Titre : Feuilles libres de la quinzaine
Éditeur : [s.n.] (Lyon)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Lyon)
Date d'édition : 1939-10-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34432421s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 2474 Nombre total de vues : 2474
Description : 25 octobre 1939 25 octobre 1939
Description : 1939/10/25 (A5,N87). 1939/10/25 (A5,N87).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Rhône-Alpes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k61264556
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 4-Z-3285
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
22Ô
CENSURE
lo octobre 1939.
L. EMERY.
LE CULTE DU CHEF
Ce qu'il nous paraît opportun d'esquisser, en regard
de « l'omniscience » prêtée si généreusement à M. "Sta-
line par ses laudateurs, ce sont les aptitudes intellec-
tuelles réelles du dictateur soviétique.
II est en effet remarquable que, dans ce qu'on pour-
rait appeler « son domaine propre » : le socialisme,
M. Staline ne paraît posséder aucune érudition, ne-con-
naître que très partiellement la doctrine des précurseurs
occidentaux, ainsi que l'histoire du mouvement révo-
lutionnaire international. Il ignore les autres doctrines
sociales, y compris les plus proches du marxisme. Sta-
line semble n'avoir lu. outre les oeuvres de Lénine,
qiie les écrivains, penseurs ou poètes russes, qu'il
réhabilite de temps à autre pour les besoins de sa poli-
tique. Une citation tombe alors lourdement et souvent
mal à propos dans un de ses discours, assurant à l'élu
du jour une renommée soviétique, c'est-à-dire immé-
diate et totalitaire. Tel fut le cas de Pouchkine qui,
méprisé et haï hier en tant que poète aristocratique,
se voit porté au pinacle aujourd'hui comme ami du
peuple et gloire nationale.
Par contre, les plus fugitives pensées, les plus petits
gestes de Lénine sont invoqués et ressassés dans des
passages où, le plus souvent, ils n'ont que faire. Les
« Lénine a dit... », « Lénine a voulu... », « Lénine a
considéré... » sursaturent les discours staliniens. Lors-
que M. Staline cite Marx ou Engels, c'est encore aux
« oeuvres complètes de Lénine » qu'il emprunte le texte.
M.. Boris Souvarine, expert en la question, écrit -à ce
sujet :
Ses lectures comme son. instruction scolaire lui ont
donné une culture élémentaire ; elles n'ont pas laissé
de- traces visibles dans ses écrits ou dans ses discours.
En quoi il ne ressemble à aucun révolutionnaire émi-
nent des temps modernes. Des réminiscences de Mon-
tesquieu, de Rousseau, de Mably, des allusions aux hé-
ros, aux épisodes fameux de Sparte et de Home revien-
nent Sans cesse dans les paroles des hommes de la
Révolution française, évoquant leur ascendance spiri-
tuelle. La pensée de Karl Marx et de Friedrich Engels
imprègne à notre époque le langage de la révolution
à venir où se mêlent aussi des formules de Lassalle et
de Blanqui. de Proudhon et de Balrounine et les idées
de leurs épigones, avec des références aux précédents
historiques, au jacobinisme, au babouvismé, au char-
tisme, aux insurrections de 1848, à la Commune de 1871.
Rien de tel chez Staline. La filiation qui s'affirme là
travers les âges et fait vivre encore de nos jours le nom.
de Spartacus ne s'exprime pas dans ses mois, si elle se
continue par ses actes. Mais à partir d'un certain mo--
ment il ne parlera plus ni n'écrira qu'en citant Lénine
en tontes circonstances, semblera ne devoir qu'à un seul
livre, à une seule oeuvre en cinquante volumes, de même
que Cromweïl paraît n'avoir lu que la Bible.
Toutefois, il ne se gêne pas pour tronquer, déformer,
dénaturer sa bible quand il s'agit de justifier sa poli-
tique du moment. Ainsi, aucun congrès n'arrêtera une
décision « unanime et enthousiaste », aucune « prise
d'assaut sur le front de la rentrée des récoltes » (1) rie
sera ordonnée, aucun révolutionnaire ne sera exécuté,
sans que ce ne soit en fidèle accord avec un paragraphe
de Lénine.
Il serait sans doute cruel de parler des autres aomai-
nes des connaissances de M. Staline si, par un phéno-
mène psycho-social extravagant, des milliers d'hommes
n'avaient été amenés à y faire croire et des millions, à
y croire. De ces connaissances, M. Staline ne possède pas
le moindre rudiment. Personne ne peut faire état d'une
ligne ou d'une parole qui le montrerait artiste, mélo-
mane, psychologue, poète ou savant. Même dans son
domaine propre, la « cuisine politique », selon l'expres-
sion de Lénine, M. Staline se montre parfois mauvais
cuisinier.
Le style de ses discours comme celui de ses articles
est monotone, primaire et lourd. Le secrétaire du Parti
communiste se borne, le plus souvent, à relater, durant
do longues heures, de façon scolaire et avec force répé-
titions, les faits pratiques relatifs à sa politique cou-
rante. La tournure rituelle de son style lui vient peut-
être du vievrx slavon d'église dont il a été nourri du-
rant son enfance, au séminaire de Tiflis. Il procède par
questions et réponses, comme au catéchisme, les répon-
ses consistant clans l'affirmation non prouvée de ce qui
faisait l'objet des questions. Jamais une pensée pro-
fonde, une idée originale, une argumentation serrée
emportant, la conviction. Fait exceptionnel chez un
politique russe : les traits d'esprit eux-mêmes sont péni-
blement amenés et ne font rire que des auditoires ser-
vîtes. Voici quelques échantillons qui convaincront beau-
coup mieux que fouie attestation.
Dans un article daté de 1921, M. Staline, paraphra-
sant une opinion de Lénine sur l'application des con-
traintes militaires dans les syndicats soviétiques, écrit (2):
Il existe deux méthodes, la méthode de contrainte (mé-
thode militaire) et la méthode de persuasion (méthode
syndicale). La première méthode est. loin d'exclure les
éléments de persuasion, mais les éléments de persuasion
sont, ici, soumis aux exigences de la méthode de con-
trainte et constituent pour elle un moyen de secours. La
deuxième méthode à. son tour n'exclut pas les éléments
de contrainte, mais les éléments de contrainte sont ici-
soumis aux exigences de la méthode de persuasion et
constituent pour elle un moyen de secours. Confondre
ces deux méthodes est aussi inadmissible qu'il est. .inad-
missible de mettre dans le même sa.c l'armée et la classe
ouvrière... L'armée se compose surtout de paysans : c'est
pourquoi il faut y emnloyer la méthode de contrainte,
car les paysans n'iront pas sans cela se battre pour le
(1) Première phrase du discours de Staline prononcé'
à la Conférence des conducteurs et, des conductrices
d'élite de machines combinées, le 1er décembre 1935.
J. STALINE, Pour une via belle et joyeuse. Bureau d'Edi-
tions, Paris, 1936.
(2) Tiré d'un article intitulé « Nos désaccords », écrit
dans la Pravda du 19 janvier 1921.
CENSURE
lo octobre 1939.
L. EMERY.
LE CULTE DU CHEF
Ce qu'il nous paraît opportun d'esquisser, en regard
de « l'omniscience » prêtée si généreusement à M. "Sta-
line par ses laudateurs, ce sont les aptitudes intellec-
tuelles réelles du dictateur soviétique.
II est en effet remarquable que, dans ce qu'on pour-
rait appeler « son domaine propre » : le socialisme,
M. Staline ne paraît posséder aucune érudition, ne-con-
naître que très partiellement la doctrine des précurseurs
occidentaux, ainsi que l'histoire du mouvement révo-
lutionnaire international. Il ignore les autres doctrines
sociales, y compris les plus proches du marxisme. Sta-
line semble n'avoir lu. outre les oeuvres de Lénine,
qiie les écrivains, penseurs ou poètes russes, qu'il
réhabilite de temps à autre pour les besoins de sa poli-
tique. Une citation tombe alors lourdement et souvent
mal à propos dans un de ses discours, assurant à l'élu
du jour une renommée soviétique, c'est-à-dire immé-
diate et totalitaire. Tel fut le cas de Pouchkine qui,
méprisé et haï hier en tant que poète aristocratique,
se voit porté au pinacle aujourd'hui comme ami du
peuple et gloire nationale.
Par contre, les plus fugitives pensées, les plus petits
gestes de Lénine sont invoqués et ressassés dans des
passages où, le plus souvent, ils n'ont que faire. Les
« Lénine a dit... », « Lénine a voulu... », « Lénine a
considéré... » sursaturent les discours staliniens. Lors-
que M. Staline cite Marx ou Engels, c'est encore aux
« oeuvres complètes de Lénine » qu'il emprunte le texte.
M.. Boris Souvarine, expert en la question, écrit -à ce
sujet :
Ses lectures comme son. instruction scolaire lui ont
donné une culture élémentaire ; elles n'ont pas laissé
de- traces visibles dans ses écrits ou dans ses discours.
En quoi il ne ressemble à aucun révolutionnaire émi-
nent des temps modernes. Des réminiscences de Mon-
tesquieu, de Rousseau, de Mably, des allusions aux hé-
ros, aux épisodes fameux de Sparte et de Home revien-
nent Sans cesse dans les paroles des hommes de la
Révolution française, évoquant leur ascendance spiri-
tuelle. La pensée de Karl Marx et de Friedrich Engels
imprègne à notre époque le langage de la révolution
à venir où se mêlent aussi des formules de Lassalle et
de Blanqui. de Proudhon et de Balrounine et les idées
de leurs épigones, avec des références aux précédents
historiques, au jacobinisme, au babouvismé, au char-
tisme, aux insurrections de 1848, à la Commune de 1871.
Rien de tel chez Staline. La filiation qui s'affirme là
travers les âges et fait vivre encore de nos jours le nom.
de Spartacus ne s'exprime pas dans ses mois, si elle se
continue par ses actes. Mais à partir d'un certain mo--
ment il ne parlera plus ni n'écrira qu'en citant Lénine
en tontes circonstances, semblera ne devoir qu'à un seul
livre, à une seule oeuvre en cinquante volumes, de même
que Cromweïl paraît n'avoir lu que la Bible.
Toutefois, il ne se gêne pas pour tronquer, déformer,
dénaturer sa bible quand il s'agit de justifier sa poli-
tique du moment. Ainsi, aucun congrès n'arrêtera une
décision « unanime et enthousiaste », aucune « prise
d'assaut sur le front de la rentrée des récoltes » (1) rie
sera ordonnée, aucun révolutionnaire ne sera exécuté,
sans que ce ne soit en fidèle accord avec un paragraphe
de Lénine.
Il serait sans doute cruel de parler des autres aomai-
nes des connaissances de M. Staline si, par un phéno-
mène psycho-social extravagant, des milliers d'hommes
n'avaient été amenés à y faire croire et des millions, à
y croire. De ces connaissances, M. Staline ne possède pas
le moindre rudiment. Personne ne peut faire état d'une
ligne ou d'une parole qui le montrerait artiste, mélo-
mane, psychologue, poète ou savant. Même dans son
domaine propre, la « cuisine politique », selon l'expres-
sion de Lénine, M. Staline se montre parfois mauvais
cuisinier.
Le style de ses discours comme celui de ses articles
est monotone, primaire et lourd. Le secrétaire du Parti
communiste se borne, le plus souvent, à relater, durant
do longues heures, de façon scolaire et avec force répé-
titions, les faits pratiques relatifs à sa politique cou-
rante. La tournure rituelle de son style lui vient peut-
être du vievrx slavon d'église dont il a été nourri du-
rant son enfance, au séminaire de Tiflis. Il procède par
questions et réponses, comme au catéchisme, les répon-
ses consistant clans l'affirmation non prouvée de ce qui
faisait l'objet des questions. Jamais une pensée pro-
fonde, une idée originale, une argumentation serrée
emportant, la conviction. Fait exceptionnel chez un
politique russe : les traits d'esprit eux-mêmes sont péni-
blement amenés et ne font rire que des auditoires ser-
vîtes. Voici quelques échantillons qui convaincront beau-
coup mieux que fouie attestation.
Dans un article daté de 1921, M. Staline, paraphra-
sant une opinion de Lénine sur l'application des con-
traintes militaires dans les syndicats soviétiques, écrit (2):
Il existe deux méthodes, la méthode de contrainte (mé-
thode militaire) et la méthode de persuasion (méthode
syndicale). La première méthode est. loin d'exclure les
éléments de persuasion, mais les éléments de persuasion
sont, ici, soumis aux exigences de la méthode de con-
trainte et constituent pour elle un moyen de secours. La
deuxième méthode à. son tour n'exclut pas les éléments
de contrainte, mais les éléments de contrainte sont ici-
soumis aux exigences de la méthode de persuasion et
constituent pour elle un moyen de secours. Confondre
ces deux méthodes est aussi inadmissible qu'il est. .inad-
missible de mettre dans le même sa.c l'armée et la classe
ouvrière... L'armée se compose surtout de paysans : c'est
pourquoi il faut y emnloyer la méthode de contrainte,
car les paysans n'iront pas sans cela se battre pour le
(1) Première phrase du discours de Staline prononcé'
à la Conférence des conducteurs et, des conductrices
d'élite de machines combinées, le 1er décembre 1935.
J. STALINE, Pour une via belle et joyeuse. Bureau d'Edi-
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