moins sont celles d'épouses de militants. A Nuits-Saint-Georges, 2 femmes seulement figurent parmi les 63 adhérents au 1" mars 1937 ; parmi les hommes, 26 vignerons, 15 carriers, tailleurs de pierre et maçons, 3 arti- sans, 3 employés etc., au total, 84 % pour l'élément populaire, 10 % pour les petits fonctionnaires. La « bourgeoisie » n'est représentée que par un entrepreneur de transports, un médecin et un négociant en vins — ces deux derniers n'étant autres que les fils de l'ancien député socialiste Bouhey-Allex — dont l'un, Jean Bouhey, avait été élu l'année précédente député de Beaune.
Ce dernier cas mis à part, il ne semble pas (en Côte-d'Or du moins) que les liens entre la Libre Pensée et la Fédération S.F.I.O. aient été aussi étroits qu'avant la Première Guerre mondiale. Le diri- geant socialiste le plus remarquable et le plus populaire de l'époque, Robert Jardillier, professeur au lycée de Dijon, n'a jamais fait partie de la Libre Pensée (où on lui reprocha même d'avoir fait célébrer à ses enfants leur première communion) (109). Le maire S.F.I.O., d'Arnay- le-Duc, Claude Guyot (également professeur) déclare que « partisan de la pensée libre », il n'a jamais « eu le désir d'adhérer à cette chapelle qu'est la Libre Pensée » (110). On ne trouve sur la liste des adhérents de la Libre Pensée dijonnaise ni Charles Vèque, ni Lucien Thomas, ni Lucien Hérard, qui furent alors les principaux organisateurs de la propagande socialiste en Côte-d'Or. Il ne faudrait évidemment pas en conclure qu'il y a eu rupture entre socialistes et libres penseurs : ce sont toujours des militants socialistes (et subsidiairement commu- nistes) qui dirigent la Fédération côte-d'orienne et animent les prin- cipales sociétés. Aucun d'eux toutefois n'a eu l'envergure et le pres- tige de Barabant. Les dirigeants du parti étaient attirés par d'autres activités qui leur paraissaient plus essentielles — et sans doute aussi électoralement plus rentables — que la lutte anticléricale.
Ouvrier, artisan, petit employé, petit fonctionnaire, petit culti- vateur, cabaretier, souvent militant de base de la S.F.I.O. ou de la S.F.I.C, le libre penseur français de l'entre-deux guerres se veut pas- sionnément de gauche, et même d'extrême-gauche ; mais il ne semble pas que sa formation idéologique soit à dominante marxiste. Edmond Humbertjean, employé des P.T.T., militant syndicaliste et commu- niste dijonnais, qui a été un des reconstructeurs de la Libre Pensée côte-d'orienne après la guerre, a laissé une liste des penseurs qui l'ont le plus fortement influencé et ont élevé son esprit « vers la connaissan- ce, vers une philosophie positive et sociale » : Karl Marx y est cité — mais il se trouve un peu perdu au milieu d'autres philosophes maté- rialistes tels que Ch. Btichner (Force et Matière), Ernest Haeckel, le baron d'Holbach, Le Dantec, ou simplement positivistes (Auguste Com- te, Littré...), sans parler des anarchistes (Sébastien Faure, Elisée Re- clus) (111). Plus significative encore est la liste des ouvrages achetés pour la Bibliothèque de la Libre Pensée de Nuits, et choisis à partir
(109) Fédération de la Côte-d'Or, procès-verbaux manuscrits. Comité fédé- ral du 25 juillet 1937.
(110) « Confrontation avec moi-même », notice autobiographique commu- niquée par M. Claude Guyot.
(111) Document communiqué par sa fille, Mlle Humbertjean.
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