Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-05-18
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 mai 1913 18 mai 1913
Description : 1913/05/18 (A4,T11,N82). 1913/05/18 (A4,T11,N82).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6248067f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
REVUE
,.
CONTEMPORAINE
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
QUATRIÈME ANNÉE SAMEDI 18 MAI 1913 N2 82
Editorial
I8 Mai 1913
La chambre criminelle du Sénat vient de rendre
un arrêt d'une haute portée morale, dont la ferme
droiture a produit une excellente impression sur l'opi-
nion et auquel la presse, comme il fallait s'y atten-
dre, n'a pas manqué de consacrer les commentaires
utiles rendus nécessaires par le retentissement malsain,
imprévu, d'une affaire scandaleuse.
La cour d'Assises de Moscou avait eu à juger,
il y a quelques mois, un jeune homme, de bonne et
riche famille, Prassolof, accusé d'assassinat sur la
personne de sa femme, récemment divorcée. Le crime
était flagrant: Prassoloff, rencontrant sa femme dans
un grand restaurant de Moscou, en compagnie de
quelques amis, lui avait volontairement donné la
mort à la suite d'une courte discussion, à peine
esquissée. Le procureur avait même soutenu, et avec
beaucoup de force dans son argumentation, la pré-
méditation du crime qui pouvait, en effet, à bien des
égards, sembler établie. Et cependant les jurés avaient
rapporté un verdict d'acquittement, répondant affir-
mativement à la question: "l'accusé a-t-il accompli le
crime qui lui est reproché" et négativement à la
question: "est-il coupable de l'avoir accompli?"
La tournure prise par les trop longs débats de
cette banale affaire avait d'ailleurs, dès le début, rendu
ce verdict certain. Grâce aux efforts de l'avocat de
l'accusé, ces débats avaient dégénéré en une série de
tableaux, presque cinématographiques, du monde de
Moscou où l'on s'amuse et où Prassolof était juste-
ment réputé pour mener une vie élégante, toute
parsemée de succès faciles et bruyants. Dans la re-
constitution de ces tableaux, que l'avocat s'était attaché
à rendre aussi pittoresques que possible, rien n'avait
été épargné pour salir la victime, ses parents, ses
amis.
Les débats étaient devenus un véritable régal
pour la "société joyeuse" de Moscou qui s'était don-
né rendez-vous au Palais de Justice pour entendre
les "bons mots" du défenseur à l'adresse de ceux de
ses membres cités comme témoins et parmi lesquels
on n'avait pas omis d'appeler quelques personnalités
de marque afin de donner du "relief" à l'affaire. Au
bout de quelques jours, la victime était devenue né-
cessairement plus noire que l'accusé et la défense
n'avait qu'à invoquer, pour innocenter complètement
ce dernier, le crime commis "dans l'inconscience
absolue d'un délire momentané".
N'en était-ce pas plus qu'il fallait pour que Pras-
solof fût rendu à sa vie aimable, salué par les ova-
tions fleuries de ses camarades de fête de la veille
et. du lendemain?
Le Sénat, toutefois, n'a pas cru devoir partager
cette morale facile qui, trop souvent malheureusement,
a tendance à s'affirmer au détriment du bon sens et
de l'équité et dont l'effet est toujours profond et dé-
plorable sur les foules simplistes.
Statuant sur le pourvoi du procureur de Moscou,
la chambre criminelle du Sénat Dirigeant a cassé
l'arrêt de la Cour d'Assises.
Elle l'a même cassé avec des attendus sévères
pour cette dernière, dont la saine répercussion a été
très grande dans la presse et dans l'opinion.
D'abord, "regrettant que la faiblesse du président
ait laissé les débats dévier sur un terrain complète-
ment étranger à l'affaire elle-même", la Chambre
criminelle du Sénat n'a pas hésité à affirmer résolu-
ment, dans son arrêt, que la "seule marche des débats
frappait l'arrêt de nullité", attendu qu'elle constituait
,,une violation directe et essentielle des lois sur la
procédure judiciaire" et qu'elle "avait pu avoir pour
effet de détourner l'attention des jurés tant de l'affaire
elle-même que de la personnalité de l'accusé au moyen
de détails ne se rapportant en rien à l'affaire à solu-
tionner".
En second lieu, la Chambre criminelle, abor-
dant la question si redoutable de la "responsabilité
morale", précise dans son arrêt que le fait que ,,le
président n'a pas cru devoir expliquer aux jurés que
la reconnaissance par eux de l'irresponsabilité mo-
mentanée ou de l'inconscience complète de l'accusé,
à l'instant de l'accomplissement du crime, entraînait
l'acquittement exactement comme l'état de démence,
mais avec cette différence qu'elle ne permettait pas
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CONTEMPORAINE
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
QUATRIÈME ANNÉE SAMEDI 18 MAI 1913 N2 82
Editorial
I8 Mai 1913
La chambre criminelle du Sénat vient de rendre
un arrêt d'une haute portée morale, dont la ferme
droiture a produit une excellente impression sur l'opi-
nion et auquel la presse, comme il fallait s'y atten-
dre, n'a pas manqué de consacrer les commentaires
utiles rendus nécessaires par le retentissement malsain,
imprévu, d'une affaire scandaleuse.
La cour d'Assises de Moscou avait eu à juger,
il y a quelques mois, un jeune homme, de bonne et
riche famille, Prassolof, accusé d'assassinat sur la
personne de sa femme, récemment divorcée. Le crime
était flagrant: Prassoloff, rencontrant sa femme dans
un grand restaurant de Moscou, en compagnie de
quelques amis, lui avait volontairement donné la
mort à la suite d'une courte discussion, à peine
esquissée. Le procureur avait même soutenu, et avec
beaucoup de force dans son argumentation, la pré-
méditation du crime qui pouvait, en effet, à bien des
égards, sembler établie. Et cependant les jurés avaient
rapporté un verdict d'acquittement, répondant affir-
mativement à la question: "l'accusé a-t-il accompli le
crime qui lui est reproché" et négativement à la
question: "est-il coupable de l'avoir accompli?"
La tournure prise par les trop longs débats de
cette banale affaire avait d'ailleurs, dès le début, rendu
ce verdict certain. Grâce aux efforts de l'avocat de
l'accusé, ces débats avaient dégénéré en une série de
tableaux, presque cinématographiques, du monde de
Moscou où l'on s'amuse et où Prassolof était juste-
ment réputé pour mener une vie élégante, toute
parsemée de succès faciles et bruyants. Dans la re-
constitution de ces tableaux, que l'avocat s'était attaché
à rendre aussi pittoresques que possible, rien n'avait
été épargné pour salir la victime, ses parents, ses
amis.
Les débats étaient devenus un véritable régal
pour la "société joyeuse" de Moscou qui s'était don-
né rendez-vous au Palais de Justice pour entendre
les "bons mots" du défenseur à l'adresse de ceux de
ses membres cités comme témoins et parmi lesquels
on n'avait pas omis d'appeler quelques personnalités
de marque afin de donner du "relief" à l'affaire. Au
bout de quelques jours, la victime était devenue né-
cessairement plus noire que l'accusé et la défense
n'avait qu'à invoquer, pour innocenter complètement
ce dernier, le crime commis "dans l'inconscience
absolue d'un délire momentané".
N'en était-ce pas plus qu'il fallait pour que Pras-
solof fût rendu à sa vie aimable, salué par les ova-
tions fleuries de ses camarades de fête de la veille
et. du lendemain?
Le Sénat, toutefois, n'a pas cru devoir partager
cette morale facile qui, trop souvent malheureusement,
a tendance à s'affirmer au détriment du bon sens et
de l'équité et dont l'effet est toujours profond et dé-
plorable sur les foules simplistes.
Statuant sur le pourvoi du procureur de Moscou,
la chambre criminelle du Sénat Dirigeant a cassé
l'arrêt de la Cour d'Assises.
Elle l'a même cassé avec des attendus sévères
pour cette dernière, dont la saine répercussion a été
très grande dans la presse et dans l'opinion.
D'abord, "regrettant que la faiblesse du président
ait laissé les débats dévier sur un terrain complète-
ment étranger à l'affaire elle-même", la Chambre
criminelle du Sénat n'a pas hésité à affirmer résolu-
ment, dans son arrêt, que la "seule marche des débats
frappait l'arrêt de nullité", attendu qu'elle constituait
,,une violation directe et essentielle des lois sur la
procédure judiciaire" et qu'elle "avait pu avoir pour
effet de détourner l'attention des jurés tant de l'affaire
elle-même que de la personnalité de l'accusé au moyen
de détails ne se rapportant en rien à l'affaire à solu-
tionner".
En second lieu, la Chambre criminelle, abor-
dant la question si redoutable de la "responsabilité
morale", précise dans son arrêt que le fait que ,,le
président n'a pas cru devoir expliquer aux jurés que
la reconnaissance par eux de l'irresponsabilité mo-
mentanée ou de l'inconscience complète de l'accusé,
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