Titre : Le Monde illustré
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-11-27
Contributeur : Yriarte, Charles (1833-1898). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818319d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 52729 Nombre total de vues : 52729
Description : 27 novembre 1880 27 novembre 1880
Description : 1880/11/27 (A24,T47,N1235). 1880/11/27 (A24,T47,N1235).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6373964t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2943
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
330 LE MONDE ILLUSTRÉ
phan!. Je vous remercie de tout mon cœur, de
toute mon âme! Je l'adore, votre chanson triste et
douce. Stéphan, vous m'avez "rendue bienheureuse !
— Allons, dit-il, je suis heureux, moi aussi, si
j'ai pu réussir selon votre désir.
— Mieux encore que je ne l'espérais. J'aimais
votre talent, Stéphan, et je viens d'apprendre que
je ne le connaissais pas tout entier!
Que cette journée fut courte pour Marianne! Elle
vit partir le jeune homme avec regret, et pourtant
Stéphan ne la quitta que longtemps après le cou-
cher du soleil. Pendant quelques heures, ils avaient
vécu tous les deux loin' du monde, dans le pays
des songes et do l'éternelle félicité.
VI
Dans cette solitude, où Stéphan venait moins
qu'elle ne l'aurait voulu peut-être, mais où il était
toujours présent, Mlle de Béreux passa tout le
printemps, puis l'été et les premiers jours de l'au-
tomne. Il serait assez difficile de dire si elle était
heureuse ; en tout cas, il est facile de comprendre
que le bonheur qu'elle avait alors ne ressemblait
en rien à celui qu'elle avait eu autrefois : il lui sem-
blait que ce n'était pas le même cœur qui battît
dans sa poitrine.
Clémence, qui observait attentivement sa sœur,
dit un jour à Stéphan qu'elle était persuadée que
Marianne lui avait pardonné et leur demanderait
bientôt à venir habiter avec eux.
— Elle sera la bienvenue, répondit le jeune
homme. Une semblable existence de solitude et de
tristesse ne pouvait toujours durer. Je suis charmé
que ta sœur ait enfin compris que je n'étais pas son
ennemi et qu'elle devait m'estimer, m'aimer comme
son frère. Je ne crois pas pourtant qu'elle nous de-
mande de revenir à Clermont; elle en aura le désir
peut-être, mais son orgueil; qui est très grand,
l'empêchera sans doute d'avouer que la solitude lui
pèse.
— Il faut qu'elle quitte le Châteiet, mon cher
Stéphan, reprit Clémence ; sa santé est trop délicate
pour qu'elle puisse supporter l'hiver dans les mon-
tagnes. Pardonne à son orgueil et sois bon pour
Marianne lorsqu'elle reviendra vers nous.
— Je t'ai dit, Clémence, que ta sœur serait la
bienvenue.
A l i fin de l'automne, par un mauvais jour som-
bre et désolé, Marianne attendait sa sœur et Sté-
phan. Penchée à la fenêtre, elle, regardait le petit
sentier qui conduisait à la ferme. Tout dans la
nature avait pris un aspect grave et trtlte, comme
recueilli; on eût dit le lendemain d'iyàe fête : les
arbres, presque dépouillés, avaient déjà froid
comme en hiver; dans le petit sentier, le vent
roulait les feuilles séchées qui tourbillonnaient
un instant dans la poussière, puis allaient s'abattre
un peu plus loin pour se relever'encore et dispa-
raître. L'horizon était vaste devant la jeune fille,
parce que l'air était pur et limpide comme en été,
et que les feuilles des arbres n'empêchaient pas la
vue de s'étendre. Des troupeaux passaient, conduits
par des paysannes enveloppées de leurs grands
manteaux de bure et qui marchaient en chantant
de mélancoliques chansons. Marianne était là, re-
gardant, les yeux fixes, dans une tranquille et af-
fectueuse contemplation, la nature charmante qui
vivait sous le regard de Dieu, lorsque, au détour du
sentier, subitement, elle vit paraître Stéphan. Il
était seul. Elle rougit, et sortant de la ferme, elle
s'avança vers lui.
— Clémence n'a pu venir aujourd'hui, le temps
est très mauvais, dit Stéphan en lui tendant la
main.
— Entrez, dit la jeune fille, vous devez avoir
froid.
