Titre : Le Monde illustré
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-10-19
Contributeur : Yriarte, Charles (1833-1898). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818319d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 octobre 1872 19 octobre 1872
Description : 1872/10/19 (A16,N810). 1872/10/19 (A16,N810).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6381026p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2943
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
« Li; MONDE ILLUSTRÉ i3'9
ratif de nos beautés naturelles, comme, hélas! aussi
l'étude approfondie de nos gorges et de nos sites mon-
tagneux!
Nous allons voir que ces pérégrinations alpestres n'ont
rien d'aride, et qu'elles peuvent offrir aux adeptes des
plaisirs de plus haut goût que ceux qu'on trouve sur le
turf de Chantily et sur la plage de Trouville.
Le 24, jour fixé pour la convocation des clubistes Al-
pins, ils arrivaient dès le matin en foule par le chemin
de fer et les bateaux du lac Léman, et se rendaient à
1 abbaye de l'Arc, où siégeait le comité central, qui dis-
tribuait à chacun sa carte de fête et son billet de loge-
ment. Que le mot abbaye n'induise personne en idée
cénobitique; c'est ici le nom donné à tout centre de
réunion fériale, à toute fête de corporation.
Il y a l'abbaye des charpentiers, l'abbaye des canon-
niers, l'abbaye de tel ou tel village. Celle de l'Arc n'est
autre qu'un cercle des plus élégants, je n'ose dire aris-
tocratique en ce pays républicain, fondé par les der-
n:ers amateurs du tir à l'arc et fréquenté par l'élite de
la société vaudoise, qui offrait en ce jour solennel au
club Alpin une large et cordiale hospitalité. Le cercle est
situé sur la magnifique promenade de Monbenon, et son
parc, ombragé de tilleuls séculaires, est bordé par une
vaste terrasse qui domine le lac de Genève et d'où l'on
découvre un splendide panorama.
Ce soir, les Alpinistes sont conviés à un festival in-
time; le parc est biillamment illuminé, ainsi que la fa-
cftde du casino, qui verse des torrents de fea sur Les
Ilelollses, où sont dressés des buffets servis avec pro-
fUsion, tandis que le vin d'honneur circule à flots parmi
les groupes de promeneurs. Les causeries animées for-
ment un bruissement joyeux, les cigares piquent de
leur étincelle le clair-obscur des allées; on raconte les
prouesses passées, on combine les plans d'excursions
futures, et l'on boit largement aux succès du club
Alpin.
Le lendemain, le club monte en corps au château, où
siège le conseil d'Etat, pouvoir exécutif du canton, à la
cathédrale, au musée, et de là se rend au théâlre. La
salle, dans toute la fraîcheur de son élégante décora-
lion, est éclairée à giomo et parée pour la circonstance
avec un goût merveilleux qui fait, aux artistes vaudois,
MM. Guignard, Javelle et Chaland, le plus grand hon-
neur.
t" séance est consacrée au compte rendu des travaux
de l'année, et j'ai pu apprécier l'amplitude de l'arène
ouverte à l'activité et à l'intelligence des membres du
dub. Les études embrassent la géologie, la minéralo-
gie,* la météorologie, la géographie, et incidemment
l'archéologie. On ne peut asser louer la direction pleine
de sagacité et d'ingénieuse prévoyance imprimée à ces
travaux par le comité central. Après plusieurs discours
pleins d'intérêt et débités avec cette verve gauloise qui
est le cachet, particulier de l'élocution romande, un
banquet plantureux réunit, les clubistes : de nouveaux
discours, des toasts et des couplets de circonstance lar-
gement arrosés terminent allègrement cette agapalc
journée, et rendez-vous est [.ris pour le lendemain à
MontilerlUX, d'où doivent partir l'es sections désignées
pour opérer les ascensions'arrêtées dans le programme.
Le point de ralliement général est à Glion, où le
dîner doit réunir, à deux heures, les sections ascen-
sionnistes et les membres moins alertes du c'ub. Glion
n'est qu'à 294 mètres au-dessus du niveau du Léman.
