Titre : L'Univers illustré
Éditeur : Lévy (Paris)
Date d'édition : 1884-07-26
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328854407
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 16744 Nombre total de vues : 16744
Description : 26 juillet 1884 26 juillet 1884
Description : 1884/07/26 (A27,N1531). 1884/07/26 (A27,N1531).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k57353552
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2956
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
hlk
L UNIVERS ILLUSTRÉ.:
ALPIIONSE HIRSCII
Nous ne laisserons point partir sans un adieu ému notre
ami Alphonse Hirsch, dont la mort prématurée vient de sur-
prendre et d'attrister le monde des arts. Ce n'était pas seu- /
lement un peintre distingué, un portraitiste de beaucoup de
talent et. de beaucoup d'avenir encore, bien qu'il eût dépassé
la première jeunesse; c'était une des figures connues et
aimées de cette société parisienne si raffinée, un des plus
aimables et des plus choyés de ce groupe choisi, où les
peintres, les sculpteurs, les musiciens, les poètes et les ro-
manciers à la mode se rencontrent et se jugent; on y goûtait
son esprit tout primesautier, le tour ingénieux de ses saillies,
ses connaissances en matière d'art doublées d'un instinct si
sûr, la verve de ses récits, la malice piquante de ses juge-
ments; dans ces réunions intimes, comme dans les salons
mondains, on accordait volontiers une large place à l'expan-
sion de cette riche et abondante nature.
Il était Parisien, et bien de Paris. Né en 1 843, il avait de
bonne heure perdu son père, et il était le plus jeune d'une
famille qui avait été nombreuse/Bien qu'un de ses frères,
Èmilelîirsch, actuellement peintre verrier très estimé, étudiât
alors la peinture; bien que son frère aîné, Gaston Hirsch,
connu aujourd'hui dans le monde des théâtres, s'occupât
également de beaux-arts, Alphonse Hirsch ne songea que
fort tard à suivre Une voie analogue, et il entra chez un
agent de change. Mais déjà, et du temps même où il était
écolier, les gravures, les dessins, les objets d'art le passion-
naient; on le trouvait toujours au Louvre ou sur les quais. 11
découvrait déjà, avec un flair singulier, les eaux-fortes de
valeur, alors peu recherchées, les toiles non signées qui ré'
vêlaient un peintre de mérite. Il ne prévoyait pas qu'un jour
sa collection compterait des Ingres et des Delacroix.
La Bourse ne devait pas tarder à lui déplaire, et le natu^
rel prit le dessus. A l'âge où la pleineliberlé estsi attrayante,
vers vingt-quatre ans, on vit ce garçon si séduisant, de
figure si avantageuse, si insouciant d'apparence, disparaître
de la corbeille, s'enfermer dans une modeste chambrelle ou
dans les galeries du Louvre, dessiner, peindre, copier le
modèle vivant ou la nature morte, apprendre à la fois tout
ce qu'il ignorait, sans direction ni leçons, tâtonner, recom-
mencer ses essais, avec une peisévérance d'autant plus méri-
toire qu'il était mieux capable devoir quelle dislance lo sé-
parait du but.
D'heureux hasards, favorisés par la conformité des goûts
et des espérances, le mirent àèi lors en relation d'amitié
étroite et durable avec les m-illeurs de nos jeunes peintres,
el lui firent connaître aussi le plus éminent des maîtres de
ce temps, Meissonier. Celui-ci consentit à lui donner ses
conseils. Hirsch quitta Parispour Poissyet s'installa à proxi-
mité du maître, qui avait là son logis et son atelier ordinaires.
Combien une telle direction eût élé féconde si elle avait
duré! La guerre éclata. Il fallut rentrer dans Paris. Hirsch
laissa ses pinceaux et ses toiles, et s'engagea.
