19 NOVEMBRE 1921 LE GENIE CIVIL 439
de giration minimum du profil Grey, correspondant au moment
d'inertie Iy, est très supérieur à celui du profil normal.
La figure 9 donne, à titre d'exemple, et d'après la formule de
Rankine, les charges de sécurité de deux poutrelles de même
poids, en fonction de la longueur de voilement : la comparaison
est frappante.
En outre, la largeur des ailes assure aux profils Grey de réels
avantages au point de vue constructif : meilleure assise dans les
constructions, assiette plus large pour le repos des murs ou des
voûtins retombant sur les ailes, facilité des assemblages ; le
parallélisme des deux faces des ailes, garantit, d'autre part, une
exécution parfaite du rivetage, les deux têtes restant rigoureuse-
ment perpendiculaires à l'axe des rivets.
Poutrelle Grey et poutre rivée. — Au profil n° 60 s'arrête la
série des poutrelles normales ; encore les numéros supérieurs ne
sont-ils que rarement employés : c'est donc la poutre composée
rivée, que les gros profils Grey prétendent remplacer. Le
peuvent-ils avantageusement ?
Le profil laminé offre indiscutablement le bénéfice de la sim-
plicité. Suppri-
mant tout le long
et coûteux travail
de traçage, de per-
çage et de rivetage,
il fournit, par ail-
leurs, une section
homogène, sans as-
semblages difficiles
à surveiller, que
les trépidations
disloquent, et par
où s'introduisent
l'humidité et la
rouille.
Toutefois, on
peut faire deux
objections :
D'abord, la série
Grey n'offre qu'un
nombre limité de
profils, de section
constante et bien
déterminée ; la
constitution d'une
poutre composée,
au contraire, per-
met un nombre de
combinaisons à
peu près infini, et
FIG. 9. - Résistances au voilement (d'après la
formule de Rankine), d'une poutrelle Grey
et d'une poutrelle ordinaire du même poids.
1 + 10-4 1
l = longueur libre de voilement;
r = rayon de giration minimum de la seetion.
une approximation très serrée de la limite de sécurité imposée
au métal. La poutre composée permettra donc l'obtention du
même résultat avec un poids de matière inférieur.
On peut répondre à cette objection qu'économie de poids ne
veut pas toujours dire économie d'argent. Quel inconvénient
pourra présenter une différence de tonnage de 5 %, ou 10 %, si
la tonne de poutrelle laminée coûte lo %, ou 20 de moins que
la tonne de poutre rivée ? Cette manière d'envisager la question
n'est pas assez familière, peut-être, à beaucoup de constructeurs,
qui visent, avant tout, à faire « juste » et à faire léger. Ils
oublient que la légèreté n'est pas un but en soi ; elle n'est qu'un
moyen, et le vrai but reste toujours de faire « économique ».
Nous devons ajouter, d'ailleurs, que les laminoirs Grey sont
capables, sur commande d'une certaine importance, de fabriquer
des poutrelles hors série, à ailes renforcées.
On objectera, d'autre part, qu'avec une poutre Gt-ey, qui jouera,
la plupart du temps, étant donnée son importance, un rôle essen-
tiel dans la stabilité d'un ouvrage métallique, un défaut de fabri-
cation aura des conséquences autrement graves que s'il se
manifeste seulement dans l'un des constituants d'une poutre rivée
composée. Supporter une voie ferrée, par exemple, par deux
poutrelles n° 100, c'est « mettre tous ses œufs dans le même
panier ». Sans doute, mais sans parler de la sécurité réelle
garantie par le mode de laminage, et par le soin avec lequel la
fabrication est conduite et contrôlée, la pratique de vingt années
montre que cette crainte n'a pas de fondement. Relativement
peu connues, peu employées en France, — l'usine de Differdange
étant restée jusqu'à la guerre propriété d'une société allemande
- les grandes poutrelles Grey ont subi en maintes contrées,
dans des constructions très diverses, sur de nombreux réseaux
de chemins de fer, la sanction sévère de l'expérience et du
temps. Citons, par exemple : les piliers de la galerie des machi-
nes, à l'Exposition de Turin (1911), les poteaux des lignes de
contact aériennes du Chemin de fer électrique de l'Oberland
bernois; divers planchers aux Usines de Differdange; de nom-
breux ponts, etc. Pas un seul accident n'est à leur imputer.
Peut-on en dire autant des poutres composées ?
Aussi croyons-nous devoir attirer l'attention des constructeurs
sur les facilités que leur procure l'emploi des poutrelles Grey en 1
ainsi que des profils en U, du même type, que les laminoirs de
Differdange sont en mesure de livrer depuis quelque temps. Nul
doute qu'ils n'y trouvent, en maintes circonstances, les avantages
réunis de la simplicité, de la solidité et de l'économie.
J. AUDIGÉ,
Ingénieur des Arts et Manufactures.
MÉCANIQUE APPLIQUÉE
LE CALCUL DES PORTIQUES CONTINUS
Dans un mémoire publié récemment sous ce titre, dans le
dénie Civil ('), M. Benabenq, ingénieur en chef des Travaux
publics de l'Indochine, a établi les équations générales de défor-
mation des portiques continus. Son étude se termine par l'appli-
cation de ces équations à l'étude analytique de portiques con-
tinus à poutres supérieures droites, horizontales.
Nous basant sur nos études antérieures ('), nous nous propo-
sons de montrer ci-après que :
1° L établissement des équations générales de déformation des
portiques continus peut être simplifié par la considération des
moments d'encastrement parfait des travées successives de la
poutre supérieure ;
20 Les portiques continus à poutres supérieures droites, hori-
zontales. peuvent s'étudier par des procédés graphiques très
simples.
L - PHOPHIÉTÉS GÉNÉHALES DES PORTIQUES CONTINUS. - Dans
des études publiées dans les Annales des Travaux publics de Bel-
gique C), nous avons basé une théorie générale des portiques
continus, de forme quelconque, sur les principes suivants :
Une poutre quelconque AB (fig. 1), ou une partie quelconque
de construction, peut toujours être assimilée à une poutre
encastrée parfaitement aux deux bouts, dont les sections d'en-
castrement A et B ont subi des déformations égales à celles que
subissent les sections A et B de la poutre donnée dans la con-
struction étudiée.
Les réactions d'encastrement pA et p. de la poutre AB se déter-
minent par des procédés connus. Dans le cas le plus général,
cinq polygones funiculaires conduisent facilement au résultat
cherché (4).
Ces mêmes tracés donnent les éléments de l'ellipse centrale de
l'arc : centre de gravité G, poids élastique w, grandeurs a et b
des axes principaux Gr et Gy. On sait que les forces alignées
suivant G.l' ou Gy, appliquées à la section B de la poutre, donnent
à son centre B des déformations linéaires de direction Gx ou Gy,
fonctions des constantes de l'arc AB et proportionnelles à la
grandeur de la force. Une déformation angulaire a de la section B
s'obtient en y appliquant, de même, une force proportionnelle à ex,
alignée suivant l'antipolaire du centre B, par rapport à l'ellipse
centrale.
Si on connait les déformations (x, r et y de la section B, on sait
(1) Voir le Génie Civil des 20, 27 aoùt et 3 septembre 1921 (t. LXXIX, no. 8, 9 et 10).
(2) L. DESCANS : « Le calcul des poutres continues sur appuis fixes » (Annales des
Ingénieurs sortis de Gand, 1912); « Note sur quelques cas particuliers des poutres
droites à encastrement partiel » (idem, 1914). « Le calcul des poutres droites con-
tinues sur appuis fixes ou élastiques ». Dunod, éditeur, Paris, 1920.
(3) Février 1914. La publication de ces études s'est poursuivie partiellement en
notre absence, à Bruxelles, après aoùt 1914. mais n'a pu être achevée qu'en 1919.
(4) KOECHLIN : « Statique graphique ». L. DESCANS : « Arcs à deux rotules et arcs
encastrés ». Annales des Travaux publics de Belgique, 1907.
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