Titre : Les Ailes : journal hebdomadaire de la locomotion aérienne / directeur, rédacteur en chef, Georges Houard
Éditeur : [s.n. ?] (Paris)
Date d'édition : 1930-11-14
Contributeur : Houard, Georges (1893-1964). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326846379
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 novembre 1930 14 novembre 1930
Description : 1930/11/14 (A10,N491). 1930/11/14 (A10,N491).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6553758b
Source : Musée Air France, 2013-273367
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2013
N° 491. — 14-11-30.
LES AILES
9
UN CAS D'IMMORALITE
L'Affaire Bayle
Antoine Bayle est mort il y a quatre
ans; sa veuve et ses enfants attend
dent encore qu'on veuille bien s'occu-
per d'eux.
L
'AVIATION a réussi, jusqu'ici. à
échapper à la règle quasi géné-
rale qui veut que les employés
soient en lutte continuelle contre les
employeurs. Il y a eu des conflits par-
ticuliers; il y en aura encore. Mais,
heureusement, il règne entre les pilotes
et les constructeurs - un esprit de colla-
boration qui est absolument indispen-
sable d'ailleurs, aux progrès de l'Avia-
tion. Cet esprit, il convient de le ren-
forcer, ce qui est facile dès l'instant où
chacun est prêt à agir loyalement, hon-
nêtement, equitablement. Le pilote a
des devoirs; le constructeur aussi. Si
ni l'un ni l'autre ne l'oublient, ça doit
aller très bien. Et, dans l'ensemble —
rendons cette justice à l'Aéronautique
— ça va.
Mais c'est une raison de plus nour
juger sérieusement ceux qui tentent de
troubler cette bonne harmonie en per-
turbant la vie sociale de l'Aviation, en
introduisant des pratiques regretta-
bles. ~ijuignes d'une grande et belle in-
dustrie.
Il y a plusieurs années, j'ai signalé ici
les suites navrantes de la mort d' An-
toine Bayle, moniteur de l'école de pilo-
tage François Villiers, tué en service
aérien, avec un éleve, à Bordeaux-Meri-
gnac, le 4 octobre 1926.
Antoine Bayle se croyait assuré con-
tre le risque aérien. M. Villiers lui avait
dit qu'il l'était. Vingt-quatre jours
après l'accident, M. Villiers le disait
encore à la veuve de Bayle.
Car Bayle. laissait une veuve et deux
enfants.
Or Bayle, non seulement n'avait ja-
mais été assuré contre le risque aérien
Par l'école qui l'employait, mais celle-ci
avait même omis de contracter l'assu-
rance dite des « accidents du travail »,
comme la loi l'y obligeait.
Je passe sur toutes les tentatives qui
ont été faites de différents côtés pour
faire comprendre à M. Villiers la néces-
sité de donner son appui matériel à
Mme Bayle. On n'obtint que des pro-
fesses. verbales qui ne furent jamais
tenues. Je passe sur tout le détail de
cette navrante histoire dans laquelle
Un constructeur français a vraiment
Manqué de grandeur. b
Finalement, il y eut procès.
Mme Bayle invoqua la faute lourde.
Le Tribunal ne la suivit pas sur ce ter-
rain et limita la rente à servir par
M. Villiers à celle prévue par la loi sur
les accidents du travail, c'est-à-dire
ayant pour base un salaire annuel de
4.500 francs. Mme Bayle fit appel et
fut encore déboutée, malgré les vingt
témoignages impressionnants qui ap-
Puyèrent sa requête.
Ce second jugement remonte au
27 novembre 1929, il y a près d'un an.
La mort de Bayle remonte à plus de
Quatre ans. Ni Mme Bayle, ni ses deux
enfants n'ont encore touché un sou !
l' Ce n'est pas en un article de quelques
Ignes qu'il m'est possible d'exposer
cette affaire comme elle devrait l'être.
Mais on la trouvera tout au long dans
le Journal Officiel du 5 décembre 1929.
.*• Poulain, député du Puy-de-Dôme, a
h'-Iscité l'émouon unanime de la Cham-
re en la racontant.
