Titre : France-Maroc : revue mensuelle illustrée : organe du Comité des foires du Maroc / directeur Alfred de Tarde
Auteur : Comité des foires du Maroc. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Rabat)
Date d'édition : 1922-11-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32777958s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 6556 Nombre total de vues : 6556
Description : 01 novembre 1922 01 novembre 1922
Description : 1922/11/01 (A6,N72)-1922/11/30. 1922/11/01 (A6,N72)-1922/11/30.
Description : Collection numérique : Originaux conservés à... Collection numérique : Originaux conservés à l'INHA
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Zone géographique :... Collection numérique : Zone géographique : Afrique du Nord et Moyen-Orient
Description : Collection numérique : Thème : L'histoire partagée Collection numérique : Thème : L'histoire partagée
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Description : Collection numérique : Arts Collection numérique : Arts
Description : Collection numérique : Littérature Collection numérique : Littérature
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6120304p
Source : Bibliothèque de l'INHA / coll. J. Doucet, 2010-103818
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/02/2011
290
CHENIER A SALE
Il fit des démarches à Versailles pour obtenir son
changement. Mais le sort s'acharna contre lui. Son
protecteur Choiseul, tombé en disgrâce, vivait à la
campagne en Touraine et ne devait plus revenir
au pouvoir.
Louis XV étant mort, Chénier n'eut ni le temps
ni l'habileté d'intéresser à son cas les nouveaux
maîtres de l'heure.
Après des jours heureux et courts auprès des siens,
il connut pour la seconde fois l'amertume des longues
séparations.
Il revint à Salé avec le titre de chargé d'affaires
du Roi, comme fiche de consolation. Illusoire
avancement dont il pouvait d'autant moins se
féliciter qu'il le devait non pas à la faveur de
Louis XVI mais au caprice du Sultan qui avait décidé
de ne plus recevoir les simples consuls.
Dès son retour Chénier se rendit auprès de Sidi
Mohammed qui était alors à Miquenès.
Il traversa la province des Beni-Hassem — l'actuel
pays des Zemmour — par étapes, à dos de mules,
trouvant de nouvelles montures à chaque relais,
toutes bridées et sellées. Il aime leur trottinement.
Elles ont, dit-il, un entre-pas prompt qui ne fatigue
point.
Aujourd'hui la route et les ponts triomphent des
ravins et des oueds, dans le bled où notre consul
passa jadis péniblement. Les autobus transportent
en pleine vitesse les fellahs empilés, mais l'ancienne
piste subsiste à côté de la route et les mules maro-
caines ne sont que plus pittoresques. Chevrillon,
après Chénier, les trouve luisantes et bien allantes.
Miquenès le séduisit. Il écrivit son enchantement
au Premier Président et Intendant de Provence La
Tour.
Les jardins, les eaux courantes, les échappées sur
la montagne bleue lui rappellent la haute vallée de
l'Aude. Il aime les habitants qui font politesse aux
étrangers. Il goûte leur hospitalité et trouve un air de
fraîcheur à leurs intérieurs « pavés et lambrissés de
fayances vernissées de différentes couleurs ».
L'oeil vif du galant quinquagénaire a saisi, sous
les haïcks, le charme des femmes de Miquenès. Il
leur a décoché des oeillades que les coquettes ont
fort bien accueillies. Que dira-t-on de ce croquis:
Le sexe dans cette partie de l'Empire est très beau. Les femmes
y sont très blanches. Elles ont de beaux yeux noirs et de belles
dents. J'en ai vu prenant le frais sur les terrasses. Elles ne se
cachent pas des Européens mais s'il paraît un Maure elles se
retirent bien vite.
Revenu à Salé il reprend son existence monotone.
Sa solitude lui pèse de plus en plus.
Les années passent. Il attend toujours un change-
ment qui ne vient pas. Il n'a de consolation que dans
l'étude, notant ses souvenirs, rassemblant les docu-
ments du livre qu'il écrira plus tard.
Il est aisé de l'imaginer un jour de septembre 1 781.
La goélette d'un capitaine marseillais lui a apporté
des nouvelles de France: plusieurs lettres, un paquet
de livres, une liasse de gazettes. Mais les nouvelles
politiques le laissent indifférent, il dédaigne les
potins de la Cour, même les embarras financiers
du Roi ne l'émeuvent pas. Il lit et relit les longs
récits de sa femme, de sa fille et de ses fils. Il entend
leurs chères voix lointaines. Ses cadets studieux ont
quitté avec les honneurs du palmarès, la colline
Sainte-Geneviève. André, sensible et vibrant, est
plein de pensers nouveaux et d'illusions fécondes.
Il le voit dans son uniforme d'officier du régiment
d'Angoumois, avec son visage pâle, les cheveux et
les yeux noirs de sa mère.
Le soir de ce beau jour, Louis de Chénier foule,
d'un pas plus vif, le sable de la plage. Indifférent
au fleuve dont les eaux limoneuses roulent vers la
barre écumante, ses yeux se perdent vers l'infini de
l'Océan, au levant. Il évoque la joyeuse animation
du port de Marseille, l'antique Lacydon, où il a
abordé en 1765, au retour de Constantinople, avec
sa jeune femme et ses enfants venus à peine à la vie.
Puis, ce sont des visions famil'ales, dans la vallée
de l'Aude, avec pour décor te? murs et les tours de
la cité de Carcassonne.
Sous l'emprise de ces nostalgies, il s'attarde sur
la grève. Au-dessus de la massive citadelle des
Oudaya le rougeoiement du ciel décroît puis s'éteint.
La nuit approche, violette et fraîche. Des matelots
tirent sur le sable la coque vétusté d'une barcasse.
Il revient vers le fleuve qui clapote doucement.
Il monte vers Bab-bou-Haja, regarde encore vers
l'Océan, avant de passer sous la voûte sonore, puis
longe les remparts à l'intérieur et tourne à droite pour
aller, au fond du derb silencieux, vers la maison vide.
Rentré chez lui, un flambeau allumé sur ?a table,
il écrit très avant dans la nuit.
Une de ses lettres officielles — les seules que
nous connaissions — est adressée à ces échevins de
Marseille vers lesquels il s'est tourné en confiance
dans ses moments de gêne. De la plume du diplo-
mate s'échappe cette fière protestation:
Verrai-je bientôt la fin des dégoûts auxquels mon zèle pour
le service m'a exposé, depuis que je réside dans cet Empire.
(La fin prochainement). Pierre LÉRIS.
Marabout
Citadelle des Oudaya
Bab-bou-Haja
CHENIER A SALE
Il fit des démarches à Versailles pour obtenir son
changement. Mais le sort s'acharna contre lui. Son
protecteur Choiseul, tombé en disgrâce, vivait à la
campagne en Touraine et ne devait plus revenir
au pouvoir.
Louis XV étant mort, Chénier n'eut ni le temps
ni l'habileté d'intéresser à son cas les nouveaux
maîtres de l'heure.
Après des jours heureux et courts auprès des siens,
il connut pour la seconde fois l'amertume des longues
séparations.
Il revint à Salé avec le titre de chargé d'affaires
du Roi, comme fiche de consolation. Illusoire
avancement dont il pouvait d'autant moins se
féliciter qu'il le devait non pas à la faveur de
Louis XVI mais au caprice du Sultan qui avait décidé
de ne plus recevoir les simples consuls.
Dès son retour Chénier se rendit auprès de Sidi
Mohammed qui était alors à Miquenès.
Il traversa la province des Beni-Hassem — l'actuel
pays des Zemmour — par étapes, à dos de mules,
trouvant de nouvelles montures à chaque relais,
toutes bridées et sellées. Il aime leur trottinement.
Elles ont, dit-il, un entre-pas prompt qui ne fatigue
point.
Aujourd'hui la route et les ponts triomphent des
ravins et des oueds, dans le bled où notre consul
passa jadis péniblement. Les autobus transportent
en pleine vitesse les fellahs empilés, mais l'ancienne
piste subsiste à côté de la route et les mules maro-
caines ne sont que plus pittoresques. Chevrillon,
après Chénier, les trouve luisantes et bien allantes.
Miquenès le séduisit. Il écrivit son enchantement
au Premier Président et Intendant de Provence La
Tour.
Les jardins, les eaux courantes, les échappées sur
la montagne bleue lui rappellent la haute vallée de
l'Aude. Il aime les habitants qui font politesse aux
étrangers. Il goûte leur hospitalité et trouve un air de
fraîcheur à leurs intérieurs « pavés et lambrissés de
fayances vernissées de différentes couleurs ».
L'oeil vif du galant quinquagénaire a saisi, sous
les haïcks, le charme des femmes de Miquenès. Il
leur a décoché des oeillades que les coquettes ont
fort bien accueillies. Que dira-t-on de ce croquis:
Le sexe dans cette partie de l'Empire est très beau. Les femmes
y sont très blanches. Elles ont de beaux yeux noirs et de belles
dents. J'en ai vu prenant le frais sur les terrasses. Elles ne se
cachent pas des Européens mais s'il paraît un Maure elles se
retirent bien vite.
Revenu à Salé il reprend son existence monotone.
Sa solitude lui pèse de plus en plus.
Les années passent. Il attend toujours un change-
ment qui ne vient pas. Il n'a de consolation que dans
l'étude, notant ses souvenirs, rassemblant les docu-
ments du livre qu'il écrira plus tard.
Il est aisé de l'imaginer un jour de septembre 1 781.
La goélette d'un capitaine marseillais lui a apporté
des nouvelles de France: plusieurs lettres, un paquet
de livres, une liasse de gazettes. Mais les nouvelles
politiques le laissent indifférent, il dédaigne les
potins de la Cour, même les embarras financiers
du Roi ne l'émeuvent pas. Il lit et relit les longs
récits de sa femme, de sa fille et de ses fils. Il entend
leurs chères voix lointaines. Ses cadets studieux ont
quitté avec les honneurs du palmarès, la colline
Sainte-Geneviève. André, sensible et vibrant, est
plein de pensers nouveaux et d'illusions fécondes.
Il le voit dans son uniforme d'officier du régiment
d'Angoumois, avec son visage pâle, les cheveux et
les yeux noirs de sa mère.
Le soir de ce beau jour, Louis de Chénier foule,
d'un pas plus vif, le sable de la plage. Indifférent
au fleuve dont les eaux limoneuses roulent vers la
barre écumante, ses yeux se perdent vers l'infini de
l'Océan, au levant. Il évoque la joyeuse animation
du port de Marseille, l'antique Lacydon, où il a
abordé en 1765, au retour de Constantinople, avec
sa jeune femme et ses enfants venus à peine à la vie.
Puis, ce sont des visions famil'ales, dans la vallée
de l'Aude, avec pour décor te? murs et les tours de
la cité de Carcassonne.
Sous l'emprise de ces nostalgies, il s'attarde sur
la grève. Au-dessus de la massive citadelle des
Oudaya le rougeoiement du ciel décroît puis s'éteint.
La nuit approche, violette et fraîche. Des matelots
tirent sur le sable la coque vétusté d'une barcasse.
Il revient vers le fleuve qui clapote doucement.
Il monte vers Bab-bou-Haja, regarde encore vers
l'Océan, avant de passer sous la voûte sonore, puis
longe les remparts à l'intérieur et tourne à droite pour
aller, au fond du derb silencieux, vers la maison vide.
Rentré chez lui, un flambeau allumé sur ?a table,
il écrit très avant dans la nuit.
Une de ses lettres officielles — les seules que
nous connaissions — est adressée à ces échevins de
Marseille vers lesquels il s'est tourné en confiance
dans ses moments de gêne. De la plume du diplo-
mate s'échappe cette fière protestation:
Verrai-je bientôt la fin des dégoûts auxquels mon zèle pour
le service m'a exposé, depuis que je réside dans cet Empire.
(La fin prochainement). Pierre LÉRIS.
Marabout
Citadelle des Oudaya
Bab-bou-Haja
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97.42%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97.42%.
- Collections numériques similaires Alger Alger /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Alger" or dc.contributor adj "Alger")
- Auteurs similaires Alger Alger /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Alger" or dc.contributor adj "Alger")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 12/24
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6120304p/f12.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6120304p/f12.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6120304p/f12.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k6120304p/f12.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6120304p
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6120304p
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k6120304p/f12.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest