s'accomplir en France répond de la ;
manière la plus péremptoire à. toutes les questions
que doit subir un pouvoir nouveau. L .
il Quel que chose distingue,.en effet, ci:ite-révolu- .
lion du 2 décembre entre toutes les révolutions ;
pous voulons dire entre toutes les révolutions qui
ont réussi. Dans ce-genre, il y a des succès qui
portent sur l'heure les plus affreuses conséquen- 1
ces et qui frappent un pays comme de mort subite.
Tel fut le 7 24 février. ' . -
■» Dès les premiers jours, il était pourtant facile
de'savoir à quoi -s'en tenir» Quels étaient les pre
miers dons de ces pouvoirs soriis de l'émeute et s
victorieux sans avoir combattu ? Le désordre et la
terreur. Ils triomphaient pompeusement, nous l'a-,
vouons ; mais ils triomphaient au milieu dés rui-
nes. Ils ressemblaient à une attaque d'apoplexie.
Leur bienvenue suffisait pour tout paralyser ou ;
pour tout tuer. L'assentiment univçrséi dont ils se
faisaient gloire, c'était tout simplement la terreur
où la'résignation universelle. *■■■■■-. ■
y> Ils parlaient, néanmoins comme s'ils étaient
les bienfaiteurs de l'humanité ! Ils venaient géné
reusement raiiimep le monjjc, restaurer le travail-, .;
ressusciter, le droit; rajeunir ta liberté ! Gui, tel
était bien leur langage,,et telles étaient leurs pro
messes! Quels beaux programmes ils tiraient to.ut \
neufs., quoique un peu usés , des profondeurs de
leur génie ! Mais, 0 prodige ! ce langage pacifique •
et ces belles promesses retentissaient c&trime im -
funèbre toedh. - - . \ r
» Chacune de ces paroles bienfaisantes "empor- :
tait un lambeau de la société. On promettait le .
bonheur et la joie, on débitait de l'eau de Jou- ,
vence ; et le peuple français, plus ridé que jamais,
ne songeait plus qu'à faire son testament ! <^n
voulait restaurer le travail; et personne 11e tra
vaillait plus! On voulait moraliser le peuple;'
et le peuple se sentait invité à commettre les
plus hideux excès! On voulait ranimer ,1e crédit;
et toutes les fortunes tombaient par terre-1- Ou
voufeit rendre aux lois leur majesté; et ftHft le
monde comprenait très bien qu'il n'y avait plus
personne pour obéir, ni personne pour comman-
der.Oircriait: Liberté! liberté! et l'on n'avait pas
plutôt proclamé la liberté de-tous, que tous, en
haut, en bas et au milieu, tous se sentaient af
freusement opprimés.
. » Maintenant, voici un mirac]e d'un genre tout
à-fait nouveau. Le prir^e Napoléon Bonaparte dit
à la France, le 2 déci.m.bi-e : Vous avez un gou
vernement misérable et absurde! je le supprime.
— Certes, rien n'est moins pacifique, en appà- ■
renee, qu'un tel langage; et'pourtant la France»
ne s'est -point émue, elle n'a point tressailli...
je me trompe, elle a profondément tressailli,
mais c'était de satisfaction;. •—îl y a des lois,
a dit les prince Napoléon Bonaparte , «'es. lois
faites et parfaites r,elon la formule. Eli bien!
ces lois parfaites, je les cou dam 11e et je vais les
pousser du pied ! — Ces -mots efïrayans ont com|
ploiement rassuré l'opinion.—Il y avait une Cons
titution hier, aujourd'hui il n'y a plus de Cons
titution.— La confiance reparaît. — Il y .-irait des
'bratburs qui parlaient toujours ! On ne parlera plus.
— La confiance augmente. — Il y a des"clubs
sois le nom d'associations"! Plis de liberté d'as-
socation! plus de liLerté, de la presse!" plus de
liberté de..;.,. — Ou 11e laisse même pas achever
l'oracle; la confiance ne connaît plus do - borg
nes; la rente franchit le pair immédiatement, lo "
crédit vole de cloclicr en clocher; toutes lés fortu
nes retrouvent-leur niveau; tous les intérêts sont
satisfaits, toutes les transactions reprennent leur
cours, et llenthousiasme enfante 8 millions de-
suffrages ! Voilà un miracle, assurément; 1111 mi
racle immense; le mot n'est pas trop fort, un mi
racle, qui a déjà vécu plus que ne vivent les mi ;
racles, un miracle qui a tiré, la France de"la,ré ■
publique et l'Europe (ie la révolution ! .
» Nous ne craignons pas que l'on nous ;>c^,' usc
de chercher à défigurer ces grands événe^iens sous
de puériles antithèses. Lé contraste est ici dans les
choses bien plus énergiquecaent encore que dans
les- mots; et nous nous servons des mots les' plus sim
ples qui nous viennent enTesprit. Y a-t-il des phrases
qui puissent tivduire avec l'énergie icquise, cette
prodigieuse et colossale antithèse du 2décembre? -
Qupi ! les révolutions qui ont signalé la première '
moitié,çÎQxe siéde el'la fin du siècle dernier, ces-
révolutions, quf promettaient de tout donner fi
généreusement, n'ont éveillé dans les cœurs que-
la crainte et la méfiance! et" celte révolution iu 2
-décembre qui, sans, marchander, vient dire âu peu
ple français : le-prends tout et je : no'promets
rien ! cette révolution frappe sur tous les grands .'
ntôrêts du pays comme sc elle était armée de la
baguelté.de Moïse; et de ce sol desséché, pétrifié,
FEtmSTON IjÇtONSÏÎÎ S ïï M'EL, 10 JAXV..
_ r 1 LA VËMTÂÊLÈ HISTOIRïî
. PB' ■■■
MONSIEUR " JOURDAIN
. . «: .ET ... '. ' -
DE. SES MAMAMOUCHIS.
' ' <* - ' ■ ' f y» • . - j, t
Aujourd'hui vendredi j W- par anticipation
sur la tète cjiie la Comédie-Française prépare
pour jeudi prochain à l'occasion du deux
cent-trentième anniversaire de M naissance de
Molière, l'Opéra a donné le Bourgeois gen
tilhomme. Pour faire dignement honneur au
■ chef-d'œuvre qui lui appartient " un peu par
Lulli, comme par Moliere il appartient mieux.
ericore.au Théatro-Frj.nç.iis , notre première
scènè"lyrique a fait marcher de front',
dans lé plus charmant coiicért d'efforts
et d'intelligence, l'élite des comédiens et
l'élite des chanteurs. Suivant son usage
traditionnel, elle a aussi déployé la plus gran
de magnificence, et, ce quiestle meilleur luxe
en pareille affaire, la plus grande exactitude
de miseeii scène, française et turque, le
tout, disait l'atfîche, au profit de la caisse des
pensions, mais, certainement aussi au béné
fice dé la glpire du poète et.de la curiosité
des spectateurs;intelligent. Voici donc, si je.
ne me trompe, l'occasion venue,de donner
ici,-non pas le compte rendu de "cette soi
rée, une ..autre plume s'en chargera à-ogtte
place mêmç, — mais bien avec ses plus au
thentiques,— avec ses plus intimes dé
tails, la monographie du chèf-d'œuvre. Voi
ci le moment le plus propice pour écrire
l'histoire précise des personnages qui y vi
vent et qui auparavant avaien t vécu,-s'étaient
agités, avaient fait rire dahsle monde de Ja
bourgeoisie et de la cour, où Molière les prit
tout palpitans. Ilestbien entenduque je ferai
tout pour ne pas retomber dans les anecdotes
mille et une fois rebattufes, et pour ne servir
au contraire à l'a curiosité du léctèùr que des.
faits en pleine primeur, les uns négligés, ,les
àutréS'ignbVéS pat les .historiographes ordi
naires du grand homme , geiis des plus ha
biles .et des plus doctes, j'ai nié à le déclarer
ici, mais.qui, toutardens qu'ils fussent dans
leur, moisson de biographes, n',en ont pas
moins laissé après eux quelque chose pour le
glaneur. ' ' '
C'est d'abord à l'excellfente figure de M.
