Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-03-23
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 10050 Nombre total de vues : 10050
Description : 23 mars 1913 23 mars 1913
Description : 1913/03/23 (A4,T11,N74). 1913/03/23 (A4,T11,N74).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6248059w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
1.70
Les Reines d'une République
Les 400 de New-York ').
1.
Sur un total de 10.087 millionnaires que la sta-
tistique attribuait au monde en 1905, les Etats-Unis
déclaraient en compter plus de cinq mille, exacte-
,
ment 5.044, chez eux, avec l'homme et les trois fem-
mes les plus riches de la planète. Le premier est
John D. Rockefeller, alors estimé à un milliard de
dollars; les autre étaient: M'nc Russell Sage, qui
avait hérité de son mari de 80 millions de dollars;
Mille Hetty Green, la plus curieuse figure de finan-
cière" qui en avait gagné 45 millions, et Mmc Walker,
à la tête seulement de 40 millions de dollars.
Le groupe fastueux des ,,400" de New-York ne
compte ni M. ni MIIIC Rockefeller parmi ses membres,
Ni l'un ni l'autre n'ont désiré appartenir à la so-
ciété"-ce dont on ne saurait que les féliciter.
L'homme le plus riche du monde ne connaît, lui, que
ses placements de père de famille, le golf et la bible.
Les dîners costumés de Newport le laissent indifé-
rent. D'ailleurs, les millionnaires ne le réclament pas;
ils peuvent se passer de l'éternel boudeur, ils n'y
pensent pas, ils n'en ont pas le temps.
Entre New-York, Newport, Londres et Paris, les
365 jours de l'année passent comme muscade. Car
• les millionnaires américains de première qualité ont
plusieurs domiciles et se libellent "de New-York,
Newport et Paris", ou "de New-York, Washington
et Londres". Hommes et femmes, leur vie passée en
combinaisons financières ou industrielles,. pour les
uns, et en relations sociales, pour les autres, est un
cyclone perpétuel. Aucun forçat au monde ne tra-
vaille ou ne remue autant, et si l'on mettait à les
remplacer, chacun dans sa fonction, un Européen et
une. Européenne, ils ne tiendraient pas trois mois la
campagne et battraient en retraite.
On se. plaint, à Paris, de brûler la vie-
Que dirait la plus active et la plus occupée des
femmes françaises qui tomberait ici et serait en état
de contempler en un seul coup d'œil le Kaléidoscope
extraordinaire de l'existence des riches Américains?
Je n'hésite pas une seconde: elle serait épouvantée
Un grand souci domine, chez elles, tous les autres
celui de la folie à faire le lendemain, folie qui ne
doit pas être celle de la veille. J'entends les quelques
douzaines qui dominent la population entière du pays
de toute la hauteur d'une importance indiscutée que
leur accordent le public et les journaux pour qui les
moindres gestes de ces potentats; ou ceux de leurs
chiens, chats, perroquets, singes ou lézards, prennent
') Ces pages sont extraites du volume que M. Emile
Deschamps fera paraître en Mai prochain, à Paris, sous le
même titre: "Les Reines d'une République".
les proportions d'un événement considérable que la
presse entière du pays se repasse ensuite d'un or-
gane à l'autre pour l'édification des habitants les
plus éloignés de la métropole.
L'action la plus louable qui soit à leur éloge est
de dépenser de l'argent, quelle que soit leur manière
de le dépenser. Elle a de la valeur, surtout pour
eux et celles qui le recueillent. Une grande dames
de là-bas disait:
- En dépensant 100.000 dollars par an en toi-
lettes, je fais de la charité jusqu'à concurrence de
cette somme".
C'était une des théories du travail de feu Rus-
sell Sage:
— "En faisant travailler, disait-il, je fais la cha-
rité". Et aussi:
- "Quand un de mes employés perd cinq mi-
nutes de son travail, il me vole quatre cents".
Une autre action louable, au crédit des femmes
millionnaires américains, est la pratique de la cha-
rité. Elle n'est pas générale, elle n'est peut-être pas
aussi le fait d'un cœur très accessible aux misères
humaines, mais, telle qu'elle est, elle est à leur hon-
neur. En principe, elles doivent avoir toutes "leurs
charités", c'est-à-dire les sociétés religieuses et phi-
lanthropiques-commerciales auxquelles, chaque année,
elles donnent une certaine somme qui, en réalité, ne
soulage pas beaucoup de misères. Une autre fait
mieux; elle va à Central Park, à New York, et dis-
tribue aux enfants qu'elle rencontre et qui la con-
naissent jouets et bonbons. C'est un beau geste.
Une autre encore, très connue pour sa philanthropie,
semble y avoir voué son existence. Ce sont des ex-
ceptions. La règle, c'est que "les charités" font
partie de la formule d'une millionnairesse accomplie.
Pas plus.
De la somme plus ou moins grande de bien que
cette charité peut faire elles ne s'occupent point.
Les femmes de classes moyennes sont chari-
tables de meilleure manière, et on en peut voir sou-
vent des exemples édifiants comme celui donné par
les jeunes femmes du Ladies-Club, groupe de la
bonne société, d'Elkhart Indiana, ville d'une cinquan-
taine de mille habitants, qui se transformèrent, un
jour, en. cireuses de bottes au bénéfice d'un hôpi-
tal. L'originalité du sacrifice fit sa réussite, puisque
ces dames purent réunir pour les malades pauvres,
une somme importante.
Le chapitre qui pèse le plus lourd dans le budjet
ordinaire d'un membre des „400" de New-York —et
aussi des autres—c'est celui de la toilette. Là, l'amour
de la dépense, le désir de briller se donnent libre
cours, et les couturières parisiennes en recueillent
une bonne part. Pour les Américains leurs femmes
sont les. mieux habillées du monde. Pour eux, est
beau ce qui est cher, est bon ce qui est bien payé,
et, comme les Américaines sont les femmes du monde
qui dépensent le plus pour leurs toilettes, il n'y a
Les Reines d'une République
Les 400 de New-York ').
1.
Sur un total de 10.087 millionnaires que la sta-
tistique attribuait au monde en 1905, les Etats-Unis
déclaraient en compter plus de cinq mille, exacte-
,
ment 5.044, chez eux, avec l'homme et les trois fem-
mes les plus riches de la planète. Le premier est
John D. Rockefeller, alors estimé à un milliard de
dollars; les autre étaient: M'nc Russell Sage, qui
avait hérité de son mari de 80 millions de dollars;
Mille Hetty Green, la plus curieuse figure de finan-
cière" qui en avait gagné 45 millions, et Mmc Walker,
à la tête seulement de 40 millions de dollars.
Le groupe fastueux des ,,400" de New-York ne
compte ni M. ni MIIIC Rockefeller parmi ses membres,
Ni l'un ni l'autre n'ont désiré appartenir à la so-
ciété"-ce dont on ne saurait que les féliciter.
L'homme le plus riche du monde ne connaît, lui, que
ses placements de père de famille, le golf et la bible.
Les dîners costumés de Newport le laissent indifé-
rent. D'ailleurs, les millionnaires ne le réclament pas;
ils peuvent se passer de l'éternel boudeur, ils n'y
pensent pas, ils n'en ont pas le temps.
Entre New-York, Newport, Londres et Paris, les
365 jours de l'année passent comme muscade. Car
• les millionnaires américains de première qualité ont
plusieurs domiciles et se libellent "de New-York,
Newport et Paris", ou "de New-York, Washington
et Londres". Hommes et femmes, leur vie passée en
combinaisons financières ou industrielles,. pour les
uns, et en relations sociales, pour les autres, est un
cyclone perpétuel. Aucun forçat au monde ne tra-
vaille ou ne remue autant, et si l'on mettait à les
remplacer, chacun dans sa fonction, un Européen et
une. Européenne, ils ne tiendraient pas trois mois la
campagne et battraient en retraite.
On se. plaint, à Paris, de brûler la vie-
Que dirait la plus active et la plus occupée des
femmes françaises qui tomberait ici et serait en état
de contempler en un seul coup d'œil le Kaléidoscope
extraordinaire de l'existence des riches Américains?
Je n'hésite pas une seconde: elle serait épouvantée
Un grand souci domine, chez elles, tous les autres
celui de la folie à faire le lendemain, folie qui ne
doit pas être celle de la veille. J'entends les quelques
douzaines qui dominent la population entière du pays
de toute la hauteur d'une importance indiscutée que
leur accordent le public et les journaux pour qui les
moindres gestes de ces potentats; ou ceux de leurs
chiens, chats, perroquets, singes ou lézards, prennent
') Ces pages sont extraites du volume que M. Emile
Deschamps fera paraître en Mai prochain, à Paris, sous le
même titre: "Les Reines d'une République".
les proportions d'un événement considérable que la
presse entière du pays se repasse ensuite d'un or-
gane à l'autre pour l'édification des habitants les
plus éloignés de la métropole.
L'action la plus louable qui soit à leur éloge est
de dépenser de l'argent, quelle que soit leur manière
de le dépenser. Elle a de la valeur, surtout pour
eux et celles qui le recueillent. Une grande dames
de là-bas disait:
- En dépensant 100.000 dollars par an en toi-
lettes, je fais de la charité jusqu'à concurrence de
cette somme".
C'était une des théories du travail de feu Rus-
sell Sage:
— "En faisant travailler, disait-il, je fais la cha-
rité". Et aussi:
- "Quand un de mes employés perd cinq mi-
nutes de son travail, il me vole quatre cents".
Une autre action louable, au crédit des femmes
millionnaires américains, est la pratique de la cha-
rité. Elle n'est pas générale, elle n'est peut-être pas
aussi le fait d'un cœur très accessible aux misères
humaines, mais, telle qu'elle est, elle est à leur hon-
neur. En principe, elles doivent avoir toutes "leurs
charités", c'est-à-dire les sociétés religieuses et phi-
lanthropiques-commerciales auxquelles, chaque année,
elles donnent une certaine somme qui, en réalité, ne
soulage pas beaucoup de misères. Une autre fait
mieux; elle va à Central Park, à New York, et dis-
tribue aux enfants qu'elle rencontre et qui la con-
naissent jouets et bonbons. C'est un beau geste.
Une autre encore, très connue pour sa philanthropie,
semble y avoir voué son existence. Ce sont des ex-
ceptions. La règle, c'est que "les charités" font
partie de la formule d'une millionnairesse accomplie.
Pas plus.
De la somme plus ou moins grande de bien que
cette charité peut faire elles ne s'occupent point.
Les femmes de classes moyennes sont chari-
tables de meilleure manière, et on en peut voir sou-
vent des exemples édifiants comme celui donné par
les jeunes femmes du Ladies-Club, groupe de la
bonne société, d'Elkhart Indiana, ville d'une cinquan-
taine de mille habitants, qui se transformèrent, un
jour, en. cireuses de bottes au bénéfice d'un hôpi-
tal. L'originalité du sacrifice fit sa réussite, puisque
ces dames purent réunir pour les malades pauvres,
une somme importante.
Le chapitre qui pèse le plus lourd dans le budjet
ordinaire d'un membre des „400" de New-York —et
aussi des autres—c'est celui de la toilette. Là, l'amour
de la dépense, le désir de briller se donnent libre
cours, et les couturières parisiennes en recueillent
une bonne part. Pour les Américains leurs femmes
sont les. mieux habillées du monde. Pour eux, est
beau ce qui est cher, est bon ce qui est bien payé,
et, comme les Américaines sont les femmes du monde
qui dépensent le plus pour leurs toilettes, il n'y a
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