Titre : Journal officiel de l'Empire français
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-03-09
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32802031s
Type : texte texte
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Langue : français
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Description : 09 mars 1870 09 mars 1870
Description : 1870/03/09 (A2,N67). 1870/03/09 (A2,N67).
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, 2010-217349
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Date de mise en ligne : 22/12/2014
- 432
OURNAI OFFlCiEl, D!i t, EJiWÎ*i; FKANUAÎS
9 Mars 1870.
-
Mais s'il estinutite, Jevons le demande, à vote
qui n'êtes, plus les ministres d'un pouvoir devant
lequel vous devez ,etre courbés, mais les ministre!
d'une nation lib»e, vous inspirant de sa volonté,de
nés désirs, de ses généreux sentiments, qu'avez-
vous à faire? vous êtes vis-à-vis d'une lettre morte,
avez le donc courage de l'élaguer de vos codes poui
qu'elle ne subsiste plus. (Oui! - Très-bien! à
gauche), car non-seulement elle pourrait y être
un mauvais souvenir, mais elle deviendrait un
embarras et un danger.
Et laissez-moi vous le dire, messieurs, l'hono-
Table comte Le Hon n'a pas craint de vous l'expri-
mer ou de vous le faire entendre avec cette me-
suie qui lui est particulière et que souvent ie
voudrais bien lui prendre. (Sourires.)
Il vous a fait observer qu'il était tout à fait inu-
tile de conserver pour l'Algérie le pouvoir consti-
tuant que le Sénat exerçait et qu'il y aurait une
ires-grande utilité, au contraire, à le supprimer
complètement.
Quant à moi je ne dis pas qu'il y a utilité seu-
lement, je dis qu'il y a nécessité, d'abord parce
'que vous avez la prétention de vous conformer aux
vœux de l'Algérie et que l'Algérie a constamment
proteste, comme elle proteste encore, contre le
pouvoir personnel, et en cela elle a suivi le mou-
vement de la France, elle a été dans ses sentiments,
dans ses pensées, dans ses aspirations, et son cœur
ïi battu avec le nôtre.
Mais, pour l'Algérie, quel est le pouvoir per-
sonnel? Il s'y préssnte sous deux aspects : le ré-
gime du sénatus-consulte et le pouvoir militaire.
Le pouvoir militaire, je ne dirai pas qu'il a suc-
combé à cette tribune ; il ne faut pas être si prompt
à se réjouir quand on est en face d'une réalité qui
H fait de si grandes choses et qui, en même temps,
a produit de si grands maux ; il faut attendre et
ne pas cesser de s'efforcer.
Mais quant au régime des sénatus-consultes,
est-ce que vous croyez - j'en appelle à l'autorité
de M. le garde des sceaux lui-même, qui a été
si longtemps d'accord avec nous sur ces questions
— est-ce que vous croyez qu'il y a pour l'Algérie
une sécurité quelconque, un crédit stable tant
qu'elle verra peser sur elle l'éventualité des séna-
lus-eonsultes ?
On nous dira que les sénatus-consultes sont au-
jourd nui relégués dans l'histoire ; qu'il n'en sera
plus question; que nous serons investis du pou-
voir législatif en ce qui concerne l'Algérie. Ce-
pendant il est nécessaire, sur ce point, je ne dirai
pas de récriminer, je ne veux pas me servir de ce
mot à propos du discours de M. le ministre de la
guerre, sur lequel je me suis expliqué, cependant
il est nécessaire de revenir sur ce qu'il a dit à la
Boance d'hier et que je ne saurais accepter.
Après avoir déclaré que le Gouvernement réflé-
chissait, qu'il vous ferait connaître sa volonté pro-
posée au Sénat, il ajoutait que les lois qui seraient
proposées ne seraient que de simples commentaires.
Messieurs, nous ne pouvons pas être réduits au
rôle de simples scoliastes d'une autorité supérieure
qui n'émane pas de la volonté nationale ; si nous
acceptions ce rôle, nous déserterions notre man-
dat. (Assentiment à gauche.) Ce ne sont pas des
commentaires, ce sont des lois efficaces et vivan-
tes qui doivent sortir des délibérations de cette as-
semhlée. (Nouvel assentiment à gauche.)
S'il en est ainsi, comment accepterions-nous la
) ivalité d'une assemblée, je ne dirai pas partageant
nos pouvoirs, mais les dominant, pouvant souffler
sur l'édifice que nous aurions construit et qui ne
serait plus qu'un fragile château de cartes dispa-
raissant au gré de ses caprices.
Est-ce là une position que-nous pouvons accep-
ter pour nous-mêmes? Mais j'écarte complètement
cette grande assemblée, et c'est de l'Algérie seule
que je me préoccupe. Quuabordera, qui apportera
ses capitaux sur une terre incessamment soumise
à ces régimes qui se succèdent et se bouleversent
les uns les antres comme les orages- du dé-
sert, et qui, depuis dix-huit ans, par l'opposition
de leurs principes divers, ont détruit les bases fon-
damentales du gouvernement ?
Ceci, messieurs,—permettez-moi de le dire, car
'C est le mot, - c'est l'anarchie officielle, et alors
-que vous avez la volonté de fonder l'organisation
■de l'Algérie, vous n'avez qu'un seul moyen de le
■taire : c'est de vous placer dans la loi, après avoir
placé la loi dans la souveraineté nationale.
C'est une grande joie pour un citoyen que d'a-
voir rencontré, ne fût-ce qu'à la fin de sa carrière,
•ce fondement ferme et stable sur lequel viennent
s'asseoir les institutions de son pays. Ce serait
une grande témérité que de prétendre que nous
rouîmes placés à l'abri des révolutions ;. mais
■ce que nous pouvons affirmer." c'est que nous
ies défions au nom du droit, c'est que nous
avons notre boussole, c'est que nous pouvons con-
tre le despotisme d'en haut, aussi-bien que contre
le despotisme d'eu bas, opposer ..le dogme sacré,
inattaquable, de la volonté nationale. (Vive ap-
probation et applaudissements sur quelques iancs
à. gauche.)
Oh-! sans doute, messieurs, —. je. serais bien
hardi de le proclamer, - il ne peut avoir la pré-
tention de représenter la justice surda terre ; mais
il en est au moins l'image, il en a l'apparence, il
s'en rapproche davantage ; seul il s'impose par le
consentement de tous et, par conséquent, il doit
obtenir le respect de tous, des puissants comme
des Iaibles.
S'ur divers bancs. Très-bien ! très-bien !
M. Jules Favre. Si cela est vrai, si ce sont
les principes sur lesquels nous croyons que la so-
ciété française doit désormais être établie,, com-
jnent, en ce qui touche l'Algérie, qui est encore la
France, la ministère consentirait-il à une exception
aussi dangereuse que celle que consacre l'article
27 de la Constitution?
Eh bien, ce que je demande nettement au mi-
nistère, c'est de proposer l'abrogation de cet arti-
cle. L'Algérie le demande comme moi. Est-ce que
c'est là, messieurs, une grande hardiesse? L'ar-
ticle 27 a-t-il été bien des fois appliqué? Non;
mais, à côté de cet article 27, - MM. les mi-
nistres ,ne me démentiront pas, - se place la
force créatrice des décrets, cette force qui a été,
en réalité, la puissance légiférante de "l'Algérie.
Doux sénatus-consultes seulement, si je ne me
trompe, ont statué sur l'Algérie; tandis qu'un
grand nombre de décrets sont venus régler son
sort »t constituer pour elle cet état d'instabilité
sur lequel j'insistais tout à l'heure.
Ainsi, ma première proposition est celle-ci: Le
ministère ne peut pas prendre une résolution aussi
grave que celle de présenter un sénatus-consulte.,
sans que le Corps législatif soit interrogé, car il est
responsable devant lui : la présentation d'un sé-
natus-consulte est un acte suprême, et nous avons
le droit de contrôle.
Ma-seconde proposition est celle-ci : Nous pou-
vons, sans dommage, sans trouble social, sans
irrévérence pour qui que ce soit, nous conformer
au vœu des Colons, et l'abrogation de l'article 27
sic la Constitution sera accueillie avec d'unanimes
acclamations en Algérie : ce sera le commence-
ment d'une ère nouvelle, l'application d'un prin-
cipe que tous les jours nous réclamons, d'un
principe qui, en définitive, est la devise inscrite
: «H le drapeau de tous les peuples civilisés, je
veux parler du droit commun, et le droit commun,
c'est la loi.
Voilà l'ancre de salut auquel nous devons nous
attacher : Fortiter occupa portarn. Je demande à-la
Chambre pardon de cette réminiscence de collège ;
mais ce qui est solide et stable, ce à quoi nous ne
devons jamais toucher, c'est la loi, la loi par ses
représentants, par ceux qui, sortis du suffrage uni-
votsel, sont investis de l'autorité qui lui donne sa
¡puissance souveraine. En dehors de la loi, il n'y
a rien que le désordre et la force. (Approbation à
gauche.)
S'il en est ainsi, que le ministère, au lien de
s'embarrasser dans la proposition d'un sénatus-
consulte, présente à la Chambre un projet de loi
par lequel il sera statué sur la nomination des dé-
putés en Algérie. -
Et, pour terminer ces observations que je
voulais, courtes et que, involontairement, j'ai
rendues longues, j'en demande pardon à la Cham-
bre. (Non! non! - Parlez!) je dirai que la pro-
position que j'ai l'honneur de faire est absolu-
ment conforme au texte de la Constitution.
La Constitution, en effet, réserve au Sénat le droit
de régler par des sénatus-consultes l'organisation
des colonies et de l'Algérie ; c'est le texte de
l'art. 27; mais il n'est nulle part question, dans
la Constitution, de la représentation de l'Algérie.
C'est seulement dans le décret du 21 février
1852 que se rencontre la clause d'exclusion de
cette rcurésentation; et voici, messieurs, comment
est conçu le dernier paragraphe de l'art. 1 er: de
ce dernier décret : « L'Algérie et les colonies
ne nomment pas de députés au Corps législa-
tLf. »
Vous n'êtes donc point en face de la Cons-
titution. Le Sénat n'est,pour rien dans cette
affaire. Vous êtes en. face d'un simple décret.
Je ne veux pas, messieurs, envenimer cette dis-
cussion. A Dieu ne plaise ! Si je disais tout ce que
i ;ai sur le cœur au sujet des décrets de cette date, à
coup sûr je pourrais blesser qttelmïés-uns d'entre
vous, et je m'en garde-. Mais ce qu'il y a de cer-
tain, c'est que l'époque à laquelle ce décret a été
rendu n'est pas la nôtre ; ce qu'il y a de certain
encore, - je ne crois pas être trop téméraire en
1 affirmant, — c'est qu il y a unanimité dans cette
Chambre pour ne pas désirer son retour.
Eh bien, s'il en est ainsi, il ne reste plus que
cette simple question : Nous sommes en face d'un
acte émané du pouvoir dictatorial ; cet acte émané
du pouvoir dictatorial peut-il être contre-balancé
par un acte émané de la majorité de cette Cham-
bre?
Poser une telle question, c'est la résoudre.
Si le pouvoir dictatorial représentant non pas le
pouvoir constituant, mais le pouvoir législatif a
cru qu'il lui était permis, par des raisons que je
n'ai pas besoin d'examiner et que je connais trop
bien, d'exclure l'Algérie du droit d'envoyer des
députés à la Chambre, comment la Cham-
bre, en 1870, ne pourrait-elle pas modifier l'art. 1er
du décret de 1852"? Voilà la question que je prends
la liberté de vous poser, et, en vérité, elle me pa-
raît la plus simple du monde. C'est de l'un do vos
droits qu'il s'agit, messieurs, et c'est à vous qu'il
appartient de l'exercer.
Et permettez-moi de le dire, ce n'est pas seule-
ment dans le texte, ce n'est pas seulement dans la
théorie, c'est encore dans la nature des choses que
je rencontre la justification de la solution que je
sollicite. Est-ce que vous n'avez pas été effrayés et,
jusqu'à un certain point, humiliés du projet de sé-
natus-consulte qui, en dehors des termes de la
Constitution, statue sur l'élection des députés,
c'est-à-dire sur la composition de votre propre
pouvoir?
J'ai parlé avec autant de révérence qu'il m'a été
possible de l'autre assemblée; mais, messieurs,
est-ce qu'elle ne commettrait pas, sur vos préro-
gatives, une véritable usurpation en introduisant
dans votre sein des éléments que vous n'admet-
triez pas vous-mêmes, puisque leur origine est
contraire à la Constitution tout aussi bien qu'au
dogme de la souveraineté nationale que j'invoquais
tout à l'heure ?
La commission avait été de cet avis ; elle avait
pensé que les députés de l'Algérie ne devaient être
nommes que par les citoyens français ou les ci-
toyens naturalisés. C'est le Gouvernement qui a
imaginé cette singulière disposition qui consiste
à faire coneourir - dans le territoire civil, j'en
conviens, — les indigènes avec les Français et les
naturalisés à l'élection des députés.
Tout vous a été dit, messieurs, sur cette ques-
tion, et je ne veux pas y revenir, seulement je
veux la préciser.
J entendais, a la dernière séance, l'honorable mi-
nistre de la guerre vous dire : Que vous inquié-
tez-vous des territoires militaires ; ils ne compren-
nent que les tribus sahariennes !