Jourdain, et au bon bourgeois de Paris, à
peine dissimulé'sous ce masqué transparent,
que rious aurons affaire.ici^ mais, pour,se
bien mettre au.fait dé ce que nous allons en
dire, il faut s'assurer au préalable de certain
procédé malicieux mis en usage par Molière
dans presque toutes ses comédies ; procédé
de bon poete, certes, mais d'assez mauvais"
parent, comme vous allez voir.
" La plupart des gens qu'il àjouésrétaient de
sa famille, on ne l'a pas fait remarquer jus
qu'ici, je ne sais pourquoi ; mais l'occasion
étant bonne pour le dire et j>our le prouver,
le lecteur permettra que je le dise" et le
prouve. . - . , ;
J'avoue que, pour me bien convaincre rnoi-
même de ce détail trop négligé què j'avance
ici, il m'a fallu plus de courage qua d'habi-
lelé: J'ai dum'imposerlatàche dedéchiffrer,
page par pag*, les indééhiffràbles dossiers
manuscrits légués' à la Bibliothèque Royale
par le commissaire Beffara, et concernant
pour la plupart Molière et sa famil,Ie. : Apres
plusieurs, journées de cette pénible lecture,
je connaissais du moiris tous les parens de
Molière en ligne droite eomme en ligne obli
que, depuis l'aïeul et lè grand-oncle jus
qu'au moindre cousin ,- remué, de germain •
et, chose qui va. certainement vous sur
prendre, comme elle mitonna moi-même,
au fur et a mesure que le long chapelet dé ce
parentage multiple et varié s'égrenait sous
mes doigts, savez-yous quelles gens se met
taient à défiler devant mes yeux? Des méde
cins, toujours des médecins, ontranêlés "de ei
do là. de quelques oncles chirurgiens ou de
quelques petits-esusins apothicaires. Molière
recommençait donc' à me 'donner,la comé
die; cette fois il nie la donnait avec sa fa
mille. Pour moi, M. Purgon né s'appelait
plus-M: Purgon;'mais bien M. .Lafossey dé- :
decin ordinaire de Louis XIV, l'un des pro
ches de Molière , dont Tarrière-pètil-'fils,
l'abbé Lâfosse, assistait, à litre d'unique et
dernier collatéral, à ia solennité que donna
l'Académie française"en 1773, pour-la cente
naire du grand poète; Je voyais encore dans
M. Diafoirus, M. Jnau Lestoreel, dont le nom
fait qu'on songe malgré, soi au' Ciistorel de
Regnardj ou bien M. Louis Cressé, ou bien
encore M. François Cressé, tous médecins ou
chirurgiens, et tous proches parens aussi
de cëlui qui flagella le " mieux la médecine
ignorante; enfin, épuisant jusqu'à ses der-,
nières déductions cette donnée curieuse, je
dépouillais Thomas Diafoirus de cette appel
lation burlesque dont Molière l'a affuble, et
je croyais lui rendre son nom réel en l'appe
lant tout'simplement Louis Cressé, comme
s'appelait le fils de l'un de ces Cressé que j'ai
nommés tout-à-l'heure, jeune pédant tout i
frais émoulu des études, et qui prenait jusr
tement ses licences de chirurgien dans le
temps même où- Molière écrivait son Malade
imaginaire et y faisait donner par Thomas
Diafoirus sa première consultation.
Mais pourquoi, me dira-t-on, cette préfé
rence qu'accorde Molière aux ridicules des
siens , pourquoi toujours un de ses parens
soùs un de ses comiques personnages? Est-
ee .par ce que, les ayant vus plus long-temps
poser- devant lui, il était plus à même de
les peindre fidèlement?, ou^bïon est-ce plu
tôt par pure raiicune pour tout ce parentage
médical qui, greffait sur sa morgue bour
geoise le pédantesqué orgueil pris aux leçons
aela Faculté, faisait hautement fi du poète-
comédien.? . Ce. sont. questions . que. nous
n'approfondirons jpas ici, nous réservant'd«
les approfondir longuement en leur lieu;
nous m chercherons pas même, et. pour
ra'isôtt^. pareilb ,. si quelqties autres dé8
pèrstfrmages de Molière ne cachent pas quel
ques autres de ses rancunes; si Beline
la maràtré, par exemple, n'est pas cette
bellè-mère que Bsffara nomme Catherine
Fleurette, et qui tortura le grand homme
enfant ; sans plus de retards préliminaires,
nous en viendrons à" M.'Jourdain, le-Boûr*-
gc'ois gentilhomme , et lui aussi, comme vous
l'allez voir,l'un des- proches parens de Mo
lière.' ^ " - -
On a dit partout que' ■ le bon bourgeois, si
plaisamment entêté de noblesse et de ma
gnificence, avait été copié trait pour trait
par Molière, sur un certain chapelier Gan-
doain, qui fitdu bruil en son temps avec ses
escapades de parvenu ridicule. M. Tasche-
reau tient pour.l'ànecddte., bien qu'elle soit
déclarée controuvée par Grimarest ; qu'on
nous permette de tenir pour Grimarest contre
l'anecdote. Voici ce qu'il dit : « Il y a des
gens de ce temps-ci qui prétendent que Mo
lière a pris l'idée du Bourgeois gentilhom
me dans la personne de Gandouin , cha-
: pelier, qui avoit consommé cinquante mil
le écus avecune femme que Molière-connois-
soit, et à qui ce Gandouin donna une belle
* maison qu'ilavoitàMeudon.Qu^nd cet homme
fut abîmé, d'it-nn-, il voulut plaider pour ren
trer en possession de son bien. Son neveu,-
qt^i étoit procureur et de meilleur sens que
- lui, n'ayant pas voulu.entrer dans son sen
timent, cet oncle furieux lui donna un coup
de couteau, dont pourtant il ne mourut pas :
mais on fit enfermer ce fouà Charenton,d'où
il se sauva par-dessus les murs. Bienlnin que
ce bourgeois ait servi d'original à Molière
pour sa pièce, il ne l'a connu ni devant ni
après l'avoir faite; et il est indifférent à mon
sujet que l'aventure dé ce chapelier soit ar
rivée ; ou non, qprès la mort de Molière, n
Grimarest n'en dit pas davantage. Nous ûU
Ions tâcher de le compléter. Il nous a dit qui
M- Jourdain n'était pas, nous dirons, nous,
qui il était. .r
■.. Les bourgeois enrichis e^ODe-Oués de l'en-
- v ' e d être nobles , pullulaient à Paris en
1670; tout le monde les "connaissait èt les
montrait au doigt. Moiièrè, faisant le procès
à leur ridicule, ne venait qu'après là moque
rie publique, comme LaBruyère,qui les tança
Vertement à son tour,ne devait venir qu'après
la comédie. H se trouva pourtant que, malgré
les aimées écoulées entre leurs*-deux satires;
l'une arriva aussi -à propos que l'autre, et
toujours mêrné commé si elle était la pre
mière, tant pareils ridicules sont robustes et
indélébiles, et savent bien sifrvivre_aui cri-,
tiqiies même immortelles ..qui les ont fla
gellés.
Pour ne parler que des plus connus de ces
bourgeois gentilhomrnes, et en ne les prenant
que dans le monde des marchands, dont
était M-. Jourdain, saiis nous engager dans
celui dos partisans," nous citerons seule--
ment Nicolas Le Camus,puis Boutet ou Bou-
det déFranc'oriville ; celui-ci surtout, étpour
cause, comme vous le verrez.
