Titre : L'Univers illustré
Éditeur : Lévy (Paris)
Date d'édition : 1876-05-27
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328854407
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 16744 Nombre total de vues : 16744
Description : 27 mai 1876 27 mai 1876
Description : 1876/05/27 (A19,N1105). 1876/05/27 (A19,N1105).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k57354436
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2956
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
3&6
L'UNIVERS ILLUSTRE,
neur en regard de ce nom : vous connaissez cela. Cela ne se
boit ni ne s'avale. Cela se renifle à l'aide d'une petite cuiller.
Prix du grand flacon : 4 francs; le flacou d'ess'ai : 2 francs 50.
Les annonces racontent les résultats merveilleux obtenus par
l'usage de ce philtre. Les certificats abondent. M. X..., pro-
priétaire à Bouzy-les-Nèfles, en a éprouvé, un grand soula-
gement. — M. le maire de Fouilly-les-Oies en a été ravi et
en redemande autant de flacons qu'il sera possible de lui en
envoyer. Si vous ne le croyez pas, allez-y^ voir.
Généralement, on n'y va pas. On croit. Il ne vient
jamais à l'idée de personne que des guérisons attestées par
des autorités si respectables puissent être imaginées pour les
besoins de la réclame. Et puis, pourquoi ne trouverait-on
pas un secret pour calmer les nerfs irrités ? La science n'a
pas probablement dit son dernier mot, et l'on a eu beau se
moquer de la moutarde blanche et de la douce Revalescière,
ces médicaments maltraités n'en sont pas moins demandés
sur la place. On en consomme beaucoup. Pourquoi n'essaye-
rait-on pas dé l'eau Bâër? Baër, d'ailleurs, ne vous prend pas
en traître. Il ne vous force pas' de le croire sur parole. « Es-
sayez », dit-il, essayez d'abord. Vous m'en direz de bonnes
nouvelles. Ainsi parlait l'épicier légendaire offrant ses bâ-
tons de réglisse aux bons gendarmes enrhumés. — Essayez
donc, reniflez-moi cela. D'ailleurs cela ne coûte que cin-
quante sols. Et voilà le drôle, c'est qu'il paraît qu'avec ses'
flacons d'essai et ces cinquante sols souvent répétés, Baër
aurait gagné quelque chose comme un million. Un million,
cela vous donne une idée du nombre de gens nerveux qui
s'agitent en France. Étonnez-vous donc, après cela, qu'il s'y
fasse tant de révolutions.
Baër n'est pourtant pas médecin, mon Dieu, non ; simple
chimiste^ chimiste modeste et bienfaisant. D'origine bava- ■
roise, naturalisé, il à servi aux ambulances pendant la guerre,
et c'est ainsi qu'il fut décoré. Mais son amour de l'humanité
l'inspira, la paix étant faite. C'est alors qu'il inventa son eau
antinévralgique. Cela se vendit bien et, giàce à ce merveil-
leux remède, les pharmaciens dépositaires firent des affaires
excellentes. Très-peu d'entre eux eurent l'idée de s'inquié-
ter de ce que pouvait bien contenir cette préparation ma-
gique. A quoi bon, puisque cela se vendait. D'ailleurs; ras^
sur<.z-vous, elle ne contenait absolument rien de contraire à
la santé.
Le parquet, assez curieux de sa nature, voulut un jour
savoir ce que l'eau Baër pouvait bien être. M. le docteur
Bergeron fut chargé de l'analyser, et voici ce qu'ily trouva:
du tabac, de l'alcool et de l'indigo. La formule découverte,
il s'agissait de savoir quelle influence bienfaisante ce mélange
pouvait bien exercer sur des nerfs malades. Il faut dire que
la réponse fut difficile. Cela ne faisait pas de mal, évidem-
ment; les pilules de mie de pain sont tout aussi innocentes.
Mais cela ne faisait pas de bien non plus, et il en résultait
que les pauvres malades perdaient à la fois leur temps et
leurs cinquante sols. Les fanatiques, ceux qui dédaignaient
le flacon d'essai, et faisaient les choses carrément, payaient
leur flacon 4 francs et n'en étaient pas plus avancés.
Le parquet a vu là un véritable délit d'escroquerie et le
chimiste Baër a été appelé à expliquer son affaire en police
correctionnelle. 11 n'y a pas brillé. Le rapport du docteur
Bergeron et le témoignage de quelques pharmaciens n'étaient
pas "faits pour lui donner de l'aplomb. Son avocat, M" La-
chaud, en a eu plus que lui. « Après tout, a dit M° Lacliaud,
il v a dss gens qui se sont trouvés très-bien de l'eau anti-
névralgique. Pourquoi le diraient-ils, si ce n'était pas vrai.
Ehfmon Dieu! rien n'est plus vrai, vous le voyez bien. Mais
c'est plutôt l'imagination qui agit en certains cas. Pour guérir
certains malades, il suffit souvent de leur persuader qu'ils
sont guéris. Cela n'est plus à démontrer; du reste, les crises
nerveuses, les migraines finissent toujours par se dissiper ;
quelle chance pour Baër quand elles se dissipent au moment
où l'on -vient de renifler son eau ! — Post hoc, crgo prop-
ler hoc, —pouvait-il s'écrier!
Baër a été condamné à un mois de prison; mais son mil-
lion lui reste. C'est toujours cela.
La cour d'assises de la Gironde en a fini avec le crime de
Lormont. Vous savez ce que c'est : un pauvre jeune homme,
nommé Méry, serrurier de son état, passant par Bordeaux,
eut le malheur d'y rencontrer une fille, Juliette Garnicr, créa-
ture de la pire espèce, qu'il avait connue dans son pays, et
avec laquelle il renouvela connaissance.
Cette Juliette avait d'autres amours. Elle connaissait entre
autres un nommé Pascal, lequel connaissait un individu sur-
nommé le Manchot, et tous quatre allèrent déjeuner dans
une auberge. Méry paya la dépense. Il ouvrit son porte-
monnaio où se trouvaient quelques pièces d'or. Cotte vue
alluma la cons'ûitise des misérables, et tous trois, Pascal, lo
Manchot et Juliette, allèrent attendre Méry sur le chemin fie
Lormont, où il devait passer. Juliette l'appela. Méry répon-
dit à son appel, et tandis qu'il parlait à la fille, le Manchot
l'assomma par derrière d'un seul coup, après quoi Pascal lui
coupa la gorge. Juliette s'enfuit épouvantée. Pascal et lo
Manchot se partagèrent la bourse de leur malheureuse vic-
time. Elle contenait 40 francs! Juliette n'eut rien de cette
prise.
Tels sont les faits que nous pouvons rapporter exactement,
car ils résultent des aveux des coupables, après leur con-
damnation. Au cours des'débats, Juliette et Pascalont tout
nié comme de beaux diables. Juliette avait tout révélé.
"Plus tard, elle était revenue sur ses déclarations dont l'exac-
titude avait pourtant été prouvée. Mais le jury, suffisamment
édifié, a déclaré les trois accusés coupables. Pascal, instiga-
teur du crime, a été condamné à mort. Le Manchot et Ju-
liette, aux travaux forcés à perpétuité.
Juliette a voulu sauver la tête de Pascal. C'est probable-
ment sur ses invitations que celui-ci s'est décidé à avouer ce
que nous avons dit. Juliette est revenue à la vérité et le
sombre mystère que ses dénégations'obstinées avaient encore
épaissi est maintenant dévoilé. La conscience des jurés peut
dormir en repos.
Il paraîtrait môme qu'une instruction nouvelle serait ou-
verte contre un individu qui avait bénéficié d'un arrêt de
non-lieu. Nous verrons: bien si cette affaire-doit avoir des
suites.'
La première chambre du tribunal correctionnel'de la Seine
vient d'être saisie d'un cas assez curieux, peu ordinaire, et,
jusqu'à un certain point,, romanesque. Un vieillard de
soixante-treize ans, le docteur Morisson, a voulu épouser
sa maîtresse, Mm" de Lozenski. Les enfants du docteur ont
fait opposition à ce mariage, et avant que la question ait pu
être vidée, le docteur amoureux est'mort.
Cela né faisait pas ^affaire de Mra 0 de Lozenski dont voici
l'histoire :
Mm" de Lozenski était veuve d'un employé de la Compa-
gnie de Lyon. Elle avait élé mariée huit ans. Elle se trouvait
sans ressources, avec une petite fille de quatre ans à élever.
Habituée à un bien-être, à un luxe relatifs, Mlm! de Lozenski,
condamnée dès lors aux privations les plus dures, dut trouver
cette situation singulièrement pénible. Elle tâcha d'en sortir.
Elle y parvint. Le docteur Morisson avait soigné son mari
dans sa dernière maladie. II avait remarqué la belle veuve.
Des relations s'établirent entre eux. M 1" 8 de Lozenski entra
comme intendante chez M. Morisson, y devint la servante
maîtresse. Une fille naquit de ces rapports intimes. Lé doc-
teur, qui était resté veur avoc quatre enlants, avait l'inten-
tion, dans les derniers jours de sa vie, de légitimer, par un
mariage, Je fruit de ses amours arriérées. •
L'opposition formée par ses enfants légitimes, puis la
mort, l'empêchèrent de réaliser ce projet. Et voilà pourquoi
Mn" de Lozenski, se trouvant lésée; avait formé contre les
héritiers Morisson une demande en dommages et intérêts:
« En effet, disait-elle, sans cette maudite opposition, qui a
tout retardé, qui n'a pu être vidée en temps'opportun, mon'
mariage avec le docteur Morisson serait accompli, ma fille
serait légitimée; elle aurait droit à une part dans la succes-
sion du défunt. Donc le préjudice que j'éprouve me vient
des enfants Morisson ; donc ils me doivent un dédommage-
ment, et ce dédommagement, c'est à la justice civile que'je
•le demande. «Ainsi parlait Mmo de Lozenski, par l'organe de.
son avocat, Me Bonnet.
Mais il faut dire que M« Eugène Baratin~avocat des enfants
Morisson, n'a pas eu non plus, comme on dit, la langue dans
sa poche. Il a-fait descendre M'" 0 de Lozenski du « piédestal »
où elle s'était posée imprudemment. « De quoi vient nous
parler celte veuve ? a demandé Me Baratin. Qu'est-ce qu'elle
nous chante de sa position sociale, de ses habitudes d'ai-
sance, de ses sacrifices ? Son mari était un pauvre petit
employé qui est mort à l'hôpital. Elle est entrée chez le doc-
teur en qualité de domestique, rien de plus. Elle était belle,
soit, adroite, je ne dis pas non, et la preuve, c'est ce qui est
arrivé. La maison où elle est entrée était opulente; elle l'a
laissée à peu près vide. Elle s'est fait reconnaître, parle trop
faible et complaisant docteur, un apport de 4 0,000 ' francs,
qui n'a jamais existé. Quant aux enfants légitimes, ils n'ont
pas même pu toucher leurs dots. » Il y a donc lieu, selon
M" Baratin, de repousser l'action intentée par M'" 8 de Lo-
zenski.
C'a été aussi l'avis de M. le substitut Laval. « Bien ne
prouve, a-t-il dit, quo lo docteur eût persévéré dans ses
projets de mariage, môme en l'absence de tonte opposition.
Supposons, a ajouté M. lo substitut, supposons quo M. le
docteur Morisson eût éfé écrasé pur une voiture. Cela pou-
vait arriver. M"' 0 de Lozenski eût-elle été fondée à attaquer 1
le cocher ou le propriétaire du carrosse? » I
Conformément à ces conclusions, le tribunal a déboulé 9
M" 10 do Lozenski de sa demande. L'affaire reviendra en
appel, n'en, doutez pas.
Un philosophe a dit : «Ce qu'il y a de meilleur, dqns
l'homme, c'estile chien.» Cela peut être vrai, à la condition
que le .chien ne sera pas enragé. Rapprochons ce dicton de
celui-ci: «Les enfants sont le bonheur et la joie des parents. »
Encore très-vrai, à la condition que les enfants seront hon-
nêtes, sages, rangés, attachés à leurs devoirs ; à la condition
que l'enfant, si c'est un garçon, travaillera, ne fera pas de
dettes, ne ruinera pas'son père, n'aura pas de maîtresses
qui l'entraîneront dans le désordre, et le pousseront mémo
au crime ; à la Condition, si c'est une fille, que celle-ci res-
tera chaste et pudique, ne quittera pas un jour le toit pater-
nel pour suivre quelque "godelureau qui la déshonorera,
l'abandonnera, la livrera à l'ignominie et à la misère! Ah!
les belles années que les premières-années de l'enfance sou-
riante! que c'est joli un ange aux cheveux blonds, aux yeux
bleus, qui vous jette autour du cou ses petits bras blancs et
potelés! quel contentement, quelle joie ineffable au toit du
père, et avec quelle ivresse il bénit le jour où lui est né le
doux chérubin !
Oui, mais bientôt l'enfant grandit. Le gentil gamin se
développe et devient parfois un affreux garnement. Lacenairo :
était charmant à l'âge de cinq ans. La gamine atteint l'âge !
nubile, et alors tout change. C'est l'époque critique. Le coeur
s'éveille, l'imagination s'échauffe, un moment d'égarement
suffit pour perdre une vierge, et alors... Demandez à la fille
Angèle Godard où sont les bonnes et paisibles journées
qu'elle a passées à l'école et à l'atelier. Angèle Godard a foui
oublié. Revenue chez ses parents, qui, pauvres cultivateurs,
n'avaient guère le temps de la surveiller, elle s'est aban-
donnée à la séduction irrésistible qu'exerçait sur elle la vue
d'un guerrier français, aux charmes du pantalon garance et
du galon. Elle connut un caporal, puis un sergent, plus un
certain nombre d'autres sous-officiers. On ajoute qu'elle
ne dédaigna pas même les simples voltigeurs. Un beau
jour elle se trouva enceinte, et elle tua son enfant.
Angèle Godard avait quitté' la maison paternelle, était
arrivée à Paris, s'était présentée pour accoucher à la Clinique,
où l'on ne put la recevoir, faute de place. On se borna a
l'adresser à une sage-femme, qui la délivra. Cette sage-
femme remarqua qu'Angèle serrait avec violence-son enfant
contre son sein, et elle crut devoir par prudence séparer
l'enfant de celte mère trop nerveuse. La sage-feinmo se
méfiait, non sans raison, Angèle n'ayant apporté avec elle ni
argent ni layette. Quoi qu'il en soit, la première fois que
l'occasion se représenta pour elle de reprendre sa petite fille
sur ses bras, elle l'étouffa, « parce qu'on lui avait assuré,
a-t-elle dit, qu'elle ne serait pas poursuivie ».
. Mais voilà Angèle en cour d'assises. Elle pleure, elle se
repent ; sa jeunesse attendrit l'auditoire. La douleur de son
père porte l'émotion au comble. Le père est venu de Dreux
pour atténuer par sa déclaration l'horreur du crime. « Sa
fille, a-t-il affirmé, lui a renvoyé en cachette une layollo
fabriquée par elle avec du vieux linge, preuve que son inten-
tion première était bien d'élever son enfant. »
La circonstance de préméditation a été en effet écarléo
par le jury, et les circonstances atténuantes ont été accordées.
Avec tout cela, Angèle n'en a pas moins été condamnéo à
six ans de réclusion. Hélas ! où sont les jours heureux où la
bambine sautillait heureuse dans les champs, où le vieux
père, souriait à ses ébats, et faisait des rêves 1
A vous, messieurs les pharmaciens !.
. Il faudrait pourtant prendre garde. Vous tenez notre vie
dans vos mains, et vous possédez dans vos officines de quoi
détruire des populations entières. Vous avez, renfermés dans
vos bocaux, des poisons dont il no faut, pas abuser et faciles
à confondre avec des substances inoffensives. Qu'une erreur
se produise, qu'un commis étourdi se trompe en collant ses
étiquettes ou en garnissant les susdits bocaux, et vous allez
voir ce-qui peut advenir d'une pareille bévue.
'• M. Gérard expose les faits : sa femme était malade; son
médecin lui avait ordonné du phosphate de soude, soit dix
paquets de un gramme chacun. M. Gérard fit porter l'ordon-
nance chez M. Léon Vieillard, pharmacien, rue Turbigo, 2.
Là se trouvait l'élève do M. Vieillard, lo sieur Chevalier, qui,
puisant dans un bocal, remit au commissionnaire les paquets
demandés. M"" 1 Gérard, le lendemain, ayant pris un de ces
paquets mélangé dans du lait, éprouva immédiatement les
symptômes d'un violent empoisonnement. Les docteurs l)us-
seris et Dupouy lo constateront. On alla aux renseignement
L'UNIVERS ILLUSTRE,
neur en regard de ce nom : vous connaissez cela. Cela ne se
boit ni ne s'avale. Cela se renifle à l'aide d'une petite cuiller.
Prix du grand flacon : 4 francs; le flacou d'ess'ai : 2 francs 50.
Les annonces racontent les résultats merveilleux obtenus par
l'usage de ce philtre. Les certificats abondent. M. X..., pro-
priétaire à Bouzy-les-Nèfles, en a éprouvé, un grand soula-
gement. — M. le maire de Fouilly-les-Oies en a été ravi et
en redemande autant de flacons qu'il sera possible de lui en
envoyer. Si vous ne le croyez pas, allez-y^ voir.
Généralement, on n'y va pas. On croit. Il ne vient
jamais à l'idée de personne que des guérisons attestées par
des autorités si respectables puissent être imaginées pour les
besoins de la réclame. Et puis, pourquoi ne trouverait-on
pas un secret pour calmer les nerfs irrités ? La science n'a
pas probablement dit son dernier mot, et l'on a eu beau se
moquer de la moutarde blanche et de la douce Revalescière,
ces médicaments maltraités n'en sont pas moins demandés
sur la place. On en consomme beaucoup. Pourquoi n'essaye-
rait-on pas dé l'eau Bâër? Baër, d'ailleurs, ne vous prend pas
en traître. Il ne vous force pas' de le croire sur parole. « Es-
sayez », dit-il, essayez d'abord. Vous m'en direz de bonnes
nouvelles. Ainsi parlait l'épicier légendaire offrant ses bâ-
tons de réglisse aux bons gendarmes enrhumés. — Essayez
donc, reniflez-moi cela. D'ailleurs cela ne coûte que cin-
quante sols. Et voilà le drôle, c'est qu'il paraît qu'avec ses'
flacons d'essai et ces cinquante sols souvent répétés, Baër
aurait gagné quelque chose comme un million. Un million,
cela vous donne une idée du nombre de gens nerveux qui
s'agitent en France. Étonnez-vous donc, après cela, qu'il s'y
fasse tant de révolutions.
Baër n'est pourtant pas médecin, mon Dieu, non ; simple
chimiste^ chimiste modeste et bienfaisant. D'origine bava- ■
roise, naturalisé, il à servi aux ambulances pendant la guerre,
et c'est ainsi qu'il fut décoré. Mais son amour de l'humanité
l'inspira, la paix étant faite. C'est alors qu'il inventa son eau
antinévralgique. Cela se vendit bien et, giàce à ce merveil-
leux remède, les pharmaciens dépositaires firent des affaires
excellentes. Très-peu d'entre eux eurent l'idée de s'inquié-
ter de ce que pouvait bien contenir cette préparation ma-
gique. A quoi bon, puisque cela se vendait. D'ailleurs; ras^
sur<.z-vous, elle ne contenait absolument rien de contraire à
la santé.
Le parquet, assez curieux de sa nature, voulut un jour
savoir ce que l'eau Baër pouvait bien être. M. le docteur
Bergeron fut chargé de l'analyser, et voici ce qu'ily trouva:
du tabac, de l'alcool et de l'indigo. La formule découverte,
il s'agissait de savoir quelle influence bienfaisante ce mélange
pouvait bien exercer sur des nerfs malades. Il faut dire que
la réponse fut difficile. Cela ne faisait pas de mal, évidem-
ment; les pilules de mie de pain sont tout aussi innocentes.
Mais cela ne faisait pas de bien non plus, et il en résultait
que les pauvres malades perdaient à la fois leur temps et
leurs cinquante sols. Les fanatiques, ceux qui dédaignaient
le flacon d'essai, et faisaient les choses carrément, payaient
leur flacon 4 francs et n'en étaient pas plus avancés.
Le parquet a vu là un véritable délit d'escroquerie et le
chimiste Baër a été appelé à expliquer son affaire en police
correctionnelle. 11 n'y a pas brillé. Le rapport du docteur
Bergeron et le témoignage de quelques pharmaciens n'étaient
pas "faits pour lui donner de l'aplomb. Son avocat, M" La-
chaud, en a eu plus que lui. « Après tout, a dit M° Lacliaud,
il v a dss gens qui se sont trouvés très-bien de l'eau anti-
névralgique. Pourquoi le diraient-ils, si ce n'était pas vrai.
Ehfmon Dieu! rien n'est plus vrai, vous le voyez bien. Mais
c'est plutôt l'imagination qui agit en certains cas. Pour guérir
certains malades, il suffit souvent de leur persuader qu'ils
sont guéris. Cela n'est plus à démontrer; du reste, les crises
nerveuses, les migraines finissent toujours par se dissiper ;
quelle chance pour Baër quand elles se dissipent au moment
où l'on -vient de renifler son eau ! — Post hoc, crgo prop-
ler hoc, —pouvait-il s'écrier!
Baër a été condamné à un mois de prison; mais son mil-
lion lui reste. C'est toujours cela.
La cour d'assises de la Gironde en a fini avec le crime de
Lormont. Vous savez ce que c'est : un pauvre jeune homme,
nommé Méry, serrurier de son état, passant par Bordeaux,
eut le malheur d'y rencontrer une fille, Juliette Garnicr, créa-
ture de la pire espèce, qu'il avait connue dans son pays, et
avec laquelle il renouvela connaissance.
Cette Juliette avait d'autres amours. Elle connaissait entre
autres un nommé Pascal, lequel connaissait un individu sur-
nommé le Manchot, et tous quatre allèrent déjeuner dans
une auberge. Méry paya la dépense. Il ouvrit son porte-
monnaio où se trouvaient quelques pièces d'or. Cotte vue
alluma la cons'ûitise des misérables, et tous trois, Pascal, lo
Manchot et Juliette, allèrent attendre Méry sur le chemin fie
Lormont, où il devait passer. Juliette l'appela. Méry répon-
dit à son appel, et tandis qu'il parlait à la fille, le Manchot
l'assomma par derrière d'un seul coup, après quoi Pascal lui
coupa la gorge. Juliette s'enfuit épouvantée. Pascal et lo
Manchot se partagèrent la bourse de leur malheureuse vic-
time. Elle contenait 40 francs! Juliette n'eut rien de cette
prise.
Tels sont les faits que nous pouvons rapporter exactement,
car ils résultent des aveux des coupables, après leur con-
damnation. Au cours des'débats, Juliette et Pascalont tout
nié comme de beaux diables. Juliette avait tout révélé.
"Plus tard, elle était revenue sur ses déclarations dont l'exac-
titude avait pourtant été prouvée. Mais le jury, suffisamment
édifié, a déclaré les trois accusés coupables. Pascal, instiga-
teur du crime, a été condamné à mort. Le Manchot et Ju-
liette, aux travaux forcés à perpétuité.
Juliette a voulu sauver la tête de Pascal. C'est probable-
ment sur ses invitations que celui-ci s'est décidé à avouer ce
que nous avons dit. Juliette est revenue à la vérité et le
sombre mystère que ses dénégations'obstinées avaient encore
épaissi est maintenant dévoilé. La conscience des jurés peut
dormir en repos.
Il paraîtrait môme qu'une instruction nouvelle serait ou-
verte contre un individu qui avait bénéficié d'un arrêt de
non-lieu. Nous verrons: bien si cette affaire-doit avoir des
suites.'
La première chambre du tribunal correctionnel'de la Seine
vient d'être saisie d'un cas assez curieux, peu ordinaire, et,
jusqu'à un certain point,, romanesque. Un vieillard de
soixante-treize ans, le docteur Morisson, a voulu épouser
sa maîtresse, Mm" de Lozenski. Les enfants du docteur ont
fait opposition à ce mariage, et avant que la question ait pu
être vidée, le docteur amoureux est'mort.
Cela né faisait pas ^affaire de Mra 0 de Lozenski dont voici
l'histoire :
Mm" de Lozenski était veuve d'un employé de la Compa-
gnie de Lyon. Elle avait élé mariée huit ans. Elle se trouvait
sans ressources, avec une petite fille de quatre ans à élever.
Habituée à un bien-être, à un luxe relatifs, Mlm! de Lozenski,
condamnée dès lors aux privations les plus dures, dut trouver
cette situation singulièrement pénible. Elle tâcha d'en sortir.
Elle y parvint. Le docteur Morisson avait soigné son mari
dans sa dernière maladie. II avait remarqué la belle veuve.
Des relations s'établirent entre eux. M 1" 8 de Lozenski entra
comme intendante chez M. Morisson, y devint la servante
maîtresse. Une fille naquit de ces rapports intimes. Lé doc-
teur, qui était resté veur avoc quatre enlants, avait l'inten-
tion, dans les derniers jours de sa vie, de légitimer, par un
mariage, Je fruit de ses amours arriérées. •
L'opposition formée par ses enfants légitimes, puis la
mort, l'empêchèrent de réaliser ce projet. Et voilà pourquoi
Mn" de Lozenski, se trouvant lésée; avait formé contre les
héritiers Morisson une demande en dommages et intérêts:
« En effet, disait-elle, sans cette maudite opposition, qui a
tout retardé, qui n'a pu être vidée en temps'opportun, mon'
mariage avec le docteur Morisson serait accompli, ma fille
serait légitimée; elle aurait droit à une part dans la succes-
sion du défunt. Donc le préjudice que j'éprouve me vient
des enfants Morisson ; donc ils me doivent un dédommage-
ment, et ce dédommagement, c'est à la justice civile que'je
•le demande. «Ainsi parlait Mmo de Lozenski, par l'organe de.
son avocat, Me Bonnet.
Mais il faut dire que M« Eugène Baratin~avocat des enfants
Morisson, n'a pas eu non plus, comme on dit, la langue dans
sa poche. Il a-fait descendre M'" 0 de Lozenski du « piédestal »
où elle s'était posée imprudemment. « De quoi vient nous
parler celte veuve ? a demandé Me Baratin. Qu'est-ce qu'elle
nous chante de sa position sociale, de ses habitudes d'ai-
sance, de ses sacrifices ? Son mari était un pauvre petit
employé qui est mort à l'hôpital. Elle est entrée chez le doc-
teur en qualité de domestique, rien de plus. Elle était belle,
soit, adroite, je ne dis pas non, et la preuve, c'est ce qui est
arrivé. La maison où elle est entrée était opulente; elle l'a
laissée à peu près vide. Elle s'est fait reconnaître, parle trop
faible et complaisant docteur, un apport de 4 0,000 ' francs,
qui n'a jamais existé. Quant aux enfants légitimes, ils n'ont
pas même pu toucher leurs dots. » Il y a donc lieu, selon
M" Baratin, de repousser l'action intentée par M'" 8 de Lo-
zenski.
C'a été aussi l'avis de M. le substitut Laval. « Bien ne
prouve, a-t-il dit, quo lo docteur eût persévéré dans ses
projets de mariage, môme en l'absence de tonte opposition.
Supposons, a ajouté M. lo substitut, supposons quo M. le
docteur Morisson eût éfé écrasé pur une voiture. Cela pou-
vait arriver. M"' 0 de Lozenski eût-elle été fondée à attaquer 1
le cocher ou le propriétaire du carrosse? » I
Conformément à ces conclusions, le tribunal a déboulé 9
M" 10 do Lozenski de sa demande. L'affaire reviendra en
appel, n'en, doutez pas.
Un philosophe a dit : «Ce qu'il y a de meilleur, dqns
l'homme, c'estile chien.» Cela peut être vrai, à la condition
que le .chien ne sera pas enragé. Rapprochons ce dicton de
celui-ci: «Les enfants sont le bonheur et la joie des parents. »
Encore très-vrai, à la condition que les enfants seront hon-
nêtes, sages, rangés, attachés à leurs devoirs ; à la condition
que l'enfant, si c'est un garçon, travaillera, ne fera pas de
dettes, ne ruinera pas'son père, n'aura pas de maîtresses
qui l'entraîneront dans le désordre, et le pousseront mémo
au crime ; à la Condition, si c'est une fille, que celle-ci res-
tera chaste et pudique, ne quittera pas un jour le toit pater-
nel pour suivre quelque "godelureau qui la déshonorera,
l'abandonnera, la livrera à l'ignominie et à la misère! Ah!
les belles années que les premières-années de l'enfance sou-
riante! que c'est joli un ange aux cheveux blonds, aux yeux
bleus, qui vous jette autour du cou ses petits bras blancs et
potelés! quel contentement, quelle joie ineffable au toit du
père, et avec quelle ivresse il bénit le jour où lui est né le
doux chérubin !
Oui, mais bientôt l'enfant grandit. Le gentil gamin se
développe et devient parfois un affreux garnement. Lacenairo :
était charmant à l'âge de cinq ans. La gamine atteint l'âge !
nubile, et alors tout change. C'est l'époque critique. Le coeur
s'éveille, l'imagination s'échauffe, un moment d'égarement
suffit pour perdre une vierge, et alors... Demandez à la fille
Angèle Godard où sont les bonnes et paisibles journées
qu'elle a passées à l'école et à l'atelier. Angèle Godard a foui
oublié. Revenue chez ses parents, qui, pauvres cultivateurs,
n'avaient guère le temps de la surveiller, elle s'est aban-
donnée à la séduction irrésistible qu'exerçait sur elle la vue
d'un guerrier français, aux charmes du pantalon garance et
du galon. Elle connut un caporal, puis un sergent, plus un
certain nombre d'autres sous-officiers. On ajoute qu'elle
ne dédaigna pas même les simples voltigeurs. Un beau
jour elle se trouva enceinte, et elle tua son enfant.
Angèle Godard avait quitté' la maison paternelle, était
arrivée à Paris, s'était présentée pour accoucher à la Clinique,
où l'on ne put la recevoir, faute de place. On se borna a
l'adresser à une sage-femme, qui la délivra. Cette sage-
femme remarqua qu'Angèle serrait avec violence-son enfant
contre son sein, et elle crut devoir par prudence séparer
l'enfant de celte mère trop nerveuse. La sage-feinmo se
méfiait, non sans raison, Angèle n'ayant apporté avec elle ni
argent ni layette. Quoi qu'il en soit, la première fois que
l'occasion se représenta pour elle de reprendre sa petite fille
sur ses bras, elle l'étouffa, « parce qu'on lui avait assuré,
a-t-elle dit, qu'elle ne serait pas poursuivie ».
. Mais voilà Angèle en cour d'assises. Elle pleure, elle se
repent ; sa jeunesse attendrit l'auditoire. La douleur de son
père porte l'émotion au comble. Le père est venu de Dreux
pour atténuer par sa déclaration l'horreur du crime. « Sa
fille, a-t-il affirmé, lui a renvoyé en cachette une layollo
fabriquée par elle avec du vieux linge, preuve que son inten-
tion première était bien d'élever son enfant. »
La circonstance de préméditation a été en effet écarléo
par le jury, et les circonstances atténuantes ont été accordées.
Avec tout cela, Angèle n'en a pas moins été condamnéo à
six ans de réclusion. Hélas ! où sont les jours heureux où la
bambine sautillait heureuse dans les champs, où le vieux
père, souriait à ses ébats, et faisait des rêves 1
A vous, messieurs les pharmaciens !.
. Il faudrait pourtant prendre garde. Vous tenez notre vie
dans vos mains, et vous possédez dans vos officines de quoi
détruire des populations entières. Vous avez, renfermés dans
vos bocaux, des poisons dont il no faut, pas abuser et faciles
à confondre avec des substances inoffensives. Qu'une erreur
se produise, qu'un commis étourdi se trompe en collant ses
étiquettes ou en garnissant les susdits bocaux, et vous allez
voir ce-qui peut advenir d'une pareille bévue.
'• M. Gérard expose les faits : sa femme était malade; son
médecin lui avait ordonné du phosphate de soude, soit dix
paquets de un gramme chacun. M. Gérard fit porter l'ordon-
nance chez M. Léon Vieillard, pharmacien, rue Turbigo, 2.
Là se trouvait l'élève do M. Vieillard, lo sieur Chevalier, qui,
puisant dans un bocal, remit au commissionnaire les paquets
demandés. M"" 1 Gérard, le lendemain, ayant pris un de ces
paquets mélangé dans du lait, éprouva immédiatement les
symptômes d'un violent empoisonnement. Les docteurs l)us-
seris et Dupouy lo constateront. On alla aux renseignement
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