Titre : La Vie limousine : arts, littérature, théâtre, actualités, sports, tourisme, sciences, vie économique : revue illustrée paraissant le 25 de chaque mois
Éditeur : [s.n.] (Limoges)
Date d'édition : 1925-11-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328890910
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4438 Nombre total de vues : 4438
Description : 25 novembre 1925 25 novembre 1925
Description : 1925/11/25 (A1,N8). 1925/11/25 (A1,N8).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : Fonds régional : Limousin Collection numérique : Fonds régional : Limousin
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6546836r
Source : Bibliothèque francophone multimédia de Limoges, 2013-220042
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/10/2013
LA GAFFE DU TAILLEUR
A nombre de qualités, Jacques Minette joignait un
défaut énorme, un défaut stupide, un défaut qui rendait
souvent ses qualités inopérantes : il était, contrairement à
ce qui arrive à la plupart des hommes, entêté. Mais entêté
de façon outrancière, plus que Breton bretonnant, plus
qu'âne rouge qui, comme chacun sait, relève d'une espèce
sans rivale en matière d'idées préconçues.
Pour l'avoir eue sous ses ordres — Jacques Minette se
paraît du titre, honorablement conquis, de chef de bureau
— et parce qu'elle était blonde, il avait aimé, premier
stade, il avait épousé, dernier stade et conséquence lo-
gique, une Rose Dartigue, qui, malgré les apparences et
pareille en ceci à la plupart des femmes, ne laissait pas
d'être fort obstinée.
La lune de miel leur tissa, à l'un et à l'autre, des
heures d'illusion charmante. Aucun accroc ne les mit en
face de la latente réalité, aucun heurt ne leur révéla la
plaie de leur mentalité profonde. Puis des jours passè-
rent. Les rayons de l'astre quittèrent leur coloration de
rêve, se fondirent aux clartés du commun et, pour des
motifs sans consistance et auxquels on ne s'arrête d'abord
pas, les deux conjoints éprouvèrent la sensation, marquée
à peine, de fugitifs désaccords. Des mois passèrent qui
les rendirent complètement à la banale existence, et le
nuage, qui ponctuait au début leur ciel, se transforma vite
en nuée large et, graduel, à l'occasion d'un chapeau que
l'un détestait et que l'autre estimait adorable, d'un plat
qui pouvait être d'une confection plus délicate et que
Rose déclarait sans second, l'orage habita la nuée, s'y
fortifia, y grandit, au point d' éclater.
Un dimanche de clair soleil et de corolles épanouies,
Rose proposa de visiter une sienne tante, qu'on négli-
geait, à son sens. La tante, certes, n'avait point l'attrait
des indulgentes vieillesses, elle était acariâtre plutôt,
avec ses yeux gris, son nez sec et ses lèvres par trop
minces. Minette protesta. On verrait la tante durant la
semaine. On pouvait mieux faire et une promenade au
bord de l'eau, dans le frisson des feuilles — Aixette ou
Aurence — paraissait mieux indiquée. Rose étouffa un
sanglot.
— Tu méprises ma famille, dit-elle.
Jacques se récria.
Je ne méprise pas, dit-il. Mais le temps est précieux
quand, comme nous, on dispose de peu de temps.
— Si, tu méprises. et il suffit que je propose.
Jacques se refusa à écouter davantage. Il coupa :
— J'ai dit : on n'ira pas. Et, par tous les diables, on
n'ira pas !
Rose n'ajouta mot, prit son chapeau, le fixa d'une épin-
gle et, toutes portes claquantes, sortit.
Minette en éprouva de la stupéfaction et, l'absence de
Rose se prolongeant, de la colère. Il se remémora cer-
tains détails qui jalonnaient le court passé, n'étaient que
des riens et qu'il grossit à un degré invraisemblable. Il
se persuada que Rose n'avait pour lui aucun attachement.
Il se demanda même. Mais un coup d'oeil vers la glace
le rassura, son image, cheveux abondants et noirs, nez
agréablement sculpté, moustache fine, taille au-dessus de
la moyenne, son image lui semblant, si pas irrésistible,
ce qui eut été du dernier présomptueux, du moins nette-
ment acceptable. Pour faire bref, il entrevit l'enfer sur la
planète, récupéra aux rayons de l'armoire de personnels
souvenirs, des lettres, deux ou trois volumes, et sortit à
son tour.
Le divorce, avec l'automne et pour cause d' incompati-
bilité d'humeurs, rendit Jacques au vide de la vie de
garçon et libéra Rose qui essuya quelques larmes secrètes.
*
* *
Jacques se voulut une attitude de bronze, se fit de sa
conviction un refuge inattaquable. Tout était préférable
à Rose, même le spleen de loisirs qu'il ne savait à quoi
épuiser.
II faillit, à ce jeu, gagner de fâcheuses habitudes. Las
de compter les fleurs du papier qui tapissait son garni, las
du journal dégusté jusqu'à l'hyperbole des annonces, las
d'errer de rue en boulevard, il se risqua un soir à franchir
le seuil d'un café chantant. La lumière crue, l'atmosphère
chaude, les couplets court-vêtus l'offusquèrent plus qu'il
n'en voulut convenir. Il demeura néanmoins et attendit
minuit, vidant machinalement des bocks; il demeura, parce
qu'un homme comme lui ne pouvait décemment abandon-
ner une chose résolue.
A nombre de qualités, Jacques Minette joignait un
défaut énorme, un défaut stupide, un défaut qui rendait
souvent ses qualités inopérantes : il était, contrairement à
ce qui arrive à la plupart des hommes, entêté. Mais entêté
de façon outrancière, plus que Breton bretonnant, plus
qu'âne rouge qui, comme chacun sait, relève d'une espèce
sans rivale en matière d'idées préconçues.
Pour l'avoir eue sous ses ordres — Jacques Minette se
paraît du titre, honorablement conquis, de chef de bureau
— et parce qu'elle était blonde, il avait aimé, premier
stade, il avait épousé, dernier stade et conséquence lo-
gique, une Rose Dartigue, qui, malgré les apparences et
pareille en ceci à la plupart des femmes, ne laissait pas
d'être fort obstinée.
La lune de miel leur tissa, à l'un et à l'autre, des
heures d'illusion charmante. Aucun accroc ne les mit en
face de la latente réalité, aucun heurt ne leur révéla la
plaie de leur mentalité profonde. Puis des jours passè-
rent. Les rayons de l'astre quittèrent leur coloration de
rêve, se fondirent aux clartés du commun et, pour des
motifs sans consistance et auxquels on ne s'arrête d'abord
pas, les deux conjoints éprouvèrent la sensation, marquée
à peine, de fugitifs désaccords. Des mois passèrent qui
les rendirent complètement à la banale existence, et le
nuage, qui ponctuait au début leur ciel, se transforma vite
en nuée large et, graduel, à l'occasion d'un chapeau que
l'un détestait et que l'autre estimait adorable, d'un plat
qui pouvait être d'une confection plus délicate et que
Rose déclarait sans second, l'orage habita la nuée, s'y
fortifia, y grandit, au point d' éclater.
Un dimanche de clair soleil et de corolles épanouies,
Rose proposa de visiter une sienne tante, qu'on négli-
geait, à son sens. La tante, certes, n'avait point l'attrait
des indulgentes vieillesses, elle était acariâtre plutôt,
avec ses yeux gris, son nez sec et ses lèvres par trop
minces. Minette protesta. On verrait la tante durant la
semaine. On pouvait mieux faire et une promenade au
bord de l'eau, dans le frisson des feuilles — Aixette ou
Aurence — paraissait mieux indiquée. Rose étouffa un
sanglot.
— Tu méprises ma famille, dit-elle.
Jacques se récria.
Je ne méprise pas, dit-il. Mais le temps est précieux
quand, comme nous, on dispose de peu de temps.
— Si, tu méprises. et il suffit que je propose.
Jacques se refusa à écouter davantage. Il coupa :
— J'ai dit : on n'ira pas. Et, par tous les diables, on
n'ira pas !
Rose n'ajouta mot, prit son chapeau, le fixa d'une épin-
gle et, toutes portes claquantes, sortit.
Minette en éprouva de la stupéfaction et, l'absence de
Rose se prolongeant, de la colère. Il se remémora cer-
tains détails qui jalonnaient le court passé, n'étaient que
des riens et qu'il grossit à un degré invraisemblable. Il
se persuada que Rose n'avait pour lui aucun attachement.
Il se demanda même. Mais un coup d'oeil vers la glace
le rassura, son image, cheveux abondants et noirs, nez
agréablement sculpté, moustache fine, taille au-dessus de
la moyenne, son image lui semblant, si pas irrésistible,
ce qui eut été du dernier présomptueux, du moins nette-
ment acceptable. Pour faire bref, il entrevit l'enfer sur la
planète, récupéra aux rayons de l'armoire de personnels
souvenirs, des lettres, deux ou trois volumes, et sortit à
son tour.
Le divorce, avec l'automne et pour cause d' incompati-
bilité d'humeurs, rendit Jacques au vide de la vie de
garçon et libéra Rose qui essuya quelques larmes secrètes.
*
* *
Jacques se voulut une attitude de bronze, se fit de sa
conviction un refuge inattaquable. Tout était préférable
à Rose, même le spleen de loisirs qu'il ne savait à quoi
épuiser.
II faillit, à ce jeu, gagner de fâcheuses habitudes. Las
de compter les fleurs du papier qui tapissait son garni, las
du journal dégusté jusqu'à l'hyperbole des annonces, las
d'errer de rue en boulevard, il se risqua un soir à franchir
le seuil d'un café chantant. La lumière crue, l'atmosphère
chaude, les couplets court-vêtus l'offusquèrent plus qu'il
n'en voulut convenir. Il demeura néanmoins et attendit
minuit, vidant machinalement des bocks; il demeura, parce
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