Nicolas Le Camuaayait d'abord été garçon
de boutique rue Saint-Denis, à l'enseigne dît
Pélican ; puis, après là mort de son maître,
il avait épousé sa veuve et bien entendu gar
dé son enseigne ; un second mariage, avec une
Colbcrt de Troyes le fit grand-oncle de Col-
hert, ï§ ministre , mais le-ruina, à cau
se du trop grand luxe qu'il le força d'é
taler. Georges Dandin, en paroille affaire,
avait été ce que vous savez bien ; Le Camus,
lui, fut ruine. Ses fils, qui devaient refaire
cette fortune détruite,/n'eurent de'leur père
que le bénéfice de sa seconde alliance, qui
les rapprochait des Colbert, et de plus son
éternelle enseigne du Pélican. Il est vrai que
depuis le second mariage du père Le Camus,
elle "était devenue un blason. Ils la gardè
rent, grâce à l'héraldique métamorphose, et
Le Noble, qui était au fait, en prit occasion-
de dire en assez mauvais vers dans sa comé
die du Fourbe '
Va-t-on chercher si lo.ia d'où les gens sont venus?
Et ne voyons-nous pas'Ies fils du vieux Camus
Etû'ièr à. nos yeux, sur un char magnifique,
L'enseigné que léil? père av.oit à s3r boutique? etc.
Ces transformations d'enseignes en armoi
ries ëUnent .chose assez commune dans le
monde des ànùoblis de la marchandise. Ainsi
nous lisons dans le deuxième des Discours sa-
tyriques et morâux de Cl.Le Petit, au sujet de
L'un de ces beaux messieurs, fils d'un-vendeur de'
- • - ■ - -- - ' sarge : -
L'enseigne de son père était un lyôn verd. ' ' '
Aussi-tost l'écûsson d'argent se vit couvert.
Un lyon de sinoplo ensirtie l'on applique
Sur cc champ argenté ; mais lyon magnifique,
;Mais lyon lampassé, remparit, onglé, gueulé,
-Ce- qui sentoit beaucoup son noble signalé.
Nous regrettons vraiment que M'aère n'ait
pas fait d'une métamorphose semblable un
trait do plus pour le caractère de son bour
geois. Il y eut eu plaisir a voir M. Jourdain
décrochant son enseigne de marchand de •
draps, car il 1 CTvajit été (1), et la clouant, lui
sante etid^rée, aux panneaux de sou carrosse:
Wa'S Molière tenait sans doute à ce que M
Jourdain n'eût , pas plus de ridicules que '
n'en avait étalé l'original d'après lequel il
l'avait dessiné; et nous ne pensons pas que
Boude! de Franconville, qui est, selon nous """
cet original même, ait jamais armorié surson
blason de marquis là Jëte-Noire qui servait
d'enseigneàsaboutiquededrapierdelaruedes
Bourdonnais. H avait laissé cette fantaisie à"
son voisin de la Cour mine d'or, pour lequel il
^cmbfô que La Bruyère ait écrit ces lignes .
malicieuses -. « On n'aime pas les minuties
on passe droit -aux couronnes, cela est plus
simple, on s'en croitdigtr. 1 , onseles adjuge-
il reste encore aux meilleurs bourgeois une
certaine pudeur qui les empêche de se parer
d'une couronne de marquis, trop satisfaits
de la çomtale; quelques-uns même lie" vont
pas la chercher fort Ioiiî ? et Jti fout Dîmspr *
leur enseigne à leur carrosse.» , '
Boudet, que nous tenais cette fois pour
pe plus le quitter, 2vait eu comme marchand
la ^}?me fortune que Le Camus; comme ân-
nobli. ii eut la même ruine. Il n'épcu«a pas
une Colbert, mais il acheta un marquisat ce
qui n'était pas moins ruineux :-et voyez le
malheur , il se trouva ruiné juste au moment
ouildevenait toutàfait marquis. Ce qu'il avait
amassé à auner et vendre des draperies dans
sa boutique des Bourdonnais fut dépensé en
frais d'investiture, et en mille et un procès
Kl) V. le Bourgeois gentilhomme, acteIV, scV5
PÏUS aa rv aaoïiiKidkéHÎ •*' " '
< mur Paris et. les dèpartememr
RCKS aïois 42 r. I six sois.. 22
tm AS. , 40 ».
pour les PàTs KTni 'stiîïBS, se reporter.
rT tableau qui sera publié dans le jotinw?,
Ie^ 10 et 25 de chaque mois. -..
Les aberinânens Salent dis i« ét it
• „ - - de chaque mois. ,
KOISÎAS;* i ruj «lu S 4 (cUdevant Valolv), 1®.*
1852. - SAjSÏÊDÏ 10'JANVIER.
: S'adresser, franco, pour la rèdaction, «M.
. Les articles déposés ne sont pas rendus;
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JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
IOns' al>:nn>,dàiïs Us âêjpartemcns, rnx Messageries et aux Directions (te poste.—A Londres, chezMM COTOK et ïflaC ! 8'aéresser., .franco," pour l'administration, à M; TiWkm, directeur. .
* ; ■— A Strasbourg; chez M. A lexandre , pour l'Allemagne* ^ . ( Lis annonces sont reçues au bureau du journal ;" et chez M. PANIS, régisseur, 10, place de la Bourse
PARIS,' 9 ■SANVIEftS'-f
SSUFFK9SS OIS ON MIS GOUVERNE.
Il en coûte, et il en coûtera long-temps à
quelques personnes, habituées aux erremcns :
d'une société, révolutionnaire, de se faire
aux vraies çonditions de l'ordre,dans
une 'SOciétéK-seBsément. et solidement as
sise. Une fj6âé,"3'intérêts , d'ambitions ,
de prétenliQrisy^âà'.'çQtcries , de doctri
nes , familiarisa y* depuis soixante" ans,
avec l'idée" d'organiser la société pour leurs
vues particulières, se feront difficilement à
l'idée.d'organisés la société pour: elle-même.
Il iaudramême un" effort considérable^ non-
seulement aux esprits médiocres, mais en
core aux bons esprits, pour comprendre clai
rement que., la société a des lois propres^-de
vie et der-durée, et qu'il n'est ail pouvoir de
personne de la maintenir, d'une manière du
rable, en dehors de ca qu'on pourrait appe
ler sa ligne d'à-plomb. >
Certes, les geûs n'ont pas manqué, depuis
un demi-siède, pour essayer dé donner à là
société française, une, attitude conformé à
leurs .desseins. Les uns voulaient qu'elle pen
chât à droite, les autres qu'elle inclinât à
gauche ; finalement, la société toûibaït, par
ce qu'en la construisait les partis n'avaient
voulu tenir compte d'aucune des lois essen
tielles de sa nature. L'êrissi^ement qui au
rait dû sortir de cette longue expérience,
c'fest, copame nous, disions, qu'il est insensé
de prétendre faire la société en vue d'autre
chose que sa propré durée; que totil citoyen
rqisonnahie, que .toiit intérêt légitime, que
toute prétention .'tnorale * loin de vouloir
plier les instituaioris à leur joug, doivent se
coin tenter,d'une part modeste e^.possible ,â
leur protection 5 ét que travailler à établir un
gouvernement pour soi, c'est le plus sûr
moyen de l'établir pour autrui.
Nous n'avons certes.la pensée de récrimi-.
ner contre personne, et nous parlons dès'
hommes et des choses aveile calme de l'his
toire : mais qui donç is depuis soixante-ans,
n'a pas songé, en organisant legoùv.erné-
ment de la France, à l'organiser pour lui? .
