Titre : France-Maroc : revue mensuelle illustrée : organe du Comité des foires du Maroc / directeur Alfred de Tarde
Auteur : Comité des foires du Maroc. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Rabat)
Date d'édition : 1922-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32777958s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 6556 Nombre total de vues : 6556
Description : 01 janvier 1922 01 janvier 1922
Description : 1922/01/01 (A6,N62)-1922/01/31. 1922/01/01 (A6,N62)-1922/01/31.
Description : Collection numérique : Originaux conservés à... Collection numérique : Originaux conservés à l'INHA
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Zone géographique :... Collection numérique : Zone géographique : Afrique du Nord et Moyen-Orient
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Description : Collection numérique : Arts Collection numérique : Arts
Description : Collection numérique : Littérature Collection numérique : Littérature
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6212017v
Source : Bibliothèque de l'INHA / coll. J. Doucet, 2010-103818
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/06/2012
16 ART ET TOURISME:
— « Que ce mendiant est donc couleur locale !
— « La pauvre vieille ! Ce doit être une esclave.
— « Ernest, faites-moi le plaisir de regarder plus
pertinemment les femmes arabes ».
Arrivés devant la Médersa Bou-Anania: « Section
halte ». Ma troupe se serre autour de moi et j'y vais
de mon petit amphi.
— « Mesdames et Messieurs, dis-je en terminant,
je vous prie d'admirer particulièrement l'architecture
de la Médersa. Dans l'antiquité et chez nous, la
décoration est toujours fonction de l'architecture
tandis que c'est le contraire dans l'art arabe. Or, Bou-
Anania semble échapper à cette règle, car ici
l'architecture est très belle et se suffit à elle-même ».
Le Président me prend alors affectueusement par
le bras.
— « Répétez-moi, mon cher ami, votre topo
d'ensemble sur l'art marocain. De quelle époque la
Koutoubia ?
— « De l'âge de pierre, M. le Président.
— « Vous vous f. de moi.
— « Pas le moins du monde, je m'explique. Il
existe trois périodes dans l'architecture marocaine.
La première est celle de la pierre parce que les
monuments sont construits en pierre. L'architecture
en est lourde, presque militaire et noble, presque
romaine. C'est l'époque des grands conquérants qui
passent le détroit et propagent l'Islam. La seconde
est l'âge du plâtre. L'art en est délicat, savant, parfait.
C'est la plus haute période de l'art au Maroc et ceci
se passait sous les Béni Merine.
— « Et la troisième ?
— « La troisième est l'âge du pisé. On construit
mal et la décoration n'est plus ni harmonieuse ni
rationnelle. Le goût et la tradition se perdent. Au
bout de quelques années tout tombe en poussière.
L'époque contemporaine voit partout la décadence
de l'art arabe, et c'est contre quoi nous essayons
de lutter ici.
— « Certes, il était temps que nous arrivions ! »
Qui a dit cela ? C'est la maman de Mademoiselle
Chouchou, laquelle me regarde et sourit, cependant
que le Président note sur un carnet ma classification
qu'il trouve judicieuse et qu'il n'a encore lue nulle
part.
Nous voici enfin aux souqs. « A la menthe, au
citron, à la vanille ». Mais, il n'y a pas que ces odeurs
dans les souqs et ma gentille compagne en paraît
parfois incommodée. Ma troupe s'agite et s'éparpille,
pétule et frétille. Ce ne sont qu'exclamations et
enthousiasmes désordonnés. Tout est « joli, charmant,
amusant, pittoresque ». Les ai-je assez entendus,
depuis que je promène des « visiteurs de marque »,
tous ces élémentaires qualificatifs d'une très démo-
cratique esthétique.
Mais il est temps de songer aux achats et petits
cadeaux pour les amis, la tante Gertrude, l'oncle
Philibert, le cousin Pons, etc. Je rassemble, non
sans peine, mon monde et le conduis chez Ben Jeloud
qui fort aimablement offre des sièges, le thé, et sa
marchandise. Le déballage commence.
— « Broderie de Fès, mézian Madame, chibani
mézian !
— « Que veulent-ils dire avec leur éternel
« mézian ? »
— « Ils veulent dire, interrompt le journaliste
colonial, qu'il faut y mettre le prix. Mets-y-en.
— « Ah, très drôle, très drôle!
— « 0 ma nlle ! Cette poire à poudre, comme elle
fera bien dans le salon, sous le portrait de ton pauvre
père.
— « M. l'Arabe, je voudrais un tapis pour
chambre de jeune fille.
— « Voici Madame, M. Poiret m'a acheté le
pareil. Vous connaissez sans doute M. Poiret ? C'est
un ami. J'ai récemment dîné chez lui dans son hôtel
de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Mais la nuit tombe ; il faut se presser.
