Titre : Le Petit journal
Auteur : Parti social français. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Clermont-Ferrand)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1869-02-03
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32895690j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 146118 Nombre total de vues : 146118
Description : 03 février 1869 03 février 1869
Description : 1869/02/03 (Numéro 2225). 1869/02/03 (Numéro 2225).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k590276g
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/07/2008
librairie du Petit Journal JE un QUOTIDIEN six MOIS SE Mercredi 3 février
Tirage de Petit Journal
Un Comité de rédaction dont je n'ai
pas l'honneur de connaître les membres,
vient de m'envoyer le journal éclos de
son travail en commun.
Il porte un titre ravissant.
Je l'ai ici, sous les yeux, ouvert.
Il se nomme. La Jeunesse.
Oh la charmante publication à faire
que celle-là.
Je voudrais, si j'en étais le rédacteur
en chef, ne recevoir pour collaborateurs
que des gens ayant leurs illusions. au
très grand complet.
.Pas un misanthrope, pas un Alceste,
fût-ce pour couper les Faits divers.
Pas même Philinte, qui est bien un mi-
santhrope à sa façon. pour rédiger les
bouts rimes.
Tout homme ayant vingt-cinq ans, se-
rait renvoyé à la Reuue des Deux^Mondes
ou au Journal des Débats.
On n'admettrait que les Jeunes, non-
seulement d'esprit et dé cœur. mais
aussi d'âge.
Et la feuille serait comme imprégnée
de ce doux air qui fait reconnaître les
véritables printemps.
Nous avons, au milieu de nous, gens
graves et qui avons perdu de vue depuis
plus d'une étape le point de départ de
notre majorité. un tout jeune homme.
M. Albert Millaud.
Il a fait son droit en se jouant il a
écrit sa thèse pour être reçu avocat, avec
une facilité qui ferait excuser sa Paresse.
Et puis il s'est mis, l'heureux enfant, à
écrire des vers d'abord sur le sable des
bords de la mer, puis sur les albums des
belles dames, puis dans de petits livres
qu'il éditait lui-même, afin que ses rimes
pussent s'étaler sur du précieux papier
de Hollande. comme une marquise dans
des draps de batiste.
Il fit si bien que le Figaro a eu appétit
de ce semeur de ballades aus étoiles et de
sonnets,
Et il se l'est attaché pour mêler des
vers à sa prose quotidienne, comme un
bon pâtissier met des dragées étincelantes
et parfumées au sommet de ses pièces
montées. s
Feuilleton du 3 Février 1869
LES
MANSARDES DE PARIS
LX
La Redingote verte
Nous n'avons pas besoin d'insister sur
l'émotion profonde que produisit la dispari-
tion du père Louvet.
Pendant plusieurs jours, ce fut la conver-
sation de toutes les loges et même de tous les
salons.
Aucune crasse de la société n'est à l'abri
de la curiosité qu'inspirent ces drames mys-
térieux jusqu'au jour où la justice fait enfin
la lumière dans les ténèbres qui les enve-
loppent."
l Au surplus, dans le fait qui nous occupe
,Albert Millaud est un Jeune;, il rit de la
r^ie.qui lui rend sa'risette; il n'en veut
pour un liard à la Société, de ce
qu'elle peut avoir de désillusionnant.
ne cherche pas à se vieillir, celui-là.
au contraire.
Il a soif du Passé plus que de l'Avenir.
Il aimerait mieux être à mille ans en
arrière qu'à vingt-cinq ans en avant.
Lisez avec moi, pour vous en convain-
crej sa
Lettre de Borne
Si j'étais l'auteur du bouquin
Bien relié de maroquin
Que l'on achète
Dans les gares et les buffets.
Ou bien chez Napoléon Chaix,
Et chez Hachette;
Je ferais avec onction
Une claire description
De pédagogue
Sachant tout inventorier,
Et t'enverrais par le courrier
Un catalogue..
Mais j'aime mieux, comme César
Chercher ma fortune au hasard,
Enfant terrible,
Et. d'un bon courage pourvu,
Ne poursuivre que l'imprévu
Et l'impossible!
