Titre : Revue contemporaine
Éditeur : [s.n.?] (Saint-Pétersbourg)
Date d'édition : 1913-02-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328566919
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 février 1913 02 février 1913
Description : 1913/02/02 (A4,T11,N66). 1913/02/02 (A4,T11,N66).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62480520
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-18251
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/06/2013
61
D'après des nouvelles de Rome, l'Italie insiste en faveur
du rattachement de Scutari au Monténégro. La question se
discute en ce moment à Rome et à Vienne. En cas de débat
avec l'Autriche, la nature même doit faire de l'Italie une alliée
du Monténégro, qui deviendrait la barrière empêchant une
brusque irruption par voie de terre des Autrichiens en Alba-
nie. Pour ce qui est de la voie de mer, l'Autriche ne pourrait
rien entreprendre par là, car la marine italienne est deux fois
plus forte que la marine autrichienne.
Si l'Autriche triomphe dans la question de Scutari et si
elle arrive à mettre obstacle à l'accroissement du Monténégro,
l'Albanie sera une proie facile pour les Habsbourg. Le Monténégro,
humilié par une paix outrageante et affaibli par la guerre
avec la Turquie, ne sera plus lui-même qu'une simple province
de la Monarchie du Danube. Ce serait pour l'Italie un suicide
politique que de céder à l'Autriche. L'Autriche s'affermissant
à Durazzo et à Vallona, ainsi que sur le littoral adriatique,
pourrait dicter sa volonté à son alliée nominale.
Heureusement, en Italie, l'opinion publique et plusieurs
hommes politiques ne laissent pas agir comme il le voudrait
le marquis di San Guliano, trop docile à la voix de Berchtold.
Les Puissances de la Triple-Entente, de leur côté, peuvent
d'autant plus facilement soutenir le Monténégro que les Puissan-
ces de la Triple-Alliance n'ont pas le même point de vue dans
la question de Scutari. Notre diplomatie, qui se fait un mérite
du "rapprochement avec l'Italie", doit profiter, pour isoler
l'Autriche, du courant l'opinion italien et des liens naturels
entre les dynasties italienne et monténégrine. Mais, l'amitié
italienne dût-elle même se résoudre en paroles vaines, la Rus-
sie ne doit pas céder.
Quand l'Europe s'apercevra que, dans les questions
graves, la Russie n'ose rien dire, alors la Russie sera devenue
une quantité négligeable dont nul ne se préoccupe plus. Déjà,
maintenant, en Galicie, on poursuit tout ce qui est russe. Et,
au-delà des frontières, la noblesse polonaise commence à par-
ler de la réalisation de ses plans.
Le soin de sa propre sécurité oblige la Russie à arrêter
l'Autriche. Il est indispensable que les conversations commen-
cées entre M. M. de Giers et Berchtold aboutissent, annonce-t-on
de Vienne, au sujet de la "démobilisation" autrichienne, et
François-Joseph ne doit plus différer. Une grande concession
a déjà été faite à l'Autriche par l'acceptation de ses premières
exigences et par le refus à la Serbie du port Adriatique. Les
grandes Puissances doivent maintenant exiger du comte Berch-
told une déclaration pacifique. L'envoi de troupes autrichien-
nes en Albanie, même concurremment avec des troupes ita-
liennes, équivaudrait à une rupture de la paix. La Serbie, le
Monténégro et la Grèce n'ont pas délivré l'Albanie pour en
faire une autre Bosnie. Occuper l'Albanie, c'est d'ailleurs avouer
qu'elle est inapte à l'existence indépendante, et que par consé-
quent Berchtold s'est mis un masque en se posant en défen-
seur de la nationalité albanaise".
A TRAVERS LES ARTS
Exposition rétrospective des œuvres du Profes-
seur Kouindji
Dans ses œuvres les meilleures, le maître Kouindji vient
revivre parmi nous.
Il faut saluer en lui non seulement le peintre doué d'incom-
parables qualités artistiques, mais l'homme de cœur, dont la
bonté discrète et sereine fut une tradition et un apostolat.