Elle s'assit avec lui sous là grande cheminée de
la ferme, et ils restèrent un instant l'un près de
l'autre sans mot dire. Marianne tourmentait de ses
petite mains frêles le bord de sa robe; Stéphan bâ-
tissait dans la cheminée de savants échafaudages
qui tout à coup s'écroulaient en lançant des étin-
celles. Ils étaient seuls; les paysans travaillaient
dans les bois voisins.
Vpouvez rester ici, Marianne; votre santé est déli-
cate et ne saurait supporter une si redoutable sai-
son. Il faut revenir avec nous à Clermont; vous
serez heureuse, entourée de soins, aimée comme
vous êtes digne de l'être; vous vivrez comme il
vous plaira de -vivre; ni Clémence ni moi nous ne
gênerons votre liberté et vos goûts; nous passe-
rons. si vous voulez-, des heures charmantes en-
semble ; si vous le préférez, vous resterez seule
dans les rêveries qui vous sont chères et que nous
ne troublerons pas.
— Je ne veux pas quitter cette paisible retraite,
répondit Mlle de Béreux. Le spectacle de votre bon-
heur nuirait peut-être au mien : je n'ai pas su être
heureuse, et je ne me sens pas la force de pardon-
ner à ceux qui sont heureux. Je serais injuste et
cruelle pour vous et pour ma sœur; je craindrais
de vous déplaire et de lasser votre affection et vo-
tre patience. Il faut que la paix règne entre nous,
et, pour qu'elle puisse être durable et sincère, nous
ne devons pas vivre trop près les uns des autres.
Je resterai ici, Stéphan; je vous demande seule-
ment de venir me voir quelquefois.
— Je viendrai, je vous le promets, Marianne;
mais songez que vous ne devez pas exposer votre
sœur, pendant la mauvaise saison, à un si long tra-
jet, et pendant bien des mois vous ne pourrez em-
brasser celle que vous aimez plus que tout au
monde et qui vous aime de tout son cœur. C'est à
peine s'il me sera possible de vous apporter quel-
quefois de ses nouvelles.
— Je vous recevrai de mon mieux dans ma pe-
tite masure, Stéphan, et, si vous le voulez bien,
vous me donnerez encore des leçons : je chante
souvent votre belle musique, et en la chantant, je
songe toujours à vous. Vous avez été bon et géné-
reux pour moi, Stéphan, je vous remercie.
(A suivte.) GEORGES GERMEAU.
_u —————————
VOYAGE
UF /li'T/m 01'" FICIERS nR T.'kRCA rt H K INfERNATIONAL,
AU MO vrKNKf.MO
(SU"
A rive verte que nous suivons est très ha-
bitée. — Le long du sentier, près de la
< plage, nous rencontrons des jardins, des
^villages, des clochers; beaucoup de mai-
sons de campagne. d'anciennes habitations de
riches datant de la domination de Venise, et tom-
bées aux mains de pauvres gens; de grands balcons
sculptés, de belles portes à ferrures, des maisons
seigneuriales, ayant l'air abandonné et délabré.
Des Dalmates en habits brodés du dimanche sta-
tionnent. devant les églises : c'est l'heure de la
messe. Il y a aussi des manières de dames drôle-
ment fagotées et des messieurs qui ont des têtes
allemandes. — Le vent souffle, glacial, sur tout ce
monde qui paraît transi, qui fait piètre mine sous
ce ciel d'hiver. — On nous regarde avec curiosité.
— Matheo et ses trois hommes nous suivent, por-
tant nos manteaux et nos bagages; nous formons
une caravane de huit personnes marchant vite, et
on ne comprend pas très bien où nous pouvons
aller de ce pas.
Dans les villages, nous parlementons avec les
bateliers. — Le vent s'est un peu calmé, et nous
voudrions bien prendre une barque pour continuer
notre voyage. — Mais tous trouvent le temps trop
mauvais et refusent de nous conduire.
Bon gré mal gré, il faut se remettre en marche.
Il y a tant de choses en l'air, on en voit tant
et tant partout, au-dessus de sa tête : des villages,
des bois, des rochers dans le ciel, que cela donne
l'impression d'un chavirement des choses, d'un
renversement des plans de perspective, d'un re-
tournement du monde.
Et, en face, sur la rive .du Monténégro, toujours
les étonnantes cimes de pierre, sur lesquelles pas-
sent très vite d'étranges petits .nuages — qui ont
l'air de houppes en ouate grise se promenant sur
des murailles noires.
