Presse et revues
32 pages
Titre : La Revue normande : littéraire & artistique : organe mensuel de l'Académie normande / directeur : Albert Hüe
Auteur : Académie normande. Auteur du texte
Éditeur : (Carentan)
Éditeur : Jacqueline fils, imprimeur (Saint-Lô)
Éditeur : Imprimerie de l'Académie normande (Carentan)
Éditeur : A. Colleville, imp. de l'Académie normande (Carentan)
Date d'édition : 1886-06
Contributeur : Hüe, Albert (1854-19..). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32860936r
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 2134 Nombre total de vues : 2134
Description : juin 1886 juin 1886
Description : 1886/06 (A4,VOL4,N6). 1886/06 (A4,VOL4,N6).
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Basse-Normandie
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5730547n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-48987
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/01/2011
— 181 —
d'un charmant corset de satin. Les globes d'une gorge neigeuse se
gonflaient avec violence, pour retomber plus calmes et plus volup-
tueux. Evidemment, il fallait un astre pour soulever cette phénomé-
nale marée de passion. Cet astre n'était autre que Jean Dix.
Un instant, des lèvres humides frémirent l'une contre l'autre...
Succédèrent quelques soupirs...
Puis, avec un rugissement sonore, un autre bruit moins senti-
mental, — la voix rauque et puissante de la locomotive annonçant
l'arrivée en gare, — vint précipitamment mettre un terme à l'intimité
de ce brûlant tête-à-tête...
Double fatalité !... Jean Dix, lui seul, descendit de voiture, tout
bouleversé, — sa voisine lui ayant annoncé dans le murmure d'un
dernier baiser, qu'elle allait, pour toujours, habiter Marseille, où
l'appelait un vieil oncle réclamant ses soins, et devant, à sa mort,
lui léguer son héritage.
De sorte que Jean Dix ne sut jamais pourquoi un nain boiteux
lui avait soustrait la palme de diamant que lui offrait Adamastor. •
Il se lança dans la carrière dramatique, où il se rendit ridicule, au
lieu d'utiliser sa verve pour la poésie,où il eût fait merveille, comme
il le dit plus tard, au crépuscule de sa vie. Aussi, il se repentit
chaque jour de n'avoir point songé à s'enquérir, lorsque l'occasion
s'en présentait, de la valeur réelle de ses talents. II devint morne et
méfiant, et pensa même raffolir. Son front ne tarda pas à blêmir ;
son nez se courba en une saillie oblique qui transmit à la physiono-
mie une espèce d'air de pessimiste; sa moustache prit une allure de
limace lassée qui retombe piteusement dans une ride écarlate de 1a
joue ; ses favoris mêmes, devenus blancs et descendant comme deux
pattes de lapin le longs des tempes, semblèrent annoncer visible-
ment l'état de décrépitude du pauvre poète photographe.
Un soir, Jean Dix voulut terminer ses affreux tourments. L'héri-
tage de son quatrième bisaïeul, trop éloquente défroque, lui repro-
chait sans cesse sa faute. Jean dix ne se pardonna point d'avoir,
pendant toute une vie, porté sur son dos criminel l'auguste manteau
d'une des célébrités du grand siècle littéraire de Louis. Il se dirigea
donc courageusement, au déclin d'un jour d'automne, vers le rivage
d'un lac voisin.
d'un charmant corset de satin. Les globes d'une gorge neigeuse se
gonflaient avec violence, pour retomber plus calmes et plus volup-
tueux. Evidemment, il fallait un astre pour soulever cette phénomé-
nale marée de passion. Cet astre n'était autre que Jean Dix.
Un instant, des lèvres humides frémirent l'une contre l'autre...
Succédèrent quelques soupirs...
Puis, avec un rugissement sonore, un autre bruit moins senti-
mental, — la voix rauque et puissante de la locomotive annonçant
l'arrivée en gare, — vint précipitamment mettre un terme à l'intimité
de ce brûlant tête-à-tête...
Double fatalité !... Jean Dix, lui seul, descendit de voiture, tout
bouleversé, — sa voisine lui ayant annoncé dans le murmure d'un
dernier baiser, qu'elle allait, pour toujours, habiter Marseille, où
l'appelait un vieil oncle réclamant ses soins, et devant, à sa mort,
lui léguer son héritage.
De sorte que Jean Dix ne sut jamais pourquoi un nain boiteux
lui avait soustrait la palme de diamant que lui offrait Adamastor. •
Il se lança dans la carrière dramatique, où il se rendit ridicule, au
lieu d'utiliser sa verve pour la poésie,où il eût fait merveille, comme
il le dit plus tard, au crépuscule de sa vie. Aussi, il se repentit
chaque jour de n'avoir point songé à s'enquérir, lorsque l'occasion
s'en présentait, de la valeur réelle de ses talents. II devint morne et
méfiant, et pensa même raffolir. Son front ne tarda pas à blêmir ;
son nez se courba en une saillie oblique qui transmit à la physiono-
mie une espèce d'air de pessimiste; sa moustache prit une allure de
limace lassée qui retombe piteusement dans une ride écarlate de 1a
joue ; ses favoris mêmes, devenus blancs et descendant comme deux
pattes de lapin le longs des tempes, semblèrent annoncer visible-
ment l'état de décrépitude du pauvre poète photographe.
Un soir, Jean Dix voulut terminer ses affreux tourments. L'héri-
tage de son quatrième bisaïeul, trop éloquente défroque, lui repro-
chait sans cesse sa faute. Jean dix ne se pardonna point d'avoir,
pendant toute une vie, porté sur son dos criminel l'auguste manteau
d'une des célébrités du grand siècle littéraire de Louis. Il se dirigea
donc courageusement, au déclin d'un jour d'automne, vers le rivage
d'un lac voisin.
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