Celle a]¡',tude modeste se trouve tout à fait a ma me-
sure. I.es trois sections de service ont, elles, pour but :
la Cape-du-Moine, à 1,945 mètres; le Dent-de-Jamans,
à 1.870 mètres, et les Roches-de-Naye, à 2,010 mltres.
l'aies sont parties de Lausanne par un train spécial, à
cinq heures du matin. Je m'achemine vers Glion, avec un
petit groupe moins matinal, par le délicieux sentier du
Chaudron qui monte en haut en côtoyant un gigantes-
que rocher, labouré par un torrent qui forme à chaque
gradin de ravissantes cascades. Mais quels fantassins,
grand Dieu, que ces Suisses! Je croyais innocemment,
en m'accouplant à cette petite hiIlde de tard-venus,
gens pour la plupart de maturité respectable et d'appa-
rence pacifique, que j'allais effectuer une ascension
placide réglée sur une allure conforme aux us et cou-
tumes d'un Parisien en tournée. Ah! bien oui! j'étais
à peine à moitié du trajet, que je sentais mes poumons
à bout et les ampoules perler sous mes guêtres, tandis
(Ille mes compagnons à barbe grise; tout comme les
plus jeunes, grimpaient aux rampes les plus arduea
comme de vrais chamois et ne soufflaient pas plus
qu'en rase plainc. J'ai tenu bon néanmoins pour l'hon-
neur du drapcau, mais je proclame, furt de mon expé-
rience personnelle, que pour former un bon piéton de
montagne il faut le commencer tout jeune et l'exercer
avec persévérance.
Nous abordons, après une heure de marcbe, le pla-
teau de Glion, et là un spectacle enchanteur surgit à
nos yeux et nous ravit en extase. Devant nous, la Dent-
du-Midi profile sur l'azur le plus pur ses pics étince-
lants de blancheur ; à nos pieds, le lac et l'embouchure
du Rhône refléchissent le bleu du ciel; à droite, les
montagnes de la Savoie s'allongent, noyées dans la
pénombre, et sur notre gauche descendent en rampes
verdoyantes des sapins chevelus, les contreforts de la
Deiii-de Jatiiatisi
L'esplanade, gazonnf'e pir la nature d'une herbe
soyeuse comme celle de nos squares de Paris, se termine
en terrasse à pic; un abri de platanes écimés y étale
ses parasols pleins d'ombrage, sous lesquels sont
dressées trente tables pour les deux cent cinquante
convives attendus. x
L'hôtel du Midi, qui règne en se séjour, a noblement
fait les choses; on voit que le club Alpin est en odeur
suave parmi les aubergistes de haut lieu. Sur des nappes
éblouissantes de blancheur, et qui sont, ne vous en
déplaise, en papier sans fin, brillent un couvert plein
de promesses et d'innombrables bouteilles pleines,
elles aussi, de ce joli petit vin blanc vaudois si engageant
et si perfide. Boum !!! Qu'est-ce que cela? Un canon
du temps de Charles le Téméraire qui signale l'arrivée
d'une des sections exploratrices. Boum !!! Cela fait deux
seulement. Mais il est deux heures, et l'exactitude est
une vertu montagnarde ; on se met à table quand
même; la section attardée rattrapera les autres, ses
dents valent ses jarrets. Une surprise aimable du
comité, que ce corps de musique mandé de Lausanne
et qui remplit de ses fanfares cette atmosphère vi-
brante. Des dames élégantes en fraîche toilette sont
groupées sous !a véranda de l'hôtel, complétant le
charme du tableau. Le pierrier tonne encore; ce te
fois, c'est pour l'entrée du premier service ; seize gar-
çons en manches de chemise, en tabliers blancs, des-
cendent processionnellement la rampe du perron por-
tant les soupières fumantes, précédés du maître d'hô-
tel tout de noir habillé. Leur apparition est saluée par
des hourrahs enthousiastes qui partent du cœur. et
de l'estomac. Les bouteilles se vident, les p'ats disparais-
sent, et la bande des servants en blanche tenue multi-
plie des défilés qui me rappellent le premier acte du
SOI/UP d'Ambroise Tnomas.