Il y a deux heures que nous marchons, et cette
promenade n'ouïrait pas dans notre programme.—
Un petit marchand de gâteaux, qui véndries pains
d'épices et des macarons, passe à point : nous pen-
sions mourir de faim.
Voici Cattaro qui paraît devant nous; — bâti lui
aussi aux pieds du Monténégro, ses remparts et ses
clochers ayant des dimensions lilliputiennes au-
dessous de cet échafaudage effroyable de rochers
gris.
Par la route de terre, tout cela est encore fort
loin. — Enfin, trouvons-nous, par bonheur, deux
vieux bonshommes qui consentent à nous y con-
duire par eau.
Nous montons dans leur barque qui est fort pe-
tite. — Après trois quarts d'heure de traversée et
une nouvelle aspersion d'eau de mer, nous mettons
pied sur le quai de la ville. — Il est onze heures et
demie, et nos sommes en route depuis plus de qua?
tre henres.
Heureusement, la première personne que nous
rencontrons dans la rue est celle que nous cher-
chions : un certain M. llamadanovitch, homme
d'affaires du prince Nikita, que Matheo reconnaît
et accroche au passage. — Ce monsieur, qui est
vêtu comme un Français et fort poli, veut bien se
charger de nous procurer au plus tôt des chevaux
et des guides. — Dans une heure, il s'engage à
nous les faire parvenir à l'hôtel où nous allons dé-
jeuner.
Par le dédale des petites rues de Cattaro, nous
nous dirigeons vers YAlbergo del Cacciatore (l'hôtel
du Chasseur). — Dans quel quartier de cette ville
que l'on soit, on est toujours sûr, en regardant en
l'air, d'apercevoir sur sa tète, par-dessus les mai-
sons, à des hauteurs extraordinaires, un mélange
de nuages et de rochers qui grimpent dans le ciel
et semblent prêts à s'effondrer sur le public; — cela
donne à ces vieilles rues étroites un caractère
étrange.
Dans une maison ancienne, qui a dû être aussi
autrefois une habitation de riche Vénitien, se tient
une table d'hôte où se parlent plusieurs langues :
c'est YAlberflo del Cacciatore. — Nous y entendons le
slave, l'italien — et l'allemand lourd de quelques
officiers autrichiens causant avec de grosses per-
sonnes blondes qui ont des têtes de Gretchens trop
mûres et des toilettes cocasses.
Le déjeuner, mangé de très bon appétit, se termine
par un dessert local : cela s'appelle un jardinctto
(petit jardin). — Jardin où poussent toutes sortes
de choses; grand plat où sont plantés pêle-mêle
des fromages, des gâteaux et des fruits.
Après le jardinetto, nous voyons entrer des grands
diables de Monténégrins, sales et dépenaillés, ayant
des boucles d'oreilles et des mines de bandits, avec
un arsenal de poignards et de pistolets à leur cein-
ture. — Ce sont nos guides que M. Ramadanovitcli
nous envoie. — Otant très humblement leurs bon-
nets rouges, ils nous préviennent en italien que nos
chevaux nous attendent à la porte de Cattaro et
qu'il faut nous hâter de partir.
(A suivre.) 4 ———— LO
rrHÉA TRÊS
G11 VTET.ET : Michel Stragoft, pièce en cinq actes et seize
tableaux, par MM. d'Ennery et Jules Verne. — VAUDE-
VILLE : Reprise du Père prodigue. — Représentation de
retraite de M. Talbot.
) CA!JiJ.
TOUS ceux qui se proposent de voir la
(nouvelle pièce du Châtelet, je ne saurais
itrop recommander de se munir de visières
>vert.es. afin de se garantir des éblouisse-
ments de la mise en scène. Sans cette précaution,
quelques-uns risqueraient d'être aveuglés plus sû-
rement que Michel Strogoif lui-même, l'infortuné
courrier du tzar. On a quelque peine à reconnaître
le roman de Jules Verne sous ce luxe de costumes
et de décors, dans cette accumulation de splendeurs,
mais on ne tarde pas à s'y faire et à y prendre un
double intérêt.
Le sujet est connu, M. d'Ennery a eu peu de
choie a y agiter, mais ce peu de chose est mar-
phan!. Je vous remercie de tout mon cœur, de
toute mon âme! Je l'adore, votre chanson triste et
douce. Stéphan, vous m'avez "rendue bienheureuse !
— Allons, dit-il, je suis heureux, moi aussi, si
j'ai pu réussir selon votre désir.
— Mieux encore que je ne l'espérais. J'aimais
votre talent, Stéphan, et je viens d'apprendre que
je ne le connaissais pas tout entier!
Que cette journée fut courte pour Marianne! Elle
vit partir le jeune homme avec regret, et pourtant
Stéphan ne la quitta que longtemps après le cou-
cher du soleil. Pendant quelques heures, ils avaient
vécu tous les deux loin' du monde, dans le pays
des songes et do l'éternelle félicité.
VI
Dans cette solitude, où Stéphan venait moins
qu'elle ne l'aurait voulu peut-être, mais où il était
toujours présent, Mlle de Béreux passa tout le
printemps, puis l'été et les premiers jours de l'au-
tomne. Il serait assez difficile de dire si elle était
heureuse ; en tout cas, il est facile de comprendre
que le bonheur qu'elle avait alors ne ressemblait
en rien à celui qu'elle avait eu autrefois : il lui sem-
blait que ce n'était pas le même cœur qui battît
dans sa poitrine.
Clémence, qui observait attentivement sa sœur,
dit un jour à Stéphan qu'elle était persuadée que
Marianne lui avait pardonné et leur demanderait
bientôt à venir habiter avec eux.
— Elle sera la bienvenue, répondit le jeune
homme. Une semblable existence de solitude et de
tristesse ne pouvait toujours durer. Je suis charmé
que ta sœur ait enfin compris que je n'étais pas son
ennemi et qu'elle devait m'estimer, m'aimer comme
son frère. Je ne crois pas pourtant qu'elle nous de-
mande de revenir à Clermont; elle en aura le désir
peut-être, mais son orgueil; qui est très grand,
l'empêchera sans doute d'avouer que la solitude lui
pèse.
— Il faut qu'elle quitte le Châteiet, mon cher
Stéphan, reprit Clémence ; sa santé est trop délicate
pour qu'elle puisse supporter l'hiver dans les mon-
tagnes. Pardonne à son orgueil et sois bon pour
Marianne lorsqu'elle reviendra vers nous.
— Je t'ai dit, Clémence, que ta sœur serait la
bienvenue.
A l i fin de l'automne, par un mauvais jour som-
bre et désolé, Marianne attendait sa sœur et Sté-
phan. Penchée à la fenêtre, elle, regardait le petit
sentier qui conduisait à la ferme. Tout dans la
nature avait pris un aspect grave et trtlte, comme
recueilli; on eût dit le lendemain d'iyàe fête : les
arbres, presque dépouillés, avaient déjà froid
comme en hiver; dans le petit sentier, le vent
roulait les feuilles séchées qui tourbillonnaient
un instant dans la poussière, puis allaient s'abattre
un peu plus loin pour se relever'encore et dispa-
raître. L'horizon était vaste devant la jeune fille,
parce que l'air était pur et limpide comme en été,
et que les feuilles des arbres n'empêchaient pas la
vue de s'étendre. Des troupeaux passaient, conduits
par des paysannes enveloppées de leurs grands
manteaux de bure et qui marchaient en chantant
de mélancoliques chansons. Marianne était là, re-
gardant, les yeux fixes, dans une tranquille et af-
fectueuse contemplation, la nature charmante qui
vivait sous le regard de Dieu, lorsque, au détour du
sentier, subitement, elle vit paraître Stéphan. Il
était seul. Elle rougit, et sortant de la ferme, elle
s'avança vers lui.
— Clémence n'a pu venir aujourd'hui, le temps
est très mauvais, dit Stéphan en lui tendant la
main.
— Entrez, dit la jeune fille, vous devez avoir
froid.
Elle s'assit avec lui sous là grande cheminée de
la ferme, et ils restèrent un instant l'un près de
l'autre sans mot dire. Marianne tourmentait de ses
petite mains frêles le bord de sa robe; Stéphan bâ-
tissait dans la cheminée de savants échafaudages
qui tout à coup s'écroulaient en lançant des étin-
celles. Ils étaient seuls; les paysans travaillaient
dans les bois voisins.
V
cate et ne saurait supporter une si redoutable sai-
son. Il faut revenir avec nous à Clermont; vous
serez heureuse, entourée de soins, aimée comme
vous êtes digne de l'être; vous vivrez comme il
vous plaira de -vivre; ni Clémence ni moi nous ne
gênerons votre liberté et vos goûts; nous passe-
rons. si vous voulez-, des heures charmantes en-
semble ; si vous le préférez, vous resterez seule
dans les rêveries qui vous sont chères et que nous
ne troublerons pas.
— Je ne veux pas quitter cette paisible retraite,
répondit Mlle de Béreux. Le spectacle de votre bon-
heur nuirait peut-être au mien : je n'ai pas su être
heureuse, et je ne me sens pas la force de pardon-
ner à ceux qui sont heureux. Je serais injuste et
cruelle pour vous et pour ma sœur; je craindrais
de vous déplaire et de lasser votre affection et vo-
tre patience. Il faut que la paix règne entre nous,
et, pour qu'elle puisse être durable et sincère, nous
ne devons pas vivre trop près les uns des autres.
Je resterai ici, Stéphan; je vous demande seule-
ment de venir me voir quelquefois.
— Je viendrai, je vous le promets, Marianne;
mais songez que vous ne devez pas exposer votre
sœur, pendant la mauvaise saison, à un si long tra-
jet, et pendant bien des mois vous ne pourrez em-
brasser celle que vous aimez plus que tout au
monde et qui vous aime de tout son cœur. C'est à
peine s'il me sera possible de vous apporter quel-
quefois de ses nouvelles.
— Je vous recevrai de mon mieux dans ma pe-
tite masure, Stéphan, et, si vous le voulez bien,
vous me donnerez encore des leçons : je chante
souvent votre belle musique, et en la chantant, je
songe toujours à vous. Vous avez été bon et géné-
reux pour moi, Stéphan, je vous remercie.
(A suivte.) GEORGES GERMEAU.
_u —————————
VOYAGE
UF /li'T/m 01'" FICIERS nR T.'kRCA rt H K INfERNATIONAL,
AU MO vrKNKf.MO
(SU"
A rive verte que nous suivons est très ha-
bitée. — Le long du sentier, près de la
< plage, nous rencontrons des jardins, des
^villages, des clochers; beaucoup de mai-
sons de campagne. d'anciennes habitations de
riches datant de la domination de Venise, et tom-
bées aux mains de pauvres gens; de grands balcons
sculptés, de belles portes à ferrures, des maisons
seigneuriales, ayant l'air abandonné et délabré.
Des Dalmates en habits brodés du dimanche sta-
tionnent. devant les églises : c'est l'heure de la
messe. Il y a aussi des manières de dames drôle-
ment fagotées et des messieurs qui ont des têtes
allemandes. — Le vent souffle, glacial, sur tout ce
monde qui paraît transi, qui fait piètre mine sous
ce ciel d'hiver. — On nous regarde avec curiosité.
— Matheo et ses trois hommes nous suivent, por-
tant nos manteaux et nos bagages; nous formons
une caravane de huit personnes marchant vite, et
on ne comprend pas très bien où nous pouvons
aller de ce pas.
Dans les villages, nous parlementons avec les
bateliers. — Le vent s'est un peu calmé, et nous
voudrions bien prendre une barque pour continuer
notre voyage. — Mais tous trouvent le temps trop
mauvais et refusent de nous conduire.
Bon gré mal gré, il faut se remettre en marche.
Il y a tant de choses en l'air, on en voit tant
et tant partout, au-dessus de sa tête : des villages,
des bois, des rochers dans le ciel, que cela donne
l'impression d'un chavirement des choses, d'un
renversement des plans de perspective, d'un re-
tournement du monde.
Et, en face, sur la rive .du Monténégro, toujours
les étonnantes cimes de pierre, sur lesquelles pas-
sent très vite d'étranges petits .nuages — qui ont
l'air de houppes en ouate grise se promenant sur
des murailles noires.
Il y a deux heures que nous marchons, et cette
promenade n'ouïrait pas dans notre programme.—
Un petit marchand de gâteaux, qui véndries pains
d'épices et des macarons, passe à point : nous pen-
sions mourir de faim.
Voici Cattaro qui paraît devant nous; — bâti lui
aussi aux pieds du Monténégro, ses remparts et ses
clochers ayant des dimensions lilliputiennes au-
dessous de cet échafaudage effroyable de rochers
gris.
Par la route de terre, tout cela est encore fort
loin. — Enfin, trouvons-nous, par bonheur, deux
vieux bonshommes qui consentent à nous y con-
duire par eau.
Nous montons dans leur barque qui est fort pe-
tite. — Après trois quarts d'heure de traversée et
une nouvelle aspersion d'eau de mer, nous mettons
pied sur le quai de la ville. — Il est onze heures et
demie, et nos sommes en route depuis plus de qua?
tre henres.
Heureusement, la première personne que nous
rencontrons dans la rue est celle que nous cher-
chions : un certain M. llamadanovitch, homme
d'affaires du prince Nikita, que Matheo reconnaît
et accroche au passage. — Ce monsieur, qui est
vêtu comme un Français et fort poli, veut bien se
charger de nous procurer au plus tôt des chevaux
et des guides. — Dans une heure, il s'engage à
nous les faire parvenir à l'hôtel où nous allons dé-
jeuner.
Par le dédale des petites rues de Cattaro, nous
nous dirigeons vers YAlbergo del Cacciatore (l'hôtel
du Chasseur). — Dans quel quartier de cette ville
que l'on soit, on est toujours sûr, en regardant en
l'air, d'apercevoir sur sa tète, par-dessus les mai-
sons, à des hauteurs extraordinaires, un mélange
de nuages et de rochers qui grimpent dans le ciel
et semblent prêts à s'effondrer sur le public; — cela
donne à ces vieilles rues étroites un caractère
étrange.
Dans une maison ancienne, qui a dû être aussi
autrefois une habitation de riche Vénitien, se tient
une table d'hôte où se parlent plusieurs langues :
c'est YAlberflo del Cacciatore. — Nous y entendons le
slave, l'italien — et l'allemand lourd de quelques
officiers autrichiens causant avec de grosses per-
sonnes blondes qui ont des têtes de Gretchens trop
mûres et des toilettes cocasses.
Le déjeuner, mangé de très bon appétit, se termine
par un dessert local : cela s'appelle un jardinctto
(petit jardin). — Jardin où poussent toutes sortes
de choses; grand plat où sont plantés pêle-mêle
des fromages, des gâteaux et des fruits.
Après le jardinetto, nous voyons entrer des grands
diables de Monténégrins, sales et dépenaillés, ayant
des boucles d'oreilles et des mines de bandits, avec
un arsenal de poignards et de pistolets à leur cein-
ture. — Ce sont nos guides que M. Ramadanovitcli
nous envoie. — Otant très humblement leurs bon-
nets rouges, ils nous préviennent en italien que nos
chevaux nous attendent à la porte de Cattaro et
qu'il faut nous hâter de partir.
(A suivre.) 4 ———— LO
rrHÉA TRÊS
G11 VTET.ET : Michel Stragoft, pièce en cinq actes et seize
tableaux, par MM. d'Ennery et Jules Verne. — VAUDE-
VILLE : Reprise du Père prodigue. — Représentation de
retraite de M. Talbot.
) CA!JiJ.
TOUS ceux qui se proposent de voir la
(nouvelle pièce du Châtelet, je ne saurais
itrop recommander de se munir de visières
>vert.es. afin de se garantir des éblouisse-
ments de la mise en scène. Sans cette précaution,
quelques-uns risqueraient d'être aveuglés plus sû-
rement que Michel Strogoif lui-même, l'infortuné
courrier du tzar. On a quelque peine à reconnaître
le roman de Jules Verne sous ce luxe de costumes
et de décors, dans cette accumulation de splendeurs,
mais on ne tarde pas à s'y faire et à y prendre un
double intérêt.
Le sujet est connu, M. d'Ennery a eu peu de
choie a y agiter, mais ce peu de chose est mar-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.35%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.35%.
- Collections numériques similaires Roujon Jacques Roujon Jacques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Roujon Jacques" or dc.contributor adj "Roujon Jacques")
- Auteurs similaires Roujon Jacques Roujon Jacques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Roujon Jacques" or dc.contributor adj "Roujon Jacques")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 9/15
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6373964t/f9.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6373964t/f9.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6373964t/f9.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6373964t/f9.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6373964t
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6373964t
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6373964t/f9.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest