Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1844-07-02
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 juillet 1844 02 juillet 1844
Description : 1844/07/02 (Numéro 184). 1844/07/02 (Numéro 184).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k666774d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
MARDI 2
TARIS,
Par 1 rimestre,
10 F.
URNAL DïïiCOMMERCE, POLITIQUE ET LITTERAIRE.
ON S'ABONNE A PARIS, HUE MONTMARTRE, N. 121.
ET, DANS LES DÉPARTKHENS, CHEZ LES DIRECTEURS DES POSTES,
ET A TOUTES LES MESSAGERIES.
PARIS.
UN AN
SIX MOIS....
TROIS MOIS .
40 FR.I
20
10
DÈIMlRTEMENS .ET ÉTRANGER.
Bit A*... 48 FR.
SIX HOIS 24
T^OIS MOIS 12
INSERTIONS.
La ligne 75 centimes.
TOCTB INSERTION DOIT ÊTRE AGRÉÉE PAR LE GÉRANT?
Les lettres non affranchies seront rigoureusement refusées.
PARIS, 1 JUILLET.
Il n'y a pas de termes pour exprimer l'étonnement, la stupé
faction' dont l'article du Moniteur sur les dotations à saisi tous
les esprits dans les chambres et hors des chambres. Il y a bien
long-temps qu'un acte aussi insensé n'avait été commis par un
ministère. Le cabinet actuel nous a montré pourtant, en fait d'im-
S>rudence et d'étourderie, des choses bien nouvelles. Il a fait des
àutes nombreuses, conséquences rigoureuses de son origine et
-de sa politique; il a fait des faules plus nombreuses peut-être,
■quittaient inutiles) Inattendues et toutes de luxe. Il avait donné
•toutes les preuves imaginables d'une incorrigible légèreté, d'une
«irréflexion périlleuse, d'une témérité aggravée par la peur et la
faiblesse. Eh bien! aujourd'hui, il s'est surpassé lui-même.
Il faut apprécier exactement un tel chef-d'œuvre. On présente
tous les jours à l'Europe la royauté comme dominant le pays par
l'ascendant d'une politique supérieure. On sollicite l'hommagè
€t l'admiration des cours étrangères pour la profondeur des com
binaisons qui ont réduit la nation française aune immobile obéis
sance. Le pays est dompté; les chambres ont abdiqué; les majo
rités sont dans la main du-pouvoir. Et voilà que tout-à-coup le
ministère montre au monde entier la royauté plaidant contre la
.France, contre les chambres, dans les colonnes officielles du Mo
niteur ! Ge pouvoir triomphant demande sans les obtenir, quel
ques millions à la bourse des cortribuables ; la France, jusqu'à
ce jour, est sourde à ces prières; il faut la toucher et la convain
cre. On lui-représente les dettes de la dynastie, les besoins de la
,'liste civile, les générosités de la sœur pour le frère, les - Secours
mutuels qu'on se prête dans la . détresse, les embarras secrets
■d'une famille injustement traitée par la fortune, la dureté des
temps, les rigueurs dhine nation trop ménagère de son argent !
•c'est une pétition que le ministère adresse pour là royauté à la
munificence du peuple, eton n'a pas pu obtenir l'apostille des
chambres!
Les factions ennemies tiennent les cordons de la bourse et
comptent chichement les écus du budget. La famille royale, vic
time de ces factions, sollicite inutilement la générosité du pays et
demande en vain l'accroissement de son patrimoine. Yoilà le rôle
'que M. Guizot et ses collègues font jouer au Roi et à la famille
royale au milieu des rois et des princes de l'Europe. Ce n'est plus
l'admiration qu'il demande pour la royauté, c'est la compassion !
Plaise à Dieu qu'il n'obtienne pas le ridicule !
On peut hasarder beaucoup sous un gouvernement qui a donné
de la gloire au pays. Nous rendons justice au gouvernement de
juillet. Depuis quinze ans, il a maintenu l'ordre et la régularité
intérieure, il a préservé la révolution d'excès dangereux. Mais
cette tranquillité intérieure est-elle une dot, apportée au pays par
une dynastie qui commence, suffisante pour tout permettre et tout
justifier?Le premier règne, chez nos voisins, après la révolution de
4688, a laissé l'Angleterre plus grande au'elle n'était auparavant.
Aujourd'hui au contraire la France est abaissée.
En quel moment d'ailleurs s'y prend-on pour faire descendre la
dynastie de juillet à cette question pécuniaire? Il y a en exil un
prétendant qui publie, lui aussi, son programme. Il se fait modeste,
mais d'une autre sorte. Il promet tout ce qu'il peut de gloire ; s'il
•devient roi, il fait vœu par avance de libéralisme, de désintéres
sement et de pauvreté. Et cependant, de ce côté de la frontière, le
Srogramme que les ministres font au souverain populaire, c'est la
emande de dotations indéfinies ; c'est l'argent au début de la ses
sion, et l'argent à la fin ! Nous savons que d'un côté le programme
est vain, comme de l'autre côté la pntre sera vaine. Mais quelles
apparences, et quel contraste I
Heureusement, pendant que les ministres compromettent ainsi
par leurs faules la famille royale, un prince français, M. le duc de
Joinville, vient de solliciter les chambres, en son propre nom, de
faire une grande dépense; mais ce n'est pas pour lui ni pour les
siens, c'est pour la marine française, pour la sûreté et pour l'hon
neur du pays. *
Mais la "haute imprudence du ministère devient, comme nous
l'avons dit hier, une véritable folie, si l'on regarde la manière
dont il a introduit la question" de là datâtion. Au commencement
de la session, il avait, par des indiscrétions calculées, soulevé l'o
pinion des députés conservateurs contre le projet de demander
une dotation, qu'il n'avait pas, disait-il, le courage de combattre.
MM. d'Haussonville et Delessert, Darblay et Muret (de Bort),
Lebobe et Leseigneur, etc., avaient proteste, au nom de la majo
rité, de concert avec les députés opposàns, contre tout projet de
dotation. Quelques jours après, M. Thiers s'écriait : « Quant à
» moi, je n'ai jamais vu à aucune époque, depuis quatorze ans,
» un fait plus étrange, plus extraordinaire et plus contraire aux
» plus simples notions du gouvernement représentatif Il fal-
» lait ou porter avec respect le plus haut possible les raisons con-
» traires au projet de dotation ; ou bien si l'on croyait que les be-
» soins d'un établissement nouveau exigeaient une telle loi, il fal-
» lait en faire une question d'existence pour l'administration qui
» l'aurait proposée; par conséquent il fallait la présenter à cette
» chambre sans consulter personne, et en pousser la défense jus-
» qu'au bout. »
A ces paroles, si pleines de sens et de force, que répondait
M. Duchâtel? Il niait, contre l'évidence, que le ministère ait eu la
moindre part aux bruits répandus. Il s'écriait que si jamais les
ministres prenaient un parti définitif sur la dotation, ils la pro
poseraient Dravement, du premier coup, et la défendraient comme
des lions.
Personne n'était dupe de ce langage ; tout le monde savait que
le ministère jouait un double jeu, qu'il cherchait à la fois à trem
per la couronne et à tromper les chambres, qu'il n'avait ni le cou
rage de résister au sein du conseil, ni le courage de combattre au
sein du parlement. Mais du moins cette fois ils n'avaient rien écrit,
rien publié ; ils n'avaient hasardé que des paroles: c'était d'ail
leurs le commencement de la session, ils auraient pu s'effor
cer d'agir sur la chambre, de la convertir à leurs idées; ils
auraient pu persister et braver chaque jour, en gens de cœur,
les périls de la tribune. Mais aujourd'hui les voilà qui, au mo
ment où la session expire, livrent dans le Moniteur la royauté à
tons les hasards d'une discussion qui ne durera pas moins de six
mois sans avoir une solution possible. La réforme électorale est
une question théorique qu'on peut envisager sous cent aspects
divers ; el!e n'a rien de personnel ; elle ne peut compromettre au
cun des grands pouvons publics. Cependant M. Yillemain repro
chait naguères à l'opposition d'avoir mis cette question à l'étude
avant que la chambre en pût être sa : sie. Et aujourd'hui les collè
gues de M. Yillemain ne craignent pas de mettre à l'étude un an
à l'avance une question comme celle de la dotation ! Ils en font
« un objet de curiosité » ; ils appellent sur ce sujet toutes les pas
sions et toutes les controverses ; ils invitent les partis à s'en faire
une arme ; ils soumettent la dynastie au débat public sous forme
de question pécuniaire; ils placent la royauté sous un chiffre, et
veulent qu'on mette en balance l'institution avec des écus ! Ce
pendant, disent-ils, ils se tiendront à l'écart, ne prenant de res
ponsabilité qu'à coup sûr, et ne s'engageant eux-mêmes que lors
que la famille royale aura essuyé tout le feu de la discussion ! o
les gens habiles ! 0 les hommes de courage ! Voilà la couronne
bien couverte! Voilà le gouvernement représentatif pratiqué,dans
tout son héroïsme !
Aujourd'hui à la chambre, M. Lherbette, dans un discours spi
rituel et incisif, que les conservateurs n'ont point interrompu, que'
le ministère n'a point réfuté, a demandé compte au ministère de la
publication-insensée qu'il vient de faire. La chambre rougissait en
écoutant M! Guizot balbutier une réponse dont nous venons d'analy
ser le sens, lorsque M. Dupin est monté à la tribune et a prononcé
quelques mots respectueux pour la couronne, mais pleins d'une
juste sévérité pour lès coupables conseillers qui la compromettent.
Il n'est pas conforme aux principes constitutionnels , a dit
l'orateur, que le ministère prétende séparer les deux chambres d u
pays, fasse, autrement que par la dissolution, une sorte d'appel
au peuple, et, craignant les discours, provoque les pamphlets.
L'assentiment unanime de l'assemblée a répondu à ces paroles qui
justifiaient plainement ce mot spirituel de M. Dupin : « Je défends
la couronne et non pas la cassette. » Les ministres muets et
confondus sont restés sur leurs bancs. Nouvelle preuve de réso
lution et de bravoure.
Mais il faut dire la vérité. Savez-vous pourquoi l'étrange mani
feste sur la dotation a paru dans le Moniteur1 C'est qu'un homme
d'état habile et qui ne néglige point de s'assurer les voies, M. le
comte Molé a fait entendre souvent que le ministère manquait de
courage en ne présentant pas la dotation. M. Guizot s'est piqué
d'émulation, et il a voulu se montrer hardi à sa manière.
Une observation nous reste encore à faire, la voici : On parle
beaucoup de la sagesse, de la prudence de ee gouvernement. Voilà
un acte qui prouve d'une manière éclatante que les pacifiques ont
leurs excès, que la timidité n'est pas toujours la prudence, que
la sagesse a quelquefois besoin de garde-fous, qu'il y a des com
plaisances qui sont|des trahisons, et que des hommés d'état ne sont
pas dignes de ce nom quand ils ne savent pas résister et contenir.
>|-0-|>=T
A la chambre, à la Bourse, dans les salons, partout, l'article
étrange du Moniteur a causé autant de douleur que de surprise.
Dès hier les députés qui se pressaient à la salle des conférences
manifestaient les mêmes sentimens. Les députés conservateurs
étaient irrités ou consternés selon leur degré d'indépendance ;
plusieurs mesuraient toute l'étendue du mal qu'une pareille impru
dence peut faire à la royauté et au pays ; d'autres s'étonnaient
qu'au moment où la chambre vote un énorme budget, et des dé
penses accessoires de toutes sortes, où la guerre s étend en Afri
que et peut nous entraîner à d'immenses sacrifices, on vienne sou
lever une question pécuniaire déjà repoussée plusieurs fois par la-
majorité. Quelques-uns racontaientquele ministère, comme dominé
parl'idéefixed'accroître les revenus delà couronne, avaitdéjà sondé
sans succès quelques députés influens sur le projet de porter au.
compte de l'état les dépenses du voyage que le Roi projette en
Angleterre. Quelques autres, moins instruits, plus naïvement mi
nistériels, déclaraient tout haut, hier matin, que les ministres
n'étaient certainement pour rien dans la publication officielle du
mémoire sur les dotations, et que, certainement, leur démission
serait, le soir même, dans le Messager.
La bourse a baissé de 30 centimes.
mmiETOM BU COKTSTrnrriONNÏX su 2 JiniUiT 1844.
LE JUIF ERRANT
CHAPITRE VI.
US CONFIDENCES.
— D'abord , mon bon Dagobert — dit Rose avec une eâlinerie gra
cieuse, puisque nous allons te faire nos confidences, — il faut nous pro
mettre de ne pas nous gronder.
—N'est-ce pas... tu ne gronderas pas tes enfans?
Ajouta Blanche d'une voix non moins caressante.
—Accordé—répondit gravement Dagobert, — vu que je ne saurais
•trop comment m'y prendre...; mais pourquoi vous gronder?
—Parce que nous aurions peut-être aû te dire plus tôt ce que nous
allons t'apprendre...
— Ecoutez, mes enfans — répondit sentencieusement Dagobert après
avoir un instant réfléchi sur ce cas de conscience — de deux choses
l'une : ou vous avez eu raison, ou vous avez eu tort de me cacher quel
que chose... Si vous avez eu raison, c'est très bien; si vous avez eu
tort, c'est fait; ainsi maintenant n'en parlons plus. Allez, je suis tout
oreilles.
Complètement rassurée par cette lumineuse décision , Rose reprit, en
-échangeant un sourire avec sa soeur :
—Figure-toi, Dagobert, que voilà deux nuits de suite que nous avons
•une visite...
—Une visite!
'Et le soldat se redressa brusquement sur sa chaise.
— Oui, une visite charmante... car il est blond?
— Comment diable, il est blond !
S'écria Dagobert avec un soubresaut.
— Blond... avec des yeux bleus,
Ajouta Blanche. "
— Comment diable, -des yeux bleus !
Et Dagobert fit un nouveau bend sur son siège.
— Oui, des yeux bleus... longs comme ça...
Reprit Rose, en posant le bout de son index droit vers le milieu de
son index gauche.
— Mais morbleu I ils seraient longs comme ça... — Et fesant grande
ment les choses, le vétéran indiqua toute la longueur de son avant-
bras. — Ils seraient longs comme ça, que ça ne ferait rien... un blond
(1) Tonte reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite,
et serait poursuivie comme contrefaçon.
Voir nos numéros des 25, 26, 27, 28 et 29 juin.
et des yeux bleus... Ah! ça, Mesdemoiselles, qu'est-ce que cela signifie?
Dagobert se leva, cette fois, l'air sévère et péniblement inquiet.
— Ah! vois-tu, Dagobert, tu grondes tout de suite.
— Rien qu'au commencement encore? — ajouta Blanche.
— Au commencement?... il y a donc une suite? une fin?
.— Une fin? nous espérons bien que non...
Et Rose se prit à rire comme une folle.
— Tout ce que nous demandons, c'est que cela dure toujours.
Ajouta Blanche en partageant l'hilarité ae sa sœur.
Dagobert regardait tour-à-tour très sérieusement les deux jeunes
filles, afin de tâcher de deviner cette énigme ; mais lorsqu'il vit leurs
ravissantes figures gracieusement animées par un rire franc et ingénu,
il réfléchit qu'elles n'auraient pas tant de gatté si elles avaient quel
que grave reproche à se faire, et il ne pensa plus qu'à se réjouir de voir
les orphelines si gaies au milieu de leur position précaire, et dit :
—Riez... riez mes enfans... j'aime tant à vous voir rire.
Puis, songeant que pourtant, ce n'était pas précisément de la sorte
qu'il devait répondre au singulier aveu des petites filles, il ajouta d'une
grosse voix :
— J'aime à vous voir rire, oui, mais non quand vous recevez des vi
sites blondes avec des yeux bleus, Mesdemoiselles; allons, avouez-moi
que je suis fou d'écouter ce que vous me contez-là... Vous voulez vous
moquer de moi... n'est-ce pas?
Non, ce que nous te disons est vrai... bien vrai...
— Tu le sais... nous n'avons jamais menti, — ajouta Rose.
—Elles ont raison, cependant... elles ne mentent jamais,—. dit le sol
dat, dont les perplexités recommencèrent.—Mais comment diable cette
visite est-elle possible ? Je couche dehors en travers de votre porte; Ra
bat-joie couche au pied de votre fenêtre ,. or, tous les yeux bleus et tous
les cheveux blonds du monde ne peuvent entrer que par la porte ou par la
fenêtre, et s'ils avaient essayé, nous deux Rabat-joie, qui avons l'oreille
fine, nous aurions reçu les visites... à notre manière... Mais voyons,
enfans, je vous en prie, parlons sans plaisanter... expliquez-vous !
Les deux sœurs, voyant à l'expression des traits de Dagobert, qu'il
ressentait une inquiétude réelle, ne voulurent pas abuser plus long
temps de sa bonté. Elles échangèrent un regard, et Rose dit en prenant
dans ses petites mains la rude et large main du vétéran :
— Allons... ne te tourmente pas ; nous allons te raconter les visites
de notre ami... Gabriel.
— Vous recommencez?.. Il a un nom?
— Certainement il a un nom, nous te le disons.... Gabriel...
— Quel joli nom, n'est-ce pas, Dagobert? Oh ! tu verras, tu l'aimeras
comme nous, notre beau Gabriel.
— J'aimerai votre beau Gabriel, — ditleTétéran en hochant la tête —
j'aimerai votre beau Gabriel... c'est selon, car avant il faut que je sa
che... —Puis, s'interrompant — C'est singulier.... Came rappelle une
chose.... * '
— Quoi donc dagobert?
— Il y a quinze ans, dans la dernière lettre que votre père, en reve
nant de France, m'a apportée de ma femme, elle me disait que toute
pauvre qu'elle était, et quoiqu'elle eût déjà sur les bras notre petit
Agricol, qui grandissait, elle venait de recueillir un pauvre enfant aban
donné qui avait une figure de chérubin, et qui s'appelait Gabriel.... Et
il n'y a pas long-temps, j'en ai eu encore des nouvelles.
— Et par qui donc?
— Vous saurez cela tout à l'heure.
— Alors, tu vois bien, puisque tu as aussi ton Gabriel, raison de plus
pour aimer le nôtre.
— Le vôtre... le vôtre ; voyons le vôtre..je suis sur des charbons
ardens....
— Tu sais, Dagobert,—reprit Rose, —que moi et Blanche nous avons
l'habitude de nous endormir en nous tenant par la main.
—Oui, oui, je vous ai vues bien des fois ainsi toutes deux dans votre
berceau... Je ne pouvais pas me lasser de vous regarder, tant vous étiez
gentilles.
— Eh bien I il y a deux nuits, nous venions de neus endormir, lors
que nous avons vu....
— C'était donc en rêve....—s'écria Dagobert,—puisque vous étiez en
dormies 1 en rêve J !
— Mais oui, en rêve.... Comment veux-tu que ce soit ?....
— Laisse donc parler ma sœur.
— A la bonne heure !—dit le soldat avec un soupir de satisfaction —
à la bonne heure Certainement , de toutes façons , j'étais bien tran
quille.... parce que mais enfin c'est égal Un rêve! j'aime mieux
cela.... Continuez, petite Rose.
— Une fois endormies, nous avons eu un songe pareil. .
— Toutes deux ? le même ?
—Oui, Dagobert, car le lendemain matin, en nous éveillant, nous nous
sommes raconté ce que nous venions de rêver.
— Et c'était tout semblable.
C'est extraordinaire, mes enfans, et cë songe, qu'est-ce qu'il disait?
— Dans ce rêvé, Blanche et moi, nous étions assises à côté l'une de
l'autre ; nous avons vu entrer un bel ange, il avait une longue robe
blanche, des cheveux blonds , des yeux bleus, et une figure si belle, si
bonne, que nous avens joint nos mains comme pour le prier... Alors il
nous a dit d'une voix douce, qu'il se nommait Gabriel, que'notre mère
l'envoyait vers nous pour être notre ange gardien, et qu'il ne nous aban
donnerait jamais.
— Et puis, —ajouta Blanche, — nous prenant une main à chacune et
inclinant son beau visage vers nous, il nous a ainsi long-temps regardées
en silence avec tant ae bonté... tant de bonté, que nous ne pouvions
détacher nos yeux des siens.
— Oui, — reprit Rose, — et il nous semblait que, tour à tour, son
regard nous attirait ou nous allait au cœur... A notre grand chagrin,
TARIS,
Par 1 rimestre,
10 F.
URNAL DïïiCOMMERCE, POLITIQUE ET LITTERAIRE.
ON S'ABONNE A PARIS, HUE MONTMARTRE, N. 121.
ET, DANS LES DÉPARTKHENS, CHEZ LES DIRECTEURS DES POSTES,
ET A TOUTES LES MESSAGERIES.
PARIS.
UN AN
SIX MOIS....
TROIS MOIS .
40 FR.I
20
10
DÈIMlRTEMENS .ET ÉTRANGER.
Bit A*... 48 FR.
SIX HOIS 24
T^OIS MOIS 12
INSERTIONS.
La ligne 75 centimes.
TOCTB INSERTION DOIT ÊTRE AGRÉÉE PAR LE GÉRANT?
Les lettres non affranchies seront rigoureusement refusées.
PARIS, 1 JUILLET.
Il n'y a pas de termes pour exprimer l'étonnement, la stupé
faction' dont l'article du Moniteur sur les dotations à saisi tous
les esprits dans les chambres et hors des chambres. Il y a bien
long-temps qu'un acte aussi insensé n'avait été commis par un
ministère. Le cabinet actuel nous a montré pourtant, en fait d'im-
S>rudence et d'étourderie, des choses bien nouvelles. Il a fait des
àutes nombreuses, conséquences rigoureuses de son origine et
-de sa politique; il a fait des faules plus nombreuses peut-être,
■quittaient inutiles) Inattendues et toutes de luxe. Il avait donné
•toutes les preuves imaginables d'une incorrigible légèreté, d'une
«irréflexion périlleuse, d'une témérité aggravée par la peur et la
faiblesse. Eh bien! aujourd'hui, il s'est surpassé lui-même.
Il faut apprécier exactement un tel chef-d'œuvre. On présente
tous les jours à l'Europe la royauté comme dominant le pays par
l'ascendant d'une politique supérieure. On sollicite l'hommagè
€t l'admiration des cours étrangères pour la profondeur des com
binaisons qui ont réduit la nation française aune immobile obéis
sance. Le pays est dompté; les chambres ont abdiqué; les majo
rités sont dans la main du-pouvoir. Et voilà que tout-à-coup le
ministère montre au monde entier la royauté plaidant contre la
.France, contre les chambres, dans les colonnes officielles du Mo
niteur ! Ge pouvoir triomphant demande sans les obtenir, quel
ques millions à la bourse des cortribuables ; la France, jusqu'à
ce jour, est sourde à ces prières; il faut la toucher et la convain
cre. On lui-représente les dettes de la dynastie, les besoins de la
,'liste civile, les générosités de la sœur pour le frère, les - Secours
mutuels qu'on se prête dans la . détresse, les embarras secrets
■d'une famille injustement traitée par la fortune, la dureté des
temps, les rigueurs dhine nation trop ménagère de son argent !
•c'est une pétition que le ministère adresse pour là royauté à la
munificence du peuple, eton n'a pas pu obtenir l'apostille des
chambres!
Les factions ennemies tiennent les cordons de la bourse et
comptent chichement les écus du budget. La famille royale, vic
time de ces factions, sollicite inutilement la générosité du pays et
demande en vain l'accroissement de son patrimoine. Yoilà le rôle
'que M. Guizot et ses collègues font jouer au Roi et à la famille
royale au milieu des rois et des princes de l'Europe. Ce n'est plus
l'admiration qu'il demande pour la royauté, c'est la compassion !
Plaise à Dieu qu'il n'obtienne pas le ridicule !
On peut hasarder beaucoup sous un gouvernement qui a donné
de la gloire au pays. Nous rendons justice au gouvernement de
juillet. Depuis quinze ans, il a maintenu l'ordre et la régularité
intérieure, il a préservé la révolution d'excès dangereux. Mais
cette tranquillité intérieure est-elle une dot, apportée au pays par
une dynastie qui commence, suffisante pour tout permettre et tout
justifier?Le premier règne, chez nos voisins, après la révolution de
4688, a laissé l'Angleterre plus grande au'elle n'était auparavant.
Aujourd'hui au contraire la France est abaissée.
En quel moment d'ailleurs s'y prend-on pour faire descendre la
dynastie de juillet à cette question pécuniaire? Il y a en exil un
prétendant qui publie, lui aussi, son programme. Il se fait modeste,
mais d'une autre sorte. Il promet tout ce qu'il peut de gloire ; s'il
•devient roi, il fait vœu par avance de libéralisme, de désintéres
sement et de pauvreté. Et cependant, de ce côté de la frontière, le
Srogramme que les ministres font au souverain populaire, c'est la
emande de dotations indéfinies ; c'est l'argent au début de la ses
sion, et l'argent à la fin ! Nous savons que d'un côté le programme
est vain, comme de l'autre côté la pntre sera vaine. Mais quelles
apparences, et quel contraste I
Heureusement, pendant que les ministres compromettent ainsi
par leurs faules la famille royale, un prince français, M. le duc de
Joinville, vient de solliciter les chambres, en son propre nom, de
faire une grande dépense; mais ce n'est pas pour lui ni pour les
siens, c'est pour la marine française, pour la sûreté et pour l'hon
neur du pays. *
Mais la "haute imprudence du ministère devient, comme nous
l'avons dit hier, une véritable folie, si l'on regarde la manière
dont il a introduit la question" de là datâtion. Au commencement
de la session, il avait, par des indiscrétions calculées, soulevé l'o
pinion des députés conservateurs contre le projet de demander
une dotation, qu'il n'avait pas, disait-il, le courage de combattre.
MM. d'Haussonville et Delessert, Darblay et Muret (de Bort),
Lebobe et Leseigneur, etc., avaient proteste, au nom de la majo
rité, de concert avec les députés opposàns, contre tout projet de
dotation. Quelques jours après, M. Thiers s'écriait : « Quant à
» moi, je n'ai jamais vu à aucune époque, depuis quatorze ans,
» un fait plus étrange, plus extraordinaire et plus contraire aux
» plus simples notions du gouvernement représentatif Il fal-
» lait ou porter avec respect le plus haut possible les raisons con-
» traires au projet de dotation ; ou bien si l'on croyait que les be-
» soins d'un établissement nouveau exigeaient une telle loi, il fal-
» lait en faire une question d'existence pour l'administration qui
» l'aurait proposée; par conséquent il fallait la présenter à cette
» chambre sans consulter personne, et en pousser la défense jus-
» qu'au bout. »
A ces paroles, si pleines de sens et de force, que répondait
M. Duchâtel? Il niait, contre l'évidence, que le ministère ait eu la
moindre part aux bruits répandus. Il s'écriait que si jamais les
ministres prenaient un parti définitif sur la dotation, ils la pro
poseraient Dravement, du premier coup, et la défendraient comme
des lions.
Personne n'était dupe de ce langage ; tout le monde savait que
le ministère jouait un double jeu, qu'il cherchait à la fois à trem
per la couronne et à tromper les chambres, qu'il n'avait ni le cou
rage de résister au sein du conseil, ni le courage de combattre au
sein du parlement. Mais du moins cette fois ils n'avaient rien écrit,
rien publié ; ils n'avaient hasardé que des paroles: c'était d'ail
leurs le commencement de la session, ils auraient pu s'effor
cer d'agir sur la chambre, de la convertir à leurs idées; ils
auraient pu persister et braver chaque jour, en gens de cœur,
les périls de la tribune. Mais aujourd'hui les voilà qui, au mo
ment où la session expire, livrent dans le Moniteur la royauté à
tons les hasards d'une discussion qui ne durera pas moins de six
mois sans avoir une solution possible. La réforme électorale est
une question théorique qu'on peut envisager sous cent aspects
divers ; el!e n'a rien de personnel ; elle ne peut compromettre au
cun des grands pouvons publics. Cependant M. Yillemain repro
chait naguères à l'opposition d'avoir mis cette question à l'étude
avant que la chambre en pût être sa : sie. Et aujourd'hui les collè
gues de M. Yillemain ne craignent pas de mettre à l'étude un an
à l'avance une question comme celle de la dotation ! Ils en font
« un objet de curiosité » ; ils appellent sur ce sujet toutes les pas
sions et toutes les controverses ; ils invitent les partis à s'en faire
une arme ; ils soumettent la dynastie au débat public sous forme
de question pécuniaire; ils placent la royauté sous un chiffre, et
veulent qu'on mette en balance l'institution avec des écus ! Ce
pendant, disent-ils, ils se tiendront à l'écart, ne prenant de res
ponsabilité qu'à coup sûr, et ne s'engageant eux-mêmes que lors
que la famille royale aura essuyé tout le feu de la discussion ! o
les gens habiles ! 0 les hommes de courage ! Voilà la couronne
bien couverte! Voilà le gouvernement représentatif pratiqué,dans
tout son héroïsme !
Aujourd'hui à la chambre, M. Lherbette, dans un discours spi
rituel et incisif, que les conservateurs n'ont point interrompu, que'
le ministère n'a point réfuté, a demandé compte au ministère de la
publication-insensée qu'il vient de faire. La chambre rougissait en
écoutant M! Guizot balbutier une réponse dont nous venons d'analy
ser le sens, lorsque M. Dupin est monté à la tribune et a prononcé
quelques mots respectueux pour la couronne, mais pleins d'une
juste sévérité pour lès coupables conseillers qui la compromettent.
Il n'est pas conforme aux principes constitutionnels , a dit
l'orateur, que le ministère prétende séparer les deux chambres d u
pays, fasse, autrement que par la dissolution, une sorte d'appel
au peuple, et, craignant les discours, provoque les pamphlets.
L'assentiment unanime de l'assemblée a répondu à ces paroles qui
justifiaient plainement ce mot spirituel de M. Dupin : « Je défends
la couronne et non pas la cassette. » Les ministres muets et
confondus sont restés sur leurs bancs. Nouvelle preuve de réso
lution et de bravoure.
Mais il faut dire la vérité. Savez-vous pourquoi l'étrange mani
feste sur la dotation a paru dans le Moniteur1 C'est qu'un homme
d'état habile et qui ne néglige point de s'assurer les voies, M. le
comte Molé a fait entendre souvent que le ministère manquait de
courage en ne présentant pas la dotation. M. Guizot s'est piqué
d'émulation, et il a voulu se montrer hardi à sa manière.
Une observation nous reste encore à faire, la voici : On parle
beaucoup de la sagesse, de la prudence de ee gouvernement. Voilà
un acte qui prouve d'une manière éclatante que les pacifiques ont
leurs excès, que la timidité n'est pas toujours la prudence, que
la sagesse a quelquefois besoin de garde-fous, qu'il y a des com
plaisances qui sont|des trahisons, et que des hommés d'état ne sont
pas dignes de ce nom quand ils ne savent pas résister et contenir.
>|-0-|>=T
A la chambre, à la Bourse, dans les salons, partout, l'article
étrange du Moniteur a causé autant de douleur que de surprise.
Dès hier les députés qui se pressaient à la salle des conférences
manifestaient les mêmes sentimens. Les députés conservateurs
étaient irrités ou consternés selon leur degré d'indépendance ;
plusieurs mesuraient toute l'étendue du mal qu'une pareille impru
dence peut faire à la royauté et au pays ; d'autres s'étonnaient
qu'au moment où la chambre vote un énorme budget, et des dé
penses accessoires de toutes sortes, où la guerre s étend en Afri
que et peut nous entraîner à d'immenses sacrifices, on vienne sou
lever une question pécuniaire déjà repoussée plusieurs fois par la-
majorité. Quelques-uns racontaientquele ministère, comme dominé
parl'idéefixed'accroître les revenus delà couronne, avaitdéjà sondé
sans succès quelques députés influens sur le projet de porter au.
compte de l'état les dépenses du voyage que le Roi projette en
Angleterre. Quelques autres, moins instruits, plus naïvement mi
nistériels, déclaraient tout haut, hier matin, que les ministres
n'étaient certainement pour rien dans la publication officielle du
mémoire sur les dotations, et que, certainement, leur démission
serait, le soir même, dans le Messager.
La bourse a baissé de 30 centimes.
mmiETOM BU COKTSTrnrriONNÏX su 2 JiniUiT 1844.
LE JUIF ERRANT
CHAPITRE VI.
US CONFIDENCES.
— D'abord , mon bon Dagobert — dit Rose avec une eâlinerie gra
cieuse, puisque nous allons te faire nos confidences, — il faut nous pro
mettre de ne pas nous gronder.
—N'est-ce pas... tu ne gronderas pas tes enfans?
Ajouta Blanche d'une voix non moins caressante.
—Accordé—répondit gravement Dagobert, — vu que je ne saurais
•trop comment m'y prendre...; mais pourquoi vous gronder?
—Parce que nous aurions peut-être aû te dire plus tôt ce que nous
allons t'apprendre...
— Ecoutez, mes enfans — répondit sentencieusement Dagobert après
avoir un instant réfléchi sur ce cas de conscience — de deux choses
l'une : ou vous avez eu raison, ou vous avez eu tort de me cacher quel
que chose... Si vous avez eu raison, c'est très bien; si vous avez eu
tort, c'est fait; ainsi maintenant n'en parlons plus. Allez, je suis tout
oreilles.
Complètement rassurée par cette lumineuse décision , Rose reprit, en
-échangeant un sourire avec sa soeur :
—Figure-toi, Dagobert, que voilà deux nuits de suite que nous avons
•une visite...
—Une visite!
'Et le soldat se redressa brusquement sur sa chaise.
— Oui, une visite charmante... car il est blond?
— Comment diable, il est blond !
S'écria Dagobert avec un soubresaut.
— Blond... avec des yeux bleus,
Ajouta Blanche. "
— Comment diable, -des yeux bleus !
Et Dagobert fit un nouveau bend sur son siège.
— Oui, des yeux bleus... longs comme ça...
Reprit Rose, en posant le bout de son index droit vers le milieu de
son index gauche.
— Mais morbleu I ils seraient longs comme ça... — Et fesant grande
ment les choses, le vétéran indiqua toute la longueur de son avant-
bras. — Ils seraient longs comme ça, que ça ne ferait rien... un blond
(1) Tonte reproduction, même partielle, de cet ouvrage, est interdite,
et serait poursuivie comme contrefaçon.
Voir nos numéros des 25, 26, 27, 28 et 29 juin.
et des yeux bleus... Ah! ça, Mesdemoiselles, qu'est-ce que cela signifie?
Dagobert se leva, cette fois, l'air sévère et péniblement inquiet.
— Ah! vois-tu, Dagobert, tu grondes tout de suite.
— Rien qu'au commencement encore? — ajouta Blanche.
— Au commencement?... il y a donc une suite? une fin?
.— Une fin? nous espérons bien que non...
Et Rose se prit à rire comme une folle.
— Tout ce que nous demandons, c'est que cela dure toujours.
Ajouta Blanche en partageant l'hilarité ae sa sœur.
Dagobert regardait tour-à-tour très sérieusement les deux jeunes
filles, afin de tâcher de deviner cette énigme ; mais lorsqu'il vit leurs
ravissantes figures gracieusement animées par un rire franc et ingénu,
il réfléchit qu'elles n'auraient pas tant de gatté si elles avaient quel
que grave reproche à se faire, et il ne pensa plus qu'à se réjouir de voir
les orphelines si gaies au milieu de leur position précaire, et dit :
—Riez... riez mes enfans... j'aime tant à vous voir rire.
Puis, songeant que pourtant, ce n'était pas précisément de la sorte
qu'il devait répondre au singulier aveu des petites filles, il ajouta d'une
grosse voix :
— J'aime à vous voir rire, oui, mais non quand vous recevez des vi
sites blondes avec des yeux bleus, Mesdemoiselles; allons, avouez-moi
que je suis fou d'écouter ce que vous me contez-là... Vous voulez vous
moquer de moi... n'est-ce pas?
Non, ce que nous te disons est vrai... bien vrai...
— Tu le sais... nous n'avons jamais menti, — ajouta Rose.
—Elles ont raison, cependant... elles ne mentent jamais,—. dit le sol
dat, dont les perplexités recommencèrent.—Mais comment diable cette
visite est-elle possible ? Je couche dehors en travers de votre porte; Ra
bat-joie couche au pied de votre fenêtre ,. or, tous les yeux bleus et tous
les cheveux blonds du monde ne peuvent entrer que par la porte ou par la
fenêtre, et s'ils avaient essayé, nous deux Rabat-joie, qui avons l'oreille
fine, nous aurions reçu les visites... à notre manière... Mais voyons,
enfans, je vous en prie, parlons sans plaisanter... expliquez-vous !
Les deux sœurs, voyant à l'expression des traits de Dagobert, qu'il
ressentait une inquiétude réelle, ne voulurent pas abuser plus long
temps de sa bonté. Elles échangèrent un regard, et Rose dit en prenant
dans ses petites mains la rude et large main du vétéran :
— Allons... ne te tourmente pas ; nous allons te raconter les visites
de notre ami... Gabriel.
— Vous recommencez?.. Il a un nom?
— Certainement il a un nom, nous te le disons.... Gabriel...
— Quel joli nom, n'est-ce pas, Dagobert? Oh ! tu verras, tu l'aimeras
comme nous, notre beau Gabriel.
— J'aimerai votre beau Gabriel, — ditleTétéran en hochant la tête —
j'aimerai votre beau Gabriel... c'est selon, car avant il faut que je sa
che... —Puis, s'interrompant — C'est singulier.... Came rappelle une
chose.... * '
— Quoi donc dagobert?
— Il y a quinze ans, dans la dernière lettre que votre père, en reve
nant de France, m'a apportée de ma femme, elle me disait que toute
pauvre qu'elle était, et quoiqu'elle eût déjà sur les bras notre petit
Agricol, qui grandissait, elle venait de recueillir un pauvre enfant aban
donné qui avait une figure de chérubin, et qui s'appelait Gabriel.... Et
il n'y a pas long-temps, j'en ai eu encore des nouvelles.
— Et par qui donc?
— Vous saurez cela tout à l'heure.
— Alors, tu vois bien, puisque tu as aussi ton Gabriel, raison de plus
pour aimer le nôtre.
— Le vôtre... le vôtre ; voyons le vôtre..je suis sur des charbons
ardens....
— Tu sais, Dagobert,—reprit Rose, —que moi et Blanche nous avons
l'habitude de nous endormir en nous tenant par la main.
—Oui, oui, je vous ai vues bien des fois ainsi toutes deux dans votre
berceau... Je ne pouvais pas me lasser de vous regarder, tant vous étiez
gentilles.
— Eh bien I il y a deux nuits, nous venions de neus endormir, lors
que nous avons vu....
— C'était donc en rêve....—s'écria Dagobert,—puisque vous étiez en
dormies 1 en rêve J !
— Mais oui, en rêve.... Comment veux-tu que ce soit ?....
— Laisse donc parler ma sœur.
— A la bonne heure !—dit le soldat avec un soupir de satisfaction —
à la bonne heure Certainement , de toutes façons , j'étais bien tran
quille.... parce que mais enfin c'est égal Un rêve! j'aime mieux
cela.... Continuez, petite Rose.
— Une fois endormies, nous avons eu un songe pareil. .
— Toutes deux ? le même ?
—Oui, Dagobert, car le lendemain matin, en nous éveillant, nous nous
sommes raconté ce que nous venions de rêver.
— Et c'était tout semblable.
C'est extraordinaire, mes enfans, et cë songe, qu'est-ce qu'il disait?
— Dans ce rêvé, Blanche et moi, nous étions assises à côté l'une de
l'autre ; nous avons vu entrer un bel ange, il avait une longue robe
blanche, des cheveux blonds , des yeux bleus, et une figure si belle, si
bonne, que nous avens joint nos mains comme pour le prier... Alors il
nous a dit d'une voix douce, qu'il se nommait Gabriel, que'notre mère
l'envoyait vers nous pour être notre ange gardien, et qu'il ne nous aban
donnerait jamais.
— Et puis, —ajouta Blanche, — nous prenant une main à chacune et
inclinant son beau visage vers nous, il nous a ainsi long-temps regardées
en silence avec tant ae bonté... tant de bonté, que nous ne pouvions
détacher nos yeux des siens.
— Oui, — reprit Rose, — et il nous semblait que, tour à tour, son
regard nous attirait ou nous allait au cœur... A notre grand chagrin,
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