98 l'Aérophile, Avril 1932
•Personnalités contemporaines
: LE PRI\CË BIBESGO '-'
pO-
Président de la F. A. 1., ,;:, j
Le souvenir du Comte de La Vaulx est encore
frais à nos mémoires. Son beau passé et sa carrière
splendidement remplie qui trouva, soudain, un
terme par l'horreur d'un effroyable accident sur-
venu; en Amérique, le 18 avril 1930, ont jeté une
vive lumière sur la dignité de président de la
Fédération- Aéronautique Internationale qui fut la
sienne pendant six années.
Pour réoccuper ce poste de haute importance, ne
fallait-il pas un homme de valeur, rompu à la
pratique comme à la théorie de l'aviation, aussi
bien que pénétré de la plus parfaite éducation
Le prince Bibesco
mondaine ? Il le fallait véritablement profession-
nel des choses de l'air et également expert aux
jeux subtils de la diplomatie. Une haute naissance,
s'alliant avec des sentiments démocratiques, était
souhaitable. L'Aéronautique mondiale - et la
nôtre aussi — ont été servis à souhait par un
destin qui eut le sens des oppositions heureuses.
Alors que H. de La Vaulx fut le champion du plus
léger que l'air, son successeur, représentant de
l'époque héroïque du vol mécanique, se trouve être
le Prince Georges Bibesco, titulaire du brevet
de l'Aéro-Club de France N° 20. Aviateur d'hier
et d'aujourd'hui.
Posséder le brevet 20, c'est, pour ainsi dire, être
précurseur, c'est être « Vieille Tige » notoire avec
les états de service que comporte cette flatteuse
classification. Cette parure professionnelle accom-
pagne magnifiquement la solide,valeur du nouveau
Président de la F.A.I.
Au demeurant, Georges Bibesco, extrêmement
répandu dans les mondes politique, militaire,
industriel, savant, artistique, littéraire et sportif,
y jouit d'une réputation bien sympathique. Sa
bienveillance envers le plus modeste collaborateur
égale l'exquise affabilité qui est à l'origine de
toute affaire discutée avec lui; sa haute culture le
mettant à même d'aplanir la difficulté par
l'appoint de solutions heureuses.
Le Prince est né le 3 avril 1880, à; Bucarest. Son
père, ancien élève de Saint-Cyr, puis Officier
d'état-major de notre armée, fut membre de
l'Institut. Auteur de plusieurs ouvrages d'histoire,
il fut médaillé par l'Académie française. Sa mère,
est. née Comtesse Valentine de Caraman-Chimay.
Très actif, Bibesco était invinciblement porté
vers la pratique de tous. les sports. En 1901, il
n'était, bien entendu, pas question d'aviation;
cependant, il avait déjà « pratiqué) l'air par de
nombreuses ascensions en ballon. Voilà qui est
une très bonne note diraient les aéronautes !
L'automobilisme eut pourtant sa préférence. Parmi
de nombreux raids, le voyage Suisse-Roumanie fut
un succès, étant donné les capricieux engins de
l'époque. Il en fixa même le souvenir dans un petit
ouvrage : « Genève-Bucarest en automobile ». Son
enthousiasmé l'amena à fonder sur l'heure le
Royal Automobile-Club de Roumanie dont il resta
Président durant vingt-deux ans.
En 1905, étant chargé de mission de Perse, il
gagna son poste par la route en traversant
l'Ukraine, la Crimée et le Caucase. La première
liaison automobile : Bucarest, Tiflis, Rescht, Téhé-
ran, Ispahan, était par ce temps et ces pays une
bien audacieuse nouveauté.
1907-1908. Voici le retentissement des premières
manifestations du vol mécanique. L'imagination
ardente du bouillant sportman ne pouvait pas ne
point s'enthousiasmer aux fastueuses promesses
d'une si formidable révélation. Ayant assisté aux
essais de son compatriote Vuia, puis suivi les
travaux de Santos-Dumont, Farman et des frères
Voisin à qui, précédemment, il avait commandé
des planeurs, il venait de trouver son chemin de
Damas.
Après avoir acquis et utilisé deux appareils
Voisin, il voulut essayer du monoplan. Lié d'amitié
avec Louis Blériot, il fut un de ses premiers
élèves et, sans doute, un des meilleurs, puisqu'en
peu d'heures il était apte à s'adjuger le vingtième
brevet (n'oublions pas que les numéros 1 à 10
furent attribués, sans examen, aux dix premiers
hommes-oiseaux).
Sitôt en possession du précieux et rare parche-
min, il s'essaya, un des tout premiers, à -bord
de son Blériot, au tourisme aérien; rien encore
du « Roland Garros o, bien sûr, mais tout de
même, l'idée, la promesse, l'étincelle, le ralenti.
De retour en Roumanie, en 1910, l'animateur
impénitent fonda la Ligue Aérienne de Roumanie
et la première école d'aviation où, en peu de mois,
furent formés douze pilotes.
- Dans l'armée, il fut nommé Capitaine, par décret
spécial, et commanda l'école d'aviation qu'il
venait de créer à Banéasa.
La guerre mondiale le trouva au service de son
pays où il eut sous ses ordres deux escadrilles de
reconnaissance; à l'armistice, il était colonel. Le
calme revenu, il reprit là direction de la propa-
gande aérienne en organisant le circuit de la
Petite - Entente, devenu classique, puis Paris-
Bucarest, réservé aux aviateurs militaires des
deux pays.
Depuis, 1923, le Prince Bibesco est Vice-Président
de l'Aéro-Olub de Roumanie (la présidence étant
actuellement exercée par le Roi Carol II) et chaque
année, il fut délégué à la F.A.I. dont il devint
Vice-Président en 1927, et Président en déctm-
bre 1930.
L'an dernier, en exécutant un raid en direction
d'Indochine, à bord du H.-de-La-Vaulx, avion
trimoteur Ford, il fut victime d'un accident grave,
le 17 avril 1931. On sait que la rencontre fortuite
d'un aigle ayant coincé des commandes de gau-
chissement, l'aéroplane dut atterrir précipitamment
et en de mauvaises conditions. Un incendie s'en
suivit, qui brûla grièvement le Président. Rétabli
très lentement, il trouva cependant l'énergie et le
courage de diriger, tout meurtri encore et très
affaibli, les travaux de la Fédération à Paris.
Georg es Blanchet.
(Suite, page 104.)
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