Je tombai de mon haut, en entendant une sem-
blable déclaration. Mais, le territoire militaire, il
est au territoire civil comme six est à sept. Le
territoire militaire comprend la partie la plus
fertile, la mieux cultivée* et la plus habitée de
l'Algérie. Le territoire militaire comprend la gran-
de et la petite Kabylie. Vous n'avez qu'à aller à
Blidah : un simple ruisseau vous sépare du terri-
toire militaire, et c'est avec chagrin que les Algé-
riens disent: Une fois le ruisseau franchi, nous
ne pouvons plus avoir justice.
Voilà, messieurs, ce qu'est le territoire civil et
le territoire militaire, et si j'avais à m'occuper de
cette question, j'appuierais de toutes mes forces,
— et en citant à la Chambre des arguments qui,
je l'espère, la pourraient toucher, - l'opinion de
ceux qui demandent la suppression complète du
territoire militaire, qui demandent que l'armée
soit réduite à son rôle glorieux-, grand, conve-
nable pour ses goûts comme pour ses aptitudes,
c'est-à-dire au rôle de'défenseur du sol et de là loi,
sous le commandement de l'autorité civile. Eh
bien !' messieurs, c'est dans ces territoires ainsi
mêlés, où le territoire militaire a là plus grande
part, qu'on voudrait que les indigènes concou-
russent, avec les Français et les naturalisés à
l'élection des députés. Je ne.parle pas des princi-
pes qui ont été invoqués, avec tant d'autorité,
par M. le comte Le lion , de cette distinction
entre le représentant de l'indigénat nommé
par l'indigène et venant s'asseoir au milieu
des Français, dans les conseils municipaux et
provinciaux et le représentant de l'Algérie ;
je parle de la dignité de cette Chambre, de
l'essence de son pouvoir, de cet élément qui
viendrait s'y introduire, non-seulement contraire-
ment aux principes, mais encore contrairement
à tous ses intérêts. Vous voulez que l'Algérie soit
représentée librement; et vous placez dans la cor-
beille nuptiale de cette élection l'épée du militaire
qui va encore peser sur la conscience et les déter-
minations de tous ces indigènes, lesquels,l'empor-
tant de beaucoup sur les électeurs français, entraî-
neront nécessairement par leur chiffre les suffra-
ges qui seront exprimés ! (Assentiment s gauche.)
Cela est complètement impossible, et nous as-
sistons à ce spectacle, que ce qui est contraire aux
principes, contraire aux vœux de l'Algérie, ce qui
nous blesse, ce qui est évidemment en opposition
avec notre dignité, ce qui introduirait dans cette
assemblée des collègues qui n'y seraient pas au
même titre que nous, tout cela peut se faire en de-
hors de nous, par une assemblée qui évidemment
en cela nous est supérieure et disposera de notre
destinée comme de notre pouvoir. Je demande
si ce n'est pas encore une sorte d'anarchie poli-
tique à laquelle il est impossible de vous associer?
Vous avez, messieurs, un moyen très-simple
d'y échapper. Encore une fois, il est inutile de s'a-
dresser au Sénat : si vous voulez que l'Algérie en-
voie des députés à cette Chambre, vous n'avez
qu'à le déclarer. (C'est cela ! c'est cela !) Vous pou-
vez le faire par décret; je ne vous y invite pas: le
règne des -décrets est passé, c'est celui de la loi
qui commence; c'est à la loi que vous voulez vous
adresser. Mais je demande, pour ga propre auto-
rité, pour la satisfaction légitime de cette géné-
reuse Algérie qui a attendu si longtemps cette
tardive restitution, pour la dignité de notre grand
pouvoir, que les députés n'entrent "pas ici par la
porte du bon plaisir, qu'ils y entrent par la grande
porte de la loi. (Très-bien ! a gauche.)
C'est ce qu'ont demandé avec une grande éner-
gie tous ceux qui se sont occupés de cette ques-
tion, et, notamment, deux hommes dont il serait
injuste de ne pas prononcer les noms dans cette
discussion, car ils ont vaillamment servi les inté-
rêts de la colonie; je veux parler des délégués de
Constantine, MM. Viguier et du Pré de Saint-
Maur.
J'ai là le résumé de leurs vœux, et c'est précisé-
ment de ces vœux que j'ai cherché à m'inspirer.
J'ai voulu être leur interprète et l'écho de leurs
pensées. J'ai voulu visiter les rivages de la- Médi-
terranée et vous apporter tout ce que je savais de
l'Algérie, de ce beau pays ; j'ai voulu vous appor-
ter les impressions qui ont envahi mon Cfetlf')
quand, en face de ces valeureux colons, si pleins
d'espoir pour la mère patrie, espoir qui ne sera
pas trompé, et de confiance pour le Corps législa-
tif, je leur disais, pour les consoler : Vous n'avez
qu'à attendre que la lumière se fasse; vous triom-
pherez ; le Corps législatif s'occupera de la ques-
tion, il nous entendra, et mes collègues et moi
nous ne sommes séparés que par des erreurs ou
des malentendus.
Vous le voyez, la barrière est tombée, car nous
nous tendons une main fraternelle pour introniser
la liberté. (Très-bien!)
Voici ce que disaient MM. Viguier et Dupré de
Saint-Maur :
« Il ne s'agit pas de ce que fera le Sénat; il
s'agit de ce que lui proposera le Gouvernement.
« Rien n'oblige le Gouvernement à comprendre
dans le sénatus-consulte autre chose que le prin-
cipe de l'élection des députés, et, en y inserant
des dispositions qui n'ont pas un caractère consti-
tuant, à restreindre ainsi, au lieu de l'élargir, le
domaine du Corps législatif tel que le comporte
actuellement la lettre même de la Constitution. s.
Mais dans une autre partie de leur lettre, ils di-
sent : « qu'ils demandent à protester contre la
pensée, incomplètement abandonnée, de séparer
l'Algérie de la- France par une constitution diffé-
rente de celle de la France, et contre tout sénatus-
consulte qui aurait un autre objet que la restitu-
tion à l'Algérie d'une représentation régulière et
l'abrogation de l'art. 27 de la Constitution de
1852. »
Voici, messieurs, les vœux de l'Algérie ; j'ai es-
sayé de vous les traduire. Je pouvais, à coup sùr,
donner beaucoup plus de développement à cette
opinion ; je juge ce soin tout à fait inutile, il vous
imposerait une fatigue qui n'aboutirait à aucun
résultat présent; et ce que je veux, ce que je dé-
sire, c'est vous mettre en garde contre des réso-
lutions precipitéesdont le mal pourrait être irrépa-
rable.
N'oublions jamais que nous sommes déposi-
taires d'un grand pouvoir et que nous le de-
vons exercer souverainement. Aucun des actes
du pouvoir exécutif ne doit nous échapper, 1.51
quand il &'agit de reconstituer 00 pays (l'ui a été
si longtemps livré à l'anarchie de systèmes con-
tradictoires, c'est par la souveraineté nationale
seule qu'il convient de le régénérer. (Marques
d'assentiment et d'approbation à gauche. — Ap-
plaudissements.)
M. le président Alfred Le Roux. Quelqu un
demande-t-il la parole?.
Puisque personne ne demande la parole, je pro-
pose à la Chambre de clore la discussion.
M. Crémieux. Pardon, monsieur le prési-
dent!.
M. Jules Favre. Ce serait, à ce qu'il me sem-
ble, beaucoup trop imiter les précédents d'un pou-
voir qui a été souvent blâmé par l'opinion publique,
que de ne pas répondre aux questions d'un dé-
puté.
Je fais cette observation avec une grande dis-
crétion. Il ne m'appartient pas d'adresser des som-
mations au ministère ; j'ai le droit de le juger, et
j'en use. Mais il me semble que c'est à la Chambre,
que c'est à l'opinion que le ministère manquerait
s'il gardait le silence quand de semblables ques-
tions lui sont Dosées.
S. Exc. M. Emile Ollivier, garde des sceCfUx,
ministre de la justice et des cultes. L'honorable M.
Jules Favre a raison: quand une question d'une
gravité telle que celle qu'il vient de traiter avec
une si grande élévation et un sentiment de loyauté
et de bienveillance pour le ministère dont nous
devons tous lui savoir gré, quand une telle ques-
tion a été posée devant une assemblée, ne pas
répondre serait au moins de l'inconvenance. Aussi
le Gouvernement n'a-t-il pas manifesté l'intention
de garder le silence : il attend que tout le monde
se soit expliqué dans cette discussion.
L'honorable M. Crémieux désire prendre la pa-
role; d'autres membres de cette assemblée ont
peut-être aussi l'intention d'exprimer leur opinion.
Quand tous les orateurs auront parlé, le Gouver-
nement s'expliquera à son tour. (Approbation.)
M. Jules Favre. Je vous remercie, et je retire
mon observation.
M. le président Alfred Le Roux. La parole
est à M. Crémieux.
M. Crémieux, de sa place. Je ne voulais faire
qu'une simple question.
Plusieurs membres. A la tribune !
D'autres membres. A demain ! à demain !
M. le président Alfred Le Roux. Je yais
consulter la Chambre sur la question de savoir si
elle entend remettre la discussion à demain. (Oui !
oui !)
Puisqu'il n'y a pas d'opposition, la discussion
est remise à demain.
M. Crémieux. Je n'ai qu'une observation à
faire : je ne dois pas arrêter la réponse de M. le
garde des sceaux au discours de M. Jules Favre.
M. le président Alfred Le Roux. La Cham-
bre a accepté la remise à demain, et les choses
restent ainsi décidées.
Pour demain je propose de mettre à l'ordre du
jour des bureaux la nomination de la commission
qui sera chargée de l'examen du code rural.
(Oh ! oh !) lequel a été distribué il y a plus d'un
mois. (Mouvements divers. — Non! non!)
Puisque la Chambre désire attendre, je lui pro-
poserai de mettre à l'ordre du jour des bureaux de
demain deux autres projets de loi :
Un projet de loi portant demande de crédits
pour les vicaires généraux, les chapitres et le
clergé, et un projet de loi relatif à des crédits pour
l'instruction primaire. (Oui ! oui !)
Réunion des bureaux à une heure.
Plizsiettrs membres. Non! non! A une heure et
demie!
M. le président Alfred Le Roux. Soi. t : à
une heure et demie.
A deux heures, séance publique : suite de l'ordre
du jour arrêté par la Chambre.
(La séance est levée à six heures moins dix mi-
nutes.)
Le directeur du service sténographique,
CÉLESTiN LAGACHB. -
Ordre du jour du mercredi 9 mars 1870.
A une heure et demie, — RÉUNION DANS LUS
BUREAUX.
Nomination d'une commission pour l'examen
du projet de loi portant ouverture au ministre de
la justice et des cultes, sur l'exercice 1869, d'un
crédit supplémentaire de 148,950 fr., applicable au
chapitre IV, 2e sectipn : « Vicaires généraux, cha-
pitres et clergé paroissial » (92).
Nomination d'une commission pour l'examen
du projet de loi portant ouverture au ministre de
l'instruction publique, sur l'exercice 1869, d'un
crédit supplémentaire de 1,112,000 fr. pour les
dépenses obligatoires de l'instruction primaire
(118).
A. deux heures, — SÉANCE PUBLIQUE.
Suite de la discussion des interpellations de
M. le comte Le Hon sur les affaires de l'Algérie.
Discussion dès interpellations de M. de Dalmas
et plusieurs de ses collègues, sur le régime des
colonies.
Ordre du jour des convocations du mercredi,
9 mars 1870.
1er bureau, t une heure et demie. (Vérification
de pouvoirs.)
2e commission d'initiative parlementaire, à midi
trois quarts. — Galerie G; no 29.
Commission relative au jugement des délits
commis par la voie de la presse, à neuf heures et
demie du matin. — Galerie D, no 14.
Commission relative aux chemins de fer de la
Vendée, à une heure trois quarts. —Galerie C,
n° 2.
Commission relative à la proposition de M. Co-
chery sur les élections des juges aux tribunaux de
commerce, à midi et demi.— Galerie C, no 4.
4e Commission de l'enquête parlementaire (indu-s-
tries diverses), à midi et demi.- Galerie C, n° 12.
Commission d'enquête sur la mariné marchande,
à midi. — Local du 7e bureau.
N° 20
(Annexe au procès-verbaL — Séance du iD janvier.)
Exposé des motifs d'un projet de code rural.
(Suite) -
Une loi sage, qui prévoit les cas les plus ordinai-
res et que les parties peuvent d'ailleurs modifier au
gré de leurs convenances réciproques, est infiniment
préférable; elle laisse aux contractants la plus en-
tière liberté, supplée à leur imprévoyance et l'ait pré-
valoir les idées de j ustiee.
Le C. Nap. ne pourrait cependant pas suffire, et
ceux qui demandent son rétablissement pur et sim-
ple ont été déjà condamnés par l'expérience. Ses
régies générales ne sont pas suffisantes. En mainte-
nant nos anciennes coutumes, souvent obscures ou
incohérentes, il consacrait d'une manière fâcheuse là*
diversité des lois. Mieux vaut l'uniformité sagement
établie en 1838, et le gouvernement a pensé qu'il de-
vait maintenir, en l'a perfectionnant le plus possi ble,
la loi promulguée à cette cpoque. G est le système
qui avait prévalu, en 1858, à la Société impériale de
médecine vétérinaire ; c'est encore celui qu'elle a
adopté une seconde fois sons difficulté, lorsqu'elle a
été consultée de nouveau en 1868.
Le système de la loi du 20 mai 1838 est très-sim-
ple. Dans son art. 1er, elle énumère les maladies qui
donnent lieu à la rédhibition. Ces maladies sont ré-
putées vices cachés. La loi tient pour certain qu'ils
existaient au moment de la vente, s'ils ont donné
lieu à une réclamation dans les délais qu'elle déter-
i-nirie.
Elle admet aussi que ces vices sont toujours assez
graves pour motiver une résolution rie contrat elle
donne de la sorte une base certaine a 1 action redhi-
bitoire. Mais, en même temps, elle est limitative, et
l'action, à moins de stipulations contraires, ne peut
être engagée, ni pour d'autres maladies, ni pour
d'autres animaux que ceux qui sont enumeres dans
la loi. Ce sont là ses dispositions fondamentales.
Dans les articles suivants, elle détermine les délais
dans lesquels l'action doit être engagée; elle règle
la forme à employer alin de constater la makhiie
pour tout le reste, elle- son réfère au droik caaifmin.
Cette loi a servi de modèle à la Belgique, qui, le
28 j an v. 1850, a,adopté une loi analogue, et il faut
reconnaître que si, en France, la loi do 1838 a été
l'objet do vives attaques, les critiques s'en prennent
bien moins à la loi qu'à la nomenclature des vices
rédhibitoires.
Dans les pays de production, on la trouve trop
étendue; les acheteurs, au contraire, prétendent qu'elle
est insuffisante.
En maintenant dans son ensemble la loi de 1838, le
Gouvernement a cherché à tenir une juste balance
entre ces prétentions contraires, à donner satisfac-
tion à tous les intérêts légitimes; et il ne s'est décidé
à modifier la nomenclature des vices rédhibitoires
qu'après avoir interrogé les hommes les plus compé-
tents et consulté une dernière fois la Société
impériale de médecine vétérinaire. Un de ses
membres les plus éminents, M. Henri Bouley,
membre de l'Académie des sciences et inspecteur
des écoles vétérinaires, a été plusieurs fois appelé
dans les réunions des deux sections du conseil d'Etat
qui ont fait les travaux préparatoires, et il a ainsi
(1) Voir le Journal officiel des 19 et 25 février, et
2, 5 et 8 mats.
concouru très-utiîenieht à là rédaction du prdjet,
qui à été adopté par l'assemblée générale du conseil
et qui est soumis au (Sorps législatif.
Dans ce projet, l'art. 1er (loi de 1838) est devenu
l'art. 83 du C. rural ; mais il a été modifié en plu-
sieurs points. Sa rédaction, un peu trop absolue peut-
être, avait fait naître des questions singulières ttdont
quelques-unes ont été assez vivement débattues. On
s'est deiiiandé si la nomenclature des viees rédhibi-
toires établie dans cette loi n'était pas imposée aux
parties, nonobstant toute convention contraire. On
reconnaissait bien que la garantie pouvait être éten-
due par les stipulations des contractants, mais on a
soutenu qu'elle ne pouvait être restreinte, let que le
vendeur étant de par la loi présumé connaître le vice
caché, tandis que l'acheteur était présumé l'ignorer,
la convention par laquelle le premier s'affranchirait
de la garantie serait une convention présumée frau-
duleuse.
D'un autre côté, on a prétendu sérieusement que
les vices, apparents de leur nature, ne pouvaient, en
présence de l'art. 1er de la loi, donner ouverture à
l'action rédhibitoire, lors même qu'ils avaient été
..-masqués temporairement au moyen de "manœuvres
5 frauduleuses. Par là, on laissait le champ libre 'aux
artifices des maquignons.
Enfin, on a jugé plus d'une fois que lorsqu'un ani-
mal atteint d'une maladie contagieuse a été vendu
en délit, contrairement aux lois sanitaires, le délin-
quant, passible des peines portées par les articles
459 et 460 du C. pénal, ne peut être tenu de domma-
ges-intérêts envers l'acheteur trompé, si la maladie
contagieuse n'est comprise dans la liste des vices
rédhibitoires, et si l'action civile n'a été engagée
dans le délai déterminé par la loi de 1838. Cette
dernière question, décidée en sens contraire par les
tribunaux, a été obligée de proclamer que la loi de
1838 n'avait pas été laite pour protéger les délits.
(Arrêts des 17 juin 1817 et 12 mai 1855 (Ch. crim.).
V. Dalloz, 47, 1, 252, et 55, 1, 443.)
En réalité, aucune de ces difficultés n'est bien sé-
rieuse, et tôt ou tard la Cour de Cassation, faisant
prévaloir l'esprit de la loi sur les arguments tirés de
son texte, mettrait fin à cette controverse. Mais ce
résultat se ferait peut-être longtemps attendre; car,
en ces procès de peu d'importance, le recours en
cassation est rare et liaction régulatrice de la Cour
ne peut se faire sentir qu'à de bien grands interval-
les. On a donc cru qu'il est sage de couper court à
ces difficultés en plaçant en tète de l'article 83 deux
lignes qui laissent sous l'empire du droit commun la
liberté des conventions, le dol et le délit.
Quant à la nomenclature des vices rédhibitoires
contenue dans la suite de cet article, elle est modi-
fiée. Quelques-uns sont retranchés, d'autres sont
ajoutés, un ou deux sont caractérisés d'une manière
nouvelle. (Pour cette partie de son travail, le rappor-
teur s'est beaucoup aidé d'un mémoire adressé par
M. H. Boulev au Ministre du Commerce, et faisant
connaître l'opinion de la Société impériale de méde-
cine vétérinaire, en 18G8.)
Pour l'espèce chevaline, le projet fait disparaître
de la liste la fluxion périodique des yeux; l'cpilepsie,
les anciennes maladies de poitrine bu vieilles cour-
batures, les hernies inguinales intermittentes.
L'épilepsie et la hernie inguinale intermittente
sont des affections extrêmement rares. Il est très-
difficile de les constater. Les accès d'épilepsie no-
tamment ne se produisent presque jamais en pré-
sence de l'homme de l'art, et des témoins ordinaires
peuvent facilement se tromper. Il a semblé sage
d'exclure ces deux maladies de la nomenclature lé-
gale.
- La fluxion périodique des yeux est un mal assez
commun et qui, quelquefois, est grave. En lui-même
il a donc le caractère d'un vice rédhibitoire, Mal-
heureusement, il est facile de le simuler, et l'on ne
parvient qu'avec beaucoup de peine à en constater
l'existence réelle. A raison de sa nature chronique,
il exige une longue vérification; l'animal doit être
gardé plusieurs mois en fourrière, très-attentivement
observé at aussi très-attentivement surveillé pour
déjouer les manœuvres frauduleuses. L'existence du
mal ne peut donc être prouvée qu'au moyen d'une
instruction très-longue, très-dispendieuse, et dont
les frais, presque toujours, dépassent de beaucoup
la valeur de l'animal.
Les acheteurs de mauvaise foi, qui savent parfai-
tement-combien les procès de cette nature sont re-
doutés par les éleveurs, emploient trop souvent des
artifices coupabfes pour donner à l'animal qu'ils ont
acheté l'apparence de cette maladie et obtenir du
.vendeur une diminution de prix ou la résolution
d'un marché qui a cessé de leur convenir. Le retran-
chement de cette maladie du catalogue des vices ïê-
dhibitoirespréviendra de nombreuses fraudes. D'ail-
leurs, la fluxion périodique de l'œil n'a très-souvent
qu'une médiocre importance, et il sera toujours fa-
cile à l'acheteur, quand l'animal vendu aura un grand
prix, de se mettre à l'abri de tout risque par une
convention particulière.
La maladie ancienne de poitrine ou vieille courba-
ture, désignée ainsi dans des termes très-vagues, a
donné lieu à des difficultés sans fin. Il est presque
toujours impossible de reconnaître, môme à l'autop-
sie, si la maladie de poitrine qui a fait périr l'ani-
mal est ancienne ou récente. Dans l'espèce chevaline,
la phthisie pulmonaire n'existe presque jamais; et
les affections purulentes se développent dans le pou-
mon de ces animaux avec.ùne rapidité si grande.qu'il
est très-difficile d'assigner une date à leur origine.
De plus, lorsque la maladie est ancienne et grave,
il est impossible de ne pas reconnaître, au moment de
la vente, que l'on achète un animal défectueux et de
peu de valeur. On est donc dififcilement trompé :
dès qu'il est certain, le mal devient apparent; il doit
donc être retranché de la liste.
La pousse a donné lieu à tant de procès, eile a
causé tant d'abus, qu'il a été très-sérieusement ques-
tion d'éliminer du nombre des vices rédhibitoires
cette maladie, qui, souvent, permet encore Un bon
travail. L'expression qui la caractérise dans la loi-de
1838 manque de précision. Des vétérinaires l'Ont ap-
pliquée à toute espèce d'essouflements. On a trouvé
des moyens pour donner à un bon cheval la respira-
tion entrecoupée, et là Société de médecine vétéri-
naire a constate, dans ses délibérations, que l'on
avait entendu quelquefois des marchands de che-
vaux tenir ce langage expressif : « Un cheval doit
être déclaré poussif quand il ne vous convient pas(l).»
On fabrique la potlsse, disent les vétérinaires, et
par cette fraude on obtient presque à volonté des
diminutions de prix. Cependant, la véritable pousse
est. permanente; elle est le symptôme d'une maladie
grave plutôt qu'elle 'n'est elle-même une maladie.
Elle révèle l'existence de l'emphysème pulmonaire ou
de l'infiltration (te l'air dans le tissu du poumon.
Dans ce cas. elle est reconnaissable à des signes cer-
tains. Nous avons pensé que nous ferions une chose
bonne et juste en plaçant au nombre des vices ré-
dhibitoires, nonpas la pousse indéterminée des anciens
usages, mai? l'emphysème pulmonaire; non plus le
symptôme, mais le ma) lui-même. Par là, en réalité,
nous maintenons dans la loi la pousse véritable, celle
qui signale une maladie profonde du poumon et qui
en est le résultat.
La loi de 1838 avait placé au nombre des vices
rédhibitoires le tic sans usure de dents. Lorsque les
dents sont usées par suite du tic, il y a, disaient les
rédacteurs de la loi de 1838, un signe apparent de
la maladie, et par conséquent l'acheteur a pu se
mettre en garde. Tel est le motif qui avait déterminé
la restriction contenue dans cette loi. Mais l'usure
est quelquefois très-peu apparente. Dans tous les cas,
elle ne peut être reconnue que par des hommes
exercés. Or, pour ne pas être un vice caché, dans le
sens de la loi, il faut que le mal soit de nature à
être reconnu par le commun des acheteurs. La So-
ciété de médecine vétérinaire demande en consé-
quence que l'on renonce à la distinction faite par la
loi de 1838, et, consacrant cette opinion, le nouveau
projet de loi enregistre parmi les vices rédhibitoires
le lic avec ou sans usure (le dents.
Ainsi, pour l'espèce chevaline, quelques vices ré-
dli bitoires ont été modifiés, quelques autres ont été
retranehés; il en est qui doivent être aj outés : telle
est la méchanceté du cheval.
,-' En 1838, les trois écoles vétérinaires do France
avaient demandé cette addition (elle est admise par
la loi du Portugal. V. Dalloz, V" vices rédhibitoires,
nos 19 »t 97). La Chambre des députés la repoussa, et
son rapporteur, M. Lherbette, en donna cette raison :
Il Ces vices de caractère, portés à un haut degré,
sont d'ailleurs très-rares, et cèdent presque toujours
et en fort peu de temps à la douceur. Qu'on s'y ac-
coutume envers les animaux domestiques, et fort peu
se montreront méchants, rétifs et ombrageux. » On
peut ajouter, à l'appui de cette opinion, que, par des
mauvais traitements, on pourrait rendre momenta-
nément méchant l'animal le plus doux.
Mais ces considérations doivent céder à la gravité
des faits. L'expérience a obligé l'administration de
la guerre à stipuler dans tous ses achats la garantie
pour cas de méchanceté ou de rétivité. Il en est de
même pour l'administration des omnibus. Le vétéri-
naire de cette compagnie fit connaître, lors de la dis-
cussion de 1858, qu'elle, achetait alors, en moyenne,
challue année, environ mille chevaux. Sur ce nom-
bre, on en rendait aux marchands à peu près une
douzaine, dans les quinze jours qui suivaient la ré-
ception, et, malgré cette précaution, la compagnie
était condamnée chaque année à payer une somme
assez ronde pour dommages causés par des chevaux
méchants. Aussi 'la société de médecine vétérinaire
a-t-elle, d!une voix unanime, demandé, en 1858, que
l'on rangeât parmi les vices rédhibitoires la méchan-
ceté du cheval caractérisée par l'habitude de mordre
et de frapper. Consultée de nouveau en 18(38, elle a
exprimé le même vœu, et le projet adopte cette opi-
mon.
Sans doute il en -pourra résulter quelques difficul-
tés pratiques ; mais la méchanceté est un vice d'une
gravité tout exceptionnelle : c'est celui pour lequel
la loi doit montrer la sévérité la plus'grande. Il ne
s'agit pas, en effet, d'une simple perte d'argent pour
l'acheteur ou pour le vendeur; mais il y va de la sé-
curité et de la vie. Il est de l'intérêt public que les
chevaux méchants, ceux qui, plus que tous les au-
tres, ont reçu et méritent le titre de chevaux vicieux,
soient mis complètement hors du commerce.
Des raisons analogues, mais cependant moins gra-
ves, ont fait placer au nombre des vices rédhibitoi-
res la rétivité caractérisée par le refus de l'aninial
de se laisser utiliser ait service auquel il est destiné.
Un pareil défaut est évidemment une cause de réso-
lution, et" il est toujours facile d'en constater l'exis-
tence. ,.'
(1) Procès-verbaux de la Société de médecine vé-
térinaire en 1858, p. 200.
J)ànà Vcspeèe boviiie, le projet fait disparaître du
nombre des vices rédhibitoireg Yépilepsie, dont nous
a vous.déjà parlé à propos du cheval; le renmrse-
ment du vagin, qui n'a pas de conséquences suffisam-
ment dommageables; le renversement de l'utérus,
assez rare pour qu'il soit tout à fait inutile de s'en
occuper, et enfin la phthisie pulmonaire.
Cette dernière maladie, qu'on appelle vulgaire-
ment la pommelière, est celle qui a occasionné les
attaques les plus vives contre la loi de 1838. Il parait
certain qu'elle a donne lieu partout à des procès
très-nombreux; il paraît certain aussi que, hors les
cas où l'autopsie est possible, la science ne fournit
aucune preuve assurée de l'existence du mal. Il en
résulte que le sort d'un procès fondé sur ce vice
rédhibitoire est toujours très-douteux.
Les expertises se multiplient, se contredisent; la
miso en fourrière se prolonge pendant des mois en-
tiers, la dépense devient énorme. On cite tel procès
qui a coûté 3,0110 francs à propos d'un animal qui
ne valait pas 30J francs. Les éleveurs redoutent au
plus haut degré de pareils litiges, et il suffit que la
contestation s'engage pour qu'une transaction soit
imposée au vendeur. Dans le département des
Basses-Pyrénées, le conseil général a fait entendre
à ce sujet de pressantes réclamations; plus tard,
M. Larabure s'en est fait l'organe à l'enquête agri-
cole. Dans uns partie de ce département, il s'est
établi entre les éleveurs une espèce de société
d'assistance judiciaire qui leur donne le moyen de
résister avec plus d'avantage aux acheteurs de mau-
vaise foi. Dans une.partie de la Bretagne, on a pris,
dit-on, une précaution d'une autre nature : tous les
éleveurs sont munis de formules imprimées, qu'ils
ont bien soin de faire signer au moment de la vente
et qui les déchargent de toute garantie à raison de
la phthisie pulmonaire. , ,
Cet ensemble de faits nous a déterminés a retran-
cher la phthisie pulmonaire de la nomenclature con-
tenue dans le projet de loi. Une source de litiges
ruineux sera tarie. Il en résultera probablement peu
de préjudices pour les partie; contractantes, car
cette I maladie, lorsqu'elle est arrivée à un degré
avancé, amaigrit tellement l'animal, qu'il est bien
difficile de se faire illusion sur son peu de valeur.
Tout-fois, dans l'intérêt de l'hygiène publique, il est
fort' désirable que la science" médicale trouve enfin
un moyen efficace de constater l'existence de cette
terrible maladie.
Au moyen de ces modifications, il ne reste plus de
vices rédhibitoires pour les bœufs; la vache seule
peut donner lien à des réclamations de cette nature,
en cas de non-délivrance, si le part esl antérieur à
la lwralson. Par ces derniers mots, on fait cesser
une controverse à laquelle a donné lieu, jusque dans
ces derniers temps, le texte ambigu de la loi do
1838. Elle disait : « Les suites de la non-délivrance
après le part chez le vendeur. » Abusant de cette der-
nière locution, le propriétaire de la vache non-déli-
vrée la vendait à un intermédiaire complaisant, qui
la revendait à son tour; et si le nouveau proprié-
taire voulait exercer un recours, on lui répondait,
non sans succès, que le part n'avait pas eu lieu chez
le vendeur. La nouvelle rédaction ne permei pas de
semblable équivoque, et manifeste plus clairement la
véritable pensée de la loi.
(La suite prochainement.)
Exposition internationale maritime
de Naples en 1870.
La commission chargée de l'organisation de la
section française à l'exposition de Naples, s'est
réunifie 4 de ce mois au ministère de l'agriculture
et du commerce, et a délégué l'un de ses mem-
bres, M. Louis Weil, membre de la commission
des valeurs de douane, psur se concerter avec la
commission1 royale italienne sur les conditions
d'admission des produits français à ce con-
cours.
M. Louis Weil, délégué de la commission, se
rend immédiatement à Naples pour s'entendre à
ce sujet avec les commissaires royaux.
Ministère de la guerre.
Un concours s'ouvrira au Val-de-Gràce, le
10 mai prochain, pour quatre emplois de répéti-
teur à l'école du service de santé militaire, à
Strasbourg.
Ces emplois se rapportent aux parties de l'en-
seignement ci-après indiquées, savoir :
1° Pathologie chirurgicale et médecine opéra-
toire ;
2® Pathologie médicale et pathologie générale ;
3° Chimie et physique médicales.
Pour chacune des spécialités, les épreuves sont
fixées ainsi qu'il suit :
CONCOURS EN CHIRURGIU
1° Composition sur un sujet de pathologie chi-
rurgicale ; :
2° Epreuve clinique :
3° Interrogations.
CONCOURS EN MÉDECINE
1° Composition sur un sujet de pathologie gé
nérale ;
2° Epreuve clinique ;
3° Interrogations.
CONCOURS EN CHIMIE ET PHYSIQUE
1° Composition sur un sujet de physique ;
2° Epreuve pratique de chimie ;
3° Interrogations sur ces deux sciences.
Dans les trois spécialités, la première épreuve
sera éliminatoire.
La composition des jurys d'examen et le mode
d'exécution des épreuves continueront à être ré-
glés par le programme en date du 26 juillet 1860,
inséré au Journal militaire (1860, 2e semestre, pa-
ges 51 et 52).
Pourront être admis à prendre-part au concours
dans l'une ou l'autre des trois spécialités, les mé-
decins aides-majefrs des deux classes et les méde-
cins-majors de 2° classe.
Pour l'emploi de répétiteur de chimie et de
physique, les pharmaciens aides-majors des deux
classes et les pharmaciens-majors de 2e classe
pourront être admis aux -épreuves.
Les officiers de santé qui désireraient concourir
devront adresser une demande régulière, appuyée
d'un avis motivé de leurs chefs directs. Cette de-
mande, qui indiquera la spécialité pour laquelle le
candidat se présente, devra parvenir au ministre
avant le 20 avril prochain, terme de rigueur, par
la voie hiérarchique, c'est-à-dire par l'intermé-
diaire des généraux commandant les divisions ter-
ritoriales ou des intendants militaires, suivant
que l'officier de santé est attaché à un corps de
troupe ou à un établissement hospitalier.
Ministère de l'agriculture et du commerce.
Sur la proposition du comité consultatif d'hy-
giène publique, le ministre de l'agriculture et du
commerce vient de décerner des récompenses ho-
norifiques aux membres des conseils d'hygiène
publique et de salubrité qui se sont le plus parti-
culièrement distingués par leurs travaux pendant
l'année 1868, savoir :
Médaille d'or.
M. le docteur Fouquet, secrétaire du conseil
central d'hygiène et de salubrité du Morbihan.
Rappel de médaille d'argent.
M. le docteur Simonin (Edmond), membre du
conseil central de la Meurthe.
Médailles d'argent.
M. Bidart, chimiste, membre du conseil central
d'hygiène de la Seine-Inférieurs.
M. Dominé, pharmacien-chimiste, membre du
conseil central de l'Aisne.
M. Dubos, vétérinaire, secrétaire du conseil cen-
tral de l'Oise.
M. Guéranger, chimiste, membre du conseil
central de la Sartlie.
M. Jozon, pharmaeien-chimiste, membre dn
conseil central de l'Aisne.
M. le docteur Monnard, membre du conseil
centralde la Moselle.
M. Taîllefer, chimiste, membre du conseil cefl
tral de la Moselle.
M. le'docteur Wimpfen, secrétaire du on
central du Haut-Rhin.
Médailles de bronze.
M. Barnsby, pharmacien, membre du cen
central d'hygiène d'Indre-et-Loire.
M. le docteur Benoist, membre du conseil d'h
giène de l'arrondissement de Belfort (Haut-Hhin
M. !e docteur .Bergeon, membre du con
central de l'Allier.
M. le docteur Bonnichon, membre du coitf
central du Cher.
M.JBoisnard, vétérinaire, membre du conseil
la Charente.
M. Giorgino, pharmacien-chimiste, membre q
conseil central du Haut-Rhin.
M. Claude, pharmacien-chimiste, membre d
conseil central de la Meurthe.
M. Labordette, pharmacien, membre du consl
central des Basses-Pyrénées.
M. Séguin, secrétaire du conseil central clt,
sère.
M. du Liège el' Aunis a été élu Inemb
du conseil général du département de
Somme pour le canton de Saint-Valery.
Le ministre des affaires étrangères v
cevra le mercredi 9 mars.
Le ministre de la guerre recevra 1
mercredi 9 mars.
Le ministre de l'instruction pubiiq11
recevra le mercredi 9 mars et les mot
credis suivants.
Le ministre de l'agriculture et du coffl
merce recevra le mercredi 9 mars.
Le ministre des travaux publics recevl
le mercredi 9 mars.
Le Président du Corps législatif recev®
le mercredi 9 mars.
FAITS DIVERS
Le grand référendaire du Sénat recevra le me ,
crcdi 9 mars et les mercredis suivants.
Le premier président de la cour des coiii
ne recevra pas le jeudi 1.0 mars ni les jeudis su|M
vants, mais il recevra le mercredi 9 mars ot-V
mercredis suivants.
Il résulte d'informations transmises au Jilin'
[ère de la marine, que le 23 février dernier, H,
été recueilli, épave sur la côte de Vielle (quarti de Dax), une planche de couronnement do navi
portant le nom de Triton écrit en lettres blancb ,
de 12 centimètre de hauteur, sur fond noir. J
M. Masson, gendarme retraité, demeurant
Saint-IIaon-le-Chàtel (Loire), vient d'adresser
ministère de l'intérieur une somme de 30 frad
destinée à être répartie par moitié entre rOrPh
linat du Prince Impérial et la Caisse des offran
nationales en faveur.:des armées de terre c j
mer (souscription annuelle). I
*
Les recherches auxquelles se livrait le ,cn.¡)
de sûreté pour découvrir, les contrebandiers q
introduisaient à Paris, sans payer les droits u c11
trée, d'énormes quantités d'alcool, viennent d'a"
mener encore l'arrestationd'un des plus hardiS
compères affiliés à cette bande.
Hier, en effet, un agent du service de sûreté*
mis la main sur un individu qui venait d'arrivé
par le chemin de fer de Lyon, et dont la figure,
qui ne répondait nullement à l'énorme développa
ment de son abdomen, avait paru au limier de
police un indice révélateur. L'inspecteur conduisit
son homme au poste et le fit déshabiller. On cons'
tata alors que le particulier était complétement
capitonné par une espèce de cuirasse en caonl":
chouc, composée de deux feuilles hermétiquement!
jointes sur les bords et qui formaient une outrO 1
volumineuse toute remplie d'excellente eau-de'
vie.
Cet individu, qui se nomme Eugène D. et e,,
âgé de trente-quatre. ans, a été immédiatement
écroué au dépôt.
Deux jeunes gens, qui étaient visiblement sur--
excités par la boisson, suivaient hier soir, verS
six heures, dit la Gazette des Tribunaux, le qua1
près du pont de l'Archevêché.
L'un d'eux, René H. , âgé de vingt-huit anS,
orfèvre, fit la gageure qu'il se jetterait dans la
Seine, et irait prendre pied sur l'autre rive. Le
pari fut tenu, on se tapa dans la main, et Hüné,
sans prendre la peine de se débarrasser de ses vÔ"
tements, se précipita dans 4a rivière.
Mais à peine fut-il à l'eau qu'il fit des signes ¡hl
détresse. Son camarade se mit à crier au secoure
M. Guillant, pontonnier de la station de la Tenu
nelle, accourut et fut assez heureux pour repèt'b¡,r
le malheureux au moment où il allait disparaître j
II., qui était complètement a reçu touS j
les soins qui lui étaient nécessaires au poste do <
police dé la rue de Pontoise. ]
Hier soir, vers minuit, un fiacre qui ramonait
du théâtre de la Porte-Saint-Martin une dame et
ses deux filles, accrocha en passant une autre voi-
ture, qu'elle endommagea.
Le cocher fouetta ses chevaux et partit au galojl.
L'une des jeunes filles, effrayée de la rapidité de
cette course, se pencha dehors par la portière pouf
lui crier de s'arrêter.
Au coin du Faubourg-Poissonnière et de la m3
Richer, la portière s'ouvrit, la jeune fille tomba, et
la voiture lui passa sur le corps.
La mère et la sœur, qui étaient restées dans la
voiture, poussaient. des cris de terreur; le codll':;
finit par s'arrêter ; la mère' et la sœur arrivèrent- a j
la pharmacie où l'on avait transporté le jeune fille j
à qui un médecin donnait des soins; toutes deu* j
s'évanouirent de saisissement.
