Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1869-02-04
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 février 1869 04 février 1869
Description : 1869/02/04 (Numéro 2226). 1869/02/04 (Numéro 2226).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k590277v
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/07/2008
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TROIS mois 5 FR.
SIX MOIS.
-UN AN. 18FR.
UN NUMÉRO § CENTIMES
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TROIS MOIS 6 FR: 1
SIX MOIS 12 FR.
m ut. 24 fr.
Septième) innie o° ;2j?26
Jeudi 4 février Î8C9
LES SURVIVANTS DE LA MEDUSE,
Les journaux ont annoncé, là semaine
passée, la mort d'un des naufragés de la
Méduse..
Il paraît que ce n'est as le dernier ac-
teur qui aurait figuré dans ce drame lu-
gubre.
Si nous en croyons le journal l'Union,
le dernier survivant habite Marseille.
Il a encore bon pied, bôn oeil, puisqu'il
remplit dans le port de. cette ville l'em-
ploi de surveillant des déchargements de
navires.
On l'appelle lé Capitaine de la Grue.
La feuille que je mets, à l'heure qu'il
est, à contribution, explique que le sur-
vivant du désastre de la Méduse, qui se
nomme Lange-Langet. n'est pas très
vieux.
Il était simple mousse sur l'embarcation
brisée.-
tTê naufrage dé la Méduse a été l'une des
scènes les plus dramatiques qui aient été
soumises à l'attention publique.
Aux horreurs de la tempête, aux fu-
reurs des flots, aux dangers d'une sub-
mersion imminente, se joignaient deux
souffrances terribles
La faim et la soif.
La Faim, cela se supporte encore, mais
elle fait naître la Soif, qui est la plus in-
concevable des souffrances de l'Homme.
On a parlé du supplice de Tantale qui,
ayant des aliments toutpr ès de sa portée,
ne pouvait parvenir à les toucher.
Qu'est-ce que cette torture imaginée
par l'antiquité, à côté des angoisses des
malheureux perdus sur le radeau de la
Méduse.
Remarquons que les infortunés étaient
entourés d'eau, puisqu'ils se trouvaient
en pleine mer.
Mais l'eau de la mer était impossible à
boire.
Et la vue de ce liquide ne faisait que
redoubler les misères des malheureux
abandonnés.
Spencer, le plus grand poëte du règne
d'EIisabeth d'Angleterre, vécut non-seu-
lement pauvre,
Feuilleton du 4 Février 1869
LES •̃
MANSARDES DE PARIS
-̃• lxi ̃̃̃ •
ta partie d'écarté
Ce fut une fête splendide et qui a laissé
des souvenirs profonds dans la mémoire de
ceux qui y assistèrent.
Mme d'Orvado occupait à Paris une de
ces situations qui laissent une grande lati-
tude à une femme et lui permettent de réu-
nir dans ses salons les illustrations de tous
les mondes parisiens.
Elle était jeune encore, belle toujours,
très riche et veuve.
Elle recevait avec un luxe inouï, et bien
que la chronique ne fût pas inventée à cette
époque, les journaux ne dédaignaient pas de
iemps à autre d'entretenir leurs lecteurs des
Mais mourut littéralement de faim.
;All tomba, faute d'aliments, dans une
:ni telle faiblesse.'
ÏZ te favori de la Reine, le brillant comte
;d*'|)ssex, apprit l'infortune du célèbre
poëte et lui envoya 20 livres sterling, en-
"viron 500 francs.
Hélas l'argent de l'élégant courtisan
arriva trop tard.
Spencer était au moment d'expirer.
Remportez, dit-il avec dignité, cet
argent. je serai mort de faim avant de
pouvoir m'en acheter du pain.
M. Lange-Langet, dont nous nous oc-
cupons, a couru non-seulement la chance
de mourir de faim comme le poëte Spen-
cer,
Mais même d'être mangé. fil
Il était mousse à bord du radeau de la
Méduse, dit le journal l'Union.
Il semblait désigné par le sort pour être
mangé par ses camarades.
Mais il était, ajoute la feuille citée,
d'une maigreur extrême!
Et on préféra consommer son cousin,
dont il mangea lui-même un morceau.
Un des acteurs du Radeau de la Méduse,
M. Corréard, qui doit être le père du li-
braire actuel, M. Corréard, de la rue
Christine, a laissé sur les horreurs du
naufrage de la Méduse, un ouvrage fort
remarquable et déjà rare.
La Méduse était un bâtiment qui portait
à son bord, tant passagers que marins,
quatre cents Français.
La Méduse était commandée par'un offi-
cier inhabile', le capitaine Chaumareys.
Quand le navire échoua, il fut pris de
mauvaises dispositions pour sauver l'é-
quipage.
On fit un radeau mal construit, et cent
cinquante-deux personnes s'y accrochè-
rent avec l'énergie du désespoir.
Quelques accidents nouveaux s'étant
produits, le capitaine Chaumareys lâcha
sa remorque.
Le radeau demeura seul entre le ciel
menaçant et la mer immense.
Et cent cinquante-deux Français eu-
rent à lutter, pendant treize jours, avec
la faim, la soif, la tempête et le soleil dé-
vorant du Tropique. en proie à toutes
les horreurs de la Calenturel
Savez-vous bien, ami Lecteur, ce qu'on
nomme la Calenture?
Baudelaire, dont la maison Michel Lévy
1 splendeurs de ses fêtes et de l'éclat de ses
réunions.
Ce soir-là, on peut dire que tout Paris y
était représenté. et cela tenait peut-être à
'certaines rumeurs étranges qui avaient
circulé, depuis quelques jours dans la capi-
tale, sur le compte de ce mystérieux hôtel.
Pourquoi ces bruits, on n'aurait pu le
dire. Ils n'avaient même pas précisément de
corps, et c'est vaguement que l'on parlait du
comte des Aiglades, de Juliette et de Clo-
tilde.
Dix heures étaient à peine sonnées que
déjà les salons étaient pleins.
La comtesse, radieuse, recevait ses invités
avec un sourire charmant et un entrain plein
de séduction.
Le comte des Aiglades allaitetvenait, por-
tant sur ses traits l'empreinte d'une satisfac-
tion non équivoque, et l'on disait déjà tout
bas, qu'il avait enfin triomphé des résistan-
ces de le belle veuve, et qu'un mariage pro-
chain allait consacrer et rendre définitive
une union qui, au su de tous, existait de fait
depuis bien longtemps.
Quant à Juliette, c'était la seule dont le
front gardât son impassibilité froide,*au mi-
lieu de ces visages, auxquels le plaisir com-
muniquait une animation factice.
A un moment cependant, un éclair tra-
versa son regard; ses joues pales 5e teigm-
réimprime les œuvres originales, le poëte
des Fleurs d-u mal, a dit
Comme deux anges que torture
Une implacable Calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain.
La calenture, en termes pathologiques,
est une sorte de délire furieux qui s'em-
pare souvent des navigateurs dans la zone
torride.
Et dont un des principaux caractères
est. le désir constant de se jeter à la
mer.
Géricâult a cloué?sur une toile immor-
telle la vue du radeau de la Méduse, au
moment même où de cent quarante-deux
les infortunés sont réduits. à quinze.
Le dernier survivant, M. Lange-Lan-
get, de Marseille, est probablement ce
mousse que Géricault a représenté dans
son remarquable tableau, et qui, soutenu
sur les épaules des autres naufragés, agite
un morceau de voile blanche, comme si-
gnal à un navire que l'on voit dans le
lointain.
M. Corréard a publié, sous la Res-
tauration, une relation de la catastrophe.
Il a montré le radeau sans boussole,
n'ayant pour guide unique que le lever et
le coucher du soleil.
On eut d'abord pour premier repas du
biscuit dont la pâte était mêlée à du vin.
C'étaient là les jours gras de ce radeau
terrible.
Puis le biscuit manquant, on tira au
sort ce qui en restait.
̃ Et on distxibua trois quartas de vin par
Alors, survinrent les nuits rï^ •
Nuits terribles, car la tempêté; comme
un revenant sinistre, faisait tapage.
Les vagues venaient prendre les hom-
mes sur le Radeau et les jetaient dans le
gouffre.
On était obligé de s'attacher au Radeau
avec des cordes.
On allait à tâtons, car l'obscurité était
complète.
Quelques infortunés furent étouffés par
le poids de leurs compagnons qui s'étaient
laissés tomber sur eux comme des masses
inertes.
Quand vint le jour, on découvrit dix à
douze morts sur le radeau
C'étaient des malheureux dont les jam-
bes s'étaient engagées dans les sépara-
tions qui existaient entre les pièces du
radeau. et qui n'avaient pu se déga-
rent d'une rougeur subite, et sous sa poi-
trine soulevée, On vit sourdre et palpiter une
émotion qu'elle avait peine à contenir.
Gontran venait d'entrer dans le salon où
elle se trouvait, et il avait marché droit à
elle, sans daigner jeter un regard sur ce
monde, dont il traversait les flots tumultueux
et bruyants.
Que venait faire Gontran à l'hôtel d'Or-
vado ?.
D'où vient qu'il ne craignait pas de s'en-
gager dans cette demeure, dont les hôtes s'é-
taient montrés si cruels envers ceux qu'il
aimait?
Le matin, il avait recu une invitation de
la part de Mme d'Orvad6. i.l s'était em-
pressé de la communiquer à Charmette, et,
chose inexplicable, c'est Gharmette elle-
même qui lui avait, pour ainsi dire, or-
donné d'aller à cette fête, à laquelle il était
convié.
Gontran n'avait pas demandé d'explica-
tion et il était venu.
Il salua Juliette dès qu'iI lut arrivé au-
près d'elle.
Je vous attendais,, monsieur, dit la
jeune fille, mais je ne dois'pas vous cacher
que je craignais que voulue vins siez pas.
Et pourquoi ? demanda Gont ran.
La manière dont nous nous sommes
quittées la dernière fois xjevaft me frire sup-
Alors ce sont les hommes qui jugeant U
mort inévitable commettent des excès..
Ils se ruent sur les tonneaux de vin.
les défpncent. et boivent à en perdre
la raison.
Ivres. ils veulent détruire le radeau
et précipiter l'horrible dénoûment.
On se bat. on se frappe. on se dé-
chire dans la nuit profonde. j,
Le sang coule. comme le vin avait
coulé!
Soixante-cinq hommes périrent dans
Et il y eut, dit Corréard, des affamés
qui, le lendemain, se ruèrent sur les ca-
paître! '̃ :v
« Toutefois, ajoute-t-il, beaucoup n'y
touchèrent pas; presque tous les officiers
furent de ce nombre.
» Voyant que cette affreuse nourriture
avait relevé les forces de ceux qui'
l'avaient employée, on proposa de la faire
sécher pour la rendre un peu plus supr
portable au goût.
» Nous essayâmes de manger des batï-
driers de sabre et des gibernes; nous par-
vînmes à en avaler quelques petits mor-
ceaux. Quelques-uns mangèrent du linge;
d'autres des cuirs de chapeau. »
« « enfin le quatrième soleil, depuis no-
tre départ, revint éclairer notre désastre,
et nous montrer dix ou douze de nos;
compagnons gisant sans vie sur le ra-^
deau. Nous donnâmes à leurs cadavres la
mer pour sépulture, n'en réservant qu'un
seul, destine à nourrir ceux qui, la veille,
avaient serré ses mains tremblantes^ j^
lui jurant uue amitié éternelle. »
On attendit la mort! &
Plus d'eau! et la soif était inextin-
guible.
On retrouva un citron et on faillit tuer'
celui qui voulait l'accaparer.
On se battit pour des gousses a au res-
tées au fond d'un petit sac!
Un passager avait de la liqueur alcoo--
lique pour nettoyer les dents. D en
donnait une ou deux gouttes dans le creux
de la main! comme un trésor 1
Dans le récit de Corréard, une circons-
tance m'a frappé.
A la dernière période de cette longue
agonie l'image de la vie se montre tout
à coup aux naufragés sous sa, forme la plus
gracieuse.
C'est un papillon blanc qui v.ïnt se; *e-
poser que vous m'aviez gardé rancune..
Il est vrai que, depuis, vous avez: eu)
bien des joies qui ont dû vous consoler
Que voulez-vous dire ?
N'avez-vnus pas revu
Quand cela serait.
N'êtes-vous pas tout à fait rassurô' sur-
son sort, etn'avez-vous pas tout lieu d espé-
rer que personne n'ira vous la ravir dans la
retraite où vous la voyez chaque jour.,
Vous savez cela?
Et je sais bien d'autres choses encore,
Quoi donc?
Je vous le dirai.
Pourquoi pas tout de suite
Parce que j'ai des confidences a voua
En parlant ainsi, Juliette indiqua à Gon*
tran un siège vide à son côté, et (lontrau,.
assezintrigué delà tournure énigmatique que
prenait la conversation, prit place, dans es-
poir d'en apprendre davantage.
Or, pendant que les deux jeunes gens eau
saient ainsi da,ns un coin du s;alon, un ni-
veau personnage venait de faire son entrée
et avait produit un effet singul ier sur tous les
invités.
C'était un homme au teint fortement ci»
vré, aux cheveux bruns un "j^eu crépus, d'uns
tegjig jsyéprosbable, et qu ,ï portait su*.
TROIS mois 5 FR.
SIX MOIS.
-UN AN. 18FR.
UN NUMÉRO § CENTIMES
Abonnemenie Départi
TROIS MOIS 6 FR: 1
SIX MOIS 12 FR.
m ut. 24 fr.
Septième) innie o° ;2j?26
Jeudi 4 février Î8C9
LES SURVIVANTS DE LA MEDUSE,
Les journaux ont annoncé, là semaine
passée, la mort d'un des naufragés de la
Méduse..
Il paraît que ce n'est as le dernier ac-
teur qui aurait figuré dans ce drame lu-
gubre.
Si nous en croyons le journal l'Union,
le dernier survivant habite Marseille.
Il a encore bon pied, bôn oeil, puisqu'il
remplit dans le port de. cette ville l'em-
ploi de surveillant des déchargements de
navires.
On l'appelle lé Capitaine de la Grue.
La feuille que je mets, à l'heure qu'il
est, à contribution, explique que le sur-
vivant du désastre de la Méduse, qui se
nomme Lange-Langet. n'est pas très
vieux.
Il était simple mousse sur l'embarcation
brisée.-
tTê naufrage dé la Méduse a été l'une des
scènes les plus dramatiques qui aient été
soumises à l'attention publique.
Aux horreurs de la tempête, aux fu-
reurs des flots, aux dangers d'une sub-
mersion imminente, se joignaient deux
souffrances terribles
La faim et la soif.
La Faim, cela se supporte encore, mais
elle fait naître la Soif, qui est la plus in-
concevable des souffrances de l'Homme.
On a parlé du supplice de Tantale qui,
ayant des aliments toutpr ès de sa portée,
ne pouvait parvenir à les toucher.
Qu'est-ce que cette torture imaginée
par l'antiquité, à côté des angoisses des
malheureux perdus sur le radeau de la
Méduse.
Remarquons que les infortunés étaient
entourés d'eau, puisqu'ils se trouvaient
en pleine mer.
Mais l'eau de la mer était impossible à
boire.
Et la vue de ce liquide ne faisait que
redoubler les misères des malheureux
abandonnés.
Spencer, le plus grand poëte du règne
d'EIisabeth d'Angleterre, vécut non-seu-
lement pauvre,
Feuilleton du 4 Février 1869
LES •̃
MANSARDES DE PARIS
-̃• lxi ̃̃̃ •
ta partie d'écarté
Ce fut une fête splendide et qui a laissé
des souvenirs profonds dans la mémoire de
ceux qui y assistèrent.
Mme d'Orvado occupait à Paris une de
ces situations qui laissent une grande lati-
tude à une femme et lui permettent de réu-
nir dans ses salons les illustrations de tous
les mondes parisiens.
Elle était jeune encore, belle toujours,
très riche et veuve.
Elle recevait avec un luxe inouï, et bien
que la chronique ne fût pas inventée à cette
époque, les journaux ne dédaignaient pas de
iemps à autre d'entretenir leurs lecteurs des
Mais mourut littéralement de faim.
;All tomba, faute d'aliments, dans une
:ni telle faiblesse.'
ÏZ te favori de la Reine, le brillant comte
;d*'|)ssex, apprit l'infortune du célèbre
poëte et lui envoya 20 livres sterling, en-
"viron 500 francs.
Hélas l'argent de l'élégant courtisan
arriva trop tard.
Spencer était au moment d'expirer.
Remportez, dit-il avec dignité, cet
argent. je serai mort de faim avant de
pouvoir m'en acheter du pain.
M. Lange-Langet, dont nous nous oc-
cupons, a couru non-seulement la chance
de mourir de faim comme le poëte Spen-
cer,
Mais même d'être mangé. fil
Il était mousse à bord du radeau de la
Méduse, dit le journal l'Union.
Il semblait désigné par le sort pour être
mangé par ses camarades.
Mais il était, ajoute la feuille citée,
d'une maigreur extrême!
Et on préféra consommer son cousin,
dont il mangea lui-même un morceau.
Un des acteurs du Radeau de la Méduse,
M. Corréard, qui doit être le père du li-
braire actuel, M. Corréard, de la rue
Christine, a laissé sur les horreurs du
naufrage de la Méduse, un ouvrage fort
remarquable et déjà rare.
La Méduse était un bâtiment qui portait
à son bord, tant passagers que marins,
quatre cents Français.
La Méduse était commandée par'un offi-
cier inhabile', le capitaine Chaumareys.
Quand le navire échoua, il fut pris de
mauvaises dispositions pour sauver l'é-
quipage.
On fit un radeau mal construit, et cent
cinquante-deux personnes s'y accrochè-
rent avec l'énergie du désespoir.
Quelques accidents nouveaux s'étant
produits, le capitaine Chaumareys lâcha
sa remorque.
Le radeau demeura seul entre le ciel
menaçant et la mer immense.
Et cent cinquante-deux Français eu-
rent à lutter, pendant treize jours, avec
la faim, la soif, la tempête et le soleil dé-
vorant du Tropique. en proie à toutes
les horreurs de la Calenturel
Savez-vous bien, ami Lecteur, ce qu'on
nomme la Calenture?
Baudelaire, dont la maison Michel Lévy
1 splendeurs de ses fêtes et de l'éclat de ses
réunions.
Ce soir-là, on peut dire que tout Paris y
était représenté. et cela tenait peut-être à
'certaines rumeurs étranges qui avaient
circulé, depuis quelques jours dans la capi-
tale, sur le compte de ce mystérieux hôtel.
Pourquoi ces bruits, on n'aurait pu le
dire. Ils n'avaient même pas précisément de
corps, et c'est vaguement que l'on parlait du
comte des Aiglades, de Juliette et de Clo-
tilde.
Dix heures étaient à peine sonnées que
déjà les salons étaient pleins.
La comtesse, radieuse, recevait ses invités
avec un sourire charmant et un entrain plein
de séduction.
Le comte des Aiglades allaitetvenait, por-
tant sur ses traits l'empreinte d'une satisfac-
tion non équivoque, et l'on disait déjà tout
bas, qu'il avait enfin triomphé des résistan-
ces de le belle veuve, et qu'un mariage pro-
chain allait consacrer et rendre définitive
une union qui, au su de tous, existait de fait
depuis bien longtemps.
Quant à Juliette, c'était la seule dont le
front gardât son impassibilité froide,*au mi-
lieu de ces visages, auxquels le plaisir com-
muniquait une animation factice.
A un moment cependant, un éclair tra-
versa son regard; ses joues pales 5e teigm-
réimprime les œuvres originales, le poëte
des Fleurs d-u mal, a dit
Comme deux anges que torture
Une implacable Calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain.
La calenture, en termes pathologiques,
est une sorte de délire furieux qui s'em-
pare souvent des navigateurs dans la zone
torride.
Et dont un des principaux caractères
est. le désir constant de se jeter à la
mer.
Géricâult a cloué?sur une toile immor-
telle la vue du radeau de la Méduse, au
moment même où de cent quarante-deux
les infortunés sont réduits. à quinze.
Le dernier survivant, M. Lange-Lan-
get, de Marseille, est probablement ce
mousse que Géricault a représenté dans
son remarquable tableau, et qui, soutenu
sur les épaules des autres naufragés, agite
un morceau de voile blanche, comme si-
gnal à un navire que l'on voit dans le
lointain.
M. Corréard a publié, sous la Res-
tauration, une relation de la catastrophe.
Il a montré le radeau sans boussole,
n'ayant pour guide unique que le lever et
le coucher du soleil.
On eut d'abord pour premier repas du
biscuit dont la pâte était mêlée à du vin.
C'étaient là les jours gras de ce radeau
terrible.
Puis le biscuit manquant, on tira au
sort ce qui en restait.
̃ Et on distxibua trois quartas de vin par
Alors, survinrent les nuits rï^ •
Nuits terribles, car la tempêté; comme
un revenant sinistre, faisait tapage.
Les vagues venaient prendre les hom-
mes sur le Radeau et les jetaient dans le
gouffre.
On était obligé de s'attacher au Radeau
avec des cordes.
On allait à tâtons, car l'obscurité était
complète.
Quelques infortunés furent étouffés par
le poids de leurs compagnons qui s'étaient
laissés tomber sur eux comme des masses
inertes.
Quand vint le jour, on découvrit dix à
douze morts sur le radeau
C'étaient des malheureux dont les jam-
bes s'étaient engagées dans les sépara-
tions qui existaient entre les pièces du
radeau. et qui n'avaient pu se déga-
rent d'une rougeur subite, et sous sa poi-
trine soulevée, On vit sourdre et palpiter une
émotion qu'elle avait peine à contenir.
Gontran venait d'entrer dans le salon où
elle se trouvait, et il avait marché droit à
elle, sans daigner jeter un regard sur ce
monde, dont il traversait les flots tumultueux
et bruyants.
Que venait faire Gontran à l'hôtel d'Or-
vado ?.
D'où vient qu'il ne craignait pas de s'en-
gager dans cette demeure, dont les hôtes s'é-
taient montrés si cruels envers ceux qu'il
aimait?
Le matin, il avait recu une invitation de
la part de Mme d'Orvad6. i.l s'était em-
pressé de la communiquer à Charmette, et,
chose inexplicable, c'est Gharmette elle-
même qui lui avait, pour ainsi dire, or-
donné d'aller à cette fête, à laquelle il était
convié.
Gontran n'avait pas demandé d'explica-
tion et il était venu.
Il salua Juliette dès qu'iI lut arrivé au-
près d'elle.
Je vous attendais,, monsieur, dit la
jeune fille, mais je ne dois'pas vous cacher
que je craignais que voulue vins siez pas.
Et pourquoi ? demanda Gont ran.
La manière dont nous nous sommes
quittées la dernière fois xjevaft me frire sup-
Alors ce sont les hommes qui jugeant U
mort inévitable commettent des excès..
Ils se ruent sur les tonneaux de vin.
les défpncent. et boivent à en perdre
la raison.
Ivres. ils veulent détruire le radeau
et précipiter l'horrible dénoûment.
On se bat. on se frappe. on se dé-
chire dans la nuit profonde. j,
Le sang coule. comme le vin avait
coulé!
Soixante-cinq hommes périrent dans
Et il y eut, dit Corréard, des affamés
qui, le lendemain, se ruèrent sur les ca-
paître! '̃ :v
« Toutefois, ajoute-t-il, beaucoup n'y
touchèrent pas; presque tous les officiers
furent de ce nombre.
» Voyant que cette affreuse nourriture
avait relevé les forces de ceux qui'
l'avaient employée, on proposa de la faire
sécher pour la rendre un peu plus supr
portable au goût.
» Nous essayâmes de manger des batï-
driers de sabre et des gibernes; nous par-
vînmes à en avaler quelques petits mor-
ceaux. Quelques-uns mangèrent du linge;
d'autres des cuirs de chapeau. »
« « enfin le quatrième soleil, depuis no-
tre départ, revint éclairer notre désastre,
et nous montrer dix ou douze de nos;
compagnons gisant sans vie sur le ra-^
deau. Nous donnâmes à leurs cadavres la
mer pour sépulture, n'en réservant qu'un
seul, destine à nourrir ceux qui, la veille,
avaient serré ses mains tremblantes^ j^
lui jurant uue amitié éternelle. »
On attendit la mort! &
Plus d'eau! et la soif était inextin-
guible.
On retrouva un citron et on faillit tuer'
celui qui voulait l'accaparer.
On se battit pour des gousses a au res-
tées au fond d'un petit sac!
Un passager avait de la liqueur alcoo--
lique pour nettoyer les dents. D en
donnait une ou deux gouttes dans le creux
de la main! comme un trésor 1
Dans le récit de Corréard, une circons-
tance m'a frappé.
A la dernière période de cette longue
agonie l'image de la vie se montre tout
à coup aux naufragés sous sa, forme la plus
gracieuse.
C'est un papillon blanc qui v.ïnt se; *e-
poser que vous m'aviez gardé rancune..
Il est vrai que, depuis, vous avez: eu)
bien des joies qui ont dû vous consoler
Que voulez-vous dire ?
N'avez-vnus pas revu
Quand cela serait.
N'êtes-vous pas tout à fait rassurô' sur-
son sort, etn'avez-vous pas tout lieu d espé-
rer que personne n'ira vous la ravir dans la
retraite où vous la voyez chaque jour.,
Vous savez cela?
Et je sais bien d'autres choses encore,
Quoi donc?
Je vous le dirai.
Pourquoi pas tout de suite
Parce que j'ai des confidences a voua
En parlant ainsi, Juliette indiqua à Gon*
tran un siège vide à son côté, et (lontrau,.
assezintrigué delà tournure énigmatique que
prenait la conversation, prit place, dans es-
poir d'en apprendre davantage.
Or, pendant que les deux jeunes gens eau
saient ainsi da,ns un coin du s;alon, un ni-
veau personnage venait de faire son entrée
et avait produit un effet singul ier sur tous les
invités.
C'était un homme au teint fortement ci»
vré, aux cheveux bruns un "j^eu crépus, d'uns
tegjig jsyéprosbable, et qu ,ï portait su*.
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