.Que fut toute la révolution française, de-"
puis la prise de la Bastille jusqu'au 18 bru
maire, sinon la lutte dé quelques ambitieux
appartenant aux classes élevées de la'société
pour confisquer, à leur .profit, le pouvoir
politique? Que" voulaient lès Çons'tiluïms, gi-"
non prendre la place d'un petit nombre de fa
milles, investieshérédilaireméntdes avantages;
sociaux? Que voulaient les Girondins"; sihoiï
rèrtiplacer les Conslituans? Qùo voulaient les
Montagnards, sinon remplacer les Giron
dins? Que Voulaient les Thermidoriens, si-;
non remplacer , lps. Montagnards? .Que vou
laient toutes ces factions, ineptes et sanglan
tes, qui setprécipitcrent' mutuellement dans
le tombeau, sinon se - voler entre èllès lé poù :
voir,/que faction.dominànte du moment
avait vole à uiie faction précédente ?
Pourrait-on citer, pendant ces onze an
nées, un pgrti qui ait eu-la société, française
en vue, et qui ait sérieusement- songé à l'or
ganiser pour elfe-même? — Pas un !
Noùsne croyons pas devoir donner le nom
d'organisation; aiîX'folles rêveries que Saiiit-
Just préparait, le 9 thermidor. Elies sont
écrites, et l'on peut les juger. Quelques dis-
positions'servirontd'aillèùrsàfiiire compren
dre leur portée. Les frères étaient supprimés,,
et remplacés par les amis; Tout le "monde
était obligé d'eîj. avoir un,;et personne n'en
pouvait changer, sans en faire la déclaration
publique. Le notariat était aboli; et c'étaient
les amis qui passaient Jes actes. Nul ne pou™
vait être admis à exercer les droits de ci
toyen , sans avoi r 4rave5""s? >m ffctrtfcffla
eu présence du peuple assemblé.. Enfin, tout
propriétaire était, tenu' d'élever quatre mou
tons par arpent de terre.-Voilà le chef-d'œu
vre politique du principal génie de la.révo
lution.- ■ ,■■■._
' Le vainqueur de l'Italie et dé l'Egypte,
dont les générations présentes ont compris
lé génie militaire, mais dont les générations
à venir comprendront, seules-le génie politi
que, en lui aussi'rare et aussi grand que l'au
tre, mit un terme à celte lutte des ambi
tions, des vanités et des coteries, et rendit à la
France-une organisation administrative, fi
nancière, militaire, judiciaire, religieuse!
scientifique et "littéraire. 11 remit la société;
.française dans sa 'voie, et rendit.possibles
trente-trois années de monarchie parler
men'taire, que la France n'aurait jamais
eues, ; si- l'Empereur, nè lui avait pas don
né un vrai gouvernement, capable de les
supporter et de leur résister. Malheureu
sement pour nous, l'Empereur avait, trou
vé les affaires politiques de-la France en
gagées sur plusieurs points ; en. même temps
qu'à gouverner, il,
tion de là révolution françaisi; :. c&~ Vieux
fonds d'opérations èntâinées compliqua ses
tues et ses actes, surtout au-dehors.j mais
les vrais ennemis sous lesquels il succomba,
ce ne furent, ni, en d8lA,.ceuk qui envahirent
la Champagne ; ni, eh 1815, ceux qui envahi
rent l'Artois ; Napoléon né fut pas vaincu à
•Watérloorpar les àlliés 5 il fut vaincu à Paris
par les avocats.
Parce que l'Embereûr laissait une organi--
sation' complète, parce qu'il laissait des ca
dres militairesj des. cadres administratifs,
des cadres financiers; des juges sur leurs
sièges,"des prêtres dans leurs églises, des sa-,
vans - dans lèurs a'ca'démies, des professeurs
dans -leurs chaires ; parce qu'il laissait un
Code civil, un Code commercial, un CÔde
criminel, les impTudïns qui s'emparèrefit de
roules ces rfGh e "ses sociales, en 1813, çru r
tent qu'ilsne le épuiseraient jamais, et qu'ils
avaient du gouverneme^j de la paix, de la
prospérité, du pouvoir pour toujours. — Ils
çn eurent p : ouf quinze anffées ! ' •
: -Parce qu'ils avaient écarté ce-qui offo.squait
une société voltairienne, des pairs héréditai
res, des évêques influons, des élus e,t des élec
teurs hauts censitaires; parce qu'ils avaient
placé la puissance dirigeante dans l'Assern-"
blée sous laquelle Charles" X avait succombé j
parce qu'ils avaient perfectionné les rouages
administratifs, augmenté, les revenus pu
blics, .entrepris et exécuté de "grands tra.-:
vauxet doj^né- un développementréel et
considérable à l'agriculture, à l'industrie
et au conimerce, les impruderis ; qui s'engi-,
gèrent djins . la . voiij du gouvernement de'
1830, crurent que le problème de l'ordre
était résolu,-et que lés dynasties cadettes du-
reraient-autant que.lestai nées:-— ilsgardèr
rent cette illusion y dlx-sept ans ! :
C'est qu'oie a beau avoir des élémens dé:
santé, de force, de richesse," dé durée, si
tous cesélc-meus sont atinlilés et détruits par
un faux régime-, qui amène irifailliblemçnt
la mort ; c'çgt - que les pierres' d'un édifice
ont beau être, solides, sa distribution lieù-
reuse ? ses sculptures riches, ses lambris do
rés, si le-faite n'est pas d'aplomb, et en traîne
la base.
Le p.rinçipe des gouverriemens de 1815. et
de 1830. aurait triomphé d'une organisation
cent fois plus heureuse,.ct d'unfe prospérité
cent fois '])lus grande, parce, qu'il conduisait
peu à peu et infailliblement à la révolution,
par l'ébrànlement successif : des dogmes
sociaux et par raffaiblissemênt graduel du
pouvoir central.
Avec une administration moins perfec-.
tionisée et des élémens de prospérité moin
dres, les Bourb6bf.de* Naples' ont régné,
trente-six ans, et sont aujourd'hui plus forts
que jamais; tandis queles Bourbons de Fran-
ce'sont tombés deux fois, en deux dynasties.
L'essentiel,' -pour une société, c'est donc
d'être constituée à son propre point de vue,
conformément à sa nature et à ses traditions- ■
La France est un pays de liberté pratique et
décente et d'autorité forte-" elte s'est trois
fois.perdue,-d£ 1789 à 1799; de 1815 à"1830;
de 1830 à 1848, par l'abus et par l'orgie de
la discussion. . .
.' Tout le bien qui a été fait, sous l'ancien
régime, l'a été par l'initiative de la-monar
chie, presque toujours malgré les parlemens;
En 1551, sous Henri lî, l'érection,des prési-,
dràux, qui simplifiait /es formes de la justice
et-la rendait moins coûteuse ; en 1598, sous
Henri IV. l'édit de Nantes, qui reconnaissait
la' liberté de conscience? en 1<3!37, sous
Louis XIV, l'ordonnance civile, qui réglait
et. généralisait les formes de la procédure y
— furent des mesures grandes, belles, fécon
des,.qu'il fallut prendre de ( haute lutte, mal
gré les parlemens, etén les enregistrant avec
Informe impérative des lits'dé-justice.
Que l'on récapitulé ét que l'on compté, de
1793 à 1798, toutes les .-meaur^utiles : on
verra qu'elles furent toujours l'œuvre du 00- .
mite de Salut Public. -
C'est (Jue l'éléyàtion, là force> la liberté
d'action du pouvoir central, est la condition ;
première et fondamentale d'un bon et sé- .
rieux gouvernement, en France. Qri y a tou
jours aimé les rois entrepjenans et résolus,,
jamais les rois fainéans.
