Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-02-23
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 10050 Nombre total de vues : 10050
Description : 23 février 1913 23 février 1913
Description : 1913/02/23 (A4,T11,N69)- (A4,T11,N70). 1913/02/23 (A4,T11,N69)- (A4,T11,N70).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62480557
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
110
la famille Romanoff. Godounoff lui-même finit par
périr. Mais, au moment décisif, lorsque le peuple
s'aperçut qu'il frôlait le bord de l'abîme et que la
terre natale agonisait, il sentit revivre ses anciennes
aspirations et se hâta d'appeler un enfant au trône,
le fils du même Patriarche Philarète, qui, au chevet
du lit de mort du Tsar Féodor, avait décliné l'hon-
neur du sceptre impérial.
L'adolescent vivait près de sa mère, Marfa en re-
ligion, et sous son influence exclusive. La transmission
des forces de l'âme qui s'opéra en Michel, et qui
joue un rôle si mystérieux dans l'histoire, suivit
cette loi fatidique en vertu laquelle, chez les grands
hommes, l'hérédité prédominante est toujours celle
de la mère. Les images de Marfa sont parvenues
jusqu'à nous. Que l'on examine soigneusement ces
traits impressionnants, où il n'y a presque rien de fémi-
nin: qu'y lisons-nous? Dans le visage de l'aïeule de
Pierre le grand, nous reconnaissons tout un poème
de force créatrice entravée et de volonté vigoureuse
qui ne s'est pas trouvé d'application, l'insubordination
de la puissante aïeule à tout ce qui, pendant de lon-
gues années, l'étouffait et la torturait, et que son âme
rejetait dans ses envolées les plus sublimes.
* *
*
L'élection des Romanoff a coïncidé, dans l'his-
toire russe, avec le passage du chaos et de l'émeute
à la création étatique dans l'esprit du nationalisme
russe. Ils ont été les élus de la conscience populaire:
ils étaient, par suite, appelés à incarner l'idée na-
tionale slave, que le peuple russe sentait en lui comme
une mère sent, sous son cœur, frémir l'enfant qu'elle
porte; il y avait là comme la force potentielle et la-
tente de l'avenir, le mystère du lendemain.
Cette idée a passé, au cours de l'histoire, par
trois étapes de réalisation:
1) La création de l'Empire: l'œuvre des règnes
de Pierre le grand et de Catherine II;
2) La formation de tidéal politique slavophile:
nous rencontrons ici les noms de Pouchkine, de
Khomiakoff, d'Aksakoff, de Tutcheff, de Skobeleff.
3) La fécondation du monde extérieur slave par
cette idée: la libre Serbie et la puissante Bulgarie
sont nées au XIXe siècle, et le XXe siècle, en dépit
de tous les freins, appartient incontestablement à
marquer le triomphe de l'unité slave.
*
* *
La réalisation de toute idée dans l'histoire ne
s'accomplit jamais autrement qu'en vertu d'un puis-
sant élément qui joue, dans les événements histori-
ques, le même rôle que la chaleur dans les phéno-
mènes matériels.
Cet élément, c'est la foi. Sans elle, des actions
même d'éclat en apparence, il ne reste qu'une sorte
de charpente désséchée. C'est la foi qui fait naître
les actions réellement grandes, l'œuvre créatrice sur-
git du plus profond des masses populaires et de la
terre natale; David triomphe facilement de Goliath;
l'argent afflue là où le vivant marteau de la foi forge
l'œuvre de vie; et là où son glaive jette des
éclairs, les immenses forces des Empires ennemis
tombent en poussière, les trônes croulent, les tiares
roulent sur le sol et les dominateurs et les peuples,
superbes d'orgueil, mais dénués de foi, sont préci-
pités dans l'abîme.
La foi, à l'aube des nouveaux principes et des
Empires en formation, se traduit par la bouche des
poètes comme un rayon de lumière se joue à tra-
vers le cristal de roche. Le problème mondial des
poètes consiste à fixer, dans des œuvres immor-
telles, la foi populaire.
Mais, dans l'œuvre de création des royaumes fu-
turs, les poètes ont aussi pour collaborateurs les
Rois. Cette collaboration solidaire s'exprime tout
particulièrement dans l'histoire de Russie où le pou-
voir des Tsars est issu des profondeurs nationales
les plus intimes. Dans ces conditions, la foi a puis-
samment fait irruption en l'histoire russe par deux
forces créatrices simultanées dont la solidarité s'est
haussée au suprême niveau de l'harmonie et de la
beauté politiques; ces deux forces sont le Tsar et le
poète.
*
* *
Lorsque la puissance souveraine surgit des fon-
dements mêmes de la foi populaire, une union in-
tégrale s'établit entre ces deux centres de la cons-
cience historique nationale, entre le Tzar et le poète.
Cette union s'affirme toujours par un élan général
et des œuvres vigoureuses: ces époques sont essen-
tielles pour l'histoire.
Tel a été précisément le commencement du XIXe
siècle lorsque la formation matérielle de l'Empire est
parvenue à son achèvement et que les premiers li-
néaments de l'idéologie slave se sont ébauchés dans
les voies de la poésie et de la philosophie religieuse
et sociale. Signée en 1829, la paix d'Andrinople re-
présente le point culminant de la domination politi-
que russe sur le joug brisé de la Turquie; cinq ans
après était signé, sur la seule volonté de Nicolas I,
le traité d'Unkiar-Skélessi, traité désapprouvé par
Nesselrode parce que Metternich ne pouvait le dési-
rer, et qui était le résultat de la politique person-
nelle et nationale de l'Empereur. Jamais la Russie
n'a vu se reproduire la domination sur les Détroits
atteinte provisoirement par ce traité. Et ce n'est pas
une coïncidence fortuite que l'ode merveilleuse du
poète slavophile Khomiakoff, l'Aigle, ait paru préci-
sément en 1832, ode où s'est exprimée, comme en
une synthèse de puissante création poétique, toute la
foi prophétique en la prochaine libération des Slaves
par la Russie:
Et tous aux fers attendent le jour,
Où l'Aigle russe les libérera,
Et d'un geste plein d'amour
D'une aile puissante les couvrira!.
la famille Romanoff. Godounoff lui-même finit par
périr. Mais, au moment décisif, lorsque le peuple
s'aperçut qu'il frôlait le bord de l'abîme et que la
terre natale agonisait, il sentit revivre ses anciennes
aspirations et se hâta d'appeler un enfant au trône,
le fils du même Patriarche Philarète, qui, au chevet
du lit de mort du Tsar Féodor, avait décliné l'hon-
neur du sceptre impérial.
L'adolescent vivait près de sa mère, Marfa en re-
ligion, et sous son influence exclusive. La transmission
des forces de l'âme qui s'opéra en Michel, et qui
joue un rôle si mystérieux dans l'histoire, suivit
cette loi fatidique en vertu laquelle, chez les grands
hommes, l'hérédité prédominante est toujours celle
de la mère. Les images de Marfa sont parvenues
jusqu'à nous. Que l'on examine soigneusement ces
traits impressionnants, où il n'y a presque rien de fémi-
nin: qu'y lisons-nous? Dans le visage de l'aïeule de
Pierre le grand, nous reconnaissons tout un poème
de force créatrice entravée et de volonté vigoureuse
qui ne s'est pas trouvé d'application, l'insubordination
de la puissante aïeule à tout ce qui, pendant de lon-
gues années, l'étouffait et la torturait, et que son âme
rejetait dans ses envolées les plus sublimes.
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L'élection des Romanoff a coïncidé, dans l'his-
toire russe, avec le passage du chaos et de l'émeute
à la création étatique dans l'esprit du nationalisme
russe. Ils ont été les élus de la conscience populaire:
ils étaient, par suite, appelés à incarner l'idée na-
tionale slave, que le peuple russe sentait en lui comme
une mère sent, sous son cœur, frémir l'enfant qu'elle
porte; il y avait là comme la force potentielle et la-
tente de l'avenir, le mystère du lendemain.
Cette idée a passé, au cours de l'histoire, par
trois étapes de réalisation:
1) La création de l'Empire: l'œuvre des règnes
de Pierre le grand et de Catherine II;
2) La formation de tidéal politique slavophile:
nous rencontrons ici les noms de Pouchkine, de
Khomiakoff, d'Aksakoff, de Tutcheff, de Skobeleff.
3) La fécondation du monde extérieur slave par
cette idée: la libre Serbie et la puissante Bulgarie
sont nées au XIXe siècle, et le XXe siècle, en dépit
de tous les freins, appartient incontestablement à
marquer le triomphe de l'unité slave.
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La réalisation de toute idée dans l'histoire ne
s'accomplit jamais autrement qu'en vertu d'un puis-
sant élément qui joue, dans les événements histori-
ques, le même rôle que la chaleur dans les phéno-
mènes matériels.
Cet élément, c'est la foi. Sans elle, des actions
même d'éclat en apparence, il ne reste qu'une sorte
de charpente désséchée. C'est la foi qui fait naître
les actions réellement grandes, l'œuvre créatrice sur-
git du plus profond des masses populaires et de la
terre natale; David triomphe facilement de Goliath;
l'argent afflue là où le vivant marteau de la foi forge
l'œuvre de vie; et là où son glaive jette des
éclairs, les immenses forces des Empires ennemis
tombent en poussière, les trônes croulent, les tiares
roulent sur le sol et les dominateurs et les peuples,
superbes d'orgueil, mais dénués de foi, sont préci-
pités dans l'abîme.
La foi, à l'aube des nouveaux principes et des
Empires en formation, se traduit par la bouche des
poètes comme un rayon de lumière se joue à tra-
vers le cristal de roche. Le problème mondial des
poètes consiste à fixer, dans des œuvres immor-
telles, la foi populaire.
Mais, dans l'œuvre de création des royaumes fu-
turs, les poètes ont aussi pour collaborateurs les
Rois. Cette collaboration solidaire s'exprime tout
particulièrement dans l'histoire de Russie où le pou-
voir des Tsars est issu des profondeurs nationales
les plus intimes. Dans ces conditions, la foi a puis-
samment fait irruption en l'histoire russe par deux
forces créatrices simultanées dont la solidarité s'est
haussée au suprême niveau de l'harmonie et de la
beauté politiques; ces deux forces sont le Tsar et le
poète.
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Lorsque la puissance souveraine surgit des fon-
dements mêmes de la foi populaire, une union in-
tégrale s'établit entre ces deux centres de la cons-
cience historique nationale, entre le Tzar et le poète.
Cette union s'affirme toujours par un élan général
et des œuvres vigoureuses: ces époques sont essen-
tielles pour l'histoire.
Tel a été précisément le commencement du XIXe
siècle lorsque la formation matérielle de l'Empire est
parvenue à son achèvement et que les premiers li-
néaments de l'idéologie slave se sont ébauchés dans
les voies de la poésie et de la philosophie religieuse
et sociale. Signée en 1829, la paix d'Andrinople re-
présente le point culminant de la domination politi-
que russe sur le joug brisé de la Turquie; cinq ans
après était signé, sur la seule volonté de Nicolas I,
le traité d'Unkiar-Skélessi, traité désapprouvé par
Nesselrode parce que Metternich ne pouvait le dési-
rer, et qui était le résultat de la politique person-
nelle et nationale de l'Empereur. Jamais la Russie
n'a vu se reproduire la domination sur les Détroits
atteinte provisoirement par ce traité. Et ce n'est pas
une coïncidence fortuite que l'ode merveilleuse du
poète slavophile Khomiakoff, l'Aigle, ait paru préci-
sément en 1832, ode où s'est exprimée, comme en
une synthèse de puissante création poétique, toute la
foi prophétique en la prochaine libération des Slaves
par la Russie:
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