La dernière section, qui a gravi les roches de
Jamans arrive enfin, vestons sur l'épaule, cravates à
la diable, poitrines au vent. Les fanfares sonnent de
plus belle, le petit canon fait rage, et un immense tollé
s'élance des poitrines réconfortées. On leur fait place
avec empressement, les questions et les récits se mê-
lent et s'emmêlent au bruit des fourchettes et au cli-
quetis des verres. Il est plus de cinq heures, on dîne et
l'on boit toujours. Pourtant les tables commencent à se
dégarnir; on s'étend sur ce moelleux gazon pour
fumer, savourer le café. Le coup de canon du départ
met tout le monde debout, on se forme en rangs de
fantaisie et l'on dévale, drapeaux au vent, musique en
tête, par le rapide sentier qui conduit à Chillon, Par-
tout sur son passage la bande joyeuse est accueillie
par les vivats des populations accourues des chalets du
voisinage.
On arrive ainsi à l'antique forteresse et l'on s'en-
gouffre sous les sombres arcades qui donnent accès
aux cours intérieures; les fenêtres sont garnies de
femmes agitant leurs mouchoirs et faisant aux clubistes
le plus avenant accueil.
Un canon, sérieux cette fois, tout à fait fédéral, tonne
avec majesté et achève de donner à la réception un ca-
ractère tout à fait grandiose. — La municipalité de
Chillon a voté un vin d'honneur pour fêter les clu-
bistes; les bouteilles arrivent en colonnes serrées, les
plateaux chargés de verres pleins circulent à foison,
partout on trinque, et les orateurs profitent.de l'excita-
tion générale pour écouler un certain nombre de dis-
couis. Mais la nuit est venue, le Bonivard attend sous
vapeur à l'embarcadère du lac; on se sépare avec effu-
sion, et la troupe, en liesse, envahit le pent constellé
de lanternes vénitiennes. Le trajet de Chitlon à Ouchy-
Lausanne s'effectue rapidement, accidenté de délona-
tions d'artifices, de feux de Bengale et de chants d'allé-
gresse. On débarque, et chaque cluhiste, s'emparant
d'une lanterne vénitienne, l'append à son bâton de
montagne, et l'on improvise une promenade aux flam-
beaux qui vient aboutir au cercle de l'Arc, où les pré-
sidents licencient leur cortège, s'ajournant à l'année
prochaine pour de nouvelles excursions et d'aussi
joyeuses fêtes.
J'ai été l'objet des attentions les plus gracieuses de
la part des présidents et membres du comité et de tous
les clubistes. Cette journée si remplie me laisse les
plus riantes impressions; puissent-elles, si faiblement
que je les traduise, piquer d'émulation notre jeunesse
française. Ce n'est pas le seul emprunt heureux qu'elle
pourrait faire à nos excellents voisins de la Suisse
romande.
EUG. OSSOLINI.
- » —
U ,E DISTRIBUTION DE PRIX A ROME
(Voir page 237)
-
La Rome nouvelle a quelque peine à rompre avec
l'ancien cérémonial, ou du moins à le remplacer par
quelque chose de mieux.
On vient de le voir, une fo's de plus, à la distribution
des prix aux élèves des écoles municipales.
Le discours du syndic, la musique, les chants ont
produit peu d'effet, malgré 1a présence du ministre de
l'intérieur, du ministre de l'instruction publique, du pré-
fet et de plusieurs autres personnages, qui, placés sur
une enceinte réservée, devant le palais des Conserva-
teurs, remettaient aux élèves les médailles qui consti-
tuaient leurs prix.
En réalité, la foule n'a rien vu que les enfants étalés
au dernier moment, sur les gradins cons ruits devant le
palais du milieu, et rangés pour chanter un hymne
froid et plat où ne palpite pas un sentiment.
