Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1923-01-15
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 janvier 1923 15 janvier 1923
Description : 1923/01/15 (Numéro 16757). 1923/01/15 (Numéro 16757).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/09/2008
TEMPS PROBABLE:
REGION PARISIENNE
Nuit un peu moins froide,
puis ciel brumeux, couvert à
très nuageux, avec pluies lo-
cales. Vents d'ouest faibles
vers Nord-Ouest. Tempéra-
ture basse, mais en hausse
légère.
Suit 3°. Jour 7°.
EN FRANCE
Dans le Nord-Ouest, même»
conditions que région pari-
sienne dans le Nord -Est et
l'Est, couvert avec pluies ou
neiges (surtout en monta-
gne).
SOLEIL :)ev.7 h.42;couch.4 h.t9
LUNE nouv. le 17 ;pr.qu.le 25
!Sa ANNEE. K' 16.757
LUNDI
15
JANVIER 1923
Saint Maur
ABONNEMENTS 3 Mil l*9« lu
Seine et S.-O.
France et CoL 0. Il 25.. 48..
Etranger.
RUE D-BNGHIEN, PARIS
Les troupes f ranco-belges
vont occuper Bochum
et nous allons percevoir
l'impôt sur le charbon
Ces deux mesures sont la conséquence
de la résistance
du gouvernement allemand
Jugeant sans doute insuffisantes les
manifestations du Reichstag et de Ber-
lin, le gouvernement allemand a fait
officiellement savoir à la commission
des réparations qu'il arrêtait désormais
toutes les réparations destinées à la
France et à la Belgique.
La réplique ne se fera pas attendre.
Dès aujourd'hui, les troupe- franco-
belges occuperont probablement la ré-
gion de Bochum. Dès mercredi, les
alliés percevront, dans la partie occu-
pée de la. Ruhr et sur la rive gauche du
Rhin, l'impôt sur le charbon (kohlen-
st.euer)..
La nouvelle région occupée ou région
rouge (celle que nous occupons déjà
étant désignée, pour la commodité, sous
le nom de région vertej comprendra, en
allant du nord au sud, le bassin minier
de Recklinghausen, de Herne, de Bo-
chum et de Hattingen. Demeureront
exclues de la 2one occupée, les régions
plus industrielles que minières de Dort-
mund, Witten et de Barmen.
Pourquoi cette délimitation ? Quel-
ques chiffres très simples l'explique-
ront.
Les livraisons de charbon dues par
l'Allemagne aux alliés et qui, par les
soins de la mission Coste, doivent re-
prendre dès aujourd'hui représentent
19 millions de tonnes par au.
La rive gauche du Rhin produit 6 mil-
lions de tonnes. La région verte de la
Ruhr en produit 26. Sur oe total de 32
millions de tonnes, le prélèvement de
19 millions serait un lourd tribut.
La région rouge produit toutefois, à
elle seule, 54 millions de tonnes. C'est
le cœur- même des houillères alleman-
des. Quand elle sera occupée, les alliés
contrôleront en Allemagne une pro-
duction totale de 76 millions de tonnes
largement suffisante pour alimenter à
la fois la commission des réparations et
les industries de la Ruhr comme celles
de la rive gauche du Rhin.
Cette extension de l'occupation mili-
taire paraît, d'autre part, devoir être
la partie pointillée et grisée désigne la zone
verte déjà occupée la partie grisée marque
les limites de la zone rouge ou nos troupes
vont entrer
suivie, dès mercredi, par une impor-
tante mesure complémentaire la saisie
de l'impôt sur le charbon.
Ici encore, on se trouve en présence
d'une nécessité imposée par l'Allema-
gne elle-même. Le gouvernement alle-
mand refuse, en effet, d'indemniser les
charbonniers de la Ruhr pour les livrai-
sons faites aux alliés. Les charbonniers,
de leur côté, veulent bien livrer, mais
demandent à être payés. C'est pour les
payer que les alliés vont percevoir eux-
mêmes les impôts qui frappent le char-
bon et la lignite.
A cet effet, un arrêté de M. Tirard,
haut commissaire allié dans les terri-
toires rhénans, confère les pouvoirs
nécessaires à M. Goste, non seulement
dans la Ruhr, mais sur la rive gauche
du Rhin.
A partir de mercredi prochain, la
mission interalliée, présidée par M.
Coste, pourra, par suite, percevoir l'im-
pôt de 40 0/0 sur 76 millions de tonnes
de houille et celui de 20 0/0 qui atteint
les 30 millions de tonnes de lignite des
territoires rhénans. Bien que le rende-
ment de ce double impôt varie néces-
sairement avec les prix de la tonne da
charbon et de la lignite, il paraît cer-
tain qu'il couvrira largement les frais
occasionnés par les livraisons faites aux
alliés.
D'autres mesures pourraient devenir
également inévitables si, par exemple,
la Reiclisbank entreprenait de priver la
Ruhr de moyens monétaires. Rien que
dans la région verte, les industriels
allemands ont à verser, en salaires, une
somme moyenne de 5.000 marks par
jour et par tête, pour une population de
450.000 ouvriers. Si le gouvernement
allemand cherchait à provoquer des
difficultés d'ordre monétaire, les alliés
auraient iL y pourvoir en faisant appel
aux banques locales.
C'est dire que touie manoeuvre éven-
̃ tuelle du gouvernement allemand se
heurtera, comme au temps des cra-
pouillots, à une immédiate riposte
alliée. L'Allemagne ne saurait se mé-
prendre, à cet égard, sur la résolution
de la France. Si le projet d'occupation
de la Ruhr put être soumis en France,
avant l'événement, à une libre discus-
sion, l'opinion française, la partie étant
engagée, ne saurait être aujourd'hui
qu'unanime à vouloir qu'il soit réalisé
avec méthode et décision.
Philippe MILLET.
M. Poincaré a conféré à la fin ëe l'après-
midi avec MM. rle l,asteyrie et Le Troc-
quet, ministres des Finances et des Tr*-I
yaux publics.
M. ALEXANDRE RIBOT
EST MORT
Un deuil cruel frappe la grande famille
républicaine M, Alexandre ftibat est mort.
L'éminent homme d'Etat s'est éteint hier,
entouré des siens, après une très courts
maladie. Il a)lait avoir quatre-vingt-un
ans. Ses nombreux amis qui connai,ssaient
le malaise qui, depuis une huitaine de
jours, retenait chez lui M. Ribot, avaient
espéré que celui-ci, dont la verte vieil-
lesse faisait l'admiration de tous, parvien-
drait à triompher du mal qui, hélas
devait l'emporter.
M. Ribot a tenu pendant près de cin-
quante ans un rôle considérable sur la
scène politique de notre pays. A son banc de
député qu'il a occupé trente-'trois ans au
gouvernement qu'it a présidé, à plusieurs
reprises, et, où il a successivement détenu
les portefeuilles les plus importants au
Sénat, enfin, où i1 siégait depuis 1909,
M. Ribot n'a cessé de rendre au pays des
services considérables. Certes, il n'a pas
toujours été d'accord avec la majorité
qui ne se souvient de la lutte soutenue par
lui de 1901 à 1905 contre les cabinets Wal-
dek-Rou-aseau et Combes ? M'ais s'il a été
rejeté dans l'opposition au moment de
f élaboration de loi* qu'il considérait
comme insuffisamment mûriers, il a tou-
jours été, par contre, un républicain sin-
cère, épris de justice, partisan des réfor-
mes sociales les plus hardies, un patriote
ardent et averti. Pendant la grande guerre,
M. Ribot, qui comme tous ies « vieux »,
avait connu l'amertume de la défaite,
lutta de toutes ses forces pour assurer au
pays une victoire qui lui était due, une vic-
toire qui devait réparer les btessirpes de
1870.