— « Ce ne serait peut-être pas prudent de s'attarder
n'est-ce pas M. l'Attaché ?
— « Evidemment non, Madame, pour vous du
moins », répond notre journaliste colonial qui décidé-
ment s'affirme comme un galant homme.
Alors à travers les rues montantes et malaisées
nous regagnions l'hôtel, escortés par une bande de
titis fâsis qui portent les innombrables achats de mes
clients. Et fort courtoisement, ils se payent leurs têtes.
— « Ti as acheté un joli foulard marocain », dit
Adbesselam en me montrant une soierie de Lyon.
— « Ce tapis, ti sais, ti l'a pas payé cher. Deux
cents francs le mètre carré, c'est pour rien ».
Nous passons, comme à Rocamadour ou à
Lourdes, entre des rangées de saints immobiles dans
leurs niches, où parmi des bibelots brûle une veilleuse ;
mais ici les saints sont beaucoup plus nombreux.
J'en fais la remarque, et un écho me répond:
— « Celui-ci ressemble à s'y méprendre à notre
Saint-Joseph du Chapitre ».
Cependant Mademoiselle Chouchou, un peu lasse,
me prend le bras, et, d'une voix légèrement tremblée:
— « Je n'oublierai de ma vie cette délicieuse
journée. Et vous ? »
Je réponds par une forte pression de l'avant-bras.
Nous longeons maintenant des murailles que sur-
plombent des bouquets de feuillages et les longs
fuseaux des peupliers. Le parfum des orangers emplit
la venelle et, comme il est dit au dernier acte de la
Tosca, le ciel est luisant d'étoiles. Petite fille, petite
fille, méfiez-vous de l'exotisme et du parfum des
orangers par les beaux soirs d'Afrique.
A la porte de l'hôtel, je prends congé de mes hôtes ;
il n'est si bonne compagnie, qu'on ne soit obligé de
quitter.
— « Vous viendrez me voir à Paris, c'est promis »,
murmure Mademoiselle Chouchou.
— « C'est promis ».
Mais, le Président me retient un instant.
— « Figurez-vous que je prenais ce peuple pour
des sauvages. Or, cet indigène avec qui je viens de
m entretenir est un parfait gentilhomme. Quelle
politesse, quelle urbanité, quelle attention à nous
plaire. Le connaissez-vous ? Quel est-il ? ce ne peut
être qu'un grand seigneur.
— « C'est « l'amine » des tisserands, dis-je, un
simple bourgeois. Mais la bourgeoisie fâsi a des
façons aristocratiques, et la comparer à la nôtre serait
lui faire injure. Quant à savoir s'ils nous aiment
vraiment, c'est une autre affaire. Personne n'en saura
jamais rien. Et vous auriez tort, mon cher Président,
de juger tous les Arabes sur « l'aminé ».
René GUYSE.
— « Que ce mendiant est donc couleur locale !
— « La pauvre vieille ! Ce doit être une esclave.
— « Ernest, faites-moi le plaisir de regarder plus
pertinemment les femmes arabes ».
Arrivés devant la Médersa Bou-Anania: « Section
halte ». Ma troupe se serre autour de moi et j'y vais
de mon petit amphi.
— « Mesdames et Messieurs, dis-je en terminant,
je vous prie d'admirer particulièrement l'architecture
de la Médersa. Dans l'antiquité et chez nous, la
décoration est toujours fonction de l'architecture
tandis que c'est le contraire dans l'art arabe. Or, Bou-
Anania semble échapper à cette règle, car ici
l'architecture est très belle et se suffit à elle-même ».
Le Président me prend alors affectueusement par
le bras.
— « Répétez-moi, mon cher ami, votre topo
d'ensemble sur l'art marocain. De quelle époque la
Koutoubia ?
— « De l'âge de pierre, M. le Président.
— « Vous vous f. de moi.
— « Pas le moins du monde, je m'explique. Il
existe trois périodes dans l'architecture marocaine.
La première est celle de la pierre parce que les
monuments sont construits en pierre. L'architecture
en est lourde, presque militaire et noble, presque
romaine. C'est l'époque des grands conquérants qui
passent le détroit et propagent l'Islam. La seconde
est l'âge du plâtre. L'art en est délicat, savant, parfait.
C'est la plus haute période de l'art au Maroc et ceci
se passait sous les Béni Merine.
— « Et la troisième ?
— « La troisième est l'âge du pisé. On construit
mal et la décoration n'est plus ni harmonieuse ni
rationnelle. Le goût et la tradition se perdent. Au
bout de quelques années tout tombe en poussière.
L'époque contemporaine voit partout la décadence
de l'art arabe, et c'est contre quoi nous essayons
de lutter ici.
— « Certes, il était temps que nous arrivions ! »
Qui a dit cela ? C'est la maman de Mademoiselle
Chouchou, laquelle me regarde et sourit, cependant
que le Président note sur un carnet ma classification
qu'il trouve judicieuse et qu'il n'a encore lue nulle
part.
Nous voici enfin aux souqs. « A la menthe, au
citron, à la vanille ». Mais, il n'y a pas que ces odeurs
dans les souqs et ma gentille compagne en paraît
parfois incommodée. Ma troupe s'agite et s'éparpille,
pétule et frétille. Ce ne sont qu'exclamations et
enthousiasmes désordonnés. Tout est « joli, charmant,
amusant, pittoresque ». Les ai-je assez entendus,
depuis que je promène des « visiteurs de marque »,
tous ces élémentaires qualificatifs d'une très démo-
cratique esthétique.
Mais il est temps de songer aux achats et petits
cadeaux pour les amis, la tante Gertrude, l'oncle
Philibert, le cousin Pons, etc. Je rassemble, non
sans peine, mon monde et le conduis chez Ben Jeloud
qui fort aimablement offre des sièges, le thé, et sa
marchandise. Le déballage commence.
— « Broderie de Fès, mézian Madame, chibani
mézian !
— « Que veulent-ils dire avec leur éternel
« mézian ? »
— « Ils veulent dire, interrompt le journaliste
colonial, qu'il faut y mettre le prix. Mets-y-en.
— « Ah, très drôle, très drôle!
— « 0 ma nlle ! Cette poire à poudre, comme elle
fera bien dans le salon, sous le portrait de ton pauvre
père.
— « M. l'Arabe, je voudrais un tapis pour
chambre de jeune fille.
— « Voici Madame, M. Poiret m'a acheté le
pareil. Vous connaissez sans doute M. Poiret ? C'est
un ami. J'ai récemment dîné chez lui dans son hôtel
de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Mais la nuit tombe ; il faut se presser.
— « Ce ne serait peut-être pas prudent de s'attarder
n'est-ce pas M. l'Attaché ?
— « Evidemment non, Madame, pour vous du
moins », répond notre journaliste colonial qui décidé-
ment s'affirme comme un galant homme.
Alors à travers les rues montantes et malaisées
nous regagnions l'hôtel, escortés par une bande de
titis fâsis qui portent les innombrables achats de mes
clients. Et fort courtoisement, ils se payent leurs têtes.
— « Ti as acheté un joli foulard marocain », dit
Adbesselam en me montrant une soierie de Lyon.
— « Ce tapis, ti sais, ti l'a pas payé cher. Deux
cents francs le mètre carré, c'est pour rien ».
Nous passons, comme à Rocamadour ou à
Lourdes, entre des rangées de saints immobiles dans
leurs niches, où parmi des bibelots brûle une veilleuse ;
mais ici les saints sont beaucoup plus nombreux.
J'en fais la remarque, et un écho me répond:
— « Celui-ci ressemble à s'y méprendre à notre
Saint-Joseph du Chapitre ».
Cependant Mademoiselle Chouchou, un peu lasse,
me prend le bras, et, d'une voix légèrement tremblée:
— « Je n'oublierai de ma vie cette délicieuse
journée. Et vous ? »
Je réponds par une forte pression de l'avant-bras.
Nous longeons maintenant des murailles que sur-
plombent des bouquets de feuillages et les longs
fuseaux des peupliers. Le parfum des orangers emplit
la venelle et, comme il est dit au dernier acte de la
Tosca, le ciel est luisant d'étoiles. Petite fille, petite
fille, méfiez-vous de l'exotisme et du parfum des
orangers par les beaux soirs d'Afrique.
A la porte de l'hôtel, je prends congé de mes hôtes ;
il n'est si bonne compagnie, qu'on ne soit obligé de
quitter.
— « Vous viendrez me voir à Paris, c'est promis »,
murmure Mademoiselle Chouchou.
— « C'est promis ».
Mais, le Président me retient un instant.
— « Figurez-vous que je prenais ce peuple pour
des sauvages. Or, cet indigène avec qui je viens de
m entretenir est un parfait gentilhomme. Quelle
politesse, quelle urbanité, quelle attention à nous
plaire. Le connaissez-vous ? Quel est-il ? ce ne peut
être qu'un grand seigneur.
— « C'est « l'amine » des tisserands, dis-je, un
simple bourgeois. Mais la bourgeoisie fâsi a des
façons aristocratiques, et la comparer à la nôtre serait
lui faire injure. Quant à savoir s'ils nous aiment
vraiment, c'est une autre affaire. Personne n'en saura
jamais rien. Et vous auriez tort, mon cher Président,
de juger tous les Arabes sur « l'aminé ».
René GUYSE.
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