Si ces vérités sont incontestables,' et qui
pourrait les contester avec raison? à quel
parti intelligent; à quelle doctrine pratique,,
à quel homme sensé pourrait-il en coûter
d'accepter franchement" et loyalement les
conditions nécèsstiires de l'ordre^ puisque ni.,
partis, ni doctrines, çiindividus.ne sauraiant
yi-vre et prospérer, si - la société, notre jn'ère ■
à tous, ne vit et ne prospère la^remiere?^ ; •;
- jNotre intérêt à tous., tant que-nous som
mes, légitimistes, or-léanistes, parlementai
res, magistrats, fonctionnaires, libres- pen
seurs, négociais, agriculteurs,^ouvriers, c'est .
de fonder'un -régime- durable/solide, sous
lequel on puissû former fcs'loûgs projets.et
entreprendre les longs travaux ; sous lequel
chacun jouisse dé Tindépendançë, non pas
sans raison et sans mesure, mais d-ms la pro- ^
'pôrTÎ8& "de ■ ctT^m est co'rnpa tiblê avec Téxis-
tence-de l'ordre, avec l'autorité» des lois;--
avec la majesté nécessaire du gouvernement, .
avec le maintien de la société.. Laliberté'pst
un fardeau;-l'histoire [Trouve que chacùn ; .
peuple ou individu^ n'en peut, porter que Sh
charge. . •
La France, depuis soixante ans, a été nour
rie de poison, comme "Mithridâte;, et tout
autre peuple, moins vivace et moins énergi- .
que, y eût succombé. Les parlementaires
l'ont mise au régi me permanent des discours,
des commissions, de.s interpellations et . des
crises ministérielles; les libres penseurs l'ont 1
-mise au régime de la discussion saiis llinitè -
et sans frein, avec le club pour enfiévrer le
peuple, et lelivre pour miner la morale et pour
détrôner Dieu ; les légitiinistes l'ont agitée
diif-sept ans, pour ramener la postérité "de;
Louis XIV, et ils n'ont ràmerlé, &n 1848, que
la postérité dq Saint-Just et de Robespierre;
les orléanistes, pour lesquels la catastrophe -
de février semble aVoir été une leçon stérile,
youdraient se : replacer sur la mêmè pente,
pour tomber dans le même abîme; Puisque. ;
la France a résisté, à tan t.. d'épreuves; puis
que elle a survécu à plus de causes de dis
solution' qu'il n'en fallut pour détruire la
Pologne;. à plus d'invasions qu'il* n'en fal
lut pour détruire Kempire romain ; ouvrons
enfin les yeux sur deux faits évidens : le pre.-
mier, c'est qu'un changement dans le priri-
cipe;.du gouvernement était nécessaire le
second, c'est que ;Louis-Napoléon pouvait
• seulle concevoir, et' l'opérer. •
Pfétèndré'persister, après trente-six ans
d'épreuves, dans un.régime énervant,, avec
un rî>i nominal, esclave de majorités mobi-
f les ; .-passionnées, transi toires, tyrahniques,
insatiables,—autant vaudrait supprimer sur-
le-ctrarfip et complètement, un chef du pou
voir exécutif sans autorité, fait à l'image du
roi soliveau; : et" rétablir puremçnt et sim
plement le-comité de Salut Pubiic, les clubs,
la terreur,"la guillotine, conséquences fatales
du régime-parlementaire ; but inévitable au
quel la politique de 1789 conduisit en 1793 ;
etîanquél la politique" de 1848 nous menait
touf droit e-n ; |852: .
Ijâ.méme çie-leTelàchemoiit de l'autorité,
ra^ili^sepien| des lois, l'absence de sécurité,
le besoin d'ofdre, rendirent nécessaire et sa?
Iutairé, en lt99; lé coup d'Etat du 18 bru
maire; de mèmel-envahissement successif du
pouvoir par les coteries, l'annulation. de
l'autorité centrale, le besoin d'une action
forte, libre, pour sauver la société,«déjàplus
qu'à' demi-énlauée dans lé réseau du socia
lisme , avaient iendu nécessaire et salutaire
Je^up d^tat du 2 décembre. Lés'partis,
aveuglés parieurs passions, ont pu s'y trom-
pé'r;>les pop'olâtions ,' écluirées par leurs in
térêts, ne s'y sont pas trompées.
Sans doufe, en- 17D9, lés démagogues du
club dn Jilanége, caressés par Au£eïeàU; les
royalistes du club ilè Clichy,-aveuglés par Pi-
■ cliegru ;' tôus les ambitieux qui', çoinme Bar-
; ras, menaient là patrie à l'encan, au profit de
leur -égoïsme et de.leur vanité,, ne manquè
rent pas de- dire que le coup d'Etat du
18 brûmairef ouvrait J'ère du despotisme^
mais les exilés .de la.Giajsane, que' Napoléon
rappela ; màis *lcs journalistes r - déportés le
18 fructidor, qu'il" fit sortir des pontons;
mais 13s prêtres-de File d'Oleron et de l'Ile
d'Aix, qu'il renflit à ,la liberté; mais le culte;.
qu'il rétablit ; mais les -affaires, "qu'il releva;
' maisia sécurité','la "confiance, là joie, qu'il
rendît générale;- tout cela comprit et répétà
f bien haut quo-.'4e' 18 brumaire ouvrait l'ère
> du vrai-gouvernement et
nés après leui's chimiu.'es*,-;les colêries parle
mentaires^ ivres. de. leur-ambition, les socia-^
listes assurés de leur victoire, prochaine, les
terroristes fabriquant déjà-leurs guillotines,
' léSvoleu^c'ôusMjtlctiïssacsetgrmssanlleuf-s
fourgons ; tout cet amas d'orgueil, d'entête
ment, dejerocité, de convoitise, a cru et a dit
que le coup d'Etat du 2 décembmouvrai t aussi
l'ère du despotisme; mais.les rentiers,xnri-^
chis d'un dixième par ia ■ hausse des fonds
publics ; mais les propriétaires, qui ont vu
les blés, lés vins, les eaux-de-vie, délaissés la
veille,- recherchés lé lendemain avec une
augmentation d'un cinquième dans leurs pr ix
de -vente; mais lesgens honnêtes et paisibles,
rassurés dans leurs biens et dans leurs "vies,
ont parfaitement su a quoi s'en tenir.;- et sept
. millions et demi de suffrages, donnés à Louis-
_ Napoléon, qnt bien.montré qu'aux yeux dé
* la,France entière; le coup d'Etat du 2 décem
bre. pgvre la voie de la bonne politique, et
repTaoe le gouvernement sur la seule base qui
, puiss&'lui donner de la solidité et de la du
rée.-.-., . ■ " -
La France n'aura jilus des Assemblées tur
bulentes , tyranniqùès et factieuses, pour
la bouleverser, c'est vrai ; mais elle aura des
Assemblées calmes avec des attributions
nettenaent définies, pour-éclairer, seconder et
fortifier le ..pouvoir,, Qui pourrait s'en plain
dre; en dehors des chefs de la féodalité parie-
mentaire ?
. : La' France .n'aura plus des ministres obli-
gés d'être beaux parleurs, sauf à n'être pas
utrè chpse, et passant leur vie.à faire des
scoiirs, c'est vrai ; mais elle aura" des jni-
histres%édâtn!^ i ^dccn^ant' , ît , administrer.'
Qui pourra s'en plaindre, en dehors des avo
cats politiques , faisant leur , stage sur les
bancs de l'opposition? : . ■ ■ :
La France n'aura plus des fonctionnaires
égoïstes et indisciplinés, consîdéiant leurs-
places comme un patrimoine; recevant un
salaire du gouvernement, e- ne lui rendant
pas toujours un égal dévoûment et une
égale fidélité, d'est vrai; mais on aura des
fonctionnaires dévoués au chef de l'Etat,
le secondant de' toutes leurs forces, èt
ne s'abritant derrière aucune immunité pour
le trahir ; on aura des fonctionnaires com
prenant que de bons et loyaux .services peu
vent seuls justifier la préférence dont ils
sont l'objet, parmi tant d'autres aussi dignes
qu'eux fies places qu'ils occupent. Qui pourra
s'en pMidre, en. dehors de ces hommes
douteux ; dangereux et inutiles, qui préten
dent vivre aux dépens de tous les gouver-
nemens, e t n'en servir fidèlement aucun ?
Dans ce grand et radical changement,inau
guré par ie coup d'Etat du 2 décembre, nous
voyons donc beaucoupxl'inconvémens pour,
les ambitieux et pour, les brouillons ; mais
nous ne voyons - que- des avantages pour la
France. - '
' 'Et, quoique nous l'ayons dit b.çn souvent,
il ne faut passe lasser de le dire îacore : Quel
autre qué Louis-Napoléon pouva't remonter
et vaincre le courant des idées révolutionnai-.
res, j et rendre aiu gouvernement de la Fran
ce sa vraie base, d'où les factions l'avaient
précipité? Quel-autre avait la magie d'un tel
"nom, quel autre avait ce e popularité et ce
génie politique?-
On n'a pas oublié le dédain injurieux avec
lequel les Montesquieu et_ les Cicéron du
régime parlementaire, traitaient le Pré
sident de la République. Ceux qui avaient
eul'honneur de voir de près cette haute et
calme intelligence, doublée de ce noble et
iièr' ( courage, savaient de quel côté était la
grandeur, et de quel côté otait 'la petitesse.
Aujourd'hui, la France et l'ÉdrOife le savent
comme eux. . ' .. .
: -Ainsi donc, tous tant que nous sommes,
hommes des vieux partis, parlementaires; li
bres penseurs, écrivains.) rentiers, .proprié
taires, résignons-nous aux leçons de l'histoi
re et aux bienfaits de la Providence ; souf
frons désormais d'être-gouvernés; car c'est
le seul moyen de n'être pas ruinât égor
gés. '• A. G banier de C assagnac.
* • ' ' wrnBsmm—. —... m .. :
L'Emancipation de Bruxelles publie, sur
l'acte du 2 décembre, un article remarqua
ble que nous reproduisons en partie.:
« Nous ne nous inclinons pas avec une supersti
tieuse admiration devant le l',»it accompli ; nous ne
divinisons ni le. hasard, ni- lç - succès. On le sait
bien- ; et à cet égard nous n'avons même pas besoin
de faire notre profession de foi. .
»• Si b -succès 1 dirait toutj la république sock-
liste; qui a réussi au 2i féviior, pouvii-t.piéten--
d e à l'tionneur de passer pour un gouvernement
nécessairo, pour un gouvernement légitime, et
môme pour tm gouvernement raiionnable. Elfe
n'a jamais été qu'un- épouvantai!*
« Malgré le succès, nous avons proteste avec
quelque énergie contre ce gouvernement; il doit
nous être permis' de le rappeler sans prétention .et
sans iminoJojiie. Après avoir fait'trembler l'Eu
rope, la république de février s'en "est. allée,
un lieau piatin, on ne, sait où; et cette; triste fin
ne lui donnera pas la considération que rte lui
avaient, pas donnée ile terribles ,coinm,encçmens.
Nous croyons donc en voir agi avec le 'suc
cès connue, le font les gens' de bon. sens et les
honnêtes gens. Nous ne prétendons pas l'admirer
ou le condamner par cela seul qu'il est le succès.,
Nou« examinons librement ses titres; nous lui de
mandons ce' qu'il vaut en lui-même j ét. ce qu'il
peut pour le bien de la société. Sous ce point de
vue," il faut reconnaître que l'éclatante révolution
qui vient'de s'accomplir en France répond de la ;
manière la plus péremptoire à. toutes les questions
que doit subir un pouvoir nouveau. L .
il Quel que chose distingue,.en effet, ci:ite-révolu- .
lion du 2 décembre entre toutes les révolutions ;
pous voulons dire entre toutes les révolutions qui
ont réussi. Dans ce-genre, il y a des succès qui
portent sur l'heure les plus affreuses conséquen- 1
ces et qui frappent un pays comme de mort subite.
Tel fut le 7 24 février. ' . -
■» Dès les premiers jours, il était pourtant facile
de'savoir à quoi -s'en tenir» Quels étaient les pre
miers dons de ces pouvoirs soriis de l'émeute et s
victorieux sans avoir combattu ? Le désordre et la
terreur. Ils triomphaient pompeusement, nous l'a-,
vouons ; mais ils triomphaient au milieu dés rui-
nes. Ils ressemblaient à une attaque d'apoplexie.
Leur bienvenue suffisait pour tout paralyser ou ;
pour tout tuer. L'assentiment univçrséi dont ils se
faisaient gloire, c'était tout simplement la terreur
où la'résignation universelle. *■■■■■-. ■
y> Ils parlaient, néanmoins comme s'ils étaient
les bienfaiteurs de l'humanité ! Ils venaient géné
reusement raiiimep le monjjc, restaurer le travail-, .;
ressusciter, le droit; rajeunir ta liberté ! Gui, tel
était bien leur langage,,et telles étaient leurs pro
messes! Quels beaux programmes ils tiraient to.ut \
neufs., quoique un peu usés , des profondeurs de
leur génie ! Mais, 0 prodige ! ce langage pacifique •
et ces belles promesses retentissaient c&trime im -
funèbre toedh. - - . \ r
» Chacune de ces paroles bienfaisantes "empor- :
tait un lambeau de la société. On promettait le .
bonheur et la joie, on débitait de l'eau de Jou- ,
vence ; et le peuple français, plus ridé que jamais,
ne songeait plus qu'à faire son testament ! <^n
voulait restaurer le travail; et personne 11e tra
vaillait plus! On voulait moraliser le peuple;'
et le peuple se sentait invité à commettre les
plus hideux excès! On voulait ranimer ,1e crédit;
et toutes les fortunes tombaient par terre-1- Ou
voufeit rendre aux lois leur majesté; et ftHft le
monde comprenait très bien qu'il n'y avait plus
personne pour obéir, ni personne pour comman-
der.Oircriait: Liberté! liberté! et l'on n'avait pas
plutôt proclamé la liberté de-tous, que tous, en
haut, en bas et au milieu, tous se sentaient af
freusement opprimés.
. » Maintenant, voici un mirac]e d'un genre tout
à-fait nouveau. Le prir^e Napoléon Bonaparte dit
à la France, le 2 déci.m.bi-e : Vous avez un gou
vernement misérable et absurde! je le supprime.
— Certes, rien n'est moins pacifique, en appà- ■
renee, qu'un tel langage; et'pourtant la France»
ne s'est -point émue, elle n'a point tressailli...
je me trompe, elle a profondément tressailli,
mais c'était de satisfaction;. •—îl y a des lois,
a dit les prince Napoléon Bonaparte , «'es. lois
faites et parfaites r,elon la formule. Eli bien!
ces lois parfaites, je les cou dam 11e et je vais les
pousser du pied ! — Ces -mots efïrayans ont com|
ploiement rassuré l'opinion.—Il y avait une Cons
titution hier, aujourd'hui il n'y a plus de Cons
titution.— La confiance reparaît. — Il y .-irait des
'bratburs qui parlaient toujours ! On ne parlera plus.
— La confiance augmente. — Il y a des"clubs
sois le nom d'associations"! Plis de liberté d'as-
socation! plus de liLerté, de la presse!" plus de
liberté de..;.,. — Ou 11e laisse même pas achever
l'oracle; la confiance ne connaît plus do - borg
nes; la rente franchit le pair immédiatement, lo "
crédit vole de cloclicr en clocher; toutes lés fortu
nes retrouvent-leur niveau; tous les intérêts sont
satisfaits, toutes les transactions reprennent leur
cours, et llenthousiasme enfante 8 millions de-
suffrages ! Voilà un miracle, assurément; 1111 mi
racle immense; le mot n'est pas trop fort, un mi
racle, qui a déjà vécu plus que ne vivent les mi ;
racles, un miracle qui a tiré, la France de"la,ré ■
publique et l'Europe (ie la révolution ! .