1 Cependant, l'intervention de ce par-
dentaire est restée sans conséquence,
ce sens que personne, pas même le
InIstre de l'Air, n'a pu obtenir de
v1, Villiers qu'il fût simplement
*
c Le problème dépasse d'ailleurs le
r::d.re d'un cas particulier. Depuis des
,. OIS, il est question d'une loi en fa-
llr des familles des équipages morts
dU service de l'Aviation. Il serait temps
de ta discuter, cette loi, car la situation
i e certaines veuves d'aviateurs ne fait
honneur ni à l'Aéronautique, ni au
pays.
téeEn attendant, l'affaire Bayle est res-
téesans solution. Il lui en faut une et
Sé's la réclamerons avec toute la per-
erance et la fermeté nécessaires.
Georges HOUARD.
L'Aéronautique maritime française continue à utiliser, pour équiper ses escadrilles de bombardement, le Goliath-Farman dont
elle se déclare fort satisfaite. C'est l'appareil terrestre transfor mé en hydravion par la substitution au train d'atterrissage de
deux flotteurs. Les hydravions Goliath-Farman ds l'Aéronautique maritime ont à leur actif de fort beaux états de service dont
de grandes randonnées au-dessus de la Méditerranée et le long du littoral nord-africain.
SUR LA LIGNE FRANCE-MAROC
TOULOUSE - CASABLANCA
AVEC L'AÉROPOSTALE
La ligne France-Maroc est parcourue journellement par les avions de la Compagnie Générale Aéropostale et le
récit de voyageurs enthousiastes a été publié maintes fois. Mais on a rarement donné un récit aussi pittoresque,
aussi vivant, aussi original que celui de cette charmante journaliste anglaise. Mrs Lewis Bailey, qui, partie en
avion pour Casablanca, a bien voulu transmettre aux « Ailes » ses impressions de voyage. Petite-nièce de l'illustre
physicien Faraday et cousine du fameux pilote Barnard, Mrs Lewis Bailey est une journaliste de talent.
, Casablanca, novembre 1930.
E voici arrivée, après un voyage ma-
gnifique, varié et passionnant au pos-
sible. Si l'on me demandait quel est le
plus appréciable des avantages de la
route des airs pour une femme, je dirais : la
propreté. J'ai quitté l'Hôtel Terminus à Tou-
louse vers 5 h.30 du matin. Il est maintenant
huit heures et je suis aussi propre. C'est très
appréciable. et ça devrait l'être également
pour l'homme d'affaires pressé. Car il n'au-
rait pas besoin de se baigner, de se raser et
de changer de linge en arrivant. Il pourrait
interviewer n'importe qui immédiatement en
arrivant. J'ai bien regardé mon covoyageur :
bien qu'il soit hirsute, sa barbe n'avait pas
poussé !
Eh bien ! à cinq heures, quand le veilleur
de nuit frappe à ma porte, je suis déjà levée
et en train de m'habiller. Je descends dans le
hall de l'hôtel. Un agent de la Compagnie
Générale Aéropostale m'attend en bas. Il est
aux petits soins pour moi ; jamais je ne me
suis sentie si précieuse ! Il m'explique que le
courrier de Paris a du retard ; l'avion ne par-
tira, en conséquence, qu'après 6 heures 'A la
porte, la voiture de l'Aéropostale nous
attend ; l'agent de la Compagnie me présente
M. X., consul de la République Argentine à
Toulouse, mon co-voyageur. Il a l'air bien
gentil ; sa figure est ronde et souriante ; il
doit approcher la trentaine. Nous montons
dans l'auto, qui s'arrête quelques minutes
pour prendre les sacs de courrier et notre pi-
lote. Celui-ci a l'air timide ; il est évident
qu'il préfère triompher dans l'air plutôt que
de tourner dans les salons. Il fait un temps
de chien ; M. le consul a une grande boîte
de pâtisserie sous le bras ; il m'explique que
c'est son déjeuner, car l'agent de la Compa-
gnie lui a dit qu'on n'aurait peut-être pas le
temps de manger en route. Moi qui croyais
que nous pourrions déjeuner confortablement
à Alicante en dégustant les bons vins d'Es-
pagne et, peut-être même, envoyer des cartes-
postales aux amis de Paris !
Quelle déception ! Enfin, je ne le dis pas
trop, croyant qu'il est possible'que je ne
puisse pas déjeuner. Au contraire, M. X. dit
gentiment qu'il aura probablement assez pour
nous deux. Tant mieux !
Nous voilà montés dans la carlingue ;
c'est tout petit; j'ai choisi le quatre places
exprès. C'est grand comme l'intérieur d'un
taxi, mais avec une' banquette au lieu d'un
strapontin. Je m'assieds à la droite du consul.
Mon Dieu ! cela a l'air d'un enlèvement !
Heureusement qu'il n'y a pas de reporters
photographiques ! Le pilote paraît, il a un
faux derrière sous son costume, un casque et
un appareil sous son nez qui lui donne l'air
d'une « patiente », chez Elisabeth Arden, su-
bissant des soins de beauté. L'agent met des
couvertures sur nos genoux ; il ferme la por-
tière ; nous bouclons le crochet de sûreté.
— Au revoir ! Au revoir !
L'hélice tourne, nous roulons; un peu après,
on met pleins gaz et, bientôt, nous sommes en
l'air. Le Ccnsul me dit qu'il n'a jamais ni mal
de mer, ni mal de l'air. Tant mieux pour lui !
Quant à moi, je ne suis pas sûre. Quelle honte
pour ma race si j'étais malade ! L'Angleterre
serait à jamais humiliée devant là Républi-
que Argentine. Mais non, bien que nous
soyons très secoués au-dessus des Pyrénées,
je tiens bon. Heureusement, mon compagnon
veut les fenêtres ouvertes. Le bruit du mo-
teur, l'odeur de l'huile de ricin, sont bien
moins forts que la dernière fois que j'ai volé,
en 1920.
On tombe dans un trou d'air. Le Consul
bondit au plafond et retombe sur mes genoux.
Il est moins souriant. Tout d'un coup, il
penche sa tête par la fenêtre et y reste un bon
moment. Quand il la retire, il est sans béret.
Il fait beaucoup de vent, la pluie ruisselle sur
les ailes, l'avion monte toujours. Malgré
tout. j'éprouve une sensation de sécurité très
grande. Ces ailes sont si légères, mais si for-
tes ! Ce moteur tourne avec une telle régula-
rité ! Tout va bien. Maintenant, nous som-
mes au-dessus des nuages ; l'avion est moins
secoué. Le Consul reprend des couleurs. Nous
voyons la mer : elle' a l'air d'un grand ba-
quet d'eau bleutée dans laquelle une géante
a rincé sa lessive ; l'écume blanche flotte par-
ci, par-là comme du savon. Cela a l'air désor-
donné.
Les cimes des Pyrénées sont fort belles,
mais tout le monde les a déjà vues au cinéma.
Le pays devient plus aride. Voici une ri-
vière, sous nos pieds, qui ressemble à une
écharpe en batik.
Barcelone ! grande ville. arènes. On la sur
vole. Le champ d'aviation est plus loin.
Nous descendons comme une plume, les roues
touchent la terre presque imperceptiblement.
Bravo ! un bon pilote. Quelqu'un ouvre la
portière, met un escabeau pour notre des-
cente. Vite ! vite !. il faut rattraper le retard
causé par le train. Une très jolie fille brune,
en bonnet et tablier blancs, nous offre du
café sur un petit plateau.
— Non, merci ; non, merci !
On nous presse, l'autre avion nous attend.
L'hélice tourne déjà. Un monsieur est déjà
installé. Il s'excuse de prendre la place à
côté de moi, en disant qu'il a facilement mal.
au coeur ! C'est un ancien pilote de guerre.
Tiens, c'est curieux ! Il est Marseillais ; je
lui offre une des pilules que j'ai prises contre
le mal de l'air. Il la retient dix minutes, puis
elle s'en va par la fenêtre, vers la terre, selon
les lois de Newton ! Entre ses crises, il nous
donne de bons conseils pour la diète et la
tenue dans l'avion.
Nous montons de plus en plus haut : deux
mille mètres ! Le vent est terrible. De temps
à autre, nous avançons à peine à plus de
trente kilomètres à l'heure. La porte, petite
comme celle d'un fourneau, s'ouvre ; le pilote
passe un mot griffonné au crayon. Je lis :
« Vous n'avez certainement pas chaud, mais
nous serions abominablement secoués en vo-
lant bas. » Quand même ! le pilote se soucie
de ses passagers.
Malgré le froid, cela nous réchauffe le
cœur. Nous mettons davantage de couver-
tures — heureusement la Compagnie a prévu
l'événement, il y en a beaucoup ! Les cimes
des montagnes sont couvertes de neige. Nous
sommes à leur niveau. Tout le monde se sent
bien, merveilleusement bien. J'ai faim. J'es-
père que l'on pourra manger à Alicante. Tou-
jours très haut. La petite porte s'ouvre en-
core ; encore un mot : « Une heure sur le
massif Alcoy et nous. sommes à Alicante ;
nous avons des vents debout de plus de
cent kilomètres. » Il nous remonte le moral
d'une façon merveilleuse, ce garçon ! Quel
bon chef d'escadrille il ferait, pendant une
guerre ! Ses subordonnés l'adoreraient ! Mais
ne pensons pas à la guerre.
Depuis que nous avons passé les Pyrénées,
nous n'avons presque pas plus de secousses
que dans une auto, et on se sent si frais, les
voies respiratoires si dégagées ! Si seulement
le Marseillais ne nous égayait pas tout le
temps avec ses observations sur le danger,
sur le retard ! Bref, s'il ne déprimait pas son
vis-à-vis, tout serait parfait. Quant à moi,
rien ne peut me jeter un froid. Il a raison, «
le Prince de Galles, de voyager par avion !
Les montagnes de l'Espagne, nues. striées,
disparaissent un peu ; voici une ville ; nous
descendons. Je sens une douleur dans les
oreilles; pour le moment, c'est atroce. Tou-
jours la descente. Obéissant au Marseillais,
nous faisons des grimaces terribles pour des-
serrer nos oreilles. Cela n'a pas l'air de faire
grand'chose. A terre, nous nous posons
LES AILES
9
UN CAS D'IMMORALITE
L'Affaire Bayle
Antoine Bayle est mort il y a quatre
ans; sa veuve et ses enfants attend
dent encore qu'on veuille bien s'occu-
per d'eux.
L
'AVIATION a réussi, jusqu'ici. à
échapper à la règle quasi géné-
rale qui veut que les employés
soient en lutte continuelle contre les
employeurs. Il y a eu des conflits par-
ticuliers; il y en aura encore. Mais,
heureusement, il règne entre les pilotes
et les constructeurs - un esprit de colla-
boration qui est absolument indispen-
sable d'ailleurs, aux progrès de l'Avia-
tion. Cet esprit, il convient de le ren-
forcer, ce qui est facile dès l'instant où
chacun est prêt à agir loyalement, hon-
nêtement, equitablement. Le pilote a
des devoirs; le constructeur aussi. Si
ni l'un ni l'autre ne l'oublient, ça doit
aller très bien. Et, dans l'ensemble —
rendons cette justice à l'Aéronautique
— ça va.
Mais c'est une raison de plus nour
juger sérieusement ceux qui tentent de
troubler cette bonne harmonie en per-
turbant la vie sociale de l'Aviation, en
introduisant des pratiques regretta-
bles. ~ijuignes d'une grande et belle in-
dustrie.
Il y a plusieurs années, j'ai signalé ici
les suites navrantes de la mort d' An-
toine Bayle, moniteur de l'école de pilo-
tage François Villiers, tué en service
aérien, avec un éleve, à Bordeaux-Meri-
gnac, le 4 octobre 1926.
Antoine Bayle se croyait assuré con-
tre le risque aérien. M. Villiers lui avait
dit qu'il l'était. Vingt-quatre jours
après l'accident, M. Villiers le disait
encore à la veuve de Bayle.
Car Bayle. laissait une veuve et deux
enfants.
Or Bayle, non seulement n'avait ja-
mais été assuré contre le risque aérien
Par l'école qui l'employait, mais celle-ci
avait même omis de contracter l'assu-
rance dite des « accidents du travail »,
comme la loi l'y obligeait.
Je passe sur toutes les tentatives qui
ont été faites de différents côtés pour
faire comprendre à M. Villiers la néces-
sité de donner son appui matériel à
Mme Bayle. On n'obtint que des pro-
fesses. verbales qui ne furent jamais
tenues. Je passe sur tout le détail de
cette navrante histoire dans laquelle
Un constructeur français a vraiment
Manqué de grandeur. b
Finalement, il y eut procès.
Mme Bayle invoqua la faute lourde.
Le Tribunal ne la suivit pas sur ce ter-
rain et limita la rente à servir par
M. Villiers à celle prévue par la loi sur
les accidents du travail, c'est-à-dire
ayant pour base un salaire annuel de
4.500 francs. Mme Bayle fit appel et
fut encore déboutée, malgré les vingt
témoignages impressionnants qui ap-
Puyèrent sa requête.
Ce second jugement remonte au
27 novembre 1929, il y a près d'un an.
La mort de Bayle remonte à plus de
Quatre ans. Ni Mme Bayle, ni ses deux
enfants n'ont encore touché un sou !
l' Ce n'est pas en un article de quelques
Ignes qu'il m'est possible d'exposer
cette affaire comme elle devrait l'être.
Mais on la trouvera tout au long dans
le Journal Officiel du 5 décembre 1929.
.*• Poulain, député du Puy-de-Dôme, a
h'-Iscité l'émouon unanime de la Cham-
re en la racontant.
1 Cependant, l'intervention de ce par-
dentaire est restée sans conséquence,
ce sens que personne, pas même le
InIstre de l'Air, n'a pu obtenir de
v1, Villiers qu'il fût simplement
*
c Le problème dépasse d'ailleurs le
r::d.re d'un cas particulier. Depuis des
,. OIS, il est question d'une loi en fa-
llr des familles des équipages morts
dU service de l'Aviation. Il serait temps
de ta discuter, cette loi, car la situation
i e certaines veuves d'aviateurs ne fait
honneur ni à l'Aéronautique, ni au
pays.
téeEn attendant, l'affaire Bayle est res-
téesans solution. Il lui en faut une et
Sé's la réclamerons avec toute la per-
erance et la fermeté nécessaires.
Georges HOUARD.
L'Aéronautique maritime française continue à utiliser, pour équiper ses escadrilles de bombardement, le Goliath-Farman dont
elle se déclare fort satisfaite. C'est l'appareil terrestre transfor mé en hydravion par la substitution au train d'atterrissage de
deux flotteurs. Les hydravions Goliath-Farman ds l'Aéronautique maritime ont à leur actif de fort beaux états de service dont
de grandes randonnées au-dessus de la Méditerranée et le long du littoral nord-africain.
SUR LA LIGNE FRANCE-MAROC
TOULOUSE - CASABLANCA
AVEC L'AÉROPOSTALE
La ligne France-Maroc est parcourue journellement par les avions de la Compagnie Générale Aéropostale et le
récit de voyageurs enthousiastes a été publié maintes fois. Mais on a rarement donné un récit aussi pittoresque,
aussi vivant, aussi original que celui de cette charmante journaliste anglaise. Mrs Lewis Bailey, qui, partie en
avion pour Casablanca, a bien voulu transmettre aux « Ailes » ses impressions de voyage. Petite-nièce de l'illustre
physicien Faraday et cousine du fameux pilote Barnard, Mrs Lewis Bailey est une journaliste de talent.
, Casablanca, novembre 1930.
E voici arrivée, après un voyage ma-
gnifique, varié et passionnant au pos-
sible. Si l'on me demandait quel est le
plus appréciable des avantages de la
route des airs pour une femme, je dirais : la
propreté. J'ai quitté l'Hôtel Terminus à Tou-
louse vers 5 h.30 du matin. Il est maintenant
huit heures et je suis aussi propre. C'est très
appréciable. et ça devrait l'être également
pour l'homme d'affaires pressé. Car il n'au-
rait pas besoin de se baigner, de se raser et
de changer de linge en arrivant. Il pourrait
interviewer n'importe qui immédiatement en
arrivant. J'ai bien regardé mon covoyageur :
bien qu'il soit hirsute, sa barbe n'avait pas
poussé !
Eh bien ! à cinq heures, quand le veilleur
de nuit frappe à ma porte, je suis déjà levée
et en train de m'habiller. Je descends dans le
hall de l'hôtel. Un agent de la Compagnie
Générale Aéropostale m'attend en bas. Il est
aux petits soins pour moi ; jamais je ne me
suis sentie si précieuse ! Il m'explique que le
courrier de Paris a du retard ; l'avion ne par-
tira, en conséquence, qu'après 6 heures 'A la
porte, la voiture de l'Aéropostale nous
attend ; l'agent de la Compagnie me présente
M. X., consul de la République Argentine à
Toulouse, mon co-voyageur. Il a l'air bien
gentil ; sa figure est ronde et souriante ; il
doit approcher la trentaine. Nous montons
dans l'auto, qui s'arrête quelques minutes
pour prendre les sacs de courrier et notre pi-
lote. Celui-ci a l'air timide ; il est évident
qu'il préfère triompher dans l'air plutôt que
de tourner dans les salons. Il fait un temps
de chien ; M. le consul a une grande boîte
de pâtisserie sous le bras ; il m'explique que
c'est son déjeuner, car l'agent de la Compa-
gnie lui a dit qu'on n'aurait peut-être pas le
temps de manger en route. Moi qui croyais
que nous pourrions déjeuner confortablement
à Alicante en dégustant les bons vins d'Es-
pagne et, peut-être même, envoyer des cartes-
postales aux amis de Paris !
Quelle déception ! Enfin, je ne le dis pas
trop, croyant qu'il est possible'que je ne
puisse pas déjeuner. Au contraire, M. X. dit
gentiment qu'il aura probablement assez pour
nous deux. Tant mieux !
Nous voilà montés dans la carlingue ;
c'est tout petit; j'ai choisi le quatre places
exprès. C'est grand comme l'intérieur d'un
taxi, mais avec une' banquette au lieu d'un
strapontin. Je m'assieds à la droite du consul.
Mon Dieu ! cela a l'air d'un enlèvement !
Heureusement qu'il n'y a pas de reporters
photographiques ! Le pilote paraît, il a un
faux derrière sous son costume, un casque et
un appareil sous son nez qui lui donne l'air
d'une « patiente », chez Elisabeth Arden, su-
bissant des soins de beauté. L'agent met des
couvertures sur nos genoux ; il ferme la por-
tière ; nous bouclons le crochet de sûreté.
— Au revoir ! Au revoir !
L'hélice tourne, nous roulons; un peu après,
on met pleins gaz et, bientôt, nous sommes en
l'air. Le Ccnsul me dit qu'il n'a jamais ni mal
de mer, ni mal de l'air. Tant mieux pour lui !
Quant à moi, je ne suis pas sûre. Quelle honte
pour ma race si j'étais malade ! L'Angleterre
serait à jamais humiliée devant là Républi-
que Argentine. Mais non, bien que nous
soyons très secoués au-dessus des Pyrénées,
je tiens bon. Heureusement, mon compagnon
veut les fenêtres ouvertes. Le bruit du mo-
teur, l'odeur de l'huile de ricin, sont bien
moins forts que la dernière fois que j'ai volé,
en 1920.
On tombe dans un trou d'air. Le Consul
bondit au plafond et retombe sur mes genoux.
Il est moins souriant. Tout d'un coup, il
penche sa tête par la fenêtre et y reste un bon
moment. Quand il la retire, il est sans béret.
Il fait beaucoup de vent, la pluie ruisselle sur
les ailes, l'avion monte toujours. Malgré
tout. j'éprouve une sensation de sécurité très
grande. Ces ailes sont si légères, mais si for-
tes ! Ce moteur tourne avec une telle régula-
rité ! Tout va bien. Maintenant, nous som-
mes au-dessus des nuages ; l'avion est moins
secoué. Le Consul reprend des couleurs. Nous
voyons la mer : elle' a l'air d'un grand ba-
quet d'eau bleutée dans laquelle une géante
a rincé sa lessive ; l'écume blanche flotte par-
ci, par-là comme du savon. Cela a l'air désor-
donné.
Les cimes des Pyrénées sont fort belles,
mais tout le monde les a déjà vues au cinéma.
Le pays devient plus aride. Voici une ri-
vière, sous nos pieds, qui ressemble à une
écharpe en batik.
Barcelone ! grande ville. arènes. On la sur
vole. Le champ d'aviation est plus loin.
Nous descendons comme une plume, les roues
touchent la terre presque imperceptiblement.
Bravo ! un bon pilote. Quelqu'un ouvre la
portière, met un escabeau pour notre des-
cente. Vite ! vite !. il faut rattraper le retard
causé par le train. Une très jolie fille brune,
en bonnet et tablier blancs, nous offre du
café sur un petit plateau.
— Non, merci ; non, merci !
On nous presse, l'autre avion nous attend.
L'hélice tourne déjà. Un monsieur est déjà
installé. Il s'excuse de prendre la place à
côté de moi, en disant qu'il a facilement mal.
au coeur ! C'est un ancien pilote de guerre.
Tiens, c'est curieux ! Il est Marseillais ; je
lui offre une des pilules que j'ai prises contre
le mal de l'air. Il la retient dix minutes, puis
elle s'en va par la fenêtre, vers la terre, selon
les lois de Newton ! Entre ses crises, il nous
donne de bons conseils pour la diète et la
tenue dans l'avion.
Nous montons de plus en plus haut : deux
mille mètres ! Le vent est terrible. De temps
à autre, nous avançons à peine à plus de
trente kilomètres à l'heure. La porte, petite
comme celle d'un fourneau, s'ouvre ; le pilote
passe un mot griffonné au crayon. Je lis :
« Vous n'avez certainement pas chaud, mais
nous serions abominablement secoués en vo-
lant bas. » Quand même ! le pilote se soucie
de ses passagers.
Malgré le froid, cela nous réchauffe le
cœur. Nous mettons davantage de couver-
tures — heureusement la Compagnie a prévu
l'événement, il y en a beaucoup ! Les cimes
des montagnes sont couvertes de neige. Nous
sommes à leur niveau. Tout le monde se sent
bien, merveilleusement bien. J'ai faim. J'es-
père que l'on pourra manger à Alicante. Tou-
jours très haut. La petite porte s'ouvre en-
core ; encore un mot : « Une heure sur le
massif Alcoy et nous. sommes à Alicante ;
nous avons des vents debout de plus de
cent kilomètres. » Il nous remonte le moral
d'une façon merveilleuse, ce garçon ! Quel
bon chef d'escadrille il ferait, pendant une
guerre ! Ses subordonnés l'adoreraient ! Mais
ne pensons pas à la guerre.
Depuis que nous avons passé les Pyrénées,
nous n'avons presque pas plus de secousses
que dans une auto, et on se sent si frais, les
voies respiratoires si dégagées ! Si seulement
le Marseillais ne nous égayait pas tout le
temps avec ses observations sur le danger,
sur le retard ! Bref, s'il ne déprimait pas son
vis-à-vis, tout serait parfait. Quant à moi,
rien ne peut me jeter un froid. Il a raison, «
le Prince de Galles, de voyager par avion !
Les montagnes de l'Espagne, nues. striées,
disparaissent un peu ; voici une ville ; nous
descendons. Je sens une douleur dans les
oreilles; pour le moment, c'est atroce. Tou-
jours la descente. Obéissant au Marseillais,
nous faisons des grimaces terribles pour des-
serrer nos oreilles. Cela n'a pas l'air de faire
grand'chose. A terre, nous nous posons
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