Nous le trouvons tour à tour en garnison à Vincennes,
attaché au service des munitions à l'Hôtel de Ville, lieute-
nant dans l'état-major de la gardo nationale; dans la soirée
du 31 octobre, enfermé à la ville, il est chargé de donner
avis au gouverneur de Paris de la situation des membres du
gouvernement et parvient à traverser le flot des iusurgés
pour remplir sa périlleuse mission. Nous le voyons attaché
au général Tripier, puis aux ordres de Viollet-le-Duc, puis à
la disposition d'Alphand, alors colonel de la légion du génie.
Il faut à Hirsch des missions de confiance et des difficultés à
tout prix. Le danger le charme et l'enivre. 11 ne quitte plus
l'uniforme, il descend à peine de cheval; avec Leloir, avec
Vibert, avec Berne-Bellecour, avec Détaille et tant, d'autres
artistes de coeur, qui tous ont bravé la balle dont Regnault
est mort, il assiste aux épisodes les plus dramatiques du
siège; il est à Pantin, à Bobigny, à Champigny, à Buzenval;
il cherche avec Clairin le cadavre de Regnault, leur ami
commun. H prend, d'un style rapide et vif, des notes sur les
événements auxqueh il est mêlé, et ces notes cursives ont
la netteté et la vie d'un croquis de Détaille.
Le siège fini, il s'empressa de retourner à Poissy, où les
Prussiens avaient occupé, c'est-à-dire dévasté son atelier.
Il ail nt se remettre au travail quand la Commune lui fit re-
prendre son uniforme et ses galons. Il se rendit à Versailles
el entra l'un des premiers dans Paris, lors de la bataille de
mai. Enfin il put revenir à la peinture. Un maître qui était
en même temps un ami dévoué, Jjonnat, lui donna de précieux
avis et ne contribua pas peu à lui faire abandonner pour lo
portrait, la peinture de genre, où il n'avait pas montré une
suivante personnalité. Hirsch, en effet, avait plutôt le sen-
limenl exact de la réalité et la vue pénétrante de la physio-
nomie humaine que l'imagination créatrice et l'art do grou-
per les personnage?. Dans le portrait, il arrivait à la ressem-
blance parfaite, avec des clartés de ton et des hardiesses de
pinceau qui lo rapprochent à la fois des maîtres anciens et
des novateurs. 11 essaya, des premiers, la nouveauté des
portraits en plein air et se fit remarquer par des oeuvres
très intéressantes qui ne méritaient pas l'inattention du jury
de peinture, et dont quelques-unes figurent avec honneur
dans des collections particulières.
De 1871 à 1880, il a successivement exposé des tableaux
de genre dont les meneurs sont : la Jeune femme soule-
vant un rideau, le Premier-né, les Femmes à la vasque,
le Modèle, le Premier trouble, sans compter le Soldat prus-
sien dans un fauteuil, excellente toile qu'on n'osa placer
sous les yeux du public. Parmi ses portraits, il faut citer
ceux de Mmo Hirsch mère, un pur chef-d'oeuvre de finesse
et de vérité savante, (YEugène Manuel, son beau-frère, du
grand Rabbin de France Jsidori d'Octave Feuillet;
i'Alfred Naquel, de Paul Le'vy; et, parmi les petits por-
traits sur panneau, dont il était tenté dé se faire une spé-
cialité, les têtes si délicatement étudiées A'Ernest Daudetj
à'Albert Méràt, de Bing, de Lelerrier, des Enfants de
Mme JudiCj etc.
Cependant, il faut bien le dire, chez cet artiste si bien doué,
si intelligent, si laborieux, si exact et si sincère, les facultés
étaient supérieures à l'exécution. Le Champ de la pensée
était illimité; celui de l'application était restreint, il con-
cevait vite et achevait lentement; il voyait avec une déses-
pérante clairvoyance ce qu'il fallait faire, et il se heurtait à
cent obstacles; des dons naturels très remarquables lui per-
mettaient dé disserter à fond sur tous les secrets clé l'art,
et l'insuffisance des études premières entravait la mise en
pratique des plus lumineuses théories. Il avait, outra ses
qualités natives, acquis dans la fréquentation des peintres
de toute école, de Meissonier à Manet, dans la vie d'atelier,
dans les entretiens d'esprit très divers et très originaux, une
variété, une sûreté de vues, une liberté d'opinions, une vi-
vacité de langage et une int nsité d'expression qui, s'il
avait, à un certain moment de sa carrière et avec des
études classiques plus complètes, abandonné le pinceau pour
la plume, auraient peut-être fait de lui un des premiers cri-
tiques d'art de ce temps. Les amateurs et les connaisseurs
les plus délicats, en quelque genre que ce fût, avaient à
profiter dans ses entreliens et restaient surpris de ce qu'il
avait de profondeur et de pénétration dans ses jugements,
de goût impeccable dans ses préférences; il avait surtout
étudié l'art, encore mal compris avant lui, de l'extrême
Orient, et les objets japonais qu'il a su réunir sont parmi
les plus merveilleux qu'il y ait à Paris.
Mais il ne s'était pas assez exercé à écrire, et toute cette
science, tout ce goût se dépensaient en ardentes et intaris-
sables conversations, en décisions nettes et viveSj en juge-
monts sans appel. En définitive, il était peintre, il voulait
l'être, il brûlait de suivre et d'atteindre ses amis heureux,
déjà célèbres pour la plupart; il les reconnaissait supérieurs
à lui et se croyait pourtant en mesure do parvenir comme
eux à la renommée.
Alors se livra en lui, avec la conscience obscure d'une
impuissance relative et l'amertume des premières défaites,
celle bataille Iragique pour la gloire qui use à la longue les
plus vaillantes natures et qui fait, en France surtout, tant do
vaincus et de victimes. Hirsch, malgré les succès du monde
qui venaient le distraire, malgré les joies du collectionneur
qui sont, dit-on, les plus vives de toutes, a éprouvé peu à
peu cette douleur intime d'entrevoir l'idéal sans pouvoir le
saisir, et, avec le sentiment oxquisdetoulesles conditions de
l'art, d'être impuissant à les reproduire telles qu'il les conce-
vait. Lui, si bien armé pour la critique, il se trouvait comme
désarmé devant sa toile el sa palette. A chaque. Salon, ses
tableaux, ses portraits étaient l'objet d'encouragements qui
l'exaspéraient. On eût dit qu'on lui faisait payer par une
demi-indifférence ou un dédain affecté les jugements tropsûrs
et trop décisifs qu'il portait sur les oeuvres d'autrui.Lccritiquo
faisait tort au peintre. Il aurait aimé qu'on le jugeât, rpi'on
le discutât lui-môme; il av*il des qualités ré'-lies, dont il
avait conscience, et qu'on lui marchai) lait.. La méiaille,
souhaitée, méritée largement, n'arrivait pas. C'était un mé-
compte cruel pour un artiste qui se sentait, par tant de
côtés, supérieur à la banalité qu'on récompense.
l'our oublier, il continua de se dépenser, de se surmener,
rie vivie par les satisfactions que le monde lui accordait si
libéralement. 11 était par'out où il y avait de l'esprit à faire,
de la gaieté à répandre, de l'enthousiasme à prodiguer. Il
était au théâtre, et a la mer, parlait roman avec D.mdel, et de
Concourt, musique avecGounod el Massent;!, critique (l'ait
avecWolffelBurty,loiijoursdévoué àses amis, lodoulédcsmé-
diocres, bon, rmis irritable, élincelant, exubérant, ivre de
ses idées et de ses convictions. Il fut heureux de cette
façon ; il le fut encore davantage quand il se maria dans la
plus honorable famille, quand il eut une femme charmante
el deux ravissants enfants; quand, dans cet hôtel construit
avec tant de soinet d'amour, il put disposer sa collection,
ses tableaux, ses- meubles, ses livres, ses bronzes, ses
ivoires et ses laques. Il les- cataloguait avec le ravissement
d'un poète et la sûreté d'un expert, quand il ressentit les
premières atteintes du mal nerveux qui devait l'emporter.
Lui aussi a succombé aux surexcitations de la vie à ou-
trance, aux émotions débordantes de la lu'te aux efforts du
travail, aux déceptions inavouées, à celte rupture qui se
fait dans l'être humain tout entier, quand il y a dispropor-
tion entre ce qu'il rêve et ce qu'il exécute, et quand il res-
sent trop vivement cette défaillance finale. C'est l'his-
toire de beaucoup d'artistes de cette fin de siècle : c'est
un peu celle du pauvre Alphonse Hirsch : il avait les
plus rares facultés, il avait obtenu les plus enviables satis-
factions i.il lui a manqué quelque chose, un sourire de plus
de la renommée, un rien peut-être, pour lui permettre de
se contenter de son lot, de réagir contre la maladie et do
vivre heureux. Il est entré drns le repos que son labeur
ardent et sacré a si bien mérité; mais que de douleurs il
laisse derrière lui I
CH. FRANK.
m PERSE
La marche des Russes en Asie, qui n'est pas sans donner
à la Perse de légitimes inquiétudes, nous a engagé à donner
les quelques vues de ce pays que nous publions aujourd'hui,
et au sujet desquelles voici des explications sommaires.
Schiraz ou Chiraz, chef-lieu de la province de Fsrsistan,
est à 333 kilomètres au sud d'Ispahan. Celte ville, si-
tuée au milieu d'une belle et riche plaine, est la troisième
de la Perse. Dans son enceinte, qui embrasse une assez
grande étendue de territoire cultivé, elle renferme trenlo
mosquées, de nombreux medressehs ou collèges, de vastes
bazars, et, comme toutes les villes importantes de l'Orient,
de splendides établissements de bains. On y voit le tombeau
d'ITanV, le plus grand poète de la Perse.
Téhéran , capitale du royaume, s'élève dans une plaine
sablonneuse, au pied du mont Elbourz. Sa forme est celle
d'un rectangle ; elle est entourée de fossés et d'épaisses mu-
railles flanquées de tours. On y entre par quatre portes.
A l'intérieur de la ville, on trouve des rues irrégulières et
étroites, des maisons basses, un grand nombre de magni-
fiques jardins, des bazars, le palais du s chah et d'autres
édifices qui donnent un aspect imposant et moderne. Le pa-
lais du schah, do forme quadrangulaire, bien foitifié pour lo
pays, domino de vastes bâtiments et de superbes jardins.
La ville d'Ispahan, ancienne jourd'hui en partio déserte, et les murs en terre qui for-
maient l'enceinte s'écroulent en bien des endroits; mais elle
est encore très curieuse à visiter. La plupart des voies pu-
bliques conduisent au centre de la ville et débouchent sur
la place royale ou Meïdan-i-Schah, dont nous donnons la
vue. C'est le plus beau quartier d'Ispahan. Celte place, a
écrit M. Flandin, l'une des plus spacieuses du monde, a pour
plan un vaste rectangle, à l'intérieur duquel est inscrit un
aulre rectangle, dont le périrc.ètre est donné par 'a ligne
continue d'un canal d'eau vive. Entre ce canal et les édifices
s'élevaient autrefois de magnifiques platanes; mais, abattus
pour servir d'affûts de canons, ils n'ont pas été replantés.
En temps ordinaire, la plus grande partie deMeïdan-i-Schah
est occupée par de* marchands forains, des derviches qui
prêchent, des médecins, etc. C'est sur celle même place quo
s'élève la grande mosquée d'Ispahan.
II. ViïRNOY.
COURRIER DU PALAIS
l.e peintre et le tapissier. — I es amours d'un conseiller. — M. Dnvergior
et l'abbe Sallard. — Deux conseils judiciaires, pèro et fils. — Lo testa-
ment d'une centenaire. — Un directeur de la Renaissance.
A ceux qui oseraient, dire devant lui que les bourgeois,
les négociants, les marchands, les hommes « positifs », n'ai-
ment pas les arts et font fi des artistes, le tapissier Séguin
répondrait par un énergique démenti ; mieux que cela, par
son exemple, à lui, Séguin, tapissier. Lui, no pas aimer les
arts, lui mépriser les artistes, lui faire <\ do leurs oeuvies,
allons donc! Nul, au contraire, ne les apprécie plus que lui.
Oh, vous le trouverez toujours disposé à acceplor un tableau
de maître en échange d'un meuble de salle à manger ou de
salon, fût-il en vieux chêne, en palissandre ou en bois de
L UNIVERS ILLUSTRÉ.:
ALPIIONSE HIRSCII
Nous ne laisserons point partir sans un adieu ému notre
ami Alphonse Hirsch, dont la mort prématurée vient de sur-
prendre et d'attrister le monde des arts. Ce n'était pas seu- /
lement un peintre distingué, un portraitiste de beaucoup de
talent et. de beaucoup d'avenir encore, bien qu'il eût dépassé
la première jeunesse; c'était une des figures connues et
aimées de cette société parisienne si raffinée, un des plus
aimables et des plus choyés de ce groupe choisi, où les
peintres, les sculpteurs, les musiciens, les poètes et les ro-
manciers à la mode se rencontrent et se jugent; on y goûtait
son esprit tout primesautier, le tour ingénieux de ses saillies,
ses connaissances en matière d'art doublées d'un instinct si
sûr, la verve de ses récits, la malice piquante de ses juge-
ments; dans ces réunions intimes, comme dans les salons
mondains, on accordait volontiers une large place à l'expan-
sion de cette riche et abondante nature.
Il était Parisien, et bien de Paris. Né en 1 843, il avait de
bonne heure perdu son père, et il était le plus jeune d'une
famille qui avait été nombreuse/Bien qu'un de ses frères,
Èmilelîirsch, actuellement peintre verrier très estimé, étudiât
alors la peinture; bien que son frère aîné, Gaston Hirsch,
connu aujourd'hui dans le monde des théâtres, s'occupât
également de beaux-arts, Alphonse Hirsch ne songea que
fort tard à suivre Une voie analogue, et il entra chez un
agent de change. Mais déjà, et du temps même où il était
écolier, les gravures, les dessins, les objets d'art le passion-
naient; on le trouvait toujours au Louvre ou sur les quais. 11
découvrait déjà, avec un flair singulier, les eaux-fortes de
valeur, alors peu recherchées, les toiles non signées qui ré'
vêlaient un peintre de mérite. Il ne prévoyait pas qu'un jour
sa collection compterait des Ingres et des Delacroix.
La Bourse ne devait pas tarder à lui déplaire, et le natu^
rel prit le dessus. A l'âge où la pleineliberlé estsi attrayante,
vers vingt-quatre ans, on vit ce garçon si séduisant, de
figure si avantageuse, si insouciant d'apparence, disparaître
de la corbeille, s'enfermer dans une modeste chambrelle ou
dans les galeries du Louvre, dessiner, peindre, copier le
modèle vivant ou la nature morte, apprendre à la fois tout
ce qu'il ignorait, sans direction ni leçons, tâtonner, recom-
mencer ses essais, avec une peisévérance d'autant plus méri-
toire qu'il était mieux capable devoir quelle dislance lo sé-
parait du but.
D'heureux hasards, favorisés par la conformité des goûts
et des espérances, le mirent àèi lors en relation d'amitié
étroite et durable avec les m-illeurs de nos jeunes peintres,
el lui firent connaître aussi le plus éminent des maîtres de
ce temps, Meissonier. Celui-ci consentit à lui donner ses
conseils. Hirsch quitta Parispour Poissyet s'installa à proxi-
mité du maître, qui avait là son logis et son atelier ordinaires.
Combien une telle direction eût élé féconde si elle avait
duré! La guerre éclata. Il fallut rentrer dans Paris. Hirsch
laissa ses pinceaux et ses toiles, et s'engagea.
Nous le trouvons tour à tour en garnison à Vincennes,
attaché au service des munitions à l'Hôtel de Ville, lieute-
nant dans l'état-major de la gardo nationale; dans la soirée
du 31 octobre, enfermé à la ville, il est chargé de donner
avis au gouverneur de Paris de la situation des membres du
gouvernement et parvient à traverser le flot des iusurgés
pour remplir sa périlleuse mission. Nous le voyons attaché
au général Tripier, puis aux ordres de Viollet-le-Duc, puis à
la disposition d'Alphand, alors colonel de la légion du génie.
Il faut à Hirsch des missions de confiance et des difficultés à
tout prix. Le danger le charme et l'enivre. 11 ne quitte plus
l'uniforme, il descend à peine de cheval; avec Leloir, avec
Vibert, avec Berne-Bellecour, avec Détaille et tant, d'autres
artistes de coeur, qui tous ont bravé la balle dont Regnault
est mort, il assiste aux épisodes les plus dramatiques du
siège; il est à Pantin, à Bobigny, à Champigny, à Buzenval;
il cherche avec Clairin le cadavre de Regnault, leur ami
commun. H prend, d'un style rapide et vif, des notes sur les
événements auxqueh il est mêlé, et ces notes cursives ont
la netteté et la vie d'un croquis de Détaille.
Le siège fini, il s'empressa de retourner à Poissy, où les
Prussiens avaient occupé, c'est-à-dire dévasté son atelier.
Il ail nt se remettre au travail quand la Commune lui fit re-
prendre son uniforme et ses galons. Il se rendit à Versailles
el entra l'un des premiers dans Paris, lors de la bataille de
mai. Enfin il put revenir à la peinture. Un maître qui était
en même temps un ami dévoué, Jjonnat, lui donna de précieux
avis et ne contribua pas peu à lui faire abandonner pour lo
portrait, la peinture de genre, où il n'avait pas montré une
suivante personnalité. Hirsch, en effet, avait plutôt le sen-
limenl exact de la réalité et la vue pénétrante de la physio-
nomie humaine que l'imagination créatrice et l'art do grou-
per les personnage?. Dans le portrait, il arrivait à la ressem-
blance parfaite, avec des clartés de ton et des hardiesses de
pinceau qui lo rapprochent à la fois des maîtres anciens et
des novateurs. 11 essaya, des premiers, la nouveauté des
portraits en plein air et se fit remarquer par des oeuvres
très intéressantes qui ne méritaient pas l'inattention du jury
de peinture, et dont quelques-unes figurent avec honneur
dans des collections particulières.
De 1871 à 1880, il a successivement exposé des tableaux
de genre dont les meneurs sont : la Jeune femme soule-
vant un rideau, le Premier-né, les Femmes à la vasque,
le Modèle, le Premier trouble, sans compter le Soldat prus-
sien dans un fauteuil, excellente toile qu'on n'osa placer
sous les yeux du public. Parmi ses portraits, il faut citer
ceux de Mmo Hirsch mère, un pur chef-d'oeuvre de finesse
et de vérité savante, (YEugène Manuel, son beau-frère, du
grand Rabbin de France Jsidori d'Octave Feuillet;
i'Alfred Naquel, de Paul Le'vy; et, parmi les petits por-
traits sur panneau, dont il était tenté dé se faire une spé-
cialité, les têtes si délicatement étudiées A'Ernest Daudetj
à'Albert Méràt, de Bing, de Lelerrier, des Enfants de
Mme JudiCj etc.
Cependant, il faut bien le dire, chez cet artiste si bien doué,
si intelligent, si laborieux, si exact et si sincère, les facultés
étaient supérieures à l'exécution. Le Champ de la pensée
était illimité; celui de l'application était restreint, il con-
cevait vite et achevait lentement; il voyait avec une déses-
pérante clairvoyance ce qu'il fallait faire, et il se heurtait à
cent obstacles; des dons naturels très remarquables lui per-
mettaient dé disserter à fond sur tous les secrets clé l'art,
et l'insuffisance des études premières entravait la mise en
pratique des plus lumineuses théories. Il avait, outra ses
qualités natives, acquis dans la fréquentation des peintres
de toute école, de Meissonier à Manet, dans la vie d'atelier,
dans les entretiens d'esprit très divers et très originaux, une
variété, une sûreté de vues, une liberté d'opinions, une vi-
vacité de langage et une int nsité d'expression qui, s'il
avait, à un certain moment de sa carrière et avec des
études classiques plus complètes, abandonné le pinceau pour
la plume, auraient peut-être fait de lui un des premiers cri-
tiques d'art de ce temps. Les amateurs et les connaisseurs
les plus délicats, en quelque genre que ce fût, avaient à
profiter dans ses entreliens et restaient surpris de ce qu'il
avait de profondeur et de pénétration dans ses jugements,
de goût impeccable dans ses préférences; il avait surtout
étudié l'art, encore mal compris avant lui, de l'extrême
Orient, et les objets japonais qu'il a su réunir sont parmi
les plus merveilleux qu'il y ait à Paris.
Mais il ne s'était pas assez exercé à écrire, et toute cette
science, tout ce goût se dépensaient en ardentes et intaris-
sables conversations, en décisions nettes et viveSj en juge-
monts sans appel. En définitive, il était peintre, il voulait
l'être, il brûlait de suivre et d'atteindre ses amis heureux,
déjà célèbres pour la plupart; il les reconnaissait supérieurs
à lui et se croyait pourtant en mesure do parvenir comme
eux à la renommée.
Alors se livra en lui, avec la conscience obscure d'une
impuissance relative et l'amertume des premières défaites,
celle bataille Iragique pour la gloire qui use à la longue les
plus vaillantes natures et qui fait, en France surtout, tant do
vaincus et de victimes. Hirsch, malgré les succès du monde
qui venaient le distraire, malgré les joies du collectionneur
qui sont, dit-on, les plus vives de toutes, a éprouvé peu à
peu cette douleur intime d'entrevoir l'idéal sans pouvoir le
saisir, et, avec le sentiment oxquisdetoulesles conditions de
l'art, d'être impuissant à les reproduire telles qu'il les conce-
vait. Lui, si bien armé pour la critique, il se trouvait comme
désarmé devant sa toile el sa palette. A chaque. Salon, ses
tableaux, ses portraits étaient l'objet d'encouragements qui
l'exaspéraient. On eût dit qu'on lui faisait payer par une
demi-indifférence ou un dédain affecté les jugements tropsûrs
et trop décisifs qu'il portait sur les oeuvres d'autrui.Lccritiquo
faisait tort au peintre. Il aurait aimé qu'on le jugeât, rpi'on
le discutât lui-môme; il av*il des qualités ré'-lies, dont il
avait conscience, et qu'on lui marchai) lait.. La méiaille,
souhaitée, méritée largement, n'arrivait pas. C'était un mé-
compte cruel pour un artiste qui se sentait, par tant de
côtés, supérieur à la banalité qu'on récompense.
l'our oublier, il continua de se dépenser, de se surmener,
rie vivie par les satisfactions que le monde lui accordait si
libéralement. 11 était par'out où il y avait de l'esprit à faire,
de la gaieté à répandre, de l'enthousiasme à prodiguer. Il
était au théâtre, et a la mer, parlait roman avec D.mdel, et de
Concourt, musique avecGounod el Massent;!, critique (l'ait
avecWolffelBurty,loiijoursdévoué àses amis, lodoulédcsmé-
diocres, bon, rmis irritable, élincelant, exubérant, ivre de
ses idées et de ses convictions. Il fut heureux de cette
façon ; il le fut encore davantage quand il se maria dans la
plus honorable famille, quand il eut une femme charmante
el deux ravissants enfants; quand, dans cet hôtel construit
avec tant de soinet d'amour, il put disposer sa collection,
ses tableaux, ses- meubles, ses livres, ses bronzes, ses
ivoires et ses laques. Il les- cataloguait avec le ravissement
d'un poète et la sûreté d'un expert, quand il ressentit les
premières atteintes du mal nerveux qui devait l'emporter.
Lui aussi a succombé aux surexcitations de la vie à ou-
trance, aux émotions débordantes de la lu'te aux efforts du
travail, aux déceptions inavouées, à celte rupture qui se
fait dans l'être humain tout entier, quand il y a dispropor-
tion entre ce qu'il rêve et ce qu'il exécute, et quand il res-
sent trop vivement cette défaillance finale. C'est l'his-
toire de beaucoup d'artistes de cette fin de siècle : c'est
un peu celle du pauvre Alphonse Hirsch : il avait les
plus rares facultés, il avait obtenu les plus enviables satis-
factions i.il lui a manqué quelque chose, un sourire de plus
de la renommée, un rien peut-être, pour lui permettre de
se contenter de son lot, de réagir contre la maladie et do
vivre heureux. Il est entré drns le repos que son labeur
ardent et sacré a si bien mérité; mais que de douleurs il
laisse derrière lui I
CH. FRANK.
m PERSE
La marche des Russes en Asie, qui n'est pas sans donner
à la Perse de légitimes inquiétudes, nous a engagé à donner
les quelques vues de ce pays que nous publions aujourd'hui,
et au sujet desquelles voici des explications sommaires.
Schiraz ou Chiraz, chef-lieu de la province de Fsrsistan,
est à 333 kilomètres au sud d'Ispahan. Celte ville, si-
tuée au milieu d'une belle et riche plaine, est la troisième
de la Perse. Dans son enceinte, qui embrasse une assez
grande étendue de territoire cultivé, elle renferme trenlo
mosquées, de nombreux medressehs ou collèges, de vastes
bazars, et, comme toutes les villes importantes de l'Orient,
de splendides établissements de bains. On y voit le tombeau
d'ITanV, le plus grand poète de la Perse.
Téhéran , capitale du royaume, s'élève dans une plaine
sablonneuse, au pied du mont Elbourz. Sa forme est celle
d'un rectangle ; elle est entourée de fossés et d'épaisses mu-
railles flanquées de tours. On y entre par quatre portes.
A l'intérieur de la ville, on trouve des rues irrégulières et
étroites, des maisons basses, un grand nombre de magni-
fiques jardins, des bazars, le palais du s chah et d'autres
édifices qui donnent un aspect imposant et moderne. Le pa-
lais du schah, do forme quadrangulaire, bien foitifié pour lo
pays, domino de vastes bâtiments et de superbes jardins.
La ville d'Ispahan, ancienne
maient l'enceinte s'écroulent en bien des endroits; mais elle
est encore très curieuse à visiter. La plupart des voies pu-
bliques conduisent au centre de la ville et débouchent sur
la place royale ou Meïdan-i-Schah, dont nous donnons la
vue. C'est le plus beau quartier d'Ispahan. Celte place, a
écrit M. Flandin, l'une des plus spacieuses du monde, a pour
plan un vaste rectangle, à l'intérieur duquel est inscrit un
aulre rectangle, dont le périrc.ètre est donné par 'a ligne
continue d'un canal d'eau vive. Entre ce canal et les édifices
s'élevaient autrefois de magnifiques platanes; mais, abattus
pour servir d'affûts de canons, ils n'ont pas été replantés.
En temps ordinaire, la plus grande partie deMeïdan-i-Schah
est occupée par de* marchands forains, des derviches qui
prêchent, des médecins, etc. C'est sur celle même place quo
s'élève la grande mosquée d'Ispahan.
II. ViïRNOY.
COURRIER DU PALAIS
l.e peintre et le tapissier. — I es amours d'un conseiller. — M. Dnvergior
et l'abbe Sallard. — Deux conseils judiciaires, pèro et fils. — Lo testa-
ment d'une centenaire. — Un directeur de la Renaissance.
A ceux qui oseraient, dire devant lui que les bourgeois,
les négociants, les marchands, les hommes « positifs », n'ai-
ment pas les arts et font fi des artistes, le tapissier Séguin
répondrait par un énergique démenti ; mieux que cela, par
son exemple, à lui, Séguin, tapissier. Lui, no pas aimer les
arts, lui mépriser les artistes, lui faire <\ do leurs oeuvies,
allons donc! Nul, au contraire, ne les apprécie plus que lui.
Oh, vous le trouverez toujours disposé à acceplor un tableau
de maître en échange d'un meuble de salle à manger ou de
salon, fût-il en vieux chêne, en palissandre ou en bois de
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