» Nous ne craignons pas que l'on nous ;>c^,' usc
de chercher à défigurer ces grands événe^iens sous
de puériles antithèses. Lé contraste est ici dans les
choses bien plus énergiquecaent encore que dans
les- mots; et nous nous servons des mots les' plus sim
ples qui nous viennent enTesprit. Y a-t-il des phrases
qui puissent tivduire avec l'énergie icquise, cette
prodigieuse et colossale antithèse du 2décembre? -
Qupi ! les révolutions qui ont signalé la première '
moitié,çÎQxe siéde el'la fin du siècle dernier, ces-
révolutions, quf promettaient de tout donner fi
généreusement, n'ont éveillé dans les cœurs que-
la crainte et la méfiance! et" celte révolution iu 2
-décembre qui, sans, marchander, vient dire âu peu
ple français : le-prends tout et je : no'promets
rien ! cette révolution frappe sur tous les grands .'
ntôrêts du pays comme sc elle était armée de la
baguelté.de Moïse; et de ce sol desséché, pétrifié,
FEtmSTON IjÇtONSÏÎÎ S ïï M'EL, 10 JAXV..
_ r 1 LA VËMTÂÊLÈ HISTOIRïî
. PB' ■■■
MONSIEUR " JOURDAIN
. . «: .ET ... '. ' -
DE. SES MAMAMOUCHIS.
' ' <* - ' ■ ' f y» • . - j, t
Aujourd'hui vendredi j W- par anticipation
sur la tète cjiie la Comédie-Française prépare
pour jeudi prochain à l'occasion du deux
cent-trentième anniversaire de M naissance de
Molière, l'Opéra a donné le Bourgeois gen
tilhomme. Pour faire dignement honneur au
■ chef-d'œuvre qui lui appartient " un peu par
Lulli, comme par Moliere il appartient mieux.
ericore.au Théatro-Frj.nç.iis , notre première
scènè"lyrique a fait marcher de front',
dans lé plus charmant coiicért d'efforts
et d'intelligence, l'élite des comédiens et
l'élite des chanteurs. Suivant son usage
traditionnel, elle a aussi déployé la plus gran
de magnificence, et, ce quiestle meilleur luxe
en pareille affaire, la plus grande exactitude
de miseeii scène, française et turque, le
tout, disait l'atfîche, au profit de la caisse des
pensions, mais, certainement aussi au béné
fice dé la glpire du poète et.de la curiosité
des spectateurs;intelligent. Voici donc, si je.
ne me trompe, l'occasion venue,de donner
ici,-non pas le compte rendu de "cette soi
rée, une ..autre plume s'en chargera à-ogtte
place mêmç, — mais bien avec ses plus au
thentiques,— avec ses plus intimes dé
tails, la monographie du chèf-d'œuvre. Voi
ci le moment le plus propice pour écrire
l'histoire précise des personnages qui y vi
vent et qui auparavant avaien t vécu,-s'étaient
agités, avaient fait rire dahsle monde de Ja
bourgeoisie et de la cour, où Molière les prit
tout palpitans. Ilestbien entenduque je ferai
tout pour ne pas retomber dans les anecdotes
mille et une fois rebattufes, et pour ne servir
au contraire à l'a curiosité du léctèùr que des.
faits en pleine primeur, les uns négligés, ,les
àutréS'ignbVéS pat les .historiographes ordi
naires du grand homme , geiis des plus ha
biles .et des plus doctes, j'ai nié à le déclarer
ici, mais.qui, toutardens qu'ils fussent dans
leur, moisson de biographes, n',en ont pas
moins laissé après eux quelque chose pour le
glaneur. ' ' '
C'est d'abord à l'excellfente figure de M.
Jourdain, et au bon bourgeois de Paris, à
peine dissimulé'sous ce masqué transparent,
que rious aurons affaire.ici^ mais, pour,se
bien mettre au.fait dé ce que nous allons en
dire, il faut s'assurer au préalable de certain
procédé malicieux mis en usage par Molière
dans presque toutes ses comédies ; procédé
de bon poete, certes, mais d'assez mauvais"
parent, comme vous allez voir.
" La plupart des gens qu'il àjouésrétaient de
sa famille, on ne l'a pas fait remarquer jus
qu'ici, je ne sais pourquoi ; mais l'occasion
étant bonne pour le dire et j>our le prouver,
le lecteur permettra que je le dise" et le
prouve. . - . , ;
J'avoue que, pour me bien convaincre rnoi-
même de ce détail trop négligé què j'avance
ici, il m'a fallu plus de courage qua d'habi-
lelé: J'ai dum'imposerlatàche dedéchiffrer,
page par pag*, les indééhiffràbles dossiers
manuscrits légués' à la Bibliothèque Royale
par le commissaire Beffara, et concernant
pour la plupart Molière et sa famil,Ie. : Apres
plusieurs, journées de cette pénible lecture,
je connaissais du moiris tous les parens de
Molière en ligne droite eomme en ligne obli
que, depuis l'aïeul et lè grand-oncle jus
qu'au moindre cousin ,- remué, de germain •
et, chose qui va. certainement vous sur
prendre, comme elle mitonna moi-même,
au fur et a mesure que le long chapelet dé ce
parentage multiple et varié s'égrenait sous
mes doigts, savez-yous quelles gens se met
taient à défiler devant mes yeux? Des méde
cins, toujours des médecins, ontranêlés "de ei
do là. de quelques oncles chirurgiens ou de
quelques petits-esusins apothicaires. Molière
recommençait donc' à me 'donner,la comé
die; cette fois il nie la donnait avec sa fa
mille. Pour moi, M. Purgon né s'appelait
plus-M: Purgon;'mais bien M. .Lafossey dé- :
decin ordinaire de Louis XIV, l'un des pro
ches de Molière , dont Tarrière-pètil-'fils,
l'abbé Lâfosse, assistait, à litre d'unique et
dernier collatéral, à ia solennité que donna
l'Académie française"en 1773, pour-la cente
naire du grand poète; Je voyais encore dans
M. Diafoirus, M. Jnau Lestoreel, dont le nom
fait qu'on songe malgré, soi au' Ciistorel de
Regnardj ou bien M. Louis Cressé, ou bien
encore M. François Cressé, tous médecins ou
chirurgiens, et tous proches parens aussi
de cëlui qui flagella le " mieux la médecine
ignorante; enfin, épuisant jusqu'à ses der-,
nières déductions cette donnée curieuse, je
dépouillais Thomas Diafoirus de cette appel
lation burlesque dont Molière l'a affuble, et
je croyais lui rendre son nom réel en l'appe
lant tout'simplement Louis Cressé, comme
s'appelait le fils de l'un de ces Cressé que j'ai
nommés tout-à-l'heure, jeune pédant tout i
frais émoulu des études, et qui prenait jusr
tement ses licences de chirurgien dans le
temps même où- Molière écrivait son Malade
imaginaire et y faisait donner par Thomas
Diafoirus sa première consultation.
Mais pourquoi, me dira-t-on, cette préfé
rence qu'accorde Molière aux ridicules des
siens , pourquoi toujours un de ses parens
soùs un de ses comiques personnages? Est-
ee .par ce que, les ayant vus plus long-temps
poser- devant lui, il était plus à même de
les peindre fidèlement?, ou^bïon est-ce plu
tôt par pure raiicune pour tout ce parentage
médical qui, greffait sur sa morgue bour
geoise le pédantesqué orgueil pris aux leçons
aela Faculté, faisait hautement fi du poète-
comédien.? . Ce. sont. questions . que. nous
n'approfondirons jpas ici, nous réservant'd«
les approfondir longuement en leur lieu;
nous m chercherons pas même, et. pour
ra'isôtt^. pareilb ,. si quelqties autres dé8
pèrstfrmages de Molière ne cachent pas quel
ques autres de ses rancunes; si Beline
la maràtré, par exemple, n'est pas cette
bellè-mère que Bsffara nomme Catherine
Fleurette, et qui tortura le grand homme
enfant ; sans plus de retards préliminaires,
nous en viendrons à" M.'Jourdain, le-Boûr*-
gc'ois gentilhomme , et lui aussi, comme vous
l'allez voir,l'un des- proches parens de Mo
lière.' ^ " - -
On a dit partout que' ■ le bon bourgeois, si
plaisamment entêté de noblesse et de ma
gnificence, avait été copié trait pour trait
par Molière, sur un certain chapelier Gan-
doain, qui fitdu bruil en son temps avec ses
escapades de parvenu ridicule. M. Tasche-
reau tient pour.l'ànecddte., bien qu'elle soit
déclarée controuvée par Grimarest ; qu'on
nous permette de tenir pour Grimarest contre
l'anecdote. Voici ce qu'il dit : « Il y a des
gens de ce temps-ci qui prétendent que Mo
lière a pris l'idée du Bourgeois gentilhom
me dans la personne de Gandouin , cha-
: pelier, qui avoit consommé cinquante mil
le écus avecune femme que Molière-connois-
soit, et à qui ce Gandouin donna une belle
* maison qu'ilavoitàMeudon.Qu^nd cet homme
fut abîmé, d'it-nn-, il voulut plaider pour ren
trer en possession de son bien. Son neveu,-
qt^i étoit procureur et de meilleur sens que
- lui, n'ayant pas voulu.entrer dans son sen
timent, cet oncle furieux lui donna un coup
de couteau, dont pourtant il ne mourut pas :
mais on fit enfermer ce fouà Charenton,d'où
il se sauva par-dessus les murs. Bienlnin que
ce bourgeois ait servi d'original à Molière
pour sa pièce, il ne l'a connu ni devant ni
après l'avoir faite; et il est indifférent à mon
sujet que l'aventure dé ce chapelier soit ar
rivée ; ou non, qprès la mort de Molière, n
Grimarest n'en dit pas davantage. Nous ûU
Ions tâcher de le compléter. Il nous a dit qui
M- Jourdain n'était pas, nous dirons, nous,
qui il était. .r
■.. Les bourgeois enrichis e^ODe-Oués de l'en-
- v ' e d être nobles , pullulaient à Paris en
1670; tout le monde les "connaissait èt les
montrait au doigt. Moiièrè, faisant le procès
à leur ridicule, ne venait qu'après là moque
rie publique, comme LaBruyère,qui les tança
Vertement à son tour,ne devait venir qu'après
la comédie. H se trouva pourtant que, malgré
les aimées écoulées entre leurs*-deux satires;
l'une arriva aussi -à propos que l'autre, et
toujours mêrné commé si elle était la pre
mière, tant pareils ridicules sont robustes et
indélébiles, et savent bien sifrvivre_aui cri-,
tiqiies même immortelles ..qui les ont fla
gellés.
Pour ne parler que des plus connus de ces
bourgeois gentilhomrnes, et en ne les prenant
que dans le monde des marchands, dont
était M-. Jourdain, saiis nous engager dans
celui dos partisans," nous citerons seule--
ment Nicolas Le Camus,puis Boutet ou Bou-
det déFranc'oriville ; celui-ci surtout, étpour
cause, comme vous le verrez.
Nicolas Le Camuaayait d'abord été garçon
de boutique rue Saint-Denis, à l'enseigne dît
Pélican ; puis, après là mort de son maître,
il avait épousé sa veuve et bien entendu gar
dé son enseigne ; un second mariage, avec une
Colbcrt de Troyes le fit grand-oncle de Col-
hert, ï§ ministre , mais le-ruina, à cau
se du trop grand luxe qu'il le força d'é
taler. Georges Dandin, en paroille affaire,
avait été ce que vous savez bien ; Le Camus,
lui, fut ruine. Ses fils, qui devaient refaire
cette fortune détruite,/n'eurent de'leur père
que le bénéfice de sa seconde alliance, qui
les rapprochait des Colbert, et de plus son
éternelle enseigne du Pélican. Il est vrai que
depuis le second mariage du père Le Camus,
elle "était devenue un blason. Ils la gardè
rent, grâce à l'héraldique métamorphose, et
Le Noble, qui était au fait, en prit occasion-
de dire en assez mauvais vers dans sa comé
die du Fourbe '
Va-t-on chercher si lo.ia d'où les gens sont venus?
Et ne voyons-nous pas'Ies fils du vieux Camus
Etû'ièr à. nos yeux, sur un char magnifique,
L'enseigné que léil? père av.oit à s3r boutique? etc.
Ces transformations d'enseignes en armoi
ries ëUnent .chose assez commune dans le
monde des ànùoblis de la marchandise. Ainsi
nous lisons dans le deuxième des Discours sa-
tyriques et morâux de Cl.Le Petit, au sujet de
L'un de ces beaux messieurs, fils d'un-vendeur de'
- • - ■ - -- - ' sarge : -
L'enseigne de son père était un lyôn verd. ' ' '
Aussi-tost l'écûsson d'argent se vit couvert.
Un lyon de sinoplo ensirtie l'on applique
Sur cc champ argenté ; mais lyon magnifique,
;Mais lyon lampassé, remparit, onglé, gueulé,
-Ce- qui sentoit beaucoup son noble signalé.
Nous regrettons vraiment que M'aère n'ait
pas fait d'une métamorphose semblable un
trait do plus pour le caractère de son bour
geois. Il y eut eu plaisir a voir M. Jourdain
décrochant son enseigne de marchand de •
draps, car il 1 CTvajit été (1), et la clouant, lui
sante etid^rée, aux panneaux de sou carrosse:
Wa'S Molière tenait sans doute à ce que M
Jourdain n'eût , pas plus de ridicules que '
n'en avait étalé l'original d'après lequel il
l'avait dessiné; et nous ne pensons pas que
Boude! de Franconville, qui est, selon nous """
cet original même, ait jamais armorié surson
blason de marquis là Jëte-Noire qui servait
d'enseigneàsaboutiquededrapierdelaruedes
Bourdonnais. H avait laissé cette fantaisie à"
son voisin de la Cour mine d'or, pour lequel il
^cmbfô que La Bruyère ait écrit ces lignes .
malicieuses -. « On n'aime pas les minuties
on passe droit -aux couronnes, cela est plus
simple, on s'en croitdigtr. 1 , onseles adjuge-
il reste encore aux meilleurs bourgeois une
certaine pudeur qui les empêche de se parer
d'une couronne de marquis, trop satisfaits
de la çomtale; quelques-uns même lie" vont
pas la chercher fort Ioiiî ? et Jti fout Dîmspr *
leur enseigne à leur carrosse.» , '
Boudet, que nous tenais cette fois pour
pe plus le quitter, 2vait eu comme marchand
la ^}?me fortune que Le Camus; comme ân-
nobli. ii eut la même ruine. Il n'épcu«a pas
une Colbert, mais il acheta un marquisat ce
qui n'était pas moins ruineux :-et voyez le
malheur , il se trouva ruiné juste au moment
ouildevenait toutàfait marquis. Ce qu'il avait
amassé à auner et vendre des draperies dans
sa boutique des Bourdonnais fut dépensé en
frais d'investiture, et en mille et un procès
Kl) V. le Bourgeois gentilhomme, acteIV, scV5
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