Toutes les maîtresses étaient vêtues de soie nuire
uniformément, avec des voiles de dentelle noire sur
la tête; il y en a de fort jolies. *
Au-dessus des gradins où se sont placés IcsctJrunts,
qui chantaient l'hymne, on lisait cette inscription, sè-
che comme tout le reste, qui dominait la scène et
par laquelle nous terminerons ce compte rendu: .JI
Lodi' o aiiiire ulla Yù fn e qll lngegno.
A Home, on est très gourmet en fait d'épigraphes ;
aussi, nous avons entendu de9 critiques furieux s'écrier
devant celte légende pavée d'ailleurs de bonnes inten-
tions Niente ! NÍellté!. Céda stupie.
+
L'OURAGAN DES ANTILLES 4
*
(Voir page 240 et 241)
On se rappellera dans les Antilles de l'ouragan des
9 et 10 septembre. Les iles du Vtntj dépendantes de
l'archipel des Petites-Antilles, ont surtout souffert. Les
effets du cyclone se sont fait sentir sur la Dominique,
qui parait avoir été le point central de la tourmente,
et-sur la Guadeloupe au nord, et la Martinique au sud
du rayon d'action.
A la Guadeloupe, trois navires à voiles et un steamer
ont été jetés à la côte où ils ont péri. ,»
A la Dominique, tous les vaisseaux du port otit été
mis en pièces, et beaucoup de monde a péri. I"
A la Martinique, quatorze navires, dont neuf fran-
çais, sont perdus. On trouve un tableau navratit de
cette triste journée dans le journal les Antilles ;
Saint-Pierre-de-la-Martinique, 12 septembre.
« Trois navires longs-courriels français, dont deux
avaient leur plein chargement, deux bricks-goëlettes,
une goélette et deux côtres anglais, cinq caboteurs de
l'ile, une goëlette vénézuélienne, quinze gabarres, plu-
sieurs ch ilatids, deux chaloupes à vapeur, des embar-
cations de petite dimension, quantité de marchandises,
denrées coloniales et produits importés, voilà ce que
coûte à notre port l'impétueuse bourrasque qui s'est
ratif de nos beautés naturelles, comme, hélas! aussi
l'étude approfondie de nos gorges et de nos sites mon-
tagneux!
Nous allons voir que ces pérégrinations alpestres n'ont
rien d'aride, et qu'elles peuvent offrir aux adeptes des
plaisirs de plus haut goût que ceux qu'on trouve sur le
turf de Chantily et sur la plage de Trouville.
Le 24, jour fixé pour la convocation des clubistes Al-
pins, ils arrivaient dès le matin en foule par le chemin
de fer et les bateaux du lac Léman, et se rendaient à
1 abbaye de l'Arc, où siégeait le comité central, qui dis-
tribuait à chacun sa carte de fête et son billet de loge-
ment. Que le mot abbaye n'induise personne en idée
cénobitique; c'est ici le nom donné à tout centre de
réunion fériale, à toute fête de corporation.
Il y a l'abbaye des charpentiers, l'abbaye des canon-
niers, l'abbaye de tel ou tel village. Celle de l'Arc n'est
autre qu'un cercle des plus élégants, je n'ose dire aris-
tocratique en ce pays républicain, fondé par les der-
n:ers amateurs du tir à l'arc et fréquenté par l'élite de
la société vaudoise, qui offrait en ce jour solennel au
club Alpin une large et cordiale hospitalité. Le cercle est
situé sur la magnifique promenade de Monbenon, et son
parc, ombragé de tilleuls séculaires, est bordé par une
vaste terrasse qui domine le lac de Genève et d'où l'on
découvre un splendide panorama.
Ce soir, les Alpinistes sont conviés à un festival in-
time; le parc est biillamment illuminé, ainsi que la fa-
cftde du casino, qui verse des torrents de fea sur Les
Ilelollses, où sont dressés des buffets servis avec pro-
fUsion, tandis que le vin d'honneur circule à flots parmi
les groupes de promeneurs. Les causeries animées for-
ment un bruissement joyeux, les cigares piquent de
leur étincelle le clair-obscur des allées; on raconte les
prouesses passées, on combine les plans d'excursions
futures, et l'on boit largement aux succès du club
Alpin.
Le lendemain, le club monte en corps au château, où
siège le conseil d'Etat, pouvoir exécutif du canton, à la
cathédrale, au musée, et de là se rend au théâlre. La
salle, dans toute la fraîcheur de son élégante décora-
lion, est éclairée à giomo et parée pour la circonstance
avec un goût merveilleux qui fait, aux artistes vaudois,
MM. Guignard, Javelle et Chaland, le plus grand hon-
neur.
t" séance est consacrée au compte rendu des travaux
de l'année, et j'ai pu apprécier l'amplitude de l'arène
ouverte à l'activité et à l'intelligence des membres du
dub. Les études embrassent la géologie, la minéralo-
gie,* la météorologie, la géographie, et incidemment
l'archéologie. On ne peut asser louer la direction pleine
de sagacité et d'ingénieuse prévoyance imprimée à ces
travaux par le comité central. Après plusieurs discours
pleins d'intérêt et débités avec cette verve gauloise qui
est le cachet, particulier de l'élocution romande, un
banquet plantureux réunit, les clubistes : de nouveaux
discours, des toasts et des couplets de circonstance lar-
gement arrosés terminent allègrement cette agapalc
journée, et rendez-vous est [.ris pour le lendemain à
MontilerlUX, d'où doivent partir l'es sections désignées
pour opérer les ascensions'arrêtées dans le programme.
Le point de ralliement général est à Glion, où le
dîner doit réunir, à deux heures, les sections ascen-
sionnistes et les membres moins alertes du c'ub. Glion
n'est qu'à 294 mètres au-dessus du niveau du Léman.
Celle a]¡',tude modeste se trouve tout à fait a ma me-
sure. I.es trois sections de service ont, elles, pour but :
la Cape-du-Moine, à 1,945 mètres; le Dent-de-Jamans,
à 1.870 mètres, et les Roches-de-Naye, à 2,010 mltres.
l'aies sont parties de Lausanne par un train spécial, à
cinq heures du matin. Je m'achemine vers Glion, avec un
petit groupe moins matinal, par le délicieux sentier du
Chaudron qui monte en haut en côtoyant un gigantes-
que rocher, labouré par un torrent qui forme à chaque
gradin de ravissantes cascades. Mais quels fantassins,
grand Dieu, que ces Suisses! Je croyais innocemment,
en m'accouplant à cette petite hiIlde de tard-venus,
gens pour la plupart de maturité respectable et d'appa-
rence pacifique, que j'allais effectuer une ascension
placide réglée sur une allure conforme aux us et cou-
tumes d'un Parisien en tournée. Ah! bien oui! j'étais
à peine à moitié du trajet, que je sentais mes poumons
à bout et les ampoules perler sous mes guêtres, tandis
(Ille mes compagnons à barbe grise; tout comme les
plus jeunes, grimpaient aux rampes les plus arduea
comme de vrais chamois et ne soufflaient pas plus
qu'en rase plainc. J'ai tenu bon néanmoins pour l'hon-
neur du drapcau, mais je proclame, furt de mon expé-
rience personnelle, que pour former un bon piéton de
montagne il faut le commencer tout jeune et l'exercer
avec persévérance.
