Titre : Le Monde illustré
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-10-29
Contributeur : Yriarte, Charles (1833-1898). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818319d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 52729 Nombre total de vues : 52729
Description : 29 octobre 1870 29 octobre 1870
Description : 1870/10/29 (T27,A14,N707). 1870/10/29 (T27,A14,N707).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6219160c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2943
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
LE MONDE ILLUSTRE 279
Marque des tentatives de charmilles, et au milieu
duquel s'élève un pavillon affectant presque les for-
ces d'un pigeonnier, et qui n'est aujourd'hui, en
réalité, qu'un poste d'observation, placé en face du
Renier où vivent les pigeons.
Dans ce poste d'observation, veille à toute heure
de jour un facteur chef de l'administration des
Postes, qui a pour mission d'attendre la rentrée des
Pigeons (retour de Blois ou de Tours), et de pré-
venir le propriétaire que d'autres soins pourraient
distraire en ce moment.
La rentrée s'effectue très-simplement par la lu-
carne du pigeonnier, laquelle, précédée d'une
Penche carrée et fermée au moyen d'un appareil
qUi se compose de tringles mobiles en fil d'archal,
P^met au voyageur de rentrer à son nid, mais lui
Interdit absolument d'en sortir.
Quant à l'intérieur du pigeonnier dont notre
gravure donne une idée exacte, il est disposé de
;çon à en rendre le séjour agréable et sain aux
hôtes qu'il doit recevoir.
Lorsque le retour d'un pigeon a été signalé, il
suffit d'un coup d'œil au maître du logis pour re-
connaître dans la foule celui qui vient de rentrer.
En premier lieu, il est généralement très-fatigué,
et n'a rien de plus pressé que de reprendre sa place
la loge qu'il a abandonnée quelques jours aupa-
raVant.
l Le maître le prend alors dans ses mains, examine
e tIP.?,I':¡te du lieu de son départ qu'il doit porter
SU; une de ses plumes, et s'assure qu'il n'a pas perdu
en route la dépêche qui lui a été confiée.
Cette dépêche, rédigée en caractères microsco-
piques, est généralement roulée dans un tuyau de
ptue, et attachée à cette plume de la queue qui
reste immobile et pour ainsi dire fixe, quand les
utres s'ouvrent en éventail.
l La présence de la dépêche une fois constatée,
le Maître du pigeon se rend, selon le cas, soit chez
le directeur-général des postes, soit à l'hôtel du gou-
teur de Paris, et le déchiffrage a lieu.
l' Dne seconde fois, alors, la liberté est rendue à
j^, iseau, et dix minutes après, il est à son pigeon-
ar.
'rel est le résumé des opérations successives aux-
JpUes donnent lieu l'expédition et la réception
1:8 dépêches dont les pigeons voyageurs effectuent
l~ transmission.
«Malheureusement, des événements dramatiques
Identent les voyages de ces pauvres oiseaux.
Qtlelquefois, c'est l'émouchet qui les guette et
le J'happe au passage; quelquefois encore, c'est le
lasseur qui leur envoie une charge de plomb qui
les blesse ou les tue.
Nous avons vu dans un pigeonnier deux pigeons,
dont l'un avait la tête fortement entamée par le
bec d'un oiseau de proie, dont l'autre avait été lé-
gèrement blessé par le plomb d'un chasseur ou d'un
Prussien !
Mais une fois rentrés au bercail, les dangers des
trajets accomplis s'oublient bien vite, et quand leur
maître les appelle, en répandant à ses pieds de ces
petites graines dont ils sont friands, vous les
voyez accourir alertes, fringants, portant fièrement
la tête comme s'ils avaient le sentiment des services
qu'ils rendent à Paris assiégé.
Il y en a plusieurs qui mériteraient d'être cités;
mais celui que nous avons surtout remarqué, celui
dont on chercherait, je crois, vainement l'équiva-
lent dans d'autres colombiers, c'est le pigeon qui
a rapporté des nouvelles de Gambetta et qui appar-
tient à M. Cassiers.
Chez celui-ci la race est évidente et elle se mani-
feste par les qualités les plus appréciées de tous les
connaisseurs.
C'est un pigeon bleu, mâle, provenant de père et
mère belges.
L'année dernière, le 23 juillet 1869, il remportait
le premier prix au concours d'Auch, et depuis il
est connu sur le turf.
Nous aurions bien voulu ajouter encore quelques
renseignements sur les sociétés colombiphiles, entre au-
tres sur la société l'Espérance, dont M. Cassiers est
président.
Mais nous craindrions d'abuser de l'espace qui
nous a été accordé, et nous préférons remettre le
complément de cette monographie à une époque
où nous pourrons ne rechercher dans les pigeons
voyageurs qu'un simple plaisir d'amateur.
Espérons que ce moment si désiré ne se fera plus
longtemps attendre.
PIERRE ZACCONE.
4
LE BULLETIN DE LA GUERRE
Que penseriez-vous d'un homme qui, voyant
poindre un nez, mais seulement un nez, à travers
une porte entrebâillée, aurait la prétention de
vous décrire la personne à laquelle ce nez appar-
tient, de vous préciser la taille, la corpulence, l'ha-
bitus corporis de l'inconnu, de décrire sa physiono-
mie, d'analyser son caractère aussi bien que ses
goûts, son tempérament, ses défauts et ses vices?
— Assurément, cet homme est fou, diriez-vous
sans hésiter; l'espèce doit en être rare dans ce
monde et son pareil doit être bien difficile à ren-
contrer.
Eh bien, vous vous tromperiez. Paris, qui est une
grande ville, mais qui cependant n'est pas un
monde, renferme par milliers de ces gens qui, sur
la vue d'un bout de nez, prétendent juger un
homme, au physique et au moral. Ce n'est pas
qu'ils soient des physiognomonistes de génie. Ils ne
connaissent peut-être Lavater que de nom. Ce sont
simplement des bavards, de ces blagueurs, comme
les appelait Proudhon, qui cherchent à se faire
écouter, sans s'écouter eux-mêmes.
Ce sont ces gens que nous entendons tous les
jours discourir sur les opérations du siège de Pa-
ris, qui, sans se rendre compte de ce qu'il fait,
gourmandent le Gouvernement de la défense sur
ses lenteurs, qui, ignorants des premiers principes
de la stratégie, et pour lesquels Jomini est un my-
the, font marcher leurs bataillons et leurs armées
sur la carte, et, sans connaître la première étape du
plan du général Trochu, discutent, critiquent,
blâment les opérations militaires par lesquelles dé-
bute la nouvelle guerre nationale. Sur une jour-
née, ils jugent de toute la campagne. D'après le
résultat d'une sortie, dont ils ne soupçonnent pas
le but, ils établissent le bilan de la victoire ou de
la défaite définitive. Faisons-nous un prisonnier,
les voilà en route pour Berlin ; perdons-nous un
canon, les larmes leur viennent aux yeux, et ils
désespèrent de la France. « Cette fois ci, disent-ils
un jour, à la bonne heure! on a marché comme il
faut; ce premier pas fait va nous mener là; de là,
nous arrivons ici; nous cernons les Prussiens dans
ce bois, nous les écrasons dans cette plaine, il n'en
reste plus autour de Paris. » Le lendemain, la gi-
rouette a tourné; le ciel est gris et ils voient tout en
noir : - « Ah ! nous faisons de la belle besogne !
Si nous débutons de la sorte, nous n'en avons pas
pour longtemps. Comment peut-on organiser ainsi
une expédition? Evidemment le centre était trop
faible, l'aile gauche n'a pu donner à temps; on
prend des positions et on les abandonne. Quelle
tactique ! Dépenser de la poudre et des hommes,
pourquoi? Pour dire que nous avons fait une sor-
tie. La belle affaire ! Ah ! si on compte nous débar-
rasser des Prussiens avec ce système! » Et patati,
et patata.
Ces importants, qui, en voyant la fumée d'une es-
carmouche, échafaudent tout un plan de campa-
gne, l'apprécient ou le dénigrent, ne vous font-ils
pas l'effet de ce fou qui, sur la seule inspection du
Ce Il me faudrait quelque chose d'exceptionnel, et
"elladant de facile.
Déchirai.
îéjftlléâtre a toujours été un de mes plaisirs pré-
\:l'és,
Dès mon enfance, mon père me conduisait au
àtre-Français pour lequel il avait une vive pré-
'il"tiOn. J'ai hérité de cette prédilection; et,
D¡PUIS dix ans environ, je ne crois pas avoir laissé
K ^er une semaine (en dehors de mes absences de
~l rIS) sans aller m'asseoir au moins une fois à ma
Ce accoutumée au parterre, côté cour.
c ette assiduité a fini par m'attirer l'attention des
ens- Quelques-uns ont bien voulu m'aborder
dans la rue pour me remercier de mes applaudisse-
th~~ qu'ils avaient discernés et qu'ils trouvaient
qtlés au coin du meilleur goût. Naturellement !
A11 nombre de ceux-ci, l'acteur Florence semble
fe^v°ir voué une estime particulière. Nous nous
Cirons fréquemment dans le jardin du Palais-
ou dans les galeries; nous nous promenons
C'eeO::lble, en causant des nouvelles dramatiques.
C'est un excellent homme, dont le ton un peu tran-
chant déconcerte au premier abord, mais qui gagne
reConnu. Il tient au Théâtre-Français l'emploi
dat) (tlSonneurs dans la comédie et des confidents
dans la tragédie; ses principaux rôles sont Ariste,
hfcfiant, Préval, du Mariage secret, et Théramène,
Phèdre.
Que de fois ce Palais-Royal a été témoin de mes
longues rêveries !
J'ai assisté à ses transformations successives en
Palais-National, en Maison-Egalité et en Palais du
Tribunat, comme on l'appelle aujourd'hui.
Mais, pour moi, c'est toujours le Palais-Royal.
Les peintres n'auront jamais de couleurs assez
voyantes, les écrivains de métaphores assez hardies
pour dépeindre cette caverne illuminée. Telle ar-
cade renferme dans la même maison une académie
de jeu, un armurier et un ancien prêtre; de ma-
nière que, sans sortir, on peut facilement se ruiner,
se confesser et se tuer. Aussi est-ce une habitude de
dire : « Ah ! il n'y a qu'un Palais - Royal au
monde ! » Ceux qui auront vu les scandales perma-
nents du Cirque et des galeries en garderont long-
temps des étincelles dans les yeux.
Le Palais-Royal n'est pas seulement concentré
dans son jardin et dans ses galeries, il l'est surtout
dans ses caves. Par des soupiraux ardents vous
apercevez des troupeaux de nymphes qui bondissent
au son d'un orchestre d'aveugles. Le feu des cui-
sines brûle vos pieds. Dedans, dessous, tout est dé-
liré, lumière, cris, bras nus, souliers crevés à la
danse, apostrophes, baisers, bouchons sautants,
bouquets à terre.
Vu de haut, la nuit, de la butte Montmartre, par
exemple, le Palais-Royal semble un incendie dé-
vorant un coin de Paris, une gueule de volcan
soufflant la flamme bleue et jaune. Cette grande
lueur s'épanche aux alentours et éclaire toute la
rue Saint-Honoré, en s'en allant mourir dans les
repoussantes petites rues qui avoisinent le Louvre,
telles que la rue Froidmanteau, la rue des Poulies,
la rue Pierre-Lescot, etc.
A l'une des fenêtres de l'hôtel d'Angiviller, au
coin de la place de l'Oratoire, on vient de me mon-
trer Sophie Arnould, la célèbre chanteuse et l'ado-
rable pécheresse d'autrefois.
Devenue vieille et pauvre, — est-ce possible? —
Sophie Arnould a obtenu de Bonaparte un loge-
ment dans l'hôtel d'Angiviller et une pension de
2,400 fr.
J'en rougis pour le dix-huitième siècle, lui si pro-
digue et si pompeux, ingrat au point de laisser payer
ses dettes de boudoir par un enfant de la Révolu-
tion ! L'ancien régime léguant au nouveau le soin
de recueillir ses anciennes maîtresses et de leur pro-
curer une agonie paisible! — Cette action, accom-
plie simplement par Bonaparte, ce trait de généro-
sité envers une pauvre femme dont ses amants ne
se souvenaient plus, a quelque chose qui remue et
qui fait dire : Bien ! ir
On sait gré aussi à Sophie Arnould de ce senti-
ment de fierté qui l'a retenue de s'adresser à une
cour qu'un seul éclair de ses beaux yeux mettait
jadis à ses genoux. Cette main qui se tourne vers un
homme qui ne l'a point connue est plus noble et
plus touchante qu'une main tendue vers un Lau-
raguais ou un Richelieu. Ce n'est plus une femme
qui réclame, c'est un nom qui demande; elle n'in-
Marque des tentatives de charmilles, et au milieu
duquel s'élève un pavillon affectant presque les for-
ces d'un pigeonnier, et qui n'est aujourd'hui, en
réalité, qu'un poste d'observation, placé en face du
Renier où vivent les pigeons.
Dans ce poste d'observation, veille à toute heure
de jour un facteur chef de l'administration des
Postes, qui a pour mission d'attendre la rentrée des
Pigeons (retour de Blois ou de Tours), et de pré-
venir le propriétaire que d'autres soins pourraient
distraire en ce moment.
La rentrée s'effectue très-simplement par la lu-
carne du pigeonnier, laquelle, précédée d'une
Penche carrée et fermée au moyen d'un appareil
qUi se compose de tringles mobiles en fil d'archal,
P^met au voyageur de rentrer à son nid, mais lui
Interdit absolument d'en sortir.
Quant à l'intérieur du pigeonnier dont notre
gravure donne une idée exacte, il est disposé de
;çon à en rendre le séjour agréable et sain aux
hôtes qu'il doit recevoir.
Lorsque le retour d'un pigeon a été signalé, il
suffit d'un coup d'œil au maître du logis pour re-
connaître dans la foule celui qui vient de rentrer.
En premier lieu, il est généralement très-fatigué,
et n'a rien de plus pressé que de reprendre sa place
la loge qu'il a abandonnée quelques jours aupa-
raVant.
l Le maître le prend alors dans ses mains, examine
e tIP.?,I':¡te du lieu de son départ qu'il doit porter
SU; une de ses plumes, et s'assure qu'il n'a pas perdu
en route la dépêche qui lui a été confiée.
Cette dépêche, rédigée en caractères microsco-
piques, est généralement roulée dans un tuyau de
ptue, et attachée à cette plume de la queue qui
reste immobile et pour ainsi dire fixe, quand les
utres s'ouvrent en éventail.
l La présence de la dépêche une fois constatée,
le Maître du pigeon se rend, selon le cas, soit chez
le directeur-général des postes, soit à l'hôtel du gou-
teur de Paris, et le déchiffrage a lieu.
l' Dne seconde fois, alors, la liberté est rendue à
j^, iseau, et dix minutes après, il est à son pigeon-
ar.
'rel est le résumé des opérations successives aux-
JpUes donnent lieu l'expédition et la réception
1:8 dépêches dont les pigeons voyageurs effectuent
l~ transmission.
«Malheureusement, des événements dramatiques
Identent les voyages de ces pauvres oiseaux.
Qtlelquefois, c'est l'émouchet qui les guette et
le J'happe au passage; quelquefois encore, c'est le
lasseur qui leur envoie une charge de plomb qui
les blesse ou les tue.
Nous avons vu dans un pigeonnier deux pigeons,
dont l'un avait la tête fortement entamée par le
bec d'un oiseau de proie, dont l'autre avait été lé-
gèrement blessé par le plomb d'un chasseur ou d'un
Prussien !
Mais une fois rentrés au bercail, les dangers des
trajets accomplis s'oublient bien vite, et quand leur
maître les appelle, en répandant à ses pieds de ces
petites graines dont ils sont friands, vous les
voyez accourir alertes, fringants, portant fièrement
la tête comme s'ils avaient le sentiment des services
qu'ils rendent à Paris assiégé.
Il y en a plusieurs qui mériteraient d'être cités;
mais celui que nous avons surtout remarqué, celui
dont on chercherait, je crois, vainement l'équiva-
lent dans d'autres colombiers, c'est le pigeon qui
a rapporté des nouvelles de Gambetta et qui appar-
tient à M. Cassiers.
Chez celui-ci la race est évidente et elle se mani-
feste par les qualités les plus appréciées de tous les
connaisseurs.
C'est un pigeon bleu, mâle, provenant de père et
mère belges.
L'année dernière, le 23 juillet 1869, il remportait
le premier prix au concours d'Auch, et depuis il
est connu sur le turf.
Nous aurions bien voulu ajouter encore quelques
renseignements sur les sociétés colombiphiles, entre au-
tres sur la société l'Espérance, dont M. Cassiers est
président.
Mais nous craindrions d'abuser de l'espace qui
nous a été accordé, et nous préférons remettre le
complément de cette monographie à une époque
où nous pourrons ne rechercher dans les pigeons
voyageurs qu'un simple plaisir d'amateur.
Espérons que ce moment si désiré ne se fera plus
longtemps attendre.
PIERRE ZACCONE.
4
LE BULLETIN DE LA GUERRE
Que penseriez-vous d'un homme qui, voyant
poindre un nez, mais seulement un nez, à travers
une porte entrebâillée, aurait la prétention de
vous décrire la personne à laquelle ce nez appar-
tient, de vous préciser la taille, la corpulence, l'ha-
bitus corporis de l'inconnu, de décrire sa physiono-
mie, d'analyser son caractère aussi bien que ses
goûts, son tempérament, ses défauts et ses vices?
— Assurément, cet homme est fou, diriez-vous
sans hésiter; l'espèce doit en être rare dans ce
monde et son pareil doit être bien difficile à ren-
contrer.
Eh bien, vous vous tromperiez. Paris, qui est une
grande ville, mais qui cependant n'est pas un
monde, renferme par milliers de ces gens qui, sur
la vue d'un bout de nez, prétendent juger un
homme, au physique et au moral. Ce n'est pas
qu'ils soient des physiognomonistes de génie. Ils ne
connaissent peut-être Lavater que de nom. Ce sont
simplement des bavards, de ces blagueurs, comme
les appelait Proudhon, qui cherchent à se faire
écouter, sans s'écouter eux-mêmes.
Ce sont ces gens que nous entendons tous les
jours discourir sur les opérations du siège de Pa-
ris, qui, sans se rendre compte de ce qu'il fait,
gourmandent le Gouvernement de la défense sur
ses lenteurs, qui, ignorants des premiers principes
de la stratégie, et pour lesquels Jomini est un my-
the, font marcher leurs bataillons et leurs armées
sur la carte, et, sans connaître la première étape du
plan du général Trochu, discutent, critiquent,
blâment les opérations militaires par lesquelles dé-
bute la nouvelle guerre nationale. Sur une jour-
née, ils jugent de toute la campagne. D'après le
résultat d'une sortie, dont ils ne soupçonnent pas
le but, ils établissent le bilan de la victoire ou de
la défaite définitive. Faisons-nous un prisonnier,
les voilà en route pour Berlin ; perdons-nous un
canon, les larmes leur viennent aux yeux, et ils
désespèrent de la France. « Cette fois ci, disent-ils
un jour, à la bonne heure! on a marché comme il
faut; ce premier pas fait va nous mener là; de là,
nous arrivons ici; nous cernons les Prussiens dans
ce bois, nous les écrasons dans cette plaine, il n'en
reste plus autour de Paris. » Le lendemain, la gi-
rouette a tourné; le ciel est gris et ils voient tout en
noir : - « Ah ! nous faisons de la belle besogne !
Si nous débutons de la sorte, nous n'en avons pas
pour longtemps. Comment peut-on organiser ainsi
une expédition? Evidemment le centre était trop
faible, l'aile gauche n'a pu donner à temps; on
prend des positions et on les abandonne. Quelle
tactique ! Dépenser de la poudre et des hommes,
pourquoi? Pour dire que nous avons fait une sor-
tie. La belle affaire ! Ah ! si on compte nous débar-
rasser des Prussiens avec ce système! » Et patati,
et patata.
Ces importants, qui, en voyant la fumée d'une es-
carmouche, échafaudent tout un plan de campa-
gne, l'apprécient ou le dénigrent, ne vous font-ils
pas l'effet de ce fou qui, sur la seule inspection du
Ce Il me faudrait quelque chose d'exceptionnel, et
"elladant de facile.
Déchirai.
îéjftlléâtre a toujours été un de mes plaisirs pré-
\:l'és,
Dès mon enfance, mon père me conduisait au
àtre-Français pour lequel il avait une vive pré-
'il"tiOn. J'ai hérité de cette prédilection; et,
D¡PUIS dix ans environ, je ne crois pas avoir laissé
K ^er une semaine (en dehors de mes absences de
~l rIS) sans aller m'asseoir au moins une fois à ma
Ce accoutumée au parterre, côté cour.
c ette assiduité a fini par m'attirer l'attention des
ens- Quelques-uns ont bien voulu m'aborder
dans la rue pour me remercier de mes applaudisse-
th~~ qu'ils avaient discernés et qu'ils trouvaient
qtlés au coin du meilleur goût. Naturellement !
A11 nombre de ceux-ci, l'acteur Florence semble
fe^v°ir voué une estime particulière. Nous nous
Cirons fréquemment dans le jardin du Palais-
ou dans les galeries; nous nous promenons
C'eeO::lble, en causant des nouvelles dramatiques.
C'est un excellent homme, dont le ton un peu tran-
chant déconcerte au premier abord, mais qui gagne
reConnu. Il tient au Théâtre-Français l'emploi
dat) (tlSonneurs dans la comédie et des confidents
dans la tragédie; ses principaux rôles sont Ariste,
hfcfiant, Préval, du Mariage secret, et Théramène,
Phèdre.
Que de fois ce Palais-Royal a été témoin de mes
longues rêveries !
J'ai assisté à ses transformations successives en
Palais-National, en Maison-Egalité et en Palais du
Tribunat, comme on l'appelle aujourd'hui.
Mais, pour moi, c'est toujours le Palais-Royal.
Les peintres n'auront jamais de couleurs assez
voyantes, les écrivains de métaphores assez hardies
pour dépeindre cette caverne illuminée. Telle ar-
cade renferme dans la même maison une académie
de jeu, un armurier et un ancien prêtre; de ma-
nière que, sans sortir, on peut facilement se ruiner,
se confesser et se tuer. Aussi est-ce une habitude de
dire : « Ah ! il n'y a qu'un Palais - Royal au
monde ! » Ceux qui auront vu les scandales perma-
nents du Cirque et des galeries en garderont long-
temps des étincelles dans les yeux.
Le Palais-Royal n'est pas seulement concentré
dans son jardin et dans ses galeries, il l'est surtout
dans ses caves. Par des soupiraux ardents vous
apercevez des troupeaux de nymphes qui bondissent
au son d'un orchestre d'aveugles. Le feu des cui-
sines brûle vos pieds. Dedans, dessous, tout est dé-
liré, lumière, cris, bras nus, souliers crevés à la
danse, apostrophes, baisers, bouchons sautants,
bouquets à terre.
Vu de haut, la nuit, de la butte Montmartre, par
exemple, le Palais-Royal semble un incendie dé-
vorant un coin de Paris, une gueule de volcan
soufflant la flamme bleue et jaune. Cette grande
lueur s'épanche aux alentours et éclaire toute la
rue Saint-Honoré, en s'en allant mourir dans les
repoussantes petites rues qui avoisinent le Louvre,
telles que la rue Froidmanteau, la rue des Poulies,
la rue Pierre-Lescot, etc.
A l'une des fenêtres de l'hôtel d'Angiviller, au
coin de la place de l'Oratoire, on vient de me mon-
trer Sophie Arnould, la célèbre chanteuse et l'ado-
rable pécheresse d'autrefois.
Devenue vieille et pauvre, — est-ce possible? —
Sophie Arnould a obtenu de Bonaparte un loge-
ment dans l'hôtel d'Angiviller et une pension de
2,400 fr.
J'en rougis pour le dix-huitième siècle, lui si pro-
digue et si pompeux, ingrat au point de laisser payer
ses dettes de boudoir par un enfant de la Révolu-
tion ! L'ancien régime léguant au nouveau le soin
de recueillir ses anciennes maîtresses et de leur pro-
curer une agonie paisible! — Cette action, accom-
plie simplement par Bonaparte, ce trait de généro-
sité envers une pauvre femme dont ses amants ne
se souvenaient plus, a quelque chose qui remue et
qui fait dire : Bien ! ir
On sait gré aussi à Sophie Arnould de ce senti-
ment de fierté qui l'a retenue de s'adresser à une
cour qu'un seul éclair de ses beaux yeux mettait
jadis à ses genoux. Cette main qui se tourne vers un
homme qui ne l'a point connue est plus noble et
plus touchante qu'une main tendue vers un Lau-
raguais ou un Richelieu. Ce n'est plus une femme
qui réclame, c'est un nom qui demande; elle n'in-
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