Titre : L'Indépendant : ci-devant la Semaine / M. de Murville, rédacteur principal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1841-06-03
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb41257550m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 5253 Nombre total de vues : 5253
Description : 03 juin 1841 03 juin 1841
Description : 1841/06/03 (A14). 1841/06/03 (A14).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6153718v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1153
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/12/2010
3 JUIN 1841;
(QUATORZIE NÉE.)
JEUDI.
INDEPENDANT
FURET DES THÉÂTRES.
LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS, LIBRAIRIE, INDUSTRIE ET ANNONCES.
(PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.)
n 'abonne à Paris, rue St-Pierre-Montmartre, 10. PRIX : Pour un an, 36 francs ; cour six mois, 18 francs j pour trois mois, 9 francs. Le prix des ANNONCES est de 50 CENTIMES par ligne.—Leslettres,paquets,
"os réclamations, et les ouvrages dont on désirerait qu'il fût rendu compte, doivent être envoyés, francs de port, à M. DAVONS, rédacteur-
NOTICES BIOGRAPHIQUES.
MADEMOISELLE ANAÏS AUBERT,
(De la Comédie-Française).
A voir le nombre des débuis qui se succèdent de-
puis quelques années à la Comédie-Française, la fa-
cilité avec laquelle tant de sujets médiocres sont ad-
mis à cette épreuve, on comprendrait assez malaisé-
ment aujourd'hui l'importance que les comédiens et
le public attachaient autrefois au choix des aspirans
destinés à se produire sur ce théâtre. Alors, un ordre
de début était pour l'artiste applaudi pendant quinze
ou vingt ans dans nos grandes villes, la récompense
de toute une vie de travaux et d'études. On juge
quel prix il avait pour l'élève qui entrait dans la
carrière et quelle devait être la joie de ce dernier
quand il était reconnu apte à prendre rang parmi les
pensionnaires ou les acteurs à l'essai. II n'ignorait
pourtant pas combien de difficultés lui restaient en-
core à vaincre avant de parvenir au titre de socié-
ire. A présent qu'au théâtre, comme dans la vie
réelle, on vit au jour le jour et que la question d'ar-
gent prime toutes les autres; aujourd'hui que l'ac-
teur qui a fait ses premières armes à l'Ambigu ou à
a Gaîté sollicite son admission à la Comédie-Fran-
aise, pour entrer, au bout de quinze ou vingt mois,
ux Variétés ou à la Porte-Saint-Martin, s'il y trouve
ille francs de plus à gagner, on ne se figure pas
ètle joie ineffable qui s'attachait dans l'âme de l'ar-
iste au moindre succès obtenu rue de Richelieu,
ous le savez vous autres, dignes soutiens de l'art
ramatique, qui avez passé par ces épreuves et dont
a réputation n'a pas été l'oeuvre d'un jour. Dites-
ous si vous ne sentez pas encore votre coeur battre
u souvenir des premiers applaudissemens que vous
vez reçus auprès des grands talens dont vous conti-
uez la gloire ?
Nous avons présent à la mémoire le premier début
e Mlle Anaïs Aubert. La jeune actrice (elle avait à
ine quinze ans) avait été désignée à l'attention des
ociélaires par les succès qu'elle venait d'obtenir à
Ôrdeaux où elle avait fait ses premiei%s pas sur la
cène. Eugénie du Tyran domestique, une autre Eu-
énie, celle de la Femme jalouse, Charlotte des
eux Frères, furent les rôles dans lesquels elle se
outra d'abord. Sa jeunesse,la gentillesse et la grâce
'^andues dans toute sa personne lui conquirent
ieritôt tous les suffrages, et cependant ce premier
ejour de Mlle Anaïs à la Comédie-Française ne fut
ue d'un an. De Paris elle se rendit à Londres où elle
ouasur le théâtre d'Argile's-rooms. Toute l'aristo-
ratie anglaise la prit sous son patronage. La du-
hesse d'Yorck,la comtesse Liéven, lady Gersey, lady
ooper la comblèrent de présens et de marques
affection. Revenue en France, Mlle Anaïs reprit sa
lace à la rue Richelieu, mais seulement encore pour
ne année. Il était réservé à un autre théâtre de
ettre en évidence toutes les ressources de son talent.
e théâtre, c'était l'Odéon, le second Théâtre-Fran-
« qui révéla au monde littéraire Casimir Delavi-
ne, le premier poète de l'époque, tant d'autres au-
eurs qui seraient peut-être encore inconnus, et dix
oniediens qui auraient achevé tristement en pro-
wce une existence devenue depuis si brillante et si
rofitable à la Comédie-Française elle-même. Qu'il
nous soit permis de le rappeler ici, à nous qui avons
dans cette feuille poursuivi avec tant d'ardeur son
rétablissement et qui nous applaudissons de voir nos
voeux sur le point d'être réalisés.
Mlle Anaïs a attaché son nom à la plupart des co-
médies qui signalèrent l'élan imprimé à la littéra-
ture par le second Théâtre-Français. En première
ligne, nous citerons Luxe et indigence et l'Homme
habile, ces deux productions si remarquables de l'é-
crivain distingue à qui appartiendra l'honneur de re-
lever l'Odéon, M. d'Epagny. Dans un autre genre on
n'a point oublié les succès que valurent à l'aimable
actrice la Première affaire, de Merville, et la Bossue,
de Fontan. La tragédie elle-même trouva dans Mlle
Anaïs une heureuse interprète. On sait le charme
qu'elle répandit sur le personnage de Juliette, dans
Roméo et Juliette, de Frédéric Soulié, et quelle phy-
sionomie angélique elle donna au jeune Machabée,
dans les Machabées, de M. Alexandre Guiraud.
Ce fut en i83i que Mlle Anaïs rentra à la Co-
médie-Française et cette fois pour ne plus la quitter;
car, six mois après, elle reçut le titre de sociétaire.
Si nous jetons les yeux sur la liste des ouvrages au
succès desquels elle a coopéré depuis cette époque,
nous trouverons en regard les noms des auteurs
qui ont dû à l'Odéon le haut rang qu'ils occupent
dans la hiérarchie littéraire. Là c'est Casimir Dela-
vigne, avec les Enfans d'Edouard, Louis XI et
Don Juan d'Autriche ; ici M. d'Epagny, avec le
Possédé et les Préventions.ïja Camaraderie et la Ca-
lomnie viennent nous montrer ensuite Mlle Anaïs
prêtant l'appui de son talent au plus fécond de nos
écrivains, à M. Scribe. Enfin c'est encore sous son
patronage que vient se produire à la scène l'élégant
et spirituel auteur de Y Ecole du Monde, M. le com-
te Waleski.
Parmi ces sommités de la littérature, un nom
manquait. C'est celui d'Alexandre Dumas, mais il
était réservé à l'auteur de Mlle de Belle-Isle de pro-
duire sous une face nouvelle ce talent qui semblait
avoir épuisé toutes les nuances. Le duc d'Yorck,
Louison, Mme de Montlucar ont fait place, dans un
Mariage sous Louis X.V, à la soubrette de boudoir,
à Marton ; et Marton a prouvé que, si Mlle Anaïs ne
marchait pas depuis long-temps sur les traces de
Mlle Contât et de Mlle Mars, elle aurait pu être ins-
crite dans les fastes du théâtre à la suite de Mlle De-
vienne.
Heureuse l'actrice dont les succès reportent l'ima-
gination sur des noms entourés de tant d'hommages
et de gloire !
FERDINAND DE LA BOULLAYE.
COMÉDIE-FRANÇAISE.
Première représentation. — Un Mariage sous
Louis ~KV, comédie en cinq actes et en prose ,
de M. Alexandre Dumas. — Début de Mlle Fitz -
James dans les Enfans d'Edouard. — Continua-
tion des débuts de M. Leroux et de Mlle Augustine
'Brohan.
Pardon, si nous intervertissons dans l'article l'or-
dre que nous avons suivi dans le titre -, mais nous
devions réserver pour la fin les bonnes paroles que
nous avons à faire entendre et nous délivrer bien
vite d'une corvée pénible, qui, malheureusement, est
aussi un devoir.
A vous donc, tout d'abord, Mlle Fitz-James, qui
m'avez trouvé peut-être bien sévère pendant votre
séjour à la Renaissance, et envers qui pourtant je le
serai encore davantage aujourd'hui, sans cesser d'être
juste. Votre déclamation emphatique, vos cris, vos
contorsions, en un mot tout ce qui constitue votre
dévergondage dramatique, n'étaient certes ni moins
ridicule, ni moins absurdes à la salle Ventadour qu'à
la rue Richelieu ; mais vous étiez là dans un théâtre
à l'agonie , aux prises avec une littérature secon-
daire et dont les intérêts ne nous touchent que mé-
diocrement. Aujourd'hui vous voici dans le sanc-
tuaire de l'art et de la noble poésie, en face du ré-
pertoire des grands maîtres ; et, si vous ne craignez
pas de vous jouer des chefs-d'oeuvre du génie, c'est à
la presse à protester du moins contre cette profana-
tion. Quoi ! c'est bien vous qui, au moment où nous
écrivons, vous disposez à représenter Clytemnestre,
ce type de l'amour maternel, Agrippine, la fière im-
pératrice , vous qui, dimanche dernier, n'avez su
être ni mère , ni reine , sous les traits de la veuve
d'Edouard ; qui n'avez eu ni une larme, ni un cri
i d'angoisse pour vos enfans déjà placés sous le fer des
assassins, ni un regard muet pour faire trembler
leur bourreau, le lâche et perfide Glocester! Vous
n'avez pas pu être à la hauteur de M. Casimir Dela-
vigne, et vous voulez vous faire l'interprète de Ra-
cine et Corneille ! Le drame vous a écrasée, et vous
ne craignez pas d'affronter ce que la tragédie a de
plus grand et de plus sublime ! Le comité du Théâ-
tre-Français avait été bien mieux inspiré, il y a
quelques mois, lorsqu'il vous déclara incapable d'ê-
tre admise aux débuts; M. Delavigne vous avait
mieux appréciée lui-même, lorsque haguères il re-
fusa de mettre à votre disposition le rôle de Chimè-
ne dans la Fille du Cid.
En résumant dans ces quelques lignes l'histo-
rique de la soirée de dimanche, nous avons tiré l'ho-
roscope de la débutante et nous ne craignons pas que
la suite de ses essais vienne à le démentir. Oui, Mlle
Fitz-James a été dénuée d'âme, de chaleur réelle,
d'intelligence scénique. Elle a substitué les cris, les
mouvemens désordonnés, tout l'attirail mélodrama-
tique^ l'expression des sentimens si suaves,si touchans
dont l'auteur a doté le personnage d'Elisabeth. Et
voyez quelle est la désastreuse influence d'un mau-
vais voisinage : Ligier, si remarquable d'ordinaire
dans le rôle de Glocester, était déconcerté, froid, in-
certain. Il ne s'est retrouvé lui-même que dans son
monologue du troisième acte et dans ses scènes avec
Tyrrel. Guyon, plus heureux, a profité de l'occasion
pour montrer la différence qui existe entre l'artiste
intelligent,qui s'est égaré dans une fausse voie,ct l'ac-
trice pour qui l'art n'est rien, qui ne voit dans le
théâtre qu'un métier. Guyon à qui, dans ces der-
niers temps, nous n'avons dû épargner ni le3 avis ni
les reproches, s'est relevé dans cette soirée.On n'a pas
toujours reconnu sans doute, dans lé gouverneur
de la tour, le gentilhomme chez qui le jeu et les or-
gies n'ont point effacé entièrement la trace de son ori-
gine; mais du moins, pour cette fois, l'acteur a com-
pris son rôle et Tyrrel a eu plusieurs mouvemens
d'une sensibilité vraie, lorsqu'il a parlé de son fils,
de son Tomi.
Notre mission de critique est terminée, et pourtant
nous n'avons pas encore parlé du scandale qui a sui-
(QUATORZIE NÉE.)
JEUDI.
INDEPENDANT
FURET DES THÉÂTRES.
LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS, LIBRAIRIE, INDUSTRIE ET ANNONCES.
(PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.)
n 'abonne à Paris, rue St-Pierre-Montmartre, 10. PRIX : Pour un an, 36 francs ; cour six mois, 18 francs j pour trois mois, 9 francs. Le prix des ANNONCES est de 50 CENTIMES par ligne.—Leslettres,paquets,
"os réclamations, et les ouvrages dont on désirerait qu'il fût rendu compte, doivent être envoyés, francs de port, à M. DAVONS, rédacteur-
NOTICES BIOGRAPHIQUES.
MADEMOISELLE ANAÏS AUBERT,
(De la Comédie-Française).
A voir le nombre des débuis qui se succèdent de-
puis quelques années à la Comédie-Française, la fa-
cilité avec laquelle tant de sujets médiocres sont ad-
mis à cette épreuve, on comprendrait assez malaisé-
ment aujourd'hui l'importance que les comédiens et
le public attachaient autrefois au choix des aspirans
destinés à se produire sur ce théâtre. Alors, un ordre
de début était pour l'artiste applaudi pendant quinze
ou vingt ans dans nos grandes villes, la récompense
de toute une vie de travaux et d'études. On juge
quel prix il avait pour l'élève qui entrait dans la
carrière et quelle devait être la joie de ce dernier
quand il était reconnu apte à prendre rang parmi les
pensionnaires ou les acteurs à l'essai. II n'ignorait
pourtant pas combien de difficultés lui restaient en-
core à vaincre avant de parvenir au titre de socié-
ire. A présent qu'au théâtre, comme dans la vie
réelle, on vit au jour le jour et que la question d'ar-
gent prime toutes les autres; aujourd'hui que l'ac-
teur qui a fait ses premières armes à l'Ambigu ou à
a Gaîté sollicite son admission à la Comédie-Fran-
aise, pour entrer, au bout de quinze ou vingt mois,
ux Variétés ou à la Porte-Saint-Martin, s'il y trouve
ille francs de plus à gagner, on ne se figure pas
ètle joie ineffable qui s'attachait dans l'âme de l'ar-
iste au moindre succès obtenu rue de Richelieu,
ous le savez vous autres, dignes soutiens de l'art
ramatique, qui avez passé par ces épreuves et dont
a réputation n'a pas été l'oeuvre d'un jour. Dites-
ous si vous ne sentez pas encore votre coeur battre
u souvenir des premiers applaudissemens que vous
vez reçus auprès des grands talens dont vous conti-
uez la gloire ?
Nous avons présent à la mémoire le premier début
e Mlle Anaïs Aubert. La jeune actrice (elle avait à
ine quinze ans) avait été désignée à l'attention des
ociélaires par les succès qu'elle venait d'obtenir à
Ôrdeaux où elle avait fait ses premiei%s pas sur la
cène. Eugénie du Tyran domestique, une autre Eu-
énie, celle de la Femme jalouse, Charlotte des
eux Frères, furent les rôles dans lesquels elle se
outra d'abord. Sa jeunesse,la gentillesse et la grâce
'^andues dans toute sa personne lui conquirent
ieritôt tous les suffrages, et cependant ce premier
ejour de Mlle Anaïs à la Comédie-Française ne fut
ue d'un an. De Paris elle se rendit à Londres où elle
ouasur le théâtre d'Argile's-rooms. Toute l'aristo-
ratie anglaise la prit sous son patronage. La du-
hesse d'Yorck,la comtesse Liéven, lady Gersey, lady
ooper la comblèrent de présens et de marques
affection. Revenue en France, Mlle Anaïs reprit sa
lace à la rue Richelieu, mais seulement encore pour
ne année. Il était réservé à un autre théâtre de
ettre en évidence toutes les ressources de son talent.
e théâtre, c'était l'Odéon, le second Théâtre-Fran-
« qui révéla au monde littéraire Casimir Delavi-
ne, le premier poète de l'époque, tant d'autres au-
eurs qui seraient peut-être encore inconnus, et dix
oniediens qui auraient achevé tristement en pro-
wce une existence devenue depuis si brillante et si
rofitable à la Comédie-Française elle-même. Qu'il
nous soit permis de le rappeler ici, à nous qui avons
dans cette feuille poursuivi avec tant d'ardeur son
rétablissement et qui nous applaudissons de voir nos
voeux sur le point d'être réalisés.
Mlle Anaïs a attaché son nom à la plupart des co-
médies qui signalèrent l'élan imprimé à la littéra-
ture par le second Théâtre-Français. En première
ligne, nous citerons Luxe et indigence et l'Homme
habile, ces deux productions si remarquables de l'é-
crivain distingue à qui appartiendra l'honneur de re-
lever l'Odéon, M. d'Epagny. Dans un autre genre on
n'a point oublié les succès que valurent à l'aimable
actrice la Première affaire, de Merville, et la Bossue,
de Fontan. La tragédie elle-même trouva dans Mlle
Anaïs une heureuse interprète. On sait le charme
qu'elle répandit sur le personnage de Juliette, dans
Roméo et Juliette, de Frédéric Soulié, et quelle phy-
sionomie angélique elle donna au jeune Machabée,
dans les Machabées, de M. Alexandre Guiraud.
Ce fut en i83i que Mlle Anaïs rentra à la Co-
médie-Française et cette fois pour ne plus la quitter;
car, six mois après, elle reçut le titre de sociétaire.
Si nous jetons les yeux sur la liste des ouvrages au
succès desquels elle a coopéré depuis cette époque,
nous trouverons en regard les noms des auteurs
qui ont dû à l'Odéon le haut rang qu'ils occupent
dans la hiérarchie littéraire. Là c'est Casimir Dela-
vigne, avec les Enfans d'Edouard, Louis XI et
Don Juan d'Autriche ; ici M. d'Epagny, avec le
Possédé et les Préventions.ïja Camaraderie et la Ca-
lomnie viennent nous montrer ensuite Mlle Anaïs
prêtant l'appui de son talent au plus fécond de nos
écrivains, à M. Scribe. Enfin c'est encore sous son
patronage que vient se produire à la scène l'élégant
et spirituel auteur de Y Ecole du Monde, M. le com-
te Waleski.
Parmi ces sommités de la littérature, un nom
manquait. C'est celui d'Alexandre Dumas, mais il
était réservé à l'auteur de Mlle de Belle-Isle de pro-
duire sous une face nouvelle ce talent qui semblait
avoir épuisé toutes les nuances. Le duc d'Yorck,
Louison, Mme de Montlucar ont fait place, dans un
Mariage sous Louis X.V, à la soubrette de boudoir,
à Marton ; et Marton a prouvé que, si Mlle Anaïs ne
marchait pas depuis long-temps sur les traces de
Mlle Contât et de Mlle Mars, elle aurait pu être ins-
crite dans les fastes du théâtre à la suite de Mlle De-
vienne.
Heureuse l'actrice dont les succès reportent l'ima-
gination sur des noms entourés de tant d'hommages
et de gloire !
FERDINAND DE LA BOULLAYE.
COMÉDIE-FRANÇAISE.
Première représentation. — Un Mariage sous
Louis ~KV, comédie en cinq actes et en prose ,
de M. Alexandre Dumas. — Début de Mlle Fitz -
James dans les Enfans d'Edouard. — Continua-
tion des débuts de M. Leroux et de Mlle Augustine
'Brohan.
Pardon, si nous intervertissons dans l'article l'or-
dre que nous avons suivi dans le titre -, mais nous
devions réserver pour la fin les bonnes paroles que
nous avons à faire entendre et nous délivrer bien
vite d'une corvée pénible, qui, malheureusement, est
aussi un devoir.
A vous donc, tout d'abord, Mlle Fitz-James, qui
m'avez trouvé peut-être bien sévère pendant votre
séjour à la Renaissance, et envers qui pourtant je le
serai encore davantage aujourd'hui, sans cesser d'être
juste. Votre déclamation emphatique, vos cris, vos
contorsions, en un mot tout ce qui constitue votre
dévergondage dramatique, n'étaient certes ni moins
ridicule, ni moins absurdes à la salle Ventadour qu'à
la rue Richelieu ; mais vous étiez là dans un théâtre
à l'agonie , aux prises avec une littérature secon-
daire et dont les intérêts ne nous touchent que mé-
diocrement. Aujourd'hui vous voici dans le sanc-
tuaire de l'art et de la noble poésie, en face du ré-
pertoire des grands maîtres ; et, si vous ne craignez
pas de vous jouer des chefs-d'oeuvre du génie, c'est à
la presse à protester du moins contre cette profana-
tion. Quoi ! c'est bien vous qui, au moment où nous
écrivons, vous disposez à représenter Clytemnestre,
ce type de l'amour maternel, Agrippine, la fière im-
pératrice , vous qui, dimanche dernier, n'avez su
être ni mère , ni reine , sous les traits de la veuve
d'Edouard ; qui n'avez eu ni une larme, ni un cri
i d'angoisse pour vos enfans déjà placés sous le fer des
assassins, ni un regard muet pour faire trembler
leur bourreau, le lâche et perfide Glocester! Vous
n'avez pas pu être à la hauteur de M. Casimir Dela-
vigne, et vous voulez vous faire l'interprète de Ra-
cine et Corneille ! Le drame vous a écrasée, et vous
ne craignez pas d'affronter ce que la tragédie a de
plus grand et de plus sublime ! Le comité du Théâ-
tre-Français avait été bien mieux inspiré, il y a
quelques mois, lorsqu'il vous déclara incapable d'ê-
tre admise aux débuts; M. Delavigne vous avait
mieux appréciée lui-même, lorsque haguères il re-
fusa de mettre à votre disposition le rôle de Chimè-
ne dans la Fille du Cid.
En résumant dans ces quelques lignes l'histo-
rique de la soirée de dimanche, nous avons tiré l'ho-
roscope de la débutante et nous ne craignons pas que
la suite de ses essais vienne à le démentir. Oui, Mlle
Fitz-James a été dénuée d'âme, de chaleur réelle,
d'intelligence scénique. Elle a substitué les cris, les
mouvemens désordonnés, tout l'attirail mélodrama-
tique^ l'expression des sentimens si suaves,si touchans
dont l'auteur a doté le personnage d'Elisabeth. Et
voyez quelle est la désastreuse influence d'un mau-
vais voisinage : Ligier, si remarquable d'ordinaire
dans le rôle de Glocester, était déconcerté, froid, in-
certain. Il ne s'est retrouvé lui-même que dans son
monologue du troisième acte et dans ses scènes avec
Tyrrel. Guyon, plus heureux, a profité de l'occasion
pour montrer la différence qui existe entre l'artiste
intelligent,qui s'est égaré dans une fausse voie,ct l'ac-
trice pour qui l'art n'est rien, qui ne voit dans le
théâtre qu'un métier. Guyon à qui, dans ces der-
niers temps, nous n'avons dû épargner ni le3 avis ni
les reproches, s'est relevé dans cette soirée.On n'a pas
toujours reconnu sans doute, dans lé gouverneur
de la tour, le gentilhomme chez qui le jeu et les or-
gies n'ont point effacé entièrement la trace de son ori-
gine; mais du moins, pour cette fois, l'acteur a com-
pris son rôle et Tyrrel a eu plusieurs mouvemens
d'une sensibilité vraie, lorsqu'il a parlé de son fils,
de son Tomi.
Notre mission de critique est terminée, et pourtant
nous n'avons pas encore parlé du scandale qui a sui-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 85.02%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 85.02%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6153718v/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6153718v/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6153718v/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6153718v/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6153718v
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6153718v
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6153718v/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest