LA PRÉPARATION 19
ordinaire, qui faisait voir clairement qu'il était déjà rempli de l'esprit
de l'état dans lequel il allait entrer; car ayant assemblé ceux de sa
famille, qui se trouvèrent sur les lieux, il les conduisit au cimetière de
la paroisse, et leur demanda quel secours ils attendaient de leurs
parents qui étaient là enterrés. Ces gens furent extrêmement étonnés
d'une telle demande, et répondirent, qu'ils n'attendaient rien d'eux, puis-
qu'ils étaient morts : « Et moi, reprit BourdoisD, je vous ai amenés ici
pour vous dire que je m'en vais bientôt mourir au monde par l'état
ecclésiastique où je suis prêt d'entrer : Jusques ici j'ai pris soin de
vos affaires séculières, parce que j'étais séculier et que la charité
m'y obligeait; mais à l'avenir, sitôt que je serai ecclésiastique, vous
devez me considérer comme un homme entièrement mort pour vous :
ainsi, comme vous n'espérez aucun secours temporel de vos parents
qui ne sont plus au monde, vous n'en devez non plus attendre de
moi. Je ne vous refuserai pas mes prières, ni mes conseils pour le
spirituel, et je tâcherai, avec la grâce de Dieu, de ne vous être point
à charge pour le temporel1. »
C'était là un contraste bien frappant avec la pratique d'alors, où,
d'oncle à neveu, se transmettaient si fréquemment les bénéfices,
où les parents prétendaient participer aux biens d'église, gérés
par un des leurs. Il fait emplette d'une soutane, d'un surplis, d'un
bonnet carré, d'un bréviaire, d'un missel et, ainsi muni, il va
recevoir la tonsure à Chartres, la veille de Pâques, 1607, à l'âge
de 23 ans. « On lui donna aussi les quatre moindres ordres, quel-
que chose qu'il pût dire pour s'en dispenser. » Il se hâte de re-
venir à Yèvres, habillé de cette soutane qu'il ne quittera plus,
malgré tous les exemples contraires, malgré les railleries qu'elle
lui attire. On l'appelle, par dérision, Messire Soutane.
Cependant Janvier, absorbé par les soins d'une paroisse éten-
- due, ne peut continuer à lui donner des leçons de latin; à Brou,
chez un compatriote, Bourdoise pourra étudier plus à fond les
.principes de la langue latine, tout en remplissant les fonctions de
ses ordres; chose inouïe alors, il nettoie la nef, le chœur, le
sanctuaire, prend un soin spécial de la sacristie, fait la police de
l'église, essaie de faire rentrer les ecclésiastiques de son bourg
dans le devoir ; désespérant d'amender ces anciens ecclésiastiques,
il veut en former de nouveaux, groupe de jeunes clercs, les dresse,
et. bientôt leur exemple est suivi par le clergé de Brou, qui
change entièrement de conduite. Cette préoccupation de former
1. Vie imp. Des., p. 31.
