Titre : La Sylphide : journal de modes, de littérature, de théâtres et de musique / directeur : de Villemessant
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1855-04-10
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34444962f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 avril 1855 10 avril 1855
Description : 1855/04/10 (A16,VOL1). 1855/04/10 (A16,VOL1).
Description : Note : GRAV. Note : GRAV.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6109822k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-4145-4208
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
XVIe ANNÉE.
40* LIVRAISON.
40 AVRIL 4 855.
LA FILLE DE L'ÉPICIER
PREMIÈRE LETTRE.
LÉONCE DE KAMPENOUET A SCIPION LAGRIFFOTES.
ous me demandez si je
suis mort, ami sage et
Adèle? — Laissez-moi
vous répondre tout de
suite par une pensée
qui m'est souvent revenue dans
le cours de mes voyages, et qui
chez moi se reproduit très vive
en ce moment. C'est qu'il y a
dans les rêveries de vos phi-
losophes une maxime à propos
de laquelle je ferais volontiers
tout un livre, si je savais faire des livres ; une
maxime qui vaut certes à elle seule bien de ces
théories équivoques et fastueuses dont les mora-
listes ont cousu leur code à peu près comme arle-
quin son habit.— UBI BENÈ, IBI PATRIA! OÙ l'on
est bien est la patrie ! — Ou, pour parler selon
l'Evangile : « Maître, nous sommes bien ici, re-
Posons-nous! « — C'est-à-dire, sage des temps
modernes, que la meilleure patrie de l'homme,
après tout, c'est le bonheur ; que sa meilleure
demeure est donc celle où la source lui semble
plus vive, le ciel plus pur, la brise plus cares-
sante, et c'est folie au résumé que de toujours
courir après cette Chanaan promise que chacun
appelle l'avenir.
Mais d'abord est-ce bien moi qui vous écris
sur ce ton, mon ami? Serais-je devenu poète,
ou vous-même? La muse chargée de recruter ici-
bas le troupeau d'Apollon m'aurait-elle touché en
passant de son aile blanche; ou bien n'est-ce
simplement que l'effet des belles fleurs fraîche-
ment épanouies sous ma fenêtre, et de cette
grande forêt de roses nouvelles dont les parfums
montent délicieusement dans ma chambre comme
un essaim de papillons odorants.
Si j'abandonne ici mon sujet, ce n'est pas que
l'amplification me manque ; mais je ne voudrais
pas jeter un défi de paradoxe à votre patriotisme
enrhumé. Si donc j'ai ouvert le champ à votre
imagination, paissez cette théorie à votre aise,
illustre philosophe de la secte des ruminants.
Quant à moi, sage ou non, jamais morale ne fut
mieux faite à ma guise, puisque, semblable à
Ulysse, je poursuis depuis dix ans, vous le savez,
mais plus gaîment du moins que l'époux de Pé-
nélope, l'heureux port de cette Ithaque ignorée
que je n'atteindrai peut-être jamais.
Je vous ai déjà dit comment, il y a trois mois,
je crus avoir trouvé cette capricieuse patrie des
mousses vertes, des doux murmures et des om-
brages frais. J'avais planté ma tente près de
Hombourg en liesse, jolie petite capitale de douze
cents âmes au moins, à l'ombre du pigeonnier
régnant d'un landgrave, au pied de ces belles
montagnes du Taunus, dont la chaîne verdoyante
court d'Alsfeld jusqu'au Rhin. Mais un caprice
du hasard, plus capricieux que moi-même, vint
m'arracher à cette retraite commencée, et que je
ne faisais que goûter. Voilà pourquoi, après vous
avoir écrit de Francfort, je vous écris de Rain-
ville, que vous trouverez sur la carte aux envi-
rons d'Altona.
J'ai la religion des souvenirs. Toute amitié
m'est chère. Albert, que vous connaissez comme
moi, m'avait écrit de Hambourg qu'il était à la
veille de s'embarquer pour New-York, et que si
je n'arrivais à la hâte, nous ne nous reverrions
peut-être jamais.
Je partis sans hésiter.
Je pus saisir encore une fois la main de cet
ardent missionnaire de l'industrie, éprouvé mais
40* LIVRAISON.
40 AVRIL 4 855.
LA FILLE DE L'ÉPICIER
PREMIÈRE LETTRE.
LÉONCE DE KAMPENOUET A SCIPION LAGRIFFOTES.
ous me demandez si je
suis mort, ami sage et
Adèle? — Laissez-moi
vous répondre tout de
suite par une pensée
qui m'est souvent revenue dans
le cours de mes voyages, et qui
chez moi se reproduit très vive
en ce moment. C'est qu'il y a
dans les rêveries de vos phi-
losophes une maxime à propos
de laquelle je ferais volontiers
tout un livre, si je savais faire des livres ; une
maxime qui vaut certes à elle seule bien de ces
théories équivoques et fastueuses dont les mora-
listes ont cousu leur code à peu près comme arle-
quin son habit.— UBI BENÈ, IBI PATRIA! OÙ l'on
est bien est la patrie ! — Ou, pour parler selon
l'Evangile : « Maître, nous sommes bien ici, re-
Posons-nous! « — C'est-à-dire, sage des temps
modernes, que la meilleure patrie de l'homme,
après tout, c'est le bonheur ; que sa meilleure
demeure est donc celle où la source lui semble
plus vive, le ciel plus pur, la brise plus cares-
sante, et c'est folie au résumé que de toujours
courir après cette Chanaan promise que chacun
appelle l'avenir.
Mais d'abord est-ce bien moi qui vous écris
sur ce ton, mon ami? Serais-je devenu poète,
ou vous-même? La muse chargée de recruter ici-
bas le troupeau d'Apollon m'aurait-elle touché en
passant de son aile blanche; ou bien n'est-ce
simplement que l'effet des belles fleurs fraîche-
ment épanouies sous ma fenêtre, et de cette
grande forêt de roses nouvelles dont les parfums
montent délicieusement dans ma chambre comme
un essaim de papillons odorants.
Si j'abandonne ici mon sujet, ce n'est pas que
l'amplification me manque ; mais je ne voudrais
pas jeter un défi de paradoxe à votre patriotisme
enrhumé. Si donc j'ai ouvert le champ à votre
imagination, paissez cette théorie à votre aise,
illustre philosophe de la secte des ruminants.
Quant à moi, sage ou non, jamais morale ne fut
mieux faite à ma guise, puisque, semblable à
Ulysse, je poursuis depuis dix ans, vous le savez,
mais plus gaîment du moins que l'époux de Pé-
nélope, l'heureux port de cette Ithaque ignorée
que je n'atteindrai peut-être jamais.
Je vous ai déjà dit comment, il y a trois mois,
je crus avoir trouvé cette capricieuse patrie des
mousses vertes, des doux murmures et des om-
brages frais. J'avais planté ma tente près de
Hombourg en liesse, jolie petite capitale de douze
cents âmes au moins, à l'ombre du pigeonnier
régnant d'un landgrave, au pied de ces belles
montagnes du Taunus, dont la chaîne verdoyante
court d'Alsfeld jusqu'au Rhin. Mais un caprice
du hasard, plus capricieux que moi-même, vint
m'arracher à cette retraite commencée, et que je
ne faisais que goûter. Voilà pourquoi, après vous
avoir écrit de Francfort, je vous écris de Rain-
ville, que vous trouverez sur la carte aux envi-
rons d'Altona.
J'ai la religion des souvenirs. Toute amitié
m'est chère. Albert, que vous connaissez comme
moi, m'avait écrit de Hambourg qu'il était à la
veille de s'embarquer pour New-York, et que si
je n'arrivais à la hâte, nous ne nous reverrions
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