Et dans ce fourmillant Album,
Tantôt ré.léchir au Forum,
Qui se désole
De voir le ville le hanter,
Tantôt descendre et remonter
Au Capitole:
Tantôt m'égarer dans les bois,
Où Flaccus écoutait la voix
Des doctes Muses,
Par les prés, où, dans les blés d'or,
L'Adroit Fabius Cunctator
Tramait ses ruses
Tantôt sur ce beau lac rucin-
Où Propercc, sur un coussin,
I'rèa de3 Platanes,
Dormait, tandis qu'un peu plus loin,
Tullius composait sans témoin
Les Tusculanes.
A travers campagne et hallier,
Il est- si charmant d'oublier
L'âge où nous sommes,
Et, s'égarant quelque? instants,
Revoir d'autres mœurs, d'autre3 temps
Et d'autres hommes.
preuve que mon poëte, qui vienc de
publier Péchés véniels, est jeune, c'est que
pour lui tout est drame et sensations.
Ses hémistiches n'ont pas de cravates
empesées; ses rimes n'affectent pas .l'or-
gueil de la richesse; ses tropes n'ont ni
crinoline, ni poudre de riz.
Il envoie une lettre, et pendant que le
commissionnaire fait- sa course, il lui écrit
des vers.
Stances au Commissionnaire du coin
J'ai besoin de vous, et comme
De ce coin je m'approchais.
Vous me parûtes brave homme,
Et je vous donnai la pomme
Entre les gens à crochets.
le hasard servit merveilleusement l'avidité
publique, et l'on eût pu croire qu'un habile
metteur en scène s'était mis de la partie.
Ainsi, le soir même du jour où la vieille
Marthe était venue signaler la disparition du
maître, on retrouvait à la hauteur du pont
de la Concorde, sur les quais, un portefeuille,
qu'un officieux s'empressa de porter à la pré-
fecture et qui fut reconnu tout de suite pour
appartenir à l'infortuné Louvet.
On ouvrit le portefeuille séance tenante,
mais on n'y trouva qu'une carte de police et
quelques papiers insignifiants.
C'est dans ce portefeuille que devaient être
renfermées les fameuses lettres, et l'on put
constater immédiatement qu'elles avaient été
soustraites.
Les soupçons prenaient du corps, et les
recherches continuèrent plus ardentes et plus
vives.
Brin-d'Amour s'était mis à l'œuvre avec
un zèle et.un dévouement qui avaient deux
causes principales.
En première ligne, venait -son amitié pour
son maître; en second lieu', son ambition lé-
gitime de lui succéder.
Sous l'empire de ces deux sentiments,
Brin-d'Amour se multipliait.
Pendant deux jours, il visita, fonilla, re-
tourna toutes les maisons suspectes de Paris
et?de la banlieue, depuis les sotfs-sols- jù's^
Cette lettre que je laisse
Aux mains de la probité,
Vous allez avec adresse,
La porter à son adresse,
̃ Dans la. maison à côté.
Parlons bas, c'est une femme.
Le point est très délicat.
Je t'achète et je réclame
Ton silence,avec ton àme
Contre ce demi-ducat.
En t'attendant, je vais vivre
Dans une angoisse à briser;
Songes-y, je vais te suivre
Ne te fais pas écraser.
Comme, puisqu'il faut tout dire,
J'exècre les confidents,
Sache au moins te bien conduire,
Et ne tente pas de lire
Ce que j'écris là-dedans.
Fais,-prend¡ garde à ce chapitre,-
Attention au jaloux,
*Car s'il trouve mon épitre
Entre tes mains, le bélitre
Pourrait te rouer de coups.
Va, ta figure est commune,
Sûre à photographier,
J'y confierais ma fortune,
Mon cher, si j'en avais une
Hélas qu'on pût confier.
Va, j'ai pleine confiance
En toi, cours mon Figaro;
Mais dans cette circonstance,
Par mesure de prudence,
Je retiens ton numéro..
Voilà la jeunesse, pour laquelle tout
est fête, événement, sujet à hymne et à
cantilène
J'ai vingt-quatre ans! j'ai le soleil
dans le cœur, la vie ardente et solide
dans les veines, l'espérance dans les yeux,
la confiance dans l'âme
J'ai vingt-quatre ans! c'est-à-dire,
d'après les plus sérieuses probabilités,
un demi-siècle d'existence devant moi!
Je puis planter un chêne j'ai le temps
de le voir grandir!
Je puis faire la cour il une belle et sage
personne j'ai le temps de laisser couler
mes larmes sur son cœur de pierre. et
goutte à goutte. de l'attendrir.
Avez-vous vu les chevaux °sortttnt de
l'arcade de la rue de Rivoli, se trouver
sur l'immense place du Carrousel. le
gigantesque espace qui se présente subi-
tement devant eux les fascine, l'horizon
immense qu'ils ont à parcourir les enivre.
Ils prennent le mors aux dents avant
d'atteindre l'arcade qui aboutit au quai.
Ainsi fait la Jeunesse, en vue de l'im-
mense espace de jours qui s'offre devant
elle.
Les Grandeurs de ce Monde. ils
sont elle. car elle a le temps d'y
arriver.
L'Amour! elle a les cheveux abon-
dants, le sourire enfantin, l'esprit con-
fiant. elle l'atteindra; car elle a bon
pied, bon œil, la Jeunesse, et elle mar-
che avec ses pieds agiles aussi vite qu'il
volé avec ses rapides ailes
qu'aux mansardes. mais, malgré'l'habi-
leté qu'il déploya en cette circonstance mé-
morable, le pauvre Brin-d'Amour ne fit pas
même ses frais, comme il le confessa hum-
blement lui-même dans la suite.
Il ne faut pas négliger de relater cepen-
dant que, vers le milieu du deuxième jour,
passant rue Mouffetard, il vit, accrochée à la
montre d'un fripier, une redingote à la pro-
priétaire qui lui attira l'œil d'une façon si
impérieuse, que force lui fut de s'arrêter.
Cette redingote d'un vert tendre, et dont
un usage inconsidérément prolongé avait
blanchi les coutures, il la reconnut presque
instantanément pour avoir appartenu à sou
maître.
Il appela le marchand, qui accourut.
Combien ce vêtement? lui dit-il, d'une
voix émue.
Dix francs pour rien:
J<î le prends seulement, il y a un dé-
tail qui va peut-être vous embarrasser.
QuoI détail?
Vous allez faire porter cet habit tout de
suite à la Préfectnre de police.
Le marchand pâlit légèrement.
Certains fripiers, pour si honnêtes qu'ils
soient, ne dédaignent pas de recéler au be-
soin.
Brin-d'Amour haussa les épaules.
L– Allouât allons! ̃•dit-il ayee bienveil-
La Mort! cela n'existe pas. C'est un
mot-inventé par les faiseurs de tragédie
et les employés des pompes funèbres.
La mort viendra peut-être dans un demi,
siècle. qui a terme ne. doit pas!
.̃
Voilà la Jeunesse, voilà ses radieuses
illusions queje voudrais voir dans le jour-.
nal qui vient de m'être adressé.
Hélas il ne contient rien de tout cela,
il porte ce sous-titre bizarre, inconsé<
quent, funeste, Journal Critique et Philo-
sophique.
Critique, passe encore. cet dge (de la
jeunesse) est sans pitié, tout jeune homme
est, par essence, par instinct, quelque
peu opposant au gouvernement.
On marche dans la vie par degrés.
On raille la Bonne d'eniânts d'abord,
le Pion ensuite, on plaisante le Profes-
seur après, on prend à partie le Ministre
plus tard.
Etant admis qu'une moitié du monde se
moque de l'autre, la Jeunesse est, par na-
ture, du côté des premiers rieurs.
Donc critique, je le veux bien, ce jour-
nal du gai savoir.
Mais philosophique. à quoi bon.
N'est-ce pas assez de la classe de philo-
sophie qu'on a parcourue au collége.
Et qui vous enseigne malencontreuse-
ment a ne pas croire à la durabilité du
Bonheur sur cette terre.
C'est quand on est vieux, revenu des
vanités de ce monde, désillusionné sur les
hommes et les choses, qu'on aété trompeur
sans-le vouloir, trompé le sachant, sou-
vent sans le savoir bien positivement.
qu'on a besoin de philosophie.
La philosophie, c'est surtout la rési-
gnation. et l'on n'a pas besoin de cette
vertu, qui s'est faite chrétienne depuis
Job, pour posséder la beauté, l'enthou-
siasme, les affolants pressentiments d'une
longue et heureuse existence.
Je dois donc le dire aux jeunes rédac-
teurs de la Jeunesse, et mon âge, qui est un
grand âge en comparaison du leur, m'en
donne peut-être le droit.
Ils ont tort de traiter dans leur feuille
des matières trop graves.
La soubrette espagnole à laquelle Vic-
tor Hugo a attaché le tablier de soie rose
des soubrettes de Marivaux, dans son
beau drame de Ruy Blas, dit à sa maî-
tresse
On vieillit toujours à regarder des vieux.
On peut devenir cacochyme avant l'âge
lance, n'ayez donc pas peur, que diable! et
nous ne vous ferons aucun mal. Mais il
faut dire la vérité. D'où tenez-vous cette dé-
froque ?
Mais je l'ai achetée.
A qui?
A une vieille femme.
Quand cela?
Avant-hier.
Et quelle est cette femme ?
Le marchand parut réfléchir. Mais il eut
beau se presser le front, froncer le sourcil,
crisper les poings, il ne se rappela rien.
Brin-d'Amour lui mit ^eux pièces de cinq
francs dans la main, emporta la redingote
verte, et se diriâea vers la préfecture, après
avoir annoncé qu'il reviendrait.
Malheureusement, la redingote verte ne
jetai'- aucun jour nouveau sur la question.
Brin-d'Amour l'examina avec l'attention
la plus profonde, en sonda les poches, en in-
terrogea les doublures, et ce n'est qu'au der-
nier moment qu'il aperçut, sur le côté gau-
che, une large tache qui tranchait d'une fa-
çon relativement apparente sur la couleur
tendre des pans et du dos.
L'agent dévoué porta aussitôt le vêtement
chez un chimiste et fit analyser la tache.
Expérience faite, le chimiste affirma que
cette tache avaitété obtenue avec du sang deh
Tirage de Petit Journal
Un Comité de rédaction dont je n'ai
pas l'honneur de connaître les membres,
vient de m'envoyer le journal éclos de
son travail en commun.
Il porte un titre ravissant.
Je l'ai ici, sous les yeux, ouvert.
Il se nomme. La Jeunesse.
Oh la charmante publication à faire
que celle-là.
Je voudrais, si j'en étais le rédacteur
en chef, ne recevoir pour collaborateurs
que des gens ayant leurs illusions. au
très grand complet.
.Pas un misanthrope, pas un Alceste,
fût-ce pour couper les Faits divers.
Pas même Philinte, qui est bien un mi-
santhrope à sa façon. pour rédiger les
bouts rimes.
Tout homme ayant vingt-cinq ans, se-
rait renvoyé à la Reuue des Deux^Mondes
ou au Journal des Débats.
On n'admettrait que les Jeunes, non-
seulement d'esprit et dé cœur. mais
aussi d'âge.
Et la feuille serait comme imprégnée
de ce doux air qui fait reconnaître les
véritables printemps.
Nous avons, au milieu de nous, gens
graves et qui avons perdu de vue depuis
plus d'une étape le point de départ de
notre majorité. un tout jeune homme.
M. Albert Millaud.
Il a fait son droit en se jouant il a
écrit sa thèse pour être reçu avocat, avec
une facilité qui ferait excuser sa Paresse.
Et puis il s'est mis, l'heureux enfant, à
écrire des vers d'abord sur le sable des
bords de la mer, puis sur les albums des
belles dames, puis dans de petits livres
qu'il éditait lui-même, afin que ses rimes
pussent s'étaler sur du précieux papier
de Hollande. comme une marquise dans
des draps de batiste.
Il fit si bien que le Figaro a eu appétit
de ce semeur de ballades aus étoiles et de
sonnets,
Et il se l'est attaché pour mêler des
vers à sa prose quotidienne, comme un
bon pâtissier met des dragées étincelantes
et parfumées au sommet de ses pièces
montées. s
Feuilleton du 3 Février 1869
LES
MANSARDES DE PARIS
LX
La Redingote verte
Nous n'avons pas besoin d'insister sur
l'émotion profonde que produisit la dispari-
tion du père Louvet.
Pendant plusieurs jours, ce fut la conver-
sation de toutes les loges et même de tous les
salons.
Aucune crasse de la société n'est à l'abri
de la curiosité qu'inspirent ces drames mys-
térieux jusqu'au jour où la justice fait enfin
la lumière dans les ténèbres qui les enve-
loppent."
l Au surplus, dans le fait qui nous occupe
,Albert Millaud est un Jeune;, il rit de la
r^ie.qui lui rend sa'risette; il n'en veut
pour un liard à la Société, de ce
qu'elle peut avoir de désillusionnant.
ne cherche pas à se vieillir, celui-là.
au contraire.
Il a soif du Passé plus que de l'Avenir.
Il aimerait mieux être à mille ans en
arrière qu'à vingt-cinq ans en avant.
Lisez avec moi, pour vous en convain-
crej sa
Lettre de Borne
Si j'étais l'auteur du bouquin
Bien relié de maroquin
Que l'on achète
Dans les gares et les buffets.
Ou bien chez Napoléon Chaix,
Et chez Hachette;
Je ferais avec onction
Une claire description
De pédagogue
Sachant tout inventorier,
Et t'enverrais par le courrier
Un catalogue..
Mais j'aime mieux, comme César
Chercher ma fortune au hasard,
Enfant terrible,
Et. d'un bon courage pourvu,
Ne poursuivre que l'imprévu
Et l'impossible!
Et dans ce fourmillant Album,
Tantôt ré.léchir au Forum,
Qui se désole
De voir le ville le hanter,
Tantôt descendre et remonter
Au Capitole:
Tantôt m'égarer dans les bois,
Où Flaccus écoutait la voix
Des doctes Muses,
Par les prés, où, dans les blés d'or,
L'Adroit Fabius Cunctator
Tramait ses ruses
Tantôt sur ce beau lac rucin-
Où Propercc, sur un coussin,
I'rèa de3 Platanes,
Dormait, tandis qu'un peu plus loin,
Tullius composait sans témoin
Les Tusculanes.
A travers campagne et hallier,
Il est- si charmant d'oublier
L'âge où nous sommes,
Et, s'égarant quelque? instants,
Revoir d'autres mœurs, d'autre3 temps
Et d'autres hommes.
preuve que mon poëte, qui vienc de
publier Péchés véniels, est jeune, c'est que
pour lui tout est drame et sensations.
Ses hémistiches n'ont pas de cravates
empesées; ses rimes n'affectent pas .l'or-
gueil de la richesse; ses tropes n'ont ni
crinoline, ni poudre de riz.
Il envoie une lettre, et pendant que le
commissionnaire fait- sa course, il lui écrit
des vers.
Stances au Commissionnaire du coin
J'ai besoin de vous, et comme
De ce coin je m'approchais.
Vous me parûtes brave homme,
Et je vous donnai la pomme
Entre les gens à crochets.
le hasard servit merveilleusement l'avidité
publique, et l'on eût pu croire qu'un habile
metteur en scène s'était mis de la partie.
Ainsi, le soir même du jour où la vieille
Marthe était venue signaler la disparition du
maître, on retrouvait à la hauteur du pont
de la Concorde, sur les quais, un portefeuille,
qu'un officieux s'empressa de porter à la pré-
fecture et qui fut reconnu tout de suite pour
appartenir à l'infortuné Louvet.
On ouvrit le portefeuille séance tenante,
mais on n'y trouva qu'une carte de police et
quelques papiers insignifiants.
C'est dans ce portefeuille que devaient être
renfermées les fameuses lettres, et l'on put
constater immédiatement qu'elles avaient été
soustraites.
Les soupçons prenaient du corps, et les
recherches continuèrent plus ardentes et plus
vives.
Brin-d'Amour s'était mis à l'œuvre avec
un zèle et.un dévouement qui avaient deux
causes principales.
En première ligne, venait -son amitié pour
son maître; en second lieu', son ambition lé-
gitime de lui succéder.
Sous l'empire de ces deux sentiments,
Brin-d'Amour se multipliait.
Pendant deux jours, il visita, fonilla, re-
tourna toutes les maisons suspectes de Paris
et?de la banlieue, depuis les sotfs-sols- jù's^
Cette lettre que je laisse
Aux mains de la probité,
Vous allez avec adresse,
La porter à son adresse,
̃ Dans la. maison à côté.
Parlons bas, c'est une femme.
Le point est très délicat.
Je t'achète et je réclame
Ton silence,avec ton àme
Contre ce demi-ducat.
En t'attendant, je vais vivre
Dans une angoisse à briser;
Songes-y, je vais te suivre
Ne te fais pas écraser.
Comme, puisqu'il faut tout dire,
J'exècre les confidents,
Sache au moins te bien conduire,
Et ne tente pas de lire
Ce que j'écris là-dedans.
Fais,-prend¡ garde à ce chapitre,-
Attention au jaloux,
*Car s'il trouve mon épitre
Entre tes mains, le bélitre
Pourrait te rouer de coups.
Va, ta figure est commune,
Sûre à photographier,
J'y confierais ma fortune,
Mon cher, si j'en avais une
Hélas qu'on pût confier.
Va, j'ai pleine confiance
En toi, cours mon Figaro;
Mais dans cette circonstance,
Par mesure de prudence,
Je retiens ton numéro..
Voilà la jeunesse, pour laquelle tout
est fête, événement, sujet à hymne et à
cantilène
J'ai vingt-quatre ans! j'ai le soleil
dans le cœur, la vie ardente et solide
dans les veines, l'espérance dans les yeux,
la confiance dans l'âme
J'ai vingt-quatre ans! c'est-à-dire,
d'après les plus sérieuses probabilités,
un demi-siècle d'existence devant moi!
Je puis planter un chêne j'ai le temps
de le voir grandir!
Je puis faire la cour il une belle et sage
personne j'ai le temps de laisser couler
mes larmes sur son cœur de pierre. et
goutte à goutte. de l'attendrir.
Avez-vous vu les chevaux °sortttnt de
l'arcade de la rue de Rivoli, se trouver
sur l'immense place du Carrousel. le
gigantesque espace qui se présente subi-
tement devant eux les fascine, l'horizon
immense qu'ils ont à parcourir les enivre.
Ils prennent le mors aux dents avant
d'atteindre l'arcade qui aboutit au quai.
Ainsi fait la Jeunesse, en vue de l'im-
mense espace de jours qui s'offre devant
elle.
Les Grandeurs de ce Monde. ils
sont elle. car elle a le temps d'y
arriver.
L'Amour! elle a les cheveux abon-
dants, le sourire enfantin, l'esprit con-
fiant. elle l'atteindra; car elle a bon
pied, bon œil, la Jeunesse, et elle mar-
che avec ses pieds agiles aussi vite qu'il
volé avec ses rapides ailes
qu'aux mansardes. mais, malgré'l'habi-
leté qu'il déploya en cette circonstance mé-
morable, le pauvre Brin-d'Amour ne fit pas
même ses frais, comme il le confessa hum-
blement lui-même dans la suite.
Il ne faut pas négliger de relater cepen-
dant que, vers le milieu du deuxième jour,
passant rue Mouffetard, il vit, accrochée à la
montre d'un fripier, une redingote à la pro-
priétaire qui lui attira l'œil d'une façon si
impérieuse, que force lui fut de s'arrêter.
Cette redingote d'un vert tendre, et dont
un usage inconsidérément prolongé avait
blanchi les coutures, il la reconnut presque
instantanément pour avoir appartenu à sou
maître.
Il appela le marchand, qui accourut.
Combien ce vêtement? lui dit-il, d'une
voix émue.
Dix francs pour rien:
J<î le prends seulement, il y a un dé-
tail qui va peut-être vous embarrasser.
QuoI détail?
Vous allez faire porter cet habit tout de
suite à la Préfectnre de police.
Le marchand pâlit légèrement.
Certains fripiers, pour si honnêtes qu'ils
soient, ne dédaignent pas de recéler au be-
soin.
Brin-d'Amour haussa les épaules.
L– Allouât allons! ̃•dit-il ayee bienveil-
La Mort! cela n'existe pas. C'est un
mot-inventé par les faiseurs de tragédie
et les employés des pompes funèbres.
La mort viendra peut-être dans un demi,
siècle. qui a terme ne. doit pas!
.̃
Voilà la Jeunesse, voilà ses radieuses
illusions queje voudrais voir dans le jour-.
nal qui vient de m'être adressé.
Hélas il ne contient rien de tout cela,
il porte ce sous-titre bizarre, inconsé<
quent, funeste, Journal Critique et Philo-
sophique.
Critique, passe encore. cet dge (de la
jeunesse) est sans pitié, tout jeune homme
est, par essence, par instinct, quelque
peu opposant au gouvernement.
On marche dans la vie par degrés.
On raille la Bonne d'eniânts d'abord,
le Pion ensuite, on plaisante le Profes-
seur après, on prend à partie le Ministre
plus tard.
Etant admis qu'une moitié du monde se
moque de l'autre, la Jeunesse est, par na-
ture, du côté des premiers rieurs.
Donc critique, je le veux bien, ce jour-
nal du gai savoir.
Mais philosophique. à quoi bon.
N'est-ce pas assez de la classe de philo-
sophie qu'on a parcourue au collége.
Et qui vous enseigne malencontreuse-
ment a ne pas croire à la durabilité du
Bonheur sur cette terre.
C'est quand on est vieux, revenu des
vanités de ce monde, désillusionné sur les
hommes et les choses, qu'on aété trompeur
sans-le vouloir, trompé le sachant, sou-
vent sans le savoir bien positivement.
qu'on a besoin de philosophie.
La philosophie, c'est surtout la rési-
gnation. et l'on n'a pas besoin de cette
vertu, qui s'est faite chrétienne depuis
Job, pour posséder la beauté, l'enthou-
siasme, les affolants pressentiments d'une
longue et heureuse existence.
Je dois donc le dire aux jeunes rédac-
teurs de la Jeunesse, et mon âge, qui est un
grand âge en comparaison du leur, m'en
donne peut-être le droit.
Ils ont tort de traiter dans leur feuille
des matières trop graves.
La soubrette espagnole à laquelle Vic-
tor Hugo a attaché le tablier de soie rose
des soubrettes de Marivaux, dans son
beau drame de Ruy Blas, dit à sa maî-
tresse
On vieillit toujours à regarder des vieux.
On peut devenir cacochyme avant l'âge
lance, n'ayez donc pas peur, que diable! et
nous ne vous ferons aucun mal. Mais il
faut dire la vérité. D'où tenez-vous cette dé-
froque ?
Mais je l'ai achetée.
A qui?
A une vieille femme.
Quand cela?
Avant-hier.
Et quelle est cette femme ?
Le marchand parut réfléchir. Mais il eut
beau se presser le front, froncer le sourcil,
crisper les poings, il ne se rappela rien.
Brin-d'Amour lui mit ^eux pièces de cinq
francs dans la main, emporta la redingote
verte, et se diriâea vers la préfecture, après
avoir annoncé qu'il reviendrait.
Malheureusement, la redingote verte ne
jetai'- aucun jour nouveau sur la question.
Brin-d'Amour l'examina avec l'attention
la plus profonde, en sonda les poches, en in-
terrogea les doublures, et ce n'est qu'au der-
nier moment qu'il aperçut, sur le côté gau-
che, une large tache qui tranchait d'une fa-
çon relativement apparente sur la couleur
tendre des pans et du dos.
L'agent dévoué porta aussitôt le vêtement
chez un chimiste et fit analyser la tache.
Expérience faite, le chimiste affirma que
cette tache avaitété obtenue avec du sang deh
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.72%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.72%.
- Collections numériques similaires Monnaies grecques Monnaies grecques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MonnGre"
- Auteurs similaires Monnaies grecques Monnaies grecques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MonnGre"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k590276g/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k590276g/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k590276g/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k590276g/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k590276g
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k590276g
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k590276g/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest