Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1869-02-07
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 07 février 1869 07 février 1869
Description : 1869/02/07 (Numéro 2229). 1869/02/07 (Numéro 2229).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k590280j
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/07/2008
librairie du Petit Journal
Abonnement» Paris
TROIS VOIS 5 FR.
SIX MOIS Ô FR.
QUOTIDIEN
UN NUMERO au CENTIMES
Abonnements Départ*
TROIS mois 6 En;
SIX MOIS 12FR.
EN AN. 24 FR.
I Septième Année il6
Dimanche 7 février 1869
Tirage du Petit Journal:
SAMEDI 6
la». TURQUIE EXPLlàtJ^iE
A UN TURC DE CARNAVAL\^
J'ai toujours rêve à là Turquie, ce pays
des gaillards forts, où l'homme porte en-
core eette robe biblique, qui fait si bien
ressortir la mâle beauté de sa majesté
J'ai toujours aimé cette terre d'Orient,
sur l'herbe de laquelle les gnomes, les pé-
ris et les génies dès Mille et une nuits cou-
rent d'un pas si léger
Je me représente le Bazar plein de
merveilles a vendre; le harem mysté-
rieux où chantent les sultanes dans un
doux unisson; le niuezzin, qui jette l'heu-
re aux cités endormies du haut de sa tour,
voisine des étoiles.
Si j'avais des dispositions à devenir ca-
notier, je voudrais pousser mon bachot sur
le Bosphore et jeter mon filet pour voir
si je n'en retirerais pas quelque sultane
endormie comme une ond.ine, dans les
vertes végétations qui tapissent son lit
humide.
Hélas à Paris, noue .n'avons que, le
Jardin-Turc, dont le restaurant Bonvalet
a absorbé les derniers vestiges.
Puis le Collége Turc, où les j eunes mu-
sulmans sont appelés à apprendre les* grâ-
ces et les vertus françaises.
Et enfin les Têtes de Turcs, sur lesquelles
on essaie ses forces dans nos foires, sym-
bole qui n'a rien d'offensant pour la va-
nité ottomane, puisqu'on a pris l'emblème
de sa nationalité pour un obstacle à vain-
cre, une difficulté a surmonter, un crite-
rium de la puissance physique.
vv)r, j'ai rencontré hier, vendredi, deux
choses qui, bien qu'absolument dissem-
blables, ont entre elles quelques points
de corrélation.
Ce sont d'abord les épreuves d'un livre
de mon excellent ami Alfred de Caston,
intitulé Constantinople en 4869.
Puis, quatre heures plus tard, un Mu-
sulman mélancolique qui sortait d'un bal
public.
Ce n'était pas un Musulman véritable,
mais bien un Turc de carnaval, qui avait
loué pour un écu sa veste et son turban.
feuilleton du 1 Février i869
LES
MANSARDES DE PARIS
̃̃̃̃̃̃̃̃̃̃<]̃̃
'.̃ IiXIV ̃
Va. Duel nocturne
Nous avons laissé Gontran, ou moment
où, glacée d'épouvanté, Juliette le quittait,
pour aller à la recherche de Mme d'Orvado.
Gontran ignorait ce qui s'était passé, mais
aux paroles de Juliette, il s'était senti pris
d'une vague inquiétude, et s'était empressé
de se mêler aux groupes, dans l'espoir d'y
apprendre la cause des rumeurs qui étaient
venues jusqu'à lui.
Mais les jeunes gens qu'il connaissait
Vair le Petit Journal demiis le 4 décembre),
7~«JÇFn charmant esprit, Auguste Villemot,
̃a^apjnté, il y a dix ans, la mélancolie
déguisé en troubadour.
j* 5*11 a^bjeau se battre les flancs sous son
ti'À vçst^sement de dessus de pendule.
ne s'amuse pas du tout.
̃f If-s/traîne tristement dans son traves-
4i§s«(ment à travers les rares curieux qui
le règardent il a l'air consterné comme
la plume de son chapeau.
'Ainsi était mon Turc d'hier au soir.
Il avait beau porter le pantalon rouge,
la robe ample, avoir le turban d'Aroun-
àl-Raschild au front, le poignard recour-
bé à la ceinture, et sentir l'odeur des pas-
tilles du sérail qu'on vend sur le trottoir
de la rue Vivienne. il n'était pas fort
comme un Turc.
J'avais eu le temps, dans la journée,
de parcourir les premières pages du livre
d'Alfred de Caston.
J'y avais vu des rectifications de faits
qui possèdent bien leur importance.
Or, ce Turc du Carnaval que je ve-
nais de rencontrer d'une façon si inopi-
née n'était pas absolument un étranger
pour moi
C'est un ancien concierge qui, devenu
veuf, a voulu jouir de la vie et a donné,
dans ses saturnales carnavalesques, par
une sorte de religion professionnelle
la préférence au costume de la Sublime
Porte.
Bien qu'il ait eu pour locataires des lit-
térateurs, des membres de l'Institut, voire
des académiciens, il n'est pas très ferré
sur les nuances qui distinguent les na-
tionalités diverses.
Il n'aurait probablement rien compris
à la Conférence de Paris qui a été chargée
d'examiner le différend turco-grec.
Et il n'envoya jamais à ses opposants
le cordon comme ordre dé suicide, ainsi
que le faisaient les anciens sultans à ceux
qui avaient encouru la disgrâce.
Dans sa loge, par taquinerie ou par
vengeance, il se contentait de ne pas le
leur tirer.
Je crois fermement que l'éducation po-
pulaire doit être avant tout un enseigne-
ment mutuel.
Je venais de lire ce livre remarquable
d'Alfred de Caston, tout fraîchement ar-
rivé de Constantinople, et comme je
vis que mon Turc n'était pas du tout au
courant des mœurs ottomanes au dix-
neuvième siècle, je me suis permis de
lui enseigner ce que l'ouvrage de mon
camarade m'en avait appris.
Finard, Robert, etc., n'en savaient pas plus
'long que lui, et il les quitta bien vite, pour
chercher d'autresren seignemen ts plus précis.
Or, pendant que Gontran errait ainsi, in-
terrogeant ou écoutant ceux qu'il rencontrait,
une étrange et mystérieuse aventure arrivait
au comte des Aiglades.
La. nouvelle de l'enlèvement de Clo tilde
l'avait particulièrement frappé, et s'il n'avait
pensé d'abord à un bruit erroné, peut-être
ëût-il commencé par fuir lui-même pour se
mettre en sûreté.
Mais, dès les premiers moments, il avait
été entouré, questionné par des amis, on
avait fait cercle autour de lui, etil s'était
trouvé dans l'impossibilité de quitter l'hôtel.
Enfermé dans les salons, il répondait aux
uns et aux autres, ordonnait et dirigeait, et
s'efforçait ainsi, en quelque, sorte, de donner
le çhangë à ses propres terreurs.
Mais qnand il eut vu les invités disparaî-
tre un à un, quand la fièvre, qui s'était em-
parée de lui, se fut un peu calmée, et qu'il
se vit à peu près seul, il ordonna à un valet
de faire avancer son coupé, et sa dirigea lui-
même vers la terrasse..
Mais sur la terrasse il trouva deux hom-
mes qui lui barrèrent le passage.
Deux ho nmes à figure suspecte.
On ne passe pas par ici. dit un des
1 hommes avec une politesse relative.
Si une science intime et d'existence
toute nouvelle ne vous déplaît pas, mon
cher lecteur, il vous suffira de lire ici les
développements que j'ai cru devoir lui
donner.
Quand Talma jouait Orosmane, il étu-
diait l'histoire de la Turquie avant de se
présenter sur la scène.
Mon Turc. de Carnaval avait tort de
ne pas suivre un aussi illustre exemple et
de revêtir un costume en ignorant com-
plètement le caractère qu'il devait repré-
sentër.
Et je résolus de le mettre au courant
des progrès de la Turquie moderne.
Sa première erreur consistait croire
que les Musulmans ont plusieurs femmes.
Alfred de Caston soutient que les ha-
rems s'en vont et que la multiplicité des
femmes a fait son temps.
Au harem,, dit Alfred de Caston, de-
meurent ensemble la mère, la femme, les
filles et les sœurs du maître de la maison.
Dans le ménage le mieux assorti, chacun
vit de son côté, car une fausse interpré-
tation du Coran est cause que le mari ne
prend jamais ses repas avec sa femme.
Cette coutume est incontestablement
déplorable, et tout porte à croire qu'elle
est à la veille de disparaître. Je ne con-
nais dans Constantinople qu'un Mahomé-
tan, Egyptien d'origine, qui ait le cou-
rage de se promener avec sa femme et de
lui offrir le bras.
Aujourd'hui, il est hors de discussion,
pour tous les amis de la Turquie, que la
vie de harem a fait son temps.
Ce qui doit, dit M. Alfred de Caston,
faire tirer le rideau de satin de tous les
harems restants, c'est la question pécu-
niaire.
Les choses valent, en 1869, trois fois ce
qu'elles coûtaient en 1840. La propriété,
la vie, la main-d'œuvre, tout a triplé,
quadruplé de prix. Lancés dans le tour-
billon d'une civilisation nouvelle, les
Turcs ont, depuis trente ans, englouti la
moitié de leur fortune.
L'entretien d'un harem coûte si cher
que bientôt personne ne pourra plus en
tenir un, dans un état convenable. Quant
aux marchands, aux employés, aux hom-
mes du peuple, où trouveraient-ils de
l'argent?
Je suis, du reste, heureux de'pouvoir
affirmer, ajoute Alfred de Caston, que je
n'ai pas vu un seul pacha, exerçant de
hautes fonctions, avoir plusieurs femmes.
Tous ceux que j'ai eu l'honneur de con-
naître vivaient avec une épouse légitime,
et les personnes qui connaissent la Tur-
quie savent qu'entretenir une concubine
Mais par où donc passe- t-on? demanda
lecomte surpris.
Je l'ignore.
Voilà qui est singulier.
C'est l'ordre.
L'ordre de qui? ̃̃̃
Tout ce que nous savons; c'est qu'on ne
passe pas.
Le comte ne crut pas devoir insister.
Il se retira.
Mais son inquiétude avait augmenté, et il
comprit qu'il était prudent de ne pas s'at-
tarder dans ces parages.
Il traversa le vestibule, prit par l'office, et
gagna une porte qui donnait sur un petit
bouquet de lilas, retrait charmant où il avait
passé bien des heures, en compagnie de Mme
d'Orvado.
Il poussa la porte, et allait descendre les
trois marches de l'escalier, quand il vit se
dresser deux ombres devant lui.
Il recula en frissonnant.
On ne passe pas dit une des deux
ombres.
Mais cette consigne ne peut s'adresser
à moi protesta le comte.
Ça, je n'en sais rien, répliqua l'ombre.
Cependant.
Cependant. si vous voulez sortir, al-
lez vous faire reconnaître ù, celui qui nous a
dans son harem, ou en dehors de sa mai-
son, est chose cent fois plus difficile â,
taire Constantinople que dans toutes
les autres capitales de l'Europe.
Ainsi, dis-je à mon Turc de carna-
val, vous courez au bal en donnant le
bras à une danseuse, et vous cherchez à
la'remphcer d'heure en heure, par amour
de la variété Vous êtes un faux Turc,
un Turc de 1869 ne donne pas le bras aux
dames et. surtout. n en prend pas
plusieurs..
Le commerce des Turcs avec l'Eurôpei
s'étant étendu immensément. le Turc.
ne jette plus le
mieux le vendre.
^11 y a, mon cher masque,1 *ô1î)Feirbaï!
où vous allez rentrer.
ques de contrebande.
Les costumiers de Paris ne leur ont pas
donné la toilette régulière.des filles. de,
Constantinople.
La femme musulmane, dit Alfred de*
Caston, porte une longue chemise qui re-f
monte jusqu'au cou. L'étoffe est en soie;
1 de Brousse ou en gaze pour les femmes
riches; les autres ont des chemises semez
blables, également fermées sur la poi-s"
trine, mais en tissus moins fins. 2
Elles ont toutes de larges caleçons en%Ç
fermés dans des pantalons dont une ex-
trémité s'attache à la hauteur de la cèin-
ture et une petite veste de dessous, nom-
mée ielek, tandis que les extrémités infé-
rieures sont serrées autour de la jambe,,
au-dessus de la cheville.
Quand elles franchissent le seuil du,
harem, elles recouvrent ce costume léger
d'un vaste féredjé c'est un grand man-
teau sans manches, qui les enveloppent,
en dissimulant leurs formes, depuis la*
naissance du cou jusqu'aux pieds.
La tête est recouverte ou plutôt abritée.:
par le Iaschmak. «
Et puis, mon cher musulman, du "bal
masqué, sachez que la femme turque doit:
être rentrée dans sa demeure avant -la,
nuit; aussi, sur le déplin du jour, les voit--
on remonter prestement dans leurs voitu-
res ou regagner les caïq 2, 4, 6, 8, ou.;
même 10 paires de rames. Ce nombre
n'est jamais dépassé que pour les embar-/
cations impériales. Un riche, tapis, tout*
couvert d'or, dont les franges tombent;
dans le fleuve, voilà la suprême élégance;
des femmes turques, qui ne vont jamais
souper en ville. .& -là
Vous croyez peut-être, mon-cher mas-
que, qu'il est indigne d'un fils de Maho-
met, comme vous. d'acheter le Petit
Mais où est-il cet homme 1
Il est dans la serre.
Le comte des Aiglades revint sur ̃̃̃-̃•- ̃̃*̃̃̃>
Une sourde irritation grondait dans SI
poitrine l'idée-de ce danger inconnu dont il
était menacé l'affolait, son sang brûlait ses,
veines, une fureur aveugle précipitait les
battements de son coeur.
On lui avait dit d'aller à la serre, et il
n'osait s'y rendre.
Le mieux eût été de sauter par une fenêtre
et de gagner les Champs-Élysées, à travers
le parc.
Quand l'idée lui en vint un moment, il s y
accrocha, comme s'accroche à un faibie sx-
buste l'homme qui se noie et que le courant
fatal entraîne.
Il rentra donc dans les appartements et
arriva en peu d'instants à la salle d'armes,
qui donnait précisément sur un fourré où'
nul ne devait veiller.
Il courut avec empressement à la fenêtre,
mais comme il allait l'atteindre, il se ren-
contra avec un homme qui fit un mouve-
ment et jeta un cri en:l'apercevant. •
Un coup d'ceil suffit au comte pour recon-^
naître cet indiscret.
C'était Gontran.
Gontran était là depuis quelque minutes??
Qu'y faisait-il?
Abonnement» Paris
TROIS VOIS 5 FR.
SIX MOIS Ô FR.
QUOTIDIEN
UN NUMERO au CENTIMES
Abonnements Départ*
TROIS mois 6 En;
SIX MOIS 12FR.
EN AN. 24 FR.
I Septième Année il6
Dimanche 7 février 1869
Tirage du Petit Journal:
SAMEDI 6
la». TURQUIE EXPLlàtJ^iE
A UN TURC DE CARNAVAL\^
J'ai toujours rêve à là Turquie, ce pays
des gaillards forts, où l'homme porte en-
core eette robe biblique, qui fait si bien
ressortir la mâle beauté de sa majesté
J'ai toujours aimé cette terre d'Orient,
sur l'herbe de laquelle les gnomes, les pé-
ris et les génies dès Mille et une nuits cou-
rent d'un pas si léger
Je me représente le Bazar plein de
merveilles a vendre; le harem mysté-
rieux où chantent les sultanes dans un
doux unisson; le niuezzin, qui jette l'heu-
re aux cités endormies du haut de sa tour,
voisine des étoiles.
Si j'avais des dispositions à devenir ca-
notier, je voudrais pousser mon bachot sur
le Bosphore et jeter mon filet pour voir
si je n'en retirerais pas quelque sultane
endormie comme une ond.ine, dans les
vertes végétations qui tapissent son lit
humide.
Hélas à Paris, noue .n'avons que, le
Jardin-Turc, dont le restaurant Bonvalet
a absorbé les derniers vestiges.
Puis le Collége Turc, où les j eunes mu-
sulmans sont appelés à apprendre les* grâ-
ces et les vertus françaises.
Et enfin les Têtes de Turcs, sur lesquelles
on essaie ses forces dans nos foires, sym-
bole qui n'a rien d'offensant pour la va-
nité ottomane, puisqu'on a pris l'emblème
de sa nationalité pour un obstacle à vain-
cre, une difficulté a surmonter, un crite-
rium de la puissance physique.
vv)r, j'ai rencontré hier, vendredi, deux
choses qui, bien qu'absolument dissem-
blables, ont entre elles quelques points
de corrélation.
Ce sont d'abord les épreuves d'un livre
de mon excellent ami Alfred de Caston,
intitulé Constantinople en 4869.
Puis, quatre heures plus tard, un Mu-
sulman mélancolique qui sortait d'un bal
public.
Ce n'était pas un Musulman véritable,
mais bien un Turc de carnaval, qui avait
loué pour un écu sa veste et son turban.
feuilleton du 1 Février i869
LES
MANSARDES DE PARIS
̃̃̃̃̃̃̃̃̃̃<]̃̃
'.̃ IiXIV ̃
Va. Duel nocturne
Nous avons laissé Gontran, ou moment
où, glacée d'épouvanté, Juliette le quittait,
pour aller à la recherche de Mme d'Orvado.
Gontran ignorait ce qui s'était passé, mais
aux paroles de Juliette, il s'était senti pris
d'une vague inquiétude, et s'était empressé
de se mêler aux groupes, dans l'espoir d'y
apprendre la cause des rumeurs qui étaient
venues jusqu'à lui.
Mais les jeunes gens qu'il connaissait
Vair le Petit Journal demiis le 4 décembre),
7~«JÇFn charmant esprit, Auguste Villemot,
̃a^apjnté, il y a dix ans, la mélancolie
déguisé en troubadour.
j* 5*11 a^bjeau se battre les flancs sous son
ti'À vçst^sement de dessus de pendule.
ne s'amuse pas du tout.
̃f If-s/traîne tristement dans son traves-
4i§s«(ment à travers les rares curieux qui
le règardent il a l'air consterné comme
la plume de son chapeau.
'Ainsi était mon Turc d'hier au soir.
Il avait beau porter le pantalon rouge,
la robe ample, avoir le turban d'Aroun-
àl-Raschild au front, le poignard recour-
bé à la ceinture, et sentir l'odeur des pas-
tilles du sérail qu'on vend sur le trottoir
de la rue Vivienne. il n'était pas fort
comme un Turc.
J'avais eu le temps, dans la journée,
de parcourir les premières pages du livre
d'Alfred de Caston.
J'y avais vu des rectifications de faits
qui possèdent bien leur importance.
Or, ce Turc du Carnaval que je ve-
nais de rencontrer d'une façon si inopi-
née n'était pas absolument un étranger
pour moi
C'est un ancien concierge qui, devenu
veuf, a voulu jouir de la vie et a donné,
dans ses saturnales carnavalesques, par
une sorte de religion professionnelle
la préférence au costume de la Sublime
Porte.
Bien qu'il ait eu pour locataires des lit-
térateurs, des membres de l'Institut, voire
des académiciens, il n'est pas très ferré
sur les nuances qui distinguent les na-
tionalités diverses.
Il n'aurait probablement rien compris
à la Conférence de Paris qui a été chargée
d'examiner le différend turco-grec.
Et il n'envoya jamais à ses opposants
le cordon comme ordre dé suicide, ainsi
que le faisaient les anciens sultans à ceux
qui avaient encouru la disgrâce.
Dans sa loge, par taquinerie ou par
vengeance, il se contentait de ne pas le
leur tirer.
Je crois fermement que l'éducation po-
pulaire doit être avant tout un enseigne-
ment mutuel.
Je venais de lire ce livre remarquable
d'Alfred de Caston, tout fraîchement ar-
rivé de Constantinople, et comme je
vis que mon Turc n'était pas du tout au
courant des mœurs ottomanes au dix-
neuvième siècle, je me suis permis de
lui enseigner ce que l'ouvrage de mon
camarade m'en avait appris.
Finard, Robert, etc., n'en savaient pas plus
'long que lui, et il les quitta bien vite, pour
chercher d'autresren seignemen ts plus précis.
Or, pendant que Gontran errait ainsi, in-
terrogeant ou écoutant ceux qu'il rencontrait,
une étrange et mystérieuse aventure arrivait
au comte des Aiglades.
La. nouvelle de l'enlèvement de Clo tilde
l'avait particulièrement frappé, et s'il n'avait
pensé d'abord à un bruit erroné, peut-être
ëût-il commencé par fuir lui-même pour se
mettre en sûreté.
Mais, dès les premiers moments, il avait
été entouré, questionné par des amis, on
avait fait cercle autour de lui, etil s'était
trouvé dans l'impossibilité de quitter l'hôtel.
Enfermé dans les salons, il répondait aux
uns et aux autres, ordonnait et dirigeait, et
s'efforçait ainsi, en quelque, sorte, de donner
le çhangë à ses propres terreurs.
Mais qnand il eut vu les invités disparaî-
tre un à un, quand la fièvre, qui s'était em-
parée de lui, se fut un peu calmée, et qu'il
se vit à peu près seul, il ordonna à un valet
de faire avancer son coupé, et sa dirigea lui-
même vers la terrasse..
Mais sur la terrasse il trouva deux hom-
mes qui lui barrèrent le passage.
Deux ho nmes à figure suspecte.
On ne passe pas par ici. dit un des
1 hommes avec une politesse relative.
Si une science intime et d'existence
toute nouvelle ne vous déplaît pas, mon
cher lecteur, il vous suffira de lire ici les
développements que j'ai cru devoir lui
donner.
Quand Talma jouait Orosmane, il étu-
diait l'histoire de la Turquie avant de se
présenter sur la scène.
Mon Turc. de Carnaval avait tort de
ne pas suivre un aussi illustre exemple et
de revêtir un costume en ignorant com-
plètement le caractère qu'il devait repré-
sentër.
Et je résolus de le mettre au courant
des progrès de la Turquie moderne.
Sa première erreur consistait croire
que les Musulmans ont plusieurs femmes.
Alfred de Caston soutient que les ha-
rems s'en vont et que la multiplicité des
femmes a fait son temps.
Au harem,, dit Alfred de Caston, de-
meurent ensemble la mère, la femme, les
filles et les sœurs du maître de la maison.
Dans le ménage le mieux assorti, chacun
vit de son côté, car une fausse interpré-
tation du Coran est cause que le mari ne
prend jamais ses repas avec sa femme.
Cette coutume est incontestablement
déplorable, et tout porte à croire qu'elle
est à la veille de disparaître. Je ne con-
nais dans Constantinople qu'un Mahomé-
tan, Egyptien d'origine, qui ait le cou-
rage de se promener avec sa femme et de
lui offrir le bras.
Aujourd'hui, il est hors de discussion,
pour tous les amis de la Turquie, que la
vie de harem a fait son temps.
Ce qui doit, dit M. Alfred de Caston,
faire tirer le rideau de satin de tous les
harems restants, c'est la question pécu-
niaire.
Les choses valent, en 1869, trois fois ce
qu'elles coûtaient en 1840. La propriété,
la vie, la main-d'œuvre, tout a triplé,
quadruplé de prix. Lancés dans le tour-
billon d'une civilisation nouvelle, les
Turcs ont, depuis trente ans, englouti la
moitié de leur fortune.
L'entretien d'un harem coûte si cher
que bientôt personne ne pourra plus en
tenir un, dans un état convenable. Quant
aux marchands, aux employés, aux hom-
mes du peuple, où trouveraient-ils de
l'argent?
Je suis, du reste, heureux de'pouvoir
affirmer, ajoute Alfred de Caston, que je
n'ai pas vu un seul pacha, exerçant de
hautes fonctions, avoir plusieurs femmes.
Tous ceux que j'ai eu l'honneur de con-
naître vivaient avec une épouse légitime,
et les personnes qui connaissent la Tur-
quie savent qu'entretenir une concubine
Mais par où donc passe- t-on? demanda
lecomte surpris.
Je l'ignore.
Voilà qui est singulier.
C'est l'ordre.
L'ordre de qui? ̃̃̃
Tout ce que nous savons; c'est qu'on ne
passe pas.
Le comte ne crut pas devoir insister.
Il se retira.
Mais son inquiétude avait augmenté, et il
comprit qu'il était prudent de ne pas s'at-
tarder dans ces parages.
Il traversa le vestibule, prit par l'office, et
gagna une porte qui donnait sur un petit
bouquet de lilas, retrait charmant où il avait
passé bien des heures, en compagnie de Mme
d'Orvado.
Il poussa la porte, et allait descendre les
trois marches de l'escalier, quand il vit se
dresser deux ombres devant lui.
Il recula en frissonnant.
On ne passe pas dit une des deux
ombres.
Mais cette consigne ne peut s'adresser
à moi protesta le comte.
Ça, je n'en sais rien, répliqua l'ombre.
Cependant.
Cependant. si vous voulez sortir, al-
lez vous faire reconnaître ù, celui qui nous a
dans son harem, ou en dehors de sa mai-
son, est chose cent fois plus difficile â,
taire Constantinople que dans toutes
les autres capitales de l'Europe.
Ainsi, dis-je à mon Turc de carna-
val, vous courez au bal en donnant le
bras à une danseuse, et vous cherchez à
la'remphcer d'heure en heure, par amour
de la variété Vous êtes un faux Turc,
un Turc de 1869 ne donne pas le bras aux
dames et. surtout. n en prend pas
plusieurs..
Le commerce des Turcs avec l'Eurôpei
s'étant étendu immensément. le Turc.
ne jette plus le
mieux le vendre.
^11 y a, mon cher masque,1 *ô1î)Feirbaï!
où vous allez rentrer.
ques de contrebande.
Les costumiers de Paris ne leur ont pas
donné la toilette régulière.des filles. de,
Constantinople.
La femme musulmane, dit Alfred de*
Caston, porte une longue chemise qui re-f
monte jusqu'au cou. L'étoffe est en soie;
1 de Brousse ou en gaze pour les femmes
riches; les autres ont des chemises semez
blables, également fermées sur la poi-s"
trine, mais en tissus moins fins. 2
Elles ont toutes de larges caleçons en%Ç
fermés dans des pantalons dont une ex-
trémité s'attache à la hauteur de la cèin-
ture et une petite veste de dessous, nom-
mée ielek, tandis que les extrémités infé-
rieures sont serrées autour de la jambe,,
au-dessus de la cheville.
Quand elles franchissent le seuil du,
harem, elles recouvrent ce costume léger
d'un vaste féredjé c'est un grand man-
teau sans manches, qui les enveloppent,
en dissimulant leurs formes, depuis la*
naissance du cou jusqu'aux pieds.
La tête est recouverte ou plutôt abritée.:
par le Iaschmak. «
Et puis, mon cher musulman, du "bal
masqué, sachez que la femme turque doit:
être rentrée dans sa demeure avant -la,
nuit; aussi, sur le déplin du jour, les voit--
on remonter prestement dans leurs voitu-
res ou regagner les caïq 2, 4, 6, 8, ou.;
même 10 paires de rames. Ce nombre
n'est jamais dépassé que pour les embar-/
cations impériales. Un riche, tapis, tout*
couvert d'or, dont les franges tombent;
dans le fleuve, voilà la suprême élégance;
des femmes turques, qui ne vont jamais
souper en ville. .& -là
Vous croyez peut-être, mon-cher mas-
que, qu'il est indigne d'un fils de Maho-
met, comme vous. d'acheter le Petit
Mais où est-il cet homme 1
Il est dans la serre.
Le comte des Aiglades revint sur ̃̃̃-̃•- ̃̃*̃̃̃>
Une sourde irritation grondait dans SI
poitrine l'idée-de ce danger inconnu dont il
était menacé l'affolait, son sang brûlait ses,
veines, une fureur aveugle précipitait les
battements de son coeur.
On lui avait dit d'aller à la serre, et il
n'osait s'y rendre.
Le mieux eût été de sauter par une fenêtre
et de gagner les Champs-Élysées, à travers
le parc.
Quand l'idée lui en vint un moment, il s y
accrocha, comme s'accroche à un faibie sx-
buste l'homme qui se noie et que le courant
fatal entraîne.
Il rentra donc dans les appartements et
arriva en peu d'instants à la salle d'armes,
qui donnait précisément sur un fourré où'
nul ne devait veiller.
Il courut avec empressement à la fenêtre,
mais comme il allait l'atteindre, il se ren-
contra avec un homme qui fit un mouve-
ment et jeta un cri en:l'apercevant. •
Un coup d'ceil suffit au comte pour recon-^
naître cet indiscret.
C'était Gontran.
Gontran était là depuis quelque minutes??
Qu'y faisait-il?
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.72%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.72%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1" Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires Parti social français Parti social français /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Parti social français" or dc.contributor adj "Parti social français")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k590280j/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k590280j/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k590280j/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k590280j/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k590280j
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k590280j
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k590280j/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest