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Librairie du Petit Journal
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»«.™ 57h. QUOTIDIEN TROIS MOIS. 6 FR,
illî. UN numéro a centimes » r! S»
Septième Année': DO 2i22*8
Sam.edi 6 février 1869
.Tirage dn Petit Journal
YENDÏIEDI 5
tâ- LIEUTENANT. DE
Le Petit Journal ne serait pas digne de
son succès et de son incontestée popula-
rité s'il négligeait de s'occuper des héros
populaires. qui ont droit au respect et à
l'admiration de leurs contemporains.
Il vient de mourir à Poligny, départe-
ment du Jura, un héroïque et modeste
soldat, dont le nom mérite de demeurer
dans la mémoire publique.
Il s'appelait le capitaine Magnien et il
avait été le lieutenant des fameux 123
qui se sont rendus immortels par leur
bravoure, en 1840, sous le commandement
du célèbre capitaine Lelièvre.
Rién n'est saisissant comme le récit de
de l'action qui valut au capitaine Leliè-
v-r.e et à sa troupe leur légitime et glo-
rieuse renommée.
Le lieu du combat se nommait Maza-
Mazagran est une petite ville arabe,
abandonnée par les indigènes depuis no-
tre conquête de l'Afrique.
Elle est située à trois quarts de lieue de
Mostaganem.
Du 2 au 6 février 1840, Mostaganem
et Mazagran, situées tous deux dans la
province d'Oran, furent le but d'une nom-
breuse série d'attaques de la part des
troupes d'Abd-el-Kader.
Pour protéger Mazagran, on envoya
une compagnie de cent vingt-trois hom-
mes du Pr bataillon d'infanterie légère
d'Afrique.
C'était la 10° compagnie, commandée
par le capitaine Lelièvre.
Elle s'installa dans un chétif réduit, s'y
fortifia, et se tint prête à tout événement.
•̃•
Si je consulte le rapport de M. le lieu-
tenant général Guéheneuc, je trouve que
la ville même de Mazagran n'était oc-
cupée par aucune troupe française.
Les Arabes sachant que ce poste mili-
taîre n'était gardé que par une poignée de
Français, renfermés dans une mauvaise
bicoque et entourés de murailles presque
en ruines et construites en pierres sè-
ches, résolurent de l'avoir à tout prix.
Ils réunirent cent douze tribus. Ils des-
cendirent sur Mazagran le 3 février,
Feuilleton du 6 Février 1869
MANSARDES DE PARIS
LXIII
Une Revanc
Une confusion inouïe avait envahi les sa-
lons au cri poussé par la comtesse d'Orvado.
Mille questions se croisèrent de toutes parts,
et chaque invité se précipita à l'envi du côté
d'où le cri était parti.
Les valets allaient et venaient effarés, ré-
pondant distraitement aux interrogations
qui leur étaient adressées, et en moins, de
cinq minutes, le trouble eut pénétré dans
Voir le Petit Journal depuis le 4 décembre;
couvrirent avec une nombreuse cavale-
rie Mostaganem, pour empêcher toute
communication et envahirent facilement
'Avilie de Mazagran, qui n'était pas oc-
cupée.
ais la 10e compagnie troubla leur fa-
.cjle triomphe avec son feu. Aussi les Ara-
se mirent-ils à canonner pendant
tre jours le malheureux petit poste.
Dans.la défense de Mazagran, le capi-
taine Lelièvre avait, poui tout matériel
de guerre, une pièce de quatre, 40,000
cartouches, et un baril de poudre.
Les Arabes étaient au nombre de douze
à quinze mille, commandés par un lieute-
nant de l'émir, Mustapha-ben-Tami.
Un bataillon d'infanterie régulière ara-
be et deux pièces de canon accompa-
gnaient cette masse effrayante.
Les 123 Français allaient se battre un
contre cent.
lis n'hésitèrent pas un instant.
Malgré l'assaut continuel livré sur les
murs vacillants de leur redoute, ils y
maintinrent, le drapeau aux Trois Cou-
leurs..
C'était un vrai soldat, le capitaine Le-
lièvre qui commandait cette poignée de
Braves.
Il était né en 1800.
Il avait été.sous-officier au 15e régiment
de ligne avant la Révolution de Juillet.
Il avait fait, en 1830,.partie de l'expé-
dition d'Alger.
Il avait été nommé sous-lieutenant en
1830 et lieutenant aux bataillons d'infan-
terie légère d'Afrique, lors de leur for-
mation.
11 s'était distingué dans les combats
qui avaient eu lieu aux environs de Bou-
gie, alors qu'il avait enlevé à de nom-
breux Arabes, avec une centaine d'hom-
mes, le village de Darnassar.
Il y avait dix mois qu'il portait les
épaulettes de capitaine, quand il fut
chargé d'établir et de conserver un poste
devait Mazagran.
Les Arabes arrivaient en masse devant
cette compagnie de l'infanterie légère
d'Afrique qu'on appelait les Zéphirs.
On se battit durant quatre jours.
Le capitaine Lelièvre sut tirer un parti
immense de l'amas de pierres derrière le-
quel était établie la petite troupe qu'il
dirigeait, et aussi de sa position sur une
hauteur.
Chaque masse d'Arabes assaillants;
les endroits les plus éloignés du mouvement
de la fête.
Juliette fut une des dernières atteinte par
la fatale nouvelle.
Tout entière à la conversation qu'elle avait
engagée avec Gontran, elle ne prêtait qu'une
oreille indifférente à tout ce qui se passait à
ses côtés.
Mais lorsqu'elle entendit le murmure
gronder autour d'elle, et s'affirmer avec des
éclats de terreur et d'indignation, elle se
leva lourdement, inquiète, et courut arrêter
la première femme de service qui vint à
passer.
Louise. dit-elle, le geste impérieux;
qu'y a-t-il donc et que signifie
La camériste resta interdite à cette inter-
pellation.
C'est que. pardon. je ne sais, bal-
butia-t-elle.
Parlez 1
On dit.
Quoi ?
Que madame la conitesse.
Ma mère. achevez, eh bien?
Eh bien. on prétend. qu'elle visent
d'être enlevée.
Juliette pâlit et porta ses deux mains à sa
poitrine.
Ma mère! s'écria-t-elle avec effroi.
Et se tournant vers Gontran, stupéfait j
était reçue par une mousqueterie nourrie
et meurtrière.
On parvenait jusqu'aux murailles du
poste retranché. mais on ne pouvait
s'y tenir.
Les arabes tombaient comme des mou-
ches devant le feu de ces 123 héros.
Plusieurs fois le drapeau tricolore fut
renversé par les projectiles arabes.
Chaque fois il était relevé par la petite
garnison et replacé avec enthousiasme
sur la redoute si valeureusement défen-
due.
Après les premières journées de dé-
fense, le capitaine Le lièvre fit faire le
cercle à ses hommes et leur dit
Nos munitions s'épuisent, il faut
n'aborder dorénavant l'ennemi qu'à la
baïonnette. Nous avons encore donze
mille cartouches. ne les dépensons que
dans les moments extrêmes. quand elles
seront dépensées, nous mettrons le feu au
dernier baril de poudre qui nous reste.
nous nous ferons sauter plutôt que de
nous rendre. et cela aux cris de vive
la France! ;heureux de mourir pour
notre pays.
Il y a aujourd'hui jour pour jour, vingt-
neut alis que le haut fait des 123 zéphyrs
de Mazagran eut lieu.
Voici ce que portent les documents of-
ficiels de l'époque
M. Lelièvre capitaine, commandait
dans Mazagran; son énergie autant que
ses bonnes dispositions ont assuré le suc-
cès de cette mémorable défense. Les Zé-
phyrs.ï, enfermés dans le réduit, ,ont brûlé
de vingt-cinq à trente mille cartouches;
il ne leur en restait que dix mille au mo-
ment de la retraite des Arabes. Ils ont eu
trois hommes tués et seize blessés; l'en-
nemi a perdu cinq à six cents hommes
dans les quatre jours de combat. Pendant
la nuit qui a précédé la retraite, on a en-
tendu de grandes lamentations dans le
camp, ce qui fait croire que des chefs con-
sidérables ont succombé.
La faible garnison de Mostaganem, qui
entendait distinctement la canonade, es-
saya à plusieurs reprises de communiquer
avec Mazagran elle fut repoussée dans
ses murs par une formidable cavalerie.
Le lendemain de cette affaire, un silence
plus effrayant que celui des tombeaux ré-
gnait sur Mazagran. On n'apercevait plus
les vedettes arabes. Une reconnaissance
poussée avec prudence atteignit Maza-
gran.
Deux heures après, on vit arriver le
drapeau tricolore de cette brave garnison,
Entendez-vous, monsieur, interrogea-
t-elle, sur un ton violent. Cette fille m'an-
nonce que ma mère vient d'être victime d'un
guet-apens.
Mais c'est impossible! répliqua Gon-
tran.
Un amer sourire plissa les lèvres de Ju-
liette.
Une pensée cruelle venait de traverser son
esprit.
Pendant qu'elle était là, conversant émue
et troublée avec Goutran, un crime avait été
commis dont lui, Gontran, devait avoir eu
connaissance.
C'était odieux.
Tout son cœur se serra.
Jamais elle n'eût pu croire à une pareille
lâcheté, à une si profonde perfidie de la part
de cet homme, qu'elle estimait loyal et
droit.
Impossible! répondit-elle en tordant
ses mains; ah! vous deviez savoir. ce-
pendant
Quoi donc?
Ce sont vos amis, vos complices sans
doute qui viennent d'agir. et vous sa-
viez.
Moi!
Ne niez pas.
Je vous j ure.
Oh ma mère! ma mère Adieu, mon-
qui, semblable à un vieux drapeau de la
république et de l'empire, était déchiré
par les boulets et percé de mille trous de
balle. Il fut salué par douze coups de ca-
non les Français de Mostaganem em-
brassèrent avec une joie indescriptible
leurs braves camarades, qui venaient de
lutter si glorieusement contre une foule
de-barbares.
C'est ainsi que fut reçu le kalîfât
el-Kader, le belliqueux Moustapha-Ben^
Tami. •
Il se présenta devant Mazagran du 3 ai|
6 février 1840. 1
Les masures desquelles les Arabesas-1
siégeaient la petite garnison sont deve*
nues autant de riantes maisons d'un vil-1
lage français créé le 18 janvier 1846 et
annexé à la commune de Mostaganem, le
14 janvier 1854. Mazagran, bâtie en am-
phithéâtre, en vue de la mer, est terminée
dans sa partie supérieure par l'église et,
la colonne commémorative du fait d'armes
de 1840.
Sur la façade de l'église, on lit
cet-édifice-a-eté-constrvit-
avec-le-prodvit-national-d'une-r
SOVSCRIPTION-
en-commémoration-
dv-fait-d'armes-de-mazagr.&Sv
La colonne, d'ordre corinthien, est sur-
montée d'une statue de la France le-
nant un drapeau d'une main et de l'autre
une épée dont la pointe s'enfonce en
terre. L'inscription suivante est gravée
sur le socle de cette colonne
ICI-LES-III-IV-V-YI-FÉURIER-MDCCCXL-t"
CENT-VINGT-TROIS-FRA.NÇAIS
ONT-REPOUSSÉ-DANS- YN-FAIBLE-*
RÉDVIT-
les-assavts-d'vne-mvltitvde-
D'ARABES.
Aussi modeste qu'intrépide, le brave
qui commandait à ces braves n'a pas
voulu accaparer toute la gloire; mon-
trons-nous, comme lui, juste envers les
hommes placés sous ses ordres immédiats,,
et qui le secondèrent le plus dignement
c'est l'intrépide lieutenant Magnien, qui
n'abandonnait la brèche que'pour porter
secours aux blessés; c'est le sous-lieute-
nant Durand; ce sont les sergents Ville-
mot et Giroux, qui se multiplièrent, en
quelque sorte pour se trouver partout en
aide à leurs frères d'armes.
Rapporter les faits héroïques et Isolés
que ûrent briller ces mémorables jour-
sieur, mais prenez garde que cette violence
ne me rende à mon tour implacable et sans;
pitié pour ceux que vous aimez!
Et en proférant cette menace, elle s'élança
dans les salons, haletante, oppressée, l'es-
prit en proie aux terreurs les plus folles.
Les salons commençaient à se vider.
Chacun s'empressait de fuir une maison'
si peu sûre, et où la joie d'une fête pouvait
être troublée si vite par de pareils inci-
dents.
Quelques hommes seuls faisaient encore
bonne contenance, et cherchaient quelque
éclaircissements avant de s'éloigner.
Au moment où elle allait franchir les de-
grés du premier étage, Juliette se trouva en
présence du comte des Aiglades.
Ce dernier était soucieux; une pâleur li-
vide était répandue sur ses traits; il allait et
venait, n'osant fuir quoiqu'il se sentît frappé
comme à l'approche d'un danger réel.
Ah! c'est vous, s'écria Juliette, en ai-
lant à lui les mains tendues.
Juliette! fit le comte, qui, volontiers
l'eût évitée.
Ma mère. où est ma mère? interro"'
gea la jeune fille.
Mais je l'ignore..
C'est donc vrai, ce sue l'on 3ït«L"'
Que dit-on 2 ̃(̃•
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Septième Année': DO 2i22*8
Sam.edi 6 février 1869
.Tirage dn Petit Journal
YENDÏIEDI 5
tâ- LIEUTENANT. DE
Le Petit Journal ne serait pas digne de
son succès et de son incontestée popula-
rité s'il négligeait de s'occuper des héros
populaires. qui ont droit au respect et à
l'admiration de leurs contemporains.
Il vient de mourir à Poligny, départe-
ment du Jura, un héroïque et modeste
soldat, dont le nom mérite de demeurer
dans la mémoire publique.
Il s'appelait le capitaine Magnien et il
avait été le lieutenant des fameux 123
qui se sont rendus immortels par leur
bravoure, en 1840, sous le commandement
du célèbre capitaine Lelièvre.
Rién n'est saisissant comme le récit de
de l'action qui valut au capitaine Leliè-
v-r.e et à sa troupe leur légitime et glo-
rieuse renommée.
Le lieu du combat se nommait Maza-
Mazagran est une petite ville arabe,
abandonnée par les indigènes depuis no-
tre conquête de l'Afrique.
Elle est située à trois quarts de lieue de
Mostaganem.
Du 2 au 6 février 1840, Mostaganem
et Mazagran, situées tous deux dans la
province d'Oran, furent le but d'une nom-
breuse série d'attaques de la part des
troupes d'Abd-el-Kader.
Pour protéger Mazagran, on envoya
une compagnie de cent vingt-trois hom-
mes du Pr bataillon d'infanterie légère
d'Afrique.
C'était la 10° compagnie, commandée
par le capitaine Lelièvre.
Elle s'installa dans un chétif réduit, s'y
fortifia, et se tint prête à tout événement.
•̃•
Si je consulte le rapport de M. le lieu-
tenant général Guéheneuc, je trouve que
la ville même de Mazagran n'était oc-
cupée par aucune troupe française.
Les Arabes sachant que ce poste mili-
taîre n'était gardé que par une poignée de
Français, renfermés dans une mauvaise
bicoque et entourés de murailles presque
en ruines et construites en pierres sè-
ches, résolurent de l'avoir à tout prix.
Ils réunirent cent douze tribus. Ils des-
cendirent sur Mazagran le 3 février,
Feuilleton du 6 Février 1869
MANSARDES DE PARIS
LXIII
Une Revanc
Une confusion inouïe avait envahi les sa-
lons au cri poussé par la comtesse d'Orvado.
Mille questions se croisèrent de toutes parts,
et chaque invité se précipita à l'envi du côté
d'où le cri était parti.
Les valets allaient et venaient effarés, ré-
pondant distraitement aux interrogations
qui leur étaient adressées, et en moins, de
cinq minutes, le trouble eut pénétré dans
Voir le Petit Journal depuis le 4 décembre;
couvrirent avec une nombreuse cavale-
rie Mostaganem, pour empêcher toute
communication et envahirent facilement
'Avilie de Mazagran, qui n'était pas oc-
cupée.
ais la 10e compagnie troubla leur fa-
.cjle triomphe avec son feu. Aussi les Ara-
se mirent-ils à canonner pendant
tre jours le malheureux petit poste.
Dans.la défense de Mazagran, le capi-
taine Lelièvre avait, poui tout matériel
de guerre, une pièce de quatre, 40,000
cartouches, et un baril de poudre.
Les Arabes étaient au nombre de douze
à quinze mille, commandés par un lieute-
nant de l'émir, Mustapha-ben-Tami.
Un bataillon d'infanterie régulière ara-
be et deux pièces de canon accompa-
gnaient cette masse effrayante.
Les 123 Français allaient se battre un
contre cent.
lis n'hésitèrent pas un instant.
Malgré l'assaut continuel livré sur les
murs vacillants de leur redoute, ils y
maintinrent, le drapeau aux Trois Cou-
leurs..
C'était un vrai soldat, le capitaine Le-
lièvre qui commandait cette poignée de
Braves.
Il était né en 1800.
Il avait été.sous-officier au 15e régiment
de ligne avant la Révolution de Juillet.
Il avait fait, en 1830,.partie de l'expé-
dition d'Alger.
Il avait été nommé sous-lieutenant en
1830 et lieutenant aux bataillons d'infan-
terie légère d'Afrique, lors de leur for-
mation.
11 s'était distingué dans les combats
qui avaient eu lieu aux environs de Bou-
gie, alors qu'il avait enlevé à de nom-
breux Arabes, avec une centaine d'hom-
mes, le village de Darnassar.
Il y avait dix mois qu'il portait les
épaulettes de capitaine, quand il fut
chargé d'établir et de conserver un poste
devait Mazagran.
Les Arabes arrivaient en masse devant
cette compagnie de l'infanterie légère
d'Afrique qu'on appelait les Zéphirs.
On se battit durant quatre jours.
Le capitaine Lelièvre sut tirer un parti
immense de l'amas de pierres derrière le-
quel était établie la petite troupe qu'il
dirigeait, et aussi de sa position sur une
hauteur.
Chaque masse d'Arabes assaillants;
les endroits les plus éloignés du mouvement
de la fête.
Juliette fut une des dernières atteinte par
la fatale nouvelle.
Tout entière à la conversation qu'elle avait
engagée avec Gontran, elle ne prêtait qu'une
oreille indifférente à tout ce qui se passait à
ses côtés.
Mais lorsqu'elle entendit le murmure
gronder autour d'elle, et s'affirmer avec des
éclats de terreur et d'indignation, elle se
leva lourdement, inquiète, et courut arrêter
la première femme de service qui vint à
passer.
Louise. dit-elle, le geste impérieux;
qu'y a-t-il donc et que signifie
La camériste resta interdite à cette inter-
pellation.
C'est que. pardon. je ne sais, bal-
butia-t-elle.
Parlez 1
On dit.
Quoi ?
Que madame la conitesse.
Ma mère. achevez, eh bien?
Eh bien. on prétend. qu'elle visent
d'être enlevée.
Juliette pâlit et porta ses deux mains à sa
poitrine.
Ma mère! s'écria-t-elle avec effroi.
Et se tournant vers Gontran, stupéfait j
était reçue par une mousqueterie nourrie
et meurtrière.
On parvenait jusqu'aux murailles du
poste retranché. mais on ne pouvait
s'y tenir.
Les arabes tombaient comme des mou-
ches devant le feu de ces 123 héros.
Plusieurs fois le drapeau tricolore fut
renversé par les projectiles arabes.
Chaque fois il était relevé par la petite
garnison et replacé avec enthousiasme
sur la redoute si valeureusement défen-
due.
Après les premières journées de dé-
fense, le capitaine Le lièvre fit faire le
cercle à ses hommes et leur dit
Nos munitions s'épuisent, il faut
n'aborder dorénavant l'ennemi qu'à la
baïonnette. Nous avons encore donze
mille cartouches. ne les dépensons que
dans les moments extrêmes. quand elles
seront dépensées, nous mettrons le feu au
dernier baril de poudre qui nous reste.
nous nous ferons sauter plutôt que de
nous rendre. et cela aux cris de vive
la France! ;heureux de mourir pour
notre pays.
Il y a aujourd'hui jour pour jour, vingt-
neut alis que le haut fait des 123 zéphyrs
de Mazagran eut lieu.
Voici ce que portent les documents of-
ficiels de l'époque
M. Lelièvre capitaine, commandait
dans Mazagran; son énergie autant que
ses bonnes dispositions ont assuré le suc-
cès de cette mémorable défense. Les Zé-
phyrs.ï, enfermés dans le réduit, ,ont brûlé
de vingt-cinq à trente mille cartouches;
il ne leur en restait que dix mille au mo-
ment de la retraite des Arabes. Ils ont eu
trois hommes tués et seize blessés; l'en-
nemi a perdu cinq à six cents hommes
dans les quatre jours de combat. Pendant
la nuit qui a précédé la retraite, on a en-
tendu de grandes lamentations dans le
camp, ce qui fait croire que des chefs con-
sidérables ont succombé.
La faible garnison de Mostaganem, qui
entendait distinctement la canonade, es-
saya à plusieurs reprises de communiquer
avec Mazagran elle fut repoussée dans
ses murs par une formidable cavalerie.
Le lendemain de cette affaire, un silence
plus effrayant que celui des tombeaux ré-
gnait sur Mazagran. On n'apercevait plus
les vedettes arabes. Une reconnaissance
poussée avec prudence atteignit Maza-
gran.
Deux heures après, on vit arriver le
drapeau tricolore de cette brave garnison,
Entendez-vous, monsieur, interrogea-
t-elle, sur un ton violent. Cette fille m'an-
nonce que ma mère vient d'être victime d'un
guet-apens.
Mais c'est impossible! répliqua Gon-
tran.
Un amer sourire plissa les lèvres de Ju-
liette.
Une pensée cruelle venait de traverser son
esprit.
Pendant qu'elle était là, conversant émue
et troublée avec Goutran, un crime avait été
commis dont lui, Gontran, devait avoir eu
connaissance.
C'était odieux.
Tout son cœur se serra.
Jamais elle n'eût pu croire à une pareille
lâcheté, à une si profonde perfidie de la part
de cet homme, qu'elle estimait loyal et
droit.
Impossible! répondit-elle en tordant
ses mains; ah! vous deviez savoir. ce-
pendant
Quoi donc?
Ce sont vos amis, vos complices sans
doute qui viennent d'agir. et vous sa-
viez.
Moi!
Ne niez pas.
Je vous j ure.
Oh ma mère! ma mère Adieu, mon-
qui, semblable à un vieux drapeau de la
république et de l'empire, était déchiré
par les boulets et percé de mille trous de
balle. Il fut salué par douze coups de ca-
non les Français de Mostaganem em-
brassèrent avec une joie indescriptible
leurs braves camarades, qui venaient de
lutter si glorieusement contre une foule
de-barbares.
C'est ainsi que fut reçu le kalîfât
el-Kader, le belliqueux Moustapha-Ben^
Tami. •
Il se présenta devant Mazagran du 3 ai|
6 février 1840. 1
Les masures desquelles les Arabesas-1
siégeaient la petite garnison sont deve*
nues autant de riantes maisons d'un vil-1
lage français créé le 18 janvier 1846 et
annexé à la commune de Mostaganem, le
14 janvier 1854. Mazagran, bâtie en am-
phithéâtre, en vue de la mer, est terminée
dans sa partie supérieure par l'église et,
la colonne commémorative du fait d'armes
de 1840.
Sur la façade de l'église, on lit
cet-édifice-a-eté-constrvit-
avec-le-prodvit-national-d'une-r
SOVSCRIPTION-
en-commémoration-
dv-fait-d'armes-de-mazagr.&Sv
La colonne, d'ordre corinthien, est sur-
montée d'une statue de la France le-
nant un drapeau d'une main et de l'autre
une épée dont la pointe s'enfonce en
terre. L'inscription suivante est gravée
sur le socle de cette colonne
ICI-LES-III-IV-V-YI-FÉURIER-MDCCCXL-t"
CENT-VINGT-TROIS-FRA.NÇAIS
ONT-REPOUSSÉ-DANS- YN-FAIBLE-*
RÉDVIT-
les-assavts-d'vne-mvltitvde-
D'ARABES.
Aussi modeste qu'intrépide, le brave
qui commandait à ces braves n'a pas
voulu accaparer toute la gloire; mon-
trons-nous, comme lui, juste envers les
hommes placés sous ses ordres immédiats,,
et qui le secondèrent le plus dignement
c'est l'intrépide lieutenant Magnien, qui
n'abandonnait la brèche que'pour porter
secours aux blessés; c'est le sous-lieute-
nant Durand; ce sont les sergents Ville-
mot et Giroux, qui se multiplièrent, en
quelque sorte pour se trouver partout en
aide à leurs frères d'armes.
Rapporter les faits héroïques et Isolés
que ûrent briller ces mémorables jour-
sieur, mais prenez garde que cette violence
ne me rende à mon tour implacable et sans;
pitié pour ceux que vous aimez!
Et en proférant cette menace, elle s'élança
dans les salons, haletante, oppressée, l'es-
prit en proie aux terreurs les plus folles.
Les salons commençaient à se vider.
Chacun s'empressait de fuir une maison'
si peu sûre, et où la joie d'une fête pouvait
être troublée si vite par de pareils inci-
dents.
Quelques hommes seuls faisaient encore
bonne contenance, et cherchaient quelque
éclaircissements avant de s'éloigner.
Au moment où elle allait franchir les de-
grés du premier étage, Juliette se trouva en
présence du comte des Aiglades.
Ce dernier était soucieux; une pâleur li-
vide était répandue sur ses traits; il allait et
venait, n'osant fuir quoiqu'il se sentît frappé
comme à l'approche d'un danger réel.
Ah! c'est vous, s'écria Juliette, en ai-
lant à lui les mains tendues.
Juliette! fit le comte, qui, volontiers
l'eût évitée.
Ma mère. où est ma mère? interro"'
gea la jeune fille.
Mais je l'ignore..
C'est donc vrai, ce sue l'on 3ït«L"'
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