Ecrire la biographie complète de M. Ri-
bot, ce serait écrire l'histoire de la France
depuis nos revers immérités jusqu'aux ré-
parations légitimes. La chose nous est
impossible. Nous nous bornerons il rap-
peler, à grands traits, la vie de l'homme
éminent, bon, aimé et respecté qui vient de
disparaître.
LA CARRIERE DE M. RIBOT
M. Ribot eut une carrière extrêmement.
brillante. Né à Saint-Omer, le 7 février
1842, lauréat de la Faculté de droit de
Paris en 1863, il fut reçu docteur l'année
suivante, et, en outre, licencié ès lettres.
Il s'inscrivit au barreau de Paris et devint
premier secrétaire de la Conférence des
avocats. Nommé substitut au tribunal de
la Seine, le 2 mars 1870, il devint secré-
taire de la Société de législation compa-
rée. Appelé par M. Dufaure, en mars 1875,
au ministère de la Justice, en qualité de
directeur des affaires criminelles et des
grâces, il échangea ces fonctions contre
celles de secrétaire général avec le titre de
conseiller d'Etat en séance extraordinaire.
Il donna sa démission, en décembre 1876,
lors de la retraite de M. Dufaure et ren-
tra au barreau de Paris. Pendant la période
du èeize-Mai,. M fit partie du comité de
résistance légale et on lui attribua la ré-
daction du mémoire publié contre le délai
de convocation des électeurs. Après l'in-
validation de M. Dussaussoy, député de la
deuxième circonscription de Boulogne-
sur-Mer, il se porta contre lui comme
candidat républicain et fut élu le 7 avril
1878 par 7.532 voix contre 6.465 obtenues
par son concurrent bonapartiste. Il prit
place au centre gauche et vota contre
l'amnistie, qu'il combattit à la tribune,
contre le retour des Chambres à Paris et
contre le projet de loi sur la liberté de
l'enseignement supérieur.
Au cours de la législature suivante,
M. Ilibot eut un rôle encore plus important
et devint l'un des chefs et surtout l'orateur
principal du parti républicain modéré.
Partisan, dans une large mesure, de la
décentralisation administrative, il fut nom-
mé, l'année suivante, rapporteur du projet
de loi tendant à attribuer aux conseils
municipaux sans exception la nomination
des maires et adjoints. Il intervint comme
jurisconsulte dans la délibération des pro-
jets de loi touchant au droit civil et par-
ticulièrement de celui relatif au rétablis-
sement du divorce. Rapporteur général du
budget pour l'exercice de 1883, il fit à la tri-
bune de nombreuses interventions qui le
classèrent, dès cette date, comme un spé-
cialiste des questions financières. Il inter-
pella à maintes reprises, et au moment où
le ministère Ferry demanda à la Chambre
des crédits pour l'expédition du Tonkin,
les attaques de M. Ribot, dirigées en même
temps que celles de M. Clemenceau contre
le cabinet, contribuèrent beaucoup à ia
chute de celui-ci. Battu aux élections de
1885, M. Ribot resta près de deux ans'hors
de la Chambre. Il y fut ramené par une
élection partielle du 20 mars 1887 dans ie
Pas-de-Calais. Il s'associa énergiquement
aux mesures parlementaires prises contre
l'agitation boulangiste et, à l'approche des
élections de 1889, fut un des promoteurs
du retour au scrutin uninominal. Le 22 sep-
Lembre, il se ,porta dans la première cir-
conscription de Saint-Omer et, fut élu au
premier tour, contre M. Lefebvre du Prey,
candidat monarchiste, député sortant..Dans
la nouvelle Chambre, M. Ribot se prononça
pour une politique de conciliation et
d'apaisement, réprouvant la division .de la
majorité en groupes et demandant qu'on
donnât le pas aux lois d'affaires et de pro-
grès sur les questions politiques. Dans le
cabinet du 17 mars 1890, formé par M. de
Freycinet, M. Ribot reçut le portefeuille
des Affaires étrangères et le conserva dans
ie remaniement ministériel du 29 fé-
vrier 1892, sous la présidence de M. Loubet.
C'est il M. Ribot que revint en grande
partie l'honneur du rapprochement, entre
la France et la Russie, dont la réception
de l'amiral Gervais à Cronstadt fut le
solennel hommage. C'est lui qui, quelques
années plus tard, devait être le principal
artisan de d'alliance franco-russe. M. !Lou-
bet s'étant retiré du pouvoir au milieu des
affaires du Panama, M. Ribot fut appelé,
!e 12 janvier 1893, à la présidence du cabi-
net et quitta le portefeuille des Affaires
étrangères pour celui de l'Intérieur. Il ne
conserva le pouvoir que jusqu'au 30 mars,
à la veille des vacances de Pâques, où la
majorité républicaine l'abandonna sous le
prétexte éee, sseSKs ïsedgéSaiese ékrcée à
la dernière heure entre la Chambre et le
Sénat et qu'il ne dépendrait pas de lui de
résoudre. M. Ribot est à nouveau président
'du Conseil et ministre des Finances, du
26 janvier 1895 au 25 octobre de la même
année. H fut alors renversé à la suite des
"iéterpellationfi sur les chemins de fer du
Sud ,par le vote d'un ordre du jour de
"M. Rouanne!. M. Ribo.t resta ëloigné du
.pouvoir pendant dix-neuf années. Chargé
par M. Raymond Poincaré, président de Ia
République, de constituer le cabinet au
lendemain des élections générales de 1914,
M. Eibot fut mis en minorité dès le pre-
mier jour à la Chambre des députés, son
ministère, un des plus courts de la troi-
sième République, avait duré quatre jours.
M. Ribot, que la Chambre radicale de 1914
avait renversé quedques semaines avant la
guerre, allait bientôt avoir sa revanche.
Au lendemain de Charlieroi, M. René Vi-
viani ayant décidé de remanier son cabi-
net pour faire un grand ministère d'union
national, confiait le portefeuille des Fi-
nances à M. Ribot et donnait la Guerre à
M. Mill'lerand. M. Ribot occupa le porte-
feuille des Finanees du 26 août 1914 au
29 octobre 1915 (ministère Viviani), puis,
d'octobre 1915 à mars 1917 (ministère
Briand).
Le 19 mars 1917, M. Ribot fut appelé à
recueillir la succession de M. Briand. Il
constitua un ministère dans lequel il s'at-
tribua le portefeuille des Affaires étran-
gères qui dura jusqu'au 7 septembre de
la même année. Il fut délégué à la confé-
rence interalliée qui se tint à Paris en
juillet et présida comme chef du gou-
vernement français cette conférence. Il
représenta également la France à la confé-
rence de Londres, le 7 août 1917.
Chargé de reformer le cabinet le 7 sep-
tembre 1917, il échoua. et c'est alors que
M. Painlevé devint président du Con-
seil. NI. Ribot conserva le portefeuille des
ASaires. étrangères. Mais il démissionna
le 22 octobre 1917 et fut remplacé par
M. Barthou.
Depuis cette date. et malgré son grand
âge, l'activité de M. Ribot ne s'était pas
démentie, tant à la commission des affai-
res étrangères du Sénat, dont il était le
vice-président, qu'en séance publique, où
il intervenait, il y a quelques semaines
encore.
Parmi les lois sociales au vote desquelles
M. Ribot a contribué pour une large part,
signalons la loi sur les retraites ouvrières
et la loi sur les habitations à bon marché
celle-ci est d'ailleurs connue sous le nom
de « loi Ribot».
M. Ribot était membre de l'Académie des
sciences morales et politiques depuis 1904
et membre de l'Académie française de-
puis 1905. Il a publié, outre de nombreux
articles de revues, plusieurs ouvrages esti-
més et notamment la Biographie de lord
Eskine, la Réforme de l'enseignement
secondaire, Quatre années d'opposition.
Ch. M.
LES AUTOS=CHENILLES ONT VAINCU LE DÉSERT AFRICAIN
ELLES VONT TENTER L'EXPLOIT RÉPUTÉ IMPOSSIBLE
FRANCHIR LES HAUTS COLS PYRÉNÉENS
Superbagnères, 14 janvier (de notre envoyé spécial.)
Les autos-chenilles Citroën viennent de f ranchir le désert du Sahara. Ce n'est pas
ici le lieu de rappeler ce merveilleux exploit, ni la façon magistrale dont il a été
accompli, mais voici qu'une autre tâche va leur étre imposée, plus brève certes, mais
incomparablement plus -ardue celle de f ranchir, en cette saison, les hattts cols pyré-
néens Peyresourdc, Aspin, le Tourmalet.
Nous commencerons, demain matin, cctte excursion qu'aucun homme, hormis
quelques audacieux skieurs, n'a jamais osé entreprendre. La route que nous allons
suivre n'est guère praticable que cinq mois de l'année. Certains points, même, ne le
sont que de juillet à septembre. Est-il nécessaire de rappeler, à ce propos, que, l'an
dernier, l'itinéraire du Tour de Franee dut éviter le col du Tourmalet qui, en juillet,
était encore obstrué par les neiges ?
C'est pourtant cette tâche, constdérée comme impossible par les habitants de la
région, qui va être entreprise.
UNE ROUTE SAKS LE XAS&IF DU TOU&MAiET
Aucun incident sérieux
n'a marqué le meeting
communiste de Saint-Ouen
te comité d'action contre l'impérialisme
i>t la guerre avait, hier, organisé un meeting
de protestation contre l'arrestation des mi-
litants communistes. Rendez-vous avait été
donné, à trois heures, dans le parc des
oblats, à Saint-Ouen, où quatre tribunes
avaient été dressées mais en raison du
mauvais temps, quelques centaines de per
sonnes vinrént chercher un abri à la saille
des Fêtes de la place Jean-Jaurès. Là,
M. Marcel Cachin raconta son voyage dan;
la Ruhr et annonça, en terminant, que, l'im-
munité parlementaire allant être levée, i:
irait sans doute bientôt rejoindre à la SanU
les autres militants inculpés, comme lui-
même, de complot contre la sûreté exté-
rieure et intérieure de l'Etat.
Alors que le député de la Seine achevait
som discours, la pJuie ayant cessé on dé-
c'ida de retourner aux Oblats, où les
autres orateurs inscrits se firent enten-
dre. Un incident marqua cette seconde
réunion. Les cloches d'une vieille église,
toute proche ayant sonné empêchèrent
d'entendre les discours. Quelques mili-
tants s'en plaignirent au curé, qui les
éconduisit. En se retirant, ceux-ci jetèrent
des pierres dans un vitrail, qui fut brisé.
Une arrestation a été opérée pour ce fait,
celle d'un peintre, M. Gustave Châtain,
vingt-deux ans, habitant rue Vicq-d'!Azir,
qui a été envoyé au dépôt.
Deux légères bagarres
Un important service d'ordre, dirigé par
s.MJl. Duponnois, commissaire division-
"nain-, et Marchand, commissaire d'arron-
dissement, avait ét.é établi, dès 2 heures de
l'après-midi, à la porte Saint-Ouen. Il
comprenait un escadron de la garde à che-
val, deux compagnies de la garde à pied
et de nombreux gardiens de la paix. A
3 h. 30, M. Duponnois, suivi de la moitié
des effectifs, alla prendre position à cinq
cents mètres en avant sur le territoire de
Saint-Ouen, à l'angle des avenues de la
Gare et des Batignolles.
Vers cinq heures, les premiers manifes-
tants, revenant du meeting, arrivèrent en
chantant l'Internationale. Un barrage, aus-
sitôt établi, les obligea à se disperser de
chaque côté de l'avenue. Ils ne rentrèrent
pas aussitôt dans Paris et, groupés sur les
trottoirs, insultèrent les agents et les gardes
municipaux. Une section de gardiens de la
paix intervint pour les disperser. Quelques
représentants de l'autorité glissèrent dans la
boue et furent piétinés. Quatre d'entre eux
furent blessés. Ce sont le brigadier Epi-
phane et les agents Lagoutte, Laloy et Le-
frain. Une charge les dégagea, au cours de
laquelle M. François Girard, habitant 10,
rue Rouillet, à Clichy, fut assez sérieuse-
ment malmené.
Quelques minutes après, une seconde ba-
garre se produisit dans Paris même, à quel-
ques mèlres de la porte de Saint-Ouen. Les
manifestants avaient tenté de se former en
«optège; Une nouvelle charge déblaya la
chaussée. Ils se réfugièrent dans les cafés
proches, d'où ils furent bientôt délogées. Une
jeune fille, Mlle Bernoud, habitant. 18, rue
de l'Aube, tomba, se blessant à la tète. Le
service d'ordre remonta enfin jusquià la
Fourche. Et, dès lors, tout rentra dans le
calme.
iM. iNauçLin, préfet de potlifce. accompagné
de M. Guichard, directeur de la police mu-
niciipaile, était venu se rendre compte peur-
sonnellement des mesures prises.
COILISION SUR LES GRANDS BOULEVARDS
ENTRE COMMUNISTES ET CAMELOTS DU «ROI»
Vers midi et demi, à l'angle de la rue
Montmartre et des boulevards, des camelots
du roi furent pris à partie par des commu-
nistes qui voulaient s'opposer à la vente de
journaux.
Une bagarre s'ensuivit, au cours de la-
quelle MM. Henri Zerner, bijoutier, 45, rue
Boissy-d'Anglas, et Charles Ramel, 110, rue
Richelieu, ont été frappés à coups de canne.
MM. René Colmar, dix-neuf ans René
Meunier, vingt ans; Marcel Joannin, dix-sept
ans François Fargues, vingt-trois ans
Paul Greffé, dix-huit ans Gérard et
Christian de Niort, dix-huit et vingt-deux
ans, ont été arrêtés et relâchés peu aprè3.
LA TRAVERSÉE DU SAHARA EN AUTO
COMMENT LES CHENILLES
ONT TRAVERSÉ LE HOGGAR
ET LE TANEZROUFT
Une chenille de ravitaillement à Tomboucton.
En haut,: type de femme an Boggar. En Das
femme targui louant de Il « amzad
Les lecteurs du Petit Parisien con-
naissent par le menu les détails du
raid accompli par la mission Haardt-
Audouin-Dubreuil, en ce gui ooncerne
les parcours Touggourt-In-Salah et
Bourem-Tombouctou, où nos envoyés
spéciaux ont pu suivre et juger l'effort
des hardis voyageurs.
Voici, aujourd'hui, la traversée du
centre saharien, la réception de ia
mission par les Touareg du Hoggar
et leurs femmes, la rude étape du
Tanezrouft, telles que M. Audouin-
Dubreuil a bien voulu des conter à
notre collaborateur Royer. C'est un
monde inconnu, mais combien pitto-
resque et vivant, qu'évoque pour nous
cette première partie du récit de la
grande étape In-Salah-Bourem.
Tombouctou, 10 janvier.
Us 24 décembre, au petit jour, nous quit-
tons In-Salah.
En élégant complet de oheviote, un feu-
tre gris sur l'oreille, le teint rosé, l'oeil
rieuir, lie nez qui pointe, la mousiaethe en
brosse à dents. M. Audouin-Dubreuil dit
comment il a franchi le Sahara. Seuls, les
Tartarins racontent volontiers les voyage
qu'ils n'ont pas faits. Les membres de la
mission, obéissant à un sentiment commun
de modestie, comme à un mot d'ordre, se
refusaient à me narrer leur prodigieuse
randonnée.
Nous avons passé, disaient-ils, cela
seul compte.
Aujourd'hui, à l'heure du café et du
cigare, un des chefs de la mission s'est enfin
laissé aller aux confidences. Les voici
Dans les gorges d'Arak
Le 24 décembre, au petit jour, coin»
mence donc M. Audouin», nous quiUons"în-
S^l&h. Nous aitkvos droit au Sud, dans l'im-
mense plaine de Tidiitoelt. Deux cents kilo- j
mètres sans herbe, un sol plat. Nous .routons
bien. Notre route est jalonnée par lea sque-
Mtes d'infortunés chameaux, qui n'ont pu
tenir le coup dans les .caravanes qui re-
montaient du Hoggar à In-Salah. Noua en
avons sûrememt rencontré plus de oinq
A deux heures de l'après-midi, par une
température de par compensa-
tion la nuit avait été glaciale nous avons
déjà atteint le massif du Mouydir. Là, il
faut radentir. Nous passons dans les lits
d'oueds déséohés. Tous les cent -mètoes, il
faut franchir un éboiriis de roches. Quand
robstadfe' devient trop dur, o.n remonte sur
la berge et on redescend de l'autre côté.
Gela fait des pentes de quarante pour cent,
mais la chenfîle tient merveilleusement, le
coup. De toutes ces gorges, les plus dur'es
furent celles de Borak. Nous avone fait dur
six à l'heure dams ce coin sinistre un
mécanicien me disait, hier, qu'un de oes
couloirs avait, au. plus, dix mètres de
large entre des taure à pic de deux cents
mètres. C'est un reoord.
Nous couchons à Tesnou. Le lieutenant
Estienne, chef de notre ravitaillement du
Nord, est là. Il continuera la raid avec
nous. Autour d'un feu de plantes aroma-
tiques, nous finissons ensemble un réveil-
lon frugal. Nous nous nourrissons surtout
d'espoir.
Pendant quarante-huit heures, nous
roulons pour ainsi dire sans arrêt. Aussi,
le 27 au matin, nous pouvons apercevoir
la Kenida, cette fameuse chaîne du Hog-
gar que domine avec son capuchon de
trois mille mètres, l'inaccessible pic
Haman. L'étape est dure, mais un specta-
dle féerique devait nous en dédommager.
Quatre kilomètres avant Aremtit un
des rares puits du Hoggar brusque-
ment, deux oetUts chameaux surgissent à
l'horizon. Ce sont d'immenses mehara
blancs, que montent des guerriers touareg.
Us foncent sur rous avec des cris fréné-
tiques, jetant leurs lances vers le ciel.
A dix pas des voilures, ils s'arrêtent net.
C'est le roi du Hoggar, l'amménokat
Akhmmouk, qui vient nous saluer avec
les plus nobles de ses sujets. Ils nous
encadrent et nous routons vers Tit entre
la grille étincelante de leurs aac", de f-;r.
A trois heures, nous sommes à Tit
Réception des Touareg. Les uns jouent de
l'« amzad», sorte de violon monocorde;
cFaitiStres balancent une grosse caisse, sur
laquelle deux guerriers lapent avec achar-
nement lorsqu'elle arrive devant eux c'est
!e tobol de guerre, qui ne sert que pour
appeler les guerriers au combat, mais
qu on a sorti en notre honneur.
Nous distribuons des cadeaux à' ces
enfants du désert et eux nous offrent une
« diffa » méchoui et kouskous Je prends
un air étonné. Tout le monde sait
M. Audouin est bien bon qu'une diffa
c'est un repas de cérémonie, le kouskous,
de minuscules boulettes de farine et le
meohoui, un mouton rôti. Tandis que la
bête cuit entière avec sa tête et ses pattes,
je regarde les deux cuisiniers qui, de part
et d'autre du brasier, tiennent chacun un
bout du morceau de bois qui sert de bro-
che. Ce sont des .athlètes splendides, bâtis
sur le modèle d'Akhmmoukh. L'ammenokai
a un 1 m. 80 et des épaules en proportion.
Le dï-ner est servi. Nos hommes man-
gent avec leurs doigts, mais ils nous don-
nent la permission d'employer nos four-
chettes. Avec une furie toute guerrière,
ils se jettent sur les moutons, leur arra-
chent un membre et y mordent à belles
dents. Après quoi, de leur couteau, au
ras de leurs lèvres, ils détachent ce qui,
même pour un appétit touareg, serait
vraiment de trop pour une bouchée.
Même pour manger, ils ont conservé
le litham, ce voile indigo qui leur
recouvre jusqu'aux yeux tout le bas du
visage. Les moteurs des Touareg sont
curieuses. Monogames, ils ont cependant
droit légitimement, si l'on peut dire, à
des concubines, mais l'épouse jouit dans
la famille d'une autorité prépondérante.
AKHMMODK, AMENNOKAi DES TOUAREG HOOOARS
C'est le régime du matriarchat, auquel, le
crois, aspirait Héra MyrteL Eh bien l elle
n'avait qu'à venir au Hoggar 1
Les dames, poursuit M. Audouin, n'assis-
taient pas au repas. Elles nous atteiv
daient à distance. Conduites par leurs
maris, nous allons vers elles, mais sitôt
que nous sommes en leur présence, discrè-
tement, les hommes se retirent. Peaux de
cuivre clair, yeux charbonneux, attaches
fines. Le lieutenant Estienne, qui s'inté-
resse particulièrement à l'ethnographie
féminine, les trouve charmantes. Aucun
litliam, heureusement, ne voile l'ovale
allongé de leur visage. Elles nous regar-
dent avec une tranquille fierté et lèvent,
pour la salut, une main délicate où cha-
cun de leurs doigts s'orne d'une bague
grosse comme une pièce de quarante sous.
Aimable pays, où, me dit-on, les'jounes
ftlles sont autorisées à jeter leur gourme
comme les garçons en France. Il -paraît,
d'ailleurs, que sitôt mariées, leur fidélité
est exemplaire. s
Si nous tentions, monsieur Audouin.
d'acclimater ces mœurs chez nous ?
M. Audouin sourit, mais je crois com-
prendre qu'il n'a pas entrepris pour cela
la traversée du désert.
La tempéte de sable
Nous campons à Tit, poursuit le
jeune explorateur, et nous en repartons le
lendemain à la tombée de la nujt. Peu à
peu, les. aspérités du sol s'apaisent, les
montagnes violettes et roses du Hoggar
ont fait place à un sol plat, sur lequel
nous roulons rapidement.
Le 29, vers midi, nous sommes déjà en
plein Tanezrouft, l'horrible pays de la
soif
C'est ici, reprend Ni. Audouin, après
un silence, qu'il nous a fallu la foi et quel-
que audace pour passer. Espérant trouver
un terrain plus favorable, nous avons em-
prunté un itinéraire qui n avait jamais
été employé par aucune des caravanes qui
se sont aventurées dans ce pays maudit,
Mais les difficultés se sont trouvées plus
grandes que nous ne l'avions prévu. Après
Sitôt, nous rencontrons pendant cinquante
kilomètres un sable extrêmement mou,
sur -lequel, seules, nos chenilles pouvaient
passer.
Le 30 décembre, soudain, un vent se
lève, très rapide et très froid. Le sable est
soulevé en masses immenses, qui obscur-
cissent le soleil. Malgré nos lunettes et le
« cneich » (grand foulard qui nous enserre
REGION PARISIENNE
Nuit un peu moins froide,
puis ciel brumeux, couvert à
très nuageux, avec pluies lo-
cales. Vents d'ouest faibles
vers Nord-Ouest. Tempéra-
ture basse, mais en hausse
légère.
Suit 3°. Jour 7°.
EN FRANCE
Dans le Nord-Ouest, même»
conditions que région pari-
sienne dans le Nord -Est et
l'Est, couvert avec pluies ou
neiges (surtout en monta-
gne).
SOLEIL :)ev.7 h.42;couch.4 h.t9
LUNE nouv. le 17 ;pr.qu.le 25
!Sa ANNEE. K' 16.757
LUNDI
15
JANVIER 1923
Saint Maur
ABONNEMENTS 3 Mil l*9« lu
Seine et S.-O.
France et CoL 0. Il 25.. 48..
Etranger.
RUE D-BNGHIEN, PARIS
Les troupes f ranco-belges
vont occuper Bochum
et nous allons percevoir
l'impôt sur le charbon
Ces deux mesures sont la conséquence
de la résistance
du gouvernement allemand
Jugeant sans doute insuffisantes les
manifestations du Reichstag et de Ber-
lin, le gouvernement allemand a fait
officiellement savoir à la commission
des réparations qu'il arrêtait désormais
toutes les réparations destinées à la
France et à la Belgique.
La réplique ne se fera pas attendre.
Dès aujourd'hui, les troupe- franco-
belges occuperont probablement la ré-
gion de Bochum. Dès mercredi, les
alliés percevront, dans la partie occu-
pée de la. Ruhr et sur la rive gauche du
Rhin, l'impôt sur le charbon (kohlen-
st.euer)..
La nouvelle région occupée ou région
rouge (celle que nous occupons déjà
étant désignée, pour la commodité, sous
le nom de région vertej comprendra, en
allant du nord au sud, le bassin minier
de Recklinghausen, de Herne, de Bo-
chum et de Hattingen. Demeureront
exclues de la 2one occupée, les régions
plus industrielles que minières de Dort-
mund, Witten et de Barmen.
Pourquoi cette délimitation ? Quel-
ques chiffres très simples l'explique-
ront.
Les livraisons de charbon dues par
l'Allemagne aux alliés et qui, par les
soins de la mission Coste, doivent re-
prendre dès aujourd'hui représentent
19 millions de tonnes par au.
La rive gauche du Rhin produit 6 mil-
lions de tonnes. La région verte de la
Ruhr en produit 26. Sur oe total de 32
millions de tonnes, le prélèvement de
19 millions serait un lourd tribut.
La région rouge produit toutefois, à
elle seule, 54 millions de tonnes. C'est
le cœur- même des houillères alleman-
des. Quand elle sera occupée, les alliés
contrôleront en Allemagne une pro-
duction totale de 76 millions de tonnes
largement suffisante pour alimenter à
la fois la commission des réparations et
les industries de la Ruhr comme celles
de la rive gauche du Rhin.
Cette extension de l'occupation mili-
taire paraît, d'autre part, devoir être
la partie pointillée et grisée désigne la zone
verte déjà occupée la partie grisée marque
les limites de la zone rouge ou nos troupes
vont entrer
suivie, dès mercredi, par une impor-
tante mesure complémentaire la saisie
de l'impôt sur le charbon.
Ici encore, on se trouve en présence
d'une nécessité imposée par l'Allema-
gne elle-même. Le gouvernement alle-
mand refuse, en effet, d'indemniser les
charbonniers de la Ruhr pour les livrai-
sons faites aux alliés. Les charbonniers,
de leur côté, veulent bien livrer, mais
demandent à être payés. C'est pour les
payer que les alliés vont percevoir eux-
mêmes les impôts qui frappent le char-
bon et la lignite.
A cet effet, un arrêté de M. Tirard,
haut commissaire allié dans les terri-
toires rhénans, confère les pouvoirs
nécessaires à M. Goste, non seulement
dans la Ruhr, mais sur la rive gauche
du Rhin.
A partir de mercredi prochain, la
mission interalliée, présidée par M.
Coste, pourra, par suite, percevoir l'im-
pôt de 40 0/0 sur 76 millions de tonnes
de houille et celui de 20 0/0 qui atteint
les 30 millions de tonnes de lignite des
territoires rhénans. Bien que le rende-
ment de ce double impôt varie néces-
sairement avec les prix de la tonne da
charbon et de la lignite, il paraît cer-
tain qu'il couvrira largement les frais
occasionnés par les livraisons faites aux
alliés.
D'autres mesures pourraient devenir
également inévitables si, par exemple,
la Reiclisbank entreprenait de priver la
Ruhr de moyens monétaires. Rien que
dans la région verte, les industriels
allemands ont à verser, en salaires, une
somme moyenne de 5.000 marks par
jour et par tête, pour une population de
450.000 ouvriers. Si le gouvernement
allemand cherchait à provoquer des
difficultés d'ordre monétaire, les alliés
auraient iL y pourvoir en faisant appel
aux banques locales.
C'est dire que touie manoeuvre éven-
̃ tuelle du gouvernement allemand se
heurtera, comme au temps des cra-
pouillots, à une immédiate riposte
alliée. L'Allemagne ne saurait se mé-
prendre, à cet égard, sur la résolution
de la France. Si le projet d'occupation
de la Ruhr put être soumis en France,
avant l'événement, à une libre discus-
sion, l'opinion française, la partie étant
engagée, ne saurait être aujourd'hui
qu'unanime à vouloir qu'il soit réalisé
avec méthode et décision.
Philippe MILLET.
M. Poincaré a conféré à la fin ëe l'après-
midi avec MM. rle l,asteyrie et Le Troc-
quet, ministres des Finances et des Tr*-I
yaux publics.
M. ALEXANDRE RIBOT
EST MORT
Un deuil cruel frappe la grande famille
républicaine M, Alexandre ftibat est mort.
L'éminent homme d'Etat s'est éteint hier,
entouré des siens, après une très courts
maladie. Il a)lait avoir quatre-vingt-un
ans. Ses nombreux amis qui connai,ssaient
le malaise qui, depuis une huitaine de
jours, retenait chez lui M. Ribot, avaient
espéré que celui-ci, dont la verte vieil-
lesse faisait l'admiration de tous, parvien-
drait à triompher du mal qui, hélas
devait l'emporter.
M. Ribot a tenu pendant près de cin-
quante ans un rôle considérable sur la
scène politique de notre pays. A son banc de
député qu'il a occupé trente-'trois ans au
gouvernement qu'it a présidé, à plusieurs
reprises, et, où il a successivement détenu
les portefeuilles les plus importants au
Sénat, enfin, où i1 siégait depuis 1909,
M. Ribot n'a cessé de rendre au pays des
services considérables. Certes, il n'a pas
toujours été d'accord avec la majorité
qui ne se souvient de la lutte soutenue par
lui de 1901 à 1905 contre les cabinets Wal-
dek-Rou-aseau et Combes ? M'ais s'il a été
rejeté dans l'opposition au moment de
f élaboration de loi* qu'il considérait
comme insuffisamment mûriers, il a tou-
jours été, par contre, un républicain sin-
cère, épris de justice, partisan des réfor-
mes sociales les plus hardies, un patriote
ardent et averti. Pendant la grande guerre,
M. Ribot, qui comme tous ies « vieux »,
avait connu l'amertume de la défaite,
lutta de toutes ses forces pour assurer au
pays une victoire qui lui était due, une vic-
toire qui devait réparer les btessirpes de
1870.
Ecrire la biographie complète de M. Ri-
bot, ce serait écrire l'histoire de la France
depuis nos revers immérités jusqu'aux ré-
parations légitimes. La chose nous est
impossible. Nous nous bornerons il rap-
peler, à grands traits, la vie de l'homme
éminent, bon, aimé et respecté qui vient de
disparaître.
LA CARRIERE DE M. RIBOT
M. Ribot eut une carrière extrêmement.
brillante. Né à Saint-Omer, le 7 février
1842, lauréat de la Faculté de droit de
Paris en 1863, il fut reçu docteur l'année
suivante, et, en outre, licencié ès lettres.
Il s'inscrivit au barreau de Paris et devint
premier secrétaire de la Conférence des
avocats. Nommé substitut au tribunal de
la Seine, le 2 mars 1870, il devint secré-
taire de la Société de législation compa-
rée. Appelé par M. Dufaure, en mars 1875,
au ministère de la Justice, en qualité de
directeur des affaires criminelles et des
grâces, il échangea ces fonctions contre
celles de secrétaire général avec le titre de
conseiller d'Etat en séance extraordinaire.
Il donna sa démission, en décembre 1876,
lors de la retraite de M. Dufaure et ren-
tra au barreau de Paris. Pendant la période
du èeize-Mai,. M fit partie du comité de
résistance légale et on lui attribua la ré-
daction du mémoire publié contre le délai
de convocation des électeurs. Après l'in-
validation de M. Dussaussoy, député de la
deuxième circonscription de Boulogne-
sur-Mer, il se porta contre lui comme
candidat républicain et fut élu le 7 avril
1878 par 7.532 voix contre 6.465 obtenues
par son concurrent bonapartiste. Il prit
place au centre gauche et vota contre
l'amnistie, qu'il combattit à la tribune,
contre le retour des Chambres à Paris et
contre le projet de loi sur la liberté de
l'enseignement supérieur.
Au cours de la législature suivante,
M. Ilibot eut un rôle encore plus important
et devint l'un des chefs et surtout l'orateur
principal du parti républicain modéré.
Partisan, dans une large mesure, de la
décentralisation administrative, il fut nom-
mé, l'année suivante, rapporteur du projet
de loi tendant à attribuer aux conseils
municipaux sans exception la nomination
des maires et adjoints. Il intervint comme
jurisconsulte dans la délibération des pro-
jets de loi touchant au droit civil et par-
ticulièrement de celui relatif au rétablis-
sement du divorce. Rapporteur général du
budget pour l'exercice de 1883, il fit à la tri-
bune de nombreuses interventions qui le
classèrent, dès cette date, comme un spé-
cialiste des questions financières. Il inter-
pella à maintes reprises, et au moment où
le ministère Ferry demanda à la Chambre
des crédits pour l'expédition du Tonkin,
les attaques de M. Ribot, dirigées en même
temps que celles de M. Clemenceau contre
le cabinet, contribuèrent beaucoup à ia
chute de celui-ci. Battu aux élections de
1885, M. Ribot resta près de deux ans'hors
de la Chambre. Il y fut ramené par une
élection partielle du 20 mars 1887 dans ie
Pas-de-Calais. Il s'associa énergiquement
aux mesures parlementaires prises contre
l'agitation boulangiste et, à l'approche des
élections de 1889, fut un des promoteurs
du retour au scrutin uninominal. Le 22 sep-
Lembre, il se ,porta dans la première cir-
conscription de Saint-Omer et, fut élu au
premier tour, contre M. Lefebvre du Prey,
candidat monarchiste, député sortant..Dans
la nouvelle Chambre, M. Ribot se prononça
pour une politique de conciliation et
d'apaisement, réprouvant la division .de la
majorité en groupes et demandant qu'on
donnât le pas aux lois d'affaires et de pro-
grès sur les questions politiques. Dans le
cabinet du 17 mars 1890, formé par M. de
Freycinet, M. Ribot reçut le portefeuille
des Affaires étrangères et le conserva dans
ie remaniement ministériel du 29 fé-
vrier 1892, sous la présidence de M. Loubet.
C'est il M. Ribot que revint en grande
partie l'honneur du rapprochement, entre
la France et la Russie, dont la réception
de l'amiral Gervais à Cronstadt fut le
solennel hommage. C'est lui qui, quelques
années plus tard, devait être le principal
artisan de d'alliance franco-russe. M. !Lou-
bet s'étant retiré du pouvoir au milieu des
affaires du Panama, M. Ribot fut appelé,
!e 12 janvier 1893, à la présidence du cabi-
net et quitta le portefeuille des Affaires
étrangères pour celui de l'Intérieur. Il ne
conserva le pouvoir que jusqu'au 30 mars,
à la veille des vacances de Pâques, où la
majorité républicaine l'abandonna sous le
prétexte éee, sseSKs ïsedgéSaiese ékrcée à
la dernière heure entre la Chambre et le
Sénat et qu'il ne dépendrait pas de lui de
résoudre. M. Ribot est à nouveau président
'du Conseil et ministre des Finances, du
26 janvier 1895 au 25 octobre de la même
année. H fut alors renversé à la suite des
"iéterpellationfi sur les chemins de fer du
Sud ,par le vote d'un ordre du jour de
"M. Rouanne!. M. Ribo.t resta ëloigné du
.pouvoir pendant dix-neuf années. Chargé
par M. Raymond Poincaré, président de Ia
République, de constituer le cabinet au
lendemain des élections générales de 1914,
M. Eibot fut mis en minorité dès le pre-
mier jour à la Chambre des députés, son
ministère, un des plus courts de la troi-
sième République, avait duré quatre jours.
M. Ribot, que la Chambre radicale de 1914
avait renversé quedques semaines avant la
guerre, allait bientôt avoir sa revanche.
Au lendemain de Charlieroi, M. René Vi-
viani ayant décidé de remanier son cabi-
net pour faire un grand ministère d'union
national, confiait le portefeuille des Fi-
nances à M. Ribot et donnait la Guerre à
M. Mill'lerand. M. Ribot occupa le porte-
feuille des Finanees du 26 août 1914 au
29 octobre 1915 (ministère Viviani), puis,
d'octobre 1915 à mars 1917 (ministère
Briand).
Le 19 mars 1917, M. Ribot fut appelé à
recueillir la succession de M. Briand. Il
constitua un ministère dans lequel il s'at-
tribua le portefeuille des Affaires étran-
gères qui dura jusqu'au 7 septembre de
la même année. Il fut délégué à la confé-
rence interalliée qui se tint à Paris en
juillet et présida comme chef du gou-
vernement français cette conférence. Il
représenta également la France à la confé-
rence de Londres, le 7 août 1917.
Chargé de reformer le cabinet le 7 sep-
tembre 1917, il échoua. et c'est alors que
M. Painlevé devint président du Con-
seil. NI. Ribot conserva le portefeuille des
ASaires. étrangères. Mais il démissionna
le 22 octobre 1917 et fut remplacé par
M. Barthou.
Depuis cette date. et malgré son grand
âge, l'activité de M. Ribot ne s'était pas
démentie, tant à la commission des affai-
res étrangères du Sénat, dont il était le
vice-président, qu'en séance publique, où
il intervenait, il y a quelques semaines
encore.
Parmi les lois sociales au vote desquelles
M. Ribot a contribué pour une large part,
signalons la loi sur les retraites ouvrières
et la loi sur les habitations à bon marché
celle-ci est d'ailleurs connue sous le nom
de « loi Ribot».
M. Ribot était membre de l'Académie des
sciences morales et politiques depuis 1904
et membre de l'Académie française de-
puis 1905. Il a publié, outre de nombreux
articles de revues, plusieurs ouvrages esti-
més et notamment la Biographie de lord
Eskine, la Réforme de l'enseignement
secondaire, Quatre années d'opposition.
Ch. M.
LES AUTOS=CHENILLES ONT VAINCU LE DÉSERT AFRICAIN
ELLES VONT TENTER L'EXPLOIT RÉPUTÉ IMPOSSIBLE
FRANCHIR LES HAUTS COLS PYRÉNÉENS
Superbagnères, 14 janvier (de notre envoyé spécial.)
Les autos-chenilles Citroën viennent de f ranchir le désert du Sahara. Ce n'est pas
ici le lieu de rappeler ce merveilleux exploit, ni la façon magistrale dont il a été
accompli, mais voici qu'une autre tâche va leur étre imposée, plus brève certes, mais
incomparablement plus -ardue celle de f ranchir, en cette saison, les hattts cols pyré-
néens Peyresourdc, Aspin, le Tourmalet.
Nous commencerons, demain matin, cctte excursion qu'aucun homme, hormis
quelques audacieux skieurs, n'a jamais osé entreprendre. La route que nous allons
suivre n'est guère praticable que cinq mois de l'année. Certains points, même, ne le
sont que de juillet à septembre. Est-il nécessaire de rappeler, à ce propos, que, l'an
dernier, l'itinéraire du Tour de Franee dut éviter le col du Tourmalet qui, en juillet,
était encore obstrué par les neiges ?
C'est pourtant cette tâche, constdérée comme impossible par les habitants de la
région, qui va être entreprise.
UNE ROUTE SAKS LE XAS&IF DU TOU&MAiET
Aucun incident sérieux
n'a marqué le meeting
communiste de Saint-Ouen
te comité d'action contre l'impérialisme
i>t la guerre avait, hier, organisé un meeting
de protestation contre l'arrestation des mi-
litants communistes. Rendez-vous avait été
donné, à trois heures, dans le parc des
oblats, à Saint-Ouen, où quatre tribunes
avaient été dressées mais en raison du
mauvais temps, quelques centaines de per
sonnes vinrént chercher un abri à la saille
des Fêtes de la place Jean-Jaurès. Là,
M. Marcel Cachin raconta son voyage dan;
la Ruhr et annonça, en terminant, que, l'im-
munité parlementaire allant être levée, i:
irait sans doute bientôt rejoindre à la SanU
les autres militants inculpés, comme lui-
même, de complot contre la sûreté exté-
rieure et intérieure de l'Etat.
Alors que le député de la Seine achevait
som discours, la pJuie ayant cessé on dé-
c'ida de retourner aux Oblats, où les
autres orateurs inscrits se firent enten-
dre. Un incident marqua cette seconde
réunion. Les cloches d'une vieille église,
toute proche ayant sonné empêchèrent
d'entendre les discours. Quelques mili-
tants s'en plaignirent au curé, qui les
éconduisit. En se retirant, ceux-ci jetèrent
des pierres dans un vitrail, qui fut brisé.
Une arrestation a été opérée pour ce fait,
celle d'un peintre, M. Gustave Châtain,
vingt-deux ans, habitant rue Vicq-d'!Azir,
qui a été envoyé au dépôt.
Deux légères bagarres
Un important service d'ordre, dirigé par
s.MJl. Duponnois, commissaire division-
"nain-, et Marchand, commissaire d'arron-
dissement, avait ét.é établi, dès 2 heures de
l'après-midi, à la porte Saint-Ouen. Il
comprenait un escadron de la garde à che-
val, deux compagnies de la garde à pied
et de nombreux gardiens de la paix. A
3 h. 30, M. Duponnois, suivi de la moitié
des effectifs, alla prendre position à cinq
cents mètres en avant sur le territoire de
Saint-Ouen, à l'angle des avenues de la
Gare et des Batignolles.
Vers cinq heures, les premiers manifes-
tants, revenant du meeting, arrivèrent en
chantant l'Internationale. Un barrage, aus-
sitôt établi, les obligea à se disperser de
chaque côté de l'avenue. Ils ne rentrèrent
pas aussitôt dans Paris et, groupés sur les
trottoirs, insultèrent les agents et les gardes
municipaux. Une section de gardiens de la
paix intervint pour les disperser. Quelques
représentants de l'autorité glissèrent dans la
boue et furent piétinés. Quatre d'entre eux
furent blessés. Ce sont le brigadier Epi-
phane et les agents Lagoutte, Laloy et Le-
frain. Une charge les dégagea, au cours de
laquelle M. François Girard, habitant 10,
rue Rouillet, à Clichy, fut assez sérieuse-
ment malmené.
Quelques minutes après, une seconde ba-
garre se produisit dans Paris même, à quel-
ques mèlres de la porte de Saint-Ouen. Les
manifestants avaient tenté de se former en
«optège; Une nouvelle charge déblaya la
chaussée. Ils se réfugièrent dans les cafés
proches, d'où ils furent bientôt délogées. Une
jeune fille, Mlle Bernoud, habitant. 18, rue
de l'Aube, tomba, se blessant à la tète. Le
service d'ordre remonta enfin jusquià la
Fourche. Et, dès lors, tout rentra dans le
calme.
iM. iNauçLin, préfet de potlifce. accompagné
de M. Guichard, directeur de la police mu-
niciipaile, était venu se rendre compte peur-
sonnellement des mesures prises.
COILISION SUR LES GRANDS BOULEVARDS
ENTRE COMMUNISTES ET CAMELOTS DU «ROI»
Vers midi et demi, à l'angle de la rue
Montmartre et des boulevards, des camelots
du roi furent pris à partie par des commu-
nistes qui voulaient s'opposer à la vente de
journaux.
Une bagarre s'ensuivit, au cours de la-
quelle MM. Henri Zerner, bijoutier, 45, rue
Boissy-d'Anglas, et Charles Ramel, 110, rue
Richelieu, ont été frappés à coups de canne.
MM. René Colmar, dix-neuf ans René
Meunier, vingt ans; Marcel Joannin, dix-sept
ans François Fargues, vingt-trois ans
Paul Greffé, dix-huit ans Gérard et
Christian de Niort, dix-huit et vingt-deux
ans, ont été arrêtés et relâchés peu aprè3.
LA TRAVERSÉE DU SAHARA EN AUTO
COMMENT LES CHENILLES
ONT TRAVERSÉ LE HOGGAR
ET LE TANEZROUFT
Une chenille de ravitaillement à Tomboucton.
En haut,: type de femme an Boggar. En Das
femme targui louant de Il « amzad
Les lecteurs du Petit Parisien con-
naissent par le menu les détails du
raid accompli par la mission Haardt-
Audouin-Dubreuil, en ce gui ooncerne
les parcours Touggourt-In-Salah et
Bourem-Tombouctou, où nos envoyés
spéciaux ont pu suivre et juger l'effort
des hardis voyageurs.
Voici, aujourd'hui, la traversée du
centre saharien, la réception de ia
mission par les Touareg du Hoggar
et leurs femmes, la rude étape du
Tanezrouft, telles que M. Audouin-
Dubreuil a bien voulu des conter à
notre collaborateur Royer. C'est un
monde inconnu, mais combien pitto-
resque et vivant, qu'évoque pour nous
cette première partie du récit de la
grande étape In-Salah-Bourem.
Tombouctou, 10 janvier.
Us 24 décembre, au petit jour, nous quit-
tons In-Salah.
En élégant complet de oheviote, un feu-
tre gris sur l'oreille, le teint rosé, l'oeil
rieuir, lie nez qui pointe, la mousiaethe en
brosse à dents. M. Audouin-Dubreuil dit
comment il a franchi le Sahara. Seuls, les
Tartarins racontent volontiers les voyage
qu'ils n'ont pas faits. Les membres de la
mission, obéissant à un sentiment commun
de modestie, comme à un mot d'ordre, se
refusaient à me narrer leur prodigieuse
randonnée.
Nous avons passé, disaient-ils, cela
seul compte.
Aujourd'hui, à l'heure du café et du
cigare, un des chefs de la mission s'est enfin
laissé aller aux confidences. Les voici
Dans les gorges d'Arak
Le 24 décembre, au petit jour, coin»
mence donc M. Audouin», nous quiUons"în-
S^l&h. Nous aitkvos droit au Sud, dans l'im-
mense plaine de Tidiitoelt. Deux cents kilo- j
mètres sans herbe, un sol plat. Nous .routons
bien. Notre route est jalonnée par lea sque-
Mtes d'infortunés chameaux, qui n'ont pu
tenir le coup dans les .caravanes qui re-
montaient du Hoggar à In-Salah. Noua en
avons sûrememt rencontré plus de oinq
A deux heures de l'après-midi, par une
température de par compensa-
tion la nuit avait été glaciale nous avons
déjà atteint le massif du Mouydir. Là, il
faut radentir. Nous passons dans les lits
d'oueds déséohés. Tous les cent -mètoes, il
faut franchir un éboiriis de roches. Quand
robstadfe' devient trop dur, o.n remonte sur
la berge et on redescend de l'autre côté.
Gela fait des pentes de quarante pour cent,
mais la chenfîle tient merveilleusement, le
coup. De toutes ces gorges, les plus dur'es
furent celles de Borak. Nous avone fait dur
six à l'heure dams ce coin sinistre un
mécanicien me disait, hier, qu'un de oes
couloirs avait, au. plus, dix mètres de
large entre des taure à pic de deux cents
mètres. C'est un reoord.
Nous couchons à Tesnou. Le lieutenant
Estienne, chef de notre ravitaillement du
Nord, est là. Il continuera la raid avec
nous. Autour d'un feu de plantes aroma-
tiques, nous finissons ensemble un réveil-
lon frugal. Nous nous nourrissons surtout
d'espoir.
Pendant quarante-huit heures, nous
roulons pour ainsi dire sans arrêt. Aussi,
le 27 au matin, nous pouvons apercevoir
la Kenida, cette fameuse chaîne du Hog-
gar que domine avec son capuchon de
trois mille mètres, l'inaccessible pic
Haman. L'étape est dure, mais un specta-
dle féerique devait nous en dédommager.
Quatre kilomètres avant Aremtit un
des rares puits du Hoggar brusque-
ment, deux oetUts chameaux surgissent à
l'horizon. Ce sont d'immenses mehara
blancs, que montent des guerriers touareg.
Us foncent sur rous avec des cris fréné-
tiques, jetant leurs lances vers le ciel.
A dix pas des voilures, ils s'arrêtent net.
C'est le roi du Hoggar, l'amménokat
Akhmmouk, qui vient nous saluer avec
les plus nobles de ses sujets. Ils nous
encadrent et nous routons vers Tit entre
la grille étincelante de leurs aac", de f-;r.
A trois heures, nous sommes à Tit
Réception des Touareg. Les uns jouent de
l'« amzad», sorte de violon monocorde;
cFaitiStres balancent une grosse caisse, sur
laquelle deux guerriers lapent avec achar-
nement lorsqu'elle arrive devant eux c'est
!e tobol de guerre, qui ne sert que pour
appeler les guerriers au combat, mais
qu on a sorti en notre honneur.
Nous distribuons des cadeaux à' ces
enfants du désert et eux nous offrent une
« diffa » méchoui et kouskous Je prends
un air étonné. Tout le monde sait
M. Audouin est bien bon qu'une diffa
c'est un repas de cérémonie, le kouskous,
de minuscules boulettes de farine et le
meohoui, un mouton rôti. Tandis que la
bête cuit entière avec sa tête et ses pattes,
je regarde les deux cuisiniers qui, de part
et d'autre du brasier, tiennent chacun un
bout du morceau de bois qui sert de bro-
che. Ce sont des .athlètes splendides, bâtis
sur le modèle d'Akhmmoukh. L'ammenokai
a un 1 m. 80 et des épaules en proportion.
Le dï-ner est servi. Nos hommes man-
gent avec leurs doigts, mais ils nous don-
nent la permission d'employer nos four-
chettes. Avec une furie toute guerrière,
ils se jettent sur les moutons, leur arra-
chent un membre et y mordent à belles
dents. Après quoi, de leur couteau, au
ras de leurs lèvres, ils détachent ce qui,
même pour un appétit touareg, serait
vraiment de trop pour une bouchée.
Même pour manger, ils ont conservé
le litham, ce voile indigo qui leur
recouvre jusqu'aux yeux tout le bas du
visage. Les moteurs des Touareg sont
curieuses. Monogames, ils ont cependant
droit légitimement, si l'on peut dire, à
des concubines, mais l'épouse jouit dans
la famille d'une autorité prépondérante.
AKHMMODK, AMENNOKAi DES TOUAREG HOOOARS
C'est le régime du matriarchat, auquel, le
crois, aspirait Héra MyrteL Eh bien l elle
n'avait qu'à venir au Hoggar 1
Les dames, poursuit M. Audouin, n'assis-
taient pas au repas. Elles nous atteiv
daient à distance. Conduites par leurs
maris, nous allons vers elles, mais sitôt
que nous sommes en leur présence, discrè-
tement, les hommes se retirent. Peaux de
cuivre clair, yeux charbonneux, attaches
fines. Le lieutenant Estienne, qui s'inté-
resse particulièrement à l'ethnographie
féminine, les trouve charmantes. Aucun
litliam, heureusement, ne voile l'ovale
allongé de leur visage. Elles nous regar-
dent avec une tranquille fierté et lèvent,
pour la salut, une main délicate où cha-
cun de leurs doigts s'orne d'une bague
grosse comme une pièce de quarante sous.
Aimable pays, où, me dit-on, les'jounes
ftlles sont autorisées à jeter leur gourme
comme les garçons en France. Il -paraît,
d'ailleurs, que sitôt mariées, leur fidélité
est exemplaire. s
Si nous tentions, monsieur Audouin.
d'acclimater ces mœurs chez nous ?
M. Audouin sourit, mais je crois com-
prendre qu'il n'a pas entrepris pour cela
la traversée du désert.
La tempéte de sable
Nous campons à Tit, poursuit le
jeune explorateur, et nous en repartons le
lendemain à la tombée de la nujt. Peu à
peu, les. aspérités du sol s'apaisent, les
montagnes violettes et roses du Hoggar
ont fait place à un sol plat, sur lequel
nous roulons rapidement.
Le 29, vers midi, nous sommes déjà en
plein Tanezrouft, l'horrible pays de la
soif
C'est ici, reprend Ni. Audouin, après
un silence, qu'il nous a fallu la foi et quel-
que audace pour passer. Espérant trouver
un terrain plus favorable, nous avons em-
prunté un itinéraire qui n avait jamais
été employé par aucune des caravanes qui
se sont aventurées dans ce pays maudit,
Mais les difficultés se sont trouvées plus
grandes que nous ne l'avions prévu. Après
Sitôt, nous rencontrons pendant cinquante
kilomètres un sable extrêmement mou,
sur -lequel, seules, nos chenilles pouvaient
passer.
Le 30 décembre, soudain, un vent se
lève, très rapide et très froid. Le sable est
soulevé en masses immenses, qui obscur-
cissent le soleil. Malgré nos lunettes et le
« cneich » (grand foulard qui nous enserre
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