L'accident, à ce qu'a déclaré le médecin, lilallrl
pas de suites sérieuses: la voiture, ayant pas;;l'
très-rapidement, sur la jeune fille, ne lui a fait ql1(
des contusions sans gravité. (Constitutionnels
Un homme, ayant le costume et les allures d 1111
campagnard, se présentait tout récemment devait
l'abbé X., l'un des vicaires de l'église 1NOt
Dame de Paris, et après lui avoir annoncé q1-1
était le neveu par alliance d'un ecclésiastique aU
jourd'hui décédé, et attaché, il y a quelques au
nées, au service de la cathédrale, il lui deman
de vouloir bien, en souvenir de l'amitié qui l'el,¡11
OURNAI OFFlCiEl, D!i t, EJiWÎ*i; FKANUAÎS
9 Mars 1870.
-
Mais s'il estinutite, Jevons le demande, à vote
qui n'êtes, plus les ministres d'un pouvoir devant
lequel vous devez ,etre courbés, mais les ministre!
d'une nation lib»e, vous inspirant de sa volonté,de
nés désirs, de ses généreux sentiments, qu'avez-
vous à faire? vous êtes vis-à-vis d'une lettre morte,
avez le donc courage de l'élaguer de vos codes poui
qu'elle ne subsiste plus. (Oui! - Très-bien! à
gauche), car non-seulement elle pourrait y être
un mauvais souvenir, mais elle deviendrait un
embarras et un danger.
Et laissez-moi vous le dire, messieurs, l'hono-
Table comte Le Hon n'a pas craint de vous l'expri-
mer ou de vous le faire entendre avec cette me-
suie qui lui est particulière et que souvent ie
voudrais bien lui prendre. (Sourires.)
Il vous a fait observer qu'il était tout à fait inu-
tile de conserver pour l'Algérie le pouvoir consti-
tuant que le Sénat exerçait et qu'il y aurait une
ires-grande utilité, au contraire, à le supprimer
complètement.
Quant à moi je ne dis pas qu'il y a utilité seu-
lement, je dis qu'il y a nécessité, d'abord parce
'que vous avez la prétention de vous conformer aux
vœux de l'Algérie et que l'Algérie a constamment
proteste, comme elle proteste encore, contre le
pouvoir personnel, et en cela elle a suivi le mou-
vement de la France, elle a été dans ses sentiments,
dans ses pensées, dans ses aspirations, et son cœur
ïi battu avec le nôtre.
Mais, pour l'Algérie, quel est le pouvoir per-
sonnel? Il s'y préssnte sous deux aspects : le ré-
gime du sénatus-consulte et le pouvoir militaire.
Le pouvoir militaire, je ne dirai pas qu'il a suc-
combé à cette tribune ; il ne faut pas être si prompt
à se réjouir quand on est en face d'une réalité qui
H fait de si grandes choses et qui, en même temps,
a produit de si grands maux ; il faut attendre et
ne pas cesser de s'efforcer.
Mais quant au régime des sénatus-consultes,
est-ce que vous croyez - j'en appelle à l'autorité
de M. le garde des sceaux lui-même, qui a été
si longtemps d'accord avec nous sur ces questions
— est-ce que vous croyez qu'il y a pour l'Algérie
une sécurité quelconque, un crédit stable tant
qu'elle verra peser sur elle l'éventualité des séna-
lus-eonsultes ?
On nous dira que les sénatus-consultes sont au-
jourd nui relégués dans l'histoire ; qu'il n'en sera
plus question; que nous serons investis du pou-
voir législatif en ce qui concerne l'Algérie. Ce-
pendant il est nécessaire, sur ce point, je ne dirai
pas de récriminer, je ne veux pas me servir de ce
mot à propos du discours de M. le ministre de la
guerre, sur lequel je me suis expliqué, cependant
il est nécessaire de revenir sur ce qu'il a dit à la
Boance d'hier et que je ne saurais accepter.
Après avoir déclaré que le Gouvernement réflé-
chissait, qu'il vous ferait connaître sa volonté pro-
posée au Sénat, il ajoutait que les lois qui seraient
proposées ne seraient que de simples commentaires.
Messieurs, nous ne pouvons pas être réduits au
rôle de simples scoliastes d'une autorité supérieure
qui n'émane pas de la volonté nationale ; si nous
acceptions ce rôle, nous déserterions notre man-
dat. (Assentiment à gauche.) Ce ne sont pas des
commentaires, ce sont des lois efficaces et vivan-
tes qui doivent sortir des délibérations de cette as-
semhlée. (Nouvel assentiment à gauche.)
S'il en est ainsi, comment accepterions-nous la
) ivalité d'une assemblée, je ne dirai pas partageant
nos pouvoirs, mais les dominant, pouvant souffler
sur l'édifice que nous aurions construit et qui ne
serait plus qu'un fragile château de cartes dispa-
raissant au gré de ses caprices.
Est-ce là une position que-nous pouvons accep-
ter pour nous-mêmes? Mais j'écarte complètement
cette grande assemblée, et c'est de l'Algérie seule
que je me préoccupe. Quuabordera, qui apportera
ses capitaux sur une terre incessamment soumise
à ces régimes qui se succèdent et se bouleversent
les uns les antres comme les orages- du dé-
sert, et qui, depuis dix-huit ans, par l'opposition
de leurs principes divers, ont détruit les bases fon-
damentales du gouvernement ?
Ceci, messieurs,—permettez-moi de le dire, car
'C est le mot, - c'est l'anarchie officielle, et alors
-que vous avez la volonté de fonder l'organisation
■de l'Algérie, vous n'avez qu'un seul moyen de le
■taire : c'est de vous placer dans la loi, après avoir
placé la loi dans la souveraineté nationale.
C'est une grande joie pour un citoyen que d'a-
voir rencontré, ne fût-ce qu'à la fin de sa carrière,
•ce fondement ferme et stable sur lequel viennent
s'asseoir les institutions de son pays. Ce serait
une grande témérité que de prétendre que nous
rouîmes placés à l'abri des révolutions ;. mais
■ce que nous pouvons affirmer." c'est que nous
ies défions au nom du droit, c'est que nous
avons notre boussole, c'est que nous pouvons con-
tre le despotisme d'en haut, aussi-bien que contre
le despotisme d'eu bas, opposer ..le dogme sacré,
inattaquable, de la volonté nationale. (Vive ap-
probation et applaudissements sur quelques iancs
à. gauche.)
Oh-! sans doute, messieurs, —. je. serais bien
hardi de le proclamer, - il ne peut avoir la pré-
tention de représenter la justice surda terre ; mais
il en est au moins l'image, il en a l'apparence, il
s'en rapproche davantage ; seul il s'impose par le
consentement de tous et, par conséquent, il doit
obtenir le respect de tous, des puissants comme
des Iaibles.
S'ur divers bancs. Très-bien ! très-bien !
M. Jules Favre. Si cela est vrai, si ce sont
les principes sur lesquels nous croyons que la so-
ciété française doit désormais être établie,, com-
jnent, en ce qui touche l'Algérie, qui est encore la
France, la ministère consentirait-il à une exception
aussi dangereuse que celle que consacre l'article
27 de la Constitution?
Eh bien, ce que je demande nettement au mi-
nistère, c'est de proposer l'abrogation de cet arti-
cle. L'Algérie le demande comme moi. Est-ce que
c'est là, messieurs, une grande hardiesse? L'ar-
ticle 27 a-t-il été bien des fois appliqué? Non;
mais, à côté de cet article 27, - MM. les mi-
nistres ,ne me démentiront pas, - se place la
force créatrice des décrets, cette force qui a été,
en réalité, la puissance légiférante de "l'Algérie.
Doux sénatus-consultes seulement, si je ne me
trompe, ont statué sur l'Algérie; tandis qu'un
grand nombre de décrets sont venus régler son
sort »t constituer pour elle cet état d'instabilité
sur lequel j'insistais tout à l'heure.
Ainsi, ma première proposition est celle-ci: Le
ministère ne peut pas prendre une résolution aussi
grave que celle de présenter un sénatus-consulte.,
sans que le Corps législatif soit interrogé, car il est
responsable devant lui : la présentation d'un sé-
natus-consulte est un acte suprême, et nous avons
le droit de contrôle.
Ma-seconde proposition est celle-ci : Nous pou-
vons, sans dommage, sans trouble social, sans
irrévérence pour qui que ce soit, nous conformer
au vœu des Colons, et l'abrogation de l'article 27
sic la Constitution sera accueillie avec d'unanimes
acclamations en Algérie : ce sera le commence-
ment d'une ère nouvelle, l'application d'un prin-
cipe que tous les jours nous réclamons, d'un
principe qui, en définitive, est la devise inscrite
: «H le drapeau de tous les peuples civilisés, je
veux parler du droit commun, et le droit commun,
c'est la loi.
Voilà l'ancre de salut auquel nous devons nous
attacher : Fortiter occupa portarn. Je demande à-la
Chambre pardon de cette réminiscence de collège ;
mais ce qui est solide et stable, ce à quoi nous ne
devons jamais toucher, c'est la loi, la loi par ses
représentants, par ceux qui, sortis du suffrage uni-
votsel, sont investis de l'autorité qui lui donne sa
¡puissance souveraine. En dehors de la loi, il n'y
a rien que le désordre et la force. (Approbation à
gauche.)
S'il en est ainsi, que le ministère, au lien de
s'embarrasser dans la proposition d'un sénatus-
consulte, présente à la Chambre un projet de loi
par lequel il sera statué sur la nomination des dé-
putés en Algérie. -
Et, pour terminer ces observations que je
voulais, courtes et que, involontairement, j'ai
rendues longues, j'en demande pardon à la Cham-
bre. (Non! non! - Parlez!) je dirai que la pro-
position que j'ai l'honneur de faire est absolu-
ment conforme au texte de la Constitution.
La Constitution, en effet, réserve au Sénat le droit
de régler par des sénatus-consultes l'organisation
des colonies et de l'Algérie ; c'est le texte de
l'art. 27; mais il n'est nulle part question, dans
la Constitution, de la représentation de l'Algérie.
C'est seulement dans le décret du 21 février
1852 que se rencontre la clause d'exclusion de
cette rcurésentation; et voici, messieurs, comment
est conçu le dernier paragraphe de l'art. 1 er: de
ce dernier décret : « L'Algérie et les colonies
ne nomment pas de députés au Corps législa-
tLf. »
Vous n'êtes donc point en face de la Cons-
titution. Le Sénat n'est,pour rien dans cette
affaire. Vous êtes en. face d'un simple décret.
Je ne veux pas, messieurs, envenimer cette dis-
cussion. A Dieu ne plaise ! Si je disais tout ce que
i ;ai sur le cœur au sujet des décrets de cette date, à
coup sûr je pourrais blesser qttelmïés-uns d'entre
vous, et je m'en garde-. Mais ce qu'il y a de cer-
tain, c'est que l'époque à laquelle ce décret a été
rendu n'est pas la nôtre ; ce qu'il y a de certain
encore, - je ne crois pas être trop téméraire en
1 affirmant, — c'est qu il y a unanimité dans cette
Chambre pour ne pas désirer son retour.
Eh bien, s'il en est ainsi, il ne reste plus que
cette simple question : Nous sommes en face d'un
acte émané du pouvoir dictatorial ; cet acte émané
du pouvoir dictatorial peut-il être contre-balancé
par un acte émané de la majorité de cette Cham-
bre?
Poser une telle question, c'est la résoudre.
Si le pouvoir dictatorial représentant non pas le
pouvoir constituant, mais le pouvoir législatif a
cru qu'il lui était permis, par des raisons que je
n'ai pas besoin d'examiner et que je connais trop
bien, d'exclure l'Algérie du droit d'envoyer des
députés à la Chambre, comment la Cham-
bre, en 1870, ne pourrait-elle pas modifier l'art. 1er
du décret de 1852"? Voilà la question que je prends
la liberté de vous poser, et, en vérité, elle me pa-
raît la plus simple du monde. C'est de l'un do vos
droits qu'il s'agit, messieurs, et c'est à vous qu'il
appartient de l'exercer.
Et permettez-moi de le dire, ce n'est pas seule-
ment dans le texte, ce n'est pas seulement dans la
théorie, c'est encore dans la nature des choses que
je rencontre la justification de la solution que je
sollicite. Est-ce que vous n'avez pas été effrayés et,
jusqu'à un certain point, humiliés du projet de sé-
natus-consulte qui, en dehors des termes de la
Constitution, statue sur l'élection des députés,
c'est-à-dire sur la composition de votre propre
pouvoir?
J'ai parlé avec autant de révérence qu'il m'a été
possible de l'autre assemblée; mais, messieurs,
est-ce qu'elle ne commettrait pas, sur vos préro-
gatives, une véritable usurpation en introduisant
dans votre sein des éléments que vous n'admet-
triez pas vous-mêmes, puisque leur origine est
contraire à la Constitution tout aussi bien qu'au
dogme de la souveraineté nationale que j'invoquais
tout à l'heure ?
La commission avait été de cet avis ; elle avait
pensé que les députés de l'Algérie ne devaient être
nommes que par les citoyens français ou les ci-
toyens naturalisés. C'est le Gouvernement qui a
imaginé cette singulière disposition qui consiste
à faire coneourir - dans le territoire civil, j'en
conviens, — les indigènes avec les Français et les
naturalisés à l'élection des députés.
Tout vous a été dit, messieurs, sur cette ques-
tion, et je ne veux pas y revenir, seulement je
veux la préciser.
J entendais, a la dernière séance, l'honorable mi-
nistre de la guerre vous dire : Que vous inquié-
tez-vous des territoires militaires ; ils ne compren-
nent que les tribus sahariennes !
Je tombai de mon haut, en entendant une sem-
blable déclaration. Mais, le territoire militaire, il
est au territoire civil comme six est à sept. Le
territoire militaire comprend la partie la plus
fertile, la mieux cultivée* et la plus habitée de
l'Algérie. Le territoire militaire comprend la gran-
de et la petite Kabylie. Vous n'avez qu'à aller à
Blidah : un simple ruisseau vous sépare du terri-
toire militaire, et c'est avec chagrin que les Algé-
riens disent: Une fois le ruisseau franchi, nous
ne pouvons plus avoir justice.
Voilà, messieurs, ce qu'est le territoire civil et
le territoire militaire, et si j'avais à m'occuper de
cette question, j'appuierais de toutes mes forces,
— et en citant à la Chambre des arguments qui,
je l'espère, la pourraient toucher, - l'opinion de
ceux qui demandent la suppression complète du
territoire militaire, qui demandent que l'armée
soit réduite à son rôle glorieux-, grand, conve-
nable pour ses goûts comme pour ses aptitudes,
c'est-à-dire au rôle de'défenseur du sol et de là loi,
sous le commandement de l'autorité civile. Eh
bien !' messieurs, c'est dans ces territoires ainsi
mêlés, où le territoire militaire a là plus grande
part, qu'on voudrait que les indigènes concou-
russent, avec les Français et les naturalisés à
l'élection des députés. Je ne.parle pas des princi-
pes qui ont été invoqués, avec tant d'autorité,
par M. le comte Le lion , de cette distinction
entre le représentant de l'indigénat nommé
par l'indigène et venant s'asseoir au milieu
des Français, dans les conseils municipaux et
provinciaux et le représentant de l'Algérie ;
je parle de la dignité de cette Chambre, de
l'essence de son pouvoir, de cet élément qui
viendrait s'y introduire, non-seulement contraire-
ment aux principes, mais encore contrairement
à tous ses intérêts. Vous voulez que l'Algérie soit
représentée librement; et vous placez dans la cor-
beille nuptiale de cette élection l'épée du militaire
qui va encore peser sur la conscience et les déter-
minations de tous ces indigènes, lesquels,l'empor-
tant de beaucoup sur les électeurs français, entraî-
neront nécessairement par leur chiffre les suffra-
ges qui seront exprimés ! (Assentiment s gauche.)
Cela est complètement impossible, et nous as-
sistons à ce spectacle, que ce qui est contraire aux
principes, contraire aux vœux de l'Algérie, ce qui
nous blesse, ce qui est évidemment en opposition
avec notre dignité, ce qui introduirait dans cette
assemblée des collègues qui n'y seraient pas au
même titre que nous, tout cela peut se faire en de-
hors de nous, par une assemblée qui évidemment
en cela nous est supérieure et disposera de notre
destinée comme de notre pouvoir. Je demande
si ce n'est pas encore une sorte d'anarchie poli-
tique à laquelle il est impossible de vous associer?
Vous avez, messieurs, un moyen très-simple
d'y échapper. Encore une fois, il est inutile de s'a-
dresser au Sénat : si vous voulez que l'Algérie en-
voie des députés à cette Chambre, vous n'avez
qu'à le déclarer. (C'est cela ! c'est cela !) Vous pou-
vez le faire par décret; je ne vous y invite pas: le
règne des -décrets est passé, c'est celui de la loi
qui commence; c'est à la loi que vous voulez vous
adresser. Mais je demande, pour ga propre auto-
rité, pour la satisfaction légitime de cette géné-
reuse Algérie qui a attendu si longtemps cette
tardive restitution, pour la dignité de notre grand
pouvoir, que les députés n'entrent "pas ici par la
porte du bon plaisir, qu'ils y entrent par la grande
porte de la loi. (Très-bien ! a gauche.)
C'est ce qu'ont demandé avec une grande éner-
gie tous ceux qui se sont occupés de cette ques-
tion, et, notamment, deux hommes dont il serait
injuste de ne pas prononcer les noms dans cette
discussion, car ils ont vaillamment servi les inté-
rêts de la colonie; je veux parler des délégués de
Constantine, MM. Viguier et du Pré de Saint-
Maur.
J'ai là le résumé de leurs vœux, et c'est précisé-
ment de ces vœux que j'ai cherché à m'inspirer.
J'ai voulu être leur interprète et l'écho de leurs
pensées. J'ai voulu visiter les rivages de la- Médi-
terranée et vous apporter tout ce que je savais de
l'Algérie, de ce beau pays ; j'ai voulu vous appor-
ter les impressions qui ont envahi mon Cfetlf')
quand, en face de ces valeureux colons, si pleins
d'espoir pour la mère patrie, espoir qui ne sera
pas trompé, et de confiance pour le Corps législa-
tif, je leur disais, pour les consoler : Vous n'avez
qu'à attendre que la lumière se fasse; vous triom-
pherez ; le Corps législatif s'occupera de la ques-
tion, il nous entendra, et mes collègues et moi
nous ne sommes séparés que par des erreurs ou
des malentendus.
Vous le voyez, la barrière est tombée, car nous
nous tendons une main fraternelle pour introniser
la liberté. (Très-bien!)
Voici ce que disaient MM. Viguier et Dupré de
Saint-Maur :
« Il ne s'agit pas de ce que fera le Sénat; il
s'agit de ce que lui proposera le Gouvernement.
« Rien n'oblige le Gouvernement à comprendre
dans le sénatus-consulte autre chose que le prin-
cipe de l'élection des députés, et, en y inserant
des dispositions qui n'ont pas un caractère consti-
tuant, à restreindre ainsi, au lieu de l'élargir, le
domaine du Corps législatif tel que le comporte
actuellement la lettre même de la Constitution. s.
Mais dans une autre partie de leur lettre, ils di-
sent : « qu'ils demandent à protester contre la
pensée, incomplètement abandonnée, de séparer
l'Algérie de la- France par une constitution diffé-
rente de celle de la France, et contre tout sénatus-
consulte qui aurait un autre objet que la restitu-
tion à l'Algérie d'une représentation régulière et
l'abrogation de l'art. 27 de la Constitution de
1852. »
Voici, messieurs, les vœux de l'Algérie ; j'ai es-
sayé de vous les traduire. Je pouvais, à coup sùr,
donner beaucoup plus de développement à cette
opinion ; je juge ce soin tout à fait inutile, il vous
imposerait une fatigue qui n'aboutirait à aucun
résultat présent; et ce que je veux, ce que je dé-
sire, c'est vous mettre en garde contre des réso-
lutions precipitéesdont le mal pourrait être irrépa-
rable.
N'oublions jamais que nous sommes déposi-
taires d'un grand pouvoir et que nous le de-
vons exercer souverainement. Aucun des actes
du pouvoir exécutif ne doit nous échapper, 1.51
quand il &'agit de reconstituer 00 pays (l'ui a été
si longtemps livré à l'anarchie de systèmes con-
tradictoires, c'est par la souveraineté nationale
seule qu'il convient de le régénérer. (Marques
d'assentiment et d'approbation à gauche. — Ap-
plaudissements.)
M. le président Alfred Le Roux. Quelqu un
demande-t-il la parole?.
Puisque personne ne demande la parole, je pro-
pose à la Chambre de clore la discussion.
M. Crémieux. Pardon, monsieur le prési-
dent!.
M. Jules Favre. Ce serait, à ce qu'il me sem-
ble, beaucoup trop imiter les précédents d'un pou-
voir qui a été souvent blâmé par l'opinion publique,
que de ne pas répondre aux questions d'un dé-
puté.
Je fais cette observation avec une grande dis-
crétion. Il ne m'appartient pas d'adresser des som-
mations au ministère ; j'ai le droit de le juger, et
j'en use. Mais il me semble que c'est à la Chambre,
que c'est à l'opinion que le ministère manquerait
s'il gardait le silence quand de semblables ques-
tions lui sont Dosées.
S. Exc. M. Emile Ollivier, garde des sceCfUx,
ministre de la justice et des cultes. L'honorable M.
Jules Favre a raison: quand une question d'une
gravité telle que celle qu'il vient de traiter avec
une si grande élévation et un sentiment de loyauté
et de bienveillance pour le ministère dont nous
devons tous lui savoir gré, quand une telle ques-
tion a été posée devant une assemblée, ne pas
répondre serait au moins de l'inconvenance. Aussi
le Gouvernement n'a-t-il pas manifesté l'intention
de garder le silence : il attend que tout le monde
se soit expliqué dans cette discussion.
L'honorable M. Crémieux désire prendre la pa-
role; d'autres membres de cette assemblée ont
peut-être aussi l'intention d'exprimer leur opinion.
Quand tous les orateurs auront parlé, le Gouver-
nement s'expliquera à son tour. (Approbation.)
M. Jules Favre. Je vous remercie, et je retire
mon observation.
M. le président Alfred Le Roux. La parole
est à M. Crémieux.
M. Crémieux, de sa place. Je ne voulais faire
qu'une simple question.
Plusieurs membres. A la tribune !
D'autres membres. A demain ! à demain !
M. le président Alfred Le Roux. Je yais
consulter la Chambre sur la question de savoir si
elle entend remettre la discussion à demain. (Oui !
oui !)
Puisqu'il n'y a pas d'opposition, la discussion
est remise à demain.
M. Crémieux. Je n'ai qu'une observation à
faire : je ne dois pas arrêter la réponse de M. le
garde des sceaux au discours de M. Jules Favre.
M. le président Alfred Le Roux. La Cham-
bre a accepté la remise à demain, et les choses
restent ainsi décidées.
Pour demain je propose de mettre à l'ordre du
jour des bureaux la nomination de la commission
qui sera chargée de l'examen du code rural.
(Oh ! oh !) lequel a été distribué il y a plus d'un
mois. (Mouvements divers. — Non! non!)
Puisque la Chambre désire attendre, je lui pro-
poserai de mettre à l'ordre du jour des bureaux de
demain deux autres projets de loi :
Un projet de loi portant demande de crédits
pour les vicaires généraux, les chapitres et le
clergé, et un projet de loi relatif à des crédits pour
l'instruction primaire. (Oui ! oui !)
Réunion des bureaux à une heure.
Plizsiettrs membres. Non! non! A une heure et
demie!
M. le président Alfred Le Roux. Soi. t : à
une heure et demie.
A deux heures, séance publique : suite de l'ordre
du jour arrêté par la Chambre.
(La séance est levée à six heures moins dix mi-
nutes.)
Le directeur du service sténographique,
CÉLESTiN LAGACHB. -
Ordre du jour du mercredi 9 mars 1870.
A une heure et demie, — RÉUNION DANS LUS
BUREAUX.
Nomination d'une commission pour l'examen
du projet de loi portant ouverture au ministre de
la justice et des cultes, sur l'exercice 1869, d'un
crédit supplémentaire de 148,950 fr., applicable au
chapitre IV, 2e sectipn : « Vicaires généraux, cha-
pitres et clergé paroissial » (92).
Nomination d'une commission pour l'examen
du projet de loi portant ouverture au ministre de
l'instruction publique, sur l'exercice 1869, d'un
crédit supplémentaire de 1,112,000 fr. pour les
dépenses obligatoires de l'instruction primaire
(118).
A. deux heures, — SÉANCE PUBLIQUE.
Suite de la discussion des interpellations de
M. le comte Le Hon sur les affaires de l'Algérie.
Discussion dès interpellations de M. de Dalmas
et plusieurs de ses collègues, sur le régime des
colonies.
Ordre du jour des convocations du mercredi,
9 mars 1870.
1er bureau, t une heure et demie. (Vérification
de pouvoirs.)
2e commission d'initiative parlementaire, à midi
trois quarts. — Galerie G; no 29.
Commission relative au jugement des délits
commis par la voie de la presse, à neuf heures et
demie du matin. — Galerie D, no 14.
Commission relative aux chemins de fer de la
Vendée, à une heure trois quarts. —Galerie C,
n° 2.
Commission relative à la proposition de M. Co-
chery sur les élections des juges aux tribunaux de
commerce, à midi et demi.— Galerie C, no 4.
4e Commission de l'enquête parlementaire (indu-s-
tries diverses), à midi et demi.- Galerie C, n° 12.
Commission d'enquête sur la mariné marchande,
à midi. — Local du 7e bureau.
N° 20
(Annexe au procès-verbaL — Séance du iD janvier.)
Exposé des motifs d'un projet de code rural.
(Suite) -
Une loi sage, qui prévoit les cas les plus ordinai-
res et que les parties peuvent d'ailleurs modifier au
gré de leurs convenances réciproques, est infiniment
préférable; elle laisse aux contractants la plus en-
tière liberté, supplée à leur imprévoyance et l'ait pré-
valoir les idées de j ustiee.
Le C. Nap. ne pourrait cependant pas suffire, et
ceux qui demandent son rétablissement pur et sim-
ple ont été déjà condamnés par l'expérience. Ses
régies générales ne sont pas suffisantes. En mainte-
nant nos anciennes coutumes, souvent obscures ou
incohérentes, il consacrait d'une manière fâcheuse là*
diversité des lois. Mieux vaut l'uniformité sagement
établie en 1838, et le gouvernement a pensé qu'il de-
vait maintenir, en l'a perfectionnant le plus possi ble,
la loi promulguée à cette cpoque. G est le système
qui avait prévalu, en 1858, à la Société impériale de
médecine vétérinaire ; c'est encore celui qu'elle a
adopté une seconde fois sons difficulté, lorsqu'elle a
été consultée de nouveau en 1868.
Le système de la loi du 20 mai 1838 est très-sim-
ple. Dans son art. 1er, elle énumère les maladies qui
donnent lieu à la rédhibition. Ces maladies sont ré-
putées vices cachés. La loi tient pour certain qu'ils
existaient au moment de la vente, s'ils ont donné
lieu à une réclamation dans les délais qu'elle déter-
i-nirie.
Elle admet aussi que ces vices sont toujours assez
graves pour motiver une résolution rie contrat elle
donne de la sorte une base certaine a 1 action redhi-
bitoire. Mais, en même temps, elle est limitative, et
l'action, à moins de stipulations contraires, ne peut
être engagée, ni pour d'autres maladies, ni pour
d'autres animaux que ceux qui sont enumeres dans
la loi. Ce sont là ses dispositions fondamentales.
Dans les articles suivants, elle détermine les délais
dans lesquels l'action doit être engagée; elle règle
la forme à employer alin de constater la makhiie
pour tout le reste, elle- son réfère au droik caaifmin.
Cette loi a servi de modèle à la Belgique, qui, le
28 j an v. 1850, a,adopté une loi analogue, et il faut
reconnaître que si, en France, la loi do 1838 a été
l'objet do vives attaques, les critiques s'en prennent
bien moins à la loi qu'à la nomenclature des vices
rédhibitoires.
Dans les pays de production, on la trouve trop
étendue; les acheteurs, au contraire, prétendent qu'elle
est insuffisante.
En maintenant dans son ensemble la loi de 1838, le
Gouvernement a cherché à tenir une juste balance
entre ces prétentions contraires, à donner satisfac-
tion à tous les intérêts légitimes; et il ne s'est décidé
à modifier la nomenclature des vices rédhibitoires
qu'après avoir interrogé les hommes les plus compé-
tents et consulté une dernière fois la Société
impériale de médecine vétérinaire. Un de ses
membres les plus éminents, M. Henri Bouley,
membre de l'Académie des sciences et inspecteur
des écoles vétérinaires, a été plusieurs fois appelé
dans les réunions des deux sections du conseil d'Etat
qui ont fait les travaux préparatoires, et il a ainsi
(1) Voir le Journal officiel des 19 et 25 février, et
2, 5 et 8 mats.
concouru très-utiîenieht à là rédaction du prdjet,
qui à été adopté par l'assemblée générale du conseil
et qui est soumis au (Sorps législatif.
Dans ce projet, l'art. 1er (loi de 1838) est devenu
l'art. 83 du C. rural ; mais il a été modifié en plu-
sieurs points. Sa rédaction, un peu trop absolue peut-
être, avait fait naître des questions singulières ttdont
quelques-unes ont été assez vivement débattues. On
s'est deiiiandé si la nomenclature des viees rédhibi-
toires établie dans cette loi n'était pas imposée aux
parties, nonobstant toute convention contraire. On
reconnaissait bien que la garantie pouvait être éten-
due par les stipulations des contractants, mais on a
soutenu qu'elle ne pouvait être restreinte, let que le
vendeur étant de par la loi présumé connaître le vice
caché, tandis que l'acheteur était présumé l'ignorer,
la convention par laquelle le premier s'affranchirait
de la garantie serait une convention présumée frau-
duleuse.
D'un autre côté, on a prétendu sérieusement que
les vices, apparents de leur nature, ne pouvaient, en
présence de l'art. 1er de la loi, donner ouverture à
l'action rédhibitoire, lors même qu'ils avaient été
..-masqués temporairement au moyen de "manœuvres
5 frauduleuses. Par là, on laissait le champ libre 'aux
artifices des maquignons.
Enfin, on a jugé plus d'une fois que lorsqu'un ani-
mal atteint d'une maladie contagieuse a été vendu
en délit, contrairement aux lois sanitaires, le délin-
quant, passible des peines portées par les articles
459 et 460 du C. pénal, ne peut être tenu de domma-
ges-intérêts envers l'acheteur trompé, si la maladie
contagieuse n'est comprise dans la liste des vices
rédhibitoires, et si l'action civile n'a été engagée
dans le délai déterminé par la loi de 1838. Cette
dernière question, décidée en sens contraire par les
tribunaux, a été obligée de proclamer que la loi de
1838 n'avait pas été laite pour protéger les délits.
(Arrêts des 17 juin 1817 et 12 mai 1855 (Ch. crim.).
V. Dalloz, 47, 1, 252, et 55, 1, 443.)
En réalité, aucune de ces difficultés n'est bien sé-
rieuse, et tôt ou tard la Cour de Cassation, faisant
prévaloir l'esprit de la loi sur les arguments tirés de
son texte, mettrait fin à cette controverse. Mais ce
résultat se ferait peut-être longtemps attendre; car,
en ces procès de peu d'importance, le recours en
cassation est rare et liaction régulatrice de la Cour
ne peut se faire sentir qu'à de bien grands interval-
les. On a donc cru qu'il est sage de couper court à
ces difficultés en plaçant en tète de l'article 83 deux
lignes qui laissent sous l'empire du droit commun la
liberté des conventions, le dol et le délit.
Quant à la nomenclature des vices rédhibitoires
contenue dans la suite de cet article, elle est modi-
fiée. Quelques-uns sont retranchés, d'autres sont
ajoutés, un ou deux sont caractérisés d'une manière
nouvelle. (Pour cette partie de son travail, le rappor-
teur s'est beaucoup aidé d'un mémoire adressé par
M. H. Boulev au Ministre du Commerce, et faisant
connaître l'opinion de la Société impériale de méde-
cine vétérinaire, en 18G8.)
Pour l'espèce chevaline, le projet fait disparaître
de la liste la fluxion périodique des yeux; l'cpilepsie,
les anciennes maladies de poitrine bu vieilles cour-
batures, les hernies inguinales intermittentes.
L'épilepsie et la hernie inguinale intermittente
sont des affections extrêmement rares. Il est très-
difficile de les constater. Les accès d'épilepsie no-
tamment ne se produisent presque jamais en pré-
sence de l'homme de l'art, et des témoins ordinaires
peuvent facilement se tromper. Il a semblé sage
d'exclure ces deux maladies de la nomenclature lé-
gale.
- La fluxion périodique des yeux est un mal assez
commun et qui, quelquefois, est grave. En lui-même
il a donc le caractère d'un vice rédhibitoire, Mal-
heureusement, il est facile de le simuler, et l'on ne
parvient qu'avec beaucoup de peine à en constater
l'existence réelle. A raison de sa nature chronique,
il exige une longue vérification; l'animal doit être
gardé plusieurs mois en fourrière, très-attentivement
observé at aussi très-attentivement surveillé pour
déjouer les manœuvres frauduleuses. L'existence du
mal ne peut donc être prouvée qu'au moyen d'une
instruction très-longue, très-dispendieuse, et dont
les frais, presque toujours, dépassent de beaucoup
la valeur de l'animal.
Les acheteurs de mauvaise foi, qui savent parfai-
tement-combien les procès de cette nature sont re-
doutés par les éleveurs, emploient trop souvent des
artifices coupabfes pour donner à l'animal qu'ils ont
acheté l'apparence de cette maladie et obtenir du
.vendeur une diminution de prix ou la résolution
d'un marché qui a cessé de leur convenir. Le retran-
chement de cette maladie du catalogue des vices ïê-
dhibitoirespréviendra de nombreuses fraudes. D'ail-
leurs, la fluxion périodique de l'œil n'a très-souvent
qu'une médiocre importance, et il sera toujours fa-
cile à l'acheteur, quand l'animal vendu aura un grand
prix, de se mettre à l'abri de tout risque par une
convention particulière.
La maladie ancienne de poitrine ou vieille courba-
ture, désignée ainsi dans des termes très-vagues, a
donné lieu à des difficultés sans fin. Il est presque
toujours impossible de reconnaître, môme à l'autop-
sie, si la maladie de poitrine qui a fait périr l'ani-
mal est ancienne ou récente. Dans l'espèce chevaline,
la phthisie pulmonaire n'existe presque jamais; et
les affections purulentes se développent dans le pou-
mon de ces animaux avec.ùne rapidité si grande.qu'il
est très-difficile d'assigner une date à leur origine.
De plus, lorsque la maladie est ancienne et grave,
il est impossible de ne pas reconnaître, au moment de
la vente, que l'on achète un animal défectueux et de
peu de valeur. On est donc dififcilement trompé :
dès qu'il est certain, le mal devient apparent; il doit
donc être retranché de la liste.
La pousse a donné lieu à tant de procès, eile a
causé tant d'abus, qu'il a été très-sérieusement ques-
tion d'éliminer du nombre des vices rédhibitoires
cette maladie, qui, souvent, permet encore Un bon
travail. L'expression qui la caractérise dans la loi-de
1838 manque de précision. Des vétérinaires l'Ont ap-
pliquée à toute espèce d'essouflements. On a trouvé
des moyens pour donner à un bon cheval la respira-
tion entrecoupée, et là Société de médecine vétéri-
naire a constate, dans ses délibérations, que l'on
avait entendu quelquefois des marchands de che-
vaux tenir ce langage expressif : « Un cheval doit
être déclaré poussif quand il ne vous convient pas(l).»
On fabrique la potlsse, disent les vétérinaires, et
par cette fraude on obtient presque à volonté des
diminutions de prix. Cependant, la véritable pousse
est. permanente; elle est le symptôme d'une maladie
grave plutôt qu'elle 'n'est elle-même une maladie.
Elle révèle l'existence de l'emphysème pulmonaire ou
de l'infiltration (te l'air dans le tissu du poumon.
Dans ce cas. elle est reconnaissable à des signes cer-
tains. Nous avons pensé que nous ferions une chose
bonne et juste en plaçant au nombre des vices ré-
dhibitoires, nonpas la pousse indéterminée des anciens
usages, mai? l'emphysème pulmonaire; non plus le
symptôme, mais le ma) lui-même. Par là, en réalité,
nous maintenons dans la loi la pousse véritable, celle
qui signale une maladie profonde du poumon et qui
en est le résultat.
La loi de 1838 avait placé au nombre des vices
rédhibitoires le tic sans usure de dents. Lorsque les
dents sont usées par suite du tic, il y a, disaient les
rédacteurs de la loi de 1838, un signe apparent de
la maladie, et par conséquent l'acheteur a pu se
mettre en garde. Tel est le motif qui avait déterminé
la restriction contenue dans cette loi. Mais l'usure
est quelquefois très-peu apparente. Dans tous les cas,
elle ne peut être reconnue que par des hommes
exercés. Or, pour ne pas être un vice caché, dans le
sens de la loi, il faut que le mal soit de nature à
être reconnu par le commun des acheteurs. La So-
ciété de médecine vétérinaire demande en consé-
quence que l'on renonce à la distinction faite par la
loi de 1838, et, consacrant cette opinion, le nouveau
projet de loi enregistre parmi les vices rédhibitoires
le lic avec ou sans usure (le dents.
Ainsi, pour l'espèce chevaline, quelques vices ré-
dli bitoires ont été modifiés, quelques autres ont été
retranehés; il en est qui doivent être aj outés : telle
est la méchanceté du cheval.
,-' En 1838, les trois écoles vétérinaires do France
avaient demandé cette addition (elle est admise par
la loi du Portugal. V. Dalloz, V" vices rédhibitoires,
nos 19 »t 97). La Chambre des députés la repoussa, et
son rapporteur, M. Lherbette, en donna cette raison :
Il Ces vices de caractère, portés à un haut degré,
sont d'ailleurs très-rares, et cèdent presque toujours
et en fort peu de temps à la douceur. Qu'on s'y ac-
coutume envers les animaux domestiques, et fort peu
se montreront méchants, rétifs et ombrageux. » On
peut ajouter, à l'appui de cette opinion, que, par des
mauvais traitements, on pourrait rendre momenta-
nément méchant l'animal le plus doux.
Mais ces considérations doivent céder à la gravité
des faits. L'expérience a obligé l'administration de
la guerre à stipuler dans tous ses achats la garantie
pour cas de méchanceté ou de rétivité. Il en est de
même pour l'administration des omnibus. Le vétéri-
naire de cette compagnie fit connaître, lors de la dis-
cussion de 1858, qu'elle, achetait alors, en moyenne,
challue année, environ mille chevaux. Sur ce nom-
bre, on en rendait aux marchands à peu près une
douzaine, dans les quinze jours qui suivaient la ré-
ception, et, malgré cette précaution, la compagnie
était condamnée chaque année à payer une somme
assez ronde pour dommages causés par des chevaux
méchants. Aussi 'la société de médecine vétérinaire
a-t-elle, d!une voix unanime, demandé, en 1858, que
l'on rangeât parmi les vices rédhibitoires la méchan-
ceté du cheval caractérisée par l'habitude de mordre
et de frapper. Consultée de nouveau en 18(38, elle a
exprimé le même vœu, et le projet adopte cette opi-
mon.
Sans doute il en -pourra résulter quelques difficul-
tés pratiques ; mais la méchanceté est un vice d'une
gravité tout exceptionnelle : c'est celui pour lequel
la loi doit montrer la sévérité la plus'grande. Il ne
s'agit pas, en effet, d'une simple perte d'argent pour
l'acheteur ou pour le vendeur; mais il y va de la sé-
curité et de la vie. Il est de l'intérêt public que les
chevaux méchants, ceux qui, plus que tous les au-
tres, ont reçu et méritent le titre de chevaux vicieux,
soient mis complètement hors du commerce.
Des raisons analogues, mais cependant moins gra-
ves, ont fait placer au nombre des vices rédhibitoi-
res la rétivité caractérisée par le refus de l'aninial
de se laisser utiliser ait service auquel il est destiné.
Un pareil défaut est évidemment une cause de réso-
lution, et" il est toujours facile d'en constater l'exis-
tence. ,.'
(1) Procès-verbaux de la Société de médecine vé-
térinaire en 1858, p. 200.
J)ànà Vcspeèe boviiie, le projet fait disparaître du
nombre des vices rédhibitoireg Yépilepsie, dont nous
a vous.déjà parlé à propos du cheval; le renmrse-
ment du vagin, qui n'a pas de conséquences suffisam-
ment dommageables; le renversement de l'utérus,
assez rare pour qu'il soit tout à fait inutile de s'en
occuper, et enfin la phthisie pulmonaire.
Cette dernière maladie, qu'on appelle vulgaire-
ment la pommelière, est celle qui a occasionné les
attaques les plus vives contre la loi de 1838. Il parait
certain qu'elle a donne lieu partout à des procès
très-nombreux; il paraît certain aussi que, hors les
cas où l'autopsie est possible, la science ne fournit
aucune preuve assurée de l'existence du mal. Il en
résulte que le sort d'un procès fondé sur ce vice
rédhibitoire est toujours très-douteux.
Les expertises se multiplient, se contredisent; la
miso en fourrière se prolonge pendant des mois en-
tiers, la dépense devient énorme. On cite tel procès
qui a coûté 3,0110 francs à propos d'un animal qui
ne valait pas 30J francs. Les éleveurs redoutent au
plus haut degré de pareils litiges, et il suffit que la
contestation s'engage pour qu'une transaction soit
imposée au vendeur. Dans le département des
Basses-Pyrénées, le conseil général a fait entendre
à ce sujet de pressantes réclamations; plus tard,
M. Larabure s'en est fait l'organe à l'enquête agri-
cole. Dans uns partie de ce département, il s'est
établi entre les éleveurs une espèce de société
d'assistance judiciaire qui leur donne le moyen de
résister avec plus d'avantage aux acheteurs de mau-
vaise foi. Dans une.partie de la Bretagne, on a pris,
dit-on, une précaution d'une autre nature : tous les
éleveurs sont munis de formules imprimées, qu'ils
ont bien soin de faire signer au moment de la vente
et qui les déchargent de toute garantie à raison de
la phthisie pulmonaire. , ,
Cet ensemble de faits nous a déterminés a retran-
cher la phthisie pulmonaire de la nomenclature con-
tenue dans le projet de loi. Une source de litiges
ruineux sera tarie. Il en résultera probablement peu
de préjudices pour les partie; contractantes, car
cette I maladie, lorsqu'elle est arrivée à un degré
avancé, amaigrit tellement l'animal, qu'il est bien
difficile de se faire illusion sur son peu de valeur.
Tout-fois, dans l'intérêt de l'hygiène publique, il est
fort' désirable que la science" médicale trouve enfin
un moyen efficace de constater l'existence de cette
terrible maladie.
Au moyen de ces modifications, il ne reste plus de
vices rédhibitoires pour les bœufs; la vache seule
peut donner lien à des réclamations de cette nature,
en cas de non-délivrance, si le part esl antérieur à
la lwralson. Par ces derniers mots, on fait cesser
une controverse à laquelle a donné lieu, jusque dans
ces derniers temps, le texte ambigu de la loi do
1838. Elle disait : « Les suites de la non-délivrance
après le part chez le vendeur. » Abusant de cette der-
nière locution, le propriétaire de la vache non-déli-
vrée la vendait à un intermédiaire complaisant, qui
la revendait à son tour; et si le nouveau proprié-
taire voulait exercer un recours, on lui répondait,
non sans succès, que le part n'avait pas eu lieu chez
le vendeur. La nouvelle rédaction ne permei pas de
semblable équivoque, et manifeste plus clairement la
véritable pensée de la loi.
(La suite prochainement.)
Exposition internationale maritime
de Naples en 1870.
La commission chargée de l'organisation de la
section française à l'exposition de Naples, s'est
réunifie 4 de ce mois au ministère de l'agriculture
et du commerce, et a délégué l'un de ses mem-
bres, M. Louis Weil, membre de la commission
des valeurs de douane, psur se concerter avec la
commission1 royale italienne sur les conditions
d'admission des produits français à ce con-
cours.
M. Louis Weil, délégué de la commission, se
rend immédiatement à Naples pour s'entendre à
ce sujet avec les commissaires royaux.
Ministère de la guerre.
Un concours s'ouvrira au Val-de-Gràce, le
10 mai prochain, pour quatre emplois de répéti-
teur à l'école du service de santé militaire, à
Strasbourg.
Ces emplois se rapportent aux parties de l'en-
seignement ci-après indiquées, savoir :
1° Pathologie chirurgicale et médecine opéra-
toire ;
2® Pathologie médicale et pathologie générale ;
3° Chimie et physique médicales.
Pour chacune des spécialités, les épreuves sont
fixées ainsi qu'il suit :
CONCOURS EN CHIRURGIU
1° Composition sur un sujet de pathologie chi-
rurgicale ; :
2° Epreuve clinique :
3° Interrogations.
CONCOURS EN MÉDECINE
1° Composition sur un sujet de pathologie gé
nérale ;
2° Epreuve clinique ;
3° Interrogations.
CONCOURS EN CHIMIE ET PHYSIQUE
1° Composition sur un sujet de physique ;
2° Epreuve pratique de chimie ;
3° Interrogations sur ces deux sciences.
Dans les trois spécialités, la première épreuve
sera éliminatoire.
La composition des jurys d'examen et le mode
d'exécution des épreuves continueront à être ré-
glés par le programme en date du 26 juillet 1860,
inséré au Journal militaire (1860, 2e semestre, pa-
ges 51 et 52).
Pourront être admis à prendre-part au concours
dans l'une ou l'autre des trois spécialités, les mé-
decins aides-majefrs des deux classes et les méde-
cins-majors de 2° classe.
Pour l'emploi de répétiteur de chimie et de
physique, les pharmaciens aides-majors des deux
classes et les pharmaciens-majors de 2e classe
pourront être admis aux -épreuves.
Les officiers de santé qui désireraient concourir
devront adresser une demande régulière, appuyée
d'un avis motivé de leurs chefs directs. Cette de-
mande, qui indiquera la spécialité pour laquelle le
candidat se présente, devra parvenir au ministre
avant le 20 avril prochain, terme de rigueur, par
la voie hiérarchique, c'est-à-dire par l'intermé-
diaire des généraux commandant les divisions ter-
ritoriales ou des intendants militaires, suivant
que l'officier de santé est attaché à un corps de
troupe ou à un établissement hospitalier.
Ministère de l'agriculture et du commerce.
Sur la proposition du comité consultatif d'hy-
giène publique, le ministre de l'agriculture et du
commerce vient de décerner des récompenses ho-
norifiques aux membres des conseils d'hygiène
publique et de salubrité qui se sont le plus parti-
culièrement distingués par leurs travaux pendant
l'année 1868, savoir :
Médaille d'or.
M. le docteur Fouquet, secrétaire du conseil
central d'hygiène et de salubrité du Morbihan.
Rappel de médaille d'argent.
M. le docteur Simonin (Edmond), membre du
conseil central de la Meurthe.
Médailles d'argent.
M. Bidart, chimiste, membre du conseil central
d'hygiène de la Seine-Inférieurs.
M. Dominé, pharmacien-chimiste, membre du
conseil central de l'Aisne.
M. Dubos, vétérinaire, secrétaire du conseil cen-
tral de l'Oise.
M. Guéranger, chimiste, membre du conseil
central de la Sartlie.
M. Jozon, pharmaeien-chimiste, membre dn
conseil central de l'Aisne.
M. le docteur Monnard, membre du conseil
centralde la Moselle.
M. Taîllefer, chimiste, membre du conseil cefl
tral de la Moselle.
M. le'docteur Wimpfen, secrétaire du on
central du Haut-Rhin.
Médailles de bronze.
M. Barnsby, pharmacien, membre du cen
central d'hygiène d'Indre-et-Loire.
M. le docteur Benoist, membre du conseil d'h
giène de l'arrondissement de Belfort (Haut-Hhin
M. !e docteur .Bergeon, membre du con
central de l'Allier.
M. le docteur Bonnichon, membre du coitf
central du Cher.
M.JBoisnard, vétérinaire, membre du conseil
la Charente.
M. Giorgino, pharmacien-chimiste, membre q
conseil central du Haut-Rhin.
M. Claude, pharmacien-chimiste, membre d
conseil central de la Meurthe.
M. Labordette, pharmacien, membre du consl
central des Basses-Pyrénées.
M. Séguin, secrétaire du conseil central clt,
sère.
M. du Liège el' Aunis a été élu Inemb
du conseil général du département de
Somme pour le canton de Saint-Valery.
Le ministre des affaires étrangères v
cevra le mercredi 9 mars.
Le ministre de la guerre recevra 1
mercredi 9 mars.
Le ministre de l'instruction pubiiq11
recevra le mercredi 9 mars et les mot
credis suivants.
Le ministre de l'agriculture et du coffl
merce recevra le mercredi 9 mars.
Le ministre des travaux publics recevl
le mercredi 9 mars.
Le Président du Corps législatif recev®
le mercredi 9 mars.
FAITS DIVERS
Le grand référendaire du Sénat recevra le me ,
crcdi 9 mars et les mercredis suivants.
Le premier président de la cour des coiii
ne recevra pas le jeudi 1.0 mars ni les jeudis su|M
vants, mais il recevra le mercredi 9 mars ot-V
mercredis suivants.
Il résulte d'informations transmises au Jilin'
[ère de la marine, que le 23 février dernier, H,
été recueilli, épave sur la côte de Vielle (quarti
portant le nom de Triton écrit en lettres blancb ,
de 12 centimètre de hauteur, sur fond noir. J
M. Masson, gendarme retraité, demeurant
Saint-IIaon-le-Chàtel (Loire), vient d'adresser
ministère de l'intérieur une somme de 30 frad
destinée à être répartie par moitié entre rOrPh
linat du Prince Impérial et la Caisse des offran
nationales en faveur.:des armées de terre c j
mer (souscription annuelle). I
*
Les recherches auxquelles se livrait le ,cn.¡)
de sûreté pour découvrir, les contrebandiers q
introduisaient à Paris, sans payer les droits u c11
trée, d'énormes quantités d'alcool, viennent d'a"
mener encore l'arrestationd'un des plus hardiS
compères affiliés à cette bande.
Hier, en effet, un agent du service de sûreté*
mis la main sur un individu qui venait d'arrivé
par le chemin de fer de Lyon, et dont la figure,
qui ne répondait nullement à l'énorme développa
ment de son abdomen, avait paru au limier de
police un indice révélateur. L'inspecteur conduisit
son homme au poste et le fit déshabiller. On cons'
tata alors que le particulier était complétement
capitonné par une espèce de cuirasse en caonl":
chouc, composée de deux feuilles hermétiquement!
jointes sur les bords et qui formaient une outrO 1
volumineuse toute remplie d'excellente eau-de'
vie.
Cet individu, qui se nomme Eugène D. et e,,
âgé de trente-quatre. ans, a été immédiatement
écroué au dépôt.
Deux jeunes gens, qui étaient visiblement sur--
excités par la boisson, suivaient hier soir, verS
six heures, dit la Gazette des Tribunaux, le qua1
près du pont de l'Archevêché.
L'un d'eux, René H. , âgé de vingt-huit anS,
orfèvre, fit la gageure qu'il se jetterait dans la
Seine, et irait prendre pied sur l'autre rive. Le
pari fut tenu, on se tapa dans la main, et Hüné,
sans prendre la peine de se débarrasser de ses vÔ"
tements, se précipita dans 4a rivière.
Mais à peine fut-il à l'eau qu'il fit des signes ¡hl
détresse. Son camarade se mit à crier au secoure
M. Guillant, pontonnier de la station de la Tenu
nelle, accourut et fut assez heureux pour repèt'b¡,r
le malheureux au moment où il allait disparaître j
II., qui était complètement a reçu touS j
les soins qui lui étaient nécessaires au poste do <
police dé la rue de Pontoise. ]
Hier soir, vers minuit, un fiacre qui ramonait
du théâtre de la Porte-Saint-Martin une dame et
ses deux filles, accrocha en passant une autre voi-
ture, qu'elle endommagea.
Le cocher fouetta ses chevaux et partit au galojl.
L'une des jeunes filles, effrayée de la rapidité de
cette course, se pencha dehors par la portière pouf
lui crier de s'arrêter.
Au coin du Faubourg-Poissonnière et de la m3
Richer, la portière s'ouvrit, la jeune fille tomba, et
la voiture lui passa sur le corps.
La mère et la sœur, qui étaient restées dans la
voiture, poussaient. des cris de terreur; le codll':;
finit par s'arrêter ; la mère' et la sœur arrivèrent- a j
la pharmacie où l'on avait transporté le jeune fille j
à qui un médecin donnait des soins; toutes deu* j
s'évanouirent de saisissement.
L'accident, à ce qu'a déclaré le médecin, lilallrl
pas de suites sérieuses: la voiture, ayant pas;;l'
très-rapidement, sur la jeune fille, ne lui a fait ql1(
des contusions sans gravité. (Constitutionnels
Un homme, ayant le costume et les allures d 1111
campagnard, se présentait tout récemment devait
l'abbé X., l'un des vicaires de l'église 1NOt
Dame de Paris, et après lui avoir annoncé q1-1
était le neveu par alliance d'un ecclésiastique aU
jourd'hui décédé, et attaché, il y a quelques au
nées, au service de la cathédrale, il lui deman
de vouloir bien, en souvenir de l'amitié qui l'el,¡11
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