Nous abordons, après une heure de marcbe, le pla-
teau de Glion, et là un spectacle enchanteur surgit à
nos yeux et nous ravit en extase. Devant nous, la Dent-
du-Midi profile sur l'azur le plus pur ses pics étince-
lants de blancheur ; à nos pieds, le lac et l'embouchure
du Rhône refléchissent le bleu du ciel; à droite, les
montagnes de la Savoie s'allongent, noyées dans la
pénombre, et sur notre gauche descendent en rampes
verdoyantes des sapins chevelus, les contreforts de la
Deiii-de Jatiiatisi
L'esplanade, gazonnf'e pir la nature d'une herbe
soyeuse comme celle de nos squares de Paris, se termine
en terrasse à pic; un abri de platanes écimés y étale
ses parasols pleins d'ombrage, sous lesquels sont
dressées trente tables pour les deux cent cinquante
convives attendus. x
L'hôtel du Midi, qui règne en se séjour, a noblement
fait les choses; on voit que le club Alpin est en odeur
suave parmi les aubergistes de haut lieu. Sur des nappes
éblouissantes de blancheur, et qui sont, ne vous en
déplaise, en papier sans fin, brillent un couvert plein
de promesses et d'innombrables bouteilles pleines,
elles aussi, de ce joli petit vin blanc vaudois si engageant
et si perfide. Boum !!! Qu'est-ce que cela? Un canon
du temps de Charles le Téméraire qui signale l'arrivée
d'une des sections exploratrices. Boum !!! Cela fait deux
seulement. Mais il est deux heures, et l'exactitude est
une vertu montagnarde ; on se met à table quand
même; la section attardée rattrapera les autres, ses
dents valent ses jarrets. Une surprise aimable du
comité, que ce corps de musique mandé de Lausanne
et qui remplit de ses fanfares cette atmosphère vi-
brante. Des dames élégantes en fraîche toilette sont
groupées sous !a véranda de l'hôtel, complétant le
charme du tableau. Le pierrier tonne encore; ce te
fois, c'est pour l'entrée du premier service ; seize gar-
çons en manches de chemise, en tabliers blancs, des-
cendent processionnellement la rampe du perron por-
tant les soupières fumantes, précédés du maître d'hô-
tel tout de noir habillé. Leur apparition est saluée par
des hourrahs enthousiastes qui partent du cœur. et
de l'estomac. Les bouteilles se vident, les p'ats disparais-
sent, et la bande des servants en blanche tenue multi-
plie des défilés qui me rappellent le premier acte du
SOI/UP d'Ambroise Tnomas.
La dernière section, qui a gravi les roches de
Jamans arrive enfin, vestons sur l'épaule, cravates à
la diable, poitrines au vent. Les fanfares sonnent de
plus belle, le petit canon fait rage, et un immense tollé
s'élance des poitrines réconfortées. On leur fait place
avec empressement, les questions et les récits se mê-
lent et s'emmêlent au bruit des fourchettes et au cli-
quetis des verres. Il est plus de cinq heures, on dîne et
l'on boit toujours. Pourtant les tables commencent à se
dégarnir; on s'étend sur ce moelleux gazon pour
fumer, savourer le café. Le coup de canon du départ
met tout le monde debout, on se forme en rangs de
fantaisie et l'on dévale, drapeaux au vent, musique en
tête, par le rapide sentier qui conduit à Chillon, Par-
tout sur son passage la bande joyeuse est accueillie
par les vivats des populations accourues des chalets du
voisinage.
On arrive ainsi à l'antique forteresse et l'on s'en-
gouffre sous les sombres arcades qui donnent accès
aux cours intérieures; les fenêtres sont garnies de
femmes agitant leurs mouchoirs et faisant aux clubistes
le plus avenant accueil.
Un canon, sérieux cette fois, tout à fait fédéral, tonne
avec majesté et achève de donner à la réception un ca-
ractère tout à fait grandiose. — La municipalité de
Chillon a voté un vin d'honneur pour fêter les clu-
bistes; les bouteilles arrivent en colonnes serrées, les
plateaux chargés de verres pleins circulent à foison,
partout on trinque, et les orateurs profitent.de l'excita-
tion générale pour écouler un certain nombre de dis-
couis. Mais la nuit est venue, le Bonivard attend sous
vapeur à l'embarcadère du lac; on se sépare avec effu-
sion, et la troupe, en liesse, envahit le pent constellé
de lanternes vénitiennes. Le trajet de Chitlon à Ouchy-
Lausanne s'effectue rapidement, accidenté de délona-
tions d'artifices, de feux de Bengale et de chants d'allé-
gresse. On débarque, et chaque cluhiste, s'emparant
d'une lanterne vénitienne, l'append à son bâton de
montagne, et l'on improvise une promenade aux flam-
beaux qui vient aboutir au cercle de l'Arc, où les pré-
sidents licencient leur cortège, s'ajournant à l'année
prochaine pour de nouvelles excursions et d'aussi
joyeuses fêtes.
J'ai été l'objet des attentions les plus gracieuses de
la part des présidents et membres du comité et de tous
les clubistes. Cette journée si remplie me laisse les
plus riantes impressions; puissent-elles, si faiblement
que je les traduise, piquer d'émulation notre jeunesse
française. Ce n'est pas le seul emprunt heureux qu'elle
pourrait faire à nos excellents voisins de la Suisse
romande.
EUG. OSSOLINI.
- » —
U ,E DISTRIBUTION DE PRIX A ROME
(Voir page 237)
-
La Rome nouvelle a quelque peine à rompre avec
l'ancien cérémonial, ou du moins à le remplacer par
quelque chose de mieux.
On vient de le voir, une fo's de plus, à la distribution
des prix aux élèves des écoles municipales.
Le discours du syndic, la musique, les chants ont
produit peu d'effet, malgré 1a présence du ministre de
l'intérieur, du ministre de l'instruction publique, du pré-
fet et de plusieurs autres personnages, qui, placés sur
une enceinte réservée, devant le palais des Conserva-
teurs, remettaient aux élèves les médailles qui consti-
tuaient leurs prix.
En réalité, la foule n'a rien vu que les enfants étalés
au dernier moment, sur les gradins cons ruits devant le
palais du milieu, et rangés pour chanter un hymne
froid et plat où ne palpite pas un sentiment.
Toutes les maîtresses étaient vêtues de soie nuire
uniformément, avec des voiles de dentelle noire sur
la tête; il y en a de fort jolies. *
Au-dessus des gradins où se sont placés IcsctJrunts,
qui chantaient l'hymne, on lisait cette inscription, sè-
che comme tout le reste, qui dominait la scène et
par laquelle nous terminerons ce compte rendu: .JI
Lodi' o aiiiire ulla Yù fn e qll lngegno.
A Home, on est très gourmet en fait d'épigraphes ;
aussi, nous avons entendu de9 critiques furieux s'écrier
devant celte légende pavée d'ailleurs de bonnes inten-
tions Niente ! NÍellté!. Céda stupie.
+
L'OURAGAN DES ANTILLES 4
*
(Voir page 240 et 241)
On se rappellera dans les Antilles de l'ouragan des
9 et 10 septembre. Les iles du Vtntj dépendantes de
l'archipel des Petites-Antilles, ont surtout souffert. Les
effets du cyclone se sont fait sentir sur la Dominique,
qui parait avoir été le point central de la tourmente,
et-sur la Guadeloupe au nord, et la Martinique au sud
du rayon d'action.
A la Guadeloupe, trois navires à voiles et un steamer
ont été jetés à la côte où ils ont péri. ,»
A la Dominique, tous les vaisseaux du port otit été
mis en pièces, et beaucoup de monde a péri. I"
A la Martinique, quatorze navires, dont neuf fran-
çais, sont perdus. On trouve un tableau navratit de
cette triste journée dans le journal les Antilles ;
Saint-Pierre-de-la-Martinique, 12 septembre.
« Trois navires longs-courriels français, dont deux
avaient leur plein chargement, deux bricks-goëlettes,
une goélette et deux côtres anglais, cinq caboteurs de
l'ile, une goëlette vénézuélienne, quinze gabarres, plu-
sieurs ch ilatids, deux chaloupes à vapeur, des embar-
cations de petite dimension, quantité de marchandises,
denrées coloniales et produits importés, voilà ce que
coûte à notre port l'impétueuse bourrasque qui s'est
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