De tout temps, ce fut un apôtre, un père attentif, un con-
seiller précieux plutôt qu'un maître — un parvenu. Ce fut le
philosophe, connaissant la vie, l'âme humaine, l'espérance, les
déceptions et la douleur. Il savait deviner l'artiste dans le
talent naissant, conseiller et déconseiller, soulager les pauvres
et les déshérités de la vie. Sa rudesse était plus feinte que
réelle, sa bonté égalait sa modestie. D'un sourire, d'un mot, il
savait sécher les larmes et son geste pieux dissimulait l'aide
matérielle qui après le départ ajoutait au réconfort et calmait
la faim en attendant les jours meilleurs.
Kouindji ne fut pas seulement un maître vénéré, mais un
philanthrope remarquable et unique.
Bien qu'il ne m'appartienne pas de juger ici la beauté du
geste qui présida à certaines fondations et d'en apprécier la
portée utilitaire, je veux cependant dire que sa pensée n'a pas
été aussi grandiose qu'il l'entrevoyait. La faute n'en est point
à ses dernières volontés, mais à l'ensemble des difficultés qui
naissent parfois des interprétations et des désaccords trop
souvent possibles entre ceux chargés de les exécuter.
Il ne suffit point d'avoir conçu une œuvre, d'avoir même
consacré sa fortune à l'édifier: faut-il encore qu'il y ait des >
hommes capables pour en assurer la pleine conservation.
Les années ont passé depuis la mort de cet homme de
bien; les critiques se sont peu à peu assourdies comme le ;
bruit des pas qui s'éloignent; les ennemis acharnés qui luttè-
rent contre sa générosité se sont attaqués à d'autres, le souve-
nir pieux qui s'attachait à sa personne s'efface même des
mémoires que les années corrodent comme l'acide. Et bien
peu, très peu, des projets de la dernière heure ont été accom-
plis par ceux dont la mission était de les réaliser.
Pourquoi tant d'années perdues en vaines discussions?
Pourquoi tant de réunions sans issues? Pourquoi enfin cet
affront à la mémoire du défunt? Il serait puéril et indécent de
parler à cette place de la manière de comprendre une mission
aussi haute que celle qui incombe aux exécuteurs testamen-
taires de l'artiste.
Ils sont trop, paraît-il, pour pouvoir s'entendre. Et cela
en dit long.
Hélas! tandis qu'on s'arrête aux vaines disputes de cote-
rie, aux rivalités d'atelier et aux ambitions personnelles, tan-
dis que les soirs se passent en discussions stériles et sans
issue, la veuve du peintre est peut-être aujourd'hui la seule à
pleurer l'absent prodigue et à regretter pour lui son geste de
roi qui l'a deshéritée et la fit pauvre et mendiante par amour
de l'Art.
*
* *
La technique de Kouindji est trop personnelle pour qu'il
soit possible de la comparer. On ne peut que la définir.
Sa manière retient des traits de Corot et des motifs de
Puvis de Chavanne à tel point qu'on ne saurait mettre en
doute que l'Ecole Impressionniste l'a ému, et que l'Ecole de
Barbizon l'a tenté. Il eut la sagesse de ne donner la préférence
à aucune de ces deux écoles: il est resté scrupuleusement per-
sonnel, avec ce seul défaut, pardonnable à un artiste de sa
valeur: la répétion.
Oui, il s'est répété sous différents angles, sous différentes
couleurs, sans souci de parallélisme et de monotonie. Il pou-
vait le faire, car si d'aucuns en se répétant tombent dans la
banalité, il est demeuré parfaitement original. Je dirai volon-
tiers que tel sujet repris plusieurs fois avec la même con-
fiance en soi et le même désir de mieux faire atteint parfois
au sublime. Je n'en veux pour exemple que ces nombreuses
nuits marquées du seul reflet de la lune creusant sur la mer
un sillon argenté et ces nuages transparents baignés de reflets
aux lueurs opalines. Ces motifs de clair obscur ont les pré-
férences de l'artiste: ça et là, il s'aventure bien à traiter le
ciel par un éclatant soleil, mais c'est un dérivatif pour revenir
bientôt aux études du soir, du crépuscule et aux ombres de la
nuit étoilée.
Ce qui frappe dans ses paysages, c'est l'absence complète
de personnages. Kouindji pouvait se permettre cet anachro-
nisme. La valeur de sa technique n'avait pas besoin pour être
rehaussée de motifs accessoires fournis par des êtres animés.
D'après des nouvelles de Rome, l'Italie insiste en faveur
du rattachement de Scutari au Monténégro. La question se
discute en ce moment à Rome et à Vienne. En cas de débat
avec l'Autriche, la nature même doit faire de l'Italie une alliée
du Monténégro, qui deviendrait la barrière empêchant une
brusque irruption par voie de terre des Autrichiens en Alba-
nie. Pour ce qui est de la voie de mer, l'Autriche ne pourrait
rien entreprendre par là, car la marine italienne est deux fois
plus forte que la marine autrichienne.
Si l'Autriche triomphe dans la question de Scutari et si
elle arrive à mettre obstacle à l'accroissement du Monténégro,
l'Albanie sera une proie facile pour les Habsbourg. Le Monténégro,
humilié par une paix outrageante et affaibli par la guerre
avec la Turquie, ne sera plus lui-même qu'une simple province
de la Monarchie du Danube. Ce serait pour l'Italie un suicide
politique que de céder à l'Autriche. L'Autriche s'affermissant
à Durazzo et à Vallona, ainsi que sur le littoral adriatique,
pourrait dicter sa volonté à son alliée nominale.
Heureusement, en Italie, l'opinion publique et plusieurs
hommes politiques ne laissent pas agir comme il le voudrait
le marquis di San Guliano, trop docile à la voix de Berchtold.
Les Puissances de la Triple-Entente, de leur côté, peuvent
d'autant plus facilement soutenir le Monténégro que les Puissan-
ces de la Triple-Alliance n'ont pas le même point de vue dans
la question de Scutari. Notre diplomatie, qui se fait un mérite
du "rapprochement avec l'Italie", doit profiter, pour isoler
l'Autriche, du courant l'opinion italien et des liens naturels
entre les dynasties italienne et monténégrine. Mais, l'amitié
italienne dût-elle même se résoudre en paroles vaines, la Rus-
sie ne doit pas céder.
Quand l'Europe s'apercevra que, dans les questions
graves, la Russie n'ose rien dire, alors la Russie sera devenue
une quantité négligeable dont nul ne se préoccupe plus. Déjà,
maintenant, en Galicie, on poursuit tout ce qui est russe. Et,
au-delà des frontières, la noblesse polonaise commence à par-
ler de la réalisation de ses plans.
Le soin de sa propre sécurité oblige la Russie à arrêter
l'Autriche. Il est indispensable que les conversations commen-
cées entre M. M. de Giers et Berchtold aboutissent, annonce-t-on
de Vienne, au sujet de la "démobilisation" autrichienne, et
François-Joseph ne doit plus différer. Une grande concession
a déjà été faite à l'Autriche par l'acceptation de ses premières
exigences et par le refus à la Serbie du port Adriatique. Les
grandes Puissances doivent maintenant exiger du comte Berch-
told une déclaration pacifique. L'envoi de troupes autrichien-
nes en Albanie, même concurremment avec des troupes ita-
liennes, équivaudrait à une rupture de la paix. La Serbie, le
Monténégro et la Grèce n'ont pas délivré l'Albanie pour en
faire une autre Bosnie. Occuper l'Albanie, c'est d'ailleurs avouer
qu'elle est inapte à l'existence indépendante, et que par consé-
quent Berchtold s'est mis un masque en se posant en défen-
seur de la nationalité albanaise".
A TRAVERS LES ARTS
Exposition rétrospective des œuvres du Profes-
seur Kouindji
Dans ses œuvres les meilleures, le maître Kouindji vient
revivre parmi nous.
Il faut saluer en lui non seulement le peintre doué d'incom-
parables qualités artistiques, mais l'homme de cœur, dont la
bonté discrète et sereine fut une tradition et un apostolat.
De tout temps, ce fut un apôtre, un père attentif, un con-
seiller précieux plutôt qu'un maître — un parvenu. Ce fut le
philosophe, connaissant la vie, l'âme humaine, l'espérance, les
déceptions et la douleur. Il savait deviner l'artiste dans le
talent naissant, conseiller et déconseiller, soulager les pauvres
et les déshérités de la vie. Sa rudesse était plus feinte que
réelle, sa bonté égalait sa modestie. D'un sourire, d'un mot, il
savait sécher les larmes et son geste pieux dissimulait l'aide
matérielle qui après le départ ajoutait au réconfort et calmait
la faim en attendant les jours meilleurs.
Kouindji ne fut pas seulement un maître vénéré, mais un
philanthrope remarquable et unique.
Bien qu'il ne m'appartienne pas de juger ici la beauté du
geste qui présida à certaines fondations et d'en apprécier la
portée utilitaire, je veux cependant dire que sa pensée n'a pas
été aussi grandiose qu'il l'entrevoyait. La faute n'en est point
à ses dernières volontés, mais à l'ensemble des difficultés qui
naissent parfois des interprétations et des désaccords trop
souvent possibles entre ceux chargés de les exécuter.
Il ne suffit point d'avoir conçu une œuvre, d'avoir même
consacré sa fortune à l'édifier: faut-il encore qu'il y ait des >
hommes capables pour en assurer la pleine conservation.
Les années ont passé depuis la mort de cet homme de
bien; les critiques se sont peu à peu assourdies comme le ;
bruit des pas qui s'éloignent; les ennemis acharnés qui luttè-
rent contre sa générosité se sont attaqués à d'autres, le souve-
nir pieux qui s'attachait à sa personne s'efface même des
mémoires que les années corrodent comme l'acide. Et bien
peu, très peu, des projets de la dernière heure ont été accom-
plis par ceux dont la mission était de les réaliser.
Pourquoi tant d'années perdues en vaines discussions?
Pourquoi tant de réunions sans issues? Pourquoi enfin cet
affront à la mémoire du défunt? Il serait puéril et indécent de
parler à cette place de la manière de comprendre une mission
aussi haute que celle qui incombe aux exécuteurs testamen-
taires de l'artiste.
Ils sont trop, paraît-il, pour pouvoir s'entendre. Et cela
en dit long.
Hélas! tandis qu'on s'arrête aux vaines disputes de cote-
rie, aux rivalités d'atelier et aux ambitions personnelles, tan-
dis que les soirs se passent en discussions stériles et sans
issue, la veuve du peintre est peut-être aujourd'hui la seule à
pleurer l'absent prodigue et à regretter pour lui son geste de
roi qui l'a deshéritée et la fit pauvre et mendiante par amour
de l'Art.
*
* *
La technique de Kouindji est trop personnelle pour qu'il
soit possible de la comparer. On ne peut que la définir.
Sa manière retient des traits de Corot et des motifs de
Puvis de Chavanne à tel point qu'on ne saurait mettre en
doute que l'Ecole Impressionniste l'a ému, et que l'Ecole de
Barbizon l'a tenté. Il eut la sagesse de ne donner la préférence
à aucune de ces deux écoles: il est resté scrupuleusement per-
sonnel, avec ce seul défaut, pardonnable à un artiste de sa
valeur: la répétion.
Oui, il s'est répété sous différents angles, sous différentes
couleurs, sans souci de parallélisme et de monotonie. Il pou-
vait le faire, car si d'aucuns en se répétant tombent dans la
banalité, il est demeuré parfaitement original. Je dirai volon-
tiers que tel sujet repris plusieurs fois avec la même con-
fiance en soi et le même désir de mieux faire atteint parfois
au sublime. Je n'en veux pour exemple que ces nombreuses
nuits marquées du seul reflet de la lune creusant sur la mer
un sillon argenté et ces nuages transparents baignés de reflets
aux lueurs opalines. Ces motifs de clair obscur ont les pré-
férences de l'artiste: ça et là, il s'aventure bien à traiter le
ciel par un éclatant soleil, mais c'est un dérivatif pour revenir
bientôt aux études du soir, du crépuscule et aux ombres de la
nuit étoilée.
Ce qui frappe dans ses paysages, c'est l'absence complète
de personnages. Kouindji pouvait se permettre cet anachro-
nisme. La valeur de sa technique n'avait pas besoin pour être
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